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Le type de texte demeure assez claire et facile à repérer parce qu’il se définit en fonction de son
intention et de son type d’organisation. Mais, la notion de genre littéraire reste floue car chaque
époque définit sa notion de genre selon les attentes des lecteurs et les idéologies dominantes.
Un genre littéraire est donc un concept de type catégoriel qui permet de classer des productions
littéraires en prenant en compte des aspects de genre pictural, genre narratif ou genre
dramatique, de contenu (entre autres : roman d’aventure, journal intime, théâtre de boulevard,
etc.), ou encore (fantastique, tragique, comique notamment). Cependant, c’est la combinaison
d’un certain nombre de critères qui permet de déterminer des catégories secondaires, la liste des
genres n’étant en effet pas close. Le débat sur la constitution des genres littéraires existe
depuis Platon et surtout depuis l’ouvrage majeur en la matière d’Aristote : La Poétique . La
littérature peut se classer en genre, mais que sait-on de la notion de genre ? Et pourquoi classe-
t-on les œuvres selon les genres ?
Les genres jouent un rôle fondamental dans l’appréhension de la littérature et notamment dans
l’appréciation de la ‘’valeur littéraire’’. On distingue généralement cinq grands genres
littéraires : le genre narratif, le genre poétique, le genre théâtral, le genre argumentatif et le
genre épistolaire. Etymologiquement, le mot ‘’genre’’ est une réfection de l’ancien français
gendre (XIIème siècle) qui vient probablement de l’influence du verbe ‘’gendrer’’, issu du latin
‘’generare’’ (engendrer’’. Par ailleurs, comme son équivalent grec ‘’gignesthai, generare’’ et
tous les mots de cette famille se rattachent à une racine indo- européenne ‘’gen (e)- gne
signifiant ‘’engendrer’’ , ‘’naître’’. Et sémantiquement, le mot ‘’genre’’ a d’abord eu le sens
latin (genus) de « catégorie, type, espèce ». Puis, sous l’influence de la philosophie et sur le
modèle du grec, où genos est opposé à eidos, il a pris le sens de « groupe d’êtres ou d’objets
ayant des caractères communs » par opposition à pars et à species, ‘’espèce ‘’.
En général, inscrire une œuvre dans un genre est une façon de répondre à l’horizon
d’attente d’un public donné, pour reprendre la formule de Hans Robert Jauss. En effet, selon la
façon dont une œuvre est présentée (roman, autobiographie, comédie, drame…), le lecteur s’en
fait une représentation plus ou moins stéréotypée, qui peut toutefois être remise en question lors
de la lecture. Le genre est alors, avant tout, une convention qui donne un cadre au public et
fonctionne comme un modèle d’écriture pour les auteurs. Or, la notion de genre littéraire est
instable et soulève également plusieurs difficultés théoriques. Dans cette optique, la réflexion
sur ce problème a permis l’élaboration de nombreux modèles. Mais, la diversité des points de
vue adoptés rend tout accord difficile. En effet, les théories de genres oscillent entre un très
haut niveau de généralités et d’abstraction, dont la fameuse ‘’triade’’ de l’épique, du lyrique et
du dramatique est certainement l’illustration la plus célèbre et une prolifération anarchique en
genres, sous-genres, sous-sous-genres…Cependant, la multiplication des textes ‘’inclassables’’
a fait éclater les définitions génériques traditionnelles. Et d’une manière générale, le XXème
siècle reste celui d’une crise généralisée des genres et d’ailleurs, nombreux sont les écrivains
contemporains qui ont affirmé leur méfiance sinon leurs refus des genres, notamment Henri
MICHAUX :
(…) Les genres littéraires sont des ennemis qui ne vous ratent pas, si vous les avez ratés vous
au premier coup.[1]
J. Gracq ajoute :
En matière de critique littéraire, tous les mots qui commandent à des catégories sont des pièges.
Il en faut, il faut s’en servir, à condition de ne jamais prendre de simples outils-pour- saisir,
outils précaires, outils de hasard, pour des subdivisions originelles de la création ; que d’énergie
gaspillée à baliser les frontières du ‘’romantisme’’, à répartir les œuvres d’imagination entre les
fichiers du fantastique, du merveilleux, de l’étrange, etc. ! Les œuvres d’art, il est judicieux
d’avoir l’œil sur leurs fréquentations, mais de laisser quelque peu flotter leur état civil. [2]
• L’horizon d’attente
Le genre sert à modeler un horizon d’attente comme l’a mentionné le critique allemand Hans
Robert Jauss dans son ouvrage Pour une esthétique de la réception, 1978. Le genre nous fournit
donc des éléments de reconnaissance du sens de l’œuvre et nous oriente dans sa lecture et son
interprétation. En outre, le genre peut créer une valeur esthétique. Selon Jauss, il n’y a de valeur
esthétique que dans l’écart entre l’horizon d’attente d’une œuvre et la façon dont l’œuvre
bouleverse cet horizon d’attente. Le genre contribue donc à la nouveauté littéraire.
1. La narration
La narration est la relation en détail, écrite ou orale (d’un fait, d’un événement). Le texte narratif
a pour objectif principal de raconter une histoire au lecteur. Il suit en général un schéma appelé
schéma narratif et est constitué d’un certain nombre d’actants régis par un schéma actantiel.
Les temps de la narration sont l’imparfait, le passé simple et le présent de narration. Les actions
s’enchaînent aux côtés des dialogues et des descriptions pour faire avancer l’intrigue.
• Le dialogue
Dans un dialogue, le narrateur choisit de faire entendre les paroles des personnages, mot pour
mot ; c’est le cas du discours direct. Ce n’est plus lui qui parle mais les personnages. Il y a donc
un changement de situation d’énonciation. Ce changement permet d’expliquer en particulier le
passage, dans un récit littéraire, du passé simple (narration) au présent (dialogue). Il permet de
rendre compte également des variations éventuelles de registre de langue.
-Assurer une cohésion textuelle, faire une transition entre une description et l’enchaînement du
récit.
Types de dialogues
-Dialogue amoureux
-Dialogue d’affrontement
-Dialogue amical
-Dialogue didactique
-Dialogue dialectique
-Dialogue réaliste…
• La description
Le genre du texte
On caractérise le texte d’après sa forme générale. Dans chaque genre, il existe des sous-genres.
Le type de discours
Un même texte peut contenir différents types de discours : narratif, descriptif, explicatif,
argumentatif, injonctif. En rédaction, il est possible qu’on nous demande de combiner ces
différents types en nous indiquant aussi quel genre de texte nous devons produire.
Les tonalités
Le ton, la tonalité du texte (ou d’un passage) sont liés à l’effet produit sur le destinataire ou le
lecteur :
On peut apporter des nuances à ces grandes tonalités : ironique : qui se moque en disant le
contraire de ce qu’il pense satirique : qui se moque en caricaturant ce dont il parle. Émouvant,
triste, animé, violent, effrayant…
LE TEXTE NARRATIF
Contenu
1. Définition
2.Caractéristiques
4. Le schéma actantiel
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1. Définition
Un texte narratif (ou récit) est une histoire, réelle ou fictive, racontée par un narrateur à la
première ou troisième personne, selon qu’il est impliqué ou non dans l’histoire. Il se déroule
dans l’ordre de la narration. Il peut s’agir d’un récit d’aventures, d’un récit historique, d’un récit
merveilleux, etc. Le système d’énonciation utilisé est celui du récit par opposition au système
du discours : lettre, oral, texte argumentatif… Le texte narratif décrit une succession de faits
qui s’enchaînent. Il est caractérisé par des verbes d’action et de mouvement qui indiquent la
progression de l’histoire, à laquelle participent un ou des personnages. Le narrateur peut, aussi,
être un personnage de l’histoire qu’il raconte. La narration se déroule en un temps donné et en
un lieu donné. Les compléments circonstanciels de lieu et de temps sont donc souvent
employés pour définir le cadre spatio-temporel de l’action. Le temps des verbes suffit parfois à
suggérer la durée. Les genres littéraires qui utilisent la narration sont : le roman, la nouvelle et
le conte mais on peut le trouver dans des pièces de théâtre ou des poèmes. Le texte narratif
organise les événements selon un ordre temporel et logique avec un début et une fin ; il est
guidé per une ou plusieurs intentions de communication variables d’un texte à l’autre
(émouvoir, amuser, instruire…) et c’est ce qu’on appelle la visée ou l’objectif. Par ailleurs, pour
distinguer l’histoire de la narration, on peut dire que l’histoire rend compte de l’ordre
chronologique des événements et répond à la question : « qu’est ce qui est raconté ? ». Par
contre, la narration est l’acte de formulation écrite ou orale par lequel l’histoire est racontée ;
elle répond à la question : « comment est-ce raconté ? ». L’ordre narratif ne suit pas forcément
l’ordre de l’histoire.
• Caractéristiques
Le texte narratif a des caractéristiques qui le distinguent des autres types de textes. On cite
parmi ces caractéristiques :
• Le schéma narratif
Entre le début et la fin du récit, la situation des personnages évolue et se transforme. Une
succession des événements permet le passage de l’un à l’autre. En outre, l’élément essentiel
dans un texte narratif est l’intrigue. Dans un récit, l’intrigue signifie l’ensemble des événements
et des faits qui se déroulent et constituent finalement tout récit et forment le nœud même de
l’action. Un récit comporte en général cinq étapes :
La structure d’un récit peut être parfois souple. Par exemple, un récit peut commencer par
l’élément déclencheur et se termine par le dénouement. La situation finale est alors sous –
entendue.
• Le schéma actantiel
Déterminer les forces agissantes c’est répondre à la question : « qu’est ce qui permet à l’action
d’évoluer ? ». Les personnages, leurs désirs come leurs craintes, une intervention du hasard, un
obstacle matériel ou psychologique, la disparition d’un personnage ou d’un objet sont autant
des forces agissantes qui s’exercent sur un personnage. Les forces agissantes agissent et
interagissent, elles sont liées par des rapports qui déterminent le fonctionnement de l’histoire.
Il faut se poser les questions suivantes à propos de ce personnage qu’on appelle ‘’sujet’’ :
• Qui le pousse à agir ? (Destinateur), il peut s’agir d’un autre personnage, d’une force
intérieure (amour, jalousie, désir de vengeance…).
• Que cherche à obtenir le personnage ? (Objet de la quête). Ça peut être l’amour, l’argent,
la victoire…
• Qui va l’aider ? (Adjuvant). Ça peut être un autre personnage, son propre courage, sa
ruse…
• Qui va s’opposer à lui ? (Opposant).
• A qui la quête profite-t-elle ? (Bénéficiaire). Elle peut profiter au personnage lui-même
ou à un autre personnage.
L’auteur a une famille, des amis, des goûts… C’est un être réel qui construit, écrit le récit et
signe l’œuvre de son nom ou de son pseudonyme, car l’auteur peut choisir parfois un
pseudonyme comme VOLTAIRE pour François-Marie AROUET et Sthendal pour Henry
BEYLE.
