Vous êtes sur la page 1sur 6

Chapitre 1 : Quels sont les sources et les défis de la croissance économique ?

- Comprendre le processus de croissance économique et les sources de la croissance : accumulation des facteurs et
accroissement de la productivité globale des facteurs ; comprendre le lien entre le progrès technique et
l’accroissement de la productivité globale des facteurs.
- Comprendre que le progrès technique est endogène et qu’il résulte en particulier de l’innovation.
- Comprendre comment les institutions (notamment les droits de propriété) influent sur la croissance en affectant
l’incitation à investir et innover ; savoir que l’innovation s’accompagne d'un processus de destruction créatrice.
- Comprendre comment le progrès technique peut engendrer des inégalités de revenus.
- Comprendre qu’une croissance économique soutenable se heurte à des limites écologiques (notamment
l’épuisement des ressources, la pollution et le réchauffement climatique) et que l’innovation peut aider à reculer ces
limites.

Introduction : la croissance économique et sa mesure.


Pour l’économiste François Perroux la croissance économique correspond à « l’augmentation soutenue
pendant une ou plusieurs périodes longues d’un indicateur de dimension, pour une nation, le produit global net en
termes réels ». La croissance est un phénomène quantitatif qui correspond à l’augmentation de la production de
biens et services sur le long terme. On la mesure en calculant la variation du PIB, c’est-à-dire la somme des valeurs
ajoutées sur une période, généralement sur une année.
L’accumulation d’une quantité toujours plus importante de valeur ajoutée chaque année est indissociable de
la logique capitaliste. Elle constitue l’objectif ultime des sociétés contemporaines malgré ses conséquences
écologiques et sociales.

I- Quelles sont les sources de la croissance économique ?


Jusqu’au milieu du XXème siècle, l’analyse économique classique considère que l’accumulation de facteurs
de production est suffisante pour garantir la croissance. Dans les années 1950, la théorie de la croissance exogène
complète l’analyse classique. Dans les années 1980, la théorie de la croissance endogène complétera la réflexion sur
les sources de la croissance économique.
A. L’accumulation des facteurs de production au cœur de la croissance extensive.
La croissance extensive est obtenue par une augmentation régulière des facteurs de production travail et
capital. Cette conception de la croissance se heurte à la loi des rendements décroissants et ne correspond pas aux
mesures économétriques.
a. L’accumulation de facteur travail source de croissance
Le facteur travail correspond à l’activité humaine productive, c’est-à-dire à la main d’œuvre. Plus le facteur
travail est abondant plus il est possible de le mobiliser pour produire. L’accumulation du facteur travail augmente
donc la production dans les mêmes proportions : deux fois plus d’hommes pour récolter deux fois plus vite par
exemple. Elle est source de croissance extensive.
La quantité de travail disponible dans une économie dépend de nombreux paramètres comme :
 la démographie : plus la population est nombreuse, plus il sera facile de produire en grande quantité,
comme le prouve l’exemple de la Chine. Comme l’écrivait Jean Bodin au XVIème siècle : « Il n’est de richesse que
d’hommes » ;
 la législation concernant la durée de travail et les congés : plus la durée du travail est élevées plus la
production le sera. C’est un des arguments du patronat français depuis les années 2000, il faut supprimer la durée
légale de 35h hebdomadaire en France ;
 l’âge de départ à la retraite : plus les travailleurs restent longtemps en activité, plus la production sera forte.
Actuellement, l’âge légal de départ à la retraite est de 62 ans.
 la durée des études : prolonger les études prive les entreprises d’un surplus de main d’œuvre.

b. L’accumulation de capital source de croissance


Le facteur capital qui correspond au capital fixe renvoie aux biens de production utilisés durablement pour
produire : machines, outils, locaux, terres. L’accumulation de ce facteur de production qui passe par l’investissement
soutient également la croissance extensive. Davantage de machines génèrent davantage de valeur ajoutée.
L’indicateur qui mesure l’investissement est la Formation Brute de Capital Fixe (FBCF) et on distingue différentes
formes d’investissements :
 les investissements matériels (machines, outils, locaux…) des investissements immatériels (logiciels,
brevets, fonds de commerce…) dont le poids augmente dans les économies développées.
 l’investissement privé réalisé par les entreprises et les ménages de l’investissement public réalisé par les
administrations publiques.
c. La fonction de production de Cobb-Douglas.
Dans l'analyse classique de la croissance économique, l’augmentation de la production résulte de la hausse
de la quantité de facteurs utilisée, travail et capital.
On peut schématiquement représenter la relation entre le capital et le travail par une fonction de
production, qui associe la quantité maximale produite à diverses quantités de travail et de capital utilisées, et qui
s’écrit, d’une manière générale, Q = f(K,L) et dans laquelle Q = Quantités produites, K = Capital, L = Travail. Il s'agit de
la fonction de production du mathématicien Cobb et de l’économiste Douglas. La fonction de production de Cobb-
Douglas date de 1928, et elle est sans doute la plus connue des fonctions de production malgré les critiques qui lui
seront adressées par la suite.

