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LA BIOMASSE ENERGIE

ESGE

LICENCE 3

ENERGIE DE LA BIOMASSE

Juin 2022

M. BEYE

ESGE JUIN 2022 1


LA BIOMASSE ENERGIE

Introduction
La biomasse énergie désigne l’énergie tirée de la matière organique d’origine
végétale (résidus agricoles, bois, feuilles) ou animale (cadavres d’animaux, êtres
vivants du sol).
La biomasse est une réserve d'énergie considérable née de l’action du soleil grâce
à la photosynthèse. En effet, les végétaux représentent le point de départ du cycle du
carbone. Grâce à la photosynthèse, les plantes absorbent le carbone de l'air (CO 2) et
l'intègrent à leur propre biomasse (feuilles, bois, racines, fleurs et fruits). Cette matière
organique sert de nourriture aux organismes hétérotrophes (consommateurs). En
libérant de l'énergie, la respiration des hétérotrophes et des autotrophes renvoie du
carbone dans l'atmosphère (CO2).
La biomasse n'est considérée comme une source d'énergie renouvelable que si sa
régénération est au moins égale à sa consommation. Ainsi, par exemple, l’utilisation
du bois ne doit pas conduire à une diminution du nombre d’arbres.
D’après le Global Status Report 2021, la bioénergie a compté pour environ 11,6%
ou 44 exajoules (EJ) de la consommation énergétique finale totale en 2019. Plus de la
moitié de cette bioénergie provient de l’utilisation traditionnelle de la biomasse 1, qui a
fourni environ 24,6 EJ d’énergie pour la cuisson et le chauffage dans les pays en
développement et émergents, particulièrement en Afrique sub-Saharienne. Les autres
utilisations plus modernes et plus efficaces de la bioénergie ont fourni environ 19,4 EJ
de la consommation énergétique finale totale en 2019 (13,7 EJ pour les besoins de
chauffage, 4,0 EJ pour les besoins de transport et 1,7 EJ pour la fourniture d’électricité)
[1].
La biomasse est la première source d’énergie pour plus de 2 milliards de personnes
dans les pays en développement. La bioénergie suscite un intérêt croissant pour les
raisons suivantes :
 elle contribue à la réduction de la pauvreté ;
 elle répond aux besoins énergétiques en permanence, sans transformation
onéreuse des installations ;
 elle peut être stockée et elle est disponible de manière flexible ;
 elle peut fournir de l’énergie sous toute forme selon les besoins (combustibles
solides, liquides et gazeux, chaleur et électricité) ;
 elle peut aider à l’élimination des déchets au niveau des communes ;
 elle peut aider à rendre les terres jusqu’alors improductives et dégradées,
cultivables en augmentant la biodiversité, la fertilité du sol et la rétention d’eau.

1
Elle concerne la combustion du bois et du charbon de bois, mais aussi le fumier et autres résidus agricoles, dans
des appareils simples et inefficaces pour fournir l’énergie pour la cuisson et le chauffage dans le secteur
résidentiel.

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I. La ressource de bioénergie
D’un point de vue chimique, la biomasse peut être définie comme un hydrocarbure
constitué principalement de C, H, O, et de N. Elle contient également des éléments
inorganiques tels que : Ca, Mg, K et Si. Les proportions de ces derniers varient en
fonction de la nature, de l’origine, de l’âge et des conditions de croissance de la
biomasse considérée (type et humidité du sol, ensoleillement…).
Les composants de la biomasse peuvent être classés en éléments majeurs (>1%),
mineurs (0,1 – 1%) et traces (<0,1%). Les éléments majeurs sont principalement C, H,
N, O, Ca et K tandis que les éléments mineurs incluent Si, Mg, Al, S, Fe, P, Cl et Na.
Les éléments traces quant à eux sont Mn, Ti. La biomasse contient aussi en faible
proportions les extractibles organiques comme les monomères de sucres
(principalement du glucose et du fructose) et les acides aliphatiques.

I.1. Catégories de biomasse


La biomasse ayant un fort potentiel énergétique peut être répartie en trois grandes
catégories: forestière, agroalimentaire et urbaine.
Biomasse forestière – elle comprend :
 Les arbres non commercialisables ;
 Les parties non utilisées lors de la récolte de bois telles que souches 2, cimes3 ,
branches, feuilles ;
 Les sous-produits du sciage : écorces, sciures 4 , rabotures, copeaux, chutes
diverses ;
 Les résidus provenant de l’industrie de transformation du bois (menuiseries,
fabricants de meubles, etc.) ;
 Les rebuts provenant des travaux de construction et de rénovation ;
 les boues des stations d’épuration des eaux de l’industrie papetière.
Biomasse agroalimentaire – elle comprend :
 Les résidus de l’agriculture : feuilles, tiges, pailles, balles de riz, coques
d’arachides, bagasse, etc. ;
 Les cultures invasives (exemple : typha) ;
 Les cultures à vocation énergétique : miscanthus, jatropha, etc. ;
 Les résidus d’élevage : fumiers, lisiers, fientes, purins ;
 Les résidus provenant de la transformation de produits alimentaires (laiteries,
brasseries, abattoirs, industries de fruits et légumes, producteurs d’huiles et de
graisses, etc.).

2
Souche : base du tronc (d'un arbre coupé) qui reste en terre.
3
Cime : la partie la plus haute et pointue d'un grand arbre.
4
Sciure : poussière ou fine particule qui résultent du sciage (d'une matière).

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Biomasse urbaine – elle comprend :


 Les boues des stations d’épuration des eaux usées municipales ;
 Les déchets organiques putrescibles provenant des secteurs résidentiel,
commercial et institutionnel : ordures ménagères, déchets végétaux issus des
jardins, etc.
La production d’énergie à partir de la biomasse pourrait paraître marginale. Elle est
pourtant très importante, principalement pour la production de chaleur (feux ouverts et
poêles à bois, chaufferies industrielles).

I.2. Densification de la biomasse


Les résidus d’exploitations agricoles et forestières sont souvent dispersés sur la
parcelle d’exploitation (champ ou forêt). De plus, ils peuvent présenter des dimensions
et formes qui rendent leur manutention et leur transport peu efficaces. Avant d’être
valorisée en énergie, la biomasse doit être collectée (récoltée dans le cas des cultures
énergétiques), conditionné et transporté jusqu’à son lieu d’utilisation [2].

Figure : Conditionnement et transport du bois [2]


Les biocombustibles représentent une source potentielle d’énergie renouvelable.
Cependant, leur contenu énergétique est inférieur à celui des combustibles fossiles
traditionnels, ce qui fait obstacle à leur usage général car il en faut plus pour obtenir la
même quantité d’énergie. Lorsque ce contenu énergétique faible se double d’une
faible masse volumique, le volume de biomasse dont on a besoin croît de façon
considérable. La densification, ou compactage, est un moyen d’accroître la densité
d’énergie et de réduire les problèmes de manutention, de transport, d’entreposage et
de combustion. Ces problèmes peuvent être résolus grâce à la densification, un
processus qui permet d’obtenir un combustible liquide ou solide plus dense et aux
propriétés plus uniformes que la biomasse brute.

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Les principaux avantages de la densification de la biomasse à des fins de


combustion sont les suivants :
 manutention et alimentation mécaniques simplifiées ;
 combustion uniforme dans les chaudières ;
 réduction de la production de poussière ;
 réduction du risque de combustion spontanée pendant l’entreposage ;
 simplification de l’infrastructure d’entreposage et de manutention, réduisant les
besoins en capital à l’installation de combustion ;
 baisse des frais de transport grâce à une densité d’énergie accrue.
Le principal inconvénient des technologies de densification de la biomasse réside
dans le coût élevé de certains procédés de densification.
La densification mécanique consiste à soumettre la matière à une pression
mécanique pour la densifier.
La technique de densification à employer repose sur le type de résidus et la situation
locale. Le tableau suivant décrit les diverses technologies employées pour accroître la
densité d’énergie de la biomasse ou lui donner une taille et une forme homogènes [3].
Tableau : Techniques de densification mécanique
Densification mécanique
BALLES
Les BALLES sont formées au moyen d’une machine
agricole (appelée ramasseuse-botteleuse) qui comprime
les matières hachées. Les balles peuvent être de sections
carrées, rectangulaires ou rondes, selon le type de
ramasseuse-botteleuse employé.