Le narrateur est l’être inventé par l’auteur pour raconter l’histoire. Il est extérieur à l’histoire
dont il organise la narration à la troisième personne. Le narrateur peut sembler effacé mais il
n’en demeure pas moins présent car c’est lui qui décide du choix et de l’agencement des
séquences, fait ‘’vivre’’ les personnages. Il se manifeste parfois par des commentaires, des
opinions qui peuvent fort bien être différentes de celles de l’auteur.
Le personnage est l’être imaginaire qui vit et accomplit les actions de l’histoire. Il participe à
l’action en tant que héros ou comme personnage secondaire. C’est lui qu’il convient d’identifier
derrière la troisième personne (il, ils, elle, elles).
Dans un récit au passé, le passé simple est utilisé pour raconter les actions de premier plan qui
se succèdent et font avancer l’histoire. Par exemple : « Elle marcha, elle sauta puis elle tomba ».
L’imparfait est employé pour présenter l’arrière -plan de l’histoire, c’est-à-dire :
• Les descriptions, exemple : « Quelle était jolie la petite chèvre de Monsieur Seguin ! »
• Les actions répétées ou habituelles, exemple : « il les perdait toutes de la même façon ».
Tout récit peut être résumé en fonction d’un schéma narratif simple qui prend en compte la
succession logique des événements. Cependant, un récit peut être décomposé en une suite
d’épisodes qui se présentent comme autant de micro-récits et chaque épisode peut être résumé
en fonction du schéma narratif, leur enchainement constitue l’intrigue. Cette construction est
très fréquente dans les romans divisés en parties ; chaque partie fait passer d’un état initial à un
état final qui devient le point de départ de la partie suivante.
Le narrateur ne se contente pas de rapporter les événements ; il les organise en fonction d’une
logique propre. Le plus souvent, l’ordre chronologique de leur déroulement. Différents modes
de narration permettent au lecteur de prendre connaissance de l’histoire racontée :
Trois types de focalisation permettent au romancier d’organiser son récit en fonction du point
de vue qu’il choisit d’adopter.
Texte d’application
Jean Valjean, le héros des Misérables, recherché par la police, s’échappe caché dans un
cercueil, avec la complicité de Fauchelevent, un vieux jardinier.
Les allants et venants forts clairsemés du boulevard du Maine ôtaient leur chapeau au passage
d’un corbillard vieux modèle, orné de têtes de morts, de tibias et de larmes. Dans ce corbillard
il y avait un cercueil couvert d’un drap blanc sur lequel s’étalait une vaste croix noire, pareille
à une grande morte dont les bras pendent. Un carrosse drapé où l’on apercevait un prêtre en
surplis, et un enfant de chœur en calotte rouge, suivait. Deux croque-morts en uniforme gris à
parements noirs marchaient à droite et à gauche du corbillard. Derrière venait un vieil homme
en habits d’ouvriers, qui boitait.
Jean Valjean s’était arrangé pour vivre là- dedans, et il respirait à peu près. C’est une chose
étrange à quel point la sécurité de la conscience donne la sécurité du reste.
Toute la combinaison préméditée par Jean Valjean marchait, et marchait bien, depuis la veille.
Peu après que Fauchelevent eut achevé de clouer la planche de dessus, Jean Valjean s’était senti
emporté, puis rouler. A moins de secousses, il avait senti qu’on passait du pavé à la terre battue,
c’est-à-dire qu’on quittait les rues et qu’on arrivait aux boulevards. A un bruit sourd, il avait
deviné qu’on traversait le pont d’Austerlitz. Au premier temps d’arrêt, il avait compris qu’on
entrait dans le cimetière.
Victor HUGO, Les Misérables, 1862.
1. Le rythme du récit
Un énoncé oral ou écrit est une suite de mots qui résulte d’une énonciation, action pour
communiquer avec quelqu’un dans un lieu et à un moment précis. L’énonciation est l’acte
individuel par lequel est produit un énoncé. Et tout acte suppose la présence d’un émetteur
(énonciateur ou narrateur) qui s’adresse à un récepteur, à un moment et dans un lieu donnés.
Ces quatre éléments constituent les paramètres de la situation d’énonciation. Un texte peut être :
Textes d’application
1. Aumoment où cette scène commence, si la cousine Bette avait voulu se laisser habiller
à la mode ; si elle s’était, comme les Parisiennes, habituée à porter chaque nouvelle
mode, elle eût été présentable et acceptable ; mais elle gardait la roideur d’un bâton. Or,
sans grâces, la femme n’existe point à Paris. Ainsi, la chevelure noire, les beaux yeux
durs, la sécheresse du teint qui faisaient de la cousine Bette une figure du Giotto, et
desquels une vraie Parisienne eût tiré parti, sa mise étrange surtout, lui donnait une si
bizarre apparence, que parfois elle ressemblait aux singes habillés en femme, promenés
par les petits Savoyards.
• DAMIS
Votre Monsieur Tartuffe est bien heureux sans doute…
-MADAME PERNELLE
DAMIS
DORINE
MADAME PERNELLE
Question : identifier le locuteur et le (s) destinataire (s) de chacun des énoncés dans le texte.
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Bibliographie
Elle est un long poème d’envergure nationale qui raconte les exploits historiques ou mythiques
d’un héros ou d’un peuple. Cependant, les deux épopées les plus connues, les plus anciens
textes littéraires grecs relèvent d’une longue tradition orale, transmise par les aèdes, au moyen
d’une mémoire orale. L’épopée est faite du récit en vers (Aristote ne traite que de la poésie)
dans un « style soutenu » des exploits de héros (princes et dieux), notamment d’exploits
guerriers, et elle inclut l’intervention de puissances surnaturelles. Les définitions communes du
genre s’accordent sur ces critères, comme celle de Daniel Madelénat : « Long poème où le
merveilleux se mêle au vrai et dont le but est de célébrer un héros ou un grand fait », ou celle
de Michelle Aquien : « Long poème à la gloire d’un héros ou d’une nation, mêlant souvent le
surnaturel et le merveilleux au récit des exploits et des hauts faits. » En outre, on attribue
généralement à l’aède légendaire Homère les deux premières épopées grecques : l’Iliade et
l’Odyssée. Mais, même si l’origine de ces deux textes n’est pas certaine, ils furent pendant des
siècles un élément capital de la culture grecque. Et à l’époque classique, l’épopée, l’un des trois
genres poétiques, avec le drame et la poésie lyrique, que distinguaient les Grecs, est pourtant
concurrencée par la poésie dramatique. Au ive siècle, Aristote écrit une Poétique où il compare
les deux genres, donnant finalement la prééminence au genre dramatique, et où il en offre une
théorisation sommaire. L’Énéide de Virgile, quant à elle, est l’épopée latine la plus célèbre et
le récit du périple d’Énée, ancêtre mythique des romains fuyant Troie assiégée par les grecs.
L’Énéide remplit ainsi une fonction qu’elle partage avec beaucoup d’épopées, celle de donner
à un peuple des récits fondateurs. Cependant, l’épopée latine se distingue radicalement de
l’épopée de type homérique : il ne s’agit pas de récits constitués par une tradition mais de textes
élaborés par des auteurs connus.
Rappelons par ailleurs que Virgile est un poète qui a vécu à Rome au Ier siècle avant J.-C.,
siècle le plus brillant de l’histoire romaine malgré les troubles politiques. Il a écrit L’Enéide à
la demande de l’empereur Auguste, qui voulait asseoir son pouvoir en se dotant d’une
ascendance mythique et divine : celle du héros Énée. Avec L’Énéide, vaste poème de 12 chants,
inachevé, Virgile se présente en digne successeur d’Homère (genre de l’épopée) et
de L’Iliade (récit de la guerre de Troie). Énée, prince troyen vaincu lors de l’attaque de Troie
par Ulysse et ses guerriers, est chargé par les dieux de fonder une nouvelle ville : Rome.
« Alors survint l’âme du Thébain Tirésias, le sceptre d’or en main. Il me reconnut et me dit : «
Descendant de Zeus, fils de Laërte, Ulysse aux mille expédients, » pourquoi donc, malheureux,
quittant la lumière du soleil, es-tu venu voir les morts et la région sans joie ? Mais éloigne-toi
de la fosse, écarte la pointe de ton épée, que je boive du sang et te dise la vérité. » Il parlait
ainsi ; moi, je m’éloignai et remis au fourreau mon épée aux clous d’argent. Quand il eut bu le
sang noir, l’irréprochable devin m’adressa ces paroles : «C’est le retour doux comme le miel
que tu cherches, glorieux Ulysse ; mais un dieu te le rendra pénible ; car l’Ébranleur de la terre
ne te laissera point passer, je pense; il a conçu en son cœur de la rancune contre toi ; il t’en veut
d’avoir ôté la vue à son cher fils. Mais, malgré sa colère, vous pourriez encore, au prix
d’épreuves, arriver chez vous, si tu veux contenir ton cœur et celui de tes compagnons, dès
l’instant où tu approcheras ton vaisseau bien charpenté de l’île du Trident, après avoir échappé
à la mer violette, quand vous y trouverez au pacage les vaches et les robustes moutons d’Hélios,
qui voit tout et entend tout. Si tu ne leur fais aucun mal, si tu penses à votre retour, vous pourrez
encore, non sans souffrir, atteindre Ithaque ; mais si tu les endommages, alors je te prédis la
perte de ton vaisseau et de tes compagnons ; et toi, si tu échappes au trépas, tu rentreras tard,
en triste état, après avoir perdu tous tes compagnons, sur un vaisseau étranger ; tu trouveras en
ta maison de quoi te peiner ; des hommes arrogants, qui dévorent ton bien, en prétendant à ta
noble femme et lui offrant des présents de noces. »
Accueilli par les Phéaciens, Ulysse leur raconte son arrivée au royaume des morts, où il est
parvenu grâce aux conseils de Circé.
« Le vaisseau arrivait au bout de la terre, au cours profond de l’Océan. Là sont le pays et la ville
des Cimmériens, couverts de brumes et de nuées ; jamais le soleil, pendant qu’il brille, ne les
visite de ses rayons, ni quand il les retourne du ciel vers la terre ; une nuit maudite est étendue
sur ces misérables mortels. Arrivés là, nous échouons le vaisseau, nous débarquons les bêtes ;
et, suivant le cours de l’Océan, nous arrivons nous-mêmes au lieu que m’avait dit Circé.
Là, Périmède et Eurylochos maintinrent les victimes ; moi cependant, ayant tiré du long de ma
cuisse mon coutelas aigu, je creusai une fosse d’une coudée en long et en large ; tout autour je
versai des libations pour tous les morts : une première de lait mêlé de miel; une seconde de
doux vin; une troisième d’eau ; par-dessus, je répandis la blanche farine d’orge. J’adressai une
ardente prière aux têtes vaines des morts ; à mon retour en Ithaque je leur sacrifierais en ma
demeure une génisse stérile, ma plus belle, et je remplirais d’offrandes le bûcher. Pour Tirésias
seul, j’immolerais à part un bouc tout noir, le plus fort du troupeau. Quand j’eus imploré par
vœux el prières ces tribus de mort, je saisis les bêtes et leur coupai la gorge au-dessus de la
fosse, et le sang noir y coulait. Les âmes des morts se rassemblaient du fond de l’Erèbe ; jeunes
épousées, jeunes hommes, vieillards éprouvés par la vie, tendres vierges dont le cœur novice
n’avait pas connu d’autre douleur, et combien de guerriers blessés par les javelines armées de
bronze, victimes d’Arès, avec leurs armes ensanglantées ! Ils venaient en foule de toute part
autour de la fosse, élevant une prodigieuse clameur, et moi, la crainte blême me saisissait. Alors,
je pressai mes compagnons d’écorcher les bêtes, qui gisaient, égorgées par le bronze
impitoyable, de les rôtir, et de prier les dieux, le puissant Hadès et l’effroyable Perséphone.
