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La Tabacographie, dédiée aux

tabacomanes et aux
antagonistes du cigare, de la
pipe et de la tabatière, par
Ana-Gramme [...]

Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France


Blocquel, Simon-François (1780-1863). Auteur du texte. La
Tabacographie, dédiée aux tabacomanes et aux antagonistes du
cigare, de la pipe et de la tabatière, par Ana-Gramme Blismon (S.
Blocquel). 1861.

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LA

TABACOGRAPHIE
DÉDIÉE
%

AUX TABACOMANES

et aux antagonistes
DU CIGARE, DE LA PIPE

ET DE LA TABATIÈRE

par Ana-Gramme BLISMON.

PARIS,
chez DELARUE Libraire - Éditeur.
,
TABACOGHAPHIE.

RECUEIL
D'ARTICLES INTÉRESSANTS,

POUR
,
SUR OU CONTRE

LE TABAC.
CE VOLUME CONTIENT:

La Description la Culture et la Fabrication


,
du TABAC ;
L'Histoire de son Introduction en Europe ;
Les Mesures répressives qui ont été adoptées
par quelques souverains pour en empê-
cher l'emploi dans leurs états ;
Les Avantages et les Dangers de son usage ;
Les Ressources considérables que le mono-
pole de sa vente offre aux gouvernements ;
Des détails sur les Accidents qu'il a souvent
occasionnés ;
Les Anecdotes curieuses auxquelles il a
donné lieu;
Des Avis utiles aux fumeurs aux pri -
,
seurs , etc. , etc., etc.
Le Code du Cigare ou la politesse du
,
fumeur.

Les personnes qui posséderaient le


volume publié sous le litre : TABACIANA fe-
,
raient double emploi en se procurant celui-ci.
LA
TABACOGRAPHIE
DÉDIÉE

AUX TABACOMANES
et aux antagonistes

DU CIGARE, DE LA PIPE

ET DE LA TABATIÈRE

.. par Ana-Gramme BLISMON .


Lille, (yp. de Blocquel.
AVIS DE L'ÉDITEUR.

Depuis l'introduction du Tabac


en Europe, cette plante a successi-
vement et simultanément été l'ob-
jet des éloges les plus pompeux, de
la critique la plus amère ou de la
,
réprobation la plus acharnée.

Tout ce qui a été publié à cet
égard paraît empreint d'une exa-
,
gération qui rend presqu'impossible
une sage et impartiale appréciation,
aussi nous garderons-nous bien de
nous prononcer en faveur de l'une
ou de l'autre des diverses opinions
émises.
si Avis de l'Editeur.
Nous nous bornerons par ce mo-
tif, à publier toutes les pièces que
nous avons pû réunir, laissant le
lecteur juge de la valeur de celles
produites au procès.
Les articles que nous reprodui-
sons étant extraits des principales
et des plus sérieuses publications
qui ont été faites sur le Tabac,
nous avons dû, afin de ne pas fâ-
cheusement dénaturer le style de ce
que nous avons emprunté, rappeler
quelquefois les mêmes faits. Nous
prions nos lecteurs de nous pardon-
ner ces quelques redites qui ne font
d'ailleurs que confirmer l'exactitude
de nos reproductions.
DISSERTATION

SUR LE TABAC
et sur ses Bons et ses Mauvais effets,

par BUC'HOZ,
Botaniste et Docteur en médecine,

Membre de plusieurs Sociétés sa vanter


Ce qui suit jusqu'à la page 62, est extrait
textuellement du Nouveau Traité Physique et
Economique, par forme de dissertations, de
toutes les plantes qui croissent sur la surfact
du globe, par M BUC'HOZ.
Il convient de faire remarquer que Buc'boz
écrivait en 1787, et que, conséquemment,
ce qu'il dit de la manière de cultiver et de
préparer le tabac, ne peut servir que de
comparaison avec ce qui se pratique aujour-
d'hui.
DISSERTATION

SUR LE TABAC
tl sur ses Bons et ses Mauvais effets.

Description de cette plante, son ori-


gine , l'histoire de son importation
en Europe, ses premiers succès.
Ce genre de plante est connu sous le nom
de Nicotiana, en français Nicotiane. Son
caractère est d'avoir le périanthe du calice
monophyle ovale à demi fendu en cinq
, , ,
persistant ; la corolle est monopétale infun-
,
dibuliforme ; le tube est plus long que le ca-
lice; le lymbe est ouvert, à demi fendu en
cinq, à cinq plis ; les filaments des étamines
sont au nombre de cinq, en forme d'alène,
presque de la longueur de la corolle ; mon-
tants, les anthères sont oblongues; le germe
du pistil est ovale; le style est filiforme, de
la longueur de la corolle ; le stygmate est en
tête échancré ; le péricarpe est une capsule
ovale rayée de chaque côté, à deux loges,
,
s'ouvrant par le sommet; les réceptacles
sont à demi ovales, pointillés, attachés à la
cloison; les semences sont nombreuses, en
forme de reins, ridées. Ce genre varie par
la figure de ses feuilles et de ses fleurs, qui
sont ou pointues ou obtuses : il fait partie de
la cinquième classe du système du chevalier
de Linné qui comprend les plantes pentan-
,
driques, et du premier ordre de cette classe
destinée aux monogyniques : cet auteur en
admet sept espèces.

La première espèce est le tabac ordinaire:


Nicotiana Tabacum. La racine de cette es-
pèce est rameuse, fibreuse blanchâtre; la
,
tige s'élève depuis trois jusqu'à cinq pieds,
grosse d'un pouce, ronde, velue, branchue
remplie de moëlle ; les feuilles sont alternes,
larges, lancéolées, nerveuses, velues, glu-

;
tineuses, adhérentes par leur base, cou-
rantes les fleurs naissent au sommet, ras-
semblées en bouquet, infundibuliformes
,
dont le tube est plus long que le calice, le
lymbe ouvert, divisé et replié en cinq par-
ties; la corolle est rougeâtre; la capsule du
fruit est remplie d'un si grand nombre de
petites semences qu'on y en a compté jusqu'à
mille, et qu'au rapport de-J. Ray, un seul
pied de tabac a produit 36,000 grains.

Elle croît naturellement dans l'Amérique,


d'où elle nous a été apportée en 1560. Si on
la préserve des gelées, elle est vivace.

Le tabac est une plante si usuelle que


presque tout le monde en fait usage. La na-
ture n'a jamais rien produit qu'on ait employé
si universellement et si rapidement. Depra-
des, qui nous a donné l'histoire du tabac,
prétend que les Espagnols furent les premiers
qui connurent cette plante ; ils la découvri-
rent à Tabaco, province du royaume de Ju-
catan, où elle croît naturellement. Fernandez
de Tolède, en envoya en 1560, de la se-
mence en Espagne et en Portugal : l'année
suivante, M. Nicot, ambassadeur de France
'dans ce dernier royaume, fit semer dans son
jardin la graine de cette plante, qu'un gen-
tilhomme, garde des Chasses de Sébastien,
roi de Portugal, lui avait donnée ; elle y
crût parfaitement bien, et s'y multiplia beau-
coup; ce fut pour lors qu'un des pages de
cet ambassadeur fit par hasard l'essai de cette
plante; il en appliqua le jus et le marc sur
un ulcère malin connu sous le nom de noli
me langere, qu'un de ses parents avait au
nez, en peu de temps il fut guéri; cette gué-
rison se fit sous les yeux même de l'ambas-
sadeur et des plus habiles médecins du pays,
qui en voulurent être les témoins oculaires.
Peu de temps après, il se présenta une au-
tre occasion pour faire usage de cette herbe;
le cuisinier du même ambassadeur se coupa
presqu'entièrement le pouce avec un grand
couteau de cuisine ; le maître d'hôtel eut
recours à cette plante, et la plaie fut guérie
après cinq ou six appareils ; ces deux cures
mirent en peu de temps la Nicotiane en
réputation.

A Lisbonne on ne parlait que de cette


plante; un gentilhomme de campagne ayant
depuis deux ans un ulcère à la jambe, tâcha
par tout moyen de se procurer de cette her-
be ; il n'en eut pas fait usage pendant dix ou
douze jours qu'il en fut radicalement guéri.
Une femme dont le visage était entièrement
,
couvert d'une dartre encroûtée, fut guérie
par cette plante en en appliquant le jus et le
marc pendant huit jours sur la partie malade.
Le fils d'un capitaine ayant les écrouelles
,
pour la guérison desquelles on voulait l'en-
voyer en France, vint consulter l'ambassa-
deur qui l'en dissuada, en lui conseillant de
faire usage de l'herbe miraculeuse qu'on cul-
tivait dans ses jardins ; il ne s'en eut pas
plutôt servi qu'il s'aperçut d'un grand chan-
gement, et enfin d'une guérison radicale.
M. Nicot, voyant des phénomènes de cette
plante si merveilleux et si souvent réitérés,
ayant d'ailleurs été instruit que Madame de
Montigny était morte à Saint Germain-en-
Laye, d'un ulcère aux mamelles, auquel on
n'avait pu apporter aucune guérison, et que
Madame la comtesse de Ruf!a avait le visage
couvert d'une dartre, qu'aucun médicament
n'avait pu guérir, s'empressa de faire part
de cette plante dans sa patrie ; il en envoya
à François I, son maître, et à la Reine mère
nommée Catherine de Médicis, avec la façon
de la cultiver et de l'employer ; depuis ce
temps on a cultivé cette plante en France.
Plusieurs souverains défendent sous
les peines les plus sévères l'usage
de cette plante à leurs sujets.

Amurat IV, empereur des Turcs, le grand


duc de Moscovie et le roi de Perse défen-
,
dirent l'usage du tabac à leurs sujets, sous
peine de la vie, ou tout au moins d'avoir le
nez coupé.
On trouve une Bulle d'Urbain VIII, par
laquelle il excommunie ceux qui prenpent
du tabac dans les églises ; si cette Bulle n'a
pas été révoquée, combien n'y a-t-il pas
d'excommuniés, sans le savoir, parmi les
catholiques Romains ?
Jacques Stuard, roi d'Angleterre, a com-
posé lui-même un traité contre l'usage du
tabac Le Père Labat, Jacobin, dans son
voyage d'Amérique , rapporte que cette
plante fut comme une pomme de discorde
qui alluma une guerre très-vive entre les
savants.
Fagon, premier médecin de Louis
XIV , se montre le plus ardent an-
tagoniste du Tabac.

M. Fagon, premier médecin de Louis XIV


s'en déclara l'antagoniste ; il composa, con-
tre cette plante, plusieurs ouvrages , entre
autres une thèse fameuse, qui a été soutenue
plusieurs fois dans les écoles de Médecine de
Paris on rapporte de ce premier médecin
qu'il prenait sans cesse du tabac, dans le
temps même que par de nouveaux arguments
il cherchait à fermer la bouche à ses adver-
saires ; un pareil exemple était une apologie
ou plutôt un syllogisme qui pouvait renverser
aisément son système ; aussi disait-on à ce
médecin de mettre son riez d'accord avec
son argumentation.
« Quel a été l'homme assez téméraire,
» dit M. Fagon dans cette thèse , pour es-
» sayer le premier un poison plus redoutable
D que la ciguë, plus terrible que le pavot,
» et plus funeste que la jusquiame et la man-
* dragore ; lorsqu'il a ouvert sa tabatière,
» il ne savait pas qu'il ouvrait la boîte de
» Pandore d'où devaient sortir mille maux
,
»
plus cruels les uns que les autres; et en
» effet, aussitôt qu'on eu a pris pour la pre-
» mière fois, on ressent un trouble qui sem-
» ble nous avertir de la présence d'un poi-
» son que nous venons de prendre : l'esto-
» mac est renversé par les nausées et les
»
vomissements ; la tête est saisie d'une
» ivresse qui lui occasionne des éternue-
» ments et des ntourdissements ; les yeux
J) sont couverts de ténèbres semblables au
»
voile que tire la mort au dernier instant
» de la vie ; le corps entier éprouve un fris-
» sonnement semblable à celui de la fièvre ;
'> le cœur lui-même se ralentit dans son ac-
»
tion, et quelquefois le suspend; en un
» mot, la mémoire, le jugement et tous les
« sens sont troublés, lorsqu'on fait malheu-
» reusement l'épreuve du tabac. »
» Peut-on, continue M. Fagon, ne pas
» être épouvanté de pareils symptômes ; et
» un homme de bon sens voudra-t-il exposer
» sa vie pour se familiariser avec son bour-
a reau? Il abandonnera cette triste ressource
» aux malheureux pour chasser leurs ennuis
1)
dans leurs travaux, leurs misères et leurs
» tourments. Il ne se laissera pas séduire
Il par les funestes appas d'une poudre qui
» lui gâte le nez, et d'une fumée qui lui
» salit la bouche ; si par malheur, malgré
» tous ces conseils, il cherche à s'en faire
» une dangereuse habitude, alors tous les
» efforts de la raison et tous les avis sont
" inutiles, il ne peut plus se débarrasser de
» cet ennemi : pernicieuse volupté, qui sem-
» ble aveugler ceux que tu as préoccupés!
D
Tous les autres plaisirs entraînent avec
» eux une satiété qui les affaiblit; il n'y a
» que celui de prendre du tabac qui dégé-
» nère en une malheureuse nécessité. Le
» nez, cet organe destiné pour être l'instru-
is ment de l'odorat, n'est pas fait pour ser-
D vir d'égoût à toutes les humeurs qu'il platt
» d'y attirer par
la force. Il est vrai que
» dans
l'enfance et la vieillesse les humeurs
,
» se portent plus abondamment vers la mem-
» brane pituitaire ; mais dans un âge mûr
» se provoquer un catharre continuel, c'est
» placer trop près du siége de l'âme, un
» réceptacle d'immondices ; c'est dépouiller
» le sang d'une sérosité qui lui est néces-
» saire ; c'est appeler au plus vite une mort
» qui ne ven&it qu'à pas lents : une pareille
» passion doit être regardée comme celle

» qui nous porte vers le sexe, l'une est


» pour les narines, ce que l'autre est pour
» le sentiment de la génération : on a dit

» que ce dernier attrait était une courte


)'
épilepsie ; on pourrait dire que le premier
» est une
épilepsie continuelle ; les fréquents
»
éternuements ne sont-ils pas de véritables
» convulsions, qui peuvent déranger les
» fonctions
qui se font dans les parties fort
» éloignées de la tête?
Pour se convaincre
» de cette vérité, il suffit de jeter les yeux
» sur les femmes histériques , ou sur les
» vaporeux , qui perdent connaissance pour
» avoir senti !a moindre odeur; cependant
9 malgré toute sa sévérité, M. Fagon ne

» peut s'empêcher d'admettre dans le tabac


» quelques bonnes qualités ; mais plus ces
» qualités sont admirables, plus elles sont
» redoutables ; il faut craindre nos ennemis
» dans les temps même qu'ils viennent à
» nous
les mains chargées de présents: Ti-
» meo Danaos vel dona ferentes. »

Cependant si l'on en croit ceux qui ont


entrepris la défense du tabac contre M. Fagon
et ses antagonistes , cette plante est le plus
riche trésor qui soit venu du pays de l'or;
elle réunit on elle ce que les autres plantes
n'ont que séparé. La nature, si merveilleuse
en ses productions, a eu tort, disent-ils,
de la cacher pendant six mille ans à la plus
belle partie du monde; elle fut, pour ainsi
dire, injuste de la reléguer pendant si long-
temps parmi les sauvages et les barbares et
d'avoir plus d'indulgence pour eux que pour
nous; enfin le tabac, continuent-ils, marque
si bien sa puissance, qu'étant réduit en pou-
dre et en fumée, il garde encore tout son
prix et sa force.

D'où vient le nom vulgaire de cette


plante. — Principaux auteurs qui
ont écrit sur ses vertus ou les dan-
gers de son emploi.
Le nom vulgaire de tabac qu'on a donné à
cette plante, tire son étymologie du pays
d'où il nous a été apporté. Les naturels du
pays lui ont donné celui de petun que nous
avons latinisé en pelunum. Tout le monde
sait que ses noms de Nicoliane, d' Herbe de
Grand-Prieur et d'Herbe à la Reine, ne lui
sont venus que parce que M Nicot, M. le
Grand-Prieur et la reine Catherine de Médi-
cis, ont été les premiers qui l'ont mis en
réputation. Le Cardinal de Sainte-Croix
,
nonce en Portugal, et Nicolas Tornabon,
légat en France, qui la firent connaître en
Italie, lui acquirent le nom d'Herbe de Sainte-
Croix et de Tornabone. Plusieurs la nomment
la Buglosse ou la panacée antarctique; d'autres
l'Herbe sacrée ou sainte, à cause de ses ver-
tus miraculeuses. Quelques botanistes, par
rapport à sa vertu narcotique qui lui est com-
mune avec la jusquiame, en ont fait une
espèce et l'ont nommée la Jusquiame du
Pérou; mais ils ont tort, elle n'en a ni le
port, ni la fleur, ni la configuration.
Les auteurs qui ont écrit sur celle plante
sont Magneuzes, Thorius, Gilles Evethard,
Simon Pauli qui s'est totalement déclaré son
antagoniste ; Jacques 1.", roi d'Angleterre,
Schroder, Charles Etienne, Jean Libuldus
,
Victor Pella, Bervestein lUaradon, Scrive-
,
rius, Lauremberg, Astadius, Cohausen. de
Prades Jean LiébauIL, Dubois, etc.
,
De la culture et des différentes
façons de préparer le Tabac.

Pour ce qui concerne la culture du tabac,


rien n'est plus facile ; il demande une terre
grasse et humide, exposée au midi, labou-
rée et mondée avec du fumier consommé :
il se sème à la fin de Mars; vous faites un
petit trou en terre de la grosseur d'un doigt,
vous y jetez dix ou douze grains de tabac,
et vous rebouchez le trou ; lorsqu'il est levé,
vous arrosez la plante pendant le temps sec,
et vous la couvrez avec des paillassons pen-
dant le grand froid ; comme chaque grain
pousse une tige, il faut en séparer les raci-
nes ; lorsque la plante est parvenue & la
hauteur de deux ou trois pieds, vous coupez
le sommet de chaque tige avant qu'elle fleu-
risse, et afin qu'elle se fortifie vous ar-
,
rachez celles qui sont piquées de vers, ou
qui veulent se pourrir. Comme on ne fait
usage que des feuilles de tabac, pour con-
naître si elles sont mûres, il faut qu'elles se
détachent facilement de la plante ; c'est pour
l'ordinaire sur la fin d'août, vous cueillez
pour lors les plus belles ; vous les enfilez par
la tête, vous en faites des paquets et vous
,
le mettez sécher dans un grenier; vous lais-
sez la tige en terre pour donner le temps aux
autres feuilles de mûrir ; vous gardez quel-
ques tiges que vous ne pincez pas, afin d'a-
voir de la semence pour l'année suivante,
que vous pouvez conserver jusqu'au mois
d'avril : on appelle les paquets des feuilles
magnotes ou manoques.

Il s'agit actuellement d'entrer dans le dé-


tail des différentes préparations du tabac :
on commence d'abord par détacher les ma-
noques ; on choisit parmi les botteà des feuil-
les, celles propres à faire des robes. Les
robes sont les feuilles les plus longues et les
plus larges destinées à faire des rôles ; on
mouille les feuilles avec un balai servant
d'aspersoir, de là on les passe à l'atelier des
écôteurs ; pour ce qui est des autres feuilles
on les amasse par couche, qu'on a aussi
soin d'asperger : celte mouillade se fait pour
l'ordinaire au rez-de-chaussée ; on transporte
ensuite les feuilles au premier étage, où il
y a plusieurs petits enfants , qui sont occu-
pés à les écôler c'est-à-dire à en ôter la
,
côte longitudinale ; ils jettent les feuilles
écôtées dans un panier ; et les côtes derrière
eux, qu'on rassemble pour brûler; ce qui
fait de fort bonnes cendres qui sont même
,
- trop fortes pour lessiver le linge ; les feuilles
écôtées, on en fait des boudins et on les
file. Ce travail se pratique ordinairement sur
une table fort élevée et divisée par des cloi-
sons en quatre parties égales, qui font les
places d'autant d'ouvriers : chaque ouvrier
prend une certaine quantité de feuilles pro-
portionnée à la grosseur qu'il veut donner
au boudin ; il les comprime par un premier
tord, et les passe ensuite à l'ouvrier fileur,
pour être filées les unes au bout des autres ;
celui-ci est servi par deux petits enfants dont
l'un lui fournit les boudins et l'autre les ro-
bes pour les unir ; un troisiéme fait tourner
le rouet; ordinairement le fileur a soin de se
frotter les mains avec une éponge imbibée
d'huile d'olive, pour que le boudin roule avec
plus de facilité entre elles et la table ; lorsque
le rouet est entièrement chargé, on le dévide
pour faire passer le tabac au rôleur, qui est
celui qui forme les rôles : les rôles sont,
,
comme tout le monde le sait, des pelottes où
le boudin est roulé plusieurs fois sur lui-mê-
me : voici la manière dont on les forme.

Le rôleur a devant lui sur une table, un


instrument qu'on nomme matrice, garni de
deux chevilles de bois, et ayant saisi un bout
de boudin, il l'applique à côté d'une des che-
villes, et forme un écheveau composé de
trois tours ; il lie en trois endroits cet éche-
veau avec de la ficelle, et le retire ensuite
de dessus du rôle et en forme le noyau.
Pour achever de le former, le rôleur attache
le bout du boudin avec une petite cheville
de bois, et continue de tourner le boudin
autour du noyau, jusqu'à ce qu'il soit tout
couvert : on forme ainsi trois, quatre ou cinq
couches les unes sur les autres, dont on ob-
serve de bien serrer et cheviller les différents
tours, on met ensuite ces rôles sous la pres-
se pour les comprimer et les égaliser : cette
presse est composée de deux fortes tables en
bois d'orme, qu'on approche l'une de l'autre
par le moyen de deux vis. Le tabac ainsi
préparé est celui dont on se sert pour fumer.

Pour ce qui est du tabac que l'on veut


mettre en poudre, on commence par en for-
mer des carottes, ce qui demande un autre
travail ; il faut d'abord couper le rôle en
plusieurs longueurs égales ; l'ouvrier qui est
chargé de ce travail se nomme coupeur : il
est debout devant une table solide, recou-
verte d'une planche sur laquelle il tire à lui
le bout du boudin d'un rôle qu'il a forcé au-
paravant de monter sur une machine à pivot,
et l'ayant étendu , il applique dessus une
mesure pour le couper, et en former des lon-
gueurs égales, ce qu'il continue à faire jus-
qu'à ce que le rôle soit entièrement coupé,
et il met ses longueurs dans des tasses à ce
destinées.
Dans la manufacture de tabac établie en
Lorraine, on a la méthode de faire détordre
les longueurs aussitôt qu'elles sont coupées,
ce qui fait que les carottes qui en sont com-
posées ne paraissent être formées que .l'une
seule. Nous ne pouvons nous empêcher d'ap-
prouver cette manœuvre qui se pratique ra-
rement dans les autres manufactures. Tous
les jours on fabrique dans cette manufacture
près de quinze cents livres de tabac, unique-
ment pour la consommation de la province.
Tout ce que nous avons rapporté ici sur le
travail du tabac, a été observé par nous-
mêmes pour pouvoir en rendre un compte
plus exact au public.
Les longueurs, ou bouts de tabac étant
donc détors, on les met dans des moules
composés de deux pièces de bois creusées
en gouttières demi-cylindriques ; on en joint
huit longueurs en chaque moule, .qu'on a
soin de graisser auparavant avec de l'huile
d'olive, on pose ces moules sur une table,
au nombre de douze, et on range cinq tables
l'une sur l'autre, on met ensuite ces tables
sous une presse qu'on serre par le moyen
d'un levier de fer, à l'extrémité duquel est
une grosse corde qui se roule autour d'une
vis à laquelle est appliquée la puissance
motrice ; on laisse ainsi les moules pendant
vingt-quatre heures sous la presse; il y a
dans la manufacture de Nancy deux rangs
de six presses chacun. Les vingt-quatre beu-
res passées, on retire les carottes du moule,
on les enveloppe aussitôt d'un ruban de fil
tourné en spirale ; on les envoie de là au fice-
leur et ensuite au pareur, qui, avec un cou.
teau , coupe et ébarbe les extrémités des ca-
rottes. On fait usage de cette espèce de ta-
bac ainsi préparé pour pulvériser : c'est ici
,
le lieu de parler des différents tabacs d'o-
deur et de la façon de les purger ; car tout
le monde sait la méthode de les réduire en
poudre,aussi nous la passerons sous silence.

Pour purger le tabac, il faut commencer


par ajuster une toile forte et bien serrée
dans une cuvette qui ait un trou en dessous,
que vous pouvez déboucher à volonté pour
en faire couler l'eau; cette toile sera arran-
gée de façon qu'elle couvre tout le dedans
de la cuvette et qu'elle soit arrêtée en dehors
autour des barils. Vous mettez pour lors de-
dans votre tabac pulvérisé et de l'eau par-
dessus quand il aura trempé vingt-quatre
-,

heures, vous égouttez l'eau, vous en remet-


tez ensuite de l'autre jusqu'à trois fois, après
quoi vous passez le tabac dans votre toile
pour en exprimer l'eau le plus que vous pou-
vez; le tabac ainsi préparé, faites-le sécher
au soleil sur des claies d'osier couvertes de
toile très-serrée ; vous le mettez de nouveau
dans la cuvette avec suffisante quantité
,
d'eau de senteur : par toutes ces précautions
vous disposez le tabac à recevoir l'odeur des
fleurs. Si vous le voulez moins parfait, ou
perdre moins de tabac, vous pouvez ne le
passer qu'une fois à l'eau, pourvu qu'au
moment que vous le faites sécher au soleil ,
vous le remettiez plusieurs fois en pàte en
l'arrosant deux ou trois fois d'eau de senteur.
Après avoir aiusi purgé votre tabac, vous
avez une caisse garnie de papier sec, au
fond de laquelle vous faites un lit de tabac
de l'épaisseur d'un pouce, ensuite un lit de
fleurs, soit de tubéreuse, soit de jasmin,
soit d'oranger, qui sont celles qui communi-
quent plus aisément leur odeur, vous conti-
nuerez ainsi les lits tant et si longtemps que
vous aurez de tabac. Après avoir laissé les
fleurs ainsi rangées pendant vingt-quatre
heures, vous les séparez en tamisant le ta-
bac et vous en remettez d'autres ; ce que
,
vous continuerez plusieurs fois, jusqu'à ce
que votre tabac ait assez d'odeur ; vous le
mettez pour lors dans des boîtes afin de le
conserver.
Quand on veut donner au tabac l'odeur de
rose et de girofle, on ôte artistement le ca-
lice et le pistil de la rose, on y substitue un
clou de girofle, sans écarter les feuilles qui
sorft écartées et pressées ; on met les bou-
tons ainsi préparés dans un vaisseau de
verre que l'on bouche hermétiquement; on
l'expose un mois ou environ au soleil, et on
se sert de ces boutons, au lieu d'autres
fleurs, pour ranger sur les lits de tabac. Si
vous voulez avoir du tabac de mille fleurs.
mêlez ensemble une quantité de fleurs de
différentes odeurs, de façon qu'elles soient
si bien ménagées les unes avec les autres,
qu'il n'y en ait aucune dont l'odeur prédo-
mine.

On prépare aussi du tabac à odeur de ci-


vette : prenez pour le faire un peu de civette
dans la main avec un peu de tabac; étendez
de plus en plus cette civette en la brisant
dans la main avec du nouveau tabac, et
l'ayant ainsi mêlé et remêlé en le remaniant
mettez le tout dans sa botte ; vous en agirez
de même pour les autres odeurs. Pour ce
qui est du tabac ambré, il faut faire chauffer
le fond d'un mortier, et y broyer vingt grains
d'ambre, en y ajoutant peu-à-peu une livre
de tabac que l'on manie ensuite entre les
mains pour bien mêler l'odeur. On fait diffé-
remment le tabac d'odeur à Rome, à Malte
et en Espagne. A Rome on prend du tabac
,
parfumé aux fleurs, on le met dans un mor-
tier on verse dessus du vin blanc, on y
,
ajoute ensuite des essences d'ambre et de
musc ou telles autres qu'il plaira: on remue
le tabac et on le frotte entre les mains.
A Malte, on ne prend que du tabac parfu-
mé à fleurs d'oranger; on le parfume à l'am-
bre, ainsi qu'il a été dit en parlant du tabac
ambré, on y ajoute ensuite quelques grains
de civette que l'on broie avec un peu de su-
cre dans un mortier, et que l'on mêle avec le
tabac: ordinairement on met dix grains de
civette pour une livre de tabac. Il y a encore
à Malte une autre façon de faire le tabac à
odeur : on prend des racines de rosier et de
réglisse on ôtela première peau de chacun
,
à discrétion, on met les deux racines en
poudre, et on les passe par un tamis, en-
suite on lui donne l'odeur qu'on souhaite ; ou
bien on le manie soit avec un peu de vin
blanc, soit avec de l'eau-de-vie ou tant soit
peu d'esprit-de-vin.
Pour faire le tabac parfumé à la façon
d'Espagne, broyez dans un petit mortier,
environ vingt grains de musc avec un peu
de sucre: ajoutez-y peu-à-peu du tabac au
poids d'une livre, broyez dix grains de ci-
vette ; remêlez ensuite le tabac pour se char-
ger de cette odeur ; maniez enfin le tout en-
semble, vous pouvez encore y ajouter vingt
grains de vanille : ceux qui aiment l'odeur
plus douce dans le tabac peuvent mettre
,
plus de tabac ou moins de parfums. Il faut
tenir bien enfermés les tabacs d'odeur de
,
peur qu'ils ne s'éventent; la plupart de ces
tabacs sont fort nuisibles, nous n'en conseil-
lons pas l'usage.
Différentes manières d'employer le
Tabac. — Utilité et danger de son
usage. — Son emploi comme re-
mède ou comme préservatif.

