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UNIVERSITE ABDELMALEK ESSAADI

Faculté des Sciences et Techniques

- Al Hoceima -

BIOCHIMIE ALIMENTAIRE (SATC5)


Cours

Préparé par
Pr. S. AARAB

Année Universitaire : 2022/2023


PLAN DU COURS DE BIOCHIMIE ALIMENTAIRE

Chapitre 1 : Caractéristiques physicochimiques des matières premières et des produits alimentaires


(Présentations orales)

 Laits et produits laitiers.


 Céréales et produits céréaliers.
 Viandes et produits de charcuterie ― Ovo-produits.
 Sucres et dérivés.

Chapitre 2 : Eau et Macroéléments dans les aliments : Propriétés fonctionnelles et organoleptiques

Chapitre 3 : Additifs alimentaires

Chapitre 4 : Altération des aliments

 Oxydation des matières grasses


 Brunissement enzymatique et non enzymatique












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BIOCHIMIE ALIMENTAIRE

Introduction
Le module de Biochimie Alimentaire concerne le domaine des industries alimentaires. Elle vise à montrer
comment les opérations technologiques sont utilisées dans les processus industriels de transformation, de
conservation et de conditionnement des denrées alimentaires en tenant compte des caractéristiques physiques,
chimiques et micro- biologique de celles-ci. Ce module se focalise sur l’étude de relations Structure-Fonction
qui sont importantes tant du point de vue nutritionnel que fonctionnel, afin d’expliquer les interactions entre
les différentes molécules qui entrent dans l’élaboration des aliments du consommateur. Il est bien évident que
cette discipline pourra être développée par un apport supplémentaire soit du côté technique par la description
des analyses et des contrôles de qualité des produits alimentaire, soit par l’approche réglementaire avec la
description des normes de qualité et les moyens utilisés pour mettre en évidence cette démarche.
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Eau et Macromolécules dans les aliments : Propriétés fonctionnelles

1. EAU DANS LES ALIMENTS


1.1. Importance de l’eau
L’eau (H2O) est le constituant majeur de la plupart des aliments. Bien qu’elle n’apporte aucune valeur
énergétique aux aliments, elle influence l’apparence (texture), la structure, le goût des denrées végétales et
animales et leur susceptibilité à la dégradation.

Figure 1 : Modèle de la molécule d’eau

La teneur en eau (exprimées en pourcentage de masse) des aliments est très variable. Sauf le sucre (100%
de glucides) et l’huile (100% de lipides), tous les aliments contiennent de l’eau, en plus ou moins grandes
quantités :
 90% dans le lait,
 80 à 90% dans les fruits et légumes frais,
 60 à 75% dans les viandes,
 10 à 20% dans les céréales.

La connaissance de la teneur en eau des produits alimentaires est souvent nécessaire pour :

 Nécessité technologique : pour une conduite rationnelle des opérations de récolte, de séchage, de
stockage ou de transformation industrielle.

 Nécessité contractuelle et/ou réglementaire : dans le cas où des contrats commerciaux et des textes
réglementaires fixent la teneur limite en eau de certains aliments (raisons d’hygiène ou respect des
transactions commerciales).

 Nécessité analytique : les résultats d’analyse des produits alimentaires sont souvent exprimés par
rapport à une base fixe (matière sèche ou teneur en eau standard).

1.2. Propriétés physiques de l'eau

1.2.1. Structure de l’eau


La structure de l’eau change selon son état physique ;

 A l’état de vapeur, la molécule d’eau est un monomère.


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 A l’état solide (glace), les molécules d’eau sont liées entre elles par des liaisons hydrogène, d’où la
formation d’un polymère de structure cristalline, c’est-à-dire que presque toutes les liaisons
hydrogènes possibles se trouveraient engagées.
 A l’état liquide, plus de 50% de molécules d’eau sont liées entre elles.

Figure 2 : Différentes dispositions des molécules d'eau dans ses différents états.

1.2.2. Teneur en eau


La teneur en eau (ou l’humidité absolue) d’un aliment est la quantité d’eau perdue par la substance lorsqu’on
l’amène en équilibre vrai avec une pression de vapeur nulle (Humidité relative égale à 0%). La quantité d’eau
perdue est constituée de l’eau fixée par des liaisons hydrogène. La teneur en eau s’exprime en masse d’eau
% rapportée :

 soit à la masse de matière sèche (ms) contenue  soit à la masse totale de la matière humide (mh)
dans l’échantillon : de l’échantillon :
S = (me/ms).100 = [(mh – ms)/ms]. 100 H = (me/mh).100 = [(mh – ms)/mh].100
Avec : me : masse d’eau ; ms : masse de matière sèche ; mh : masse humide.

1.3. Activité de l’eau

1.3.1. Etats de l’eau


L’état de l’eau a autant d’importance que sa teneur totale. Dans les tissus vivants (animal ou végétal), l’eau
est :
 De constitution : intégrée dans la structure d’aliment, et elle ne peut être enlevée sans créer de
dommages concernant la structure de l’aliment.
 Liée : retenue par les liaisons faibles, et demande généralement un traitement thermique pour être
éliminée.
 Libre : disponible pour jouer un rôle de vecteur ou d’agent chimique, et elle est facilement
évaporable.

Ainsi, ce qui importe dans le domaine d’agroalimentaire ce n’est pas la concentration de l’eau, mais sa
disponibilité exprimée par son activité (aw).

1.3.2. Activité de l’eau (Aw)


L’activité de l’eau (aw) indique la disponibilité de l’eau d’un produit pour des réactions chimiques,
biochimiques ou un développement de micro-organismes. L’activité de l’eau (aw) correspond au rapport
entre Pw (pression de la vapeur d’eau à la surface de l’aliment) et P’w (la pression de la vapeur d’eau pure),
à la même température (Figure 3).
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Pression partielle de l’eau dans l’aliment à θ°
aw =  aw = Pw/P’w ; avec P’w = 1.
Pression partielle de l’eau pure à θ°

Figure 3 : Modèle expliquant l’activité d’eau.

Par conséquent, l’activité de l’eau dans un aliment est une mesure relative par rapport à un état « standard »,
l’eau pure dont l’activité est fixée par convention à 1. Ainsi, la valeur de l’activité de l’eau varie entre 0
(produit sec au point que toute l’eau est liée à l’aliment, donc sans qualité réactive) et 1 (eau pure et sans
soluté).