Moi, ayant tiré du long de ma cuisse mon épée aiguë, je restais là et j’empêchais les morts, têtes
débiles, d’approcher du sang, avant que j’eusse interrogé Tirésias. »
Contenu
Introduction
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Introduction
Dès le XIe siècle, des poèmes, les chansons de geste, racontent les aventures de chevaliers
pendant des événements historiques remontant aux siècles antérieurs (‘’gesta’’, en latin, signifie
« action » ou « fait exceptionnel »). Mais c’est bien l’idéal de la société féodale qui est mis en
scène : respect absolu des engagements féodaux entre suzerain et vassal, morale chevaleresque,
qualités guerrières au service de la foi. Le chevalier obéit à un code d’honneur très exigeant :
méprisant la fatigue, la peur, le danger, il est irrémédiablement fidèle à son seigneur. Il vit pour
la guerre et il est fier de ses exploits guerriers. La femme n’a pas de place dans cet univers. En
effet, à compter du XIe siècle, époque animée d’une très grande ferveur religieuse, les seigneurs
féodaux entreprennent de grandes expéditions militaires en Terre sainte pour libérer le tombeau
du Christ des mains de l’envahisseur musulman. Ce sont les croisades. En même temps qu’elles
affermissent le régime féodal et consacrent le prestige de la classe aristocratique, les croisades
engendrent un idéal humain : celui du chevalier croisé (« qui prend la croix »), sans peur et sans
reproche. Le preux chevalier est un modèle de toutes les vertus : homme d’une générosité sans
limites, il se montre vaillant au combat, loyal à son seigneur, à sa patrie et à son Dieu. Le sens
de l’honneur lui importe autant que sa vie. La Chanson de Roland, quant à elle, a été
probablement écrite vers 1100 par un poète anonyme qui s’appellerait Turold. La Chanson de
Roland relate l’histoire de la bataille de Roncevaux et la mort de Roland sous le règne de
Charlemagne. C’est une histoire colportée essentiellement par les troubadours durant les XII et
XIIIe siècles. Charlemagne est le roi des Francs mort en 814 ; il est couronné empereur à Rome
par le pape Léon III en l’an 800. Ce fut un grand conquérant avec ses vastes guerres lointaines,
notamment contre les musulmans qui venaient d’envahir l’Espagne. Il est donc le représentant
glorieux de la lutte de la foi chrétienne contre les Sarrasins, nom donné à l’époque médiévale
aux peuples de confession musulmane.
La chanson de Roland reste donc un événement historique qui s’est déroulé trois siècles plus
tôt. Il s’agit du retour de l’armée de Charlemagne en 778, après avoir rasé la ville chrétienne de
Pampelune, et l’embuscade basque qui massacre l’arrière-garde de Charlemagne guidée par
Roland. Selon le chroniqueur Eginhard (770-840), les Francs furent massacrés jusqu’au dernier.
Si la bataille de Roncevaux est attestée par l’historiographie, il est à dire cependant qu’elle a
été tellement défigurée et l’ordre chronologique bouleversé au point d’attribuer à Charlemagne
la victoire de Poitiers, de faire de Roland son neveu. L’imagination y était beaucoup plus
présente que la réalité au point que ce fait historique devient légendaire.
La chanson de geste vient du mot latin ‘’ gesta’’ et signifie ‘’actions’’, ‘’haut fait’’ ou encore
‘’action d’éclat accomplie’’. Une geste est alors, au sens étymologique, un exploit célèbre ; et
chanson de geste est l’équivalent de chanson d’exploits. Ce genre littéraire est typiquement
médiéval. L’analyse psychologique y importe bien moins que l’exaltation nationale. C’est
l’histoire revue et corrigée par la légende et le merveilleux. Les récits aiment exagérer les faits
d’arme accomplis. Prouesses physiques, exploits extraordinaires, luttes merveilleuses et parfois
même affrontements téméraires contre des monstres et des forces maléfiques mettent en valeur
les chevaliers, symboles du bien. Les qualités du héros sont encore magnifiées lorsqu’elles sont
mises au service de Dieu, suzerain suprême. D’ailleurs, afin de mettre davantage en relief les
qualités exceptionnelles du héros épique, on l’oppose régulièrement à un antagoniste, félon et
traître – le félon suprême étant celui qui refuse de se soumettre à Dieu, plus grand des
souverains : le musulman, ou Sarrasin (ou Infidèle).
Les chansons de geste sont écrites en vers et sont divisées en strophes de longueur variable,
qu’on appelle laisses. Les vers ne riment pas : ils sont plutôt construits sur l’assonance, qui est
la répétition de la dernière voyelle accentuée du mot (par exemple : mal / face ; la première
laisse de la Chanson de Roland se termine avec les mots : magnes / Espaigne / altaigne /
remaigne / fraindre / muntaigne / aimet / recleimet / ateignet). Ces assonances contentent le
sens musical d’un public qui ne lit pas, mais entend déclamer le récit en même temps qu’elles
permettent au conteur de se rappeler le vers suivant.
Comme son nom l’indique, la chanson de geste est un poème narratif chanté par les trouvères,
poètes et compositeurs de langue d’oïl (langue du nord) au Moyen Âge, alors que la poésie
lyrique des troubadours était composée en langue d’oc (langue du sud). Les trouvères et les
troubadours sont des hommes professionnels qui relatent leurs histoires avec un
accompagnement musical.
• La chanson de Roland
La chanson de geste la plus ancienne est La chanson de Roland dans la version du manuscrit
d’Oxford qui date sans doute des alentours de 1098. Il s’agit d’un long poème épique en
octosyllabes. Et le style de ces poèmes est inspiré de la littérature épique de l’Antiquité (récits
de L’Iliade et L’Odyssée ou récits de combats).
D’un auteur inconnu, la chanson de Roland est une chanson de geste datant du XI siècle.
Composé de 4000 vers, ce poème raconte le massacre de l’arrière-garde de l’armée de
Charlemagne au col de Roncevaux, le 15 août 778 tout en se basant sur des faits historiques. La
chanson de geste relève de la littérature orale qui englobe tout l’héritage culturel qui se transmet
oralement d’une génération à l’autre comme les contes, les légendes, les récits folkloriques, les
chansons etc.
• La littérature orale
Si la littérature est définie comme « un usage de mots qui les rend porteurs d’un message dont
la forme et le fond intéressent tous les hommes » ou encore comme ‘’l’usage esthétique du
langage’’ elle n’est pas ainsi seulement restreinte de l’écrit ou de l’imprimé (le langage écrit),
mais elle inclut encore le langage oral.
La littérature orale n’a jamais pendant des siècles, suscité un quelconque intérêt pour les
chercheurs. Considéré comme marginale par les études littéraires, il a fallu attendre la fin du
XIXe siècle procèdent à la collecte pour que des ethnologues comme Paul Sébillot, Saintyves,
Van Gennep procèdent à la collecte des textes oraux éparpillés partout en France et en Europe
pour les étudier. En tant que patrimoine immatériel universel, les textes oraux sont considérés
actuellement avec autant d’intérêt que la littérature savante comme étant un champ privilégié
de manifestations langagières dans un contexte culturel et social. La marginalité de la littérature
orale résulte d’un excès et d’un manque : excès d’étrangeté et d’extranéité à la fois, mais
manque d’auteur (auteur anonyme), de trace matérielle écrite en langue savante, de stabilité, de
pérennité et d’élaboration. La littérature orale est une littérature qui fleurit par excellence dans
les sociétés sans écriture. Elle émane du peuple et exprime son imaginaire collectif. Mais en
Occident médiéval, l’oralité existe et correspond à un choix ; car l’écriture était cantonnée dans
un rôle technique. La tradition orale est une façon de préserver et de transmettre l’histoire, la
loi et la littérature de génération en génération dans les sociétés humaines (peuples, ethnies, etc)
qui n’ont pas de système d’écriture ou qui, dans certaines circonstances, choisissent ou sont
contraintes de ne pas l’utiliser.
Principalement de tradition orale, le conte, la légende, l’épopée et le mythe sont des récits
imaginaires qui recourent au merveilleux et au surnaturel.
La chanson de Roland raconte les guerres menées par Charlemagne en Espagne au XIIIe siècle
signé d’un certain Turold dont l’identité n’est pas sûre. La chanson de geste appartient donc au
registre épique qui raconte les exploits d’un héros dans un contexte guerrier. Elle s’inscrit dans
la tradition des épopées antiques comme l’Illiade et l’Odyssée. Le héros agit pour le bien de la
communauté et dans le respect du Dieu et du roi. Les scènes d’action suscitent l’admiration du
lecteur ou du locuteur ; elles suscitent encore le pathétisme par le principe d’amplification et de
l’exagération. Il s’agit d’une guerre sainte que Roland mène contre les Sarrasins d’où une lutte
contre le bien et le mal. La bravoure et l’orgueil de Roland l’ont mis en péril. L’épée signifie la
bravoure, l’olifant signifie l’aide qu’il n’a pas réclamé à temps dans cette lutte contre les
Sarrasins. Dans la chanson de geste, c’est l’aspect épique qui domine, mais ici il y a la présence
du tragique. Qu’est-ce que le tragique ? Le pathétisme ? Le champ lexical du tragique ?
• Type du texte
Le type du texte est narratif descriptif. Le narrateur raconte et décrit la mort du héros au présent
de l’indicatif pour rendre l’action vivace et immédiate.
• Champs lexicaux
Le champ lexical de la mort : s’évanouir, tomber à la renverse, sur l’herbe verte s’allonge, battre
sa coulpe (se confesser avant de mourir), expirer, emporter l’âme, implorer Dieu etc.
Eléments terrestres vs éléments célestes.