Le tabac en poudre est à présent fort à la


mode ; on s'en sert presque partout ; mais
nous voyons que ceux qui en prennent avec
excès, deviennent stupides et hébétés. Ceux
au contraire qui en discontinuent l'usage,
après s'en être longtemps servi, tombent
dans des langueurs et des chagrins mortels:
il est par conséquent important d'éviter de
nous rendre esclaves de certaines habitudes
qui ne manquent pas souvent de devenir per-
nicieuses ; c'est pourquoi, dès qu'on s'est
habitué à l'usage du tabac en poudre, il n'est
guère possible de se l'interdire, et quoique
souvent il soit nuisible à notre constitution,
et très-rarement utile, néanmoins il nous
devient indispensablement nécessaire par
l'habitude que nous en avons contractée. Ce-
pendant on peut dire et avec raison, que le
tabac pris par le nez est un très-bon sternu-
tatoire, pourvu qu'on en prenne modérément
il excite l'éternuement, et procure une abon-
dante évacuation de sérosités surtout aux
,
personnes qui n'y sont pas habituées : il est
par conséquent très-bien indiqué dans l'apo-
plexie la paralysie les catharres les
, , ,
fluxions et la migraine.

On prétend que le tabac nous fait suppor-


ter plus facilement la faim : si le fait est vrai
cela ne peut provenir que de l'irritabilité
qu'il occasionne aux fibres nerveuses dont
,
le mouvement ne contribue pas peu à la di-

,
gestion. Oleus Borrichius rapporte dans une
lettre écrite à Bartholin qu'une personne
s'était tellement desséché le cerveau à force
de tabac, qu'après sa mort, on ne trouva
dans sa tête qu'un petit grumeau noir com-
posé de plusieurs membranes. Le Docteur
Joseph Lanzoni dit avoir connu un soldat
qui usait par jour trois onces de tabac en
poudre, ce qui lui fut si pernicieux qu'à
l'âge de trente deux ans, il commença à
être attaqué de vertiges, qui lurent bientôt
suivis d'une apoplexie violente et mor-
telle. Le mémo auteur fait aussi mention
d'une personne que l'usage immodéré du ta-
bac d'Espagne rendit aveugle et ensuite pa-
ralytique. M. Chomel dans son histoire des
Piaules, nous assure qu'un de ses amis avant
inconsidérément pris du tabac par le nez à
trop forte dose. tomba en défaillance, avec
une sueur froide, et des accidents qui firent
craindre pour sa vie.

Le Docteur Bill, qui s'est déclaré un des


plus forts antagonistes du tabac, appuie son
sentiment sur l'exemple d'une dame à qui
l'usage immodéré du tabac causa la mort :
cette dame, dit il, après avoir pris Ir. valeur
d'un quarteron de tabac, d'une espèce plus
àcre qu'à t'ordinaire sentit une étrange
,
douleur le long du carlillage de la narine
gauche; elle quitta cette espèce de tabac;
et continua d'en prendre de l'autre en même
quantité qu'auparavant: au bout de quelque
temps, sans qu'elle se fut aperçue d'aucune
tumeur, il s'écoula de sa narine une matière
d'une odeur insupportable, elle abandonna
le tabac, l'écoulement ne cessa point, elle
appela vainement le chirurgien il son secours
le mal s'accrût; il se détacha même de temps
en temps quelques particules du cartilage:
la mort enfin termina toutes ses douleurs,
que tout fart des médecins et des chirur-
giens n'avait pu soulager. Tous ces exem.
ples prouvent les effets funestes du tabac,
lorsqu'on eu fait excès ; il en est de même
des meilleures choses, l'e\cès en est tou-
jours nuisible; nous ne devons pas pour cela
rejeter totalement le tabac; il est un très-bon
céphalique qui réveille l'imagination eL ré-
jouit le cœur.

Depuis peu on a la méthode de faire usage


de petites boulettes de tabac qu'on insère
dans les narines, et qui produisent, à ce
qu'on prétend des effets merveilleux ; on se
sert pour cet usage du tabac du Brésil préfé-
rablement à lout autre; les feuilles de ce
tabac sont pour l'ordinaire renfermées dans
des bottes de plomb, pour conserver leur
fraîcheur ; on les déplie , on les étend et
,
on en fait de peliles boulettes longues, qu'on
introduit pendant quelque temps dans la na-
rine ; elles attirent beaucoup d'eau et de
pituite, déchargent la tète, préviennent les
calharres et rendent la respiration plus libre
et moins gênée. Plusieurs laissent les bou-
lettes dans le nez pendant la nuit, mais l'on
a observé qu'elles occasionnaient des vomis-
sements le lendemain malin.
t?
OiHre l'usage journalier du tabac en pou-
dre, rien n'est plus commun que de le fu-
mer ; pris de celle façon, il est très-bon pour
les pituiteux et les mélancoliques; il évacue
doucement une partie des sérosités super-
flues, il provoque une ample sécrétion de la
salive, il adoucit le chagrin, et calme les
grande? agitations de l'esprit, c'est ce qui
a donné lieu à ce fameux sonnet.

Doux charme de ma solitude


,
Fumante pipe, ardent fourneau
Qui purge d'humeurs mon cerveau
EL mon esprit d'inquiétude.

Tabac, dont mon âme est ravie,


Lorsque je te vois perdre en l'air,
Aussi promptement qu'un éclair,
Je vois l image de ma vie.
Je remets dans mon souvenir
Ce qu'un jour je dois devenir,
N'étant qu'une cendre animée.
Tout d'un coup je m'aperçois
Que, couvant après ta fumée,
Je me perds aussi bien que toi.

Dans les éphémerides d'Allemagne de


l'année 1684 on rapporte qu'un homme fut
,
guéri des ulcères des jambes par la fumée
du tabac Voici l'observation telle que nous
la donne le docteur Jean-Chrétien Fromma-
nus : Un fripier, dit il, de Cobourg, boni nie
fort et d'une taille bien proportionnée, étant
allé à Schalcovie où régnait une fièvre mali-
gne, fut attaqué à son retour de la même
maladie, et m'envoya prier par sa femme
de lui indiquer quelque remède qui put lui
procurer du soulagement. Je demandai d'a-
bord à celle femme quels étaient les princi-
paux symptômes qui accompagnaient la ma-
ladie de son mari ; elle me dit que non-seu-
lement il avait une fièvre violente, mais que
tout son corps était couvert de petites ves-
sies. Je lui conseillai de faire usage des re-
mèdes bénésoardiques qui lui procurèrent
,
en effet une sueur qui fit disparaître toules
ces petites pustules, et l'étant allé voir quel-
que temps après, lui ayant fait quelques
questions sur son tempérament, sur sa ma-
nière de vivre et sur l'état où il était avant
,
d'être attaqué de celle fièvre, il me lit ré-
ponse qu'il avait eu autrefois pendant long-
temps des ulcères aux jambes, et que sa
femme m'ayant déjà consulté sur cette ma-
ladie, comme elle venait de le faire pour la
fièvre, je lui avais répondu que comme il
me paraissait que son mari était d'un tem-
pérament flegmatique, et qu'il n'était pas en
élat de Faire de la dépense, je lui conseillai
seulement de s'accoutumer il fumer du tabac;
je suivis voire conseil, me dit il, je fumai
tous les jours, ce que je n'avais fait jusqu'a-
lors dans l'espace d'un mois, ces ulcères
,
se desséchèrent insensiblement, et je me
trouvai parfaitement guéri.

Un homme de grande considération, dit


l'auteur de la Collection académique de Di-
jon, m'a raconté que clans sa jeunesse, fai-
sant pour lors ses études à Ratishonne, (je
ne rapporte ce fait que pour confirmer I 'obser-
vation précédente) dont le collège était fort
éloigné de la maison où il demeurait, et ne
s'étant pas assez précautionné conîre la ri-
gueur du froid, ses jambes s'étaient ulcérées
en différentsendroits, et que ces ulcères se
fermaient et se T'ouvraient insensiblement,
mais qu'étant entré ensuite à l'Académie, et
ayant contracté l'habitude de fumer, ces ul-
cères s'étaient peu-à-fleu guéris, et ne s'é-
taient plus r'ouvcrts depuis; et en effet le
tabac est regardé comme un bon flegmago-
gue, qui procure l'évacuation de la pituite
par le nez, les crachais, le vomissement et
les selles ; si elle est trop épaisse, il la dis-
sout et l'atténue par le sel acre qu'il contient
et la dispose ainsi à être plus facilement
évacuée.

Cependant malgré les bons effets que peut


procurer la fumée du tabac, son usage im-
modéré peut causer mille maux et même
,
la mort; nous ne rapporterons ici qu'un ex-
emple funeste de l'excès de la fumée de ta-
bac, pour être plus courts. Deux jeunes
Hollandais disputaient entr'eux à qui fume-
rait le plus grand nombre de pipes ; mais
l'un en ayant fumé dix-sept et l'autre dix-
huit, ils tombèrent tous deux pnr terre,
comme s'ils eussent été frappés d'apoplexie:
le
l'un mourut sur champ, et l'autre, deux
ou trois heures après.
En France, les personnes du sexe fument
rarement; il n'est pas même décent de le
faire en compagnie par rapport aux odeurs
désagréables que répand le tabac, et qui
peuvent devenir nuisibles h bien des person-
nes ; c'est la raison pour laquelle plusieurs
ont la coutume de le mâcher par préférence.
Une longue expérience démontre que le ta-
bac mâché est un cordial très-salutaire ; il
ranime les vieillards et produit souvent de
bons effets dans les obstructions mésentéri-
ques ; il ne donne d'ailleurs aucun mauvais
goût à la bouche, ne gâte pas les dents et
réveille l'appétit, ce qu'on ne peuL pas dire
du tabac fumé. Un médecin de Newcastel a
guéri son épouse d'un asthme en lui faisant
,
souvent mâcher du tabac.
Il est à observer que rien n'est plus pro-
pre à nous faire maigrir, que de demeurer
habituellement dans un lieu rempli de tabac.
M. Chomel dit avoir connu une personne qui

a été obligé de quitter pour cette raison son


domicile. On a publié en 17ti2. dans la
trente-deuxième feuille de la Gazette salu-
taire, trois observations qui confirment cette
assertion.

Un débitant de tabac, lit-on dans cette


gazelle, eut l'imprudence de mettre une
petite fille de quatre ou cinq ans, coucher
dans une chambre où était son tabac en cor-
de et en poudre l'enfant commença à vomir
au bout de quelques heures ; ce fut un motif
11 ces
bonnes gens pour faire rester l'enfant
au lit ; quelques heures après, celle petite
victime de la bonté paternelle, tomba dans
l'assoupissement, et il lui survint ensuite de
légères convulsions, qui commencèrent à
inquiéter ses père et mère; les convulsions
étant devenues plus considérables, ils m'en-
voyèrent prier, dit l'observateur, de la se-
courir : en arrivant dans la chambre où était
cette petite malade, je fus frappé de la vio-
lence de ses convulsions ; je m'aperçus à
l'instant de la cause de ces funestes effets
par l'odeur vive et frappante du tabac : je
déclarai que la perte de cette enfant était
certaine et prochaine, et qu'elle n'était ré -
duite à ce dangereux état que pour avoir
couché dans cette place infectée par la forte
odeur du tabac: je fis enlever la malade de
la chambre, je lui frottai le visage, les lè-
vres et les narines avec du vinaigre, et lui
en lis avaler un peu, ce qui lui rappela la
connaissance pour un instant, mais l'enfant
mourut peu de temps après.

Un monsieur de mes amis, continue l'ob-


servateur , m'a assuré n'avoir jamais oublié
qu'ayant la petite vérole dans sa jeunesse,
sa garde avait râpé du tabac auprès de lui,
qu'il avait 'été frappé si vivement de cette
odeur, que les pustules de la petite véro!e,
étaient presque rentrées sur-le-champ, et
que cette répercussion l'avait mis dans un
grand danger, dont il no se retira que par
une nouvelle éruption du virus variolique.
Une personne amusait avec sa tabatière
un enfant de qualité de quatre ou cinq ans ,
qui était encore au lit, elle lui donna trop
eomplaisamment cette boite l'enfant ne lar-
,
da pas à l'ouvrir, et le tabac fut répandu sur
son visage, la douleur des yeux qui en
étaient couverts, fil jeter de grands cris à
l'enfant, et il avala une partie du tabac qui
était tombé sur sa bouche, peu de temps
après il eut des convulsions qui durèrent
fort longtemps ; les boissons délayantes et
adoucissantes qu'on lui donna lui sauvèrent
la vie pour un moment, mais il a été sujet
depuis cet accident à avoir de fréquentes
convulsions et des battements de cœu:' terri-
bles. A l'ouverture du corps, il s'y est trouvé
des polypes très-durs dans les sinus et les
ventricules du cœur.
Les feuilles du tabac sont émétiques et
purgent violemment; on l'emploie rarement
à i'intérieur : les essais qu'on en a voulu
faire, ont été suivis d'accidents. Cependant
on en prépare un sirop donl on fait usage
dans l'épilepsie et dans les maladies du mô-
me genre ; Rivière en a vu de bons effets.
Ce sirop qu'on nomme de Quercetan est aussi
très bon dans l'asthme et la toux opiniâtre:
il procure une expectoration facile et abon-
dante sans faire vomir. Le tabac perd sa
,
force émétique par la digestion qu'on fait du
suc de ses feuilles dans l'hydromel et l'oxy-
mel pendant deux ou trois jours.

Il y a deux sortes de sirops de tabac :


le
simple dont la dose est depuis une demi-
,
cuillerée jusqu'à une cuillerée pendant quel-
ques jours, et le composé qui se prescrit
depuis une once jusqu'à deux et dans lequel
entrent des plantes béchiques, telles que le
capillaire, le tussilage, et quelquefois même
le sené et l'agaric. Melchior Forchl, médecin
Allemand, Tante beaucoup dans la vomique
du poumon et l'empième la décoction du
tabac mêlé avec le sucre.

On fait pins souvent usage du tabac en la-


vement dans les maladies soporeuses, lors-
qu'il s'agit d'exciter fortement l'action des fi-
bres : la dose pour l'homme, est depuis deux
gros jusqu'à une demionce. M. Chomel ob-
serve que ces lavements produisent quelque-
fois des effets aussi fâcheux que les purga-
tifs les plus violents ; il dit même avoir vu
des malades qui ayant pris de ces lavements
dans les assoupissements léthargiques
,
avaient enfin recouvré le sentiment et la
connaissance, mais étaient tombés ensuite
dans des convulsions accompagnées de vo-
missements de sueurs froides, d'un pouls
,
faible et frémillant, et d'autres accidents fu-
nestes, quoiqu'ils eussent rendu le remède
aussitôt après qu'ils l'avaient reçu, et si on
n'y avait porté secours, ils auraient péri in-
failliblement; l'eau tiède, le lait et l'huile
d'amandes douces, ont fait pour lors des
merveilles : il ne faut donc prescrire ces lave-
ments qu'avec beaucoup de circonspection.

On se sert du tabac en fumigation ; les


personnes sujettes aux vapeurs, en sont
promptement soulagées, en respirant la fu-
mée. Les Indiens en font souvent usage ; ils
ont même des cornets faits de joncs ou de
cannes , au moyen desquels ils reçoivent par
la bouche la fumée de tabac.

Un auteur digne de foi, prétend que la


fumée recue dans le vagin appaise à l'instant
les accès de la passion histérique, ce qui
confirme ce que nous avons dit précédem-
ment ; on introduit aussi la fumée du tabac
dans les intestins par l'anus • ce remède est
très-bien indiqué dans les constipations opi-
niâtres dans la passion iliaque et dans les
,
hernies. Heister le recommande beaucoup
dans ce cas et dit en avoir vu de bons effets.
Il décrit l'instrument destiné à faire celte
espèce de fumigation, et en donne la figure.
Beuchier assure que ce secours est très-utile
pour ranimer les noyés : on a même rappelé
par là il la vie des gens qu'on croyail morts,
parce qu'ils avaient été longtemps sous l'eau.
Un docteur Anglais prétend que ceux qui
habitaient, pendant la peste qui affligea
Londres en 1665 et 166G, des maisons où
il y avait beaucoup de tabac, en furent pré-
servées.

Extérieurement les feuilles de tabac sont


vulnéraires, détersives, elles mondifient les
vieux ulcères ; on les applique fraîches sur
la plaie, Le P. Antoine Neira, Jésuite, as-
sure qne dans le Brésil, où il a passé trente-
deux ans, le remède le plus usité pour les
blessures, est le suc des feuilles de tabac.
Nicolas Monardot rapporte que les Indiens
guérissent les blessures faites par les flèches
empoisonnées des cannibales avec ce suc,
qui non-seulement empêche l'effet du venin,
mais arrête encore l'hémorragie, et fait ci-
catriser les plaies fort vîte; on fait commu-
nément entrer les feuilles de tabac dans les
huiles, les baumes et les onguent?; nous
avons vu opérer sous nos yeux avec la nico-
tiane de la troisième espèce dont nous parle-
rons ^ci-après, tant de cures merveilleuses,
que le simple exposé surpasserait beaucoup
les bornes qu'on doit se prescrire dans une
dissertation. M. Buc'boz père, a guéri à
Marly, village à une lieue de Metz, et dans
les villages circonvoisins, avec la nicotiane
qu'il cultivait pour lors dans son jardin, plu-
sieurs blessures plaies ulcères invétérés
, ,
et jugés incurables, charbons, gangrènes
et cancers ; tantôt il employait cette herbe
fraîche tantôt distillée et en onguents ou
baumes.

L'on tire du tabac par le moyen de la chi-


mie; un esprit, une huile et ua sel: l'esprit
est un puissant vomitif; la dose est depuis
deux gros jusqu'à quatre dans des liqueurs
appropriées ; on s'en sert extérieurement
pour les dartres, la gale et autres maladies
de la peau. L'huile du tabac est três-veni-
meuse ; introduite dans les plaies, elle cause
de fâcheux accidents, cependant elle est
très-bonne contre la gratelle et les dartres.
On en incorpore un gros avec deux onces
d'axonge, et on s'en sert en liniment. Son
sel se prescrit depuis quatre grains jusqu'à
douze dans des liqueurs convenables ; il est
sudorifique et quelquefois même diurétique :
on pretend qu'il est alkalin. Quelques chi-
mistes Allemands appuient ce sentiment sur
plusieurs observations et procédés.
Willis recommande l'usage du tabac dans
les camps et armées tant pour suppléer aux
,
vivres que pour préserver et guérir les
,
soldats de plusieurs maladies, tant internes
qu'externes. En Italie on ordonne la semence
du tabac pour appaiser le priapisme, on pré-
tend que celle plante a une vertu narcotique,
ce qui n'est pas encore suffisamment constaté.
Quand on donne le tabac en semence aux
chevaux, c'est depuis une once jusqu'à deux
1.* Prenez de la racine de valériane et des
feuilles de tab:lc de chacune deux gros, ré-
duisez le tout en poudre subtile, et ajoutez-y
des huiles distillées de lavande et de marjo-
laine, de chacune trois gouttes; faites usage
de cette poudre en guise de tabac contre la
faiblesse de la vue.
2.' Prenez des feuilles fraîches de tabac,
une once; faites les bouillir dans trois pintes
d'eau à la consomption d'un tiers ; mettez-y
sur la fin des feuilles de mauve, de branche
ursine et de violettes, de chacune une poi-
gnée; coulez le tout et ajoutez y trois onces
de sucre blanc; faites ut)e lisane anti-asth-
matique, dont il faut prendre trois verres
par jour.
3.* Prenez des feuilles de mercuriale de
mauv'! et de pariétaire, de chacune une poi-
gnée, du sené et de la pulpe de coloquinte,
de chacun deux gros ; des feuilles de tabac,
un demi-gros, faites bouillir le tout dans une
suffisante quantité d'eau commune, et ajou-
tez dans une livre de la colature du vin émé-
tique trouble, et du miel mercuriel, de cha-
cun trois onces, le tout pour un lavement
antinarcotique, ou contre les affections so-
poreuses.

4.° Prenez des racines d iris de Florence,


trois gros, des feuilles sèches de bétoine et
de muguet, de chacune un gros, du tabac,
deux gros, pulvérisez le tout exactement et
le mêlez pour un sternutatoire.

La nicotiane est ennemie des poux et des


puces, suivant J. Bauhin: on prétend que
sa fumée éloigne toutes sortes d'insectes,
même les punaises. On a observé que sa
poudre est mortelle aux lézards, sangsues
et limaçons.
Des différentes espèces de
Nicotiane.
La première espèce est décrite page 10.
La seconde est la nicotiane en arbrisseau.
Celle espèce est très-semblable à la précé-
dente, on la prendrait même pour une varié-
té, excepté seulement que sa base persiste.
Sa tige est par conséquent ligneuse ses
,
feuilles sont lancéolées, péliolées, amplexi.
caules, ses fleurs sont aiguës. Elle croit au
Cap de Bonne-Espérance, dans la Chine ; sa
culture est la même que celle de la précé-
dente, il faut seulement la mettre pendant
,
l'hiver, dans la serre; ses propriétés sont
absolument les mêmes.
La troisième espèce est la vraie nicotiane,
l'Herbe à la Reine.
La racine de cette espèce est quelquefois
simple et grosse comme le doigt, quelque-
fois fibreuse toujours blanche ; sa tige
,
s'élève à la hauteur de deux pieds ; elle est
ronde, velue, solide, glutineuse; ses feuil-
les sont moins grandes et plus épaisses que
celles de la première espèce, obtuses par le
bout, avec de courts pétioles, plus gluti-
neuses, couvertes d'un duvet très-fin ; les
Peurs naissent au sommet, disposées en
manière de tète, d'une couleur jaune et pâle;
son fruit est arrondi; ses semences sont
menues et rondes.

Elle est annuelle et croit naturellement


dans l'Amérique: on la cultive à présent
dans les jardins de l'Europe; c'est l'espèce
la plus usitée dans la médecine chirurgicale
et celle dont mon père se servait pour gué-
rir les biessures, plaies et ulcères, et pour
distiller.

1.° Eau de Buc'hoz, On prend des feuilles


de nicotiane, d'aristoloche, d'illecebra et de
morelle, de chacune parties égales, on mèle
et on hàche le tout ensemble ; ensuile on le
met dans un vase bien bouché, et on l'im-
bibe de vin blanc, en sorte que le vin sur-
nage d'un bon pouce ; on laisse le mélange
en digestion pendant quinze jours et on le
distille suivant l'art.

La première eau qui en provient est très-


spiritueuse, vulnéraire, anli-septique, et
très-propre à être employée contre toutes
sortes de plaies, de blessures, de contusions
contre les ulcères tant invétérés que nou-
veaux, et même contre la gangrène: elle
serait par conséquent d'une grande utilité
dans les armées et dans les hôpitaux mili-
taires.

2.* Prenez feuilles de betoine, de marjo-


laine et de nicotiane de chacune deux gros,
mettez les en poudre, et les passez pour un
errbin à prendre dans le catbarre et l'apo-
plexie.

3.'Prenez racines d'iris commune un gros,


feuilles de bétoine, d'hysope, de nicotiane
de chacune une demi-poignée ; fleurs de mu-
guet une pincée ; mettez le tout en poudre ,
pour un errhin à prendre de temps en temps
en guise de tabac.

4.' Prenez du suc do nicotiane, trois on-


ce'; de la cire jaune, pareille quantité ; de
la résine de pin, une once et demie ; de la
térébenthine, une once; de l'huile d'olive,
une quantité suffisante pour former un cérat
auquel on ajoutera du mercure précipité
blanc: ce cérat convient dans les ulcères
anciens et calleux : il les mondifie et les
cicatrise.

La quatrième espèce est la nicotiaue pani-


culée : nicotialla paniculata.

Cette espèce diffère de la troisième par sa


tige qui est plus tendre, plus haute, et qui
est paniculée ; par ses corolles qui sont plus
étroites ayant le Iymbe très court et trés -
,
obtus, et le tube long, en massue, et par
ses calices et capsules qui sont aiguës.
La cinquième espèce est la nicotiane brû-
lante : nicolialla urens.

Celte espèce est un arbre, sa tige est très-


épineuse, ses feuilles sont petites en forme
de cœur, crenelées; les grappes sont unila-
térales, repliées; les corolles sont campa-
nulées, blanches. Cette espèce est représen-
tée dans les plantes de P. Plumier, par Bur-
mann, pl. 211. Elle cro:t naturellement dans
l'Amérique méridionale. Elle se multiplie
par graines. Il lui faut la couche de tan et la
serre chaude pour réussir dans nos climats.
La sixième espèce est la nicotiane gluti-
neuse nicoliana ylulinosa.
Les feuilles de cette espèce sont plus en
cœur, glutineuses ; les fleurs sont rangées eu
un petit non.bre de grappes longues ; les co-
rolles sont presque les mêmes que celles de
l'espèce suivante, mais plus inégales et pres-
que masquées; les étamines sont réfléchies
vers le côté supérieur; un des lobes du ca-
lice est deux f ,)is plus grand que les autres.
Elle est annuelle et habite le Pérou.

La septième espèce est la nicotiane naine:


nicoliana pusilla. Les feuilles de cette espèce
sont oblongues, ovales radicales ; les fleurs
,
sont en grappes, aiguës; leurs calices sont
très-courts. Elle croît naturellement à la
Vera-Crux.
ESSAI
SUR LES PROPRIÉTÉS
DU TABAC,
par. le Docteur DABLAING, Professeur ;

correspondant de la Société de Médecine

DE PARIS.
Ce qui est reproduit ci-aprfs jusqu'à la
page 126 est emprunté à l'ouvrage qui a été
publié en 1792, par leDocteur DABLAING,
sous le titre :

Essai sur les propriétés du Tabac, sur son


utilité dans certains cas, ainsi que sur les
dangers de son usage habituel.

Nota. Notre volume n'est pas un ouvrage


d'ensemble, mais un recueil d'articles em-
pruntés à différents auteurs, c'est re qui
explique pourquoi la description et l'histoire
de la plante qui nous occupe, après avoir été
données d'après Buc'hoz, sont reproduites
dans les termes employés par Dablaing.
ESSAI
SUR

LES PROPRIÉTÉS DU TABAC.

Description du Tabac.
Le tabac est une piaille de cinq à six pieds
environ, dont les feuilles ressemblent assez
à celles de l'aulnée; ses fleurs sont purpu-
rines, faites en cloches ou godets, dans la
classe des fleurs en entonnoir, quand elles
sont passées, il leur succède un fruit plein
d'une très-grande quantité de graines sors
petites.
Celle plante est annuelle dans notre pays
et ne peut y passer que pour une plante
d'été, quoiqu'elle y supporte quelquefois
l'hiver, quand il n'esl pas rigoureux.
La description que je viens de faire du
tabac, est celle du tabac i, larges feuilles,
du grand ou vrai tabac mâle.
Il y a une seconde espèce de tabac à
feuilles étroites, pointues. attachées à la
tige par des pédoncules. Et enfin une troi-
sième à feuilles rondes, connue sous le nom
de tabac femelle ou faux tabac ; ces deux
dernières espèces de tabac, surtout la troi-
sième ne Font pas aussi hautes que la pre-
,
mière, et quoiqu'elles aient les mêmes pro-
priétés, elles les possèdent à des degrès
moins éminents : l'efficacité de la seconde
espèce approche cependant de celle de la
première, aussi l'y substituc-t-on facilement
et souvent on les mêle. (1)

(1 )Voir page 56 et suivantes ce que dit


,
Buc'hoz relativement aux différentes espèces
de Nicotiane.
Il est inutile dedire que, quoique nous
cultivions le tabac avec beaucoup de succès,
il ne peut pas valoir dans nos climats ce
qu'il vaut dans son pays originaire.

Le tabac nous a été apporté par un am-


bassadeur de France à la cour de Portugal,
nommé Nicol, d'où lui vient le nom de Ni-
cotiane qu'il a conservé parmi les Botanistes.
L'lie de Tabago en fournit abondamment;
c'est, prétend-on, du nom de Tabago qu'est
dérivé le nom de Tabac: quelques-uns l'ont
aussi nommé Pétun, Herbe à la reine, etc.
,
il commença à faire fortune en France sous
le règne de Catherine de Médicis.