GRANULÉS Les GRANULÉS sont fabriqués au moyen d’une presse à


piston lors d’un processus d’extrusion où on fait passer la
biomasse finement broyée dans une filière ronde ou
carrée; les granulés sont coupés ensuite à la longueur
désirée. Bien qu’ils soient de taille uniforme, les granulés
se brisent facilement pendant la manutention.

CUBES
Les CUBES sont de gros granulés fabriqués en
comprimant la biomasse hachée au moyen d’une presse
à roue qui la force à travers une filière.

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BRIQUETTES Les BRIQUETTES sont semblables aux granulés, sauf


pour leur taille. Elles sont fabriquées au moyen d’une
presse à piston qui fait passer sous forte pression la
biomasse dans une filière. Elles peuvent aussi être
fabriquées au moyen d’un procédé appelé extrusion à vis.
La biomasse est alors extrudée au moyen d’une vis à
travers une filière chauffée.

RONDELLES
Les RONDELLES sont fabriquées au moyen d’une
machine de briquetage. D’une densité semblable à celle
des granulés, elles ont l’avantage d’une plus grande
résistance à l’humidité et d’un moindre coût de production.

COPEAUX
Les COPEAUX DE BOIS sont employés dans de
nombreux dispositifs, des appareils ménagers aux grandes
centrales électriques. Ils sont fabriqués au moyen d’un
déchiqueteur. Comme combustible, les copeaux de bois
sont d’un coût comparable au charbon.

Le système de fabrication mis en place à Mbacké par Initiative Développement (ID)


et son partenaire l’ONG des villageois de Ndem permet de produire des briquettes
composées uniquement de coques d’arachide. Leur pouvoir calorifique est
comparable à celui du bois. La fabrication est effectuée avec une presse industrielle
dont la capacité annuelle est d’environ 1000 tonnes. Fin 2019 environ 50 tonnes de
briquettes ont été diffusées.

Figure : Presse à briquette [4]

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Afin d’optimiser l’utilisation des briquettes, des foyers spécifiques ont été
développés. Leur efficacité est supérieure à celle à des foyers classiques, ils génèrent
moins de fumée ce qui a des impacts positifs sur la santé des femmes et la durée de
cuisson est réduite. Par ailleurs l’économie générée sur le budget cuisson est d’environ
25%.

Figure : Foyers adaptés pour la combustion de briquettes [4]

Grâce à l’utilisation de diverses techniques de densification, la biomasse brute est


comprimée afin d’atteindre une masse volumique de 7 à 10 fois sa masse volumique
brute initiale. La masse volumique que certaines techniques de densification
permettent d’obtenir est indiquée au tableau.
Tableau : Masse volumique et densité d’énergie après densification [3].
Masse Densité
Forme de volumique d’énergie
Taille
biomasse
(kg/m3) (GJ/m3)
32 mm de diamètre x 25 mm
Briquettes 350 6,4
d’épaisseur
Cubes 33 mm x 33 mm 400 7,3
75 mm de diamètre x 12 mm
Rondelles 480 – 640 8,6 – 12,0
d’épaisseur
Granulés 6,24 mm de diamètre 550 – 700 9,8
Remarque : la biomasse libre a une masse volumique de 60 à 80 kg/m 3
Les facteurs qui influent sur le coût des techniques de densification sont notamment
la taille de l’installation de densification (tonnes/an), les heures d’exploitation (h/jour),
le coût de l’équipement, les frais de personnel et le coût de la biomasse brute.
Une partie du coût global de la densification est récupérée grâce à la réduction des
coûts de manutention, d’entreposage et de transport [3].

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II. Valorisation énergétique de la biomasse


La valorisation énergétique de la biomasse représente un potentiel important pour la
production de chaleur et d’électricité, ainsi que pour la production de biocarburants.
On distingue trois voies de valorisation de la biomasse : la voie sèche, la voie humide
et la production de biocarburants.
La voie sèche
La voie sèche est principalement constituée par la filière thermochimique, qui regroupe
les technologies de la combustion, de la pyrolyse et de la gazéification.
La voie humide
La principale filière de cette voie est la méthanisation. Il s’agit d’un procédé basé sur
la dégradation de la matière organique par des micro-organismes.
La production de biocarburants
Les biocarburants sont des carburants liquides ou gazeux. Il existe 3 générations de
biocarburants :
 1ère génération : biocarburants produits à partir de cultures alimentaires;
 2e génération : biocarburants produits à partir de résidus de bois, de cultures non
alimentaires ou de cultures dédiées à la production énergétique;
 3e génération : biocarburants produits à partir de microalgues (micro-organismes
aquatiques).
Chaque technologie de valorisation de la biomasse est caractérisée par son
rendement énergétique propre. Le choix d’une technologie dépend des besoins
énergétiques, de la disponibilité et de la qualité de la biomasse, de la proximité de celle-
ci, des coûts des infrastructures de transformation et de distribution, du contexte
environnemental et de la disponibilité des techniques capables d’utiliser les produits
générés.

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II.1. La combustion
La combustion est une oxydation complète en présence d’air. Elle permet de produire
de la chaleur (pour le chauffage et la cuisson), de l’électricité ou les deux (cogénération).
La combustion du bois énergie, des résidus agricoles et des déjections animales est
la plus simple utilisation de la biomasse traditionnelle.
La majorité des technologies de combustion exploitées aujourd’hui sont éprouvé et
bien établies commercialement à l’échelle mondiale, et ce, pour de nombreuses
applications.

Combustion du bois et du charbon de bois


Au Sénégal, les combustibles domestiques se composent principalement du bois de
feu, du charbon de bois, et du gaz butane destiné à la cuisson des repas dans les
ménages et dans la restauration.
Les combustibles ligneux (bois de feu et charbon de bois) représentent 56% de la
consommation nationale de combustibles (bois 40%; charbon 16 %). Ils satisfont près de
90% des besoins énergétiques des ménages. Cette forte consommation de combustibles
ligneux a des conséquences graves qui se traduisent par la dégradation des ressources
forestières.
Si les zones rurales opèrent des prélèvements diffus sur le capital ligneux du pays,
l'approvisionnement des villes entraîne, par contre, une exploitation intensive concentrée
et plus destructive des formations forestières [5].

Appareils utilisés
Les appareils utilisés pour la combustion de la biomasse solide vont des petits
fourneaux (foyers) domestiques aux immenses chaudières en activités dans les grandes
centrales de cogénération (jusqu’à plusieurs centaines de MW) en passant par les
poêles5 résidentiels (de 1 à 20 kW).
Les différents types de foyers domestiques utilisés au Sénégal sont résumés dans le
tableau suivant :

Limites de la combustion
D’un point de vue technique, la combustion signifie normalement :
 un faible rendement de la conversion énergétique ;
 un impact environnemental élevé (fumées, etc.) ; et en conséquence
 d’importants risques de problèmes de santé.

5
Poêle : un appareil clos en métal ou en céramique, à l'intérieur duquel brûle le composé liquide ou solide. C'est
une version améliorée de la cheminée : ses surfaces sont en contact avec l'air de la pièce et transfèrent, par
convection, de la chaleur à l'air qui circule au-dessus du poêle.

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Tableau : Foyers domestiques utilisés pour la combustion


Types de foyers Avantages Inconvénients
"3 pierres"

 Forte consommation de bois ;


Possibilité de faire du feu avec des branchettes  Dégagement énorme de fumée (90 % de
de bois. l’énergie déployée) ;
 Nuisances sanitaires.

“Ban ak Suuf“

Economie de de bois de 35 à 40 % par rapport  Modèle fixe ;


au modèle "3 pierres".  Non acceptation par les ménagères.

Banco

 Economie de bois de l'ordre de 50% ;


 Préservation la santé des utilisateurs;  Modèle fixe.
 Temps de cuisson moindre.

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Malgache

 Forte consommation de bois ;

“Sakkanal“
 Economie de charbon de 47 à 50 % par
rapport au modèle malgache.
 Plusieurs modèles possibles (mono marmite  Performance en fonction du modèle.
;
multi marmite ; mixte bois /charbon de bois).

"Jambaar"
 Meilleure conservation de la chaleur de
cuisson ;
 Economie de charbon l’ordre de 30 % par  Non disponibilité de la matière première
rapport au foyer malgache ; (l’argile) dans toutes les localités ;
 Durée de vie de 3 ans, contre quelques mois
pour le fourneau malgache ;
 Réduction des émissions de CO2 de 1,2
tonne/an

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II.2. La carbonisation
La carbonisation est une combustion lente de la biomasse qui se déroule avec un
déficit (ou en absence) d’air et une pression supérieure ou égale à la pression
atmosphérique.

