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JUSTICE

Algérie : l’exil américain


de l’ancien ministre
Chakib Khelil menacé ?
RÉSERVÉ AUX ABONNÉS | 23 avril 2020 à 14h13 | Par Farid Alilat

Un document de la justice américaine


met en cause l’ex-ministre algérien de
l’Énergie, exilé aux États-Unis, dans
une affaire de corruption
internationale. Et pourrait permettre
à la justice algérienne de finalement
obtenir son extradition.

L’exil aux États-Unis de l’ancien ministre algérien de


l’Énergie, Chakib Khelil, est-il menacé maintenant
qu’un document officiel de la justice américaine le
met directement en cause dans une affaire de
corruption internationale ?

Les juges instructeurs de la Cour suprême algérienne,


qui ont déjà inculpé Khelil notamment pour «
blanchiment d’argent, transfert de biens obtenus par
des faits de corruption, abus de fonction volontaire »
(il a ensuite été blanchi, NDLR), disposent désormais
d’un argument supplémentaire pour réclamer son
extradition.

Le 17 avril dernier, à l’issue d’une enquête qui aura


duré six ans, la SEC (Securities and Exchange
Commission, le gendarme de la Bourse américaine) et
la compagnie pétrolière italienne ENI ont conclu un
accord à l’amiable au terme duquel cette dernière
accepte de payer 24,5 millions de dollars de
dommages et intérêts pour éviter des poursuites
judiciaires sur le sol américain.

Cette enquête de la SEC visait sept contrats de huit


milliards d’euros obtenus par Saipem (filiale d’ENI)
auprès du groupe algérien Sonatrach entre 2007 et
2010, période durant laquelle Chakib Khelil dirigeait
encore le ministère de l’Énergie.

Sociétés écrans
Pour faciliter l’obtention de ces marchés, il avait alors
imposé aux Italiens comme intermédiaire Farid
Bedjaoui, un homme d’affaires qu’il présentait, selon
le document de la SEC, comme son « assistant
personnel » ou encore comme « son propre fils ».  En
échange de ces services, Saipem a ainsi versé 198
millions d’euros de commissions à Farid Bedjaoui via
la société écran de celui-ci, Pearl Partners, domiciliée
à Hong-Kong.

Certes, Chakib Khelil n’a pas été nommément cité par


le gendarme de la Bourse américaine, mais les termes
avec lesquels il est désigné ne laisse aucun doute sur
son intérêt à imposer Farid Bedjaoui comme
facilitateur entre Saipem et Sonatrach.

À LIRE Algérie : Chakib Khelil, du hors-la-loi au


conférencier

« L’intermédiaire a redirigé au moins une partie de


cet argent, par le biais de sociétés écrans à des
fonctionnaires algériens ou à leurs délégués, y
compris le ministre de l’Énergie de l’époque », écrit le
mémorandum de la SEC.

Ami d’enfance de Bouteflika


C’est la première fois qu’un organisme fédéral
américain implique directement Chakib Khelil dans
cette affaire de corruption, pour laquelle il a été
inculpé en Algérie en 2013 avant qu’il ne soit blanchi
en 2017 par la justice de l’ancien régime.

L’intérêt de la justice américaine pour l’ami d’enfance


du président déchu Abdelaziz Bouteflika n’est pas
nouveau. Le FBI a collaboré auparavant avec des
enquêteurs algériens pour identifier les biens et les
avoirs de la famille Khelil aux États-Unis. Toutefois, ce
travail en commun a cessé à l’été 2013 sur ordre du
frère de l’ex-chef de l’État, Saïd Bouteflika, qui purge
actuellement une peine de 15 ans de prison.

À LIRE Algérie : retour sur les dernières heures


d’Abdelaziz Bouteflika au pouvoir

Les protections en haut lieu dont bénéficiait Khelil


ayant disparu avec la chute de l’ancien régime, les
juges de la Cour suprême pourraient solliciter des
magistrats américains dans le cadre d’une
commission rogatoire internationale.