Comme je ne veux pas affecter un air


d'érudition ni surcharger l'esprit de mes
lecteurs de connaissances inutiles à mon
objet, je passe légérement sur ces détails ;
les curieux trouveront facilement partout
ailleurs de quoi se satisfaire à cet égard.
Propriétés du Tabac. — Dangers de
son usage habituel.
Le tabac est un vif stimulant, un puissant
vomitif, un violent purgatif; il est sternu-
tatoire, apopblegmalisme détersif, réso-
,
lutif, incisif, atténuant; il joint à la vertu
stimulante une propriété narcotique qui
, ,
trouble les fonctions du cerveau et produit
une sorte d'ivresse ; mis en usage de cer-
taines manières et à trop grande dose, il
agace les nerfs au point de donner des con-
vulsions violentes. L'éternuement et le vo-
missement sont bien au reste des espèces de
convulsions.
Les premières fois que les jeunes gens se
servent de la pipe, s'ils ne sont pas extrê-
mement vigoureux , s'ils n'ont pas la fibre
très-forte, les nerfs difficiles à émouvoir,
s'ils n'ont pas la précaution de s'arrêter aux
premières impressions quUs éprouvent, ou
s'ils n'ont pas l'adresse de bien rejeter la
fumée, dans un moment ils sont étourdis,
perdent la connaissance vomissent et ren-
,
dent par le bas sans avoir le temps d'aller à
la garde-robe.
Ces effets du tabac fumé, montrent com-
bien son action est énergique, et ne per-
mettent pas de douter qu'il ne faille s'en
servir qu'avec prudence, et n'en pas faire
légérement une habitude qui ne peut cesser
d'être nuisible qu'en apparence.
Absolument parlant, si le tabac est un
grand remède, il est un assez violent poi-
son; son odeur, son goût, ses effets, de-
vraient détourner l'espèce humaine d'en user
aussi indifféremment qu'elle le fait ; et nous
n'avons en cela rien à reprocher à la sage
nature, elle ne nous a pas trompés, elle n'a
pas caché le venin sous le miel: mais elle
nous a plutôt avertis du danger qu'il y avait
à courir dans l'usage habituel de cette plante
ou dans tout autre abus qu'on pourrait en
faire.
C'est ainsi à peu près qu'elle en a agi à
l'égard de tous les grands remèdes et d<

tous les poisons ; il en est peu qui n'affec


tent désagréablement nos sens.
Cependant, jugez dela force del'habilud4
c'est par elle qu'une des choses les plus dé
sagréables devient pour nous délicieuse
impérieuse, elle nous maîtrise, nous subju
gue, nous enchaîne; il n'est plus de bosoii
naturel plus pressant; j'ai vu des malheu
reux presque mourant de faim, qui, dan:
l'alternative de se procurer du tabac ou di
pain n'ont pas hésité de commencer par li
,
tabac.
0 Homme, triste roi de la nature! pour.
quoi tant multiplier tes besoins? ne t'en a t
?
elle pas donné assez pourquoi t'en faire di
factices, mille fois plus tyranniques?
Mais, mes déclamations sont vaines, j1
n'y gagnerai rien, et quoique j'en dise. moi
dessein n'est pas de condamner générale-
ment le tabac , je n'ai en vue que d'en corri
ger les abus, d'en apprécier le mérite plutô
que d'en abolir l'usage.
Abus du Tabao.
Le principal abus que l'on fait du tabac
,
celui qu'il importe le plus de réprimer, et
qui doit surtout nous occuper, est l'usage
journalier et continuel qu'en font la plupart
des gens.
Il y a trois manières plus communes d'user
habituellement du tabac : on en prend en
poudre par le nez, on le fume on le mâ-
,
che ; il en a existé une quatrième, les grands
amateurs en portaient des fiches dans les
narines; celte dernière est tombée en désu-
étude, on en mâche aussi assez rarement ;
mais les deux premières façons d'user du
tabac sont restées en vigueur, et ont même
pris de l'accroissement ; elles sont à peu
près également répandues. (1)

(1) L'usage du tabac à priser diminue cha-


que jour; mais la pipe et le cigare menacent
de rendre le monde entier leur tributaire.
Nous tâcherons de démontrer 1.* que l'ha-
bitude en est assez constamment nuisible
2.° qu'elle l'est plus ou moins, suivant le
manière adoptée d'en user, suivant la quan
tité du labac qoe l'on use ou suivant sa qua
lité et selon qu'il convient plus ou moins au>
tempéraments des personnes qui s'en ser-
vent, et aux circonstances dans lesquelles
elles se trouvent; enfin, qu'user habituelle
ment du tabac c'est se priver d'une ressour
ce dont on peut avoir besoin.
Habitude du Tabac généralement
nuisible.
Qu'on fume le tabac, qu'on le prenne par
le nez, qu'on le mâche, qh'onlc porte dans
les narines il est toujours nuisible d'en
,
contracter l'habitude, parce que l'on intro-
duit ainsi dans la mttsse du sang et dans lé
torrent des autres humeurs des milliers de
,
particules àcres, stimulantes, narcotique
,
contraires à l'économie animale da'ns l'était
de santé et qui, à la longue, la dérangent',
la bouleversent, la détruisent ; lés moirtdr6
notions de la structure humaine ne pernref-
tent pas de révoquer en doute cette asser-
tion. L'analyse que l'on a faite de cette plante
la continue, et te effets qu'elle produit sur
chaque individu qui en fait usage la première
fois, de quelque manière q)ae ce soit dé-
,
montrent invinciblement que si le tabac est
un remède, il est une Remède fort actif et
violent, dont par conséquent il ne petit être

A
que dangereux de contracter l'habitude. Il
est vrai que l'on s'y accoulume peu à peu,
et que tous les symptômes qu'il produisait
d'abord, cessent enfin de se manifester;
mais le poison auquel on s'accoutume au-
,
quel on semble résister, contre lequel les
parties paraissent se raidir, ne continue pas
moins ses chocs quoique d'une manière
,
presque insensible : d'ailleurs l'impunité ap-
parente augmente la hardiesse ; ce qui était
douleur, ne devient plus que chatouillement
la sensibilité des nerfs s'émousse ; on dou-
ble on triple on décuple l'usage d'une
, ,
chose nuisible, et tontes les parties de noire
corps , bien loin de se révolter contre elle,
s'en font au contraire un besoin. On ne s'a-
perçoit pas que cet état qui rend en appa-
rence le poison inactif est déjà une maladie,
et on s'abandonne aveuglément à une mal-
heureuse l.abitude, d'où naissent mille maux
;
dont on ne soupçonne pas même la cause,
mais qu'il serait aisé de reconnaître si l'on
jetait les yeux sur ( abus que l'on fait du tabac.
Habitude du Tabac plus ou moins
nuisible , selon la manière d'en
faire usage.
Les différentes manières d'user habituelle-
ment du tabac, ne sont pas également pré-
judiciables ; il est donc à propos d'entrer
dans quelques détails sur les trois diverses
manières encore en vogue, d'en user ainsi,
et d'examiner les différents dommages qui
peuvent en résulter, eu égard aux sujets
diflérents, aux circonstances et aux excès.
iOn verra partout ce que je me propose de
dire, que si le tabac pris par le nez peut être
nuisible, il est bien plus dangereux de le
fumer ou de le mâcher, et que ce danger
augmente ou dimiuue encore, suivant les
tempéraments les âges etles circonstances
,
dans lesquelles se trouvent les personnes qui
usent du tabac d'une façon ou d'une autre.

Je parlerai peu du tabac mâché, il est le


moins en usage; et si l'on en excepte les
matelots, quelques paysans &t quelques cro-
cheteurs, on voit peu do personnes s'en ser-
vir de la sorte ; d'ailleurs, ce qve je dirai du
tabac fume quand à ses mauvais effets
, ,
pourra s'appliquer au tabac mâché, et s'il
est quelques circonstances particulières et
ipressantes relatives au tabac mâché,
,
elles no m'échapperont pas.
Du Tabac pris par le nez.

Ce furent les hommes qui commencèrent


les premiers à prendre du tabac ; pendant
longtemps les femmes n'osèrent en faire
usage; la propreté, la délicatesse, le bon
goût semblaient et auraient dû en effet le
leur interdire pour toujours; mais la mode
J'emporia, elles prirent du tabac, el. proba-
blement ainsi que les hommes elles en
,
prendront longtemps; il est cependant mal-
heureux qu'il ne soit pas relégué dans les
pharmacies pour n'en sortir que d'après les
ordres des.médecins.
Prendre du tabac paraît la chose la plus
indifférente, mais c'est une erreur; il ne
peut être indifférent de respirer à chaque
instant des vapeurs subti'es incendiaires
, ,
crispantes, irritantes, narcotiques.
Il peut être utile ou nuisible de prendre du
tabac, suivant qu'il sera pris à propos ou mal
à propos; mais il ne saurait être à propos d'en
prendre habituellement. C'est un remède .
il ne faut s'en servir que quand on est ma-
lade ; son grand usage peut entraîner après
lui les plus mauvais effets; en pinçait cons-
tamment l'extrémité des petits tilels nerveux
répandus sur la membrane pituitaire et sur
celles qui tapissent les sinus, il en émousse
la sensibilité, diminue ou détruit l'odorat;

,
il racornit les membranes, il bouche, il sè-
che les vaissaux sécrétoires et après avoir
augmenté pour un moment la sécrétion des
humeurs qui se filtrent dans l'intérieur du
nez et des parties voisines, il la diminue
enfin et la supprime même totalement; de là
leur surcharge au cerveau et dans d'autres
parties essentielles à la vie.

Outre cela des milliers de particules acres


volatiles, stimulantes, narcotiques, entraî-
nées continuellement dans la masse du sang
et dans le torrent des autres liqueurs , vont
devenir une source de vapeurs, de surdité.
de cécité, d'apoplexie, de paralysie, de
cancers, en un mot de beaucoup d'affec-
tions nerveuses.

On pourrait objecter, en supposant dans


le tabac des particules stimulantes et narco-
tiques que l'effet des unes devrait être tem-
,
péré par les autres ; mais l'on observe que,
pour qu'il en arrivât ainsi, il faudrait que
ces particules stimulantes et narcotiques,
pussent se neutraliser les unes par les au-
tres, ou tout au moins au défaut de neutra-
lisation que leur action se développât en
,
même temps ou à peu près: or, il est évi-
dent par le fait que cette neutralisation n'a
-pas lieu ; et la raison , à l'appui des expé-
riences chimiques nous démontre que des
particules salines, volatiles ou fixes, déve-
lopperont plus promptement leur action, que
des résineuses sulfureuses et grossières, tel-
les que les narcotiques qui se trouvent dans
le tabac; d'où il s'en suivra qu'elles produi-
ront sans obstacle leurs différents çffets.
Il pourrait seulement se faire que la vertu
narcotique, qui doit être la dernière en ac-
tion, agirait avec moins d'efficacité à rai-
,
son do l'état dans lequel se trouverait la
fibre par l'agitation des molécules stimu-
lantes.
Je dis il pourrait; car, pourvue cela ait
lieu il faut que l'action stimulante ne soit
,
pas trop forte, qu'elle ne tende pas trop la
fibre ; parce quo dans le cas d'une trop
grande tension la vertu stimulante loin de
, ,
s'opposer aux effets narcotiques du tabac, y
disposerait au contraire, par la raison qu'une
fibre trop tendue tombe nécessairement dans
le relâchement.

D'ailleurs, cette opposition d'effets, pro-


duite par des causes différentes, dans des
successions-prochaines, ne peut qu'inspirer
plus de crainte.

Ce n'est pas seulement par les pores ab-


sorbants des narines et des sinus, que s'in-
troduisent les particules fines, déliées et
nuisibles du tabac; les grands preneurs de
tabac en avaient beaucoup, et il produit sur
l'estomac et sur les intestins les mêmes effets
à peu près que sur la membrane pituitaire (')
Il les irrite etles agace ainsi qu'il l'a aga-
cée;.et de même ses molécules s'insinuent
par les pores absorbants de ces parties, mê-
lées avec le chyle ; elles parcourent avec lui
le même trajet, lui impriment un caractère
étranger et nuisible se mêlent ensuite avec
,
le sang en arrivant à la souclavière gauche,
et l'infectent jusques dans sa source.
Un chyle gâté, un sang altéré, que de
maux ! Palpitations de cœur, convulsions,
tremblements, peut-on après cela ignorer
votre origine ?

(*) L'on a vu dit M. Tissot, les symptô-


,
mes les plus dangereux produits par un amas
de tabac qui s'était formé dans l'estomac...
De la santé des gens de lettres. Edit. de 1768,
§ 78.
Si l'on objectait que bien de grands pre-
neurs de tabac ont fourni une longue car-
rière, sans incommodité ; outre qu'il serait
peut-être difficile de m'en donner des preu-
ves je répondrai que bien des goulus, des
ivrognes et des crapuleux ont eu la même
fortune mais que quelques exceptions rares
,
n'infirment pas la règle générale.
Le Tabac pris par le nez dispose au
désir de boire des liqueurs fortes.
Je suis peut-être le seul qui ait jamais
fait celle remarque, que l'usage habituel de
prendre du tabac pouvait disposer à aimcr le
vin les liqueurs, etc. Aussi ne douté je pas
,
que cette idée paraîtra un paradoxe ; cepen-
dant ce n'en est pas un, je vais tâcher d'en
convaincre mes lecteurs.
L'action du tabac pris par le nez, en
émoussant par degrés la sensibilité des nerfs
de l'odorat, n'épargne pas ceux du goût;
car la même membrane revêt la bouche, les
narines, les sinus, etc. D'ailleurs personne
n'ignore que toutes ces parties communiquent
ensemble et que l'organe de l'odorat et du
goût, se perfectionnent mutuellement; ain-
si, tout égal de part et d'autre plus on a le
,
sens de l'odorat délicat, plus on a le goût
fln ; et réciproquement plus le goût est fin
,
plus on a l'organe de l'odorat délicat.
Tout cela supposé, qui ne voit pas que,
quand l'abus du tabac aura émoussé lesen-
timent de l'un de ces organes ou des deux,
on supportera alors avec moins de peine le
stimulant des liqueurs fortes, que même
ensuite on les désirera.

Mères vigilantes! auriez-vous cru que l'u-


sage du tabac conduisit à un vice qui répugne
autant il la belle éducation? faites donc voir
à vos enfants les dangers qu'ils courent, en
contractant cette mauvaise habitude ; peignez
les risques de deux passions réunies: n'hé-
sitez pas de leur mettre sous les yeux la
malpropreté du tabac ; assurez leur qu'il gâte
fane et jaunit le teint; qu'il diminue la mé
-
moire, affaiblit le jugement, éteint la vue,
dessèche le cerveau, qu'il entraîne eu un
mot la perte de tous les sens.
Du Tabao fumé.

Presqu'aucune femme en France n'use du


tabac fumé, elles fument assez rarement en
Hollande où cet usage est très répandu; on
,
peut, à ce que je crois, en dire autant de
toute l'Europe : quant aux autres parties du
monde les voyageurs ne font mention que
,
des négresses du Sénégal qui fument conti-
nuellement; on assure cependant que celles
des îles Françaises de l'Amérique ont la
même habitude.

En général, les habitantes des villes, qui


sont élevées délicatement n'aiment pas les
fumeurs ; cependant cette mauvaise habitude
se propage, et je m'aperçois surtout depuis
quelques années, que ses partisans augmen-
tent: des personnes les mieux éduquées et
qui auraient rougi aulrefois de fumer, fu-
ment aujourd'hui: craignons que la conta-
gion ne s'étende encore davantage.

Une multitude de maux peut prendre nais-


sance du tabac fumé immodérément, et la
modération sur ce point est très difficile ; il
n'est pas de passion à laquelle on se livre
avec autant de fureur; quand on en a pris
l'habitude, c'est une sorte de rage; j'ai vu
des paysans fumer jusqu'à trente et quarante
pipes par jour.

Il n'est pas douteux néanmoins que l'usagl


abusif du tabac fumé ne soit infiniment plus
nuisible que celui du tabac pris en poudr<
par le nez. Pourquoi ? c'est que l'usage di
tabac fumé affecte plus immédiatement des
glandes qui filtrent une humeur nécessaire î
la digestion, c'est que l'action du feu déve
loppe davantage et plus promptement les
parties âcres et stimulantes du tabac, les
met en mouvement et plus à nu, et en cré<
même de nouvelles. En effet, il rend l'huile
qui forme une des parties essentielles du
tabac, empireumatique ; il volatilise certains
sels, il en alkalise d'autres, et les rend
caustiques.

Ainsi l'action naturelle des particules acres


du tabac d'une part, de l'autre, l'action de
ces mêmes particules développées rendues
plus pénétrantes par leur volatilité, parleur
causticité, cette même action portée direc-
tement sur les glandes salivaires, que de
raisons, pour craindre plus l'abus du tabac
fumé, que celui du tabac en poudre pris par
le nez, je dirai même pour le proscrire en
quelque sorte 1
Premiers et dangereux effets de
l'usage du Tabac fumé.

Les premiers effets du tabac fumé sont


en irritant les glandes de la bouche, du pa
lais, de'la gorge des sinus, etc de déter
, ,
miner une plus abondante sécrétion de salivi
et de mucosité, qui se séparent dans toute:
ces parties et que les fumeurs sont obligé:
de rendre.

A cet effet se joignent, les premières foi!


que l'on fume, le vei tige , l'ivresse , le vo-
missement, la diarrhée (*).
De tous ces effets le plus nuisible es

(*) C'est aux principes narcotiques du ta


bac, que les médecins attribuent le vertigi
et l'ivresse produits dans ces cas, ils con
courent aussi efficacement aux différents dé
sordres de l'estomac qui surviennent au)
grands fumeurs.
l'éjection continuelle et abondante de la
salive, source d'où découle la plupart des
maux qui afiligent les grands fumeurs ; mais
pour avoir là-dessus une idée juste, il est
bon de savoir ce que c'est que la salive et
d'en connaître l'usage.

De la Salive et de son usage.

La salive est une humeur savonneuse,qui


se sépare du sang dans différentes parties
de la bouche, par le moyen de plusieurs
glandes qui s'y rencontrent, et qui, à rai-
son des différents endroits qu'elles occupent
ont reçu différents noms. Cette liqueur tient
non-seulement la bouche l'œsophage, etc.,
,
dans une humidité continuelle, pour y en-
tretenir la souplesse nécessaire aux fonc-
tions qui s'y exercent, mais elle se mêle
encore aux parties intégrantes et essentiel-
les des aliments, pénétre, amollit les unes,
combine, mixtione, neutralise les autres,
en rompt la viscosité, fait du tout une pâte
molle par le moyen de la mastication.
,

Quand les aliments bien mâchés, et pénc-


trés d'une suffisante quantité de bonne salive
sont réduils en pâte dans la bouche ils sont
,
aux deux tiers digérés ; ceux qui n'ont plus

,
de dents (*), digèrent fort mal. Si l'on fait
avaler du pain noir sans qu'il soit mâché et
qu'on le vomisse quelques heures après, il
sera rendu noir comme il a été pris; si au
contraire pareil pain, avant d'être avalé, a
été bien mâché et bien mêlé avec la salive,
après le même espace de temps ; il aura la
blancheur du chyle.

La salive, en passant de la bouche à i'es-

(*) Les dents divisent davantage la ma-


tière alimentaire, la salive s'y mêle aussi
plus intimement.
tomac, lubréfie amollit tous les endroits
,
par lesquels doivent passer les aliments ; le
fréquent mage du tabac fumé, en faisant
continuellement cracher, prive ces parties
de cet avantage ; les sèche toutes, les ra-
cornit, au point de rendre, la déglutition
impossible; on en a plusieurs exemples bien
frappants.

Il est avantageux de ne pas cracher fré-


quemment de retenir et d'avaler la salive
, ,
parce qu'en se mêlant aux aliments, elle en
facilite la digestion, parce qu'elle lubrélie
les voies par lesquelles ils doivent passer,
parce qu'avalée , elle rentre de nouveau
dans la masse du sang, s'y perfectionne,
s'y animalise davantage etc ; plus la salive
rentre de fois dans le torrent de la circula-
tion plus elle devient riche, plus elle devient
,
propre à imprimer au chyle le caractère qu'il
doit prendre pour réparer nos pertes et pour
les réparer promptement. La salive qui il
subi différentes élaborations, est un ancien
bourgeois qui connaît les mœurs des habi-
tants de la ville ; les aliments sont des étran-
gers qu'elle y introduit; ils ont besoin d'elle
pour prendre les premières traces d'anima-
lité, s'ils sont tirés du règne végétal ; d'es-
pèce et d'individualité s'ils sont tirés du
,
règne animal. En un mot, la salive est le
premier et-principal agent de la digestion ou
cbililication, et concourt infiniment à la per-
fection de toutes nos autres humeurs.

Mais que fait l'usage immodéré de la pipe?


Il sépare, il excerne, il fait rendre une si
grande quantité de salive, qu'il ne lui per-
met pas d'acquérir le degré d'élaboration
nécessaire ; l'irritation continuelle et forte
peut non-seulement attirer dans les glandes
salivaires, une humeur qui n'est pas salive,
ni destinée à la devenir, mais une lymphe
nourricière, dont l'évacuation priverait de
nourriture les différentes parties du corps.

Du défaut de salive ou de sa mauvaise


qualité il en résulte plus de travail pour
,
l'estomac, des digestions laborieuses ou
nulles, un chyle épais, visqueux, tenace,
des embarras dans différentes parties du bas
ventre, l'émaciation, l'atrophie, l'infiltra-
tion etc., voilà toutes les suites de la déjec-
,
tion fréquente de la salive.

La plupart des fumeurs, pour réparer les


pertes continuelles qu'ils font de la salive et
parce que les parties irritantes du tabac et
du feu les y engagent, boivent dans certains
pays beaucoup de bière, ce qui leur donne
un mauvais embonpoint qui tient de la bouf-
fissure ; ils aiment aussi assez généralement
l'eau-de-vie, et pour me servir du ternie
reçu, ils s'en blasent (*). Leur bouche en-

(*) On appelle en Flandre blasé, un hom-


me dont les chairs sont flétries, relâchées,
qui a les joues grosses et pendantes le
,
teint fané plombé, livide, les jambes extrê-
,
mement amincies ; il ne mange plus, ou,
durcie a besoin de ce vif stimulant pour
éprouver quelque chatouillement; le défaut
de bonne réparation, peut aussi les détermi-
ner à chercher quelque chose qui les ranime
plus promptement.

On voit par-là comment un mal en entraine


un autre, cet autre un troisième, et ainsi
de suite, ce que l'on éviterait en ne fumant
pas. Il survient encore à beaucoup de fu-
meurs des cancers aux lèvres ; mais cela
tient moins à l'action du tabac qu'à la com-
pression du tuyau dur qui froisse les petites
glandes de ces parties.

Pour le peu de salive qu'avalent les fu-


meurs, elle leur est encore nuisible, à rai-
son des particules narcotiques dont elle est

pour peu qu'il mange , il n'a de goût que


pour les aliments acres, salés, fort épicés ;
il n'aime que les liqueurs fortes ; l'abus de
l'eau-de-vie jette nos Flamands dans cet état.
empreinte; voici comme s'exprime TISSOT,
dans l'ouvrage déjà cilé 't l'égard du prin-
,
cipe narcotique contenu dans le tabac (*) :
« Il augmente le désordre de l'estomac,
» comme tous les anodins, il donne des
» embarras et des maux de têtes, des ver-
)1
tiges, des angoisses, des léthargies, et
» des apoplexies comme on n'en a que trop
D d'exemples...

(*) TISSOT, De la santé des Gens de Let-


tres,§ 76 page 213.
,
Du Tabac mâché.
La mastication du tabac produit plusieurs
des effets du tabac fumé; elle excite un
abondant plialysme, irrite, sèche, agace etc.,
mais avec moins de danger. L'action du feu
n'y est pour rien, celle des agents qu'il dé-
veloppe quand il est de la partie a moins
, ,
de force. On en contracte aussi moins l'ha-
bitude. Les matelots, les rustres, les cro-
cheteurs sont à présentpresque les seuls
,
qui mâchent le tabac, mais bien plus modé-
rément qu'on ne le fume.
Si l'on faisait un Ion# usage du tabac mâ-
ché, il produirait cependant aussi beaucoup
de dommages: il me parait surtout que le
principe narcotique serait en ce cas particu-
lièrement à redouter.
Quoique nous ayons dit des mauvais effets
de l'usage habituel du tabac, il est bon ce-
pendant d'observer que s'il plaisait à quel-
qu'un de l'abandonner, il serait prudent de
ne s'y déterminer que par degrés, surtout
s'il en faisait auparavant un grand usage.
A quelles personnes l'usage du Tabao
nuit le plus.

En général, l'habitude du tabac de quel-


,
que manière que l'on s'en serve, est moins
nuisible aux tempéraments phlegmatiques,
pituiteux relâchés, qu'aux sanguins, bilieux
,
mélancoliques ; aux personnes fortes qui
boivent de l'eau, qu'aux faibles, délicates,
et qui boivent du vin, des liqueurs spirilueu-
ses . du caré , etc ; à celles qui se nour-
rissent d'aliments grossiers, qu'il d'autres
qui vivent de viandes succulentes, auxquel-
les on joint le rafinement meurtrier de la
cuisine, le sang de ces derniers étant plus
disposé à l'incandescence et à l'acrimonie ;
enfin aux personnes qui ont les nerfs durs
,
difficiles à émouvoir, qu'à celles qui les ont
sensibles et délicats.

Il suit de là qu'il convient moins en géné-


ral aux gens de lettres, qu'à ceux dont le
travail consiste dans différents exercices du
corps (*) ; aux personnes du sexe qu'aux
hommes et toujours moins a celles d'entre
elles qui ont les nerfs plus sensibles ; telles
sont les vaporeuses.

L'usage habituel du tabac convient moins


aux personnes maigres qu'aux personnes
grasses ; à celles qui ont la poitrine délicate
qu'à celles qui l'ont forte ; à celles qui sont
sujettes aux hémorragies, qui ont des àcre-
tées, aux pléthoriques, qu'à d'autres qui
sont dans un état contraire.

Il doit être soigneusement évité par ceux


qui sont sujets aux inflammations, aux ma-
ladies nerveuses, telles qu'épilepsie, affec-
tion histérique, bipocondriaque, etc. Il fera

(*) C'est une très-mauvaise habitude aux


gens de lettres, d'avoir sur leur bureau une
tabatière, pour y puiser des idées ; il y pui-
sent les maladies et la mort.
moins de mal dans la Laponie, la russie,
la Norwège, la Hollande, dans tous les pays
froids, humides, marécageux, que dans les
pays chauds, secs, méridionaux.

Enfin personne ne peut révoquer en doute


que, tout égal de part et d'autre , plus on
consomme habituellement de tabac, plus il
devient préjudiciable, et que ses différentes
qualités bonnes ou mauvaises, plus ou
,
moins fortes, le rendenl aussi plus ou moins
nuisible.
C'est se priver des avantages qu'on
pourrait retirer de l'emploi du Ta-
bac comme remède , que d'en faire
un usage habituel.

Sans avoir égard aux dommages particu-


liers que peut porter l'usage immodéré du
,
tabac c'est toujours une erreur d'en user
,
habituellement, par la seule raison que c'est
se priver d'une ressource dont on pourrait
avoir besoin dans différentes incommodités.

En effet, toute substance dont on fera un


usage habituel, cessera enfin d'être un re-
mède. Qui pourrait douter, par exemple,
que le quinquina ne perdit sa vertu fébrifuge
envers quelqu'un qui aurait coutume d'en
avaler tous les jours, une certaine quantité
en état de santé? Par un trop fréquent usage
les purgatifs les plus forts deviennent insuf-
fisants; le vin, dont on prend abondamment
ous les jours, n'est plus un remède pour
'estomac, il cesse d'être cordial, etc. Nos
ibres n'éprouvent plus d'agacement par un
liguillon habituel; nos fluides auxquels se
Ilêlent continuellement des molécules, pro-
res à les changer considérablement, ne
cuvent plus, à la longue, éprouver d'autre
Itération que celle qui les fait dégénérer
intièreinent.
Usage du Tabac considéré
comme remède.

Nous avons assez parll; du tabac par rap-


port à ses abus ; il nous reste pour remplir
la tâche que nous nous sommes imposée, à
le considérer comme remède.

Il s'emploie d'abord comme remède, d'au-


tant de manières qu'il est employé abusive-
ment comme passe-temps ; c'est-à-dire
,
qu'on peut à cet égard. le prendre en pou-
dre par le nez, le fumer et le mâcher; on
le prend en outre intérieurement en subs-
tance et en poudre ; on le prend en décoc-
tion et en infusion. édulcoré et arrangé en
différentes manières; on en f;iit des lotions,
des douches, des, lavements des injections,
,
des cérats, (les onguents, des emplâtres,
des huiles, etc. ; c'est le détail dans lequel
nous allons entrer, pour connaître à fond les
propriétés particulières du tabac, et
ses dif-
jiérenls usages Ce sera l'objet de cette se-
conde partie, où il sera question d'examiner
qui sont ceux ou celles qui doivent se servir
du tabac, et quand etcomment on doit s'en
servir.

Le tabac étant d'ailleurs encore utile com-


me contraire à plusieurs insectes qui nous
sont nuisibles, nous dirons aussi quelque
chose des propriétés relatives à cet objet.
Du Tabac pris en poudre par le nez,
considéré comme remède.

Le tabac pris en poudre par le nez est


très-certainement un bon remède dans bien
des circonstances quand, comme je l'ai
,
dit, on n'en a pas contracté l'habitude; il
peut guérir des fluxions, dissiper des mi-
graines rétablir les sens de l'ouïe, de la
,
vue, de l'odorat, que son abus fait perdre;
il calme les maux de tête facilite toutes les
,
sécrétions, est utile contre l'enchifrenement
peut prévenir la stupeur, l'apoplexie, la pa-
i-alysie la folie, toutes maladies que fait
,
naître son usage abusif.
L'usage modéré et bien dirigé du tabac
,
opère tous ces heureux effets, par les se-
cousses légères qu'il donne à toutes les par-
ties et particulièrement au cerveau ; il met
,
en branle toute la machine , dégorge les
glandes pituitaires lève les embarras de la
,
te, stimule tous les organes des sens ; il
est question, pour le rendre vraiment utile
ne d'avoir égard aux causes qui produisent
es différentes incommodités, aux circons-

nces qui les accompagnent, aux tempéra-


ents des personnes incommodées.
Quand on emploie le tabac en poudre par
nez contre les maux d'yeux, quatre ou
nq prises par jour doivent suffire.