Carbonisation du bois
La carbonisation du bois permet d’obtenir du charbon de bois, des liquides
pyroligneux et des gaz divers. Les procédés artisanaux et souvent semi-industriels
assurent plus de 95% de la production mondiale de charbon de bois.

Techniques de carbonisation du bois


La carbonisation du bois peut s’effectuer dans un four ou dans une meule.

Figure : Fours de carbonisation [6]

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Figure : Meules de carbonisation [6]


Au Sénégal, le charbon de bois est en général produit dans des meules
traditionnelles. Les inconvénients de cette technique sont la lenteur de la phase
carbonisation due à une mauvaise aération de la meule et le rendement trop bas. La
meule améliorée la plus répandue au Sénégal et qui a trouvé une large dissémination
sous différentes variantes en Afrique de l’Ouest, est la meule Casamançaise.

La meule Casamançaise
Elle a été mise au point et introduite dans les années 80.
La meule Casamançaise est à combustion partielle, c’est-à-dire que la combustion
d’une partie de la charge fournit la chaleur nécessaire à la carbonisation du reste de
la charge. Ses avantages sont :
 une réduction de la consommation en bois ;
 un coût d’investissement relativement faible ;
 une facilité de construction ;
 une carbonisation rapide (gain de temps);
 de très bons rendements d’au moins 20 à 40 % sur bois anhydre 6 , contre 16 à
20 % pour une meule traditionnelle ;
 une possibilité de recueillir l’acide pyroligneux et les goudrons grâce à la
cheminée qui joue un rôle de condensateur des produits provenant du bois
carbonisé.
L’équipement et le montage de la meule casamançaise sont présentés sur les
figures suivantes.

6
Anhydre : qui ne renferme pas d’eau.

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Figure : Equipement de la meule casamançaise [6]

Figure : Montage de la meule Casamance [6]

1ère étape : pour une meilleure circulation de l’air, on étale un réseau de bois à la
base qui constitue le plancher. Celui-ci est composé des bois ronds moyens qui sont
disposés radialement et sur lesquels sont placés tangentiellement du petit bois.
2ème étape : la charge de bois est arrangée en commençant par les gros bois au
centre de la meule, suivis par les moyens et les petits bois se trouvant à l’extrémité du
plancher. Elle est recouverte du petit bois en construisant simultanément la chambre
à air qui permet une bonne circulation de l’air. La meule est ensuite entièrement
couverte avec des herbes, de la paille et de la terre.
3ème étape : une cheminée faite de fûts soudés est installée. La durée de vie d’une
cheminée correspond généralement à deux campagnes de carbonisation.
4ème étape : après avoir allumé le four dans la cheminée centrale (point d’allumage),
des gaz peuvent s’échapper par la cheminée. On ouvre des appels d’air tous les 3
mètres autour de la meule. Cela permet de réguler l’air dans la meule afin de
conditionner la carbonisation. Le processus de carbonisation requiert la présence des
charbonniers. Après la cuisson (disparition des fumées), la cheminée est démontée et
la meule est laissée à refroidir.
5ème étape : le charbon est sorti de la meule et emballé dans des sacs.

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Production du biocharbon
Dans le cadre de la diversification des sources d’énergie des combustibles
domestiques, le biocharbon occupe une place prépondérante.
Les formes de biomasse, autres que le bois, valorisables en énergie de cuisson et
disponibles au Sénégal, sont :
 les résidus agricoles comme les tiges de mil, sorgho, maïs et de coton, les balles
de riz ;
 les résidus agro-industriels : coques d’arachide, de coton, d’anacarde, de
bagasse ;
 les plantes aquatiques nuisibles à forte prolifération comme le typha ;
 Le poussier de charbon7.
Ces résidus, la biomasse inutilisée et le poussier de charbon, longtemps perçus
comme une menace pour l’environnement et la santé des populations riveraines sont
aujourd’hui considérés comme une richesse énergétique, en tant que source
d’énergies alternatives aux combustibles traditionnels.
En général, on peut dire que la valeur énergétique d’une tonne de biocharbon
produite au Sénégal équivaut environ à 80 % de celle du charbon de bois [7].
Les formes de biomasse autres que le bois, leurs potentiels exploitables et les
acteurs impliqués pour la production de biocharbon sont résumés dans le tableau
suivant.

7
Poussier : ensemble de débris (d’une matière quelconque) à l’état de poudre

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Tableau : Potentiel de production de biocharbon au Sénégal [7].


Potentiel Production de Acteurs
Formes de biomasse Crédits de CO2
valorisable biocharbon (Localités)
Tiges de céréales
(mil, sorgho, maïs)

4,5 millions 1,6 million de t


23,2 millions de t
de t/an (912 000 tep)

Tige de coton
Résidus
agricoles 18 000 t
45 000 t/an 81 000 t
(10 260 tep)

Balles de riz

8 000 t BIOTERRE
13 000 t/an 116 000 t
(4 560 tep) (Ross Béthio)

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Coques d’arachide SUNEOR


CARBOSEN
Résidus 73 500 t (Kaolack)
175 000
agro- 1 million de t
t/an (42 000 tep) Initiative
industriels Développement
(Mbacké –
Touba)

Typha Pro-
Natura (Saint-
Louis);
Plante 65 000 t Typha
900 000 94 000 t combustible
aquatique (37 000 tep)
construction
Afrique de
l’Ouest
(TyCCAO)
Poussier de charbon

BRADES
Autres 2,5 t/mois
(Saint-Louis)

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Le producteur de biocharbon BIOTERRE utilise une technique de granulation. Il


dispose d’une unité de production semi-industrielle à Ross Béthio où la capacité de
production annuelle de biocharbon à partir des balles de riz devrait atteindre 500
tonnes par an.

Figure : Agglomérateur pour la fabrication du biocharbon (BIOTERRE) [7]

L’usine CARBOSEN à Kaolack, une unité de production industrielle, devrait produire


jusqu’à 1 800 tonnes de biocharbon par an en valorisant ainsi 7 000 tonnes de coques
d’arachide. Il s’agit d’une joint-venture entre l’huilerie NOVASEN et l’entreprise
hollandaise CARBO (fabricant de fours à haut rendement).
Les coques d’arachide sont transformées en logs à l’aide d’une extrudeuse et par
la suite carbonisés dans de grands fours à haut rendement.

Figure : Production de biocharbon à partir de la coque d’arachide [7]


L’ONG Pro-Natura s’etait lancée dans la production de biocharbon à partir de typha
dans la région de Saint-Louis. La carbonisation de la biomasse est réalisée avec
l’utilisation d’une cornue 8 chauffée à 550 °C au travers de laquelle s’écoule la

8Cornue : récipient sphérique qui s'ouvre sur un col étroit et très recourbé, utilisé notamment pour la
distillation.

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biomasse en absence d’oxygène et qui est maintenue à une température constante


par la combustion des gaz de pyrolyse. Ces gaz sont recyclés et brulés dans une
chambre de postcombustion, évitant ainsi l’émission de gaz à effet de serre. Le
système est ainsi presque autonome en termes d’énergie. On procède à
l’agglomération à l’aide de la mélasse. Les briquettes humides sont par la suite
séchées dans un séchoir.

Figure : Biocharbon à base de typha (Pro-Natura) [7]


L’entreprise BRADES à Saint-Louis fabrique des briquettes de biocharbon à partir
de résidus de charbon de bois et d’argile. Dans la ville de Saint-Louis seulement, 2,5
tonnes de résidus de charbon de bois peuvent être récupérées par BRADES en
moyenne par mois.
Les deux matières primaires, le poussier et l’argile, mélangées à l’eau, sont
compactées en forme de boudins à l’aide d’un agglomérateur motorisé appelé Rotor
Press et ensuite séchées au Soleil.
L’avantage du mélange à l’argile est l’augmentation de son temps de combustion.
Le charbon a ainsi un meilleur rendement et son utilisation est plus économique. La
présence des plaquettes d’argile réduit également l’émission de gaz carbonique.