L’humidité relative (HR) et l’activité de l’eau sont des grandeurs directement proportionnelles reliées par
l’équation suivante :

𝐇𝐑%
Aw = Pw/P’w ; HRe (%) = 100. Pw / P’w = 100. aw ; d’où 𝐀𝐰 =
𝟏𝟎𝟎

Exemple : Une humidité relative de 60% correspond à une activité de l’eau de 0.6.

1.4. Isotherme de sorption

1.4.1. Définition
Une isotherme de sorption est la courbe qui indique, à l’équilibre et à T déterminée, la teneur en eau d’un
aliment donné en fonction de l’activité de l’eau (aw) ou l’humidité relative de l’atmosphère qui l’entoure. Le
terme général de sorption désigne l’ensemble constitué de l’adsorption et la désorption. Ainsi, on distingue
deux types d’isothermes de sorption (Figure 4):

 Isotherme d’adsorption si elle a été déterminée expérimentalement en partant d’un produit sec.
 Isotherme de désorption si elle a été déterminée expérimentalement en partant d’un produit saturé en
eau.

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Figure 4 : Allure générale des isothermes de sorption


Remarque : L’isotherme de désorption ou d’adsorption devrait, en théorie, suivre le même tracé, mais les
données expérimentales montrent que ce n’est pas toujours le cas (Figure 4), car le séchage d’un produit
entraine des modifications de structure irréversibles. Cette non coïncidence des deux courbes appelée
hystérésis.
Les isothermes de sorption sont divisées en trois zones (Figure 5) suivant le mode de fixation de l'eau au
produit :

Figure 5: Différentes zones des isothermes de sorption

 Zone 1 (aw<0.3) : correspond à l’eau « fortement liée » ou de constitution. Elle est fixée par les
groupements polaires des aliments en jouant un rôle structural. Cette eau n’est pratiquement pas
disponible comme solvant ou réactif, et correspond à la première couche (monocouche) qui entoure
la matière sèche d’aliments.

 Zone 2 (0.7>aw>0.3) : correspond à l’eau « faiblement liée ». il s’agit de couches successives d’eau
fixée sur la première couche par l’intermédiaire de liaison hydrogène. Dans cette partie des isothermes,
l’eau présente des propriétés habituelles (solvant / réactif).

 Zone 3 (aw>0.7) : correspond à l’eau « libre » ou « eau liquide » qui n’est retenue à la surface du
substrat sec que par des forces capillaires. Cependant cette eau ne sort pas spontanément des tissus
animaux ou végétaux à moins que ceux-ci n’aient été endommagés physiquement ou modifiés par des
agents chimiques ou biochimiques. Cette eau est disponible tant comme solvant que réactif. C’est
uniquement sous cette forme que l’eau est utilisée par les microorganismes et peut permettre les
réactions enzymatiques.

1.4.2. Effet d'activité de l'eau sur la stabilité des aliments


L’activité d’eau mesure l’eau disponible ou « l’eau libre» par opposition à la teneur en eau totale qui incluse
l’eau liée. Ainsi, les isothermes de sorptions permettent la connaissance de la répartition et de l’intensité des
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liaisons de l’eau, ainsi que sa disponibilité fonctionnelle dans les aliments. En conséquence, les isothermes
permettent de deviner les possibles états d’aliment lors des traitements industriels ou l’entreposage, selon sa
valeur d’aw:

Figure 6 : Risques de détérioration des aliments en fonction de l’aw

On peut noter que la vitesse de détérioration n’est pas toujours proportionnelle à l’activité de l’eau. D’une
manière générale, une stabilité optimale est obtenue lorsque l’aw est située entre 0.1 et 0.3 (Figure 6). Ainsi,
on constate que la stabilité des denrées alimentaires est fortement affectée lors de traitements et entreposage
en agissant sur plusieurs niveaux :

 les réactions d’oxydation des lipides : Le rancissement est une des principales réactions de détérioration
des aliments à faible ou moyenne teneur en eau ; il s’observe même pour des activités d’eau comprises
entre 0 et 0.2 environ (Figure 6). L’oxydation des lipides constitue souvent le facteur limitant de la
conservation de certains aliments déshydratés ou à teneur moyenne en eau.

 le brunissement non enzymatique (Réaction de Maillard) : La vitesse de brunissement non


enzymatique augmente rapidement avec l’activité de l’eau et atteint un maximum à des activités comprise
entre 0.5 et 0.7 (Figure 6). Tout comme l’oxydation des lipides, le brunissement non enzymatique est
souvent le facteur limitant de la conservation des aliments à teneur moyenne en eau.

 Activité de l’eau et les activités microbiennes : La conservation des aliments riches en eau est plus
difficile car les microorganismes susceptibles d’altérer les aliments peuvent se développer dans les
produits dont le degré d’hydratation est supérieur de 12 à 14%. Dans un aliment, une activité de l’eau de
0.6 est une limite inférieure pour garantir une stabilité microbienne (Figure 6 ; Tableau 1). La valeur de
« aw » limite de croissance d’un microorganisme est différente (souvent inférieur) de la limite nécessaire
pour la production de sa toxine (Tableau 1).

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Tableau 1 Effet de l’aw sur la croissance et la formation de mycotoxines par quelques moisissures.
Aw minimum pour
Moisissure Toxines
Croissance Toxinogénèse
Aspergillus flavus Aflatoxine 0.78-0.80 0.83
Penicillium patulum Patuline 0.81 0.85
A. ochraceus Ochratoxine 0.77 0.85
A. ochraceus Acide pénicillique 0.76 0.81
Stachybotrys Stachybotryne 0.94 0.94

En résumé, pour pouvoir garantir des produits stables avec une qualité élevée en évitant tout risque de
contamination, les directives d'hygiène doivent être surveillées en permanence. La mesure de la valeur d’aw
fait partie prenante de ces directives internationales.

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2. PROPRIETES FONCTIONNELLES DES MACROMOLECULES


ALIMENTAIRES DANS LES ALIMENTS
Ce chapitre va porter sur l'étude de la composition des aliments donc de ses constituants et leurs interactions
avec leur environnement. Les constituants principaux (les protéines, les glucides et les lipides) de même que
leurs propriétés physico-chimiques et rôles en transformation alimentaire seront abordés dans cette section.

2.1. Protéines alimentaires


Les protéines occupent une place privilégiée tant pour leur valeur nutritionnelle que pour leurs propriétés
techno-fonctionnelles. Leur rôle biologique est purement constructif ; elles interviennent dans la construction
et la réparation cellulaire.