Dans les vertiges, les tintements d'oreil-


es, les affections soporeuses, on peut en
rendre plus fréquemment ; mais dans ces
lernières incommodités, on fera bien, autant
u'oale pourra, de donner la préférence à
'autres poudres aromatiques, appropriées,
t qui ne joignent à la vertu sternutatoire
ucune qualité somnifère.
Du Tabac fumé considéré
comme remède.
Nous avons vu dans la première partie 1
foule de maux que produit l'abus du taba
fumé: mais ce qui peut faire beaucoup d
mal quand on en abuse, peut faire beaucou
de bien quand on en use à propos ; aussi 1
tabac fumé devient-il un fort bon remède
quand, n'en ayant pas l'habitude, on s'e
sert dans les maladies 011 il convient.
On l'a vu guérir comme par enchantf
ment les maux de dents, dissiper la surditf
enlever les vertiges, les migraines, les mau
,
de tête, réveiller l'appétit (*) en débarras
sant l'estomac et les intestins des sahure

(*) f,e tabac fumé qui rend quelquefoi


l'appétit, modère aussi celui qui est exees
sif, et permet de supporter plus longtemp
la faim ; il parait utile dans l'excessif embor
point; il est regardé par quelques-uns cou
me propre à tuer le ver solitaire. Mais Tisso
observe que nous n'avons là-dessus aucun
expérience bien constatée.
laireuses qui en tapissaient les parois ; il a
ussi guéri plus d'une fois des maux d'esto-
lac opiniâtres occasionnés par cette même
ause ; il facilite la guérison de la jaunisse,
n faisant couler la bile, en dégorgeant la
ésicule du fiel, en tenant le ventre libre;
peut aussi concourir à la guérison de plu-
ieurs maladies du cerveau.
Je suis d'avis que la vertu narcotique du
bac, a beaucoup moins de force dans le
abac fumé que dans le's autres manières de
'en servir, surtout si l'on se sert de pipes
bngues (*) ; observation intéressante par
apport à l'usage qu'on voudrait en faire dans
es affections soporeuses.,
Il ne peut guère être utile, de fumer plus
le deux ou trois pipes par jour, soit succes-
sivement, soit à des distances marquées,

ti (*) Les personnes qui fument doivent avoir


loin de se servir de pipes longues et minces;
1
se fait au travers des longs tuyaux une
torte de dépuration de l'huile narcotique du
labac, qui s'attache en forme de suie à leurs
parois; c'est ainsi qu'en usent les Turcs.
suivant les différentes indications que l'on
à remplir: par exemple, veut-on se débat

rasser l'estomac de sabures, il est souve


à propos de fumer successivement plusieu
pipes ; au reste, cela dépend aussi beaucoi
de l'action du tabac relativement aux suj(
ou à ses qualités : pour des migraines, d
maux de tête, des maux de dents, il (
mieux de fumer à des distances éloignées
On ne doit fumer que le matin à jeun
,
lorsque la digestion des aliments est fait
l'usage du tabac fumé parait utile aux m;
rins ; il l'est très-certainement aux vida
geurs, en affaiblissant l'action des vapeu
méphitiques qu'ils sont obligés de respire
il convient aussi à ceux qui, par état, s(
obligés de fréquenter des endroits malsai
et d'y séjourner. tels sont les médecins,
curés, les confesseurs les infirmiers e:
, ,
Il est regardé par Diemerbrocfte comme
des meilleurs préservatifs contre la pes
Rivière fait grand cas du tabac fumé da
les accès d'asthme.
Du Tabao mâché regardé aussi
comme remède.
Le tabac mâché affermit les gencives,
déterge les petits ulcères de l'intérieur dela
bouche, dégorge les glandes salivaires fait
,
couler la salive, modère la faim, aide à la
supporter quoiqu'il ne nourrisse point, et a
paru de tous temps servir d'anti-scorbutique
aux matelots.
Il peut lever plusieurs embarras du bas-
ventre, faire couler la bile, diviser, entrat-
ner les matières glaireuses qui surchargent
l'estomac et les intestins; il désopile la rate,

,
lève les obstructions du foie, prévient, dis-
sipe celles des glandes du mcsentere calme
les douleurs sourdes que les écrauelleux et
les grands mangeurs ressentent quelquefois
dans cette partie. Voilà, me dira-t-on bien
d'excellentes qualités : elles ne sont point
exagérées ; on est sûr d'éprouver tous ces
bons effets, pourvu que l'on s'en serve à
propos et qu'aucune contre-indication ne
s'oppose à son usage, telles seraient la gran-
de maigreur, la toux, la sensibilité des nerfs
les inflammations les ulcérés internes, la
,
suppuration, le crachement de sang, etc.
Du Tabac pris en lavement.

On emploie les lavements de tabac contre


les apoplexies séreuses, et ce n'est pas sans
succès, quand celle affreuse maladie n'a
pas frappé de manière à détruire et abolir
entièrement le principe de la vie; leur effet
est de secouer violemment la machine ; ils
déterminent une grande quantité d'humeurs
à couler vers le basventre, ils le débarras-
sent des humeurs superflues dont il était
surchargé ; ils dégorgent puissamment les
viscères qui y sont contenus, et de proche
en proche tous ceux que renferment les au-
tres cavités ; ils font vomir, etc.

Cependant, quelques médecins redoulant


les effets narcoliques du tabac, préfèrent,
dans celle espèce d'apoplexie la coloquinte
.
le sené le vin émétique trouble, adminis-
,
trés de la même manière, Mais la vertu sti-
mulante du tabac, qui agit la première, et
flus promptement et plus efficacement, pc
niet d'autant moins cette crainte que sa pr
priété narcotique ne peut guère se manife
ter que par un usage long et continue ;
qui n'a pas lieu par rapport aux lavemer
de tabac dont on ne fait usage que pour
moment et dans des cas pressants.

Les lavements de tabac réussissent aui


dans les constipations opiniâtres ; mais
faut ici beaucoup de circonspection po
les employer avec quelqu'espérance de su
cès, il faut que le sujet soit sans fièvr
sans aucun soupçon d'inflammation; qu'il
,
soit pas accidenté de descente (*) par

(*) M. Gardane, dans son avis au peupl


sur les morts apparentes, dit cependant
noie, que la fumée de tabac donnée en la,
ment est recommandée contre les lierni
enkislées, qui ne sont ni trop anciennes
fortement adhérenles au sac dans les coi,
,
til)ations opiniâtres contre les douleurs
,
colique, conlre le météorisme du bas-ven
uque, comme je l'ai fait observer, ces lave-
xmcnls agacent puissamment et font vomir ;
~ails sont aussi très-échauffants ; c'est pour

cette raison que, lors même qu'ils se trou-


vent indiquées contre cette maladie, il est
bon d'avoir employé, avant de s'en servir,
les bains d'eau tiède, les lavements émoi-
liens, les fomentations etc., d'avoir beau,
,
oup détrempé , pratiqué même quelques
saignées si le sujet est pléthorique.
,

avec constipation, dans les fièvres putrides,


etc. l'usage de ces conseils demande extrê-
mement de connaissance et de prudence.
Mais c'est avec fondement que la fumée
de tabac est regardée comme un grand anti-
septique et qu'on en brûle dans les endroits
,
où il y a des miasmes contagieux.
Recette d'un lavement de Tabac
contre l'apoplexie séreuse.

Prenez six gros de tabac coupé par mor-


ceaux, faites bouillir dans trois demi-sep-
tiers d'eau pour réduire à deux, passez en-
suite la liqueur, et ajoutez-y un peu de miel.
Quand on veut faire usage de lavement
de tabac contre la constipation, trois gros
suffisent.
Introduction de la fumée de Tabac
en différentes manières.

On connaît l'usage de la fumée de tabac


introduite dans le fondement, pour secourir
les noyés, et on sait que ce moyen en a
rappelé plusieurs il la vie. Les ouvrages sur
la façon d'employer les différents secours
qui leur conviennent, ont été répandus avec
profusion par ordre du gouvernement; ce-
pendant, ils ne sont pas encore assez con-
nus; aussi m'aperçois-je que dans les pro-
vinces, on n'en rappelle aucun à la vie : le
défaut de connaissances suffisantes pour
l'emploi de secours, qu'on connait bien en
gros, mais pas assez en détail en est sûre-
ment la cause.
Il faudrait tous les ans répandre ces sortes
d'ouvrages en forme de catéchisme et en
instruire indistinctement tout le monde
,
comme cela se pratique présentement dans
- Il serait bon aussi que flans et
la capitale.
cime de nos villes, et dans chaque villa
où passent des rivières, il
y eut une bo'
fumigatoire et qu'on y instruisit plusieu
,
personnes dans l'exercice des différer
moyens reconnus propres à secourir 1

noyés.

La fumée de tabac introduite dans le fo


dement n'a pas seulement la vertu de
rapp
1er les noyés à la vie ; elle convient
enco:
dans toutes les espèces d'aspbixies
ou mor
apparentes, où les autres moyens n'ont pj
réussi. On pourrait l'employer aussi dai
quelqu'espèce d'apoplexie ; M. Gardane
recommande indistinctement dans celte
ma
ladie ; et il conseille de l'introduire tai
dans le fondement que dans la gorge contr
le gonflement considérable des amygdales
quand la déglutition est impossible,
pou
suppléer à l'cmé tique.

J'ai vu introduire avec succès la fumé


de tabac dans l'oreille contre la surdité, et
j'ai prescrit moi-même plusieurs fois ce re-
mède au grand avantage des malades, quand
cette maladie tirait son origine du relâche-
ment de la membrane du tympan ou des nerfs
qui y aboutissent ; il pourrait aussi convenir
lorsque la présence de quelqu'insecte gêne-
rait la fonction de l'organe de l'ouïe.

Cette même fumée aide à dissiper les ac-


cès de vapeurs bistériques ; en la dirigeant
vers les narines : mais il m'a paru qu'assez
généralement* toutes les fumées ont celle
propriété, plus ou moins cependant, suivant
leurs différents degrés d'âcreté; il faut en
dire autant de tous les esprits volatils.
Différentes applications extérieui
du Tabac.

C'est surtout extérieurement que le ta1


devrait être fréquemment employé ; il
propre à guérir beaucoup de maladies exi
nés, telles que la galle, la teigne, les vit
ulcères, les fistules, etc., il fond les
meurs , tue la vermine qui s'engendre d,
les cheveux ou qui s'attache aux parties
lues du corps etc.
,
On peut faire avec le tabac des ongue
ou emplâtres, propres à appliquer sui
nombril des enfants ou autres personne
auxquelles on ne peut faire prendre des
mèdes intérieurement pour les purger
faire vomir; il entre dans la composition
plusieurs médicaments officinaux externe
par exemple, dans l'onguent de nicotianc
Jouberl, dans l'eau d'arquebusade, dans l'
guent splénique de Baudcron; on s'en s
Mour le mondificalif d'acte, pour le beaume
tranquille il entre dans la composition des
;
bougies de Darans, si fameuses contre les
maladies de l'urètre.

Liniment contre la galle.


Prenez demi-once de tabac en poudre très
fine, et demi-once de fleurs de soufre mê-
,
lez avec suffisante quantité d'huile pour faire
un liniment dont on se frottera les mains
deux fois le jour, à la dose de deux gros
chaque fois; ce remède guérit parfaitement
la galle. Mais comme on pourrait prétendre
que le soufre serait le seul agent contre la
galle dans sa composition, ou du mojns le
principal, je puis attester, d'après une lon-
gue expérience, qu'ayant employé sans suc-
cès le soufre sous différentes formes, je l'ai
trouvé plus efficace en le mêlant avec le ta-
bac. D'ailleurs, le tabac seul a plusieurs
fois guéri la galle.
Onguent contre la galle.
Prenez telle quantité qu'il vous plaira
tabac en poudre mêlez-le avec suffisa
,
quantité d'huile pour en faire une espi
d'onguent, le malade s'en frottera les pc
mes des mains deux ou trois fois le jou
la dose d'un gros pour les adultes, qu'il
faut pas outre-passer, qu'il faut quelquel'
diminuer pour ne point occasionner de VOD
sements ou de l'irritation.

Autre manière de se servir du Tab


contre la galle.
Prenez racine de patience sauvage, fei
les de tabac sèches, coupées par petils m
ceaux, de chaque une once et demie, fai
bouillir dans trois pintes d'eau pour rédu
à deux; les malades s'en laveront les ma
trois ou quatre fois le jour; ei en feront<

lotions sur les parties affectées.


Autre en forme de pommade.

Prenez feuilles de tabac sec bâché menu


une once, faites bouillir au bain marie, dans
quatre onces de beurre ou de saindoux pen-
dant une heure ; passez ensuite la liqueur
encore chaude, quand elle sera refroidie,
vous aurez un onguent excellent contre la
galle dont on se frottera aussi trois fois le
,
jour les paumes des mains. On peut donner
à cette pommade une odeur agréable en y
,
ajoutant quelqu'essence.

Malgré l'efficacité de ces remèdes contre


la galle, il serait de la plus grande impruden-
ce de s'y borner; il faut même avant de les
mettre en usage ou autres semblables, avoir
employé les remèdes généraux, tels que la
saignée et la purgation, celle-ci doit être
répétée plusieurs fois ; dans le cours du
traitement; on use aussi en même temps de
quelques boissons et autres remèdes dépura-
tifs internes,

On peut, dans quelques circonstances, se


dispenser de la saignée ; par exemple pour
,
les enfants, les vieillards, les femmes qui
viennent d'accoucher, d'être réglées, qui
nourrissent et en général, à l'égard des per-
sonnes qui ont peu de sang ou (lui l'ont pau-
vre; mais on ne peut pas se dispenser de
purger plusieurs fois ni d'user d'un régime
adoucissant.

Personne n'ignore que la tisane ou décoc-


tion de pareille ne soit une boisson consacrée
au traitement de celle maladie ; on doit en
faire sa boisson ordinaire.

Quand la maladie n'est pas ancienne, et


n'a pas jeté de profondes racines, il est rare
qu'on ait besoin d'autres secours internes;
quand elle est profondément enracinée, on
y joint l'usage des bains, des bouillons dé-
puratifs faits avec la fumeterre, la scabieuse,
la chicorée, etc. On use aussi de buis ou
de tablettes de soufre, d'antimoine, d'œ-
thiops minéral et autres antipsoriques ; mais
dans ces cas il faut, autant qu'il est possible,
consulter d'habiles médecins ; car, quoiqu'on
regarde la galle comme une maladie légère,
et qu'elle le soit effectivement quelquefois ;
cependant j'ai vu des maladies convulsives,
des asthmes, des hydropisies même, succé-
der à son mauvais traitement ; le remède en
ces cas est de rappeler aussitôt la galle.
Efficacité du Tabac contre la teigne
et autres incommodités externes.

On guérit la teigne à peu près de la mémo


manière que la galle; il faut cependant don-
ner plus d'activité aux remèdes qu'on em-
ploie extérieurement, contre la première
maladie; c'est pourquoi, si l'on fait usage
du tabac en poudre pour en former une sorte
d'onguent, on fera bien de le mêler avec le
savon noir, au lieu d'huile , de beurre et de
saindoux; ou bien on pourra joindre au mé-
lange de tabac et d'buile un gros par once
,
de précipité. Si on use de la décoction ou
infusion, il faut qu'elles soient fortes; on
pourra même les faire avec une lessive alka-
line quelconque; enfin, on peut sans crainte
répéter sur la teigne un plus grand nombre
de frictions, et user en tout. du tabac plus
hardiment, parce que les croûtes dùres ga-
rantissent l'intérieur de l'introduction des
particules déliées. Quant au régime et aux
remèdes généraux, ils sont à peu près les
mêmes ; il m'a paru que la saignée en géné-
ral y convenait moins.

Recette d'un cérat fait avec le Tabac


contre les ulcères anciens et cal-
leux , tirée de la matière médicale
de Geoffroy , dont j'ai plusieurs
fois éprouvé l'efficacité.

Prenez du suc de nicotiane trois onces,


de la résine de pin, une once et demie, de
l'huile d'olive une quantité suffisante pour
former un cérat, auquel on ajoutera deux
gros de précipité blanc.
On applique aussi avec succès sur les ul-
cères, les feuilles fraîches de tabac broyées
et on les lave avec le suc de la plante.
Pour les fistules, on fait des injections
avec l'infusion ou le. suc du tabac , auxquels
il ne faut pas se borner; mais il convient
d'user en outre de remèdes internes conve-
nables, et d'attaquer le mal dans sa source,
qui tient presque toujours aux mauvaises
qualités du sang et de la lymphe.
MACÉDOINE D'ARTICLES

en prose ou en vers

POUR, SUR ou CONTRE

LE TABAC.
MACÉDOINE.

Histoire de la découverte du Tabac


ainsi que celle de son introduc-
tion en Europe , selon M. S. Ber-
thelot.
On nomme vulgairement Tabac un genre
de plante herbacée que les botanistes ont
appelée nicotiane et qu'ils ont rangée dans la
famille des solanées, la pentandriemonogy-
nie du système sexuel: il est aussi appliqué
à toutes les différentes préparations que l'on
fait subir aux feuilles de l'espèce cultivée la
,
nicotiana tabacurn. Lorsque Colomb aborda
pour la première fois à l'lie de Cuba, il char.
gea deux hommes de son équipage d'explo-
rer le pays. « Ces envoyés, dit l'amiral dans
sa relation, rencontrèrent en chemin beau-
coup d'Indiens, htynmes et femmes, avec
un petit tison allumé , composé d'une sorte
d'herbe dont ils aspiraient le parfum selon
leur coutume.» L'évêque Barthélémy de Las
Casas, contemporain de Colomb rapporte
,
ce fait d'une manière encore plus circonstan-
ciée dans son Histoire générale des Indes.
Telle est l'origine des cigares et du nom que
les Européens appliquèrent ensuite collecti-
vement à tous les genres de préparation des
feuilles de la nicotiane. Dans l'lie de Cuba,
la dénomination de labaco a prévalu jusqu'à
nos jours; cette expression pour les baH-
tants fde La Havane est synonyme de cigare,
ils disent communément chupar un labaco,
fumer un tabac. Quoi qu'en disent plusieurs
dictionnaires, le mot tabac ou labaco paral-
trait donc appartenir à un des dialectes amé.
ricains, et avoir été employé généralement
dans les Antilles habitées ou fréquentées par
les Caraïbes. La plante qui produit le tabac
croit spontanément sur la plus grande éten-
due du nouveau continent et des lies adja-
centes. Au Brésil, le tabac avait reçu le nom
depelun; et, d'après les historiens portu-
gais, la fumée des feuilles de petun, aspirée
à fortes doses, servait à énivrer les augures.
Les Indiens de l'Orénoque et les peaux-rou-
ges de i'Amérique du Nord terminaient leurs
querelles en présentant à leurs ennemis le
calumet de paix ; et de nos jours, par une
coutume analogue, nous voyons les Orien-
taux présenter la pipe à leurs amis.

Quant à l'époque de l'introduction du tabac


-en Europe, on est à peu près d'accord sur
ce point, et selon toutes les apparences elle
ne date guère que du milieu du seizième
siècle. Jean Nicot, ambassadeur du roi de
France François H auprès de Sébastien roi
,
de Portugal (de 1560 à 1568), ayant reçu
d'un marchand flamand, revenu d'Amérique,
l'herbe qui produit le tabac, apprit de lui
son usage, et la présenta au grand-prieur à
son arrivée à Lisbonne, puis, à son retour
en France, à la reine Catherine de Médicis,
mère du roi. Ces circonstances mirent la
plante en grand renom : on l'appela indis-
tinctement vicoliane, du nom de l'ambassa-
deur herbe du grand-prieur et herbe de la
,
reine. Introduite en Italie par le cardinal de
Sainte-Croix nonce en Portugal, et Nicolas
,
Tornabon, légat en France, elle reçut aussi
les noms d'herbe de Sainte-Croix et de Tor-
nabonne ses vertus vraies ou supposées lui
-,

valurent ensuite les dénominations de buglose


ou panacée antarctique, herbe sainte ou sacrée
herbe à tous les maux, jusquiame dtz Pérou,
etc , etc D'après Thevet, il parait que cette
plante était déjà connue en Angleterre avant
son introduction en France par Nicot: le
fameux amiral Drake en avait doté son pays
à son retour de la Virginie.
S. BERTHELOT.
Les Apologistes du Tabaç.

Jean Ménandre de Brême, a été un des


plus fervents apologistes du tabac. Il fit im-
primer en 1622 un ouvrage intitulé
, .

« La Tabacologie (J,),au description du ta.


» bac ou nicotiane. sous le rapport médical,
® chirurgical et pharmaceutique, ou sa pré-
» paration et sonutilité pour toutes les ma.
» ladiesdu corps-bumain, et l'indication des
» signes qui peuvent en faire connaître les
» diverses espèces. JJ

Ce curieux ouvrage est dédié aux très-


illustres très-prudents et très-sages consuls,
,
etau sénatdela célèbre république de Brême.

(1) La Tabacologie ne se trouve plus dans


le commerce; on la Meuve très-rarement
dans les ventes de livres, par suite de décès;
imprimée en 1622, par Isaac Elzévir, elle
n'a pas été réimprimée depuis.
Monard et Everhart, contemporains de
Ménandre, furent aussi les apologistes dela
nicotiane. On trouve dans la Tabacologie des
extraits de leurs ouvrages ; nous y renvoyons
le lecteur.

Le docteur Conlugi a plaidé la cause du


tabac avec le plus grand succès.

Le spirituel docteur, marchant sur les tra-


ces de Ménandre, d'Everharl et de Monard,
cite à l'appui de ses opinions, les témoigna-
ges de ses plus célèbres confrères.
Raphaël Thonn, auteur d'un poëme en
deux chants, imprimé à la suite de la Taba-
cologie, raconte la merveilleuse découverte
du labac ; à l'en croire, cette plante était
connue, lorsque le dieu Bacchus fit la con-
quête de l'Inde.
Les Antagoniste* du Tabac*

Il convient de placer en première ligne,


parmi les antagonistes du tabac. Jacques l."
roi d'Angleterre, d'abord roi d'Ecosse sous
le nom de Jacques VI.

Ce prince était, dit-on fort instruit. Après


la conspiration des poudres dont il faillit être
victime il employa ses loisirs à composer
,
une satire contre le tabac. Cette satire, qui
est rédigée en termes violents et qui per-
mettent d'accuser leur auteur d'une intolé-
rance aveugle, fit peu de sensation; les pri-
seurs et les fumeurs anglais se livrèrent avec
plus de passion au plaisir qui leur était dé-
fendu.

Amurat IV, empereur des Turcs, pros-


crivit le tabac, il infligea les peines les plus
sévères à ceux qui en faisaient usage. Les
contrevenants à ses ordres recevaient cin-
quante coups de bâton sur la plante des pieds
et, en cas de récidive, ce barbare sultan
leur faisait coupcr le nez. *

le Shah Sophi de Perse, ne se montra pas


moins ennemi acharné du tabac que le sul-
tan Amurat IV. Tout homme qui était surpris
faisant usage d'une pipe ou d'un cigare,
avait la lèvre supérieure coupée. — Tous
ceux qui étaient convaincus d'avoir introduit
du tabac dans leurs narines étaient ~découles.

Michel Fédérowilh, empereur de Russie,


qui régnait au commencement du XVII siè-
cle fut un ennemi déclaré des fumeurs. Ce-
,
pendant aux risques de lui déplaire presque
tous les Russes les dames moscovites mê-
mes, tout le monde fumait à qui mieux,
mieux. Le goût pour la pipe dégénéra en
passion à tel point que les personnes de la
bonne société s'endormaient en fumant.

Cet éxcès fut fatal au tabac. Un fumeur


endormi ayant laissé tomber sa pipe, elle
Communiqua le feu à son lit, puis aux
men-
ales : la maison et le fumeur furent brûlés;
.el l'incendie se propageant, plusieurs quar-
tiers devinrent la proie des flammes.
I Michel Fédérowilh, irrité de ce fâcheux
résultat, saisit cette occasion pour interdire
t'usage du tabac dans tout son empire.
Par un ukase qui fut porté à la connais-
sance de tous les Moscovites, le czar déci-
ait que tout homme convaincu d'avoir fumé
ecevrait soixante coups de bâton, et que
ill'on couperait tous les nez receleurs de tabac.

! Dès lors on ne prisa, on ne fuma plus,


mais à l'avènement de Pierre-le-Grand quel-
,
ques années après, les pipes et les tabatiè-
res reparurent ; depuis, elles fonctionnent
librement.
Au nombre des ennemis du tabac, de ses
antagonistes les plus prononces, il faut in-
diquer les suivants :
tes Facultés de Médecine de Paris et de
Montpellier le désignèrent à l'opinion publi-
que , comme un poison dont on ne pouvait
pas trop se défier.
Pauli, médecin italien. s'est rait remar-
quer par ses violentes attaques contre le
tabac. Il avait principalement horreur de la
pipe. Il affirme avoir vu le crâne d'un fumeur
devenu entièrement noir par la fumée de
tabac.
Borry , dont la qualité d'e docteur en mé-
decine est contestée, mais qui exerçait avec
une assurance qui donnait de la valeur à ses
avis, assure avoir connu un priseur dont le
tabac avait tellement desséché le cerveau
,
qu'après sa mort on ne trouva plus dans son
crâne qu'un petit peloton noir au lieu de
cervelle.

Un sieur Levus composa une thèse dans


laquelle il fulmine contre la nicotiane fumée
ou prise en poudre.
Fagon, médecin de Louis XIV, se pro-
nonça aussi contre le tabac dans une longue
i
thèse qu'il fit imprimer.

On le désignait comme le porte-étendard


de tous lès adversaires de la plante importée
en France par Nicot. 11 publia plusieurs
écrits dans lesquels il engageait les gens
de tous les états à s'abstenir de priser ou
de fumer.

Vers le même. temps (1699 ), le docteur


Poirson fit annoncer qu'il soutiendrait publi-
quement une thèse en faveur de la nicotiane
et défia ses confrères à un combat à outrance.

Le célèbre Fagon accepta le défi, mais


retenu à Versailles par une indisposition du
roi, il se fit remplacer par Barbin, l'un de
ses confrères.
Le combat fut sérieux, le défenseur du
tabac lutta longtemps, et la victoire était
indécise, lorsque Pcirson, avisant son anta-
goniste aspirant d'énormes prises de tabac
s'écria avec une joie difficile à décrire : —
Maître Barbin, vous calomniez une plante
divine et vous en farcissez votre nez ! 11

Cette apostrophe souleva un tonnerre d'ap.


plaudissements et on plaisanta Barbin sur si
tabatière qu'il n'avait pas su dissimuler.

Le pape Urbain VIII, par une bulle d<


1604 excommunia toutes les personnes qu
,
fumeraient dans les églises. Les fumeurs ti.
mides furent d'abord effrayés ; mais peu i
peu, l'attrait du fruit défendu , enhardit 1(
plus grand nombre ; la pipe et la tabatièrl
reparurent plus triomphantes.
Tous les évêques, à l'imitation du Saint
Père s'armèrent de leur puissance spirituelli
et dans leurs mandements parlèrent de Ii
nicotiane comme d'une herbe envoyée par li
démon pour ensorceler les fidèles.

Don Bartholom.é de la Canara, évêque d<


laGrande-Canarie, prit une part active dans
cette levée de boucliers contre le tabac.

Les évoques de nos jours, se contentent


d'engager leurs ouailles à s'abstenir de faire
1
un usage immodéré de l'herbe maudite par
leurs devanciers ; ils tolèrent même dans
leur clergé, et la tabatière et la pipe.

Pensée d'un Encyclopédiste.


Nos nouveaux besoins nous imposent
«
» la nécessité d'avoir de nouvelles ressour-
» ces. Les Français et les autres peuples
» n'avaient point imaginé , du temps de
» Henri IV, d'infecter leur nez d'une poudre
» noire et puante, et de porter dans leurs
» poches, des linges remplis d'ordure, qui
» auraient inspiré autrefois l'horreur et le
» dégoût, »
Questions sur l'Encyclopédie, tome VI,
au mot fertilisation, sect. 1, n.° 120
Prohibition du Tabao dans les
collèges.

On parle d'une circulaire du ministre d<


l'instruction publique qui prescrirait de pren
dre dans tous les collèges et institution!
publiques des mesures très-sévères contri
l'usage du tabac et l'introduction des ciga
res. Des rapports seraient parvenus à S. Exc
le ministre, constatant que des élèves con.
sommaient jusqu'à huit ou dix cigares pa
jour. La croissance physique de plusieur
d'entre eux et leur développement intellec
tuel s'en seraient trouvés fortement atteints
Conseil aux parents sur l'usage du
tabac par leurs enfants.

Il est question, dit un journal de Dunker-


que, de mettre un terme à l'abus signalé de
l'habitude de fumer, chez tous les jeunes
gens presque adolescents, qui consomment
jusqu'à dix ou douze cigares par jour, dans
les collèges, en cachette des professeurs.
Cet excès, remarquent les docteurs en mé-
decine, est, parmi des enfants de dix à
quinze ans très-préjudiciable à leur santé
,
et à leur développement intellectuel. Nous
rapportons ce fait afin que nos lecleurs qui
ont des enfants de cet âge, veillent à ce
qu'ils ne contractent point une habitude
aussi funeste, dont les conséquences peuvent
être contraires à leur croissance et à leur
intelligence.
Réflexions d'Alph. Karr sur 11

Tabac.

tabac.
Allumez un cigare, mon cher lecteur
prêtez-moi un peu d'attention. Nous ail
parler du
S'il est un impôt raisonnable, bien ph
c'est l'impôt sur le tabac On peut dire
l'impôt du tabac a dû s'établir graduellen
de lui-même, et sans que personne l'ai
prévu ni prémédité.