Figure : Production de biocharbon à base de poussier de charbon [7]

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De manière générale, la fabrication de biocharbon nécessite de mélanger la fine de


charbon vert avec un liant, cela peut être de l’amidon, de la gomme arabique, de la
mélasse9 ou de l’argile. Les briquettes humides passent ensuite dans un séchoir pour
en éliminer l’eau, de sorte qu’elles soient assez solides pour pouvoir être utilisées dans
les fourneaux domestiques [7].
Malgré les résultats probants lors des essais techniques, le biocharbon a des
difficultés à pénétrer le marché sénégalais. Ceci est surtout dû à l’acceptabilité et aux
difficultés de changement des habitudes des ménages. Les coûts d’investissement
élevés pour des techniques élaborées qui sont importées empêchent souvent aussi
l’engagement de potentiels producteurs.

Filières de production de biocharbon


En fonction du potentiel existant, on a vu l’introduction de différentes technologies
et filières de production de biocharbon au Sénégal :
La filière artisanale avec les technologies de carbonisation “3 fûts“ et
d’agglomération avec le rotor press manuel dont la capacité de production est, par
exemple, pour le biocharbon à base de typha ou celui de poussier de charbon de 60
kg par heure.
La filière semi-industrielle de production du charbon à base de poussier de
charbon, qui utilise comme technologie d’agglomération, un rotor press manuel ainsi
qu’un rotor press motorisé d’une capacité de production de biocharbon à base de
poussier de charbon de 140 kg par heure. La technologie de Bioterre, pour la
valorisation des balles de riz, est aussi de type semi-industriel.
La filière industrielle de production de biocharbon à base de coques d’arachides
qui a une capacité de production de l’ordre de 1 800 tonnes par an (l’usine
CARBOSEN). Les coques sont transformées en logs à l’aide d’une extrudeuse avant
d’être carbonisées. La carbonisation est opérée dans des grands fours à rendement
élevé. Pro-natura utilise aussi des techniques de production industrielle pour la
fabrication du biocharbon à base de Typha [7].

9
Mélasse : boue qui colle ou poisse.

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II.3. La pyrolyse
La pyrolyse consiste à chauffer la biomasse en l’absence d’oxygène. Il s’agit de la
décomposition d’un composé organique par la chaleur (sans flammes) pour obtenir
d’autres produits. Tous les procédés de pyrolyse de la biomasse produisent d’une
façon ou d’une autre du charbon, du gaz combustible, des minéraux solides
(recyclables en agriculture) et de l’huile de pyrolyse.
Avec une pyrolyse longue à températures modérées (400 °C), on obtient plus de
charbon que de gaz, et à températures élevées (500 – 800 °C), à l’inverse, on produit
plus de gaz que de charbon.
En général, la pyrolyse à une température plus faible pendant plus longtemps
(pyrolyse lente) favorise la production de combustible solide (charbon).
Une température moyenne (400 – 500 °C) pendant une très brève période (une ou
deux secondes), ce que l’on appelle la pyrolyse rapide, favorise la production de
combustible liquide ou biohuile.
La pyrolyse est également une phase préalable à la gazéification, autre voie
prometteuse valorisation énergétique de la biomasse.
Le processus technique global est important : quand les processus de combustion
et de carbonisation ont lieu dans la même chambre, on parle de fours. Si la
combustion et la carbonisation sont effectuées dans des chambres séparées, il s’agit
alors d’une installation de cornue.
Ainsi, pour démarrer le processus de pyrolyse, le brûleur (chambre de combustion)
doit être allumé à part. Une fois que les denrées à carboniser sont suffisamment
chaudes pour dégager des gaz inflammables, on n’a pas besoin d’autre combustible.
Puisque les deux composantes de la pyrolyse peuvent être optimisées de façon
indépendante l’une de l’autre dans des cornues, la fabrication industrielle moderne de
charbon est toujours effectuée au moyen de cornues. Alors que la fabrication
traditionnelle de charbon à l’aide de cornues modernes a des rendements compris
entre 35 et 45 %, ceux des fours se situent dans la fourchette en dessous des 25 %
[7].

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LA BIOMASSE ENERGIE

II.4. La gazéification
La « gazéification » désigne une transformation thermochimique consistant à
décomposer par la chaleur un solide combustible carboné (charbon, biomasse) en
présence d’un réactif gazeux (O2, air, CO2, vapeur d'eau, etc.) dans le but d’obtenir un
mélange gazeux combustible. La réaction de gazéification se passe dans des
conditions de température très élevées (plus de 1 000 °C).
Le gaz de synthèse obtenu à la fin, appelé « syngas » (pour « synthetic gas »), est
un mélange de deux gaz combustibles : le monoxyde de carbone (CO) et le
dihydrogène (H2). Ce syngas est utilisé principalement comme sous de production :
 de chaleur ;
 d’électricité par l’action du gaz sur des turbines ;
 d’hydrogène, de méthanol et de méthane par traitement chimique ;
 de carburant de synthèse par le procédé Fischer-Tropsch10.

a) Etapes de la gazéification
Pour parvenir à la production du syngas, plusieurs réactions préalables sont
nécessaires. Il faut, à partir d’une matière organique, obtenir au préalable dans le
réacteur de la vapeur d’eau (H2O), du carbone (C) et de produire de la chaleur
suffisante pour la réaction finale de gazéification. Quatre étapes successives,
fortement couplées, sont nécessaires, la troisième produisant la chaleur requise par
les trois autres (Figure).

Figure : Processus de gazéification [8]

10
Le procédé Fischer-Tropsch, du nom des chimistes allemands qui l'ont développé, Franz Fischer et Hans
Tropsch, était très utilisé en Allemagne dans les années 1930 pour produire du pétrole synthétique et du
combustible diesel.

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Étape 1: séchage de la matière


Cette étape se déroule à des températures comprises entre 100°C et 160°C. Sous
l’effet de la chaleur, l’eau contenue dans la matière organique s’évapore. Le
combustible carboné résultant est sec et de différentes natures (charbon, biomasse,
etc.). Dans le cas de produits non homogènes, une phase préalable (tri, broyage) est
nécessaire avant d’introduire cet intrant dans le gazéifieur.
Étape 2: pyrolyse des intrants
Cette étape sans oxygène (anaérobie) se déroule à des températures situées entre
120 °C et 600 °C. Elle est dite « autothermique » car elle ne produit ni ne consomme
d’énergie. En augmentant progressivement la température en l’absence d’oxygène, la
matière séchée se décompose et les atomes de carbone s’associent entre eux. Il se
forme alors :
 du carbone réducteur presque pur (coke ou résidus de carbone) ;
 un mélange de gaz oxydants non-condensables composés majoritairement
d’oxyde de carbone (CO) et d’hydrocarbures (CH4) appelés «gaz de pyrolyse» ;
 des goudrons et des matières volatiles condensables issues de vapeurs de
composés organiques (acides acétiques, aldéhydes).
Étape 3: oxydation des gaz de pyrolyse
Cette étape se déroule en présence d’oxygène à des températures comprises entre
1 200°C et 1 500°C. Les matières volatiles issues de la pyrolyse s’oxydent. Cette
combustion dégage la chaleur nécessaire aux deux étapes précédentes et à l’étape
suivante de la gazéification. Elle nécessite un fort apport en oxygène.
Étape 4: la réduction ou « gazéification » du carbone
Cette étape se déroule à des températures comprises entre 800 °C et 1 200° C. En
l’absence d’oxygène, le coke obtenu lors de la phase de pyrolyse réduit la vapeur d’eau
et le gaz carbonique obtenus dans l’étape précédente respectivement en hydrogène
et en oxyde de carbone pour former du syngas (CO et H2).

b) Les différents procédés de gazéification


Le choix d'un type de procédé est guidé par la taille de l'installation, le solide
combustible carboné utilisé, l'usage du gaz produit et la maturité des technologies.
Le procédé à lit fixe
Il peut être soit à co-courant soit à contre-courant.
À co-courant, les différentes étapes de la gazéification sont successivement
réalisées de haut en bas dans le réacteur. La matière organique est d’abord introduite
à son sommet. De l’air est injecté à mi-hauteur pour amorcer la combustion et fournir
de la chaleur à l’ensemble du réacteur. L’augmentation progressive de la température
permet d’obtenir les différentes réactions entrainant les gaz produits vers la zone la
plus chaude du réacteur. Le syngas est récupéré au niveau du socle du gazéifieur.

ESGE JUIN 2022 23


LA BIOMASSE ENERGIE

Figure : Procédé de gazéification à lit fixe et à co-courant [8]

À contre-courant, l’air est injecté à la base du réacteur et le syngas est récupéré


sous son sommet, au-dessus de la zone de pyrolyse. Les goudrons sont moins
nombreux à s’échapper du réacteur et l’encrassement des conduits est donc plus
limité.

