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Douleurs Évaluation - Diagnostic - Traitement (2012) 13, 240—243

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

OPINION

Commentaires sur la place actuelle du Gammaknife


dans le traitement de la névralgie faciale
(névralgie du trijumeau)
Comments on the efficacy of Gammaknife surgery for the treatment of
trigeminal neuralgia

Claude Thurel a,b,∗, Selma Hamdi a, Erwan Treillet b,


Alain Serrie b

a
Service de neurochirurgie, hôpital Lariboisière, 2, rue Ambroise-Paré, 75475 Paris cedex 10,
France
b
Service de médecine de la douleur et de médecine palliative, hôpital Lariboisière, 2, rue
Ambroise-Paré, 75475 Paris cedex 10, France

Reçu le 18 juillet 2012 ; reçu sous la forme révisée le 21 août 2012; accepté le 21 août 2012
Disponible sur Internet le 11 octobre 2012

MOTS CLÉS Résumé Le traitement de la névralgie faciale est médical jusqu’à preuve du contraire, la
Névralgie faciale ; Carbamazépine (Tégretol* ) étant depuis 1962 le médicament de loin le plus efficace, véritable
Gammaknife ; « médicament miracle » pour les patients. D’autres anti-épileptiques peuvent être prescrits en
État de mal cas d’intolérance au Tégretol* . Lorsque le traitement médical échoue ou devient mal supporté,
névralgique ; les options chirurgicales deviennent licites. La radiochirurgie stéréotaxique (Gammaknife) est
Thermocoagulation alors la technique la moins agressive et ses indications sont légitimement de plus en plus nom-
du Gasser ; breuses d’autant que statistiquement les résultats obtenus sont globalement équivalents à ceux
Décompression obtenus avec les autres techniques radicales. Néanmoins, en raison d’un délai d’action parfois
microvasculaire important de la radiochirurgie stéréotaxique pour l’amélioration ou la disparition de la douleur
(supérieur à un mois en moyenne) les techniques radicales percutanées classiques et en parti-
culier la thermocoagulation du Gasser ou la décompression microvasculaire neurochirurgicale
représentent alors toujours des traitements de choix des formes hyperalgiques.
© 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

∗ Auteur correspondant.
Adresse e-mail : claude.thurel@numericable.fr (C. Thurel).

1624-5687/$ — see front matter © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
http://dx.doi.org/10.1016/j.douler.2012.08.004
Place actuelle du Gammaknife dans le traitement de la névralgie faciale 241