En effet, représentez-vous, il y a 1
cents ans au moment où l'ambassat
,
Nicot allait apporter en France, en 1559
premier spécimen du tabac, pour l'osTr
Catherine de Médicis ; représentez-vous
homme qui aurait demandé une audienc,
cardinal de Lorraine et qui lui aurait di
,

— Monseigneur, les finances de l'


doivent être dans une situation assez piÈ
je viens vous proposer un impôt qui fera en-
trer dans vos coffres, aux environs d'une
centaine de millions, impôt volontaire, au-
quel personne ne sera astreint et auquel tout
le monde contribuera.

— Voyons votre projet, aurait dit le car-


dinal de Lorraine.

— Le voici, Monseigneur. Il s'agirait,


pour l'Etat. de se réserver le privilège ex-
clusif de vendre une herbe que l'on réduirait
en poudre et qu'on se fourrerait dans le nez.
On pourrait également laisser cette herbe en
feuille et la mâcher ou encore la brûler et
en aspirer la fumée.

— C'est donc un parfum plus délicieux


que l'ambre, la civette la rose?
,

Non, aurait répondu le postulant, cà



sent assez mauvais.

C'est donc une panacée, une thériaque



un orviétan ayant des vertus merveilleuses ;
et disputant l'homme à la nécessité du tré-
pas?
— Non, l'habitude de respirer cette herbe
en poudre diminue la mémoire et détruit la
finesse de l'odorat ; elle cause des vertiges
et a produit quelques exemples de cécité et
surtout d'apoplexie. Mâchée, cette herbe
rend l'haleine infecte et cause de terribles
désordres dans l'estomac. Quand on en as-
pire la fumée, c'est une autre affaire. Les
premières fois qu'on en essayera l'usage on
aura des maux de cœur, des nausées, des
vertiges, des coliques, des sueurs froides.
Mais, avec le temps, on s'y habituera.

— Et alors combien croyez-vous qu'il y


ait d'imbéciles et de fous qui consentiraient
à fumer cette herbe ou 'à s'en fourrer la pou-
dre dans le nez ?
Il
— y en aura un jour, en France, plus
de vingt millions, Monseigneur. »

Le cardinal de Lorraine l'el1t fait jeter à


la porte ou t'eût fait enfermer comme fou
,
quoique le cardinal de Lorraine ne fut pas
ennemi des projets hardis.

Eh bien ! le cardinal de Lorraine se fut


trompé. Les Français, aujourd'hui, brûlent,
aspirent, mâchent et se fourrent dans le nez
quatorze millions de kilogrammes de tabac.

ALPH. KARR.
Sur la consommation du Tabac da
toutes les parties du globe.

Voici quelques détails intéressants sur


consommation du tabac dans le monde enti
Nous les empruntons au Mercantile Miscd
nies :

L'Angleterre consomme annuellement


millions de kilogrammes do tabac, sans p
judice des quantités considérables que
contrebande introduit dans le pays.

Depuis dix ans, la consommation angla


a augmenté d'un quart. Il y a à Londres 1
commis?aires-priseurs spécialemeut charge
de la vente du tabac ; 9!) fabricants et 1,5
boutiques de détails. Les différentes part
de cette fabrication occupent 7880 ouvrie
Il n'y a pas dans tout le royaume-uni mo
de 232,0i8 boutiques de vente de tabac
détail.
Sur le continent, la consommation et les
dépenses qui y sont inhérentes prennent des
proportions tout-à-fait gigantesques. En
France on fume plus qu'en Angleterre, si on
a égard à la proportion de la population.
Hambourg brûle 40,000 cigares par jour,
et sa population ne dépasse guère lîiO mille
habitants. 10,000 personnes (des femmes et
des enfants la plus grande partie) sont em-
ployées à cette fabrication qui produit an-
,
nuellemenl 150 millions de cigares.

En Danemarck, la consommation annuelle


arrive à l'énorme proportion de près de deux
kilogrammes par tète sur la population en-
tière et en Belgique la proportion est enco-
,
re plus grande : elle dépasse deux kilogram-
mes.
En Amérique, enfin, on calcule que tous
ceux qui font usage du tabac, soit pour le
fumer, soit pour le priser, ou même pour le
chiquer, consomment annuellement 20 mil-
lions de tonnes do tabac', c'est-à-dire autant
que 10 millions d Anglais consomment de
pain.

Mentionnons cependant le détail particulier


de la production totale du tabac dans l'em-
pire turc. Elle est d'environ 18,7 ll,000 kil.
La qualité du produit de la récolte turque est
aussi diverse que ses destinations sont diffé-
rentes ; elle varie surtout selon les provinces
011 croit la plante.

Les principaux lieux de production sont


la Macédoine, la Thessalie et la partie sep-
tentrionale de l'Anatolie. Les environs de
Karissa et d'Armira, en Thessalie, produi-
sent environ deux millions et demi de kilo-
grammes de tabac.

Sur cette quantité on n'en consomme


,
guère qu'un tiers dans le pays ; le reste pas-
se par le port de Valo, se vend en Grèce et
dans les autres parties de l'Europe.
Le prix varie de 15 centimes à 25 fr. le
kilogramme. La Macédoine produit annuelle-
ment £ millions de kilogrammes de tabac,
en expédie environ 400,000 en Russie et en
Autriche ; niais la plus grande partie de la
récolte de cette partie de l'empire turc se
vend à Constantinople.

800,000 kilogrammes seulement sont ven-


dus pour la France, autant pour l'Angleterre;
le reste se consomme dans les autres pro-
vinces de l'empire et en Egypte.

Quoiqu'il en soit, les Turcs préfèrent le


tabac de Syrie. On tire de cette dernière
contrée 900,000 kilogrammes de tabac de
première qualité et 800,000 kilogrammes de
deuxième.
Progression du revenu acquis ai
fisc par le monopole de la venti
du Tabac.

Qui eût dit dès le principe qu'une chétiv


plante, en usage seulement parmi les sau
vages de l'Amérique, viendrait changer tou
à coup nos habitudes et créer un besoin d
première nécessité? Qui eût prévu alors qu
cette innovation dans nos coutumes serait 1

source d'un des plus grands revenus du fisc


Notre gouvernement ne perçut d'abord qu'u
simple droit de consommation ; mais ensuit
il s'empara paternellement d'un commerc
devenu des plus lucratifs, et ne permit 1

vente qu'en vertu de licences. Le premier ba


du tabac est du mois de novembre 1674 ;
fut affermé, avec un droit sur l'étain, pou
six ans, à un sieur Jean Breton les deu
,
premières années 300,000 fr., et les qua
,
tre dernières, 200,000 fr. de plus. En 1721
la ferme du tabac fut cédée à la Compagnie
des Indes pour 1,500,000 fr. En 1771 elle
était de 27 millions, et en 1789 de 32 mil-
lions. De 1789 à l'an VII la culture, la fa-
,
brication et la vente du tabac furent libres ;
et de l'an VII à 1811 les droits de douanes et
de fabrication ne s'élevèrent pas en moyenne
à plus de 13 millions par an. Le monopole,
rétabli en 1811 au profit de l'Etat, donna au
trésor dans les dernières années de l'empire
20 millions ; en 1819 42 millions, avec une
consommation de 352 grammes par tête ; en
1841 75 millions, avec une consommation
de 480 grammes par tête ; en 1856 121 mil-
lions, avec une consommation de 706 gram-
mes par tête, et l'Etat bénéficie aujourd'hui
(1858) de plus de cent cinquante millions de
francs chaque année sur la vente de ses ta-
bacs. Depuis la création de la régie (1811)
jusqu'en 1856, le bénéfice fait sur cet arti-
cle par le trésor a été de deux milliards sept
cent quatre-vingt-quatre millions. Il ne faut
pas croire que l'usage du tabac soit moins
profitable au fisc anglais. Pour le seul exe
cice de 1853 les droits de consommation
perçus sur le tabac de l'autre côté du détr(
avaient produit au trésor 4,485,747 liv. s
(113 millions 18,525 fr ).

On trouve dans un document que vie


de publier la direction générale des douan
et des contributions indirectes, le comp
de la fabrication et de la vente du tabac
1859.

La régie a opéré sur une quantité de 1<


millions de kilogrammes de tabacs de tou
sorte, sur lesquels elle a vendu dans
cours de l'année 28,601,789 kilogrammes
produisant un bénéfice qui s'est élevé à
somme énorme de 129,660,348 francs!
bénéfice prélevé sur une vente de 9,000,01
de kilogrammes en 1815, n'était alors qi
,
de 32,000,000 fr.

Le nombre des fumeurs va croissant, ta


dis qu'une diminution sensible se fait remar-
1

quer dans la consommation du tabac à priser.

L'impôt du tabac (car ce n'est qu'un impôt


transformé en monopole pour la facilité de
sa perceplion) a produit depuis 1811 (50
ans., en bénéfices nets versés au trésor,
près de trois milliards deux cent mille francs.

t; Ilrésulte des ventes du tabac, centrali-


sées au ministère des finances que la
,
consommation en France s'en est élevée à
28,882,237 kilog. en 1860. Elle a produit
pour le trésor une somme de 187,400,000
francs.
Motifs de l'augmentation du prix
du Tabac.
On lit dans le Constitutionnel:

« Nous avons publié la circulaire de l'ai


ministration des contributions indirectes
qui expose les motifs du décret du 19 de <

mois, portant des modifications aux prix (


diverses espèces de tabac.

» Ces motifs sont tirés principalement d<


changements survenus depuis 181U dans
valeur du numéraire, de l'augmentation (
prix payé par la règie pour les tabacs ind
gènes, de l'augmentation du salaire des 01
vriers qu'elle emploie, et de la nécessité (
mettre un terme aux abus qu'entraînait dai
les pesées l'application de l'ancien tarif, ci
culé par onces et par deniers.

» Il est impossible de méconnaître la vi


leur de ces considérations ; car le tabac
comme tous les autres objets de consomma-
tion, est soumis à l'influence que la marche
du temps et le progrès de la richesse géné-
rale exercent falalement sur le prix des mar-
chandises.

D
s'est demandé pourquoi la mê-
Mais on
me mesure n'a pas atteint le prix des ci-
gares.

» En voici les raisons :

» I.es cigares ordinaires, qui se vendent


5 centimes la pièce, sont seuls l'objet d'une
consommation considérable ; ils figurent
pour plus de 26 millions dans le produit
d'environ 38 millions résultant de la vente
des cigares de toutes les espèces. Ils se dé-
bitent un à un : une augmentation qui entraî-
nerait des fractions de centimes ne serait pas
praticable ; on serait forcé de doubler le
prix, de le mettre ainsi hors de la portée de
la masse des consommateurs, et par suite,
d'affaiblir la consommation.
»
Mais la raison décisive est tirée de la
loi du 28 avril 1816.

» Cette loi a fixé le maximum dans lequel


l'administration a le droit de se mouvoir,
savoir:

» A 11 fr. 20 c. par fril. pour les tabacs


à fumer et à priser ;

» A 5 cent. par cigare ou 12 fr. 50 c. pai


kilog pour les .cigares ordinaires.

» Or, le tarif établi par le décret du ~19

du courant concernant les tabacs en poudre


et à fumer a maintenu les prix bien au-des
sous du maximum de Il fr. 20 cent , tandii
que pour les cigares ordinaires, le maximum
légal est complètement atteint ; de sort(
qu'en définitive, maigre le pas que le décre
a fait faire vers l'égalité proportionnelle, lei
consommateurs de cigares ordinaires si
trouvent encore les plus imposés.

» Quant aux cigares de prix supérieurs


composés de matières venant de l'étranger,
leur tarif est très-variable, la régie les paie
pins ou moins cher suivant leur qualité et le
cours des marchés, et de son côté elle en a
modifié successivement les prix, en cher-
chant toujours à concilier l'intérêt du trésor
et celui de la consommation.

DOn peut citer les ordonnances ou décrets


du 5 mai 1830,14 juillet 1833, 16 juin 1844
14 mai 1849, 30 janvier 1851, 14 juillet
1860. Ces cigares devaient rester étrangers
à la mesure nouvelle, puisqu'ils sont soumis
à une réglementation spéciale et essentielle-
ment mobile, qui a constamment maintenu
et qui continuera à maintenir les prix à un
juste degré d élévation.
Temps perdu par l'usage du Tabac

( calcul d'un mathématicien ).

Tout priseur de tabac, qui en fait un usa-


ge habituel, a recours à une prise six fois
au moins par heure. Chaque prise exige l'u-
sage du mouchoir, le déplacement et la re-
mise en poche, l'ouverture et la fermeture
dela boite, et autres circonstances indis-
pensables le tout n'exigeant pas moins
,
d'une minute et demie de temps, ce qui fait
neuf minutes par heure, deux heures vingt-
quatre minutes par journée ou la dixième
,
partie du jour entier, par conséquent, un
jour sur dix ; trente-six jours et demi par
an et quatre années entières dans quarante
ans d'existence. Peut-on s'empêcher de
s'écrier: Que de temps perdu à rien faire 1
Sur l'augmentation du prix du
Tabac en France.

Les staticiens ont déjà supputé centime


par centime ce que doit rapporter au budget
l'augmentation du prix des tabacs. Ce sera
quelque chose comme 37 millions de plus
que l'année dernière, c'est-à-dire 225 mil-
lions au lieu de 187! Tous les nez des pri-
seurs doivent s'incliner devant ce magnifique
résultat, et toutes les plaintes des fumeurs
s'en aller en fumée. En matière d'impôts,
le plus rationnel, le plus juste assurément,
sera toujours celui que l'on prélève sur tout
article qui n'est pas de première nécessité.
Si, malgré les avertissements réitérés de la
médecine, le public trouve bon de faire
abus de la nicotiane, il en a parfaitement le
droit; mais le Trésor, de son côté. a bien
raison d'imposer cette funeste habitude et de
battre monnaie sur son dos.
Opinion émise par un journaliste
relativement à l'augmentation du
prix du Tabac.

Pour ma part, j'ai entendu tant de dolé-


ances contre l'augmentation du prix du tabac
que je me suis pris à craindre que le fisc
n'ait eu là une inspiration malheureuse. Je
ne fume ni ne prise, je suis donc dans les
conditions certaines d'impartialité; j'ajoute
que, si le gouvernement doit trouver son
profit à cette surtaxe, je suis prèt à y ap-
plaudir des deux mains. Sans doute, quel-
ques vieilles narines attachées à leur taba-
tière, comme Prométhée à son rocher, mur-
mureront contre l'atteinte portée à leurs
habitudes. J'en ai entendu une qui faisait
allusion à certain vote anti-somptuaire du

un riche équipage:
Sénat, disait avec humeur, en voyant passer
Voilà deux beaux che-
vaux et une brillante voiture qui ne paient
m
pas d'impôt, et on vient me demander un
f. fine de plus pour mes quatrç francs de ta-

bac! Je ne méconnais pas ce qu'il y a de


itjuste dans cette plainte navrante ; néanmoins
après ce que le docteurVëron a écrit sur les
fâcheuses influences du tabac pour le cer-
veau, et de l'excès du cigare sur l'épine
dorsale, je ne verrais pas d'un œil courrou-
cé une mesure qui tendrait à restreindre le
nombre des priseurs et des fumeurs.

Nos pères prisaient peu et ne connaissaient


l'usage ni de la pipe ni du cigare ; ils ne s'en
portaient pas plus mal. Le cigare a porté
un coup mortel à la conversation et à l'es-
prit de salon. Si Champfort revenait de l'au-
tre monde, il pourrait croire que la France
est dénationalisée ou qu'elle a été conquise
par une colonie de Turcs au long chibouk ou
de fumeurs hollandais? Je ne nie pas toute-
fois les services rendus par le cigare. Quand
on n'a rien à dire , ou qu'on dit mal ce qu'on
aurait à dire, on a un moyen très-facile de
masquer son insuffisance: on fume un cigare
on enferme son interlocuteur dans un nuage
de fumée, et ne pouvant le réfuter ou le
convaincre, on le suffoque. Autrefois, on
prenait un livre pour se distraire à la pro-
menade ou en voyage; maintenant le cigare
a remplacé le livre ; on se dispense même
de demander aux dames, en chemin de fer
comme au salon, si le cigare ne les incom-
mode pas II est donc incontestable que le
tabac a fail faire des progrès au sans gêne
qui est une façon d'être poli à la manière
anglaise.
Le Cigare homicide.

— On lit dans le Journal de Rouen


(1.er mars 1861)
:

« Hier, vers neuf heures du matin, un


jeune garçon de 12 ans tombait sans mou-
vement, après avoir trop fumé, sur le pavé
de la rue des Champs-Maillets. Cet enfant a
été aussitôt transporté dans la pharmacie de
M. Parsonl, où il a reçu des soins empres-
sés. L'enfant, une fois hors de danger, a été
reconduit à son domicile.
L'accident dont nous parlons ici n'est pas
d'ailleurs un fait isolé, car, entre autres
analogues, on peut se rappeler encore qu'un
jeune homme d'une vingtaine d'années est
mort à Rouen, il y a quelques mois seule-
ment, à la suite du pari imprudent qu'il
avait fait de fumer une certaine quantité de
cigares. »
Imprudence de quelques fumeurl

Depuis que l'usage du tabac à fumer S'E


introduit dans nos mœurs, que d'accider
arrivent par la pipe et les allumettes! 1

nouveau fait de ce genre a failli occasionn


un sinistre aux environs de Versailles,
nous nous empressons d'en informer n
lecteurs, pour qu'ils se mettent en gar
contre une éventualité pareille.

M. R..., professeur de langues, a, da


la vallée de la Bièvre une petite habitati
,
charmante qu'il occupe quand il fait beai
c'est dire assez qu'elle reste le plus souv<
déserte ; mais ces jours derniers la journ
était trop belle pour n'en pas profiter ; et
jour-là, dès le matin il y eut nembreu
compagnie dans la jolie maisonnette. Ti
le monde étant retourné le soir à Paris,
remit comme de coutume la clef chez u
paysanne de l'endroit qui était chargée de
tout remettre en place.

Le lendemain, cette femme y étant allée


pour faire le ménage, fut étrangement sur-
prise, en ouvrant la salle à manger, de la
trouver tout enfumée, mais enfumée au point
de n'y pouvoir entrer « Oh ! mon Dieu! bien
sûr qu'il y a du feu ici! s'écric-t-ellc ; et,
courant chercher du monde, elle revient
bientôt avec quelques voisins : on cherche
d'où peut provenir l'incendie, et l'on trouve
dans un coin de la salle un crachoir tout en
feu avec la sciure qu'il y avait dedans, tan-
dis qu'au dessous tapis planches et lam-
, ,
bourdes brûlaient à la sourdine et n'auraient
pas manqué d'occasionner un embrasement
général, si la ménagère eût seulement re-
tardé de deux heures sa visite. Or, à quoi
attribuer ce commencement d'incendie, si-
non à quelque bout de cigare jeté dans le
crachoir sans avoir été éteint.
Blessure occasionnée par l'explo
sion d'une pipe.

On nous écrit d'une ville de l'arrondiss


ment de Cambrai :
«Mercredi dernier, un ouvrier de cel
ville, qui se trouvait à boire tranquilleme
une chope de bière dans un cabaret, prit
chaufferette et y alluma sa pipe en la tena
longtemps dans la braise, à cause de i'b
midité du tabac. Au moment où il pens;
retirer l'instrument du pot au feu, le l'ou
neau de la pipe fit explosion, et des ~fra
ments le frappèrent au visage et à l'œil dr<
un morceau de terre cuite avait pénétré da
l'orbite et lui occasionnait des douleu
atroces. Conduit chez un médecin du vois
nage, le corps étranger ne put être extri
que difficilement. Cette blessure n'aura )1
de suite fâcheuse, e"père-t-on, mais
blessé ne peut encore voir de l'œil malad,
qui est dans un grand état d'inflammation,
Savourez le cigare si cela vous con-
vient , mais ne le conservez pas
à la bouche dans certains cas.
On lit dans le Courrier de Lyon:
Un commerçant de notre ville, fiancé de-
puis la semaine dernière à une jeune et jolie
personne, attendait hier ..ux messageries
l'arrivée de sa future, qui était allée à la
campagne passer deux ou trois jours au sein
de sa famille. La voiture arrive enfin ; dans
l'on impatience, notre commerçant ouvre
avec empressement le coupé et saute sur le
marche-pied pour embrasser sa fiant ce ; elle
tombe évanouie en poussant un cri de dou-
leur.
» Dans son impétuosité, le futur avait ou-
blié d'ôter de sa bouche un cigare dont le
bout enflammé avait atteint juste au milieu
de l'œil gauche la jolie voyageuse, qui, au
dire du médecin, restera privée do cet or-
gane toute sa vie. »
Grave accident occasionné par
un cigare allumé.
A qui n'est-il pas arrivé de se trouver sous
le vent d'un priseur au moment où il aspirait
sa prise , et de recevoir dans les yeux une
partie de la poudre destinée à ses narines?
Il est vrai que le priseur, en pareil cas
,
manque rarement d'assurer ses victimes que
cela éclaircit la vue. Néanmoins, quiconque
y a été pris tient peu à renouveler l'expé-
rience et la pincée de tabac prise en plein
,
air inspire généralement une défiance salu-
taire. Nous avons même vu un mauvais plai-
sant ouvrir son parapluie pour se garer d'un
monsieur qui prisait dans la rue. Le fumeui
lui n'est pas l'objet d'une terreur pareille;
pourtant il a aussi des inconvénients analo.
gues et plus sérieux encore, témoin l'exem-
ple que voici :

Deux jeunes gens, MM. L... et M..., se pro


menaient sur la terrasse d'une maison de la
rue Rivoli en fumant et en causant de choses
diverses, lorsqu'un coup de vent enlève la
cendre brûlante du cigare de M L.., et l'en-
voie dans l'œil de son voisin. Au contact de
la poudre corrosive qui lui produit le même
,
effet qu'un fer rouge, M. M... porte la main
à son oeil en poussant un cri et se met à
courir de long en large comme un fou.
a Qu'as-tu donc? que te prend-il? » s'écrie
aussitôt M. L... qui ne comprend rien à ceci.
Mais le jeune homme est en proie à des tor-
tures telles qu'il ne répond pas d'abord et ce
n'est que par mots entrecoupés qu'enfin il
peut expliquer ce qui lui est arrivé.
Dès lors, M. L.. essaie de bassiner l'œil
de son ami, mais celui-ci ne peut rien en-
durer et quand le médecin que l'on était
,
allé chercher arriva, on fut obligé de tenir à
quatre le pauvre patient pour lui faire subir
le premier pansement.
On assure que cet accident a eu pour ré-
sultat la perle de l'œ;l de M. M....
Le Tabac complice d'un meurtre.

Le poète Santeuil, chanoine de Saint-


Victor célèbre par sa gaieté et ses bons
,
mots, est mort victime de ce végétal. Dans
un repas, on trouva plaisant de lui faire
boire un grand verre d.) vin dans lequel on
avait vidé une tabatière de tabac d'Espace;
il fut soudainement saisi par la fièvre et ics
vomissements, et, en quelques heures, il
succomba à des douleurs horribles.

Association contre l'usage du Tabac.


En 1856 une association s'est formée à
Londres contre l'usage du Tabac.
Cette association a été fondée afin d'arrê-
ter les fâcheux effets d'une habitude qui en-
gendre l'pgoïsme et l'insensibilité du cœur,
en même temps qu'elle fait oublier les égards
t1ûs à la plus belle moitié du genre humain.
Antériorité de la Tabatière
sur la Pipe.
Il paraît certain que l'usage de priser est
antérieur a la manie de fumer. On en trouve
sla preuve dans le genre de supplice auquel
étaient condamnés ceux qui faisaient usage
du tabac, et qui consistait dans l'amputation
du nez.

L'intrépide fumeur et buveur.

est mort à Atb (Belgique) en juin 1860,


Il
un grand buveur de bière et un fumeur hors
ligne. On estime que, depuis l'âge de 18 ans
à 91 ans, il a bu plus de 1,000 hectolitres
de bière et fumé environ 4,000 kilogrammes
de tabac. Cet intrépide fumeur paraît avoir
pris il tâche de confondre les ennemis de la
nicotiane.
Jean-Bart à Versailles.

Louis XIV a ant mandé Jean-Bart, ce cé-


lèbre marin se rendit à la cour. Il se pré-
senta pour entrer chez le roi, mais comme
il n'était pas encore jour, il resta dans l'anti-
chambre. Ne connaissant personne à Ver-
sailles, il s'ennuyait, il lira sa pipe, baliit
son briquet, se mit à fumer: tous ceux qui
élaient présents furent élonnés de voir qu'il
se trouvât un homme assez hardi pour pren-
dre une pareille liberté. Les gardes voulurent
le faire sortir, disant qu'il n'était pas permis
de fumer chez le roi. Il leur répondit, avec
un air de sang-froid : J'ai contracté celle ha-
hilude au service du roi mon mailre; elle est
devenue un besoin pour moi ; je crois qu'il est
trop juste pour trouver mauvais que j'y sa-
tisfasse, et continua il fumer. Comme il n'a-
vait jamais paru à la cour, il n'y avait que le
comte de Forbin qui le connût ; mais il crai-
gnait les suites de cette aventure ; n'osa dire
qu'il était son ami. On alla avertir le roi
qu'un homme avait la hardiesse de fumer
dans son appartement et refusait d'en sortir.
Louis XIV dit en riant: Je parie que c'est
Jean-Bart, laissez-le faire. Peu de temps
après, il dit: qu'on le fasse entrer. Lorsque
Jean-Bart parut, sa majesté le reçut avec
accueil: lui dit: Jean-Karl, il n'est permis
qu'à vous de fumer chez moi. Au nom de Jean.
Bart qui était fort connu, à l'accueil que le
roi fit à cet homme singulier, tous les cour-
tisans furent étonnés, se rangèrent autour
de lui ; lorsqu'il eut quitté le roi, lui deman-
dèrent comment il avait fait pour sortir de
Dunkerque avec sa petite escadre, pendant
que ce port était bloqué par une flotte enne-
mie. Il les fit tous ranger sur une ligne ; les
écarta à coups de coude, à coups de poing;
passa au milieu d'eux, se retourna, leur
dit: Voilà comme j'ai fait.
Napoléon I."f mauvais fumeur.
Un jour, l'ambassadeur du Shah de Perse
lui offrit une très-belle pipe.
Il avait essayé de fumer étant en Egypte,
mais il n'avait jamais pu parvenir à allumer
lui-même, la pipe dont il ne se servait d'ail-
leurs, que pour plaire aux Egyptiens, en
adoptant leurs usages : c'était Roustan, son
mamelouck, qui était chargé de préparer sa
pipe.
Se souvenant du tabac d'Egypte qu'il ne
parvenait point à allumer, il dit à Constant,
son valet de chambre, de charger la pipe
qu'il venait de recevoir, et d'y mettre le feu.
« Le feu, dit Constant dans ses Mémoires
« ayant été appliqué au récipient, il ne s'a-
« gissait plus que de le faire communiquer
« au tabac. Mais à la manière dont Sa Ma-
a jesté s'y prenait, elle n'en serait jamais
« venue
à bout. Elle se contentait d'ouvrir
« et de fermer alternativement la bouche
* sans aspirer le moins du monde.
« — Comment diable! s'écria-t-il enfin,
«
cela n'en finit pas. ),
« Je lui fis observer qu'elle s'y prenait
« mal, et lui montrai comment il fallait fai-
« re.
Mais l'empereur en revenait toujours à
« son espèce de baillement; ennuyé de ses
« vains efforts, il me dit :
— Constant, allumez donc cette pipe.
«

«
J'obéis et je la lui rendis en train ; mais
cc
à peine eût-il aspiré une bouffée, que la
a fumée, qu'ii ne sut point chasser de sa
cc
bouche, tournoyant autour du palais lui
,
« pénétra dans le gosier et ressortit par les
CI
narines et par les yeux; dès qu'il put re-
«
prendre haleine :

a Olez-moi cela, s'écria-t-il, quelle infec-


« tion Oh les cochons ! le cœur me tourne.

« Il se sentit, en effet, incommodé pen-


a dant au moins une heure, et renonça pour
« toujours à un
plaisir, dont l'habitude,
« disait-il, n'était bonne qu'à désennuyer det
« fainéants!
Un échantillon du langage romanti.
que du siècle de Louis XIV.
On rapporte qu'un jour Balzac, pour de-
mander à une dame, une prise de tabac,
lui dit : « Madame, permettez que mes extré-
mités digitales s'insinuent dans vos concavi-
tés tabachiques, pour y puiser cette poudre
subtile qui dissipe et confond les humeurs
aquatiques de mon cerveau marécageux. »

La tabatière trop petite pour deux.