Figure : Procédé de gazéification à lit fixe et à contre-courant [8]

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Le procédé à lit fluidisé statique


Par ce procédé, les particules sont mises en suspension dans le réacteur par
injection à sa base d’un gaz qui va « soulever » les grains. Cela favorise les échanges
thermiques et massiques entre le gaz et le solide. Dans ce type de réacteur, les
différents mécanismes de séchage, pyrolyse, combustion ou oxydation ont lieu dans
une seule et même zone.

Figure : Procédé de gazéification à lit fluidisé [8]

Le procédé à lit fluidisé entraîné


Le solide combustible carboné est finement pulvérisé dans un jet d'oxygène. La
réaction chimique s’effectue à très haute température et à pression élevée. Cela
empêche les goudrons et méthane de se former, les gaz produits en sont ainsi
exempts. Le rendement en gaz est donc élevé. Cependant, le procédé à lit fluidisé
entraîné nécessite une forte consommation en oxygène. Par ailleurs, le coût de la
pulvérisation préalable du solide combustible carboné est élevé car il faut obtenir une
biomasse ou du charbon finement moulu [8].

ESGE JUIN 2022 25


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c) Applications de la gazéification
La gazéification peut être utilisée comme une solution de substitut dans plusieurs
domaines.
 La valorisation des déchets organiques
 La gazéification des déchets se pose aujourd'hui en concurrent de
l'incinération car elle présente plusieurs avantages par rapport aux procédés
classiques :
 l'élimination des produits de combustion est effectuée directement sur le
syngas, alors que l'incinération produit un volume de fumée beaucoup plus
important ;
 l'énergie électrique peut être fournie à partir de moteurs et de turbines à gaz,
qui sont beaucoup moins onéreux et plus efficaces que le cycle de la vapeur
utilisé dans les incinérateurs ;
 la conversion chimique du syngas permet de produire des carburants de
synthèse, et pas seulement de l'électricité.
 La gazéification du charbon
Comme pour la biomasse, la gazéification du charbon permet de produire du
syngas, souvent utilisé pour la production d’électricité par l’action de turbines.
Par ailleurs, la liquéfaction indirecte du charbon CTL (Coal To Liquids) par
l’intermédiaire de la gazéification du charbon permet d’obtenir des carburants
synthétiques.
 La valorisation des résidus issus du raffinage du pétrole
Les résidus issus du raffinage du pétrole comme les goudrons, le coke et
l'asphalte peuvent être valorisés par un processus de gazéification. Ils peuvent
en effet être, à leur tour, convertis en produits utilisables comme l'hydrogène, la
vapeur, l'électricité, l'ammoniac et des produits chimiques. Par ailleurs, les
boues de raffinerie peuvent, elles aussi, être gazéifiées. Ainsi, intégrée à la
raffinerie de pétrole, la gazéification peut constituer une solution aux problèmes
environnementaux liés à l'élimination des résidus et des boues.
Concrètement, 1 kg de biomasse (bois) permet de produire entre 1 et 1,3 kWh
d’énergie électrique et entre 1,7 à 2,5 kWh d’énergie thermique. À titre de
comparaison, 1kg de gaz ou du pétrole fournit environ 12 kWh d’énergie thermique.
En Afrique, la plupart des gazéifieurs sont situés en Afrique du Sud, où les
carburants synthétiques et les produits chimiques sont produis à partir du charbon
depuis 1955 [8].

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II.5. La méthanisation
La méthanisation est un processus de décomposition de matières pourrissables
(putrescibles) par des bactéries agissant en l’absence d’air. On nomme ce processus
de décomposition « fermentation anaérobie ».
Ce procédé permet de générer une énergie renouvelable, le biogaz, qui comporte
entre autres du méthane (CH4, dans des proportions de 50% à 70%) et du dioxyde de
carbone (CO2), une faible proportion de sulfure d'hydrogène, d'ammoniaque et
d'hydrogène, ainsi que du compost11 (un « digestat » utilisé comme fertilisant).
Le digestat est formé à partir d'un mélange à base d'eau, de composants minéraux
et d'une substance organique non éliminée. Ce résidu peut être utilisé dans le secteur
agricole comme engrais d'excellente qualité.
La valeur calorifique du biogaz est d’environ 6 kWh/m 3 (ou 22 kJ/m3) – ce qui
correspond à peu près à un demi-litre de fioul12. La valeur calorifique nette dépend de
l’efficacité des brûleurs ou des appareils [7].
Le biogaz peut être transformé en chaleur, en électricité et en carburant pour
véhicules.

a) Types de déchets à méthaniser


On distingue deux types de déchets que l’on peut méthaniser:
 les effluents13 liquides :
 les eaux usées urbaines ou industrielles ;
 les effluents d'élevage (lisiers14) ;
 les boues d'épuration ;
 les effluents agro-alimentaires.
 les déchets solides organiques :
 les déchets industriels : déchets de transformation des industries végétales et
animales ;
 les déchets agricoles : substrats végétaux solides, déjections d'animaux ;
 les déchets municipaux : journaux, emballages, textiles, déchets alimentaires,
sous-produits de l'assainissement urbain.

b) Principe de fonctionnement
La méthanisation est un procédé complexe. Le principe est le suivant : les déchets
organiques sont stockés dans une cuve cylindrique et hermétique que l’on appelle
«digesteur» ou «méthaniseur» dans laquelle ils sont soumis à l’action de micro-
organismes (bactéries) en l’absence d’oxygène. Les réactions biologiques mises en

11
Compost : mélange constitué de déchets organiques et de matières minérales et utilisé comme engrais.
12
Fioul : combustible liquide issu de la distillation du pétrole
13
Effluent : ensemble des eaux usées.
14
Lisier : mélange composé des excrétions solides et liquides (des animaux), utilisé comme engrais.

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jeu par la méthanisation sont complexes mais globalement on repère trois grandes
étapes :
 l’hydrolyse et l’acidogénèse : les chaînes organiques complexes (protéines15,
lipides 16 , polysaccharides 17 ) sont transformées en composés plus simples
(acides aminés, acides gras, peptides,) ;
 l’acétogénèse : les produits de l’acidogénèse sont convertis en acide acétique18;
 la méthanogénèse : l’acide acétique est transformé en méthane et en gaz
carbonique.
Une fois méthanisée, la matière résiduelle (digestat) est stockée.

Figure : Processus de méthanisation [9]


Le processus de production de biogaz dépend de paramètres variés. Par exemple,
des changements de la température ambiante peuvent avoir un impact négatif sur

15
Protéine : grosse molécule composée d'une longue chaîne d'acides aminés.
16
Lipide : substance chimique organique composée d'acides gras.
17
Polysaccharide : glucide naturel, formé par la condensation de plusieurs sucres simples (oses).
18
Acétique : propre au vinaigre.

ESGE JUIN 2022 28


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l’activité bactérienne. Des connaissances biotechnologiques approfondies permettent


d'optimiser la gestion des processus.
En principe, toutes les matières organiques peuvent fermenter ou être digérées.
Cependant, seuls les substrats homogènes et liquides peuvent être pris en compte
pour les centrales au biogaz simples : fèces19 et urines des bestiaux, des cochons, et
éventuellement de la volaille ainsi que les eaux usées des toilettes.
Les déchets et eaux usées des industries de traitement des aliments ne sont
souhaitables pour les centrales simples que s’ils sont de forme homogène et liquide.
La production maximale de gaz, d’une quantité donnée de matières premières, dépend
du type de substrats [7].

c) Le potentiel des ressources du biogaz au Sénégal


Le potentiel des sources éventuelles de biogaz a été évalué pour le Sénégal. En
résumé, selon les estimations, le Sénégal dispose d’un potentiel moyen annuel de
production de biogaz accessible provenant par ordre d’importance des :
 déjections des animaux : 933 millions de m3, soit 522 480 tep ;
 excrétions humaines : 123 millions de m3, soit 68 900 tep ;
 ordures ménagères : 41,4 millions de m3, soit 23 000 tep ;
 déchets d’abattoir : 0,22 millions de m3, soit 123 tep.
Soit au total 1 360,62 millions de m3 de biogaz ou 761 783 tep.
En théorie, cette quantité de biogaz pourrait générer annuellement 1 769 GWh
d’électricité sachant que 1 m3 de biogaz (60 % de méthane) peut produire 1.3 kWh
d’électricité.
L’État sénégalais n’avait opté pas pour une approche industrielle, mais pour une
approche villageoise au niveau des ménages. Le programme national de biogaz
domestique dont la phase pilote s’est étendu de 2010 à 2013 avait pour zone
d’intervention le Bassin Arachidier, plus précisément les zones de Fatick, Kaolack et
Kaffrine et la zone péri urbaine de Dakar. L’objectif était l’installation de 350
biodigesteurs jusqu’à la fin de l’année 2010 et de 8 000 appareils supplémentaires
jusqu’à 2013. Le modèle retenu était un modèle à dôme fixe qui a déjà fait ses preuves
en Amérique Latine, au Burkina Faso et au Rwanda. Selon la taille du ménage, des
modèles de différentes tailles allant de 4 à 12 m 3 seront utilisés. Les populations
ciblées au Bassin Arachidier étaient les ménages possédant un cheptel bovin et
pratiquant l’élevage intensif, c’est-à-dire qu’ils associent déjà élevage et agriculture et
où les animaux passent la nuit à domicile (le problème de collecte de bouse ne se
pose donc pas).
L’utilisation du « digestat » pour lutter contre la dégradation des sols dans la zone
était encouragée par les autorités [7].