d. L’existence d’un résidu


Les travaux réalisés par les économistes ont cependant montré que l’accumulation de travail et de capital ne
permettait pas d’expliquer l’intégralité de la croissance économique. D’un point de vue économétrique, il manque un
élément à la fonction de Cobb-Douglas.
Dans les années 1950, Robert Solow a montré qu’il existait une part importante de la croissance qui restait
inexpliquée : un résidu. En effet, en augmentant la quantité de capital et de travail on obtenait un résultat plus que
proportionnel tel que 1+1 = 3. Il existe donc un résidu que Solow propose de nommer la Productivité Globale des
Facteurs. C’est-à-dire à l'augmentation de l’efficacité de la combinaison productive. Cet accroissement de la
productivité peut s'expliquer par le progrès technique.
Dans les faits, la PGF représente parfois plus de la moitié de la contribution à la croissance économique. Le
progrès technique est d’autant plus nécessaire que l’accumulation du capital par travailleur, qui accroît la
productivité du travail, se heurte à la loi des rendements décroissants lorsque le facteur travail est fixe, ce qui, en
première approximation, est le cas dans les pays ayant réalisé leur transition démographique depuis longtemps. Seul
le progrès technique permet de surmonter ces rendements décroissants du capital et d’assurer une croissance
durable de la productivité du travail.
Le progrès technique est donc au cœur de la croissance mais il est considéré par Solow comme « une manne
tombée du ciel », comme une variable extérieure, exogène. Le modèle de Solow est donc un modèle de croissance
exogène.

B. Le progrès technique source de croissance intensive


La croissance intensive est une augmentation du PIB obtenue par une meilleure utilisation des facteurs de
production. Elle repose principalement sur le progrès technique dont une explication a été proposée par Joseph Aloïs
Schumpeter.
a. La relation progrès technique – productivité – croissance
Le progrès technique améliore la productivité, c’est-à-dire l’efficacité de la combinaison productive. Lorsque
la productivité augmente il est alors possible de produire davantage de valeur ajoutée avec la même quantité de
facteurs. Le progrès technique est donc source de croissance intensive. Cette valeur ajoutée additionnelle alimente
directement le PIB et soutient donc la croissance. Ces gains de valeur ajoutée peuvent être utilisés de différentes
façons :
 ils peuvent être utilisés pour baisser les prix et par conséquent soutenir la compétitivité,
 pour augmenter les salaires et ainsi soutenir le pouvoir d’achat,
 ou encore être conservés par l’entreprise afin de réaliser des investissements.
Toutes ces utilisations soutiennent à leur tour l’activité économique et donc la croissance. Si le progrès technique est
à l’origine de la croissance, il faut se questionner sur son origine.