2.1.1. Structure
Les protéines sont composées d’acides aminés. Leur molécule est constituée d’atomes de carbone C,
d’hydrogène H, d’oxygène O et d’azote N. Cette molécule organique constitue la seule source d’azote de
l’organisme. On distingue :

 Les acides aminés : ce sont l’unité de base de toutes les protéines. Il en


existe une vingtaine. L’acide aminé porte deux groupements : amine et
carboxyle.
 Les dipeptides : ils sont composés de deux acides aminés liés par une liaison peptidique.
 Les polypeptides : ils sont constitués de quelques dizaines d’acides aminés.
 Les protéines : elles sont des chaînes allongées constituées de plusieurs centaines à plusieurs milliers
d’acides aminés. Elles sont soit sous forme :
- Des holoprotéines : chaînes constituées d’un enchainement d’acides aminés (albumines de l’œuf, du
lait, le gluten du blé, le collagène,…).
- Des hétéroprotéines : chaînes constituées d’acides aminés, auxquels s’ajoutent d’autres molécules non
protidiques (la caséine du lait, l’ovovitelline de l’œuf,…).

2.1.2. Propriétés techno-fonctionnelles

2.1.2.1. Propriétés d’hydratation


2.1.2.1.1. Rétention d’eau (absorption)
La quantité d'eau fixée va dépendre de la nature de la protéine et des conditions du milieu. Il y’a différents
facteurs qui affectent la propriété d’hydratation des protéines (pH, la température, la force ionique du milieu
et le temps de contact).

2.1.2.1.2. Viscosité
La viscosité c’est la résistance d'un fluide à l'écoulement uniforme, caractère de ce qui est visqueux ou épais.
Cette propriété dépend des paramètres suivants :

 Interactions « protéines / solvant » affectées par l’eau « libre ».


 Interactions « protéines / protéines » qui déterminent la taille des particules (notamment à forte
concentration).

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2.1.2.2. Propriétés de texturation

2.1.2.2.1. Gélification
La gélification c’est le phénomène par lequel un liquide organique se prend en une masse solide (gel). Pour
obtenir un gel, il faut avoir une dénaturation et un déplissement de la protéine. En industrie alimentaire, cette
propriété est exploitée dans la fabrication de plusieurs aliments (fromage, yaourt, le surimi,…).

2.1.2.3. Propriétés de surface

2.1.2.3.1. Propriété émulsifiante


L’émulsion c’est la dispersion de deux phases non miscibles : un liquide en globules microscopiques au sein
d'un autre liquide avec lequel il ne peut se mélanger. Une des phases est dispersante (continue), l’autre est
dispersée (discontinue). Une émulsion est instable. Les protéines sont parmi les facteurs qui favorisent la
stabilisation de ces émulsions, car elles présentent des propriétés de stabilisation qui les qualifient en tant
qu’agents émulsifiants.

2.1.2.3.2. Propriété moussante


Une mousse est une dispersion de bulles de gaz (azote, gaz carbonique, air) dans une phase continue
(renfermant des protéines) liquide ou solide, produite par agitation mécanique. Les mousses sont
généralement moins stables que les émulsions, car les bulles ont tendance à éclater spontanément sous l'action
de la trop forte tension superficielle de l'eau à moins d'ajouter un agent tensioactif qui diminuera la tension
superficielle air/eau. Ainsi, Les protéines peuvent participer à la stabilisation des mousses.

2.2. Glucides alimentaires


Les glucides sont des biomolécules produites par les végétaux (photosynthèse), et dégradées par les animaux
et aussi les végétaux. Elles ont essentiellement un rôle énergétique (formation d’ATP).

2.2.1. Structure
La formule générale des glucides s’écrit CnH2nOn ou Cn(H2O)n d’où le nom hydrate de carbone. Selon leur
constitution chimique, les glucides sont divisés en 3 groupes:

2.1.1.1. Glucides (oses) simples : Monosides


Les glucides simples, ou autrement appelés « glucides
rapides », sont des monosides qui renferment des groupes
carbonyles (aldéhyde en C1, ou cétone en C2). Certains
exemples qu’on peut citer :

 Les pentoses (5 carbones) comme le ribose et


l’arabinose.
 Les hexoses (6 carbones) tels que le glucose,
galactose et fructose.
 Les polyols : correspondent aux alditols et
cyclitos. Ils sont des dérivés des oses.

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2.1.1.2. Glucides composés : Diholosides et Oligosides


Les glucides composés résultent de l’association d’au moins de 2 molécules d’oses, différents ou non, par la
formation des liaisons osidiques réunissant ces oses.

2.1.1.3. Glucides complexes : Polyholosides


Ces glucides sont encore nommés « glucides lents » ou même « sucres lents ». Ils résultent de l’association de
plusieurs milliers de molécules d’oses. Ils sont sous forme de polymères de grande taille (polyholosides).
Certains sont digestibles tels que l’amidon, alors que certains sont indigestibles appelés les fibres ou glucides
« non assimilables ».

Tableau 2: Principales catégories des glucides alimentaires


Formule
Groupe Exemple Source
chimique
Fruits, miel, confiture, et aussi le
Glucose
nutriment issu de la digestion.
Oses ou glucides C6H12O6
Fructose Fruits, miel,
simples
Galactose Lait,
Ribose Acide ribo-nucléique (ARN) C5H10O5
Maltose (glucose-glucose) Malt (Orge germé).
Diholosides ou
Lactose (glucose-galactose) Lait
glucides C12H22O11
Saccharose = sucre de table
composés Betterave sucrière, canne à sucre.
(glucose-fructose)
Amidon Riz, pâtes, pain, céréales, féculents.
Polyholosides Fibres végétales, légumes, fruits,
Cellulose
ou glucides céréales. (C6H10O5)n
complexes Forme de stockage du glucose dans le
Glycogène
foie et le muscle.

2.2.2. Propriétés techno-fonctionnelles

2.2.1.1. Pouvoir sucrant


Chaque glucide a un goût qui lui est propre. Pour une évaluation, le saccharose a été retenu comme sucre de
référence. Le pouvoir sucrant d’une solution à 30 g/l de saccharose est arbitrairement noté comme égal à 1.
Le pouvoir sucrant des autres molécules est évalué par comparaison avec le saccharose. Pour obtenir la même
sensation que la solution de référence, il faut : 90 g/l de lactose, 0,15 g/l d’aspartame et 23 g/l de fructose.