• La tonalité du texte
Chanson V
Contenu :
Introduction
• Le roman de chevalerie
• Devenir chevalier
• Les valeurs chevaleresques
• L’amour courtois ou la fin’amor
• Conclusion
*******************************
Introduction
Venu après les chansons de geste centrées sur Charlemagne et ses combats contre les Sarrasins,
le roman de chevalerie appartient à la littérature ‘’courtoise’’, ainsi appelée parce qu’elle
concerne les cours seigneuriales et royales. C’est une littérature qui a connu son apogée au
Moyen Âge, du XIIe au XVe siècle et qui relate les aventures de chevaliers célèbres, notamment
ceux de la Table Ronde : cycle arthurien en référence au roi Arthur. Le mot « roman » désigne
d’abord une langue (entre le latin populaire et l’ancien français), parlée par les soldats et les
marchands. Les gens instruits utilisent le latin classique pour communiquer. Par la suite, au
milieu du XIIème siècle, le mot « roman » désigne un texte écrit dans cette langue, plus
précisément un récit en vers. Les romans de chevalerie sont chantés et récités à haute voix dans
les cours et dans les assemblées (seuls les moines et quelques érudits savent lire, soit à peine 1
personne / 100). Les romans de chevalerie sont marqués par des événements, lieux,
personnages, objets merveilleux (c’est-à-dire qui possèdent des pouvoirs hors du commun, par
exemple, la Fontaine magique). Ils sont inspirés par des légendes celtiques et irlandaises : la
matière de Bretagne. Ces légendes ont été colportées dans toute l’Europe par les bardes gallois
ou armoricains. Les thèmes sont en général la quête ou la défense d’une valeur
morale (Honneur, Amour, Vaillance…). Le héros traverse des épreuves difficiles au cours
desquelles il révèle sa faiblesse mais aussi sa capacité à rebondir. Le chevalier doit montrer sa
prouesse, son courage, sa fidélité (à son seigneur), sa force, son sens de l’honneur, sa
générosité, son dévouement envers les plus faibles et envers sa dame…En revanche, ces récits
sont le reflet de la société du moyen-âge. Ils nous permettent aujourd’hui de comprendre les
coutumes, les lois, les manières de penser, d’aimer, de se battre, de croire en Dieu.
• Le roman de chevalerie
• Devenir chevalier
Les seigneurs se préparent très jeunes au métier des armes. Ils sont tout d’abord pages,
c’est-à-dire qu’ils aident le suzerain à s’habiller et font de légères tâches pour lui (messages,
courses, etc.). Ils sont ensuite valets, puis, écuyers- ils s’occupent alors des chevaux,
entretiennent les armes, portent les bagages, etc. Vers l’âge de quinze ans, ils sont enfin admis
au combat. C’est par la cérémonie de l’adoubement que l’écuyer devient chevalier. Le rituel,
assez complexe, commence la veille de la cérémonie : le futur chevalier doit prendre un bain,
jeûner et passer la nuit en prières. Après la messe et la communion du matin, on remet au jeune
homme ses armes défensives et offensives. On le frappe ensuite violement, soit de la main, soit
du plat d’une épée : c’est la colée, qui vise à éprouver le jeune chevalier et à montrer sa force.
Il est ensuite invité à prouver son habileté et sa puissance au jeu de la quintaine (jeu
d’entrainement médiéval à percuter avec sa lance tendue bouclier d’un mannequin). Enfin, le
nouveau chevalier doit prêter serment sur la Bible, promettre fidélité à son seigneur et
protection aux pauvres, à la suite de quoi on le fête en donnant un grand banquet en son honneur.
Le chevalier doit posséder diverses qualités. C’est un code moral, très strict qui lui sert de
valeurs de référence. Parmi ces qualités, il y a :
• La prouesse : le chevalier doit être preux, c’est-à-dire vaillant. Par le mot ‘’prouesse’’,
on désignait l’ensemble des qualités morales et physiques qui font la vaillance d’un
guerrier.
• La force physique : le chevalier doit être fort physiquement et psychologiquement. Il
doit être fort, agile, rapide et courageux. Il doit être surtout intrépide pour ne plus reculer
devant le danger. Il ne craint pas pour sa vie, puisqu’il la voue à protéger les faibles.
• La loyauté : le premier devoir du chevalier est de tenir parole comme le dicte l’honneur.
Il ne doit jamais rompre la foi qu’il a jurée, c’en est fait de sa réputation. Il faut savoir
que la chevalerie est une fraternité dont tous les membres s’entraident. D’ailleurs, il est
important que les chevaliers puissent se faire confiance, puisqu’ils vont combattre
ensemble : ils doivent être assurés que leurs camarades ne les laisseront pas tomber.
• La largesse : être généreux est qualité du chevalier modèle. Il s’agit du mépris du profit,
voire de la prodigalité. Un chevalier ne devait pas s’attacher aux richesses, mais les
distribuer autour de lui dans la joie. Le chevalier se rend au service des communautés.
Il tue les dragons, arrête les voleurs, défend la veuve et l’orphelin. Il est indispensable
à la société.
• La mesure : un chevalier modèle est celui qui sait réprimer les excès de sa colère, de
son envie, de sa haine, de sa cupidité. Il est capable de rester maître de lui-même dans
le feu de l’action. Point de vengeance ni de vindicte.
• La beauté : un chevalier doit être non seulement fort et courageux mais beau également.
Dans le monde courtois, la laideur est une tare, une faiblesse. Les chevaliers doivent
aussi avoir du charme et de l’esprit, être polis et bien élevés, être courtois. Chrétien de
Troyes insiste sur la présence des femmes dans ses œuvres, car celles-ci domestiquent
les chevaliers dans un monde d’hommes.
• La courtoisie : le chevalier est un courtois, un galant envers les dames mais tout en
observant les règles morales selon une éthique de l’honneur. En fait, ce qu’un chevalier
doit redouter, c’est la honte, plus encore que la mort.
• La foi en dieu : dans une société purement chrétienne, le chevalier est un pieu. Sa foi en
Dieu est inaltérable, car avant de devenir chevalier, il doit prêter serment sur la Bible.
On appelle roman courtois ce récit écrit en langue romane, d’abord en vers octosyllabiques
ensuite en prose pendant une période qui s’étend du XI e siècle jusqu’au XVIIe siècle.
(Cervantès a publié son chef-d’œuvre Hidalgo Don Quichotte de la Manche en 1605 qui parodie
las romans de chevalerie par la création d’un personnage mythique Don Quichotte.) Dans les
romans courtois, tous les exploits du chevalier ont pour but de plaire à son amante : il est
toujours partagé entre l’aventure et l’amour. Le merveilleux chrétien et le surnaturel occupent
une grande place dans le récit courtois. La nature et certains personnages y sont décrits en détail,
a vie matérielle y est présente aussi.
Pendant la deuxième moitié du XIIe siècle, les auteurs de romans courtois les plus renommés
sont : Béroul et Thomas d’Angleterre, les auteurs de Tristan et Iseult, Chrétien de Troyes,
l’auteur de Lancelot ou le chevalier à la charrette ou encore Yvain ou le chevalier au lion.
L’amour courtois est une expression forgée par le médiéviste français Gaston Paris (1839-1903)
d’après l’expression « la fin’amor », expression médiévale occitane. L’amour courtois est une
relation entre l’homme et la femme de bonne société, au Moyen Age. C’est un amour réservé
exclusivement aux nobles datant de l’époque médiévale, où un coup de foudre se produit entre
deux personnages de haut rang. L’homme finit par séduire une femme de qualité pour pouvoir
vivre l’un pour l’autre. Mais leur amour doit rester secret sous peine de très lourdes
conséquences et cet amour perdura tout au long de leur vie. L’amour courtois vient de corteisie
(cortezia), qui désigne les aspects intérieurs, modestie et contrôle de soi, équilibre entre le
sentiment et la raison, volonté de conformation aux idéaux reconnus d’un milieu.
L’amour courtois trouve son origine dans la littérature arabo-andalouse, notamment chez le
poète arabe du IXe siècle Ibn Dawoud, et surtout chez Ibn Hazm.
Textes d’application
Chrétien de Troyes a vécu au XIIème siècle, il a reçu la formation d’un clerc (homme d’église
ayant reçu la tonsure), il maîtrise le latin et est l’auteur de plusieurs romans du cycle arthurien
: Yvain ou le Chevalier au lion,Lancelot ou le chevalier de la charrette,Le Conte du graal (qui
raconte l’histoire de Perceval le Gallois). C’est un des premiers romans, au sens moderne du
mot : récit mêlant aventures et amour, retraçant l’histoire d’un individu qui parcourt le monde
et apprend à se connaître lui-même. Yvain connaît tous les sentiments des hommes : le désir
d’aventure, le désir de vengeance, l’amour, la peur, le mépris de lui-même, la fierté. Les
personnages sont nombreux : ils représentent des vertus comme l’amour, la fidélité, la ténacité,
la générosité (Laudine, Lunete, l’ermite…) ou des vices (le comte Allier). Les lieux ont une
fonction dans le récit et une signification :
• Les châteaux mettent en valeur les relations sociales (code de l’honneur, lignage).
• La forêt est un lieu de rencontres particulières (le Rustre, l’ermite) et d’épreuves (la
folie).
• La cour du Roi Arthur montre la vie des chevaliers et l’organisation féodale.
Les animaux sont des symboles : un symbole est la représentation d’une idée ou d’un sentiment
par une image concrète (objet ou animal). Dans le roman, le serpent symbolise le mal, le lion
est le symbole de la force et du courage, de la générosité. C’est aussi le symbole du bien. Le
géant est le symbole du mal. Mais c’est aussi le symbole de la sauvagerie et de l’animalité qui
existent en chaque être humain.
Le héros : Yvain est le héros du roman car c’est un combattant accompli : il maîtrise l’équitation
et le maniement des armes et il possède les qualités physiques et morales qu’un chevalier doit
avoir : force, vaillance, courage, endurance, loyauté. On dit qu’il est preux. Les combats lui
permettent de faire la preuve de ces qualités en accomplissant des prouesses. Il mène une quête
initiatique, c’est-à-dire qu’elle lui permet de s’initier au monde, de mûrir et de mieux se
connaître lui-même.
• La présence du merveilleux ;
• la recherche de l’aventure ;
• la présence de combats extraordinaires pour exalter des vertus héroïques ;
• la présence d’une femme exceptionnelle et du sentiment amoureux courtois.
« – Mais toi à ton tour, dis- moi donc quelle espèce d’homme tu es et ce que tu cherches.
– Je suis, comme tu vois, un chevalier qui cherche sans pouvoir trouver ; ma quête a été longue
et elle est restée vaine.
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BIBLIOGRAPHIE
Contenu :
Introduction
• L e fabliau : définition
• Naissance du fabliau
• Fonctions du fabliau
• Thématique du fabliau
Conclusion
*******************************
Introduction
Durant le Moyen Âge tardif (XIVe – XVe siècle), un genre spécifique de la littérature française
médiévale voit sa naissance dans les provinces du nord – (Picardie, Artois et Flandre) : il
s’appelle le fabliau, petit récit simple mais amusant. Le spécialiste de la littérature médiévale
Joseph Bédier (1864-1938) dit qu’une partie des sujets des fabliaux appartient au patrimoine de
tous les pays, de tous les peuples et de toutes les époques (Inde, Grèce…), mais la plus grande
quantité de ces fabliaux est née en France et s’adresse au public bourgeois comme à celui du
peuple. Si dans la littérature courtoise la femme était le sujet du culte (voir la poésie de la
fin’amor), dans les fabliaux elle est présentée comme la femme infidèle, frivole et fausse. C’est
dire que pour amuser le public, les fabliaux brisent bien des tabous.
