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REVUE GÉNÉRALE
MOTS CLÉS Résumé Les patients souffrant de Body Dysmorphic Disorder (BDD) sont préoccupés par un
Body Dysmorphic défaut léger ou inexistant de leur apparence, causant un stress significatif et interférant dans
Disorder ; leur vie sociale ou professionnelle. Malgré le fait que jusqu’à 15 % des patients consultant un
Dysmorphophobie ; chirurgien esthétique soient atteints de ce trouble, la conduite à tenir face à cette
Chirurgie esthétique ; pathologie reste peu connue. L’objectif de cet article était de réaliser une revue de la
Rhinoplastie littérature sur le Body Dysmorphic Disorder et la chirurgie esthétique. La formation des
professionnels de santé au diagnostic de cette pathologie est essentielle afin de permettre
une prise en charge psychiatrique adaptée, en considérant la haute prévalence du BDD en
consultation esthétique ainsi que le fait qu’une prise en charge chirurgicale améliore
rarement leur pathologie.
# 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Summary Patients suffering from body dysmorphic disorder (BDD) are preoccupied with an
KEYWORDS imagined or minor defect in appearance that causes significant distress and impairment in social
Body dysmorphic and occupational functioning. Despite a rate of up to 15% of BDD patients reported in cosmetic
disorder; surgery settings, there is no consensus on the best management for these patients. The main
Dysmorphophobia; purpose of this article was to conduct a literature review on BDD and cosmetic surgery. Properly
Cosmetic surgery; trained healthcare professionals in recognizing and diagnosing this pathology is essential for the
Rhinoplasty delivery of quality psychiatric care while taking into account the high prevalence of body
* Auteur correspondant.
Adresse e-mail : nathalie.kerfant@chu-brest.fr (N. Kerfant).
http://dx.doi.org/10.1016/j.anplas.2015.06.003
0294-1260/# 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Body Dysmorphic Disorder et chirurgie esthétique : une revue de la littérature 513
dysmorphic disorder patients in cosmetic surgery and the poor outcome of these patients
following cosmetic procedures.
# 2015 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Introduction Résultats
Des instruments de mesure du BDD peuvent également pourrait faire suggérer une efficacité de la chirurgie sur le
être utilisés en consultation. Tous les questionnaires requiè- BDD. Pourtant, 86 % des patients opérés conservent leur
rent la motivation et l’approbation du patient avant la diagnostic de BDD, la satisfaction postopératoire du patient
consultation. Le SCID-BDD MODULE, instrument d’évaluation n’étant pas synonyme de la rémission ou de la guérison du
standardisé du BDD, évalue le diagnostic et le ou les site(s) trouble. Les données de la littérature retrouvent les mêmes
corporel(s) de la préoccupation [37]. Le Body Dysmorphic taux de persistance diagnostique postopératoire (83 % et
Disorder Questionnaire (BDDQ) est un outil utilisé par les 92 %). De plus, 71 % des patients BDD opérés avaient un autre
médecins psychiatres comportant 34 items relatifs au diag- site de préoccupation contre aucun opéré dans le groupe non
nostic de BDD [9]. Une autre version légèrement modifiée BDD. L’apparition de nouveaux sites de préoccupation est
pour la dermatologie, le Body Dysmorphic Disorder Question- une caractéristique connue du BDD mais ce résultat suggère
naire—Dermatology Version est également utilisé [38]. Dans l’impact favorisant de la chirurgie esthétique dans l’appari-
ce questionnaire, les deux questions de dépistage sont [23] : tion d’un nouveau site de préoccupation.
Même si ces résultats mettent en valeur l’inefficacité de
avez-vous des inquiétudes à propos de certaines parties la chirurgie dans le traitement du BDD, ils peuvent expliquer
de votre corps que vous pensez particulièrement pourquoi une partie des chirurgiens plasticiens concèdent à
inesthétiques ? opérer les patients atteints de BDD, la satisfaction du patient
si oui, est-ce que ces inquiétudes vous préoccupent, étant, pour la plupart d’entre nous, le critère de jugement le
c’est-à-dire que vous y pensez beaucoup et souhaiteriez plus pertinent d’une intervention réussie.