19
Fèces : excréments solides composés des résidus de la digestion.

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III. La production de biocarburants


Un biocarburant est un carburant liquide ou gazeux produit à partir de la
transformation de matériaux organiques non fossiles issus de la biomasse, par
exemple des matières végétales provenant de l’agriculture (canne à sucre, betterave,
blé, maïs, colza, tournesol, pomme de terre, etc.).
Si la langue anglaise n’a retenu qu’une seule appellation « biofuel », plusieurs
dénominations coexistent dans la langue française : biocarburant, agrocarburant ou
carburant végétal.
Les biocarburants sont assimilés à une source d’énergie renouvelable. Leur
combustion ne produit que du CO2 et de la vapeur d'eau et pas ou peu d'oxydes azotés
et souffrés (NOx, SOx) [10].
Les biocarburants ont de nombreux atouts :
 En réduisant la dépendance du transport au pétrole, leur utilisation renforce
l’indépendance énergétique ;
 Ils permettent de diminuer les émissions de gaz à effet de serre liées au
transport (1/4 des émissions de CO2 de la planète) ;
 Ils favorisent la création ou le maintien d’une activité agricole ou forestières ;
 Ils favorisent la création ou le maintien d’une activité industrielle ;
 Ils peuvent être mélangés directement à l’essence ou au gazole, sans adaptation
du réseau de distribution ni des véhicules [11]
On distingue trois générations de biocarburants.

III.1. Les biocarburants de première génération


Ils sont produits à partir de cultures alimentaires. On distingue principalement trois
types : le bioéthanol, le biodiesel et l’huile végétale hydrotraitée.
 Le bioéthanol : il est obtenu à partir du maïs, de la canne à sucre, de la
mélasse20, du blé et d’autres céréales (manioc, pommes de terre et betteraves
sucrières).
Le bioéthanol est produit par fermentation du sucre contenu dans la matière
végétale.
Le bioéthanol est mélangé à l’essence21 soit directement, soit transformé d’abord
en ETBE (Ethyl Tertio Butyl Ether);
 Le biodiesel : il est obtenu à partir d’huiles végétales (huile de soja, huile de
palme, huile de colza et huile de tournesol) et d’huiles de cuisson usagées.

20
Mélasse : sirop brun qui provient de la cristallisation du sucre.
21
Essence : distillat de pétrole brut constitué d'un mélange d'hydrocarbures, et servant notamment de
carburant.

ESGE JUIN 2022 30


LA BIOMASSE ENERGIE

Le biodiesel est produit par réaction entre une huile végétale semi-raffinée et un
alcool (méthanol) en présence d’un catalyseur [hydroxyde de sodium ou de
potassium (NaOH ou KOH)] pour obtenir un EMHV (ester méthylique d'huile
végétale), composé aux propriétés voisines de celles des gazoles. Le processus
est appelé « transestérification ».
Le biodiesel est mélangé au gazole et utilisé dans les moteurs diesel [12].
 L’huile végétale hydrotraitée ou HVO (Hydrotreated Vegetable Oil: Elle est
obtenue par hydrotraitement ou hydroisomérisation d’une huile végétale.
L’HVO est mélangée au gazole22ou au kérosène.

Figure : Production de biocarburants de 1e génération [11]

Les biocarburants de première génération sont aujourd’hui à être produits à l’échelle


industrielle. À la mode au début des années 2000 où ils furent considérés comme la
solution miracle pour satisfaire les besoins énergétiques du secteur du transport et
furent produits massivement aux Etats-Unis et au Brésil, les biocarburants de première
génération sont désormais critiqués comme fausse solution, gourmands en énergie,
néfastes pour la forêt à cause de défrichements, concurrents de la production
alimentaire et partiellement responsables de la hausse des prix des denrées
alimentaires de base [10].

22
Gazole : produit liquide de la distillation du pétrole utilisé comme carburant ou comme combustible.

ESGE JUIN 2022 31


LA BIOMASSE ENERGIE

III.2. Les biocarburants de deuxième génération ou biocarburants avancés


Ces biocarburants sont issus de matières végétales dites lignocellulosiques comme
les résidus de bois, les résidus de récoltes (tiges et feuilles de plantes) ou les cultures
dédiées à la production énergétique. Ils occupent actuellement une place marginale
dans la production totale de biocarburants. Pourtant les technologies y afférentes sont
souvent jugées prometteuses pour l’avenir, dans la mesure où elles sont censées
amoindrir la concurrence pour les produits alimentaires et entrainer des niveaux moins
dangereux d’émissions de gaz à effet de serre [12]. Ces technologies permettent de
produire du bioéthanol et du biodiesel dits de 2e génération, du biohydrogène ou du
biogaz. Leur production à grande échelle est prévue à l’horizon 2020-2030.
Il existe deux principales voies de production des biocarburants de 2e génération:
 La voie thermochimique ou gazéification : cette voie ou technologie BtL
(Biomass to Liquids) permet de produire du biogazole et du biokérosène.
 La biomasse est d’abord prétraitée pour obtenir une matière homogène grâce
à des techniques de pyrolyse ou de torréfaction.
 On procède ensuite à une gazéification à plus de 1000°C et 4 bar en
présence de vapeur d’eau et d’oxygène. On obtient alors un gaz de synthèse
(principalement du monoxyde de carbone et du dihydrogène).
 Le gaz de synthèse est purifiée afin d’éliminer des composés comme le soufre,
les métaux et le dioxyde de carbone ;
 On procède enfin à la synthèse de Fischer-Tropsch, une réaction qui
transforme le gaz de synthèse épuré en biocarburants grâce à des
catalyseurs.
 La voie biochimique : cette voie permet de produire du bioéthanol de 2e
génération.
 il faut donc tout d’abord extraire la cellulose 23 de la biomasse par un
traitement physico-chimique ;
 la cellulose est ensuite transformée en glucose (sucre simple) par hydrolyse
à l'aide d'enzymes. Ces dernières, produites à partir de micro-organismes,
dégradent naturellement la cellulose en glucose ;
 le glucose est ensuite transformé en éthanol par fermentation sous l'action
de levures, selon le même processus que pour la filière conventionnelle.
 Enfin, l'éthanol est purifié par distillation et déshydratation.

23
Cellulose : composant principal de la paroi des cellules végétales, utilisé pour la fabrication du papier
et de certains tissus

ESGE JUIN 2022 32


LA BIOMASSE ENERGIE

Figure : Production de biocarburants de 2e génération [11]

Des améliorations sont en cours pour adapter la technologie BtL à une large
diversité de biomasses et optimiser les performances technico-économiques
(investissement, rendement, matière, etc.) et environnementales (consommations
énergétiques, émissions de CO2) afin de passer à l’étape industrielle.
Un effort de recherche et de développement sans précédent est mené au niveau
international pour produire ces biocarburants à un prix compétitif et avec les meilleurs
bilans environnementaux possibles. Les premières unités industrielles de bioéthanol
avancé sont en train de voir le jour en Europe, aux États-Unis, au Brésil et en Inde
[11].