Tableau 3 : Pouvoir sucrant de certains glucides, naturels et artificiels


Edulcorants Pouvoir sucrant
Saccharose 1
Fructose 1,3
Glucose 0,7
Lactose 0,33
Aspartame 200
Saccharine 400

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2.2.1.2. Pouvoir texturisant


Les propriétés les plus souvent recherchées en industrie alimentaire sont la viscosité et le pouvoir gélifiant,
qui reposent sur le comportement des molécules en solution aqueuse. Les glucides complexes et les polymères
sont utilisés comme agents technologiques en tant qu’épaississants et gélifiants dans des conditions bien
déterminées de température et d’acidité (amidon, agar).

De plus, le sucre arrive à diminuer le point de congélation (la crème glacée, les desserts surgelés et les aliments
séchés à froid) afin de faciliter le développement d’une bonne structure des cristaux et donner une apparence
lisse.

2.2.1.3. Propriétés attendrisseur


L’interaction entre le sucre et l’eau sert à contrôler le niveau d’humidité dans les produits de boulangerie.
L’affinité particulière du sucre pour l’eau permet de ralentir la perte d’humidité dans les gâteaux et les biscuits
pour éviter qu’ils ne sèchent et se gâtent, ce qui prolonge donc leur durée.

2.2.1.4. Fermentation
Le sucre est utilisé à grande échelle dans l’industrie des produits de boulangerie. Le sucre et d’autres glucides
sont les matières de base pendant l’étape de levage. Les levures se servent du sucre comme aliment pour
produire de l’éthanol, du dioxyde de carbone et de l’eau dans le processus de fermentation.

2.2.1.5. Pouvoir antimicrobien


Le sucre joue un rôle dans la conservation de nombreux aliments. En ajoutant du sucre aux confitures et gelées
par exemple, on évite la croissance de microbes. Grâce à son habilité à absorber l’eau, le sucre élimine
l’humidité favorable au développement des microorganismes. Par conséquent, ceux-ci deviennent déshydratés
et ne peuvent se multiplier ni endommager les aliments.

2.3. Lipides alimentaires


Les lipides représentent la 3ème catégorie des macromolécules alimentaires. Biologiquement, ces molécules
assurent plusieurs fonctions (rôle énergétique, constructif et physiologique). Ils sont divisés en 2 groupes ; des
lipides simples et des lipides complexes.

2.3.1. Structure
2.3.1.1. Lipides simples
Ces lipides sont des esters formés par la réaction entre un, deux, ou trois acides gras (chaîne carbonée terminée
par un groupement acide –COOH) et alcool avec élimination d’eau:

ALCOOL + ACIDE (Acide(s) Gras)  ESTER (Lipide) + EAU

Les stérides sont formés par l’association d’une molécule de stérol (le cholestérol) avec des acides gras. Alors
que les glycérides sont formés par l’association d’une molécule de glycérol (alcool) avec 1, 2, 3 acides gras.
En plus, les triglycérides représentent de 80 à 90 % des lipides.

 glycérol + 1 acide gras => monoglycéride + eau


 glycérol + 2 acides gras => diglycéride + eau
 glycérol + 3 acides gras => triglycéride + eau

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Figure 8 : Formule développée d’un acide gras (à gauche) et Structure d’un triglycéride (à droite)

 Composition des acides gras


Les acides gras diffèrent par :
 Le nombre de carbones (de 4 à 24 atomes de carbone). On parle d’acides gras à chaîne carbonée courte
et d’acides gras à chaîne carbonée longue.
 La nature des liaisons dans la chaîne carbonée (saturées ou non). Selon le nombre de liaison entre les
atomes de carbone et leur nature, on distingue :

Figure 9 : Types d’acides gras selon le nombre de doubles liaisons

 Les acides gras saturés (AGS) : Ils ont une chaîne carbonée qui ne comporte pas de liaison double.
Les liaisons entre les atomes de carbone sont simples. Source : on les trouve essentiellement dans les
corps gras d’origine animale et dans les huiles de palme et d’arachide.
 Les acides gras insaturés (AGMI) : La chaîne carbonée possède une double liaison. On les dit mono-
insaturés. Source : on les trouve essentiellement dans l’huile d’olive, de colza.
 Les acides gras essentiels (AGE) : La chaîne carbonée possède plusieurs liaisons doubles. Ils sont di-
ou polyinsaturés. Certains acides gras polyinsaturés sont «essentiels» car ils ne peuvent être fabriqués
par notre organisme et doivent être apportés par l’alimentation. Source : on les trouve essentiellement
dans l’huile de tournesol, de maïs, de pépins de raisin, de colza.

Exemples des acides gras :

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2.3.1.2. Lipides complexes


Les lipides complexes sont des lipides qui contiennent en plus du carbone, hydrogène et oxygène un ou
plusieurs hétéroatomes (azote, phosphore, soufre). Suivant la nature de l'hétéroatome, on distingue : les lipides
phosphorés, les lipides azotés et les lipides soufrés.

Alcool + Acides Gras + Autres Molécules  Lipide Complexe + Eau

2.3.2. Propriétés techno-fonctionnelles

2.3.2.1. Aération
Les produits tels que les gâteaux ou les mousses ont besoin de l’incorporation d’air dans le mélange pour
donner une texture bien montée. Ceci est habituellement obtenu en piégeant des bulles d’air dans un mélange
graisse-sucre pour former une mousse stable.

2.3.2.2. Enrobage
Une texture grumeleuse présente dans certaines pâtisseries et certains biscuits est obtenue en enrobant de
graisse les particules de farine pour les empêcher d’absorber de l’eau.

2.3.2.3. Friabilité
Les graisses aident à séparer les couches de gluten et d’amidon formées dans la pâte dans la fabrication des
pâtes feuilletées ou des biscuits. Les graisses fondent pendant la cuisson, laissant peu de poches d’air, tandis
que le liquide produit de la vapeur qui s’évapore et provoque la montée des couches.

2.3.2.4. Rétention de l’humidité


Les graisses aident à retenir le taux d’humidité d’un produit et donc à augmenter sa durée de conservation.

2.3.2.5. Glaçage
Les graisses donnent un aspect brillant à la nourriture, par exemple lorsqu’elles sont versées sur des légumes
chauds, et donne de l’éclat aux sauces.

2.3.2.6. Plasticité
Les graisses peuvent être traitées pour réarranger les acides gras et modifier leur point de fusion. Cette
technologie a été utilisée pour produire des pâtes à tartiner et des fromages qui s’étalent directement dès leur
sortie du réfrigérateur.