Frédéric-le-Grand prenait beaucoup de
tabac; pour s'éviter la peine de fouiller dans
sa poche, il avait fait placer sur chaque che-
minée de son appartement une grande taba-
tière où il puisait au besoin. Un jour, il voit
de son cabinet un de ses pages qui, ne
croyant pas être aperçu, et curieux de goûter
le tabac royal, mettait sans façon les doigts
dans la botte ouverte sur la cheminée de la
il pièce voisine. Le roi ne dit rien d'abord ;
mais au bout d'une heure il appelle le page,
se fait apporter la tabatière, et, après avoir
invité l'indiscret à y prendre une prise :
« comment le trouvez vous? —
Excellent,
sire. — Et cette tabatière ? — Superbe,
sire —Eh bien, Monsieur, prenez-la, car
1

je ht crois trop petite pour nous deux. »

Abus du Tabac par les enfants


en Amérique.
Le Journal of the Education, de l'Ohio
(Amérique), annonce que dans une des éco-
les de cet état, composée de trente cinq
élèves des deux sexes, il existe neuf petits
garçons qui chiquent et cinq jeunes filles qui
fument. Nous comprenons parfaitement l'ex-
clamation douloureuse qu'arrache à notre
confrère ce simple fait de statistique: Passe
encore pour les cbiqueurs, dit-il; mais en
ce qui touche les fumeuses, c'est à se croire
en réalité aux lies Sandwich, a En vérité la
jeune Amérique donne de belles espérances.
Nouvelle machine à fabriquer
des cigares.

On lit dans un journal allemand les détails


ci-après, sur une nouvelle machine à fabri-
quer les cigares, qui est destinée à fonction-
ner dans la petite ville d'Offenbach sur le
Mein dont les cigares sont renommés en
,
Allemagne. On sait que déjà bien des essais
ont été faits pour inventer des appareils de
ce genre, propres à fabriquer les quatre
milliards de cigares qui se consomment an-
nuellement en Europe. Les premiers essais
sont venus d'Angleterre et on se rappelle
qu'à l'Exposition universelle de Londres, il
y en avait une dont le brevet a été pris à
Hambourg pour l'Allemagne, Depuis deux
ans d'autres brevets ont été enregistrés.
La confection des cigares est une opéra-
tion assez simple par elle-même : un peu de
tabac comme fond ; là-dessus une feuille
mince pour envelopper et enfin une feuille
,
plus épaisse pour couvrir le tout, et voilà le
cigare fabriqué. Aussi n'est-il pas étonnant
que l'idée d'une machine se soit présentée
souvent aux esprits inventifs ; mais ces ten-
tatites n'ont jamais abouti.

Dans les différentes machines inventées


jusqu'à ce jour, le système employé dans la
fabrication à la main a toujours été main-
tenu; de même, dans la machine dont nous
parlons. sur le côté droit de cet appareil,
une couche de tabac est, par une disposi-
tion particulière, amenée à la machine ;
c'est le corps même du cigare futur; un ha-
choir coupe la quantité nécessaire à chaque
cigare.

A gauche, une feuille d'enveloppe (wic-


kelblatt) est transmise à Ja machine de la
même façon qu'une feuille de papier d'im-
primerie à la machine à vapeur, et enroulée
dans une gaine de papier provisoire, au
moyen de deux attaches de gutta-percha; ce
rouleau (c'est-à-dire le fond du cigare avecj
sa feuille d'enveloppe et son papier provi-
soire) est alors pressé entre les arêtes d'un
cadre qui se trouve au-dessous, cadre mo-
bile, et qu'on retire avec les cigares confec-
tionnés.

La machine continue ainsi, sans interrup-


tion tant que la couche de tabac n'est pas
,
épuisée, elle fournirait, dit-on, à l'heure,
1,500 à 2,000 cigares, qui ne sont pas re-
couverts par la feuille fermant ordinairement
le cigare (deckblatt), comme sont d'ailleurs
ceux qui nous viennent de la Havane.
Vers de Th. Corneille

(Festin de Pierre).

Quoi qu'en dise Aristote et sa docte cabale,


Le tabac est divin, il n'est rien qui l'égale,
Et par les fainéants pour fuir l'oisiveté,
Jamais amusement ne fut mieux inventé.
Ne saurait-on que dire, on prend sa tabatière
Soudain à gauche, à droite, en devant, par
derrière,
Gens de toutes façons, connus et très connus
Pour y demander part sont les très-bien venus;
Mais c'est peu qu'à donner instruisant la jeu.
nesse
Le tabac l'accoutume à faire ainsi largesse.
C'est dan3 la médecine un remède nouveau;
Il purge, réjouit, conforté le cerveau,
De toute noire humeur promptement le délivre
Et qui vit sans tabac n'est pas digue de vivre.
Couplet du Diable à quatre
ou la femme acariâtre.

Air connu.

Je n'aimais pas le tabac beaucoup,


J'en prenais peu, fort souvent pas du si
Mais mon mari me défend cela, (b.s)
Depuis ce moment-là
Je le trouve piquant
quand
J'en puis prendre à l'écart,
car
Un plaisir vaut son prix (bis)
pris
En dépit des maris.
Comparaison entre la consommation
actuelle du Tabac et l'ancienne. —
Le Tabac proscrit par des profes-
seurs anglais. — Société formée
contre l'usage du Tabac.
Il ya trente ou quarante ans, la moyenne
dela consommation annuelle du tabac, en
France, était de 238 grammes par habitant.
Dans ce chiffre, le tabac à fumer entrait
pour un douzième. Cette moyenne s'est éle-
vée d'après les derniers calculs, de 238 à
537 grammes, dont 348 de tabac à fumer
et 189 de tabac à priser.
Ainsi se modifient les habitudes : nos pè-
res étaient une génération de priseurs, nous
sommes une génération de fumeurs. Passez-
nous le cigare, nous vous passerons la taba-
tière.
Tout compte fait, chacun de nous absorbe
autant de tabac qu'un Russe, deux fois au-
tant qu'un Italien, quatre fois moins qu'un
Belge

Une association contre le tabac s'est for-


mée récemment en Angleterre^ sous le nom
de Britisch-unti-labaco-sociely.

Dans une assemblée qui s'est tenue à


Edimbourg au mois de décembre dernier,
,
des membres présents ont déclaré à l'unani-
mité sur la proposition du professeur Miller,
,
que les principes constitutifs du tabac étant
fortement vénéneux l'habitude de fumer et
,
de priser tendaient, par des voies diverses,
à altérer la constitution physique et les facul-
tés intellectuelles ; que l'usage du tabac à
fumer ayant pour effet d'exciter à boire, non.
seulement en excitant une sensation de soif
morbide, mais encore en déterminant l'épui-
sement, il y avait lieu de regarder le tabac
comme poussant au crime et à la dissipation
dans les masses.

Un célèbre médecin anglais, sir Benjamin


Brodie, a condamné, dans une lettre devenue
populaire, l'abus du tabac. Il montre le fu-
meur immodéré menacé d'hypocondrie, de
névralgie, de dyopepsie et de toutes les ma-
ladies qui résultent d'une assimilation incom-
plète des aliments.

a Je veux, — comme disait le médecin


de" Molière,— que vous tombiez dans la bra-
dypepsie de la bradypepsie dans la dys-
,
pepsie, dela dyspepsie dans l'apepsie, de
l'apepsie dans la lienterie, de lalienterie
dans la dyssenterie, de la dyssenterie dans
l'hydropisie et de l'hydropisie dans la pri-
,
vation de la vie, où vous aura conduit votre
folie. »

Si le docteur Brodie proscrit l'abus du ta-


bac., il en permet l'usage. Un commentateur
de sa lettre croit pouvoir poser en principe
que l'abus commence au-delà de trois cigares
et six pipes par jour, allons, il ne faut pas
trop se plaindre.
Plaisanterie à part, ne serait-il pas à d
sirer qu'un congrès scientifique prononçà
après un mur examen sur la question. L
fumeurs compromettent-ils, en réalité, le
santé ? Abrégent-ils leurs jours ? Paralyser
?
ils leurs facultés intellectuelles Cela va
la peine qu'on le dise, et qu'on le dise s
rieusement, dût le Trésor s'en trouver m,

( Le Propagateur, 7 Mai 1861 ).


Fondation en France d'une société
pour combattre l'usage du Tabac.

Il est question de fonder en France une


société contre l'usage immodéré du tabac.
La conspiration serait ourdie de haut; au
nombre de se> membres elle compterait
,
des médecins, des avocats des gavants
, ,
des académiciens, des conseillers d'Etat,
tous ennemis déclarés de cette drogue qu'ils
veulent proscrire comme aussi fatale à la
santé de l'homme que préjudiciable à sa
,
bourse.

L'intention part d'un bon naturel; mais,


hélas! l'intention ne suffit pas. Il y a long-
temps que l'on a voulu expulser la nicotine.
Voltaire, Rousseau, Mirabeau ont tour-à-
tour analliématisé le tabac. Peuple qui fu-
<<

me, peuple qui périt, » a dit Ch. Fourrier.


Stendhal a démontré que si la Turquie porte
la nuit sur son visage si l'Allemagne rêve
,
dans l'espace, si l'Espagne dort d'un som-
meil somnambulique si la France, enfin
, ,
laisse déjà flotter son regard on doit en
,
accuser le cbibouque, la pipe , le cigare et
la cigarette.

Tout cela peut être fort juste ; néanmoins,


demandez à la régie ce qu'ont produit ces
accusations, ces réquisitoires en forme?
Rien, absolument rien.
Le Tabac d'Espagne du Grand
Prieur de Vendôme.

Le grand Prieur de Vendôme prenait beau-


coup de tabac d'Espagne ; il en avait d'excel-
lent. Sa seule tabatière était une poche dou-
blée de peau, et destinée à cet usage. Il y
fouillait à pleine main, et se barbouillait le
nez du tabac qu'il en tirait. Une bonne partie
tombait sur son habit qui en était toujours
fort encroûté. On prétend que ses valets-de-
chambre faisaient d'assez gros profits à ràcler
de dessus ses vêtements, ce tabac, qu'ils
mettaient dans des bottes de plomb et qu'ils
vendaient comme fraîchement arrivé d'Espa-
gne. (Loisirs d'un Min. d'Etat),
Boutade d'un priseur.

Air connu.

J'ai du bon tabac dans ma tabatière,


J'ai du bon tabac, tu n'en auras pas ;
J'en ai du bon et du râpé,
Ça ne sera pas pour ton fichu né.
J'ai du bon tabac dans ma tabatière,
J'ai du bon tabac, tu n'en auras pas.
A-t-on fumé dans l'Autiquité ?

A-t-on fumé dans l'antiquité? Telle est la


question à laquelle a donné lieu en Allema-
gne la publication d'un dessin contenu dans
le Recueil des Antiquités suisses du baron
Bonstetten. M., Walz y a répondu d'une ma-
nière intéressante dans la Gazelle d'Augs-
bourg. Le dessin publié par M de Bonstetten
dit-il, représente deux objets en argile assez
semblables aux pipes de Cologne : l'auteur
dit expressément que ce sont des pipes à
fumer. Les auteurs de l'Histoire du Canton
des Grisons avaient déjà parlé de ces objets,
mais en les classant parmi les instruments
servant aux augures. M. l'abbé Cochet, à
qui l'on doit le savant ouvrage de La Nor-
mandie souterraine, en trouvant des objets
analogues, soit entiers, soit à l'état de frag-
ments , dans la nécropole romaine auprès de
Dieppe, en 1845 et 1850, les avait consi-
dérés comme provenant du dix-septième siè.
cle ou peut-être du temps de Henri III et
,
de Henri IV. Bien que les ayant découverts
à une profondeur de 60 à 120 centimètres
,
il n'osa pas leur assigner une date plus an-
cienne. Lors des fouilles opérées en 1854 à
Abbeville, des pipes de même forme furent
tirées du sol : M. Louandre demanda qu'elles
fusspnt rangées parmi les objets curieux de
la bibliothèque ; mais comme on doutait de
leur authenticité on les mit bientôt de côté.
,
Cependant, M. l'abbé Cochet changea d'opi-
nion après avoir lu l'ouvrage de Collingwood
Bruce, intitulé: La Muraille romane dans
,
lequel il discute la question de savoir si les
pipes trouvées à Pierre-Bridge et dans le
Northumberland, et dont il donne un dessin
ainsi que celles découvertes plus tard, en
1852, soit à Bremenium, soit à Londres,
dans des endroits où l'on savait avoir existé
des stations romaines, proviennent positive-
ment des Romains. Dans le Nord de l'Ecosse
on les appelle des pipes de fées ; en Ecosse,
dos pipes celtiques ; en Irlande des pipes da-
noises. M Wilson, dans son Archéologie de
l'Ecosse, conclut en disant que le tabac n'a
été introduit en Europe que comme une subs-
tance supérieure aux autres narcotiques, et
que le chanvre était dôjà connu des anciens
comme un moyen d'assoupissement: les pi-
pes trouvées en Ecosse par M. Wilson au-
raient dom; pu servir à fumer du chanvre.
D'un autre côté, dans ses Monuments celti-
ques du Hanovre, M. Wachter dit: " A Os-
nabruck on a trouvé dans des tombeaux des
pipes d'argile de cinq à six pouces de lon-
gueur , et prouvant qu'on y a fumé. » M.
Keferstein dans ses Antiquités celtiques,
,
lire de tous ces faits une conséquence fort
grave. ce Les Celtes, dit il, ont fumé ; les
Chinois fument de terops immémorial ; mais
ce n'est pas d'eux que nous vient cette cou-
tume Les Celtes connaissaient, à n'en pas
douter, l'Amérique ; et c'est l'Amérique qui
leur a fait connaître le labac, 11 n'est donc
pas ridicule de dire que l'on fume en Aile-
magne depuis plus de cinq cents ans.» C'est
aller, comme on voit, un peu loin Suivant
M Walz, les pipes de Cologne descendent
bien en droite ligne des pipes d'Amérique,
qui leur ont servi de modèles mais elles
,
sont postérieures à la découverte du Nou-
veau-Monde par Colomb. Des troupes espa-
gnoles importèrent l'usage de fumer dans
les Pays Bas, dans la seconde moitié du sei-
zième siècle. Cet usage passa en Angleterre
en 1580 avec des indigènes de la Virginie.
Depuis la fin du seizième siècle, des pipes
de terre furent fabriquées dans la Grande-
Bretagne et dans la Hollande et Cologne fut
,
l'entrepôt de ce commerce en Allemagne.
C'est pendant la guerre de trente ans que
l'habitude de fumer se répandit en celte con-
trée. Aussi trouve-t-on fréquemment des pi-
pes de cette époque, en argile, en plomb,
en fer. Dans la collection d'antiques de l'u-
niversité de Tubingue, on en conserve plu-
sieurs en plomb avec un tuyau très-court.
Donc on n'a fumé en Allemagne qu'après
la découverte de l'Amérique. Mais fumait-on
dans l'antiquité? Klemm, dans son Histoire
de l'Europe chrétienne, dit oui: « La fumée
de plantes enivrantes était connue selon
,
lui, des Scythes et des Africains longtemps
avant l'introduction du tabac en Europe.
Hérodote ne dit pas tout-à fait des Scythes;
il raconte seulement que chez ce peuple on
répandait des grains de chanvre sur des
pierres rougies au feu, et que l'on se délec-
tait de la vapeur ainsi dégagée sous la tente.
Il ne s'agit pas ici de fumer mais simple-
,
ment de produire de la fumée. De là à l'in-
vention d'instruments permettant à chaque
individu de jouir à part d'un plaisir que tous
goûtaient en commun, il n'y avait qu'un pas.
Les Hottentots sont aussi dans l'habitude de
s'enivrer à l'aide de. la fumée du chanvre.
C'est une jouissance que tous les peuples
sauvages se procurent spontanément, sans
en recevoir l'exemple de personne. » Les
Celtes* et les Germains n'ont pas emprunté
cet usage des Scythes et des habitants de la
Thrace, reprend M. Walz; ils en sont eux-
memes les inventeurs. C'est à ces peuples
qu'il faut en conséquence' attribuer la fabri-
cation des pipes dont nous parlons; elleè ont
été, il est vrai, trouvées sur l'emplacement
de 'stations romaines mais il ne faut pas per-
,
dre de vue que les vaincus ont habité sur les
terrains concurremment avec les vainqueurs.
Ainsi les Grecs etles Romains ne paraissent
pas avoir connu l'usage de la pipe ; et de fait
cela ne convenait pas à leurs moeurs. De plus
ces objets n'ont été trouvés dans aucun tom-
beau grec ou romain; enfin, nous ne con-
naissons dans la langue de ces deux peuples
aucun mot pour désigner une pareille cou-
tume.
Serment d'ivrogne et Serment de
fumeur c'est tout un.

Il y a cinq 00 six mois, huit si vous vou-


lez, cela ne fait rien à la chose, quelques
jours avant celui où l'on devait écrire le con-
trat de M N..., sa future, M.elle L un
peu embarrassée , mais désireuse pourtant
de se mettre à une certaine mode, lui dit en
hésitant : « Je ne saurais vous dire mon-
,
sieur, combien la fumée de tabac m'incom-
mode, et je serais heureuse si je pouvais
avoir l'assurance que vous ne fumerez plus.
Qu'à cela ne tienne, mademoiselle, vous
aurez pleine satisfaction. J'aime bien ma
pipe, mais je vous aime encore davantage;
je la brise. »

Le mariage se fit. M. N... tint parole.


Mais au bout de quelque temps il tomba ma-
lade et malgré ses dénégations et sa résis-
tance , le docteur en attribua la cause à la
suppression de la pipe, et M.me N.. joignit
ses instances à celles du docteur pour lo
forcer à la reprendre.

Le douloureux remède opéra, et le pau-


vre patient était guéri dès le lendemain.

On dit dans les sociétés que fréquentent


M. et M.me N..., que la maladie était une
feinte, et que malade et médecin étaient
parfaitement d'accord sur le remède à y ap-
porter. Mais ce sont les mauvaises langues
qui parlent ainsi; M.me N... n'en croit rien.
Des fabrique* de cigare* en renom.

Les cigares sont une invention fort an-


cienne et originaire des Indes occidentales,
mais que les Espagnols n'ont fait connaître
à l'Europe qu'au commencement du dix-neu.
vième siècle. Cette manière de fumer le ta-
bac est aujourd'hui si généralement répandue
qu'il pourrait paraître puéril de citer ici le
chiffre énorme auquel s'élève la consomma-
tion annuelle de cigares. Notons cependant
qu'en 1850 la seule place de Brème a livré à
l'exportation 279,255,000 cigares représen-
tant une valeur d'environ 8 millions de fr.

On les tirait, à l'origine de Cuba et


, ,
surtout de son chef-lieu La Havane, qui est
en possession de fournir les produits de ce
genre qu'estiment le plus les amateurs, mais
protégée par le monopole cette fabrication
,
s'établit également en Espagne, et les ciga-
res de Séville jouissent à bon droit d'une
réputation européenne. Le commerce de
Brème fut un des premiers à exploiter cette
branche d'industrie, et cette place est deve.
nue l'un des marchés les plus importants
pour la vente des cigares. Hambourg est
aussi un grand centre pour ce genre de corn.
merce. qui a pris en Allemagne une l'xten-
sion d'autant plus considérable que les gou-
vernements de ce pays ne s'en sont point
réservé le monopole, comme chez nous. Au
reste, la qualité des cigares dépend de celle
des feuilles de tabac qu'on y emploie. Les
noms des différentes espèces de cigares sont
fort arbitraires et indiquent plus rarement
,
la provenance du tabac que les raisons com-
merciales des fabriques de La Havane les
plus célèbres.
Des Fumeurs Indiens.

Le vénérable apôtre des Indiens, Barthé-


lémy de Las Cazas, écrivait en 1527 :
« Les Indiens ont une herbe dont ils aspi-
« rent la fumée avec délices. Cette
herbe est
« dans une feuille sèche, comme dans un

« mousqueton, pareil à celui que font les

« enfants pour la pâque du Saint-Esprit.

" Les Indiens l'allument par un bout, et


« sucent ou hument par l'autre extrémité,
« en aspirant intérieurement la fumée avec

« leur haleine, ce qui produit un assoupis-


« sement dans tout le corps. et dégénère
« en une espèce d'ivresse. Ils prétendent
« qu'alors on ne sent presque plus de fati-

« gue. Ces mousquetons ou tabagos, comme


« ils les appellent eux-mêmes, sont en usa-
« ge parmi nos colons ; et comme on les
« réprimandait sur celte vilaine coutume ,
a ils répondaient qu'il leur était impossible
< de s'en défaire.
Bon Dieu ! que les hommes feraient
de vilaines brutes sans leur sali
tabac !
«Vous me demandez, ma chère madami
Browne, pourquoi je laisse fumer mon mar
dans la maison. Dieu me pardonne, je ni
Toudrais pas l'en empêcher pour tout l'or di
monde. Ne savez-vous pas que quand
,
est en colère contre moi, quand nous avon
eu ensemble trois ou quatre mots de travers
comme je suppose que les meilleurs mari
et les meilleures femmes en ont de temps ei
temps l'un avec l'autre, il court à son cigar
et me laisse à moi-même pendant une bonn
heure. Cela semble le soulager et m'épargn
une infinité de tempêtes domestiques. Aprè
avoir fumé, je vous assure que le pauvr
homme est tout-à-fait radouci; quelquefoi
même il s'approche de moi et me demand
pardon. La fumée que j'aurais essuyée s'es
évaporée par une autre voie. Je regarde 1
cigare comme le meilleur ami qu'ait une
femme. Après tout, une bouffée de fumée
fait beaucoup moins de. mal qu'une bouffée
de jurons. Bon Dieu! que les hommes feraient
de vilaines brutes sans leur sale tabac! Croyez-
en ma parole, fumer, pour eux , est une
bonne chose ; cela guérit les mauvais carac-
tères et conserve les bons. »
Une femme tolérera la fumée du tabac
chez un homme qu'elle aime ; elle dira mê-
me qu'elle aime son odeur ; et pourtant Dieu
sait combien elle la déleste chez un homme
qu'elle ne peut souffrir !

L'usage du Tabac est l'amusement


des oisifs.
Nous devons l'usage de fumer aux sau-
vages, qui, occupés de la
chasse toute la
journée, sont enchantés de trouver le soir
une pipe et du tabac pour amuser leur oisi-
veté
Le condamné fidèle à sa pipe
jusque sur l'échafaud.
En l'an V de la République le tribun.
,
criminel de Saint-Omer ayant condamné
mort un assassin , le scélérat alla à l'écha
faud en fumant sa pipe. Il n'y avait, sar
doute qu'une démoralisation telle que cel
qui déshonora la fin du dix-huitième siècle
qui put produire un héros de ce genre.

Le fumeur se retirant sous terre pou


éviter le châtiment auquel il pot
vait s'exposer.
Amurat IV ne pouvait souffrir l'odeur
la pipe. Il défendit aux Turcs de fumer. 1
d'eux s'avisa de creuser une fosse proton,
dans laquelle il se retirait pour fumer. Am
rat le sut, et s'y transporta. Que viens
faire ici, lui dit le fumeur? ton édit est f
pour là haut, et ne peut se publier so
terre. Le cruel Amurat rit de cette sailli
et protégea le fumeur.
Sang-froid d'un général hollandais.
Au fort d'un combat qui se donnait en
Hollande le général Van Grotten, demande
,
une prise de tabac à un de ses lieutenants.
Au moment que celui ci présente sa tabatière
il est emporté par un boulet de canon, le
général se retourne froidement de l'autre côté
et dit à un autre officier : ce sera donc vous
qui m'en donnerez.

Le débitant de Tabao honnête


homme à sa manière.

La belle chose que la probité, disait à


ses enfants un honnête épicier tenant aussi
un débit de tabac Quel crédit elle vous
donne ! quelle considération elle vous assu-
re dans le monde Si je suis électeur et
marguillier, c'est que je suis exact jusqu'au
scrupule; c'est que je n'ai jamais relardé
d'une minute le paiement d'un billet; c'est
que j'ai toujours rendu à chacun son comp-
te en bonnes pièces , et vendu à juste prix
et il bon poids. A propos, Nicolas, as-tu mis
de l'eau dans le tabac? Oui. monsieur,
— Du poiré dans l'eau de-vie? Oui,
monsieur. — De la chicorre dans le café'
— Oui, monsieur. — Du suif dans le " rre
1

de cacao. — Oui, monsieur. - C crt sur


bien viens faire la prière avec nous, et de.
,
mandons surtout à Dieu qu'il te maintiennE
dans les voies de la probité dont je ni
,
m'écarterais pas pour tout l'or du monde.)
Le Limousin et le garde-chasse.
A propos de pipe.

|
En 1785, un Limousin se trouve dans le
cabaret de Chamarande, à deux lieues d'E-
tampes; un garde-chasse y arrive. Les deux
buveurs se réunissent; le vin anime la con-
versation. L'un van te sa bravoure, l'autre
son adresse au tir. La chose en vient au point
que le Limousin fait au garde-chasse le défi
de lui casser à coup de balle une pipe qu'il
tiendra dans la bouche, à quatre-vingts pas
de distance Le garde-chasse accepte le défi
et l'exécution est remise au lendemain. A
l'heure indiquée, le garde et le Limousin se
mettent en faction. Le garde casse net la
pipe sans blesser l'intrépide Limousin à qui
le bout de la pipe resta dans les dents.
Le Volé pris pour le Voleur.

C'était à Londres, au parterre de l'Opéra


un spectateur, inquiet d'une certaine press
dont il sentait le but, porte sa main à s
poche. « Vous avez pris ma tabatière, dil
il aussitôt, mais avec ménagement, à u
individu de mine équivoque qui se trouva
près de lui, rendez-la moi, ou je...— Poil
de bruit, je vous supplie ne me perdez pas
,
Tenez, reprenez votre tabatière, ajoute t-
d'une voix basse ; » en même temps il en
tr'ouvre la poche de son habit. L'homm
confiant s'y précipite de tout l'avant bra<
Alors au voleur ! au voleur ! s'écrie aussiti
,
l'émule de Cartouche en montrant la mai
prisonnière, et le bon spectateur est arrête
mais il démontre facilement son innocence
Quant à sa tabatière, l'accusateur avait dis
paru.
La vieille Pipe heureusement
remplacée.
M. Bacheville ex-capitaine de la vieille
,
garde, condamné à mort en 1816, et ac-
quitté en 1819, raconte que, pendant son
exil, arrivé aux environs de Munich, se
trouva, ainsi que son frère , dans une telle
détresse, qu'il ne put appaiser la faim qui
le tourmentait, qu'en donnant au garde
d'une forêt, en échange d'une jatte de lait
et d'un morceau de mauvais pain, le dernier
objet qui fût à sa disposition, le seul qui pût
lui faire oublier tant d'infortunes, sa vieille
pipe. cc Connaissant tout le prix de ce dou-
« loureux sacrifice , ajoute-t-il, le premier
a emploi que fit mon frère des fonds qui
« nous parvinrent. fut de remplacer la perte
< que
j'avais faite, et je fus plus sensible à
« ce cadeau que je ne l'avais peut-être été
« à toutes les faveurs de la fortune, qui,
« pendant quelque temps n'en fut cependant
« pas avare pour moi. »
Chance heureuse d'un poète
Hollandais.
En avril 1810, lorsque Napoléon et Marie-
Louise allèrent visiter le canal souterrain de
Saint-Quentin, elles villes de Cambrai, Va-
lenciennes, etc., etc., le bourgmestre d'une
petite ville de Hollande crut devoir ajouter à
l'arc de triomphe qu'il avait fait élever, l'ins-
cription suivante :
11 n'a pas fait une sottise
En épousant Marie-Louise.
Napoléon n'eut pas plus tôt aperçu cet ef-
fort d'une imagination à la fois politique et
poétique, qu'il fit demander ce bourgmestre.
«
M. le Maire, lui dit-il, on cultive les mu

ses chez vous?—Sire, je fais quelques vers


! c'est donc
— Ah vous... Prenez-vous dt
tabac? ajouta-t-il en lui présentant une taba.
tière enrichie de diamants. — Oui, sire....
-
mais, je suis confus,.. Prenez, prenez
gardez la bolte et le tabac, et
Quand vous y prendrez une prise
Ilappelez-vous Marie-Louise. »
Le vieux cavalier battu , mais
non dépipé.

A la bataille de Viemeyro, en Portugal,


le 21 août 1808, n'étant encore que lieute-
nant de dragons, il y avait datis mon régi-
ment un Alsacien nommé Pitre, vieux cava-
lier qui avait fait toutes les campagnes d'Al-
lemagne, et dont la peau était toute brochée
de cicatrices, un brave à toute épreuve au-
tant que déterminé fumpur. Avant l'engage-
ment de l'action, il se jette, par manière de
passe-temps, sur un groupe de hussards an-
glais et les charge, à lui seul, avec son in-
trépidité ordinaire, le sabre au poing et la
pipe à la bouche. Cependant l'ennemi se ra-
vise ; mon dragon est enveloppé, il tombe
dans un fossé ; il est renversé de son cheval
et assailli par une nuée de hussards ; je l'a-
perçois en ce moment, je galope à son se-
cours avec mon peloton, et j'ai le bonheur
de le dégager: « Mon lieutenant, me dit-il,
a ils m'ont bien donné ( le dragon se servi
cc
probablement d'une autre expression)
« ils m'ont bien donné des coups de sabre
« mais ils ne m'ont pas dépipé. » En effet
c sa pipe était encore entre ses dents. o

Du faux Tabac.
M. Ducbalellier, ancien fabricant de taba
à Orléans, avait découvert une poudre qui
à J'en croire devait remplacer le véritah
,
tabac Il eut la politesse d'avertir la régie c
sa découverte et de l'intention qu'il avait (
mettre en vente son faux tabac sous le no:
de poudre Duchatellier.
La régie lui intenta un procès qu'il gagni
attendu qu'il lui fut facile de prouver que li
ingrédient dont il se servait n'étaient pas <
tabac. L'inventeur ne profita en rien du ga
de son procès, car il advint que la nicoliar
devint plus en vogue que jamais.
De la petite Sauge employée comme
Tabac à fumer.