b. Le progrès technique résulte d'un ensemble d’innovations


Le progrès technique résulte d'un ensemble d’innovations c’est-à-dire les applications industrielles ou
commerciales d’une invention qui entraînent une transformation ou un bouleversement des moyens et méthodes de
production, de l’organisation du travail, des produits ou des marchés. L’économiste autrichien hétérodoxe Joseph
Aloïs Schumpeter (1883-1950) a établi une typologie des innovations.
 innovation de produit : nouveaux produits ou amélioration de produits. Exemple : nouveau smartphone.
 innovation de procédé : nouvelles méthodes de production ou de vente. Exemple : vente en ligne,
imprimante 3D.
 innovation organisationnelle : transformation de l’organisation du travail. Exemple : taylorisme, toyotisme.
 innovation de marché : exploitation de nouveaux débouchés. Exemple : conquête du marché chinois,
découverte des Amériques par les européens au 15ème siècle.
 innovation de matières premières : conquête de nouvelles matières premières. Exemple : terres rares en
Chine, gaz de schistes.
c. Le progrès technique au cœur de la destruction créatrice
Le progrès technique n’est pas continu. Schumpeter a montré qu’il intervenait par vagues d’innovations qu’il
nomme des « grappes d’innovations » ce qui explique l’instabilité de la croissance économique. Les innovations
majeures comme la machine à vapeur, l’électricité, la pétrochimie ou encore l’informatique étant à l’origine de cycles
économiques.
Il a aussi mis en évidence un processus de destruction créatrice par lequel les innovations technologiques
tendent à détruire d’anciennes activités devenues obsolètes. Ainsi, sous l’effet du progrès technique, de nouvelles
activités apparaissent et provoquent la disparition d’anciennes activités, « le neuf chasse l’ancien ». Par exemple la
locomotive à vapeur à mis fin aux diligences, l’informatique à la machine à écrire, la vidéo à la demande remplace les
vidéoclubs.

d. La théorie de la croissance endogène


Le progrès technique apparaît bien comme un moteur de la croissance économique et à partir des années
1980, plusieurs économistes (Robert Lucas, Paul Romer et Robert Barro) se sont attelés à expliquer son apparition.
Ils ont élaboré une théorie de la croissance endogène en montrant que le progrès technique était le fruit du
comportement des agents économiques. Il ne s’agit donc pas d’une variable exogène mais bien d’une variable
endogène qui prend sa source dans le fonctionnement même de l’économie. La théorie de la croissance endogène
fait de l’accumulation du capital sous toutes ses formes une source fondamentale de la croissance économique.
Tout d’abord, l’investissement productif privé correspond à l’accumulation du capital physique. Il favorise la
mise en œuvre de l’innovation technologique, modernise le stock de capital, ce qui en élève la productivité. Les
dépenses de recherche et développement (R&D) engagées pour innover, considérées comme de l’investissement
immatériel, contribuent aussi à accroître durablement le potentiel productif. En agissant à la fois sur l'offre et sur la
demande, l'investissement joue un rôle majeur dans la croissance économique. L'investissement fait augmenter la
demande globale dont il est l'une des composantes (C+I+X). Il accroît l'offre en permettant de produire plus
(investissement de capacité). Il améliore la compétitivité en augmentant la productivité (investissement de
productivité).
De plus, Selon Gary Becker et Theodore Schultz, l’accumulation de capital concerne également le capital
humain, c’est-à-dire l’ensemble des savoirs, savoir-faire et, au-delà, toutes les dispositions du travailleur qui lui
donnent une certaine efficacité dans la production. En accumulant du capital humain, une économie augmente la
capacité des travailleurs à créer une valeur ajoutée plus élevée et à innover. Les investissements en capital humain
génèrent des externalités positives qui alimentent la dynamique de croissance auto-entretenue (croissance
endogène).
Enfin, Pour Robert Barro, les investissements publics permettent également d’accroître et de moderniser le
capital public ; ils concernent les infrastructures de communication et de transport notamment, mais aussi les
investissements dans la recherche, l’éducation ou la santé. Cet auteur néo-classique en arrive donc à réhabiliter le
rôle de l’État dans la croissance.
L’accumulation de ces formes de capital génère le progrès technique qui alimente la croissance. Et qui
permet à son tour d’accumuler différentes formes de capital et ainsi de suite. Il s’agit donc d’un modèle de
croissance auto-entretenue ou endogène.