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3. SENS ET PROPRIETES ORGANOLEPTIQUES

3.1. Les sens et les qualités organoleptiques

Au-delà des ingrédients, il y a les caractéristiques du produit perçus par le consommateur. Les composants
alimentaires sont utilisés dans une vaste gamme d’applications, et leurs nombreuses propriétés fonctionnelles
sont contribuées à un produit final afin de le rendre plus agréable en améliorant plusieurs paramètres comme
sa texture et son goût en bouche, ainsi que son aspect. Ces paramètres représentent les qualités
organoleptiques d’un aliment. Ainsi, les propriétés organoleptiques des aliments sont la somme de ses
caractéristiques physiques et chimiques perçus par les organes de tous les sens (toucher, saveur, odorat, goût,
ouïe) et provoquant chez la personne des réactions émotionnelles d'intensité variable. Parmi les principales
propriétés organoleptiques, on peut citer les suivantes :

 La couleur, perçue par la vue;


 Le goût, perçu par le goût et le sens de l'odorat (arôme et saveur : sucré, amer, salé et acide);
 L'odeur, perçue par l'odorat;
 La texture, perçue par la vue, le toucher et l'ouïe (liquide, solide, croquant, juteux, tendre, onctueux).

Les propriétés organoleptiques d’un produit dépendent alors :

 De la composition du produit : relation entre le taux de collagène et la dureté des viandes


 Des lipides et de leurs produits de dégradation : flaveur des jambons secs (effet positif), rancissement
du beurre (effet négatif).
 Du pouvoir de rétention d’eau (aw) : viande plus ou moins juteuse.
 Des interactions entre la texture et la flaveur : une mayonnaise trop acide le devient moins si on la bat.

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ADDITIFS ALIMENTAIRES
Généralités

Les caractéristiques organoleptiques peuvent être résumées en trois propriétés générales qui sont évaluées par
le consommateur dans l’ordre chronologique suivant: l’apparence, la texture et le goût. Dans le but de
satisfaire le « client » et de créer chez lui une perception « favorable » vis-à-vis d’un produit alimentaire, on
ajoute des éléments ayant différentes fonctions technologiques, qu’on appelle les « additifs alimentaires ».

Les additifs alimentaires se définissent comme des substances qui sont intentionnellement ajoutées aux
denrées alimentaires commerciales, ou aliments « industriels », dans le but d'en améliorer la conservation, la
couleur, le goût ou l'aspect. Ils sont régulés par la législation européenne et identifiés par le code européen : "E", suivi
d'un nombre compris entre 100 et 1518 indiquant la catégorie principale (colorants, conservateurs, gélifiants, …).

En se basant sur l’origine, on distingue :

 Les additifs naturels : des extraits de substances végétales ou animales (par exemple des extraits
d'arbres, d'algues, de graines ou de fruits et légumes);
 Les additifs obtenus par modification chimique des produits naturels : ce sont des additifs que
l'on a modifié chimiquement dans le but d'en améliorer les propriétés;
 Les additifs de synthèse : servent de substituant aux additifs naturels et sont obtenus par synthèse
chimique lorsque l’extraction des substances naturelles est trop coûteuse. Cette catégorie regroupe les
additifs qui sont identiques aux naturels et ceux qui sont artificiels (obtenus par synthèse chimique
mais qu’il n’existe aucun homologue naturel qui puisse être employé).

Concernant les fonctions accomplies par ces additifs alimentaires, on peut les diviser en :

1. AGENTS DE CONSERVATION
L’utilisation de ces additifs alimentaires assure la stabilité de la qualité des aliments et la protection contre les
conditions environnementales comme la température, l'humidité et aussi l'exposition potentielle à des micro-
organismes.

1.1. Conservateurs (additifs E 200 et suivants)


Ce sont des anti-microbiens qui limitent la multiplication des bactéries et champignons. Cette catégorie
comporte à titre d’exemple : L’acide benzoïque et ses sels (E 210 à 213) et les composés soufrés tels que les
sulfites (E 221 à 228) sont utilisés comme antibactériens et antifongiques dans les denrées alimentaires telles
que les légumes conservés dans du vinaigre, les fruits séchés, les confitures et les assaisonnements. Les nitrates
et les nitrites (E 249 à 252) utilisés comme additifs dans les produits à base de viande, tels que les saucissons
et les jambons, afin de les protéger contre les bactéries responsables du botulisme (Clostridium botulinum).
Ainsi, cette catégorie d’additifs contribue de manière significative à la sécurité alimentaire.

1.2. Antioxygènes (additifs E 300 et suivants)


Les antioxygènes ou les antioxydants ralentissent l'oxydation des aliments en limitant l'action de l'oxygène
sur les produits. Par exemple l’effet d’un antioxydant sur des matières grasses les empêche de s’oxyder à l’air,
alors évite l'altération du goût ou formation de produits nocifs. La vitamine C (ou l’acide ascorbique, E 300)
en fait partie et peut être employée notamment pour la conservation des produits à base de pomme de terre,
des fromages et des jambons.

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1.3. Agents acidifiants (abaissant le pH de l'aliment)


Ce sont des acides organiques ou minéraux qui jouent un rôle très important dans la conservation des aliments ;
Par exemples: acide lactique (E270) dans les plats cuisinés, acide tartrique (E334) dans les conserves de fruits.

2. AGENTS SENSORIELS
Ces agents sensoriels sont des substances qui améliorent ou modifient la couleur ou le goût d’un aliment.

2.1. Colorants
C'est pour améliorer la présentation des aliments et les rendre plus appétissants que les entreprises
agroalimentaires y introduisent des colorants alimentaires, car le consommateur associe habituellement les
couleurs au goût des aliments.

2.2. Edulcorants
Un édulcorant est un additif ayant un goût sucré mais qui apporte peu ou aucune calorie. Ils sont utilisés pour
remplacer le sucre surtout dans des produits « light ». Étant donné que leur pouvoir sucrant est souvent plus
élevé que le sucre, de petites quantités suffisent pour obtenir une bonne saveur sucrée. Citons par exemple :
l’aspartame (E951), le sorbitol (E420) et sucralose (E955).

2.3. Arômes
Les arômes confèrent une odeur ou un goût particulier à un aliment. On distingue les arômes naturels,
d’origine végétale ou animale, des arômes synthétiques et artificiels. Les arômes synthétiques correspondent
aux arômes naturels mais sont de fabrication chimique. Les arômes artificiels sont composés de liaisons
chimiques qui n’existent pas à l’état naturel. Il faut signaler que les arômes n’ont pas de numéros E.

