Vous êtes sur la page 1sur 3

QU’EST-CE QUE LE TIERS ETAT?

(ABBÉ EMMANUEL JOSEPH SIÉYÈS

CONTEXTE HISTORIQUE

La convocation des états généraux

Les mesures prises par la royauté, à la fin de 1788, pour la réunion des états généraux
– élection des représentants du tiers et rédaction de cahiers de doléances par les trois
ordres, noblesse, clergé et tiers état- font le jeu du tiers état. Elles lui imposent et lui
permettent pour la première fois de s’organiser et d’énoncer clairement ses positions.
En conséquence, la littérature politique foisonne pendant l’hiver 1788-1789, la liberté
de presse étant tacitement reconnue. Plus de 5 000 libelles, traités, essais et pamphlets
sont édités.

ANALYSE

Le plus célèbre pamphlet de 1789

Cette brochure, parue à Paris sous l’anonymat, sort en librairie au moment de la


convocation des états généraux, en pleine crise politique. Son auteur devient
immédiatement le champion des revendications du tiers état.
Qu’est-ce que le tiers état ? est le troisième petit traité politique de l’abbé Emmanuel
Sieyès, paru après l’Essai sur les privilèges et les Vues sur les moyens d’exécution
dont les représentants de la France pourront disposer en 1789.
Les trois fameuses questions de la première page révèlent son talent politique : les
aspirations du tiers sont formulées de façon apparemment mesurée, mais cette
concision lapidaire est porteuse d’une audace extrême.

« Qu’est-ce que le tiers état ? – Tout. » Reprenant sous une forme ampli ée et
théorisée les notions, nouvelles au XVIIIe siècle, d’utilité sociale et d’égalité civile,
Sieyès identi e le tiers à la nation, ensemble d’individus libres, également doués de
raison et soucieux de la chose publique. Sieyès appelle le tiers à se constituer en
société politique pour composer en n cette nation, c’est-à-dire une volonté générale,
unitaire, imprescriptible, qui délègue des représentants en son nom.

« Qu’a-t-il été jusqu’ici dans la politique ? – Rien. » Sieyès qu’inspire l’esprit des
Lumières montre l’absurdité de la situation sociale de son temps. Celle-ci n’est pas
conforme à la raison car elle est complètement étrangère à l’activité de production,
seule réalité génératrice de bien-être pour tous.

Cette première page ne mentionne pas les ordres existant dans la société d’Ancien
Régime. Le point de départ de la ré exion de Sieyès sur la société n’est pas dans
l’Histoire, mais dans le besoin de donner à ceux qui ne sont ni nobles ni membres du

fi

fi

fl
fi

clergé la représentation qui leur revient. Etant les plus nombreux et ceux qui
pourvoient aux nances du royaume, les membres du tiers doivent avoir part aux
décisions. Par contre, les nobles ne peuvent avoir place dans la société à construire,
car leur état de privilégiés, qui les fait vivre d’avantages injustes attachés à la
naissance, les empêche aussi d’exercer une profession particulière. Sans s’en prendre
au roi, le pamphlet suggère que la royauté est dès lors coupable de soutenir cette
aristocratie parasite

INTERPRETATIO

« Devenir quelque chose » : Comment penser l’avenir du tiers état ?

Jusqu’en 1789, le tiers état n’avait jamais eu d’existence politique ni de


représentation dé nie auprès des deux autres ordres.
La gravure J’suis du tiers état met plaisamment en scène la satisfaction d’un savetier
d’appartenir à un ordre dont l’existence politique est désormais reconnue. Il y trouve
motif à une joyeuse libation et brandit verre et bouteille !

Avec les états généraux une représentation de la nation française prend la parole. Le
pamphlet de Sieyès qui a joué un rôle historique considérable est annonciateur de
l’esprit de la Révolution. Comme Robespierre en Artois, Mounier dans le Dauphiné,
Mirabeau en Provence, Sieyès formule au nom du tiers une idéologie cohérente. Cette
expression conjuguée des droits et des revendications replace dans un contexte
universel les questions immédiates, comme celle, cruciale mais non tranchée par le
roi, du vote des députés aux états généraux par tête plutôt que par ordre.
Cette idéologie cohérente assure au tiers état l’hégémonie sur les courants de pensée.
Elle lui permet d’attirer une partie du clergé et quelques nobles éclairés, et de les
entraîner, quelques mois plus tard, dans les premières phases décisives de
composition d’une nouvelle souveraineté nationale.
Le triomphe du pamphlet résulte moins de cette ré exion savante que de ce qu’il
offre de « génialement simple » au refus des privilèges, des abus et des incohérences.
fi
fi
N

fl

Vous aimerez peut-être aussi