Le fabliau (du picard fabliau, lui-même issu du latin fabula) signifie littéralement « petit récit »
; c’est le nom qu’on donne dans la littérature française du Moyen Âge à de petites histoires en
vers simples et amusantes, et qui ne se proposent guère que pour distraire ou faire rire les
auditeurs et les lecteurs ainsi que de donner des leçons de morale. Le genre de fabliau est
caractérisé par un nombre réduit de personnages (généralement de deux à trois, rarement cinq)
qui apparaissent en scène dans une action réduite à une seule aventure qui progresse de manière
linéaire dans un espace réduit et dans un temps resserré. Les fabliaux tournent majoritairement
autour de la description de la vie quotidienne des hommes du Moyen Âge. Tous les personnages
représentent un statut social : le bourgeois, le vilain, la femme, le prêtre, le riche commerçant…
Selon Joseph Bédier, le plus ancien fabliau qui nous connaissons est celui de Richeut, poème
narratif qui date de 1159. C’est l’histoire d’une prostituée qui utilise les hommes de toutes les
classes (noble, bourgeois, ecclésiastique) à son avantage tout en faisant croire à chacun qu’il
est le père de son fils que son fils Samson. Les trois hommes lui prodiguent des cadeaux, elle
et son fils, au point de se ruiner eux-mêmes (voir Le Fabliau de Richeut, 1891). Les plus récents
fabliaux sont de Jean de Condé qui meurt vers 1340.
Le fabliau respecte le schéma narratif : c’est un récit court qui fait intervenir un nombre
restreint de personnages ; ce ne sont jamais des héros, mais des types définis surtout par
leur caractère ; ce sont toujours les faibles qui gagnent. L’action a lieu en un
temps limité mais incertain (”jadis”, “un jour”) et dans un espace restreint (souvent,
la campagne).
Le genre entre en décadence dès le début du XIVe siècle. Le mot fabliau est remplacé par
l’expression de dit. Le dit est genre littéraire du Moyen Âge qui intervient dans le titre de
nombreux poèmes, surtout s’il s’agit d’une sorte de parabole ou d’allégorie : Dit de la lampe,
Dit de l’unicorne et du serpent, Dit de la panthère d’amour, Dit du vergier, Dit du lion, Dit de
la fontaine amoureuse. (Encyclopaedia universalis). Ces textes très proches des fabliaux
présentent d’une façon allégorique un sujet familier ou une actualité. Sémantiquement le terme
« dit » s’oppose parfois au mot « chant ». Il s’agit donc d’une poésie lue ou récitée, mais non
chantée.
• Naissance du fabliau
La naissance du fabliau est due à cette période appelée l’âge de jongleurs qui se situe au Moyen-
âge entre le XIIe au XIIIe siècle. Il s’agit de la période de la production divertissante des artistes
généraux : chanteurs, conteurs, saltimbanques, musiciens, acrobates, mimes, danseurs, etc. Ils
accompagnaient des troubadours (poètes utilisant la langue d’oc – le dialecte du sud de la
France) et plus tard aussi des trouvères (poètes utilisant la langue d’oïl – le dialecte du nord de
la France) à l’instrument et chantaient les chansons de gestes, les œuvres poétiques ou récitaient
des textes narratifs sur les places publiques (rues, marchés, foires), dans les palais ou dans les
cours féodaux.
Le genre de fabliau apparaît pendant que la poésie du Moyen Âge cesse d’être strictement
épique et sacrée. Il vit près de deux siècles, aussi longtemps et de la même vie que d’autres
genres narratifs ou lyriques, répandus par les jongleurs.
• Fonctions du fabliau
Les fabliaux sont des caricatures plaisantes conçues spécifiquement pour rire. Le narrateur qui
est un troubadour (ou trouvère) intervient dans le récit, dans les formules d’introduction et
de conclusion. Le fabliau sert à la fois à faire rire par une ruse, un quiproquo), mais aussi faire
la critique de la société. Il comporte d’ailleurs une morale.
Les fabliaux ont peint les mœurs de la vie réelle jusqu’à leur disparition suite à la naissance
d’un autre genre littéraire à partir du XV e siècle : la farce. L’esprit de ces deux genres pourrait
même être semblable. Le fabliau raconte vivement, dans un rythme court, une aventure
plaisante. La farce met en dialogue ce que le fabliau avait raconté. Il semble alors que l’un des
genres succède à l’autre et qu’il s’agit simplement d’une transformation du premier. Les sujets
du fabliau et ceux de la farce devraient être presque identiques, car les personnages de la farce
sont de petites gens : des marchands, des paysans, des valets, etc. Il s’agit rarement des nobles.
L’histoire de la farce ainsi que du fabliau est souvent simple et rattachée à la vie quotidienne.
La farce fait aussi comme le fabliau la satire de l’actualité et s’en prend aux puissants.
L’essentiel de ces deux genres médiévaux est de rire, la distraction et le comique.
• Thématique du fabliau
Au Moyen-âge, la diffusion des textes se faisait principalement grâce à l’oral. Les textes étaient
écrits, le plus souvent anonymement, en ancien français, et des conteursles récitaient devant la
Cour, accompagnés d’un instrument de musique. Ils allaient de châteaux en châteaux pour
raconter leurs histoires, c’est pourquoi on dit qu’ils sont des artistes itinérants.
Dans son livre « Fabliaux du Moyen Âge », le médiéviste français Alexandre Micha (1905-
2007) décrit le principe des fabliaux de la manière suivante :
Dans ces petites histoires, on raconte le plus souvent une bonne ruse, une simple débrouillardise
ou tout un plan savamment conçu. Ceux dont on se moque ont mérité d’être trompés, par leur
vice, leur lâcheté ou leur naïveté. Parfois aussi on se moque du trompeur, du voleur volé, du
piégeur piégé, du mari jaloux trompé.
Toutes ces œuvres de la littérature trouvent leur origine dans le divertissement carnavalesque.
Les fêtes de Carnaval accompagnent la période de l’hiver au printemps et célèbrent le réveil de
la nature, la vie, la fantaisie et l’imagination. Le Carnaval représente un héritage des traditions
religieuses de la plus haute Antiquité. Au début du Moyen Âge, il s’installe avec d’autres fêtes
chrétiennes et signifie un certain refus de la vie quotidienne. Pendant quelques jours, il est
possible de se libérer des règles et des coutumes du quotidien. Grâce aux masques ou aux
déguisements, les esclaves deviennent les maîtres et au contraire, les hommes se déguisent en
femmes, etc. En bref, chacun peut changer pour un instant le mode de vie, oublier la pauvreté,
la douleur, les soucis. Tous sont égaux au cours de ces fêtes pleines de la satire et de l’humour.
Parmi les divertissements populaires au Moyen Âge, le théâtre forain sert d’’occasion de
réjouissances mais aussi pour l’encouragement du commerce. Les foires les plus connues
pendant le développement des grandes foires médiévales sont celles de la Champagne ou
également la foire parisienne du Lendit. Les spectacles, parodiques ou bouffons, apparaissant
pendant les fêtes foraines se produisent de foire en foire et également sur les marchés régionaux
les plus modestes. Ce sont des représentations divertissantes rudimentaires pour des gens qui
ne savaient pas lire ni écrire.
Le fabliau brise les tabous en parlant de la nudité de la femme considérée à l’époque comme
un interdit. Etre vu nu par d’autres que de très proches appartenant au cercle restreint de la
maisonnée (conjoint, serviteurs ou servante) est, pour l’homme comme pour la femme, source
d’une honte irrémédiable, insupportable. Les fabliaux qui se moquent volontiers tournent en
dérision la pudeur. Un fabliau raconte par exemple l’histoire d’un chevalier qui a tout perdu
voyage avec son écuyer, tous deux inquiets sur leur avenir. Ils passent près d’une fontaine où
se baignent trois dames qui ont laissé leurs vêtements sous un arbre. L’écuyer bondit et
s’empare des robes qui valent bien 100 livres et vont les tirer d’embarras.
Pistes d’analyse :
• La situation initiale est celle du début de l’histoire. C’est une sorte d’introduction qui
présente le héros, les personnages du récit, le lieu du récit…
• L’élément perturbateur est le fait qui bouleverse la situation de départ. C’est cet
événement qui déclenche l’histoire.
• Les péripéties sont les différentes actions de l’histoire
• Le dénouement : un événement nouveau va survenir, qui va permettre au récit de se
terminer.
• La situation finale est une conclusion au récit. Il y a soit rétablissement de la situation
de départ, soit nouvelle situation.
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Bibliographie
Texte d’application :
« Ami, tu viens d’agir en sage, répond le curé dom Constant qui aspire toujours à amasser.
Retourne en paix, tu as bien fait ton devoir : si tous mes paroissiens étaient aussi avisés que
vous deux, j’aurais beaucoup de bêtes ! »
Le paysan prend congé du prêtre, qui ordonne aussitôt, pour qu’elle se familiarise, qu’on
attache Blérain avec Brunain, sa propre vache.
Son clerc la mène au pré, trouve sa vache, ce me semble. Il les attacha l’une à l’autre, puis s’en
revint, en les laissant. La vache du prêtre se penche, car elle voulait pâturer. Mais Blérain n’a
pas envie de se baisser et tire la corde si fort qu’elle entraîne l’autre hors du pré ; elle l’emmène
à travers les rues, par les chènevières et par les prés, tant et si bien qu’elle revient enfin chez
elle, avec la vache du curé qu’elle avait eu bien de la peine à traîner. Le paysan regarde,
l’aperçoit ; il en a grande joie au cœur.
« Ah ! s’exclame-t-il alors, ma femme, il était donc vrai que Dieu est un « doubleur » ! Car
Blérain revient avec une autre, qui est une belle vache brune. Nous en avons donc deux au lieu
d’une. Notre étable sera petite… » Ce fabliau est un bon exemple de plusieurs choses. Il montre
qu’est bien fou celui qui ne s’en remet pas à Dieu. A le bien qui le donne à Dieu et non celui
qui le cache et l’enfouit. Nul ne multipliera son bien sans grande chance, c’est la condition
indispensable. C’est parce qu’il fut chanceux que le paysan eut pour finir deux vaches, et le
prêtre aucune. Tel croit avancer qui recule.
Jean Bodel, « Brunain, la vache au prêtre » (XIIème siècle), dans Fabliaux et contes moraux
du Moyen Âge, traduit de l’ancien français par J.-C. Aubailly, Librairie Générale Française,
1987.
1.5- LE CONTE
Contenu :
• Le conte : définition
• Caractéristiques du conte
• Typologie des contes
• Cendrillon : résumé et signification du nom
• Le schéma narratif de Cendrillon
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Introduction
• Le conte : définition
Le conte est un récit merveilleux qui renvoie à un univers féérique où le lecteur ne se pose pas
la question sur la réalité des faits : c’est un récit enchanteur de ce qui n’existe pas. Mariel
Morize-Nicolas dit :
“Pénétrer dans l’univers du conte, c’est entrer dans un monde codifié : le lecteur accepte le
merveilleux et ne s’étonne pas de croiser des fées et sorcières, de rencontrer un chat botté
capable, d’un seul pas, de franchir sept lieues, d’accompagner une petite sirène à la surface
des eaux…la magie y est une pratique courante !”