3. AGENTS DE TEXTURE
Ces agents sont des substances avec une affinité pour l’eau employés pour donner de la consistance et
maintenir ou modifier la texture d'un produit.

3.1. Epaississants
Les épaississants servent à ajouter de la tenue à des substances trop liquides (souvent des sauces) en diminuant
la mobilité de la phase aqueuse. Ces composés se gonflent dans l'eau et augmentent la viscosité ou la
consistance du produit. Ils sont très employés dans les charcuteries, les crèmes desserts, les glaces,
les confiseries et les pâtisseries. Les épaississants les plus employés sont : les gommes (E 413 à 418), les
farines de graine de caroube (E 410) et les extraits d'algues.

3.2. Gélifiants
Les gélifiants sont des substances qui permettent de donner aux aliments la consistance d'un gel. Ces agents
forment un réseau tridimensionnel qui maintiendra toutes les particules en suspension, évitant leur
agglomération et l’affaissement de la structure. Il peut s'agir d'extraits animaux (la gélatine) ou d'extraits
végétaux (amidons modifiés (E 14xx), pectine (E 440), agar-agar (E 406),…).

3.3. Emulsifiants
Les émulsifiants, ou émulsionnant, permettent de mélanger deux substances non miscibles. Ils stabilisent
l'émulsion, par exemple en empêchant les sauces de se séparer en deux phases (comme la vinaigrette).
Quelques applications des émulsifiants sont : les mono et di glycérides d’acides gras (E 471), la lécithine (E
322) et les polysorbates (E 432 à E 436) sont utilisés de façon courante dans la production des crèmes glacées,
les sorbets, les milk-shakes et les mousses glacées. Les (E 471) et (E 322) sont utilisés aussi dans la fabrication
de la margarine pour obtenir une dispersion fine et stable des gouttelettes d’eau dans la phase huileuse
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4. ADDITIFS ALIMENTAIRES ET REGLEMENTATIONS


Aujourd'hui, on compte plus de 600 additifs autorisés en Europe et la liste est réévaluée régulièrement. Les
additifs font l'objet de règles sévères avant d’être listés ; ils doivent répondre à des critères rigoureux et sont
régulièrement contrôlés ; l’additif alimentaire doit répondre à un besoin technologique clairement identifié, et
il ne doit présenter aucun danger pour la santé. De plus, ils sont soumis à des réglementations européennes
strictes qui exigent que tous les additifs ajoutés soient mentionnés sur l’emballage du produit soit par leur
nom, soit par leur code européen (Exxx).

Or, certains additifs qui sont potentiellement dangereux pour la santé sont encore autorisés dans les
produits alimentaires et les pouvoirs publics ne peuvent se décider à interdire ces ingrédients
potentiellement dangereux dans les aliments. Alors, c’est au consommateur d'agir et de surveiller ce qui il
consomme. Parmi ces additifs à « boycotter » à cause de leur effet dangereux sur la santé, on trouve :

 Le buthylhydroxyanisol (BHA) et le butylhydroxytoluène (E 320 et E 321) : Potentiellement


cancérigènes, ces substances sont des antioxydants utilisés pour améliorer la conservation des produits.
Leur présence a été détectée dans de nombreux plats transformés, notamment riches en matières
grasses, et dans des chewing-gums.
 Le ferrocyanure (E 535) : Présent dans les sels fins de table, il sert à éviter l'agglutination des grains
entre eux. Il peut provoquer des allergies.
 Les parabens (E 214 à E 219) : Ces conservateurs sont suspectés être des perturbateurs endocriniens
(système hormonal), voire des produits cancérogènes. Ils sont utilisés en cosmétique mais aussi dans
l'alimentation, notamment dans des viandes transformées, charcuteries, pâtes en gelée, pâtes à tarte,
biscuits et certaines confiseries.
 Acide benzoïque (E 210 à E 213) : Ce conservateur de synthèse favorise les allergies, les crises
d'asthme et l'urticaire chez certaines personnes sensibilisées. On le trouve dans de multiples aliments
et boissons : sodas, limonades, soupes, ...
 Les colorants (E 1…): Certains de ces colorants sont déjà interdits dans certains pays (mais pas dans
la CE) car ils provoquent des allergies, favorisent l'agitation des enfants hyperactifs et pourraient être
cancérigènes. On les trouve dans de nombreux bonbons, mais aussi dans les flans, gâteaux et pâtisseries
aux fruits rouges.
 Les huiles hydrogénées ou acides gras Trans : Il suffit d'injecter de l'hydrogène (réaction
d'hydrogénation), et l'huile de palme ou de maïs se solidifie, rendant plus croustillants les produits
(chips, biscuits…). Et pour la santé, cela signifie encore un peu plus d'acides gras saturés, dont les
effets sont négatifs sur le système cardiovasculaire. Quant aux cancers, notamment de la prostate et du
sein, le risque augmente. Les acides gras Trans ont été interdits en Finlande et à New York.

Cette liste des additifs indésirables et dangereux n'est bien sûr pas exhaustive… Afin de les éviter, il est
recommandé de lire les étiquettes avant d'acheter.

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ALTERATION DES ALIMENTS


Introduction
Les réactions de dégradation des aliments sont généralement indésirables dans la mesure où elles aboutissent
à l'altération de l'aliment en modifiant ses caractéristiques organoleptiques et nutritionnelles. Les principales
réactions chimiques de dégradation des aliments sont le brunissement enzymatique, le brunissement non-
enzymatique, l'hydrolyse enzymatique des constituants des aliments et l'oxydation des lipides.

1. REACTIONS D’OXYDATION DES LIPIDES


Les principaux facteurs déterminant la durée de vie des lipides sont les réactions d’oxydation dont les substrats
sont principalement les acides gras insaturés. Les acides gras saturés ne s’oxydent qu’à une température
supérieure à 60°C, tandis que les acides polyinsaturés s’oxydent même lors de l’entreposage des aliments à
l’état congelé. Les principaux problèmes posés par l'oxydation des lipides résident dans la dégradation des
propriétés biochimiques, organoleptiques (formation de composés volatils d’odeur désagréable :
rancissement) et nutritionnelles (par interaction des produits d'oxydation avec les acides aminés) de l’aliment.
L'oxydation des lipides conduit également à la formation des peroxydes qui sont des molécules cancérigènes.
Il existe trois types de dégradation des lipides par oxydation (En fonction des agents initiateurs):

1.1. Auto-oxydation
L’oxydation des lipides (ou rancissement) accélérée par la température, les ions métalliques et les radicaux
libres, est une réaction auto-catalytique entre les lipides insaturés et l'oxygène moléculaire. Il s’agit d’un
enchaînement de réactions radicalaires se déroulant en trois étapes :

1.1.1. Initiation
En présence d’un initiateur (In), les lipides insaturés (RH) perdent un proton (H°) pour former un radical libre
de lipide (R°). L’arrachement du proton est facilité tant par la chaleur que par les rayonnements ou les
catalyseurs (métaux tels que Cu, Fe, Co, Mn, Ni…).