KEYWORDS Summary The primary treatment of ‘tic douloureux’ is first pharmacologic. The mainstays of
Trigeminal neuralgia; the medical management are the anticonvulsants medications, the most effective one being,
Gammaknife; since 1962, Carbamazepine. For most patients Tegretol* is a ‘Wonder drug’. Unfortunately,
‘Trigeminal algic about half of trigeminal neuralgia (TN) sufferers eventually become dissatisfied with medical
status’ RF therapy because of incomplete control of pain or drug-related side-effects. In the past, patients
thermocoagulation; with TN did not consider neurosurgical options until the pain or side-effects of medicines
Microvascular became unbearable because surgical procedures carried higher risks. These surgical options
decompression included peripheral nerve blocks, radiofrequency rhizotomy (RF), glycerol rhizolysis, balloon
microcompression, microvascular decompression (MVD), and more recently gammaknife radio-
surgery (GKRS). GKRS, the least invasive procedure, is a major advance in the treatment of TN
and has in recent years become the treatment of choice for people unresponsive to medical
therapy or intolerant of medications due to toxicity or allergic reactions. Success rates are
similar to those of others interventional procedures and complications are limited mostly to
facial numbness in less than 10% of cases. With GKRS patients no longer have to wait to be
in agony in order to undergo neurosurgical interventions and this procedure should be carried
out when the medication continues to have an effect but is less and less effective. Although
a few patients experience immediate pain relief in some studies the onset of pain relief can
be delayed for weeks or even months (mean 1 month) and in those cases the patients afflicted
with excruciating pain cannot afford to wait this longer and ‘salvage surgical therapy’ such as
RF lesioning or MVD should be carried out without delay.
© 2012 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Bien évidemment, est-il besoin de le rappeler, dans tous En cas d’échec du traitement médical
les cas le traitement médical est le traitement initial et quelle est la place du Gammaknife dans
d’ailleurs souvent exclusif de la névralgie faciale. À ce titre
la Carbamazépine est, et reste depuis 1962, le « médicament cet arsenal thérapeutique ?
miracle » pour la grande majorité des patients. Son effica-
cité rapide et spectaculaire constitue d’ailleurs un véritable Pour nombre d’auteurs en cas d’échec du traitement
test confortant, en cas de doute, le diagnostic clinique (effi- médical, le GK serait la solution « chirurgicale » transcu-
cacité dans plus de 90 % des cas en deux à trois jours). tanée à proposer en première intention et ce choix peut
Ce n’est qu’en cas d’intolérance ou de diminution de d’ailleurs être parfaitement légitime pour les raisons sui-
l’efficacité du Tégretol* que d’autres médicaments peuvent vantes :
être proposés : Triléptal* , Dihydan* , Neurontin* , Lyrica* , • cette modalité thérapeutique est totalement atraumati-
Lamictal* , Épitomax* , Rivotril* , Liorésal* . . . Ces médica- quen quel que soit l’âge et l’état du patient mais la pose
ments bien que plus récents (sauf le Dihydan prescrit du cadre stéréotaxique laisse parfois, pour ne pas dire
dès 1942) sont moins efficaces plus chers et n’ont pas souvent, un « mauvais souvenir » ;
l’Autorisation de mise sur le marché (AMM) dans cette indi- • l’hospitalisation est ambulatoire, certains vont même
cation, en revanche leurs effets secondaires sont en principe jusqu’à avancer une durée de cinq heures !. . . à laquelle,
moindres que ceux du Tégretol. Le coût de la prise en charge dans la réalité et bien sûr dans la pratique, il faut évi-
avec ces médicaments récents est cependant beaucoup demment ajouter les délais d’attente de ce traitement
plus important (Gabapentine × 4, Lamotrigine × 8, Topira- « haut de gamme ». . . qui allongent notablement la durée
mate × 10. . .) mais hélas. . . l’attrait de la nouveauté, un en « temps réel » pour la mise en œuvre de cette modalité
prix plus élevé trop souvent interprété comme « synonyme » thérapeutique ;
d’efficacité renforcée enfin la force de conviction et de per- • il n’y a pas de complications et des effets secondaires
suasion de l’industrie pharmaceutique sont trop souvent des sont minimes : hypoesthésie dans moins de 10 % des
« bonus » que le patient et le médecin traitant ont de la cas. . . ;
peine à contourner, surmonter ou éviter. • l’efficacité est statistiquement indiscutable mais variable
Avec le temps néanmoins le traitement médical perd pro- selon les publications allant de 65 à 90 % des cas, il en est
gressivement de son efficacité même aux doses maximales de même de la durée de la rémission, en moyenne 50 % à
et souvent les effets adverses deviennent difficilement sup- cinq ans, avec très souvent néanmoins la poursuite d’un
portables, c’est ainsi que dans 30 à 40 % des cas il faut avoir traitement médical de longue durée après l’irradiation
recours à un traitement chirurgical à « ciel fermé » (voies (trois semaines à trois mois !) ;
percutanées et transcutanées) ou à « ciel ouvert ». • il n’y a pas de contre-indications (ni âge, ni trai-
Les principales modalités techniques disponibles sont tements en cours y compris les anticoagulants, ni
alors : les blocs périphériques, la thermocoagulation du comorbidités) ;
ganglion de Gasser (RF), la compression par ballonnet, • la découverte d’un conflit vasculo-nerveux indiscutable à
l’injection de glycérol, la microdécompression vasculaire l’IRM serait a priori un facteur pronostic favorable ;
(MVD) et en dernier lieu et de façon plus récente le Gam- • l’irradiation peur être renouvelée en cas de récidive si
maknife (GK). l’amélioration initiale a été nette et durable (supérieure
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à six mois). La dose pour ce second traitement devra Les autres techniques « radicaux »
être inférieure à la première (50 à 60 Grays (Gy) au lieu