En France, l’académicien Charles Perrault (1613-1688) est le premier à avoir donné au conte
ses lettres de noblesse, avec ses Histoires ou Contes du temps passé, ou Contes de ma Mère
L’Oye, bref recueil de huit contes pris dans “la matière de France” : La Belle au bois
dormant, Riquet à la houppe, La Barbe bleue, Cendrillon, Le Petit chaperon rouge, Le Chat
Botté, Les Fées, Le Petit Poucet. Destinés à instruire les enfants, les contes de Perrault
s’adressent en réalité aux adultes.
Au XIX e siècle, le conteur danois Hans Christian Andersen (1805 –1875) qui a écrit environ
cent-cinquante contes entre (1835-1873) est devenu célèbre à l’échelle européenne par ses
nouvelles et ses « contes de fées ».
Parmi les multiples versions du conte que l’histoire littéraire a retenues il y en a une retranscrite
au IIIe siècle par l’orateur et historien romain Claude Élien (175-235 ap. J.C). L’auteur raconte
l’histoire de Rhodope, une jeune Grecque embarquée en Égypte comme esclave. Un jour, un
aigle lui vola une de ses pantoufles alors qu’elle était au bain. L’oiseau laissa tomber la
pantoufle aux pieds du pharaon Psammétique ; celui-ci, frappé de stupeur par la délicatesse de
la pantoufle, promit d’épouser la femme à qui elle appartenait.
• Caractéristiques du conte
D’origine orale, les contes traversent les âges et sont transmis des parents aux enfants. Souvent
porteurs d’une morale, ils nous enseignent des leçons de vie et présentent les mêmes
caractéristiques :
Sous ses diverses formes, le conte renferme les normes et les valeurs d’une société. Parmi ses
fonctions, le conte est fait :
NB :
Le conte philosophique : Le conte philosophique n’a rien à voir avec le conte populaire. C’est
un genre littéraire qui nait au XVIIIe siècle en réponse à la censure à l’encontre des
philosophes. Il s’agit d’un court récit allégorique et argumentatif dont on tire une morale ; on
l’appelle philosophique parce qu’il fait l’approche de la condition humaine ou de la société par
un moyen détourné. Pour éviter la subversion, il recourt au monde imaginaire et aux
personnages fictifs. C’est donc une histoire fictive qui critique la société et le pouvoir en place
pour transmettre des idées et des concepts à portée philosophique : mœurs de la noblesse,
régimes politiques, fanatisme religieux ou encore certains courants philosophiques. S’Il
reprend la construction du conte populaire et utilise certaines de ses formulations comme
“il était une fois“, c’est justement dans le but de se soustraire à la censure. L’auteur à qui l’on
doit l’émergence du genre est incontestablement Voltaire (1694-1778) qui a écrit entre autres
Candide , Micromégas et Zadig.
Cendrillon est l’histoire d’une jeune fille qui se voit livrée à sa belle-mère et ses deux filles
après la mort de sa mère. Elle est le souffre-douleur de ses deux belles-sœurs, Javotte et
Anastasie. C’est une mauvaise famille qui la charge quotidiennement de nettoyer la maison
toute la journée pour dormir tard le soir près des cendres. D’où son nom Cendrillon. Son père
qui est un noble ne se rend compte guère d’une aussi maltraitance. Lors d’un bal organisé part
le fils du roi, Cendrillon parvient à y aller grâce à sa marraine, la fée qui la transforme avec une
jolie robe et des pantoufles en vair (c’est une sorte de fourrure). Parmi les conditions de la fée,
c’est que Cendrillon doit rentrer avant minuit pour ne pas retrouver sa situation misérable de
pauvre. Elle s’exécute à point nommé quand elle était en train de danser avec le prince, en
quittant les lieux précipitamment, ellel perd une de ses pantoufles. Cendrillon apprend que le
prince veut retrouver la belle inconnue du bal : il fait essayer la pantoufle à toutes les femmes
nobles du royaume. Un gentilhomme se présente chez le père de Cendrillon et fait essayer le
soulier à Javotte et Anastasie. Impossible pour elles de l’enfiler. Cendrillon en vient à essayer
la pantoufle qui lui va comme un gant. Elle sort la deuxième qu’elle avait cachée dans sa poche.
La marraine apparaît, lui rend ses beaux habits. Ses belles-sœurs présentent des excuses que
Cendrillon accepte. Cendrillon va à la cour pour se marier avec le prince. Elle mariera ses
belles-sœurs Javotte et Anastasie à deux grands chevaliers.
Cendrillon est parmi les contes les plus célèbres est Cendrillon ; il n’est que le surnom de
l’héroïne. On ignore son nom réel mais elle est appelée ainsi pace qu’elle se repose dans la
cendre une fois son travail fini. Elle a un second surnom, celui de Cucendron :
« Lorsqu’elle avait fait son ouvrage, elle s’allait mettre en un coin de la cheminée et s’asseoir
dans les cendres ; ce qui faisait qu’on l’appelait communément cucendron ».
Ces deux surnoms sont dérivés du mot cendre, qui a toujours été symbole d’humiliation et de
pénitence.
• Le schéma narratif
Le schéma narratif est le déroulement chronologique de l’action d’un récit : les étapes. Le conte
est une histoire construite en cinq étapes.
• La situation initiale
C’est le début du conte. Les personnages sont présentés. On donne des informations sur ces
personnages et la façon dont ils vivent. Que raconte la situation initiale ?
Depuis la mort de sa mère, Cendrillon est au service de sa belle-mère et ses deux belles-sœurs :
c’est une famille méchante.
• L’élément perturbateur
Un événement vient perturber le bon déroulement des choses : il arrive quelque chose ; un
problème se présente aux personnages qui vont devoir changer leurs habitudes, et peut-être
prendre une décision importante. Quel est l’élément perturbateur ?
Toutes les filles du royaume sont invitées au bal organisé par le prince qui cherche une épouse.
Cendrillon veut y aller mais sa marâtre l’interdit.
• Les péripéties
Ce sont tous les événements, les aventures provoqués par l’élément perturbateur. Dans un
conte, il y a de nombreuses péripéties (parfois jusqu’à une dizaine). Quelles sont les principales
péripéties ?
Après toutes les difficultés rencontrées, le personnage trouve une solution à son problème.
Celui-ci est résolu. C’est la fin des ennuis. Quel est l’élément de résolution ?
Le prince décide de retrouver cette fille inconnue dont il est tombé amoureux, et toutes les
femmes du royaume doivent essayer la pantoufle. Seule Cendrillon réussit à l’enfiler,
démontrant qu’elle est bien l’inconnue que cherche le prince.
• La situation finale
C’est la fin de l’histoire. Les personnages retrouvent la vie calme du début et souvent une vie
meilleure. Le conte se termine généralement bien. Quelle est la situation finale ?
Cendrillon quitte la maison pour aller au palais dans de beaux habits fournis par sa marraine.
Elle épouse le prince et trouve deux maris nobles pour ses deux belles sœurs.
Texte d’application
À M. Pierre Gringoire, poète lyrique à Paris. Tu seras bien toujours le même, mon pauvre
Gringoire ! Comment ! on t’offre une place de chroniqueur dans un bon journal de Paris, et tu
as l’aplomb de refuser… Mais regarde-toi, malheureux garçon ! Regarde ce pourpoint troué,
ces chausses en déroute, cette face maigre qui crie la faim. Voilà pourtant où t’a conduit la
passion des belles rimes ! Voilà ce que t’ont valu dix ans de loyaux services dans les pages du
sire Apollo… Est-ce que tu n’as pas honte, à la fin ? Fais-toi donc chroniqueur, imbécile ! Fais-
toi chroniqueur ! Tu gagneras de beaux écus à la rose, tu auras ton couvert chez Brébant, et tu
pourras te montrer les jours de première avec une plume neuve à ta barrette… Non ? Tu ne veux
pas ?… Tu prétends rester libre à ta guise jusqu’au bout… Eh bien, écoute un peu l’histoire de
la chèvre de M. Séguin. Tu verras ce que l’on gagne à vouloir vivre libre. M. Séguin n’avait
jamais eu de bonheur avec ses chèvres. Il les perdait toutes de la même façon : un beau matin,
elles cassaient leur corde, s’en allaient dans la montagne, et là-haut le loup les mangeait. Ni les
caresses de leur maître, ni la peur du loup, rien ne les retenait. C’était, paraît-il, des chèvres
indépendantes, voulant à tout prix le grand air et la liberté. Le brave M. Séguin, qui ne
comprenait rien au caractère de ses bêtes, était consterné. Il disait : C’est fini ; les chèvres
s’ennuient chez moi, je n’en garderai pas une.
Cependant, il ne se découragea pas, et, après avoir perdu six chèvres de la même manière, il en
acheta une septième ; seulement, cette fois, il eut soin de la prendre toute jeune, pour qu’elle
s’habitua à demeurer chez lui.
Ah ! Gringoire, qu’elle était jolie la petite chèvre de M. Séguin ! qu’elle était jolie avec ses yeux
doux, sa barbiche de sous-officier, ses sabots noirs et luisants, ses cornes zébrées et ses longs
poils blancs qui lui faisaient une houppelande ! C’était presque aussi charmant que le cabri
d’Esméralda, tu te rappelles, Gringoire ? – et puis, docile, caressante, se laissant traire sans
bouger, sans mettre son pied dans l’écuelle. Un amour de petite chèvre…
M. Séguin avait derrière sa maison un clos entouré d’aubépines. C’est là qu’il mit la nouvelle
pensionnaire. Il l’attacha à un pieu, au plus bel endroit du pré, en ayant soin de lui laisser
beaucoup de corde, et de temps en temps, il venait voir si elle était bien. La chèvre se trouvait
très heureuse et broutait l’herbe de si bon cœur que M. Séguin était ravi. Enfin, pensait le pauvre
homme, en voilà une qui ne s’ennuiera pas chez moi ! M. Séguin se trompait, sa chèvre
s’ennuya. Un jour, elle se dit en regardant la montagne : Comme on doit être bien là-haut ! Quel
plaisir de gambader dans la bruyère, sans cette maudite longe qui vous écorche le cou !… C’est
bon pour l’âne ou pour le bœuf de brouter dans un clos !… Les chèvres, il leur faut du large. À
partir de ce moment, l’herbe du clos lui parut fade. L’ennui lui vint. Elle maigrit, son lait se fit
rare. C’était pitié de la voir tirer tout le jour sur sa longe, la tête tournée du côté de la montagne,
la narine ouverte, en faisant Mê.!… Tristement.
M. Séguin s’apercevait bien que sa chèvre avait quelque chose, mais il ne savait pas ce que
c’était… Un matin, comme il achevait de la traire, la chèvre se retourna et lui dit dans son patois
: Écoutez, monsieur Séguin, je me languis chez vous, laissez-moi aller dans la montagne.
Ah ! mon Dieu !… Elle aussi ! cria M. Séguin stupéfait, et du coup il laissa tomber son écuelle ;
puis, s’asseyant dans l’herbe à côté de sa chèvre : Comment, Blanquette, tu veux me quitter !
Et Blanquette répondit : Oui, monsieur Séguin.