(In)
RH R° + H°
1.1.2. Propagation
Les radicaux libres formés (R°) fixent l’oxygène moléculaire et forment des radicaux libres peroxydes
instables (ROO°) qui peuvent réagir avec une nouvelle molécule d’acide gras (RH) pour former des
hydroperoxydes (ROOH).

R° + O2 ROO°
ROO° + RH ROOH + R°

1.1.3. Terminaison
Les radicaux formés réagissent entre eux et se combinent pour former des composés non radicalaires.

R° + R° R-R
ROO° + ROO° ROOR + O2
R° + ROO° ROOR

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De plus, les hydroperoxydes (ROOH) et les peroxydes (ROOR) formés sont instables. Ils vont donc rentrer
dans une série de réactions complexes qui vont aboutir à un mélange de composés ayant des poids moléculaires
variables (alcools, acides, aldéhydes, cétones, etc...). Ces produits sont responsables des modifications
d'odeurs, de saveur, de couleur et de texture. A ce stade, le goût de la matière grasse est altéré et on parle de
rancissement.

1.2. Photo-oxydation
La photo-oxydation initiée par la présence de lumière est une voie importante de production d’hydroperoxydes
en présence d’oxygène, d’énergie lumineuse et de photosensibilisateurs (tels que les hémoprotéines, la
chlorophylle ou la riboflavine) qui agissent comme des radicaux libres. En effet, les photosensibilisateurs
(PhSens) absorbent l’énergie lumineuse et passent à l’état triplet excité (PhSens3).

Selon le type de ces photosensibilisateurs, il y’a deux modèles de mécanismes :

1.2.1. Photosensibilisateurs de type I


Les photosensibilisateurs de type I (telle que la riboflavine = la vitamine B2) agissent comme des radicaux
libres initiateurs. Dans leur état triplet, elles arrachent un atome d’hydrogène ou un électron aux molécules
lipidiques pour former un radical capable de réagir avec l’oxygène :

Ph Sens3 + RH PhSens H + R°

1.2.2. Photosensibilisateurs de type II


Selon le second mécanisme, les molécules photosensibles de type II (telles que la chlorophylle et l’érythrosine)
réagissent dans leur état excité (PhSens3) avec l’oxygène triplet auquel elles transfèrent leur énergie pour
donner de l’oxygène singulet (1O2) :

PhSens3 + 3O2 1O
2 + Sens

L’oxygène singulet ainsi formée est très électrophile et peut réagir directement sur un acide gras insaturé (RH)
formant ainsi un hydroperoxyde (ROOH) :
1O + RH ROOH
2

Par la suite et dans les deux cas, les réactions radicalaires interviennent en chaîne de l’auto-oxydation.

1.3. Oxydation enzymatique


Le phénomène d’oxydation des acides gras insaturés peut être d’origine enzymatique. L’oxydation
enzymatique se produit même à basse température. Durant le stockage à l’état congelé, cette activité
enzymatique est ralentie. A -40 °C, l'oxydation enzymatique des lipides est complètement arrêtée.

Les deux enzymes principalement impliquées sont la lipoxygénase et la cyclooxygénase.

 Lipoxygénase : catalyse l’insertion d’une molécule d’oxygène sur un acide gras insaturé et aboutit à la
formation d’hydroperoxydes.

 Cyclooxygénase : incorpore deux molécules d’oxygène au niveau d’un acide gras insaturé pour former
des hydroperoxydes spécifiques.

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1.4. Prévention de l'oxydation des lipides


Le contrôle d’oxydation est basé sur la maîtrise des facteurs intrinsèques et externes qui influencent
l’oxydation des lipides. Parmi les substances qui permettent de diminuer ou d’arrêter l’oxydation c’est
l'utilisation des antioxydants qui capturent les radicaux et le dioxygène (polyphénols, flavonoïdes, vitamine
E, vitamine C,...). Cette technique est souvent la méthode la plus courante en industries agroalimentaires pour
inhiber l'oxydation des lipides. Les antioxydants utilisées sont soit :
 Des agents de prévention : qui bloquent la phase d'initiation en réagissant avec les initiateurs de la
réaction (O2, lumière, métaux, ...) ;
 Des agents de terminaison (AH): qui bloquent la poursuite de la phase de propagation en réagissant
avec les radicaux libres et les transformant en composés stables (A°).

R° + AH RH + A°
RO° + AH ROH + A°
ROO° + AH ROOH + A°

Il existe d’autres procédés de protection contre l’oxydation qui consiste à mettre en œuvre des conditions
physiques en manipulant les facteurs suivants :

 Oxygène : le réduire dans le milieu ;


 Aw : doit être située dans l’intervalle (0,2 - 0,4) ;
 Lumière : utiliser des emballages opaques;
 Température : choisir des endroits de stockage frais.

2. BRUNISSEMENT ENZYMATIQUE ET NON ENZYMATIQUE


Le brunissement enzymatique et le brunissement non-enzymatique sont des réactions de dégradation
généralement indésirables dans le secteur d’agro-alimentaire. Or, le brunissement peut dans certains cas être
recherché lorsqu'il permet d'améliorer l'aspect et le goût des produits alimentaires comme dans le cas du café,
de la datte ou du sirop d'érable.

2.1. Brunissement enzymatique


2.1.1. Définition
Le brunissement enzymatique affecte la plupart des fruits et légumes suite à des blessures mécaniques au cours
de la récolte ou aux processus de transformation. Ce brunissement est dû à la formation de la mélanine (des
polymères colorés, bruns ou noirs). Il est une cause importante de la perte de la qualité, car le brunissement
enzymatique entraîne une modification de l'apparence, de la flaveur et aussi de la qualité nutritionnelle.