III.3. Les biocarburants de troisième génération


Les biocarburants de 3e génération sont produits à partir de microalgues qui sont
des micro-organismes aquatiques. Dotées d’une croissance rapide, elles peuvent
accumuler entre 60% et 80% de leur poids en acides gras et produire des substances
industriellement intéressantes. En effet, certaines espèces de microalgues ont la
capacité de produire des composés ayant un potentiel énergétique comme les lipides
(source de biodiesel) ou l’amidon (source de bioéthanol).
Les microalgues peuvent également intervenir dans la production de deux autres
types de biocombustibles : l’hydrogène et le biogaz.
Déjà utilisées dans l’alimentaire, les cosmétiques et les fertilisants, les microalgues
sont considérées comme une voie alternative de production de biocarburants. Les
algocarburants se distinguent des agrocarburants, issus de cultures destinées
traditionnellement à l’alimentation et des biocarburants de 2 e génération, produits à
partir de sources végétales non alimentaires telles que le bois et les déchets végétaux.
[13].

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LA BIOMASSE ENERGIE

La majorité des microalgues convertissent l’énergie solaire en utilisant du CO 2 et de


l’eau pour produire de l’oxygène et de la biomasse algale (matière organique) par une
réaction appelée la photosynthèse. Les microalgues sont caractérisées par un
rendement photosynthétique très élevé (rapport entre l’énergie lumineuse incidente et
l’énergie stockée dans la plante) [13].

Les cultures de microalgues


Préalablement sélectionnées, les microalgues sont cultivées de manière contrôlée
afin d’obtenir de grandes quantités de biomasse algale.
Habituellement, l’eau de mer enrichie en nutriments (comme les nitrates et les
phosphates) est utilisée pour la croissance de ces microorganismes. Toutefois, le
recours à de l’eau douce et saumâtre (provenant de lacs ou de rivières) est également
possible.
Les principales méthodes de culture sont :
 les bassins à ciel ouvert, peu coûteux à faire fonctionner. Néanmoins, ces
systèmes ouverts voient leur productivité affectée par des contaminations
microbiennes et une perte d’eau par évaporation ;
 les photobioréacteurs, tubes transparents formant un système clos. Leur coût
s’avère plus élevé mais est compensé par des productivités supérieures [13].
La production de biocarburants à partir d'algues est une idée séduisante mais qui
relève encore de l’expérience de laboratoire. Il s'agit de récupérer les triglycérides
contenus dans les algues pour les transformer en biogazole ou biokérosène. Cela
suppose de maîtriser toute une chaîne de technologies et leur intégration, ce qui est
loin d'être le cas aujourd'hui.
La production de ces biocarburants passe par quatre étapes :
 Sélection des micro-algues pour leur richesse en huile,
 Culture dans de grands bassins de plein air ou dans des photobioréacteurs
(tubes transparents),
 Récolte et extraction de l'huile selon différentes méthodes (centrifugation,
traitement au solvant, lyse24 thermique, etc.),
 Conversion de l'huile en biocarburant. Il existe deux méthodes :
 La transestérification, qui fait réagir l'huile algale avec du méthanol ou de
l'éthanol, produit un ester d'huile algale ou biodiesel. Il peut être mélangé au
gazole en proportion limitée à une dizaine de pourcents volume ;
 L’hydrogénation catalytique qui fait réagir l'huile en présence d'hydrogène,
suivie d'un hydrocraquage, produit des hydrocarbures qui peuvent être
incorporés en quantité importante au gazole ou au kérosène.

24
Lyse : destruction de la structure moléculaire des cellules.

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LA BIOMASSE ENERGIE

D'après les estimations actuelles, les coûts de production sont beaucoup plus
élevés que ceux des biocarburants avancés (plus de 300 dollars le baril). Pour réduire
ces coûts et envisager une production à grande échelle, il y a d’énormes défis
scientifiques et économiques qui restent à relever. Aujourd'hui, les algues ne sont
utilisées que comme matières premières pour des applications à haute valeur ajoutée
et en petits volumes, notamment dans l’industrie cosmétique [11].

Figure : Production de biocarburants algaux [11].

Production de biodiesel
Cultivées dans des conditions dites « de stress » (par exemple une carence en
nitrates ou une augmentation soudaine de l’intensité lumineuse), certaines espèces
augmentent significativement leur production de lipides, pouvant atteindre 80% de leur
masse sèche. Toutefois, ces conditions de fortes productivités ne peuvent pas être
maintenues sur de longues durées. En effet, elles conduisent à un arrêt de la
croissance et à la consommation des réserves lipidiques produites. L’optimisation de
la productivité en lipides passe donc par une alternance entre croissance (donc sans
carence) et production d’huile (avec un stress ralentissant la croissance) [13].

ESGE JUIN 2022 35


LA BIOMASSE ENERGIE

Les microalgues sont ensuite récoltées et l'huile est extraite selon différentes
méthodes (centrifugation, traitement au solvant, lyse thermique, etc.) pour être
transformées en biodiesel. Les techniques classiques de transestérification,
développées pour les huiles végétales, peuvent être appliquées : le principe consiste
à faire réagir l’huile algale avec du méthanol ou de l’éthanol.

Production de bioéthanol
Les recherches portant sur la production d’algocarburants s’orientent surtout vers
le biodiesel. Toutefois, ces micro-organismes produisent aussi des glucides (tels que
le glucose ou l’amidon) présentant un intérêt pour la production d’un autre
biocarburant, l’éthanol. Celui-ci est produit au cours d’une fermentation anaérobie
(sans oxygène) en l’absence de lumière à partir de l’amidon. L’alcool obtenu est
ensuite concentré et hydraté pour aboutir au bioéthanol.

Production de biogaz
Il s’agit de la filière la plus aboutie parmi toutes les productions de biocombustibles.
La biomasse algale, concentrée et humide, se révèle particulièrement adaptée au
processus de méthanisation. Après fermentation en condition anaérobie (absence
d’oxygène) dans un digesteur chauffé, elle génère un biogaz composé de 70 à 80%
de méthane. Celui-ci peut être utilisé pour la production de chaleur et d’électricité ou
directement injecté dans un réseau de gaz.
Une association entre production de biomasse, captage de CO2 et production de
biogaz fait actuellement l’objet d’études. Le CO2, généré par la combustion de biogaz,
pourrait être recyclé directement pour produire de la biomasse microalgale, celui-ci
étant nécessaire à la réaction de photosynthèse.

Production biologique d’hydrogène


En parallèle de la production de biomasse à partir du CO2, les microalgues sont
également capables de fournir de l’hydrogène gazeux en milieu anaérobie (sans
oxygène). Néanmoins, ce phénomène est limité car la réaction de photosynthèse
produit de l’oxygène, inhibant la synthèse d’hydrogène. À l’heure actuelle, la
transformation de l’énergie lumineuse en hydrogène gazeux est donc insuffisante pour
que cette voie soit rentable. Afin d’améliorer ce rendement, plusieurs approches sont
développées en laboratoire, et notamment celle des modifications génétiques [13].

Rendement actuel
Une production microalgale à vocation énergétique pourrait présenter de nombreux
avantages en termes de rendement et d’un point de vue environnemental :
 dans le domaine des biocarburants, certaines espèces peuvent produire une
quantité d’huile estimée à plus de 30 fois supérieure à celles des plantes
oléagineuses terrestres (colza, tournesol…) pour une même surface;

ESGE JUIN 2022 36


LA BIOMASSE ENERGIE

 les microalgues sont cultivées sur des surfaces réduites, n’entrant pas a priori en
compétition avec les surfaces agricoles destinées à une production alimentaire.
En effet, les microalgues peuvent croître dans des eaux impropres à toutes
formes de culture terrestre, tout en les dépolluant et les purifiant (notamment par
l’utilisation comme nutriments de nitrates ou de phosphates, sans les rejeter
ensuite);
 elles présentent un potentiel important pour la fixation du CO 2 d’origine
industrielle, nécessaire en grandes quantités pour leur croissance.
Toutefois, l’utilisation des microalgues comme source d’énergie (qu’il s’agisse de la
production d’hydrogène, de biocarburant ou de biogaz) nécessite encore des
améliorations avant une application à l’échelle industrielle :
 les procédés de culture des microalgues et d’extraction de la biomasse
présentent aujourd’hui des bilans énergétique et économique défavorables. À
titre d’exemple, le coût estimé d’un baril d’algocarburants s’élève à 300 dollars
alors que celui du baril de pétrole brut est d’environ 100 dollars pour une valeur
énergétique plus élevée;
 le risque de prolifération des microalgues et les modifications génétiques visant
à améliorer leur productivité rendent encore incertain l’impact environnemental
d’une exploitation de masse.
Les biocarburants sont principalement utilisés sous forme d’additifs aux carburants
fossiles dans le domaine du transport. Ils entrent en proportion variable dans la
composition de quasiment tous les carburants liquides utilisés dans les voitures :
SP95, SP98, E10, E85, etc. Ils peuvent être utilisés aussi bien dans les véhicules
essence (bioéthanol) que diesel (biogazole). Ils intéressent aussi le secteur
aéronautique en tant que substituts au kérosène fossile [11].
La plupart des pays ont fixé des obligations d’incorporation des biocarburants dans
les carburants fossiles. Les taux varient selon les pays et la réglementation locale.
Tableau : Taux d’incorporation de biocarburants dans les carburants fossiles
[12].
Pays Brésil Argentine UE Canada Indonésie