Services non honorés


Il faut croire que le modus operandi des circuits de
corruption décrits par les commissaires de la SEC
dans le cadre de ces contrats à huit milliards d’euros
enfoncent encore davantage Khelil et son protégé
Bedjaoui, qui s’est réfugié aux Émirats pour échapper
à un mandat d’arrêt international.

En vertu de la convention signée le 17 octobre 2007


entre Saipem et Farid Bedjaoui, ce dernier s’était
engagé à aider la filiale d’ENI à identifier et à évaluer
les opportunités d’affaires en Algérie, l’assister dans
les processus d’appel d’offres, développer des
stratégies pour l’acquisition de contrats et fournir des
conseils et une assistance dans le cadre de leur
exécution.

À LIRE Corruption en Algérie : Chakib Khelil,


l’insaisissable

Or, aucun de ces services ou engagement n’a été


honoré par Bedjaoui, conclut la SEC. En fait,
l’intermédiaire n’était absolument pas outillé pour
fournir les services de consultation requis dans un
secteur aussi complexe et stratégique que celui de
l’énergie. Farid Bedjaoui ne possédait pas de bureaux
ou de personnel en Algérie. Son business se limitait à
un « bureau virtuel » à Genève, composé d’une seule
personne, ajoute la SEC.

Selon les témoignages recueillis par Jeune Afrique,


Farid Bedjaoui ne s’est jamais rendu en Algérie entre
2007 et 2010, date à laquelle il a fait décrocher ces
contrats à Saipem. Les négociations entre Bedjaoui,
Chakib Khelil et les dirigeants de la filiale se
déroulaient dans les suites des hôtels George V et
California, à Paris, ou à l’hôtel Bulgari de Milan, où
l’ancien ministre algérien avait ses habitudes.

Nouveau mandat d’arrêt ?


En fuite aux États-Unis depuis avril 2019, Chakib
Khelil, 80 ans, ne dispose pas de la nationalité
américaine, qui pourrait le protéger contre une
éventuelle extradition vers l’Algérie. Pour que celle-ci
puisse aboutir, il faudrait d’abord que la justice
algérienne engage officiellement une procédure
auprès de la justice américaine pour le faire extrader.
Le mandat d’arrêt qui avait été lancé en août 2013
contre lui par un juge d’Alger avait été annulé sur
ordre de la présidence.

Si un nouveau mandat est susceptible d’être lancé


avant la fin de l’année, le processus judiciaire sera
suffisamment long pour laisser à Khelil le temps de
bétonner sa défense. L’homme, qui dispose de
moyens financiers conséquents, a déjà fait montre de
pugnacité pour défendre sa peau.

Pour s’opposer à une demande d’entraide formulée


par la justice algérienne en Suisse en 2013, afin
d’obtenir les documents relatifs aux cinq comptes
bancaires que Khelil détenait avec son épouse, celui-
ci s’est attaché les services de Patrick Hunziker,
connu pour être l’avocat des riches et puissants,
notamment la famille de l’ancien dictateur du Nigeria,
Sani Abacha.
Le général-major Abdelhamid Ghriss est accusé de faits de corruption