Mais, malheureuse, tu ne sais pas qu’il y a le loup dans la montagne… Que feras-tu quand il
viendra ?…
Le loup se moque bien de tes cornes. Il m’a mangé des biques autrement encornées que toi…
Tu sais bien, la pauvre vieille Renaude qui était ici l’an dernier ? une maîtresse chèvre, forte et
méchante comme un bouc. Elle s’est battue avec le loup toute la nuit… puis, le matin, le loup
l’a mangée.
Pécaïre ! Pauvre Renaude !… Ça ne fait rien, monsieur Séguin, laissez-moi aller dans la
montagne.
Bonté divine !… dit M. Séguin ; mais qu’est-ce qu’on leur fait donc à mes chèvres ? Encore
une que le loup va me manger… Eh bien, non… je te sauverai malgré toi, coquine ! et de peur
que tu ne rompes ta corde, je vais t’enfermer dans l’étable et tu y resteras toujours.
Là-dessus, M. Séguin emporta la chèvre dans une étable toute noire, dont il ferma la porte à
double tour.
Malheureusement, il avait oublié la fenêtre et à peine eut tourné, que la petite s’en alla…Tu ris,
Gringoire ? Parbleu ! je crois bien ; tu es du parti des chèvres, toi, contre ce bon M. Séguin…
Nous allons voir si tu riras tout à l’heure.
Quand la chèvre blanche arriva dans la montagne, ce fut un ravissement général. Jamais les
vieux sapins n’avaient rien vu d’aussi joli. On la reçut comme une petite reine. Les châtaigniers
se baissaient jusqu’à terre pour la caresser du bout de leurs branches. Les genêts d’or s’ouvraient
sur son passage, et sentaient bon tant qu’ils pouvaient. Toute la montagne lui fit fête.
Plus de corde, plus de pieu… rien qui l’empêchât de gambader, de brouter à sa guise… C’est
là qu’il y en avait de l’herbe ! jusque par-dessus les cornes, mon cher!… Et quelle herbe!
Savoureuse, fine, dentelée, faite de mille plantes… C’était bien autre chose que le gazon du
clos. Et les fleurs donc !… De grandes campanules bleues, des digitales de pourpre à longs
calices, toute une forêt de fleurs sauvages débordant de sucs capiteux !…
La chèvre blanche, à moitié soûle, se vautrait là-dedans les jambes en l’air et roulait le long des
talus, pêle-mêle avec les feuilles tombées et les châtaignes… Puis, tout à coup elle se redressait
d’un bond sur ses pattes. Hop ! la voilà partie, la tête en avant, à travers les maquis et les
buissières, tantôt sur un pic, tantôt au fond d’un ravin, là -haut, en bas, partout… On aurait dit
qu’il y avait dix chèvres de M. Séguin dans la montagne. C’est qu’elle n’avait peur de rien la
Blanquette. Elle franchissait d’un saut de grands torrents qui l’éclaboussaient au passage de
poussière humide et d’écume. Alors, toute ruisselante, elle allait s’étendre sur quelque roche
plate et se faisait sécher par le soleil… Une fois, s’avançant au bord d’un plateau, une fleur de
cytise aux dents, elle aperçut en bas, tout en bas dans la plaine, la maison de M. Séguin avec le
clos derrière. Cela la fit rire aux larmes.
Pauvrette ! de se voir si haut perchée, elle se croyait au moins aussi grande que le monde…
En somme, ce fut une bonne journée pour la chèvre de M. Séguin. Vers le milieu du jour, en
courant de droite et de gauche, elle tomba dans une troupe de chamois en train de croquer une
lambrusque à belles dents. Notre petite coureuse en robe blanche fit sensation. On lui donna la
meilleure place à la lambrusque, et tous ces messieurs furent très galants… Il paraît même, –
ceci doit rester entre nous, Gringoire, – qu’un jeune chamois à pelage noir, eut la bonne fortune
de plaire à Blanquette. Les deux amoureux s’égarèrent parmi le bois une heure ou deux, et si tu
veux savoir ce qu’ils se dirent, va le demander aux sources bavardes qui courent invisibles dans
la mousse. Tout à coup le vent fraîchit. La montagne devint violette ; c’était le soir.
Elle pensa au loup ; de tout le jour la folle n’y avait pas pensé… Au même moment une trompe
sonna bien loin dans la vallée. C’était ce bon M. Séguin qui tentait un dernier effort.
Blanquette eut envie de revenir ; mais en se rappelant le pieu, la corde, la haie du clos, elle
pensa que maintenant elle ne pouvait plus se faire à cette vie, et qu’il valait mieux rester.
Elle se retourna et vit dans l’ombre deux oreilles courtes, toutes droites, avec deux yeux qui
reluisaient…
C’était le loup.
Énorme, immobile, assis sur son train de derrière, il était là regardant la petite chèvre blanche
et la dégustant par avance. Comme il savait bien qu’il la mangerait, le loup ne se pressait pas ;
seulement, quand elle se retourna, il se mit à rire méchamment.
Ah ! ha ! la petite chèvre de M. Séguin ! et il passa sa grosse langue rouge sur ses babines
d’amadou.
Ah ! la brave chevrette, comme elle y allait de bon cœur ! Plus de dix fois, je ne mens pas,
Gringoire, elle força le loup à reculer pour reprendre haleine. Pendant ces trêves d’une minute,
la gourmande cueillait en hâte encore un brin de sa chère herbe ; puis elle retournait au combat,
la bouche pleine… Cela dura toute la nuit. De temps en temps la chèvre de M. Séguin regardait
les étoiles danser dans le ciel clair et elle se disait :
L’une après l’autre, les étoiles s’éteignirent. Blanquette redoubla de coups de cornes, le loup de
coups de dents…
Une lueur pâle parut dans l’horizon… Le chant du coq enroué monta d’une métairie.
Enfin ! dit la pauvre bête, qui n’attendait plus que le jour pour mourir ; et elle s’allongea par
terre dans sa belle fourrure blanche toute tachée de sang…
Adieu, Gringoire !
L’histoire que tu as entendue n’est pas un conte de mon invention. Si jamais tu viens en
Provence, nos ménagers te parleront souvent de la cabro de moussu Séguin, que se battégue
tonto la neui erré lou loup, e piei lou matin lou loup la mangé .
1.6- LA FABLE
Une fable est un court récit en vers ou occasionnellement en prose qui vise à donner de façon
plaisante une leçon de vie. Elle se caractérise souvent par la mise en scène d’animaux qui parlent
mais peut également mettre en scène d’autres entités ou des êtres humains. Une morale est
généralement exprimée à la fin ou au début de la fable quand elle n’est pas implicite, le lecteur
devant la dégager lui-même. Pour Phèdre, le fabuliste latin, « Le mérite de la fable est double :
elle suscite le rire et donne une leçon de prudence. » Cette portée didactique des fables peut
expliquer que les fables ont circulé et ont été reprises d’une culture à une autre. Néanmoins, au
sens premier, le mot « fable » désigne l’histoire ou enchaînement d’actions qui est à la base
d’un récit imaginaire, quel qu’il soit. C’est en ce sens que, dans la Poétique, Aristote désigne
la « fable » comme un des six éléments qui constituent une tragédie, conjointement avec les
mœurs, le langage, la pensée, l’appareil scénique et la mélopée.
Le mot fable vient du latin fabula (« propos, parole »), qui désigne le fait de parler en inventant
(d’où dérive aussi le terme « fabuler »). En grec, il n’y avait pas non plus de mot spécial pour
nommer le genre de la fable, qui était désignée par le mot signifiant récit : (qui a donné le mot
« mythe »).
La fable est une forme particulière d’apologue, qui désigne tout récit à portée moralisante. Elle
se distingue de la parabole, qui met en scène des êtres humains et laisse le sens ouvert à la
discussion. Elle se distingue aussi de l’exemplum, qui est un récit présenté comme véridique.
Rappelons également que la fable puise ses racines dans la nuit des temps et se retrouve dans
toutes les cultures. Elle a fait partie de la tradition orale bien avant l’invention de l’écriture. Elle
est toujours active dans les pays où la culture orale demeure vivace et proche de la nature,
comme c’est le cas notamment en Afrique ou dans les sociétés rurales. Mais, à ses débuts, la
fable n’existait pas en tant que genre autonome, mais seulement sous forme d’extrait inséré à
titre d’illustration dans un texte en vers ou en prose. Ainsi, la première fable connue se trouve
chez Hésiode dans Les Travaux et les jours, écrit aux alentours du VIIIe siècle av. J.-C..
C’est l’histoire du Rossignol et l’Épervier, qui raconte comment un pauvre rossignol, pris dans
les serres d’un épervier, se fait faire la leçon. Cette fable vise à faire réfléchir sur la notion de
justice, à l’aide d’un raisonnement antithétique où le personnage principal exploite
outrageusement sa position de force.
Texte d’application
L’Hirondelle et les petits Oyſeaux
1.7-LA NOUVELLE
La nouvelle est un récit court apparu à la fin du Moyen Âge, ce genre littéraire était alors proche
du roman et d’inspiration réaliste, se distinguant peu du conte. À partir du xix e siècle, les
auteurs ont progressivement développé d’autres possibilités du genre, en s’appuyant sur la
concentration de l’histoire pour renforcer l’effet de celle-ci sur le lecteur, par exemple par
un dénouement surprenant. Les thèmes se sont également élargis : la nouvelle est devenue une
forme privilégiée de la littérature fantastique, policière, et de science-fiction.
Bâdi al-Zamâne al-Hamadhani (en), écrivain iranien (de Hamadan ancienne capitale de
la Perse) du xème siècle passe pour être l’inventeur de la « nouvelle », ou tout du moins son
précurseur à travers le maqâma. Par contre en France, la nouvelle prend naissance au Moyen
Âge. Elle vient s’ajouter, et en partie se substituer, à une multitude de récits
brefs : fabliaux, lais, dits, devis, exemple, contes, etc…
Les nouvelles étaient d’abord de petites histoires anonymes distribuées gratuitement dans la
rue, et qui se distinguaient en deux groupes : les exemplums, qui étaient des récits religieux
prêchant la morale et les dons à l’église, et les « canards », racontant des faits divers comme
des vols, des tromperies, ou des meurtres. Ces derniers ont donné aujourd’hui le mot argotique
désignant le journal, qui lui-même rapporte des faits divers. Directement inspiré
du Décaméron (1349-1353) de Boccace, le premier recueil de nouvelles françaises,
anonyme. Mais c’est le xvi ème siècle qui voit le véritable essor du genre. En 1558,
avec L’Heptaméron, Marguerite de Navarre donne au genre ses premières lettres de noblesse :
dans ce recueil inachevé de 72 récits, voisinant avec les récits licencieux hérités des fabliaux,
on trouve des histoires plus graves, où l’anecdote laisse en partie la place à l’analyse
psychologique.