C. Les institutions soutiennent la croissance économique


Les travaux les plus récents en économie valorisent le rôle des institutions dans le processus de croissance. Ils
rejoignent ainsi les travaux des sociologues du début du XXème siècle.
a. Les institutions en économie
Douglas North définit les institutions comme « des contraintes établies par les hommes qui structurent les
interactions humaines ». Les institutions sont donc des normes, des règles qui encadrent les comportements des
agents économiques. Il distingue :
 des contraintes formelles comme les règles, les lois, les constitutions,
 des contraintes informelles comme des normes de comportement, des conventions, des codes de conduite
auto-imposés.
Les institutions favorisent la croissance économique puisqu’elles instaurent un cadre économique et
politique relativement stable. Ce qui réduit les incertitudes et par conséquent stimule l’investissement et
la recherche et le développement (R&D).
A l’opposé, certains environnements institutionnels sont défavorables à la croissance économique. Dans les
pays en guerre, instables politiquement, ou encore fortement gangrenés par la corruption, le cadre institutionnel
devient un frein au développement économique. C’est le cas aussi de pays où l’activité économique est monopolisée
par une minorité au pouvoir qui détourne les richesses à son profit et qui empêche l’existence d’un marché
concurrentiel.
Selon D. Rodrik et A. Subramanian, il faut mettre en place trois types d’institutions pour soutenir la
dynamique de croissance. Il s’agit :
• Des institutions de réglementation des marchés, qui s’occupent des effets externes, des économies d’échelle et
des informations imparfaites ; ce sont, par exemple, les organismes de réglementation des télécommunications, des
transports et des services financiers.
• Des institutions de stabilisation des marchés, qui garantissent une inflation faible, réduisent au minimum
l’instabilité macroéconomique et évitent les crises financières ; ce sont, par exemple, les banques centrales, les
régimes de change et les règles budgétaires.
• Des institutions de légitimation des marchés, qui fournissent une protection et une assurance sociales, organisent
la redistribution et gèrent les conflits ; ce sont, par exemple, les systèmes de retraite, les dispositifs d’assurance
chômage et autres fonds sociaux.

b. Les droits de propriété aux fondements de l’économie de marché


Les droits de propriété sont des institutions. Un droit de propriété est un droit qui confère à son détenteur la
possibilité d’exploiter son bien (usus), d’en tirer profit (fructus) ou de le céder à un autre agent (abusus). Par exemple
le propriétaire d’un bien immobilier peut l’habiter, le mettre en location ou le vendre.
L’économie de marché repose sur l’existence de droits de propriété puisqu’un marché n’est autre qu’un
système de transfert de droits de propriété entre vendeurs et acheteurs contre rémunération. La propriété privée
stimule la croissance économique puisqu’elle incite les agents à innover et à investir.

c. Les institutions incitent à investir et à innover : l’exemple des brevets


Un brevet ou brevet d’invention est un titre de propriété sur une invention qui assure à son propriétaire une
protection contre les imitations et lui réserve l’exclusivité.
Cette protection de l’invention limite donc les incertitudes et incite les agents à investir dans la recherche et
le développement (R&D). Tout particulièrement puisqu’elle leur garantit la possibilité de profiter d’un monopole
temporaire d’innovation qui leur procurera des rentes de monopole. Celles-ci permettront d’amortir le coût de la
recherche et de réaliser des profits.

d. Le rôle des valeurs dans la croissance économique : l’analyse de Max Weber (1864-1920).
La thèse sociologique classique de Max Weber, développée dans L'Ethique Protestante et l'Esprit du
Capitalisme (1905), apporte un éclairage complémentaire aux théories de la croissance. Selon lui, les valeurs, c'est-à-
dire les idéaux qui orientent le comportement des individus en société, expliquent la croissance. La religion
Protestante favorise par exemple l'accumulation capitaliste. En effet, les Protestants recherchent des preuves
matérielles de leur élection divine en se consacrant à leur travail considéré comme une vocation (Beruf). Ainsi, la
réussite matérielle qu'ils pensent être un signe d'élection divine entretient la croissance. Il existe des « affinités
électives » entre le capitalisme et le protestantisme.

II- Quels sont les défis de la croissance économique ?