Il est beaucoup de personnes qui ont le


désir de fumer, mais auxquelles l'odeur du
tabac répugne. Nous leur conseillerons l'em-
ploi de la petite sauge, plante très-adoucis-
sante et d'une odeur agréable. On en fait
usage de la même manière que du tabac.
Préférer la petite sauge à la nicotiane, c'est
se rendre agréable aux dames...

Mot du docteur Abernethy.


Un gentleman demandait un jour au célè-
bre docteur Abernethy si l'usage modéré du
tabac en poudre pouvait attaquer le cer-
veau.
«
Non, Monsieur, répondit sur-le-champ,
Abernethy, car aucun homme ayant une on-
ce de cerveau ne songera jamais à priser. »
Opinion de Bernardin de Saim
Pierre sur le Tabac.

Il est vrai que le tabac accrolt en que'


sorte, les forces du jugement, en occas
nant une espèce d'ivresse dans les nerf:
cerveau. Cependant cette plante est un po
véritable ; elle affecte à la longue les n
de l'odorat, et quelquefois ceux de la
Mais l'homme est toujours prêt a altére
constitution physique, pourvu qu'il pu
renforcer en lui le sentiment intellectuel
(Etudes de la Nature).
Les Causes et les Effets.

A propos du Tabac.
«

Un incendie qui consuma une partie des


maisons de Moscow, presque loutes construi-
tes en bois, et qui fut occasionné en 16o0,
par l'imprudence d'un fumeur, surpris par le
sommeil, la pipe à la bouche, engagea le
Czar Michel Fédéiowilz. graifld-père de Pierre
le Grand, à défendre l'usage et l'entrée du
tabac dans son empire, sous peine de la bas-
tonnade, et ensuite d'avoir le nez coupé.

Le Czar Pierre annula cette défense, en


permettant la vente et le débit du tabac dans
ses états, malgré le clergé russe qui s'y op-
posait, ce qui fut la principale cause de la
grande révolte qui éclata à Moscow le 4 sep-
tembre 1696.
De la Pipe, de son ancienneté de sa
,
fabrication et de ses formes diffé-
rentes.

On nomme pipe un petit tuyau de terre


cuite ou d'autre matière dont un des bouts
est recourbé et terminé par une espèce de
petit bassin ou de vase qu'on nomme four-
neau, et dans lequel on met du labac en
feuilles, ou quelqu'autre substance qu'on
allume pour en aspirer la fumée. Ce mot
Tient de pipeau, chalumeau à l'aide duquel
on hume toutes sortes de liqueurs.

La pipe joue un grand rôle dans nos socié-


tés modernes, et tous les efforts du cigare
élégant et de bon ton ne semblent pas devoir
encore de longtemps la détrôner. Sous le
nom de chibouke, elle décore la ceinture de
l'Arabe dont elle est la compagne fidèle.
Chez les Turcs c'est un accompagnement
fjobligé
de tout luxe, de toute voluptuosite.
L'Allemand dort avec la pipe à la bouche et
ne la quitte à peine que pour manger. La
Ï manie pipière est encore plus générale en
Hollande. L'Anglais fait plus d'usage du ci-
gare: l'Espagnol ne fume guère que la ciga.
rette et le cigare. En France . la petite pipe
blanche fait la consolation de l'ouvrier, du
pauvre, du soldat, du matelot; les pipes
élégantes sont réservées à la classe aisée,
surtout dans les estaminets des villes.
\
serait peut-être moins difficile et moins
Il
long d'énumérer toutes les formes, toules
les matières qui n'ont pas encore été em-
ployées pour la confection des pipes à fumer
que de faire connaître les innombrables va-
riétés que le caprice a fait adopter. l'our ce
qui est do la matière, les terres blanches ou

,
naturellement colorées, la porcelaine, les
métaux, l'ivoire la corne l'écaille, le buis
,
et divers autres bois, l'agate,, la cornaline,
le succin ou ambre jaune le talc, conlri-
,
buent dans diverses proportions à la fabrica-
tion des pipes et des tuyaux de conduite de
la fumée de tabac.

La pipe la plus chère, même par compa-


raison avec celle en or, est celle d'amlire
jaune d'un grand volume, exemple d'imper-
sections. On en a vu vendre quelquefois au
prix énorme de deux mille écus. Après l'am-
bre, la matière la plus riche est cette espèce
de talc ridiculement qualifiée d'écume de mer,
variété de la craie de Briançon, très voisine
de la pierre ollaire; pour les pipes de luxe,
c'est la matière la plus généralement em-
ployée. Au sortir du bloc, la pipe dite d'écu-
me de mer, qui a pu être taillée avec beau-
coup de faciilté. conserve une certaine mol-
lesse ; on la fait alors cuire à une chaleur
très-douce, et pendant longtemps, après
l'avoir imbibée d'huile de eésame parfumée.
Au sortir du four, la pipe a acquis une
moyenne dureté, et c'est alors qu'on s'oc-
cupe de lui donner le beau poli qui distingue
cette variété, Les connaisseurs fumologues
attribuent de grandes qualités, probablement
chimériques, à ce genre de pipes ils pré-
tendent que le tabac y est meilleur. Quant
aux pipes d'ambre jaune ou succin , il faut
les doubler d'une substance incombustible ;
elles sont toujours sujettes au grand incon-
vénient d'éclater par l'impression subite du
froid, après qu'on y a fumé : aussi les heu-
reux possesseurs de ces riches pipes les
tiennent-ils toujours entourées d'une espèce
de turban plus ou moins élégant, afin de les
garantir d'une subite transition de tempéra-
ture:
On fait en Turquie, avec des argiles colo-
rées des pipes qui, selon leur travail, ont
,
une certaine valeur. Les Hollandais consom-
ment une énorme quantité de pipes blanches.
Dans leurs estaminets, on présente une pipe
neuve à quiconque y vient faire la moindre
consommation : aussi font-ils blanchir, en les
repassant au feu, toutes les pipes qui ont
une fois servi.
Saint-Omer est en France le centre le plus
important de la fabrication des pipes de ter-
re ; viennent ensuite Givet et Forges.
Les pipes en bois, en écume de mer, en
ambre etc constituent une industrie à
, ,
part. On fabrique plus particulièrement à
Paris les pipes en ambre et en écume ; en
Alsace et en Bretagne, les pipes en racine
de fraisier et autres bois ; mais rien n'appro-
che de l'industrie de l'Autriche et de la
Prusse pour la confection et la sculpture des
pipes dites d'écume de mer: on voyait à
l'Exposition universelle de 1855 plusieurs de
ces objets qui atteignaient le même prix que
s'ils eussent été d'or ou de pierres pré-
cieuses.
Des pipes dites d'écume de mer.

( Complément de l'article qui précède ).

Ce qu'on nomme écume de mer est une


substance magnésienne qui se taille au cou-
teau comme la pierre de Laar, et qui ne se
dissout ni ne se pelrit dans l'eau On l'a dé-
signée aussi sous le nom de talc terreux
blanc. Cette terre diffère des autres variétés
du talc en ce que son tissu est plus tenace et
plus spongieux. Elle est très-blanche, fine
et onctueuse au toucher Les Turcs en font
des pipes à fumer connues sous le nom d'é-
cumes de mer. Après avoir été sculptée et
cuite dans l'huile, elle acquiert une couleur
jaunâtre. Les pipes d'écume de mer sont un
objet de luxe chez les Orientaux et chez les
peuples du Nord ; surtout quand, par un long
usage, elles ont acquis une belle couleur de
café, ce qui leur donne un très-grand prix
aux yeux des amateurs, qui ont soin de les
frotter de cire de temps en temps pour leur
faite prendre celte teinte. Quand l'écume de
mer est de la plus parfaite qualité, on voit
le feu à travers la pipe. Cette substance se
trouve en divers endroits de l'Anatolie. Il ne
faut pas confondre l'écume de mer avec l'ar-
gile de Constantinople, dont on fait en Tur-
quie des pipes communes qui sont d'une
couleur rougeàtre.
Genre de pipes dont les Perses et la
plupart des Turcs font usage.
Les Perses et une partie des Turcs se ser-
vent de pipes longues de plusieurs pieds;
ils fument assis ou couchés à leur façon et
,
une'partie du tuyau de la pipe passe dans
l'eau. La fumée se trouve par là extrêmement
adoucie et perd presque toute son àcreté.
Aussi ne leur laisse-t-elle ni le goût ni l'o-
deur du tabac.

Sur la collection de pipes du dernier


Richelieu.

Et, puisque nous parlons des fumeurs de


haut lieu,
Terminons en citant le dernier Richelieu:
Quand lamort eut frappé cechefdu ministère,
Des meubles du défunt on dressa l'inventaire,
Et, parmi tant d'objets livrés au plus offrant,
Les pipes figuraient pour cent dix mille francs.
Académie de la Pipe.

C'est ainsi qu'on désignait un cercle d'in-


times qui se réunissaient presque tous les
soirs, à partir de cinq beures de l'après-
midi autour de Frédéric I.", roi de Prusse,
,
à Berlin, à Potsdam ou à Wiesterhausen. Il
se composait de ses ministres, des officiers
de son étatmajor, de grands seigneurs ou
de savants en passage par Berlin, et aussi
de quelques honnêtes el spirituels bourgeois
sans compter des bouffons en titre ni ceux
qui consentaient à être traités comme tels.
Chacun y était tenu de fumer pendant touie
la durée des séances, ou tout au moins de
tenir une pipe à la bouche, par manière de
contenance. Chaque membre avait devant
lui une canette de bière; de temps à autre
circulaient des tartines de pain et de beurre
et vers la fin de la séance on offrait, à di-
verses reprises, du vin, dont chacun se ver-
sait à sa guise. L'amusement le plus ordi-
naire de ce cercle consistait à faire la lecture
des journaux, puis des réflexions sur les évé-
nements politiques du jour, le tout assaison-
D né de quelques cancans sur la ville et la cour.
On s'y permettait d'ailleurs une foule de
plaisanteries quelquefois du caractère le
,
plus hasardé, que le roi lui-même acceptait
de la meilleure façon du monde. Le bouffon
ordinaire de ces réunions était un certain
baron de Gundling, pédant lourd et bête qui
se prenait pour un Tacite, parce que le roi
s'était un beau jour avisé de le charger (lui
ivrogne émérite, ayant au plus les connais-
sances superficielles nécessaires pour rédiger
une gazette ) d'enseigner l'histoire aux cadets
de son école militaire de Berlin. Il était de
règle que personne ne se levât de son siége
quand survenait un nouvel arrivant, fût-ce
même le roi en personne. Les échecs et les
dames étaient les seuls jeux qu'on y tolérât,
et le roi y faisait souvent sa partie de tocca-
legli avec le général de Flauss. L'Académie
de la Pipe joue un grand rôle dnns l'histoire
de Prusse ;
aussi les envoyés étrangers ne
manquaient-ils pas de renseigner fort exacte-
ment leurs cours respectives sur tout ce qui
s'y disait. Les séances de l' Académie de la
Pipe cessèrent parce qu'en violation du ré-
glement établi il arriva un jour a l'un de ses
membres, en présence du roi, de se lever
en voyant le prince royal entrer dans le sa-
lon. Le roi se prit à cette occasion d'une si
belle colère, qu'il quitta la séance, et depuis
ses collègues les académiciens de la l,ipe n'eu-
rent plus la permission de se réunir chez lui.
Précieuse collection de pipes
du Maréchal Oudinot.
Parmi les collections de pipes précieuses,
la pius remarquable était sans contredit celie
que le maréchal Oudinot avait réunie dans
son chàteau de Jeandheurs (Meuse). Il y en
avait de tous les temps de toutes les formes
,
et de tous les pays, depuis l'humble pipe de
terre contemporaine de l'importation du tabac
en France par Nicot. jusqu'aux pipes moder-
nes, où l'art et l'excellence du travail sur-
passent la matière elle-même. Une des plus
précieuses était la pipe de Sobieski, que le
maréchal avait reçue du corps municipal de,
Vienne en Autriche en remerclmenl de son
,
administration comme gouverneur de cette
capitale pendant son occupation par l'armée
française sous le premier empire.
Le Cigare selon M. Jules Sandeau.

Le cigare est une des plus belles conquê-


tes du vieux monde sur le nouveau. Il serait
curieux de remonter à l'origine du cigare,
d'assister à ses développements, de le voir
grandir, se répandre, s'élever aux plus hau-
tes sommités ; d'étudier toutes les transfor-
mations qu'il a dû subir pour passer des lè-
vres grossières du commun des fumeurs aux
lèvres rosées de nos dandys, et même de
quelques femmes. Cerles, cette histoire ne
serait pas sans quelque intérêt, car aucune
époque n'offre peut-être un exemple de for-
lune aussi rapide que celle du cigare. Le
cigare est partout; il est le complément in-
dispensable de toute vie oisive et élégante
tout homme qui ne fume pas est un homme
incomplet: le cigare a remplacé aujourd'hui
les petits romans du dix-septième siècle, le
café et les vers alexandrins. Il ne s'agit pas
ici du cigare primitif, dont l'odeur vireuse
et la saveur âcre et repoussante arrivait aux
lèvres martyres par le tuyau d'une paille lé-
gère: la civilisation a singulièrement altéré
celte nature naïve du cigare. L'Espagne , la
Turquie la Havane se sont laissé déroher
, ,
par nous leurs trésors les plus précieux de
fumée et de rêverie et nos lèvres ne peu-
,
vent plus filtrer à cette heure que la vapeur
parfumée des feuilles odorantes qui ont pour
nous traversé les mers.

Ne me demandez pas les charmes des rê-


veries, les extases contemplatives dans les-
quelles nous plonge la fumée du cigare; ces
rêveries, ces extases échappent à la parole,
qui ne saurait les fixer: elles sont values et
mystérieuses, insaisissables comme les nu-
ages odorants qui s'exhalent de votre mexico
ou de votre panatella. Sachez bien seulement
que si vous ne vous êtes jamais trouvé, par
quelque soirée d'hiver, couché sur un divan
aux coussins élastiques , devant un feu clair
et joyeux, enveloppant le globe de votre
lampe ou de la clarté blanche et mate de
votre bougie de la fumée d'un cigare onctu-
eux, laissant vos pensées molles s'élever
incertaines et vaporeuses comme le nuage
flottant autour de vous, sachez, ami lecteur
que si vous ne vous êtes jamais trouvé ainsi
vous n'êtes point encore initié aux plus dou-
ces joies d'ici-bas. Casanova, cet impudique
Vénitien, qui a voulu écrire ses mémoires,
afin qu'on ne pût dire qui) n'a pas eu tous
les travers, prétend que la seule jouissance
du fumeur consiste il voir la fumée du cigare
s'échapper de ses lèvres. Je crois, Vénitien
que vous avez touché faux. La fumée du
cigare est comme l'opium en Orient : elle
produit un état d'exaltation fébrile source
,
de jouissances toujours nouvelles. Le cigare
endort la douleur, distrait l'inaction nous
,
fait l'oisiveté douce et légère, et peuple la
solitude de mille gracieuse:; images. La soli-
tude sans un ami et sans un cigare est insup-
portable à ceux qui souffrent. Au reste, je
suis obligé de l'avouer, je ne sais pas d'im-
porlation plus dangereuse, plus profondé-
ment immorale que celle du cigare fashiona-
ble: ce sera la perte des rits de famille, et
l'immoralité des maisons de jeu et des mau-
vais lieux pâlira devant celle de ce cigare
immoral et pervers. C'est lui qui nous pousse
à l'indolence, qui nous fait rêveurs, oisifs,
contemplatifs, inutiles, il nous aura fait plus
de mal que la littérature allemande, les
amours de Werther, les songes creux de
René et les contes fantastiques d'Hoffmann.
Ceci vous semble peut-être un paradoxe : eh
bien, tumez; réfléchissez ensuite, si vous
pouvez, et vous me direz si un cigare n'of-
fre pas autant de dangers aux âmes faibles
et portées à la rêverie que l'égoïsme poétisé
d'Obermann.

Le cigare, qui s'est glissé dans le monde


élégant, a fait surtout une large irruption
dans le monde artistique : il a fait de Ce
monde là une succursale de l'estaminet Hol-
landais. Le cigare est la livrée, l'enseigne,
l'étiquette de l'homme de lettres et de l'ar-
tiste. Avez-vous jamais assisté aux petits
levers de quelque célébrité contemporaine ?
Nos célébrités à la mode ne se lèvent aujour-
d'hui que dans un nuage de fumée : nos
grands hommes ont chaque matin un cercle
d'adorateurs qui viennent amuser l'idole du
jour et lui fumer au nez : il s'y dépense
moins d'esprit que de cigares, et vous y
verrez plus de fumée que de gloire.
Jules SANDEAU.
La Cigarette et les Porte-Cigares.

On nomme cigarettes en espagnol cigari-


,
tos, de petits cigares fabriqués avec du tabac
haché, roulé dans du papier sans colle ou
dans une paille de maïs. Ou on vous les
vend tout prêts, ou vous les préparez vous-
même après avoir fait votre provision de
,
tabac et de papier non collé enjolivé de
,
grossières figures coloriées de Barcelone,
originaires de France et souvent de Paris.

Savoir très bien faire un cigarito est le


comble du talent d'un vrai fumeur, et ce mê-
me cigarito a de plus l'immense avantage
de persuader aux femmes que celui qui le
fume n'en fait usage que par hasard, par
entraînement, par imitation et qu'il n'en a
,
nullement l'habitude... Pauvres femmes... !

Quant aux porte-cigares, il en est de trois


espèces bien différentes. C'est tantôt une
espèce de petite pince d'argent ou argentée,
qui aide à tenir le cigare ou la cigarette sans
risque de se brûler les doigts; tantôt un bout
d'ivoire ou d'os, à l'une des extrémités du-
quel on insinue le cigare et dont on pldce
l'autre à la bouche; tantôt, enfin, un petit
porte feuille, une petite trousse, de forme
plate en maroquin en étoffe en paille
, , , ,
dans laquelle les fumeurs mettent leur pro-
vision de cigares ou de cigarettes. Les plus
jolis, en paille blanche, viennent du Chili.
La Tabatière est l'aînée de la Pipe
et du Cigare.

Depuis quelques années seulement, la


pipe et le cigare se sont emparé de laWogue
mais la tabatière a joui pendant plus de deux
siècles avant eux de la faveur des illustra-
tions de notre beau pays.
VOLTAIRE, l'un des plus grands génies du
XVIII.e siècle, puisa dans sa tabatière quel-
ques unes des grandes idées de sa philoso-
phie.
,
JEAN-JACQUES ROUSSEAU, le philosophe de
la nature, ne dédaigna pas la tabatière.—
Le grand ministre TIRGOT prisait; FRÉDÉRIC
LE GRAND prisait: le vertueux MAI.F.SHERBES
prisait; NAPOLÉON 1." prisait; TALEYRAND
prisait. Certes, quand les priseurs ne comp-
teraient dans leurs rangs aucune autre célé-
brité ils n'auraient rien à envier aux fu-
,
meurs.
De la Tabatière et des lieux où elle
se fabrique avec plus de succès.

Molière a défini la tabatière en la nom-


mant pelit grenier tabachique. La fabrication
des tabatières de luxe constitue une indus-
trie assez importante, dont Paris est le grand
centre pour la France. Sarreguemines a en
quelque sorte monopolisé la fabrication des
tabatières en papier mâché, et n'en livre
pas moins de 2o0,000 douzaines chaque an-
née à la consommation. La fabrication des
tabatières en buis est concentrée à Saint-
Claude. On fabrique en Ecosse des tabatières
en bois, peintes et vernies , dont il se fait
un immense débit. La tabatière du prolétaire
de forme ovale et en simple bois de bouleau
se fabrique aux environs de Strasbourg; le
débit en est immense. En Allemagne, la fa-
brication des tabatières a pour centres prin-
cipaux: Berlin, Schmœ'ln (près Altenburg),
Freiberg et Dresde. Les tabatières en or. en
argent, en platine, en bois précieux, en
bois pétrifié, sont des objets de luxe qui ne
conviennenl pas à tous les priseurs, les taba-
tières diplomatiques sont des boites en or,
garnies de diamant et ornées du portrait du
souverain au nom duquel est offert ce petit
souvenir d'amitié, dont la valeur intrinsèque
comme il est facile de le penser, dépend du
nombre et de la grosseur des pierres pré-
cieuses. Il n'est pas sans exemple toutefois,
que du vil strass ait été donné pour du plus
pur produit des mines de Golconde ; et les
victimes de celte espièglerie, nous allions
dire de cette escroquerie, n'ont garde de se
plaindre: on leur rirait au nez.
Epoque de l'interdiction de la vente
du Tabac en France.

Le tabac, objet de luxe dans son principe,


fut apporté en France en 1500. Cette plante
commença à fixer l'attention du gouverne-
ment sous Louis XIII, en 1626; mais en
payant les droits auxquels elle était assujet-
tie, par le tarif, on pouvait en faire le com-
merce librement. Une loi qui intervint au
mois de septembre 1674 interdit le com-
,
merce du tabac aux particuliers et en réserva
au roi la vente exclusive. Cette loi rigoureuse
infligeait la peine des galères aux malheureux
qui, surpris en contravention, ne pourraient
payer 1,000 livres d'amende. Les femmes fu-
rent condamnées au fouet.
La tabatière de cinquante louis.

Les bottes dans lesquelles on enferme le


tabac se nomment tabatières ; mais en s'atta-
chant à l'origine, on devrait écrire et pro-
noncer- tabaguières ou tabacuières.

T01aurait détesté le tabac, qui en a fait


usage pour avoir une tabatière et la faire voir
à la compagnie.

»
Le docteur *** se promenait un jour dans
un jardin pùbjit. Un homme très-bien vêtu
l'aborde et lui prend la main. — Docteur,
vous ne me reconnaissez pas? — Non. — Je
suis négociant à Lille, où j'ai eu l'honneur
dp vous voir, il y a sèpt ans. — Il est vrai
que j'y ni fait un voyage il y a sept ans ;
mais je ne me rappelle aucunement de vous
y avoir vu.— Cela est étonnant. Yoiis en
offrirais-je? (en présentant sa tabatière).—
Je ne prends pas de tabac.— Ah ! ah ! il me
semble que vous en preniez alors.- Je n'en
prends plus.— SoiL. Vous ne vous rappelez
donc pas le temps où nous étions ensemble
au collège d'Harcourt! —Je me rappelle bien
le temps où j'étais au collège d'Harcourt,
mais je ne me rappelle pas vous y avoir vu.
Je
— vous quitte, dans l'espérance que vous
vous rappellerez bientôt un de vos anciens
amis. — Je vous salue. — Un quart d'heure
après. l'inconnu revient. Même apostrophe;
même riposte. Nouvelle offre de tabac. Nou-
veau refus exprimé avec une sorte d'impa-
tience et de dédain. Je vous ai déjà dit que
je n'en prenais pas.— Pardon je l'avais ou-
,
blié. Mais vous êtes un terrible homme ! et
votre défaut de mémoire m'affecte singu-
lièrement ; au reste je veux ce soir vous
,
donner un souper d'ami. — Je ne soupe
jamais. — Le docteur tourne le dos et s'en
va. En sortant de la promenade, il rencontre
des dames de sa connaissance auxquelles il
raconte son aventure; il se loue beaucoup
d'avoir refusé du tabac offert par la main sus-
pecte d'un inconnu, d'un aventurier, et qui
sait? peut être pire que cela. Mais, continue-
t-il, de ma main, mesdames, on peut en
prendre. J'en ai et du bon et dans une taba-
,
tière de 50 louis dont je me suis fait cadeau
ces jours-ci.- 50 louis! elle doit être fort
belle.— Vous en jugerez. Le docleur rouille
dans sa poche.— Oh ! oh! point de botte et
un billet! — Il ouvre et il lit: Docteur,
quand on ne prend pas de tabac, on n'a pas
besoin de tabatière.
Des droits perçus sur la consomma-
tion du tabac , de 1621 à 1856.

Depuis 1621, le tabac a été classé parmi


les articles de consommation devant payer
un droit au fisc.
Ce droit fut d'abord fixé à quarante otis
par quintal ou cent livres.
En 1639, ce droit fut porté à sept francs.
En 1664 le tarif s'éleva à treize francs,
,
pour les tabac5 étrangers et a quatre francs
pour ceux venant des colonies françaises.
Jusqu'en 1674, la vente du tabac fut li-
bre mais dans cette année, on établit la
,
première ferme ayant le privilège exclusif de
la vente du tabac Le prix en fut fixé à vingt
sous la liv re en gros et à vingt-cinq sous en
détail. Les tabacs étrangers étaient vendus
le double.
En 1697, la vente et le débit du tabac fu-
rent cédés à un négociant, à la condition de
paver 130,000 fr. à l'Etat, plus 100,000 à
litre d'indemnité à la ferme générale.
,
En 171 1 le tabac était déjà devenu d'une
nécessité secondaire. Aussi trouva t-on pour
le bail de nombreux amateurs. Le prix de la
ferme accordée pour six ans fut porié à deux
millions avec augmentation de 200,000 fr.
,
pour chacune des deux dernières années.
De ni S à 1730, le monopole de la vente
de la nicotiane fut successivement accordé à
diverses compagnies, et en dernier lieu aux
fermiers généraux qui le conservèrent jus-
qu'à la révolution de 1789.
En 1789, le tabac se vendait aux consom-
mateurs quatre francs la livre. Le bail ren-
dait à l'Etat environ 30,000,000.
A celle époque la vente générale du tabac
s'élevait à un peu plus de 7,300,000 kilos
pour 22 millions d'habitants, l'impôt ne se
percevant pas dans les provinces de la Flan-
dre, l'Artois, le Hainaut, le Cambresis, la
Franche-Comté, l'Alsace -le pays de Gex,
,
Bayonne et quelques parties du Messin.
En 1791 , la régie et la ferme générale fu-
rent abolies ; la culture , la fabrication et la
vente du tabac furent rendues libres dans
toute la France. Le droit à l'importation des
tabacs étrangers d'abord fixé à 23 francs par
cent livres poids de marc, fut élevé en bru-
maire an VII ( octobre 1798) à 66 francs les
cent kilos, outre un droit de fabrication de
40 cent par kilo de tabac rapé et de 25 cent.
sur le tabac à fumer. La loi du 29 floréal
an X, sans rien changer au droit d'importa-
tion fixé à 40 cent. par kilo celui de fabrica-
tion pour toutes les espèces et qualités.
Sous ce régime le revenu du tabac ne s'é-
leva en l'an XI, qu'à 1,130,000 francs.
La perception de l'impôt sur le tabac qui
avait jusque là été confiée à l'administration
de l'enregistrement, fut, le 24 février 1804,
attribuée à l'administration des droits réunis
qui lui fit rapporter 12,000,000 par an.
Le décret du 12 février 1806 en doublant
le droit de douane sur les tabacs étrangers,
fit rendre à l'impôt 16,000,000 de francs.
A partir du décret du 29 décembre 1810,
jusqu'à la fin de 1815, l'état a réalisé un
bénéfice de 125,000,000.— Pour la seule
année 1816, ce bénéfice a été de 33,355,321
francs. Il s'est constamment accru depuis
cette époque, à tel point que la statistique
officielle fixe, pour la seute année 1856, ce
bénéfice réel à 120, 975,140 francs.

Villes de France dans lesquelles il


a été établi des manufactures de
Tabac.
t
Les villes où il a été établi des manufac-
tures de tabac sont : Paris, Lyon, Strasbourg
Marseille Le Havre Lille, Toulouse, Ton-
, ,
neins Bordeaux Morlaix et Alger. La seule
, ,
manufacture de Paris occupe plus de 1,200
personnes, parmi lesquelles les femmes sont
en plus grand nombre.
La tabatière perdue et reconquise.

Voltaire étant en rhétorique, s'amusait un


jour. pendant la clause ; à jeter sa tabatière
en l'air Le professeur (le père Porée) à qu:
ce jeu ne plaisait pas, se fit apporter la boite
et dit au disciple qu'il ne la lui rendrait que
quand il aurait fait des vers à ce sujet. Vol-
taire retourne à sa place et après un demi-
quart d'heure de réflexion , récite les vers
suivants au père Porée ;

Adieu, ma pauvre tabatière,


Adieu je ne te verrai plus ;
,
Ni soins, ni larmes, ni prière
Ne te rendront à moi, mes regrets sont per-
J'irai plutôt vider les coffres de Plutus ;[dus.
Mais ce n'est pas ce Dieu que l'on veut que
[j'implore,
Pour te ravoir, hélas il faut prier Phébus ;
!

Et de Phébus à moi si forte est la barrière.


Que je m'épuiserais en efforts superflus !
Sur ce pied-là je ne te verrai plus ;
Adieu ma pauvre tabatière.

Le père Porée fut satisfait et rendit la ta-


batière.

Le Fumeur et la maison incendiée.

Près d'une maison qui brûlait


Un soir un ivrogne passait,
Voyant l'hôtesse en proie à sa douleur mor-
II lui dit : parlez donc un peu ; [telle,
Est-ce a vous la maison Hélas oui, repart-
! !

[elle.
Ab! c'est bon; en ce cas, permettez-moi,
tla belle,
D'allumer, sans façon, ma pipe à votre feu.
Bonheur d'un fumeur en téte-à-tète
avec sa pipe.