L’ex-secrétaire général du ministère de la Défense sous mandat de dépôt


 SALIMA TLEMCANI
 
13 JUILLET 2021 À 10 H 40 MIN
 
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L’affaire du jeune adjudant-chef Guermit Benouira, ancien
secrétaire particulier du défunt chef d’état-major de l’Anp Gaïd
Salah, ne cesse d’entraîner dans son sillage de hauts gradés de
l’armée. Au moins une dizaine d’entre eux sont en prison et le
dernier en date, le général-major Abdelhamid Ghriss, ex-
secrétaire général du ministère de la Défense, a été placé en
détention, la semaine écoulée, par le tribunal militaire de Blida.
Depuis l’extradition de Turquie de l’adjudant-chef Guermit Benouira,
ancien secrétaire particulier de feu Gaïd Salah, ex-chef de l’état-
major de l’Anp, le défilé de hauts gradés de l’armée devant le
tribunal militaire de Blida n’a pas cessé.
Le dernier en date est le général-major Abdelhamid Ghriss, ex-
secrétaire général du ministère de la Défense nationale (2018-2021),
qui avait fait couler beaucoup d’encre en avril 2020, en raison de sa
longue hospitalisation dans un établissement genevois, en Suisse.
Après avoir fait l’objet d’une interdiction de quitter le territoire
national, le général Ghriss a été placé sous mandat de dépôt par le
tribunal militaire de Blida pour plusieurs chefs d’inculpation, parmi
lesquels : «enrichissement illicite», «abus de fonction» et
«détournement de deniers publics».
Des faits qui remontent à la période où il était à la tête de l’une des
plus importantes directions au ministère de la Défense,  celle de
l’organisation et de la logistique, mais aussi en tant que secrétaire
général avec d’importantes prérogatives, qui le mettaient au centre
de nombreux marchés et transactions militaires, et dans le premier
cercle de feu Gaïd Salah.
Des sources bien informées affirment qu’en plus d’être soupçonné
de «faits de corruption», le général Ghriss est présenté comme «un
acteur important» du réseau de généraux qui était derrière la guerre
électronique menée sous le slogan «badissiya-novembriya» tout au
long du hirak en 2019, pour tantôt attaquer des personnalités
publiques et politiques, des militants du hirak ou même des
hommes d’affaires, tantôt pour véhiculer des discours violents
contre l’emblème amazigh.
«Des équipements sophistiqués ont été utilisés à mauvais escient dans cette
guerre qui a eu de graves répercussions sur les institutions de l’Etat»,
précisent nos sources.
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Au cœur de ce réseau, de nombreux officiers supérieurs,


actuellement en détention, dont le premier est le général Wassini
Bouazza, ex-directeur général de la Sécurité intérieure, arrêté en
avril 2020, suivi par ses collaborateurs directs, dont le général Nabil,
ex-patron de la DCSA (Direction centrale de la Sécurité de l’armée). A
tort ou à raison, les placements sous mandat de dépôt se sont
multipliés pour cibler le général Kamel Belmiloud, ex-patron de la
DCSA.
Au mois de mars dernier, c’est le puissant général-major Abdelkader
Lechkhem, directeur central des transmissions, qui a, nous dit-on,
pesé de tout son poids pour placer Guermit Benouira comme
secrétaire particulier du chef d’état-major, dans le but
de «l’espionner» et «d’orienter» ses décisions et surtout d’aider le jeune
adjudant à quitter le pays.
Présenté devant le tribunal militaire de Blida, il a été placé en
détention en mars dernier pour, entre autres, «enrichissement
illicite», «abus de fonction», «dilapidation de deniers publics».
L’enquête se poursuivra avec l’arrestation de plusieurs autres
officiers supérieurs auxquels il est reproché le rôle qu’ils auraient
joué, de près ou de loin, dans cette «guerre électronique» aux graves
conséquences.
C’est le cas du colonel Mesbah, détaché auprès de l’ex-ministre des
TIC, Houda-Imane Feraoun (en détention), et qui coordonnait avec le
général Lechkhem «toutes les opérations suspicieuses». D’ailleurs, son
nom aurait été cité à plusieurs reprises dans le dossier, en
instruction au tribunal de Sidi M’hamed, relatif à l’ex-ministre des
TIC, mais à aucun moment il n’a été entendu.
Après le général-major Lechkhem, c’était au tour du général-major
Ali Akroum, qui dirigeait la puissante direction du matériel avant qu’il
ne soit nommé, par feu Gaïd Salah, à la tête de l’une des directions
les plus riches : organisation et logistique.
Placé sous mandat de dépôt, le général Akroum est poursuivi pour,
entre autres, «enrichissement illicite», «abus de fonction»,
«dilapidation de deniers publics» mais aussi pour «trafic d’influence»,
parce qu’il aurait donné un important marché à un membre de sa
famille.
Lui aussi faisait partie du cercle restreint du défunt chef d’état-major
de l’Anp et son nom a de tout temps été cité dans des affaires de
marché, ainsi que dans celle liée à la «guerre électronique» et de
Benouira. A ce jour, la prison militaire compte près d’une trentaine
de généraux et généraux-majors, ainsi que d’autres officiers de
grade de colonel. 

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