2.1.2. Mécanisme
Quand les cellules sont blessées, ou suite à tout dysfonctionnement cellulaire et en présence d'oxygène et sous
l’action des enzymes d'oxydation qui se trouvent dans le cytoplasme (la polyphénol-oxydase et la peroxydase),
les substrats phénoliques qui sont localisés dans la vacuole (la tyrosine, l'acide chlorogénique, …) s'oxydent
facilement en quinones qui se polymérisent à leur tour pour donner la mélanine responsable du brunissement.
Ainsi, Substrat + enzyme + O2 : sont les conditions indispensables de brunissement enzymatique, si l’un des
facteurs est absent la réaction n’aura pas lieu.

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2.2. Brunissement non enzymatique


Les composés sucrés lorsqu’ils sont chauffés vont pouvoir donner lieu aux différentes réactions de
brunissement :

2.2.1. Réaction de caramélisation


Cette réaction de coloration consiste à chauffer le saccharose au-delà de son point de fusion et en absence de
composés azotés. La réaction de caramélisation est utilisée principalement pour la préparation du caramel en
utilisant des matières premières simples (sucres alimentaires et eau). Les produits formés au cours de la
réaction confèrent au caramel la couleur, l'arôme et le goût caractéristique du produit

La réaction de caramélisation peut être subdivisée en deux étapes principales :

a. Dégradation de sucres
La première étape correspondant aux réactions de dégradation de saccharose entraînant la formation des
intermédiaires phénoliques cycliques qui constituent la fraction volatile à l’origine de l’arôme caractéristique
du caramel.

b. Polymérisation des intermédiaires réactionnels


La seconde étape regroupe les réactions de condensation en aboutissant à la formation de produits bruns foncés
à l’origine de la couleur brune du caramel.

2.2.2. Réaction de Maillard


La réaction de Maillard est l'ensemble des interactions qui requièrent la présence simultanée de sucres et de
protéines, et qui peuvent avoir lieu plus fréquemment lors de l’exposition des aliments à des traitements
thermiques. Cette réaction a une importance énorme en chimie des aliments puisqu'elle est la responsable
principale de la production des odeurs, arômes et pigments caractéristiques de nombreux aliments (la croûte
du pain, le café, la viande,…).

On peut subdiviser la réaction de Maillard en trois étapes principales :

a. Réarrangements d’Amadori et de Heyns


La réaction de Maillard est initiée par une combinaison entre la forme ouverte d'un sucre réducteur (glucose,
ribose, fructose, xylose, ...) et un groupement aminé (acides aminés, peptide, protéine). Cette réaction de
condensation aboutit à la formation d'une glycosylamine (aldosylamine ou cétosylamine) qui est en équilibre
avec la forme de base de Schiff.

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Comme la base de Schiff est instable, elle va subir un réarrangement en produisant des dérivés stables ; Les
cétosamines (pour les aldoses selon le réarrangement d'Amadori) et les aldosamines (pour les cétoses
subissant le réarrangement de Heyns).

Les produits de réarrangements d’Amadori et de Heyns, bien que ne contribuant pas à la formation des
pigments et des flaveurs dans l'aliment, réduisent la disponibilité d'acides aminés essentiels dans les aliments.

b. Dégradation des produits de réarrangements d’Amadori et de Heyns


Cette étape consiste à la dégradation des produits des réarrangements d'Amadori ou de Heyns et formation de
composés hétérocycliques responsables des odeurs (les pyrazines, les furfurals, ...)

c. Polymérisation des intermédiaires réactionnels


Pendant cette étape, on assiste à une polymérisation d'intermédiaires réactionnels produits lors de la 2éme
étape et formation des polymères bruns appelés les mélanoïdines qui constituent les pigments bruns des
aliments. En plus de leur contribution à la couleur brune des aliments, ces réactions de polymérisation
participent au durcissement des aliments cuits et stockés.

2.3. Prévention des brunissements

2.3.1. Brunissement enzymatique


La technique de prévention du brunissement enzymatique diffère selon la nature d’aliment, et peut être réalisée
de trois façons :

2.3.1.1. Inhibition des enzymes polyphénoloxydases


Les polyphénoloxydases sont des métalloenzymes contenant environ 0,2% de cuivre qui joue le rôle de
coenzyme. Elles sont actives entre un pH de 5 à 7. Leur inhibition partielle ou totale des enzymes est réalisée
en procédant à :

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 un traitement thermique : une courte exposition à des températures de 70 à 90 °C (blanchiment,


pasteurisation, appertisation, …) ;
 une acidification du milieu : à une valeur proche de 3 par addition d’acide citrique ou de citron;
 l'utilisation des additifs : sont principalement des composés qui démobilisent les ions Cu2+ associées
au polyphénoloxydase.

2.3.1.2. Piégeage et réduction des quinones


D’autres réactifs peuvent également être utilisés pour inhiber le brunissement en réagissant avec les quinones
comme par exemple: l’acide ascorbique, la cystéine et les bisulfites. Ces composés réduisent les quinones en
phénols et retardent ainsi la réaction de brunissement.

2.3.1.3. Limitation de la disponibilité d’oxygène


Le brunissement enzymatique nécessite de l’oxygène. Ainsi la réduction du brunissement peut être obtenue
par le maintien des produits alimentaires en atmosphère dépourvue ou fortement appauvrie en oxygène en
utilisant des emballages étanches ou en immergeant les aliments.

2.3.2. Brunissement non enzymatique (Réaction de Maillard)


Dans certains cas, les réactions de Maillard sont recherchées pour donner à l'aliment la couleur et le goût
désiré; Pour y arriver, il est indispensable de pouvoir contrôler cette réaction. Ainsi, la connaissance des
facteurs influant la réaction de Maillard est essentielle pour l'accélérer ou la ralentir selon l'objectif recherché.

 Prévention de la réaction de Maillard


- Elimination des sucres réducteurs: Fermentation des sucres réducteurs donne des sucres non
réducteurs. De plus, l’entreposage à 20°C (14 jours) provoque une synthèse d’amidon au dépend de
sucres réducteurs (pomme de terre).
- Addition retardée des sucres réducteurs : L’ajout de sucres réducteurs doit se faire après le traitement
thermique de l’aliment.
- Utilisation des inhibiteurs : Les sulfites, par exemple, réagissent sur les composés carbonylés issus des
différentes étapes de la réaction de Maillard, en formant des sulfonates particulièrement stables.
- Action sur les facteurs physiques favorisant le brunissement: Travailler à des basses températures, à
des valeurs de Aw <0,5 et aussi des valeurs de pH proches de 1.

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Schéma général de réaction de Maillard

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