La croissance économique est l’objectif recherché par les dirigeant(e)s des sociétés contemporaines.
Cependant, elle se heurte à des limites sociales et écologiques.
A. Le progrès technique engendre des inégalités de revenus
a. Le progrès technique provoque des mutations de l’emploi …
Le progrès technique permet de substituer progressivement du capital au travail. D’abord en remplaçant
des tâches simples par la mécanisation puis des tâches de plus en plus complexes grâce à l’informatisation et la
robotisation des chaînes de montage par exemple. Ce processus est particulièrement observable dans l’industrie
automobile depuis le début du XXè siècle. Cette substitution progressive du capital au travail a donc contribué
à modifier la structure des emplois : la part des emplois du bas de l’échelle, les moins qualifiés, diminuant
progressivement et celle des emplois du haut de l’échelle, les plus qualifiés, augmentant progressivement.
Dans certaines économies comme celle des États-Unis, on observe davantage une polarisation des emplois.
C’est-à-dire une déformation de la demande de travail à cause des nouvelles technologies et en particulier des
ordinateurs.
La modification de la structure des emplois se fait en faveur du haut et du bas de l’échelle, sur des emplois
non-routiniers et non automatisables.
Exemple : travaux publics, ingénierie informatique.
Et, par ailleurs, en défaveur du milieu de l’échelle où se situent les emplois routiniers, automatisables
Exemple : employé de bureau.
b. … qui conduisent à des inégalités de revenus.
D’une part, la main d’œuvre la moins qualifiée, comme l’ouvrier spécialisé industriel, peine de plus en plus à
trouver sa place sur le marché du travail. Elle est davantage exposée au risque de chômage, aux emplois précaires et
occupe des emplois à faible valeur ajoutée. Par conséquent, elle accède à de faibles revenus.
D’autre part, le progrès technique profite à la main d’œuvre qualifiée qui maîtrise les nouvelles technologies.
Comme les ingénieurs informaticiens, par exemple, qui accèdent davantage à des emplois stables, à forte valeur
ajoutée et ainsi à des niveaux de revenus élevés.
Le déclin de la part des ouvriers et des agriculteurs, parallèlement à l’accroissement de la part des cadres et
des professions intermédiaires depuis la seconde moitié du XXè siècle, illustre cet effet du progrès technique sur
l’emploi et les revenus.

B. La croissance économique se heurte à des limites écologiques.


a. Les limites écologiques de la croissance
Le régime d’accumulation capitaliste qui caractérise l’économie mondiale contemporaine n’est pas
soutenable, il se heurte à plusieurs limites écologiques.
Il provoque des externalités négatives : la pollution et notamment les gaz à effet de serre, qui sont
responsables du réchauffement climatique. Les conséquences sont nombreuses comme les phénomènes
météorologiques de haute intensité qui se multiplient (tempêtes, ouragans, cyclones). La disparition de la
biodiversité, les mauvaises récoltes, la désertification et la montée des eaux, qui provoquent la migration des
premiers réfugiés climatiques, sont aussi des conséquences de cette économie.
Il s’accompagne aussi d’une mauvaise gestion des biens communs : la surexploitation des ressources
naturelles conduit à leur épuisement (énergies fossiles, ressources halieutiques, déforestation). Parallèlement, la
dégradation des écosystèmes comme la disparition de la forêt primaire menace de nombreuses espèces et la
biodiversité (l’Orang-outan de Bornéo par exemple).

b. Qu’est-ce qu’une croissance soutenable ?


Le rapport Brundtland (1987) définit le développement durable ou soutenable comme étant un
« développement qui permet de répondre au besoins du présent sans compromettre les capacités des générations
futures de répondre aux leurs ». La croissance soutenable se veut donc garante d'une solidarité intergénérationnelle
et intragénérationnelle autour de la problématique des ressources. Cette croissance soutenable repose sur 3 piliers :
 pilier économique : créer des richesses et améliorer les conditions de vie matérielles,
 pilier écologique : préserver la biodiversité et les ressources naturelles,
 pilier social : satisfaire les besoins en santé, éducation, équité, habitat, emploi…
L’analyse économique du développement soutenable élargit la notion de capital productif et adopte une approche
patrimoniale dans laquelle sont pris en compte différents stocks de capital.
On peut ainsi opérer une distinction entre les capitaux naturel, physique, humain, et institutionnel.
 Le capital naturel regroupe les ressources diverses de la nature susceptibles d’engendrer un service
productif (richesses de la mer, du sol, du sous-sol...).
 Le capital physique est un bien produit dans le passé par l’homme et utilisé comme moyen de production
(bâtiment, machine, matériel…).
 Le capital humain peut aussi faire l’objet d’une accumulation par l’homme et regroupe les capacités
physiques, intellectuelles d’un individu ou d’un groupe d’individus ; il peut être accumulé par la formation,
initiale ou professionnelle.
 Le capital institutionnel est l’ensemble des cadres et contraintes humaines qui structurent les interactions
politiques, économiques et sociales. Appareil législatif, autres normes, formelles ou informelles, valeurs,
peuvent contribuer au bien-être des populations comme à la croissance économique.