y penser moins ? Sur 166 patients opérés d’une rhinoplastie esthétique,
Picavet et al. ont montré que les scores préopératoires de
Le BDDQ a montré une sensibilité de 100 % et une spécifi- BDD étaient inversement corrélés à la satisfaction et à la
cité de 89—93 % pour le diagnostic de BDD. Pour le clinicien qualité de vie du patient après la chirurgie [6]. Non seule-
non spécialiste et plus pressé, le Dysmorphic Concern Ques- ment la prévalence des symptômes de BDD était élevée dans
tionnaire (DCQ) comporte sept items et est un outil utile pour cette population mais la sévérité des symptômes de BDD
une première évaluation en consultation (Annexe 1) [39,40]. avait un effet négatif sur le résultat final en termes de
Comme il n’existe pas un critère unique permettant de satisfaction et de qualité de vie du patient et ce, quelle
porter le diagnostic de BDD, Jakubietz et al. [20] ont proposé que soit la sévérité de la déformation nasale.
un algorithme basé sur deux paramètres. Le premier est la A contrario, certains auteurs affirment que les formes
sévérité du défaut du point de vue du chirurgien. Le second légères à modérées de BDD pourraient être améliorées par la
est le comportement général du patient basé sur l’impres- chirurgie esthétique. Felix et al. ont analysé 116 patientes
sion du chirurgien et de son équipe, sur l’entretien et parfois opérées d’une rhinoplastie, parmi lesquelles 31 BDD de
sur des questionnaires. Il permet de dégager 3 groupes de forme légère à modérée ont été diagnostiqués en préopéra-
patients : toire par le Body Dysmorphic Disorder Examination (BDDE).
Les photos de ces 31 patientes étaient observées par des
les patients ne présentant pas de réel « défaut » et ayant chirurgiens non plasticiens. Selon les résultats, 14 patientes
un comportement inapproprié. Le diagnostic de BDD est présentant des défauts mineurs ou peu observables et 17 des
évident et le patient ne sera pas opéré ; défauts qualifiés de modérés mais observables. À noter que
les patients présentant un « défaut » réel et des attentes 20 % de leur échantillon initial présentait une forme sévère
raisonnables, ce sont de bons candidats à la chirurgie ; de BDD pour laquelle la chirurgie avait été contre-indiquée. À
enfin, les patients présentant un défaut « minime » et un un an postopératoire, 81 % des patientes opérées présentant
comportement inadapté et pour lesquels un second ren- une forme légère à modérée de BDD présentaient une rémis-
dez-vous sera nécessaire pour une nouvelle évaluation. sion complète des symptômes de BDD. Il y avait une diminu-
tion significative du temps passé devant le miroir dans les
deux groupes. L’étude ne retrouvait pas d’augmentation
Faut-il opérer les patients atteints de BDD ? des symptômes de BDD ni d’autres troubles psychiatriques
dans la population étudiée. D’autres résultats de la littéra-
Dans une étude réalisée sur les membres de l’ASAPS, seuls ture suggèrent également que la chirurgie esthétique pour-
30 % des chirurgiens plasticiens sont persuadés que le BDD est rait traiter efficacement certaines formes légères de BDD
toujours une contre-indication à la chirurgie esthétique [35]. [43—46].
Le Body Dysmorphic Disorder étant un trouble psychique Ces études attirent l’attention sur le fait qu’il existe
et non physique, la chirurgie ne peut guérir le patient [20]. probablement deux types de patients BDD totalement dif-
Bien qu’il n’existe aucun étude prospective sur les résultats férents qui doivent être évalués et traités de façon dif-
de la chirurgie chez les patients atteints de BDD, la très férente [43,47]. Elles insistent aussi sur la nécessité de
grande majorité des auteurs recommandent de ne pas opérer développer des instruments de mesure précis de la sévérité
les personnes atteintes de ce trouble [26,41]. des symptômes de BDD permettant au plasticien de prendre
Biraben-Gotzamanis et al. ont revu de façon rétrospective la décision d’opérer ou non un patient présentant une forme
24 patients (BDD et non BDD) présentant un défaut minime de mineure à modérée de BDD [44,48]. Les travaux des experts
l’apparence. Cinq ans après leur intervention de chirurgie psychiatres estiment que le point utile pour déterminer de la
esthétique, ils retrouvent une différence non significative du sévérité du BDD est l’estimation du critère B de la classifica-
taux de satisfaction entre les deux groupes BDD et non BDD tion DSM-V soit le temps quotidien passé à réaliser des
[42]. Le taux de satisfaction des patients BDD est de 4/5 des comportements répétitifs ou à avoir des répétitions menta-
patients, ce qui est supérieur aux données de la littérature et les [49].
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