conservent donc toujours des indications
de 70 à 90 Gy) et la cible plus antérieure sur le plan
anatomique. L’irradiation totale ne devrait pas dépas- indiscutables
ser 160 Gy et un délai de quatre à six mois doit être
respecté ; Alcoolisations périphériques
• soulignons l’intérêt du GK chez les patients déjà traités
Les alcoolisations périphériques qui sont ignorées et déni-
par thermocoagulation qui conservent une hypoesthésie
grées par la plupart des auteurs peuvent parfois représenter
séquellaire et qui présentent une névralgie controlaté-
une solution transitoire idéale : patient arrivant en « état de
rale. Ces formes bilatérales (jamais de façon simultanée)
mal névralgique » malgré le traitement médical avec une
s’observent quasi exclusivement chez les patients atteints
zone gâchette précise (V2 en particulier). Une alcoolisation
de SEP chez qui le GK est néanmoins a priori moins efficace
périphérique peut être immédiatement faite en consultation
que dans la névralgie essentielle ;
• avec un résultat positif immédiat au prix d’une anesthésie
notons l’intérêt du GK chez les rares patients présentant
transitoire du territoire alcoolisé (territoire sous-orbitaire
une récidive après MVD car une nouvelle intervention est
le plus souvent). La durée du soulagement varie de six à
plus risquée et surtout plus aléatoire, c’est aussi le cas des
dix mois pendant lesquels le traitement médical peut être
patients multi-thermocoagulés. Le GK serait cependant
souvent interrompu. Un GK complémentaire peut être alors
moins efficace chez les malades ayant eu des traitements
éventuellement programmé dans la « tranquillité » pendant
chirurgicaux antérieurs ;
• cette période de « rémission » !
soulignons que cette modalité thérapeutique n’est pas
dépendante de l’expérience du chirurgien contrairement
à la thermocoagulation et bien sûr à la décompression Thermocoagulation
microvasculaire ;
• enfin, cette technique ne nécessite pas la coopération La thermocoagulation du ganglion de Gasser peut repré-
du patient ce qui peut être un avantage non négligeable senter la solution idéale chez les patients présentant des
puisque la réalisation d’une thermocoagulation sélective névralgies rebelles et intenses pour lesquels un soulage-
et différentielle nécessite presque toujours des anesthé- ment rapide voire immédiat est nécessaire et souvent même
sies séquentielles (Propofol—Diprivan* ) rendant le contact impératif. À titre anecdotique rappeler ici, les cas de deux
aléatoire voire ininterprétable en particulier chez les patients en « état de mal » névralgique dont l’un avait été
patients âgés ou très âgés. initialement hospitalisé en neurologie pour « aphasie » et
dont l’autre avait été dirigé vers le milieu psychiatrique pour
« mutisme » en raison, dans les deux cas, du déclenchement
de la douleur au moindre mouvement facial empêchant la
Néanmoins cette solution simple et moindre activité. On peut ici rappeler le cas historique du Dr
atraumatique ne semble pas idéale voire même Johannes Laurentius Baush, fondateur de l’académie impé-
satisfaisante dans un certain nombre de cas. riale des sciences naturelles, qui va mourir d’épuisement
et de dénutrition car un état de mal névralgique l’empêche
Certains patients hyperalgiques malgré le traitement totalement de s’hydrater et de s’alimenter. On le comprend,
médical ne peuvent attendre l’effet bénéfique du GK qui de tels cas, même si ce dernier remonte. . . à 1665. . . ne
peut ne se manifester qu’après quelques semaines voire peuvent attendre l’effet différé du GK d’autant que la ther-
plus. L’amélioration se dessine en moyenne en quatre à mocoagulation a un résultat positif immédiat et durable.
huit semaines mais peut nécessiter trois à quatre mois. . . ! La séquelle obligatoire de cette modalité thérapeutique est
Il est d’ailleurs conseillé de poursuivre le traitement médi- l’existence d’une hypoesthésie durable du territoire coa-
cal habituel après l’irradiation pendant plusieurs semaines, gulé (indication donc discutable si la névralgie est dans
ce qui est un handicap évident lorsque l’indication du GK le territoire du V1 avec le risque d’anesthésie cornéenne
a été portée en raison de l’échec ou de l’intolérance au et donc de kératite neuro-paralytique), et d’ailleurs plus
traitement médical. . . ce qui est le cas habituel. l’hypoesthésie est importante plus le soulagement sera
Dans le cas de patients ayant subit des interventions de longue durée (en dehors des cas rares de douleurs
radicales antérieures (thermocoagulation, MVD) et qui pré- de déafférentation secondaires). L’âge avancé n’est pas
sentent une récidive, un résultat positif du GK semble alors une contre-indication (l’un de nos patients avait plus de
plus aléatoire. Chez les patients atteints de SEP, le GK don- 100 ans et 69 % des malades de notre série avaient plus de
nerait également des résultats moins satisfaisants (moins de 70 ans). Cette approche thérapeutique reste donc toujours
50 % !). d’utilisation très courante, les délais d’attente sont courts
Enfin, élément essentiel, et qui reste pourtant sans et l’hospitalisation n’est que d’un voire deux jours. Notons
réponse : après quel délai peut-on ou doit-on parler d’échec que cette technique est la seule à être tout à fait efficace
du traitement par Gammaknife et donc proposer au patient pour traiter les névralgies faciales des patients avec SEP
une autre thérapeutique « radicale » ? Cette question est devenus réfractaires au traitement médical.
d’autant plus épineuse que l’amélioration après GK peut
ne se dessiner qu’après plusieurs semaines ou mois et que Microdécompression vasculaire
l’indication a souvent été portée, nous l’avons déjà signalé,
en raison de l’échec ou des effets adverses du traitement La MVD conserve aussi des atouts indiscutables : c’est le
médical. seul traitement capable d’éradiquer la cause potentielle s’il
Place actuelle du Gammaknife dans le traitement de la névralgie faciale 243