Taux Bioéthanol 27% 12% 10% 5% 1,4%


d’incorporation Biodiesel 10% 10% 10% 2% 0,1%

La filière biocarburants au Sénégal

La filière bioéthanol
La filière bioéthanol reposait sur la première usine de production bioéthanol au
Sénégal qui se trouve à Richard-Toll. La Compagnie Sucrière Sénégalaise (CSS) y

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LA BIOMASSE ENERGIE

avait mis en place une unité de production de 10 000 tonnes d’éthanol par an à partir
de 35 000 tonnes de mélasse, un résidu du raffinage du sucre blanc, issu de la canne
à sucre. La production d’éthanol était destinée à l’autoconsommation de la société et
à approvisionner le marché. En dehors de cette production d’éthanol, il était envisagé
une production de 25 000 hectolitres d’alcool par an, destinée au marché sénégalais
en alcool pharmaceutique, industriel et de parfumerie. La vinasse25 issue du processus
de distillation était destinée à une commercialisation en tant qu’engrais renouvelable.

La filière biodiesel
Le gouvernement du Sénégal avait décidé de baser son programme national des
biocarburants sur l'huile de jatropha curcas dans un premier temps mais d’autres
options, comme par exemple le ricin26, n’était pas exclues dans un avenir plus lointain.

Figure : Plante jatropha curcas [7].


La plante Jatropha curcas (Tabanani en Wolof) est largement répandue au Sénégal.
Elle est souvent utilisée comme plante de haies vives dans l'agriculture ou comme
clôture et ses feuilles sont employées pour soigner certaines maladies de la peau. Les
haies aident à protéger le sol contre l'érosion. Dans de bonnes conditions, la plante
peut atteindre des hauteurs de 5 mètres. Entièrement toxique, la plante et ses fruits
sont inconsommables. Mais son fruit est riche en une huile qui peut être utilisée pour
produire du biocarburant, du savon ou des bougies.
La plante doit pousser pendant 3 ans avant de porter des fruits. Elle peut fournir
chaque année de 1 à 4 kg de graines. Huit kilos de fruits donnent 1,5 litre de biodiesel.
Chaque graine contient environ 35 % d'huile. Les arbustes produisent des fruits
pendant 50 ans et poussent sans entretien véritable dans des régions semi arides,

25
Vinasse : résidu de la distillation d'un liquide alcoolique ou de la fabrication du sucre.
26
Ricin : plante originaire des régions tropicales de la famille des euphorbiacées, à feuilles en éventail, à fleurs
de couleur orangée, dont on extrait une huile

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dans des conditions difficiles et en plein Soleil mais leur rendement dépend quand
même de la fertilité des sols.
Après le pressage et l’extraction, on obtient une huile qui présente une grande
viscosité et d’une grande qualité qui se réduit lorsqu'on la chauffe pour devenir au-delà
de 110 °C, semblable au Diesel.

Figure : Extraction d’huile des graines de jatropha [7]


Les résidus du pressage pourraient être utilisés pour fabriquer du biocharbon ou du
biogaz et, avec les derniers déchets de ce processus utilisés comme engrais, on
arriverait à une exploitation véritablement équilibrée de cette plante.
Même sans exploiter ces dernières possibilités d’utilisation, cette plante représente
pour beaucoup un énorme potentiel énergétique pour l’avenir.
D’autres critiquent le rendement pauvre par hectare cultivé et la culture de cette
plante pourrait supplanter des cultures vivrières autant que les autres biocarburants.
S’il est vrai que la plante peut pousser presque partout, elle ne donne cependant son
meilleur rendement que sous des conditions optimales, c’est-à-dire sur les terrains
irrigués, qui sont donc privilégiés par les grandes entreprises. Ainsi, le jatropha se
retrouve en concurrence directe avec les cultures alimentaire.
D’autres pays d’Afrique de l’Ouest, comme le Ghana ou le Burkina Faso, ont pris
de l’avance sur le Sénégal dans l’exploitation du jatropha et de grandes entreprises
multinationales s’investissent dans le secteur.
Des voix critiques craignent que ce modèle de grande plantation détruise la petite
paysannerie et pousse les agriculteurs indépendants à devenir ouvriers agricoles [7].

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LA BIOMASSE ENERGIE

Conclusion
La biomasse est une réserve d'énergie considérable née de l’action du soleil grâce
à la photosynthèse.
Avant d’être valorisée en énergie, la biomasse doit être collectée (récoltée dans le
cas des cultures énergétiques), conditionné et transporté jusqu’à son lieu d’utilisation.
Grâce à l’utilisation de diverses techniques de densification, la biomasse brute est
comprimée afin d’atteindre une masse volumique de 7 à 10 fois sa masse volumique
brute initiale.
La valorisation énergétique de la biomasse représente un potentiel important pour
la production de chaleur et d’électricité, ainsi que pour la production de biocarburants.
On distingue trois voies de valorisation de la biomasse : la voie sèche, la voie
humide et la production de biocarburants.
La biomasse est la première source d’énergie pour plus de 2 milliards de personnes
dans les pays en développement. La bioénergie suscite un intérêt croissant pour les
raisons suivantes :
 elle contribue à la réduction de la pauvreté ;
 elle répond aux besoins énergétiques en permanence, sans transformation
onéreuse des installations ;
 elle peut être stockée et elle est disponible de manière flexible ;
 elle peut fournir de l’énergie sous toute forme selon les besoins (combustibles
solides, liquides et gazeux, chaleur et électricité) ;
 elle peut aider à l’élimination des déchets au niveau des communes ;
 elle peut aider à rendre les terres jusqu’alors improductives et dégradées,
cultivables en augmentant la biodiversité, la fertilité du sol et la rétention d’eau.

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LA BIOMASSE ENERGIE

Référence
[1] REN21, Renewables 2021, Global Status Report, Paris 2021.
[2] G. Mercier, la biomasse forestière: Une ressource énergétique renouvelable,
progrès forestier, Juin 2008.
[3] S. Clarke, F. Preto, Densification de la biomasse pour la production d'énergie, Fiche
Technique, Juin 2011.
[4] https://id-ong.org/projet/briquettes-de-coques-darachide-senegal-aps/, Dernière
visite : décembre 2020.
[5] INGESAHEL (Groupement d’Ingénieurs Conseil du Sahel), Etude de faisabilité
d'une valorisation des résidus agricoles et agro-industriels comme combustibles
domestiques au Sénégal, Rapport de synthèse, Septembre 1998.
[6] J. K. Fontodji, Technologies Efficientes de Carbonisation - La Meule Casamançaise
Améliorée, Dialogue National sur le Bois-Énergie et la Restauration des Paysages
Forestiers au Togo, 22 - 23 Janvier 2020, Lomé, Togo.
[7] PERACOD (Programme pour la promotion des énergies renouvelables, de
l'électrification rurale et de l'approvisionnement durable en combustibles
domestiques), Les énergies renouvelables: Les bases, la technologie et le
potentiel au Sénégal, Dakar, Avril 2011.
[8] Connaissance des énergies, 03 juillet 2011, www.connaissancedesenergies.org,
Dernière visite : décembre 2020.
[9] Connaissance des énergies 25 février 2015, www.connaissancedesenergies.org,
Dernière visite : décembre 2020.
[10] Connaissance des énergies, septembre 2013,
www.connaissancedesenergies.org, Dernière visite : décembre 2020.
[11] https://www.ifpenergiesnouvelles.fr/enjeux-et-prospective/decryptages/energies-
renouvelables/quel-avenir-les-biocarburants, Dernière visite : décembre 2020.
[12] Biocarburants, chap. dans Perspectives agricoles de L'OCDE et de la FAO 2019-
2028, OCDE/FAO 2019.
[13] Connaissance des énergies 18 septembre 2011,
www.connaissancedesenergies.org, Dernière visite : décembre 2020.

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