C. L’innovation peut repousser les limites de la croissance


a. Quand l’innovation repousse les limites de la croissance : la thèse de la soutenabilité faible
Les économistes néoclassiques accordent une grande confiance au marché autorégulateur qui incite à
l’innovation et qui permet ainsi de repousser les limites de la croissance. Cette analyse rejoint la thèse de la
soutenabilité faible défendue par John Hartwick dès 1977.
La « courbe de Kuznets environnementale », en U inversé, est une représentation possible de cet espoir :
comme les inégalités sociales, les émissions polluantes augmenteraient dans un premier temps à mesure que le
revenu moyen s’accroît. Dans un second temps, les technologies nouvelles plus « propres » inverseraient la
tendance. Si on considère la courbe de Kuznets environnementale comme une représentation satisfaisante des
rapports entre croissance économique et environnement, alors, non seulement la croissance n’est pas contradictoire
avec la préservation de l’environnement, mais, correctement orientée, elle est une condition de cette préservation.
A titre d'exemple, une augmentation de la demande de pétrole provoque une hausse du prix du pétrole qui
incite certains consommateurs à se détourner de la consommation de carburant en se tournant vers d’autres modes
de transport plus écologiques. En réaction, les producteurs vont alors devoir innover pour développer des véhicules
moins énergivores en carburant et des véhicules électriques. Le progrès technique permet donc de poursuivre la
dynamique de croissance sans aggraver la pression sur les ressources naturelles.

b. Toutes les innovations repoussent-elles les limites de la croissance ?


À l’évidence, certaines innovations technologiques sont favorables au développement durable. C’est le cas
des innovations dans le secteur des énergies renouvelables (énergie solaire, éolienne, géothermique, hydraulique …),
dans les transports ou de toute innovation susceptible de réduire la pression sur les écosystèmes et les ressources
naturelles. Par exemple lorsqu'il s'agir de remplacer l’huile de palme dans certains produits alimentaires ou d'utiliser
d’autres gaz que les CFC (chlorofluorocarbones). Gaz que l'on retrouve dans les bombes aérosol et qui sont
responsables de trous dans la couche d’ozone.
Pourtant certaines innovations, supposées réduire l’empreinte environnementale, entraînent
paradoxalement une hausse de la consommation de produits polluants. C’est ce que l’on appelle « l’effet rebond »
(encore appelé paradoxe de Jevons). Par exemple, à la fin des années 1990, l’utilisation des messageries
électroniques a conduit à une augmentation de la quantité de papier consommée dans certaines entreprises car les
salariés imprimaient leurs e-mails. Plus récemment, les gains attendus du meilleur rendement des moteurs à
combustion ont été en partie annulés par la mode des SUV, plus lourds.
Les partisans de la « soutenabilité forte » considèrent que les atteintes au capital naturel sont, dans une
certaine mesure au moins, irréversibles : les dommages causés à l’environnement restent en partie irréparables et
certaines ressources épuisables sont irremplaçables. Le capital naturel doit faire l’objet d’une conservation
spécifique. Les facteurs de production ne sont pas tous substituables. Les innovations technologiques seules ne
peuvent repousser les limites de la croissance économique. Dans cette théorie, le progrès technique n'est pas
toujours considéré comme une solution à tous les problèmes environnementaux, c'est pourquoi un recours au
principe de précaution est fortement préconisé. Ce principe prévoit un usage prudent des innovations
technologiques en l'absence de certitudes scientifiques. Il n'interdit pas l'innovation et le progrès technique, mais en
pose un usage prudent et raisonné.

Conclusion :
L’accumulation de marchandises constitue l’objectif ultime des sociétés modernes capitalistes. L’obtention
de la croissance n’est plus un moyen pour garantir le bonheur ou le bien-être mais une fin en soi. L’absurdité de
cette logique d’accumulation sans fin est renforcée par ses effets destructeurs sur l’environnement ce que Kenneth
Boulding résume par la formule : « Pour croire qu’une croissance infinie dans un monde fini est possible, il faut être
soit un fou soit un économiste ».
Dès lors, l’alternative ne consisterait-elle pas dans une recherche de décroissance, comme le propose Serge
Latouche, pour se concentrer sur ce qui est réellement générateur de bien-être : « des liens, plutôt que des biens ».

Pour aller plus loin :

https://www.sciencespo.fr/department-economics/econofides/terminale-ses/text/01.html#chapitre-1-quels-sont-
les-sources-et-les-d%C3%A9fis-de-la-croissance-%C3%A9conomique

Vous aimerez peut-être aussi