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3.1.

L’oral en classe (partie 1)


Nastasja Caneve : La compréhension orale me paraît être une compétence centrale à
travailler avec mes étudiants et je choisis en général des documents audio et des vidéos
authentiques pour qu’ils s’habituent à entendre le français parlé. Auriez-vous des conseils
pour bien mener des activités de compréhension orale en classe ?

Laurence Wéry : Cette compétence est souvent mal vécue par une partie des étudiants : elle
est vécue comme stressante contrairement à la compréhension écrite, plus rassurante car le
support est présent et concret. Dès lors, il nous faut – nous les enseignants de langues –
rendre l’exercice rassurant, utile et non stressant. Pour ce faire, voici quelques stratégies et
conseils.

Améliorer les représentations de l’apprenant-auditeur concernant la compréhension orale,


l’aider à cibler l’objectif de la compréhension orale et l’aider à distinguer les pratiques
d’expression et de compréhension ; ceci en passant de l’approche sémasiologique (approche
analytique : tout segmenter, tout comprendre) à une approche onomasiologique (comme en
langue maternelle : compréhension globale en anticipant le contenu). En effet, il faut
convaincre l’auditeur qu’il peut anticiper la compréhension et qu’il peut très bien ne pas tout
comprendre pour bien comprendre. Pour ce faire, on peut utiliser des documents sonores
avec des défauts (blancs, bruits de fond…). C’est très rassurant pour l’auditeur qui verra cet
exercice de manière moins effrayante. Certains auditeurs sont tellement stressés qu’ils
démobilisent une partie de leur savoir-faire dans cet exercice.

Ensuite, nous pouvons aider l’apprenant-auditeur à cibler l’objectif de la compréhension


orale : on peut travailler sur un document pour le plaisir (une chanson en fin de cours), pour
améliorer un savoir-faire nécessaire à l’apprenant (exercice de prise de notes, etc.).

Enfin, nous pouvons l’aider à distinguer les pratiques d’expression et de compréhension : trop
souvent, les apprenants sont dans le schéma « je ne répète que ce que je comprends ». Or, il
est prouvé que ces deux savoir-faire, l’expression et la compréhension, sont des aptitudes
indépendantes. Physiologiquement, les aires de Wernicke (la compréhension du langage, le
cortex auditif) est à un endroit différent de l’aire de l’encodage et production (aire de Broca).
Il suffit d’observer les enfants pour constater qu’ils peuvent comprendre beaucoup de choses
dans une langue étrangère et ne pas la parler. À l’inverse, une personne peut plus facilement
s’exprimer que comprendre.

MOOC ULiège « Moi, prof de FLE » © Module 3, Séquence 1, L’oral en classe (partie 1) 1
De plus, nous devons veiller à déterminer le plus clairement possible les objectifs de la
compréhension pour l’apprenant. Comment ?

1. En ciblant, nous les enseignants, les situations d’écoute. Il faut adapter les situations
d’écoute aux besoins et au vécu des auditeurs. Avec un public Erasmus – un public
universitaire supposé intéressé par l’actualité – l’écoute de revues de presse européennes a
pour objectif de les tenir informer sur l’Europe et le monde. Avec un public de réfugiés par
exemple, de courtes séquences illustrant un dialogue entre un administratif et un administré
(une demande de carte de séjour) s’avère judicieux dans un premier temps.

2. En aidant aussi l’apprenant à mieux écouter en mobilisant ses connaissances, qu’elles


soient…

- référentielles : les noms propres, les informations sur le sujet qui va être entendu ;
- sociolinguistiques : Quel type de discours est-ce ? (une conversation familière, un
discours politique…) Quel niveau de langue est-ce que ça va être ? ;
- socio-psychologiques : le statut du locuteur (un personnage médiatique, un intellectuel
connu…) ;
- linguistiques : le travail de la phonétique, par exemple, avec la discrimination de
phonèmes à problème. Les étudiants Chinois ne distinguent pas facilement le
/le/ du /les/, ce qui est problématique évidemment dans les situations du pluriel ; ou bien
le /r/ du /l/ ;
- culturelles : Comment se déroulent les discussions à table en France ? Le Finlandais
s’étonne de la prolixité des convives, de la longueur des interventions et du repas, et du
fait qu’ils se coupent incessamment la parole. Il faut donc mobiliser toutes ces
connaissances avant l’exercice de compréhension orale afin que les étudiants partent sur
la même ligne de départ.

[Extrait d’un cours de FLE]

3. En aidant enfin l’apprenant à varier et à adapter ses façons d’écouter en fonction des
objectifs désirés. Il existe en effet quatre approches/manières d’écouter et on doit exploiter
chacune d’entre-elles au moment opportun :

MOOC ULiège « Moi, prof de FLE » © Module 3, Séquence 1, L’oral en classe (partie 1) 2
- une écoute sélective : apprendre à ne garder que ce qui est utile dans un document audio.
Dans une météo nationale et internationale, ne vérifier que la météo en Belgique, par
exemple ;
- une écoute globale : synthétiser une situation sociale en gros. Quand le fait a-t-il lieu ?
Qui sont les protagonistes ? Qu’est-ce qui s’est passé ? ;
- une écoute réactive : une écoute pour utiliser ensuite le document (une recette de
cuisine, un mode d’emploi pour une photocopieuse, etc.) ;
- une écoute de veille : une écoute sans réelle compréhension mais importante pour
l’acquisition de phonèmes et de la prosodie de la langue étudiée, ainsi que pour
l’identification de types de discours (météo, journal, horoscope, publicité, etc.).

Ajoutons que pour s’entraîner à écouter, on distingue deux catégories de situations d’écoute :

- l’écoute des médias, une écoute sélective ou globale. Et on peut travailler aussi le non-
verbal (la musique de fond, le nombre d’interlocuteurs) pour les plus faibles qui doivent
identifier d’abord globalement le document ;
- l’écoute interpersonnelle (cours, conférence, interviews, débats, etc.). Ici, les types
d’écoute et les objectifs doivent être en rapport avec la situation : une écoute globale
pour prendre des notes, sélective pour comprendre les informations sur un changement
d’horaire de cours, par exemple.

Ici, soulignons l’importance de bien choisir ou créer ses activités. Le choix se fait selon deux
critères :

- soit on choisit un document parce que l’auditeur doit se préparer à atteindre un objectif
communicationnel, parce qu’il en a besoin. Par exemple, une conversation entre un
employé administratif et un demandeur ou un réfugié, une interview d’embauche pour
préparer les apprenants à chercher du travail. Il y là un objectif communicationnel clair ;
- soit le document audio entraine les apprenants un type de compréhension orale
particulier : discriminer les noms d’une région dans un spot touristique, reconnaître les
chiffres dans un résultat de tirage du loto, etc.

[Extrait d’un cours de FLE]

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