Tout ce qui sous les cieux tient notre âme


[occupée,
Gloire, grandeurs, plaisirs, tout passe en
un moment ;
Si ma pipe n'est que fumée,
Le rpste n'est rien que du vent.
Ainsi dans un doux tête-à-tête
Je sens avec ma pipe un singulier plaisir,
En méditant tout à loisir
La vanité des biens dont le monde s'entête.
Quand je vois son ardent fuurneau
Former devant mes yeux un passager nuage,
Je me représente l'image
De toutceque le monde a de grand etde beau
Les plus rares plaisirs, sujets à l'incons-
[tance,
Ainsi que mon tabac se réduisent à rien.
Ce n'est qu'une vaine apparence
Qui nous éloigne du vrai bien.
Moyens de fumer sans déplaire
aux belles.
Nous allions nous livrer à des recherches
et à des études consciencieuses pour donner
à nos lecteurs une entière satisfaction à cet
égard, lorsque l'un de nos amis est venu
nous communiquer un petit volume dont le
contenu nous a paru digne de l'intérêt de la
classe nombreuse des fumeurs surtout sous
,
le rapport des attentions délicates dont le
beau sexe doit toujours être l'objet.

Ce petit volume a pour titre :

L'art de fumer et de priser sans déplaire


aux belles, enseigné en 14 leçons.
Nous croyons donner un excellent conseil
aux tabacomanes en les engageant à se pro-
curer cet ouvrage, dont l'auteur ne peut
être qu'un homme d'esprit.
Ode à La Tulipe ,

ILLUSTREFUMEUR.

Fuyez de moi, filles du Pinde;


Je t'abjure, amant de Daphné ;
Dieu des fous que la rime guindé,
Sous tes lois je ne suis pas né :
Dieu du tabac et de la pipe,
Viens à moi, divin LA TULIPE
,
Inspire-moi des chants nouveaux ;
Du feu dont ta pipe étincelle
Echauffe, enflamme ma cervelle ;
Je vais célébrer tes travaux.

Que ma pipe aussitôt s'embrase ;


Accourez, illustres fumeurs.
Que vois-je! où suis-je? ô douce extase !
Est-il objets plus enchanteurs !
De la plus suave fumée
La Tabagie est parfumée :
'La bière ici coule à grands flots:
Mon œil ébloui se promène
Sur vingt culots d'un noir d'ébène,
Terminant pipes et brûlôts.
Restez, adorables images,
Restez et jamais sous mes yeux ;
Soyez l'objet de mes hommages,
Mes législateurs et mes dieux.
Qu'à la pipe on élève un temple
,
Où nuit et jour on nous contemple,
Au gré des plus fameux fumeurs ;
Les blagues serviront d'offrandes,
Le scaferlati de guirlandes,
Et nous de sacrificateurs.

Du Gange jusqu'aux bords du Tage


,
Indiens Chinois et Musulmans
, ,
Mortels de tout rang, de tout âge ;
Espagnols, Grecs, Français, Flamands,
De la pipe adorent l'usage.
Le grand Salomon, dit le Sage,
Fuma, dit-on, tant qu'il vécut.
Du bonheur la pipe est la voie,
Dans la pipe est toute la joie,
Sans la pipe point de salut.
Quoique plus guenx qu'un rat d'église,
Pourvu que j'allume un brûlot,
Que mon tabac soit sec et frise,
Je suis bien content de mon lot.
Grands de la terre, l'on se trompe,
Si l'on croit que de votre pompe
Jamais je puisse être jaloux.
Vos chars font voler la poussière ;
Quand je tiens ma pipe et mon verre,
Ai-je moins de plaisir que vous ?
Sortez de la route commune
,
Grands du monde, vains conquérants !
Ma pipe, voilà ma fortune,
Mes biens, mes honneurs et mes rangs.
FRÉDÉRIC au bord de la Sprée,
,
Contre une ligue conjurée
Dirige son soldat vainqueur;
Devant les Germains qu'il dissipe,
Il bat le briquet, prend sa pipe
,
Mon héros n'est plus qu'un fumeur.

De fumeurs l'univers abonde :


On fume aux antres de Lemnos,
On fume dans le nouveau monde,
On fume jusqu'au fond des eaux.
Toutes ces vapeurs condensées
Par mille pipes sont causées.
Il n'est pas de fait plus certain,
Ce brouillard qui couvre la Seine,
Et qu'on voit sur chaque fontaine,

,
Ne sort que d'un brûlot divin.
Tisiphone, Alecton Mégère,
Si l'on fumait encor chez vous,
De mon tabac, Caron Cerbère,
,
Je voudrais vous régaler tous ;
Mais puisque par un sort barbare
On ne fume plus au Ténare,
Je veux y descendre en fumant:
Là-bas ma plus grande amertume
Sera de voir que Pluton fume
,
Et de n'en pouvoir faire autant.
Redouble donc tes infortunes,
Sort cruel, sort plein de rigueur;
Ce n'est qu'à des âmes communes
Que tu pourrais porter malheur ;
Mais la mienne que rien n'attaque,

,
Plus ferme qu'un rocher d'Ithaque,
Se rit des maux présens passés.
Qu'on m'abhorre, qu'on me déteste,
Qu'importe! ma pipe me reste;
Je fume, je bois, c'est assez.

Le Tabac salé.
Sais-tu pourquoi le prix du tabac est si
salé (élevé) depuis quelques mois surtout,
demandait hier un loustic de manufacture à
un de ses voisins qui se plaignait de cet en-
chérissement ? — Pardine !... du tout!...
— C'est qu'on sale le tabac tant à fumer qu'à
priser, ni plus ni moins que du porc aux
choux.
En effet, la régie n'emploio pas à cet as-
saisonnement moins de 800,000 kilog. de sel
par an pour ses onze manufactures.
LE

CODE DU CIGARE,
ou

LA POLITESSE
DU FUMEUR.
AVIS.

Lorsque il y a plusieurs années, l'arti-


,
cle que nous reproduisons aujourd'hui, a
paru dans le Musée des Familles, un grand
nombre de Dames délaissées pour le cigare,
ont témoigné le désir de le voir reproduire
dans l'un de nos recueils annuels. Nous ne
crûmes pas alors pouvoir leur donner satis-
faction dans la crainte de nuire aux inté-
,
rêts du journal pour lequel cet article avait
été écrit.
Maintenant que la reproduction qu'on sol-
licite ne saurait nuire à personne et qu'elle
,
peut au contraire , diminuer l'intensité du
mal dont les dames se plaignent avec rai-
son, et qui va toujours croissant, nous n'hé.
étions plus àles satisfaire et nous espérons
,
que chacun applaudira à notre détermina-
tion.
L'Editeur
Le Code du Cigare
,

ou la politesse du fumeur.

Honneur à celui qui a employé son talent


à réformer une habitude inutile, souvent nui-
sible et presque toujours désagréable au plus
,
grand nombre.
Nous pensons que le contenu de l'article
que nous reproduisons et que nous emprun-
tons au Musée des Familles, sera approuvé
par tous les partisans de l'ancienne politesse.
Voici cet article :
Si l'on eût dit à nos grand'mères, et même
à nos mères que ce mot : le cigare entrerait
,
dans un manuel des salons que le Code du
,
tabac ferait partie du Code de la vie mon-
daine elles se seraient récriées avec hor-
,
reur , et auraient trouvé la plaisanterie fort
mauvaise.
Le moment est venu pourtant de fixer les
règles de la politesse, du savoir-vivre, et
même de la convenance en face des incroya-
,
bles envahissements du tabac.
Il y a deux cents ans il fallait être un
,
loup de mer comme Jean Bart, pour oser fu-
mer en dehors d'un navire ou d'un estaminet.
Il y a cent ans les gens comme il faut
,
qui se risquaient à fumer, le faisaient en se
cachant dans un coin et se lavaient la bouche
,
avant de reparaître en public, — de crainte
d'empoisonner ou de dégoûter leur famille et
leurs amis.
Il y a trente ou quarante ans , on ne voyait
fumer dans la rue que les soldats les mate-
,
lots les ouvriers, quelques artistes et cer-
,
tains originaux hors la loi mondaine.
Aujourd'hui, des gens qui se disent et se
croient bien élevés abordent une dame le ci-
gare aux lèvres, lui envoient leur fumée au
visage sur un trottoir , et même lui donnent
le bras en la parfumant de leur nicotine.
En sortant de table après un grand diner,
,
ils ne s'occupent pas d'être aimables envers
leurs commensaux ni même envers leurs com-
,
mensales; — ils leur tournent le dos pour al-
ler fumer quelque part, peut-être dans la
pièce voisine ; — trop heureux s'ils ne fument
pas dans le salon même, et s'ils ne proposent
pas aux dames des cigarettes , — que quel-
ques-uues sont capables d'accepter !
Les maris rentrent près de leurs femmes
,
les frères près de leurs sœurs, les pères près
de leurs filles, les amoureux près de leurs
fiancées — en les infectant d'une odeur em-
,
preinte jusque dans leurs habits.
Voilà le fait accompli — dans toute sa
crudité.
Il est très-difficile de rencontrer un wagon
de chemin de fer, un salon de restaurant, et
même une salle à manger particulière, le ca.
binet d'un prétendu élégant, — une prome-
nade publique ou privée, — qui ne soit pas
embaumée par la pipe ou le cigare, — au
point de saisir à la gorge ceux qui ne fument
pas, de leur donner la migraine, la toux ou
la nausée.
Les fumeurs cachent leurs cigares en en-
trant aux Tuileries , et les reprennent après
avoir dépassé le factionnaire.
Cousin germain de l'ivrognerie, de la ma-
nie de l'opium et du hachich, l'abus du ci-
gare ( je dis Yabus ) a les exigences, l'égoïs-
me et les aveuglements d'une dépravation.
Pour fumer convenablement et poliment,
il faut être trois fois convenable et poli.
On compte le petit nombre d'homme qui
ont gardé ce privilège et cette distinction.
Est-ce à dire qu'il faut déclarer la guerre
au tabac, à l'impôt, — à ses œuvres et à ses
produits ? — A Dieu ne plaise que je prêche
cette insurrection , ni que j'entreprenne cette
croisade impossible !
Guérir les hommes d'un vice bien porté !—
Il serait plus facile de les guérir d'une vertu
passée de mode.
On use du tabac hélas ! parce qu'on a
,
perdu le respect des femmes.
On en abuse, parce qu'on a perdu le res-
pect de soi-même.
On fume en France comme en Turquie
, ,
en Angleterre, en Allemagne, en Hollande ,
parce qu'il n'y a plus de politesse française.
On fume parce que le temps est passé — où
,
Louis XIV saluait jusqu'aux paysannes de
ses jardins , — où il restait tête nue, sous la
pluie, à côté d'une femme de sa cour.
On fume, parce que le mauvais exemple
s'étend comme la' tache d'huile ; — parce
qu'au lieu d'imiter les véritables modèles du
savoir-vivre : les chefs de la société, les mi-
nistres , les ambassadeurs, les hauts fonction-
naires, les hommes de talent, d'esprit et de
coeur , ceux qui se piquent de recevoir , de
causer, de se tenir, d'être considérés , utiles,
aimables et obligeants , tous gens qui ne fu-
ment point ou fument peu et se cachent pour
fumer,— on imite ceux qui font si des ancien-
nes convenances, qui dédaignent la compa-
gnie des femmes, qui ne se gênent plus pour
rien ni pour personne qui ne voient dans la
,
vie que la Bourse, le lansquenet, les chevaux,
la chasse.
Dis-moi d'où tu viens, je te dirai ce que
tu es. Le cigare vient de chez les sauvages
de l'Amérique. Il est entré en Europe par l'é-
curie et la cantine. Ceci est de l'histoire au-
thentique.
Sous Louis XIV, les premiers fumeurs fu-
rent les matelots et les goujats. La bourgeoi-
sie ne se prit à fumer que sous l'Empire, —
afin de se donner l'air militaire et conquérant.

Aujourd'hui, on fume un peu partout,—


mais une chose remarquable et rassurante
,
c'est que plus vous vous élevez sur l'échelle
sociale moins vous sentez l'odeur du tabac.
,
En moyenne, les gens les plus comme il faut,
les plus intelligents les plus hauts placés
, ,
les plus laborieux sont encore ceux qui fu-
,
ment le moins. Les gens les plus mal élevés,
les plus ineptes, les moins considérés, les
plus inutiles ici-bas, sont toujours ceux qui
fument le plus.Vous pouvez classer les hom-
mes et les maisons au critérium de l'odorat,
-- et dire à chacun en variant le proverbe:
,
Montre-moi si tu sens plus ou moins fort,
— et je te dirai si tu es plus ou moins de la
bonne ou de la mauvaise compagnie.
Tant que cette classification sera possible,
rien ne sera tout à fait désespéré.
Maintenant, si vous tenez à rester classé
honorablement, méditez et observez cesapho-
rismes :
AUX HOMMES.
1,0 Si vous n'avez pas l'habitude de fu-
mer, ne la prenez point. Si vous l'avez, tâ-
chez de vous en défaire, ou du moins de ne
pas tomber de l'usage dans l'abus, car je dis-
tingue nettement l'un de l'autre.
2.0 Ne fumez jamais dans la rue , ni dans
aucun lieu public. Souvenez-vous que les fn-
meurs par excellence , les soldats , ne fument
jamais dans les rangs.
3,0 Si vous fumez chez vous fumez à l'é-
,
cart , et rincez-vous la bouche apiès avoir
fumé — sans quoi vous infecterez votre ha-
,
leine votre chambre, vos habits, — et par
,
conséquent vous infecterez votre famille vos
,
amis et vos connaissances.
4.0 Ne portez jamais sur vous ni cigares
,
ni tabac ni allumettes phosphoriques. Outre
,
que VDUS vous infecteriez encore vous-même
et autrui , vous seriez un danger permanent
de ruine et de mort.
5.° Les trois quarts des maisons brûlées,
des forêts détruites des enfants et des fem-
,
mes dévorés par les flammes , depuis vingt
ans surtout, ont été victimes des fumeurs,
des cigares et des allumettes. (Sic,)
6.0 Arrangez-vous pour fumer sans cra-
cher, même dans les crachoirs. Les crachoirs,
— n'en déplaise aux cercles qui les ont adop-
tés — sont J'invention de la malpropreté la
,
plus dégoûtante et de l'égoïsme le plus cy-
nique.
7,0 Sous aucun prétexte ne fumez avec
,
une femme ou près d'une femme.
8.0 Comparez le plaisir que vous font vos
cigares — plaisir bête et malsain (1), —
,
aux sommes qu'ils vous coûtent : ils vous coû-
tent presque aussi cher que l'entretien d'un
cheval, — que votre habillement, — qu'une
partie de votre loyer, — qu'une famille nour-
rie de vos aumônes.
9.° Trouvez-vous que le peuple français,
brûlant le nez en l'air plusieurs centaines
, ,
de millions par an — sous forme de poi-
,
son , — soit toujours le peuple le plus spiri-
tuel du monde ?
10,0 Si vous aimez la mauvaise odeur
,
l'odeur énervante du tabac, vous êtes libres
de vous en régaler chez vous ; — vous n'avez

(1) Expressions d'Alphonse Karr ,— un


grand tumeur, qui à renoncé à fumer.
pas le droit, à aucun titre, d'infliger cette
odeur à ceux qui ne l'aiment pas, à ceux à
qui elle fait du mal.
11,0 La nature ne vous a donné que trois
ou quatre besoins. La civilisation en a créé
mille. La bêtise en a inventé deux mille. Le
plus bête de tous est le tabac. Vous savez
que le bonheur consiste à réduire ses besoins.
Tirez la conclusion.
12.0 Vous aimez la liberté, fille de ce siè-
cle. Eh bien ! le cigare est un de ses plus
grands ennemis. Vous êtes son esclave, et
vous imposez votre esclavage à autrui. Est-
ce pour cela que vous avez détruit l'ancien
monde renversé trois monarchies et deux
,
républiques?
13.0 N'oubliez pas que la liberté de cha-
cun a pour limite naturelle et nécessaire la
libèrté des autres — êtes-vous un homme
,
libéral et même un homme sociable, — en
niant à votre voisin la liberté de ne pas être
empoisonné par vous?
14.0 Vos pères ne fumaient pas dans leur
jeunesse; ils n'ont fumé que dans leur décré-
pitude. Quel avantage trouvez-vous à imiter
leur décrépitude? L'odeur du cigare,est-elle,
par excellence, le parfum de la vie? Et votre
moyen de plaire est-il de faire dire aux fem-
mes à votre approche : Ça sent mauvais, \oici
M. un tel !
Au moins, quand Richelieu arrivait on
,
disait ; Ça sent l'ambre; voici Richelieu!
Alors c'était son palefrenier qui sentait
,
lè tabac.
AUX FEMMES.
1.0 Vous êtes mesdames une des princi-
, ,
pales causes de la dépravation des hommes.
2.° Si les hommes sont si puants , comme
dit Alphonse Karr, au physique et au mo-
ral c'est que vous avez abandonné vos
,
droits.
3.0 Quand vous laissez prendre un pied
aux hommes , ils en prennent quatre. Vous
leur avez permis de venir dans vos salons en
bottes, en cravate noire, en :
redingote ils
ont fini par y venir le cigare à la bouche, et
vous parfumer de nicotine, en guise d'eau de
Portugal.
4.° La première femme du monde qui a dit
à un homme chez elle ou chez lui dans un
, ,
parc ou dans un lieu public : — « Ne vous
gênez pas pour fumer. Je supporte ou j'aime
l'odeur du tabac ! » — cette femme a menti
et a détrôné son sexe !
5." La femme ne reprendra sa position et
l'homme la sienne que le jour où tous deux
souscriront ensemble ces deux maximes soli-
daires :
6.0 L'homme qui fume devant une femme
,
ou qui lui apporte sur sa personne l'odeur du
tabac, n'est pas un homme bien élevé.
7." La femme qui laisse un homme fumer
devant elle, ou l'infecter de l'odeur de ses
habits n'est pas une femme comme il faut.
,
Quelle pente il s'agit de remonter pour ar-
river là ! — C'est à vous mesdames d&
, ,
donner le signal et de marquer le pas.
8.0 Ecoutez deux petites histoires :
J'étais un jour en chemin de fer, — seul
avec une dame. Un monsieur monta avec
nous, — et s'apprêta à fumer.
Cela ne vous gêne pas, madame? de-

manda-t-il à notre voisine.
Elle rougit répondit : Non n'osant pas
, ,
dire autrement.
— Pardon, monsieur alors c'est moi que
,
cela gêne, repris-je sans être interrogé.
Le fumeur comprit la leçon et éteignit son
cigare. La dame me remercia d'un coup d'œil
reconnaissant. '
Voilà la femme qui a perdu l'usage de ses
droits. Ayez le courage de ne jamais l'imiter.
Un autre jour, j'étais encore en chemin de
fer, seul avec une autre dame. Un monsieur
prit place à côté de nous , un cigare allumé
dans les doigts et dit à la dame avec une
,
négligence qu'il croyait charmante :
— Le cigare ne vous incommode pas ?
— JE N'EN SAIS RIEN , MONS[EUR , ON
.N'A JAMAIS FUMÉ DEVANT MOI ! répondit sim-

plement et noblement la dame.


Vous jugez si le cigare fut rengainé.
Voilà la femme qui connaît ses droits et qui
les exerce. Sa réponse devrait être gravée en
lettres d'or, et je l'ai soulignée ne pouvant
,
mieux faire. C'est le plus parfait résumé du
code du cigare.
Ayez toujours le courage d'imiter cette
femme et de dire comme elle à la fumée du
,
tabac cette marée de l'impolitesse sociale :
,
— Tu n'iras pas plus loin
PITRE-CHEVALIER.
Les Adieux de La Tulipe

à la divinité de son cœwr, en lui confiant

sa pipe et son briquet.

Malgré la bataille
Qu'on livre demain,
Ça, faisons ripaille,
Charmante Catin.
Attendant la gloire,
Prenons le plaisir,
Sans lire au grimoire
Du sombre avenir.

Si la ballebarde
Je peux mériter,
Près du corps-de-garde
Je te fais planter,
Ayant la dentelle,
Le soulier brodé,
La blouque (') à l' oreille,
Le chignon cardé.

Narguant tes compagnes,


Méprisant leurs vœux,
J'ai fait deux campagnes
Rôti de tes feux.
Digne de la pomme,
Tu reçus ma foi,
Et jamais rogomme
Ne fut bu sans toi.

Tiens, serre ma pipe


,
Garde mon briquet,
Et si La Tulipe
Fait le noir trajet,
Que tu sois la seule
Dans le régiment
Qu'ait le brûle-gueule
De son cher amant.

(*) sic C'est du style patoisé.


Ah! retiens tes larmes,
Calme ton chagrin,
Au nom de tes charmes..
Achève ton vin.
Mais quoi ! de nos bandes
J'entends les tambours ;
Gloire tu commandes,
1

Adieu les amours !

Maximes Tabagiques.

Fumez, mortels, ne crachez pas.

Le temps fait passer l'amour ;


Le tabac fait passer l'un et l'autre.

Qui vivra fumera;


Qui fumera vivra.
L'heureux fumeur.
Certain fumeur courtisait une veuve.
Grâce à l'hymen, lorsqu'il fut dans ses lacs,
Pour te donner, lui dit-il, une preuve
De mon amour, je vais mettre en éclats
Si tu le veux, ma pipe toute neuve.
—Non, non ; la pipe a pour toi trop d'appas;
Je ne la crains que lorsque je suis grosse :
L'odeur m'en plaît quand je ne la suis pas ;
Tu peux fumer. Notre époux, dans la Beauce
Comme héritier d'un oncle, avait des droits:
Il part. Suivant des conseils maladroits,
Dans un procès Chicaneau vous l'enfourne;
Ce n'est qu'après absence de vingt mois,
Qu'à son logis un matin il retourne,
Pipe à la bouche. Oh ! qu'est-ce que je vois!
S'ecria-t-il en rentrant; quoi! commode,
Console ici! pendule, glace là!
D'où viennent donc ces meubles à la mode?
— D'un troc. Je vais te conter tout cela;
Mais... mon mari... ta pipe m'incommode.
( Pons de Verdun).
Couplets du petit Matelot.

Air connu.

Contre les chagrins de la vie


On crie et ab hoc etab bac;
Moi je me crois digne d'envie
Quand j'ai ma pipe de tabac. bis
Aujourd'hui changeant de folie
Et de boussole et d'almanach,
Je préfère fille jolie
,
Même à la pipe de tabac. bis
-

Le soldat baille sous la tente


,
Le matelot sur le tillac;
Bientôt ils ont l'âme contente
Avec la pipe de tabac. bis
Si pourtant survient une belle ,
A l'instant le cœur fait tic tac,
Et l'amant oublie auprès d'elle
Jusqu'à la pipe de tabac. bis
Je tiens cette maxime utile
De ce fameux monsieur de Crac ;
En campagne comme à la ville
Fêtons l'amour et le tabac. bis
Quand ce grand homme allait en guerre
11 portait dans son petit sac,

Le doux portrait de sa bergère


Dissertation sur le tabac et sur ses bons et
ses mauvais effets, par Buc'hoz. 7

Description de cette plante, son origine,


l'histoire de son importation en Europe,
ses premiers succès. 9
Plusieurs souverains défendent sous les
peines les plus sévères, l'usage de cette
plante à leurs sujets. 15
-
Fagon, premier médecin de Louis XIV,
se montre le plus ardent antagoniste
du tabac. 16
D'où vient le nom vulgaire de cette plante.
— Principaux auteurs qui ont écrit sur
ses vertus ou sur les dangers de son
emploi. 2l
De la culture et des différentes façons de
préparer le tabac. 23
Différentes manières d'employer le tabac.
— Utilité et danger de son usage. —
Son emploi comme remède ou comme
préservatif. 35
Des différentes espèces de nicotiau à6
.

Essai sur les propriétés du tabac, par le


docteur Dablaing. 63

Description du tabac. 65
Ses propriétés. — Dangers de son usage
habituel. 68
Abus du tabac. 71
Habitude du tabac généralement nuisible.
73
Cette habitude est plus ou moins nuisible
selon la manière de faire usage du ta-
bac. 75
Du tabac pris par le nez. 77
Pris par le nez, le tabac dispose au désir
de boire des liqueurs fortes. 83
Du tabac fumé. 85
Premiers et dangereux effets de l'usage
du tabac fumé. 88
De la salive et de son usage. 89
Du tabac mâché. 96
A quelles personnes l'usage du tabac nuit
le plus. 97
C'est se priver de l'avantage qu'on pour-
rait retirer de l'emploi du tabac comme
remède, que d'en faire un usage habi-
tuel. 100
Usage du tabac considéré comme remède.
102
Du tabac en poudre pris par le nez, con-
sidéré comme remède. 104
Du tabac fumé, considéré comme remède.
106
Du tabac mâché, regardé aussi comme
remède. 109
Du tabac pris en lavement. 111
Recette d'un lavement de tabac contre
l'apoplexie séreuse. 114
Introduction de la fumée de tabac en dif-
férentes manières. 115
Différentes applications extérieures du
tabac. 118
Liniment contre la galle. 119
s Onguent contre la galle. 120
Autre idem Ib.
Autre en forme de pommade. 121
Efficacité du tabac contre la teigne et au-
tres maladies externes. 124
Recette d'un cérat fait avec le tabac con-
tre les ulcères anciens et calleux. 125

Macédoine d'articles, en prose et en vers,


pour, sur ou contre le tabac. 127

Histoire de la découverte du tabac, par


Berthelot. 129
Les apologistes du tabac. 133
Les antagonistes du tabac. 135
Pensée d'un encyclopédiste. 141
Prohibition du tabac dans les colléges. 142
Conseil aux parents sur l'usage du tabac
par leurs enfants. 143
Réflexions d'Alph. Karr sur le tabac.144
Sur la consommation du tabac dans toutes
les parties du globe. 148
Progression du revenu acquis au fisc par
le monopole de la vente du tabac. 152
Motifs de l'augmentation du prix du ta-
bac. 156
Temps perdu par l'usage du tabac. 160
Snr l'augmentation du prix du tabac en
France. 161
Opinion émise par un journaliste relative-
ment à l'augmentation du prix du tabac.
162
Le cigare homicide. 165
Imprudence de quelques fumeurs. 166
Blessure occasionnée par l'explosion d'une
pipe. 168
Savourez le cigare si cela vous convient,
mais ne le conservez pas à la bouche
dans certains cas. t69
Grave accident occasionné par un cigare
allumé. 170
Le tabac complice d'un meurtre. 172
Association contre l'usage du tabac. Ib.
Antériorité de la tabatière sur la pipe. 173
L'intrépide fumeur. Ib.
Jean-Bart à Versailles. 174
Napoléon l,er, mauvais fumeur. 176
Un échantillon du langage romantique du
siècle de Louis XIV. 178
La tabatière trop petite pour deux. Ib.
Abus du tabac par les enfants en Amé-
rique. 179
Nouvelle machine à fabriquer des cigares.
180
Vers de Th. Corneille sur le tabac. 183
Couplet du Diable à quatre. 184
Comparaison entre la consommation actu-
elle du tabac et l'ancienne. 185
Le tabac proscrit par des professeurs an-
glais. Ib.
Société formée contre l'usage du tabac. 185
Fondation en France d'une société pour
combattre l'usage du tabac. 189
Le tabac d'Espagne du Grand Prieur de
Vendôme. 191
Boutade d'un priseur. 192
A-t-on fumé dans l'Antiquité? 193
Serment d'ivrogne et serment de fumeur
c'est tout un. 199
Des fabriques de cigares en renom. 201
Des fumeurs Indiens. 203
Bon Dieu! que les hommes feraient de vi-
laines brutes sans leur sale tabac ! 204
L'usage du tabac est l'amusement des
oisifs. 205
Lo condamné fidèle à sa pipe jusque sur
l'échafaud. 206
Le fumeur se retirant sous terre pour évi-
ter le châtiment auquel il pouvait s'ex-
poser. Ib.
Sang-froid d'un général hollandais. 207
Le débitant de tabac honnête homme à sa
manière. Ib.
Le Limousin et le garde-chasse. 209
Le volé pris pour le voleur. 210
La vieille pipe heureusement remplacée 211
Chance heureuse d'un poète hollandais.21 2
Le vieux cavalier battu, mais non rlépipé.
213
Du faux tabac. 21 It
De la petite sauge employée comme tabac
.à fumer. 215
Mot du docteur Abernethy. lb.
f Bernardin de Saint Pierre
Opinion de sur
le tabac. 216
Les causes et les effets, (à propos de
tabac). 217
De la pipe de son ancienneté, de sa fa-
,
brication et de ses formes diîférenles.218
Des pipes dites d'écume de mer. (Complé-
ment de l'article qui précède). 223
Genre de pipes dont les Perses et la plu-
part des Turcs font usage. 225
Sur la collection de pipes du dernier
Richelieu. Ib.
Académie de la pipe. 226
Précieuse collection de pipes du Maréchal
Oudinot. 229
Le cigare selon M. Jules Sandeau 230
La cigarette et les portes-cigares. 235
La tabatière est l'aînée de la pipe et du
cigare. 237
De la tabatière et des lieux où elle se fabri-
que avec plus de succès. 238
Epoque de l'interdiction de la vente du
tabac en France, 240
La tabatière de cinquante louis. 241
Des droits perçus sur la consommation du
tabac, de l62t à 1856. 244
Villes de France dans lesquelles il a été
établi des manufactures de tabac. 247
La tabatière perdue et reconquise. 248
Le fumeur et la maison incendiée. 249
Bonheur d'un fumeur en tête-à-tête avec
sa pipe. 250
Moyens de fumer sans déplaire aux belles.
251
Ode à La Tulipe, célèbre fumeur. 252
Le Tabac salé ( d'un prix élevé ). 256

Le Code du Cigare, ou la politesse du fu-


meur. 257

Les Adieux de La Tulipe à la divinité de


son cœur , en lui confiant sa pipe et son
briquet 273
Maximes tabagiques. 275
L'heureux fumeur. 276
Couplets du petit Matelot. 277

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