existe un conflit vasculo-nerveux, le résultat est de ce fait névralgie devienne résistante ou hyperalgique pour proposer
en principe immédiat et durable et a priori sans séquelles cette solution.
sensitives déficitaires. Néanmoins, il s’agit d’un traitement En revanche, si la névralgie devient hyperalgique et que
neurochirurgical à « ciel ouvert » avec un risque vital certes le traitement médical n’est plus efficace ou est mal sup-
modeste mais réel. L’âge avancé est une contre indication. . . porté, il faut proposer sans tarder une thermocoagulation
mais à partir de quand est-on « vieux » actuellement. . . 80, si le sujet est âgé ou si le sujet est jeune et a fortiori si la
90 ans. . . The sky is the limit. Cette technique ne semble pas branche ophtalmique est intéressée (V1) la MDV.
valable dans la SEP. Enfin, si à l’intervention on ne découvre Nous voudrions enfin rappeler un fait qui n’est quasiment
aucun conflit vasculo-nerveux, doit-on avoir le courage de jamais rapporté : en cas de récidive après un traitement
sectionner le V comme dans l’intervention initialement pro- « chirurgical » radical, quel qu’il soit, et si celui-ci a entraîné
posée par Dandy ou doit-on recourir dans un second temps un soulagement complet de longue durée, il n’est pas rare
au GK ou la thermocoagulation ? que les patients refusent la reprise du traitement médical
Nous n’envisagerons pas ici la place du traitement par dont ils ont pu se rendre compte des effets secondaires
injection de glycérol (dont nous avons l’expérience avec délétères souvent très importants qui leur gâchaient la
une série de 126 patients) ni du traitement par compres- vie et qui avaient totalement disparus pendant la période
sion par ballonnet (dont nous n’avons pas l’expérience) de rémission avec arrêt du traitement. C’est pourquoi ils
car ces techniques ne donnent à notre avis et à notre demandent à nouveau la mise en œuvre rapide d’une tech-
connaissance que des résultats transitoires et des récidives nique « radicale ». Cela était vrai pour la thermocoagulation,
précoces. cela l’est aussi pour le GK puisqu’une seconde irradiation est
tout à fait possible en respectant certains délais et certains
critères.
Conclusions
Traitement médical initial, si échec et névralgie « peu dou- Déclaration d’intérêts
loureuse » et partiellement contrôlée par le traitement
médical le GK semble tout à fait logique et contraire- Les auteurs n’ont pas transmis de déclaration de conflits
ment à l’attitude classique il ne faut pas attendre que la d’intérêts.

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