Publiées en 1613 et traduites en français deux ans plus tard, les Nouvelles
exemplaires de Miguel de Cervantes, l’auteur de Don Quichotte, connaissent un succès
considérable et constituent pour longtemps la référence. Sous leur influence, le genre subit une
évolution double, déterminée par ses relations avec le roman. Dans un premier temps, on voit
la nouvelle se rapprocher de celui-ci par ses sujets et sa composition : ainsi, La Princesse de
Clèves de Madame de Lafayette est considérée, au moment de sa parution, comme une
nouvelle. Les romans contemporains intègrent d’ailleurs souvent en leur sein des nouvelles,
sous la forme de digressions à l’intérieur du récit principal, ou d’histoires racontées par des
personnages à d’autres. Mais la nouvelle se distingue cependant des romans de l’époque,
extrêmement longs et touffus, par son action plus resserrée. C’est cette conception qui, dans les
dernières décennies du xviiième siècle, l’emporte finalement sur la nouvelle « petit roman », et
qui se développe au cours du siècle suivant.
Toutefois, le xixe siècle est considéré comme l’âge de l’essor de la nouvelle. Et d’Honoré de
Balzac (La Maison du chat-qui-pelote, Contes drolatiques) à Gustave Flaubert(Trois contes),
de Victor Hugo (Claude Gueux) à Stendhal (Chroniques italiennes), d’Alfred de
Musset à Barbey d’Aurevilly (Les Diaboliques), de George Sand (Nouvelles) à Zola(Contes à
Ninon), il n’est guère de romancier d’importance qui n’ait écrit de nouvelles, et même de recueil
de nouvelles. Certains, comme Prosper Mérimée, Jean de La Varende, Guy de Maupassant qui
en a écrit plus de trois cents dans dix-huit recueils publiés de son vivant, Anton Tchekhov qui
a écrit six cent vingt nouvelles.
1.8- LE ROMAN
Le roman est un genre littéraire, caractérisé pour l’essentiel par une narration fictionnelle plus
ou moins longue. La place importante faite à l’imagination transparaît dans certaines
expressions comme « C’est du roman ! » ou dans certaines acceptions de l’adjectif
« romanesque » qui renvoient à l’extraordinaire des personnages, des situations ou de l’intrigue.
Le roman, d’abord écrit en vers assonantiques au xiie siècle avant de l’être en prose au début
du xiiie siècle, se définit aussi par sa destination à la lecture individuelle, à la différence
du conte ou de l’épopée qui relèvent à l’origine de la transmission orale. Le ressort fondamental
du roman est alors la curiosité du lecteur pour les personnages et pour les péripéties, à quoi
s’ajoutera plus tard l’intérêt pour un art de peindre. Au fil des derniers siècles, le roman est
devenu le genre littéraire dominant avec une multiplicité de sous-genres qui soulignent son
caractère polymorphe.
De manière synthétique et générale, on peut dire que le texte romanesque est un récit de taille
très variable, mais assez long, aujourd’hui en prose, qui a pour objet la relation de situations et
de faits présentés comme relevant de l’invention, même si l’auteur recherche souvent un effet
de réel, ce qui le distingue du simple récit-transcription (biographie,
autobiographie, témoignage…), mais aussi du conte, qui relève du merveilleux. La diversité
des tonalités littéraires présentes dans les romans est d’ailleurs totale. Le roman appartenant
au genre narratif, on peut rendre compte de l’enchaînement plus ou moins complexe des
événements d’un roman en établissant le schéma narratif de l’œuvre et définir le principe
général de l’action par le schéma actantiel qui expose les différents rôles présents dans le récit.
On peut également définir le statut du narrateur (ou des narrateurs), distinct(s) de l’auteur, ainsi
que les points de vue narratifs choisis et la structure chronologique de l’œuvre. Genre
polymorphe, le roman exploite aussi bien les différents discours (direct, indirect, indirect libre),
la description (cadre spatio-temporel – portraits) que le récit proprement dit (péripéties), le
commentaire ou l’expression poétique. La vision, la popularité et la forme du roman a évolué
au cours des siècles.
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Un extrait des Confessions de Jean-Jacques Rousseau
Je forme une entreprise qui n’eut jamais d’exemple et dont l’exécution n’aura point d’imitateur.
Je veux montrer à mes semblables un homme dans toute la vérité de la nature ; et cet homme
ce sera moi. Moi seul. Je sens mon cœur et je connais les hommes. Je ne suis fait comme aucun
de ceux que j’ai vus ; j’ose croire n’être fait comme aucun de ceux qui existent. Si je ne vaux
pas mieux, au moins je suis autre. Si la nature a bien ou mal fait de briser le moule dans lequel
elle m’a jeté, c’est ce dont on ne peut juger qu’après m’avoir lu. Que la trompette du jugement
dernier sonne quand elle voudra ; je viendrai, ce livre à la main, me présenter devant le
souverain juge. Je dirai hautement : voilà ce que j’ai fait, ce que j’ai pensé, ce que je fus. J’ai
dit le bien et le mal avec la même franchise. Je n’ai rien tu de mauvais, rien ajouté de bon, et
s’il m’est arrivé d’employer quelque ornement indifférent, ce n’a jamais été que pour remplir
un vide occasionné par mon défaut de mémoire ; j’ai pu supposer vrai ce que je savais avoir pu
l’être, jamais ce que je savais être faux. Je me suis montré tel que je fus, méprisable et vil quand
je l’ai été, bon, généreux, sublime, quand je l’ai été : j’ai dévoilé mon intérieur tel que tu l’as
vu toi-même. Être éternel, rassemble autour de moi l’innombrable foule de mes semblables ;
qu’ils écoutent mes confessions, qu’ils gémissent de mes indignités, qu’ils rougissent de mes
misères. Que chacun d’eux découvre à son tour son cœur au pied de ton trône avec la même
sincérité ; et puis qu’un seul te dise, s’il l’ose : Je fus meilleur que cet homme-là.
Gabriel Bernard, frère de ma mère, devint amoureux d’une des sœurs de mon père ; mais elle
ne consentit à épouser le frère qu’à condition que son frère épouserait la sœur. L’amour arrangea
tout, et les deux mariages se firent le même jour. Ainsi mon oncle était le mari de ma tante, et
leurs enfants furent doublement mes cousins germains. Il en naquit un de part et d’autre au bout
d’une année ; ensuite il fallut encore se séparer.
Mon oncle Bernard était ingénieur : il alla servir dans l’Empire et en Hongrie sous le prince
Eugène. Il se distingua au siège et à la bataille de Belgrade. Mon père, après la naissance de
mon frère unique, partit pour Constantinople, où il était appelé, et devint horloger du sérail.
Durant son absence, la beauté de ma mère, son esprit, ses talents, lui attirèrent des hommages.
M. de la Closure, résident de France, fut des plus empressés à lui en offrir. Il fallait que sa
passion fût vive, puisqu’au bout de trente ans je l’ai vu s’attendrir en me parlant d’elle. Ma mère
avait plus que de la vertu pour s’en défendre, elle aimait tendrement son mari, elle le pressa de
revenir : il quitta tout et revint. Je fus le triste fruit de ce retour. Dix mois après, je naquis infirme
et malade ; je coûtai la vie à ma mère, et ma naissance fut le premier de mes malheurs.
Jean-Jacques Rousseau, Les Confessions, Livre I, 1770
Le récit historique est une forme de narration particulière qui permet d’acquérir une culture
historique. La quantité des sources historiques récoltées est telle que l’historien doit
sélectionner et classer les informations en fonction des questions qu’il se pose, les met en
contexte et en perspective, relie les faits les uns aux autres, tisse une trame de causalité(s),
identifie le rôle des acteurs, etc. Ce travail sur le passé crée un objet qui a du sens : c’est la
narration (production d’un récit) qui est le propre de l’Histoire. Les faits exposés y sont donc
reconnus pour vrais donc différents de la fiction. « L’histoire est un roman mais un roman vrai
» (Paul Veyne). Ø Les caractéristiques du récit historique : – il repose sur une « mise en intrigue
» qui suppose un bornage chronologique, un fil directeur et une visée démonstrative et
interprétative. – il a pour but d’éclairer et de donner du sens à un événement, une situation, une
période historique. – il n’est pas une simple chronologie de faits, il doit montrer la dynamique
d’une action ou d’agencement de faits. Il a un sens. – il met en scène des acteurs : individuels
(personnages historiques), collectifs (groupes sociaux), concrets ou abstrait (entités, concepts).
– il intègre à la différence de la narration littéraire une explication : toute affirmation est
justifiée, les faits sont expliqués et ont des conséquences (principe de causalité).
Le récit historique est une forme de narration bien particulière. Quoiqu’il mette en scène des
actants-acteurs, il possède des acteurs individuels appelés des personnages historiques. C’est à
travers ce genre littéraire, qui comporte des faits historiques, que leur histoire et leurs émotions
sont racontées. Et puisqu’il parcourt le temps, le récit historique doit respecter une structure
chronologique. Ce genre littéraire évoque le passé à travers une fiction et respecte les faits
historiques. Les personnages peuvent être choisis à l’aide de faits vécus. Il faut donc viser une
certaine vraisemblance, car on fait revivre des personnages qui ont réellement existé (par
exemple, des personnages et des héros du passé).
Le récit historique raconte la vie d’un ou de plusieurs personnages en tant que témoins d’une
époque. Ainsi, on donne vie à ces personnages dans la réalité historique. Pour l’historien, le
récit de voyage est également une source historique qu’il convient de contextualiser et
d’analyser. Les récits de voyage apportent des éléments précieux pour éclairer l’histoire des
relations internationales, l’histoire sociale et politique de régions traversées par le voyageur,
voire l’histoire des cultures matérielles, de l’alimentation, des religions etc. Depuis les années
1980, les relations de voyage en Afrique produites par des Européens dès le xve siècle ont fait
l’objet d’essais d’analyse historique, et des publications scientifiques comprenant un appareil
critique développé, ont été produites. Soumis à une analyse historique rigoureuse, ces récits de
voyage s’avèrent précieux pour reconstituer des fragments de l’histoire de l’Afrique durant les
cinq cent dernières années.
Texte d’application
Dans les derniers jours de mai 1793, un des bataillons parisiens amenés en Bretagne par
Santerre fouillait le redoutable bois de la Saudraie en Astillé. On n’était pas plus de trois cents,
car le bataillon était décimé par cette rude guerre. C’était l’époque où, après l’Argonne,
Jemmapes et Valmy, du premier bataillon de Paris, qui était de six cents volontaires, il restait
vingt−sept hommes, du deuxième trente−trois, et du troisième cinquante−sept. Temps des luttes
épiques. Les bataillons envoyés de Paris en Vendée comptaient neuf cent douze hommes.
Chaque bataillon avait trois pièces de canon. Ils avaient été rapidement mis sur pied. Le 25
avril, Gohier étant ministre de la justice et Bouchotte étant ministre de la guerre, la section du
Bon−Conseil avait proposé d’envoyer des bataillons de volontaires en Vendée ; le membre de
la commune Lubin avait fait le rapport ; le Ier mai, Santerre était prêt à faire partir douze mille
soldats, trente pièces de campagne et un bataillon de canonniers. Ces bataillons, faits si vite,
furent si bien faits, qu’ils servent aujourd’hui de modèles ; c’est d’après leur mode de
composition qu’on forme les compagnies de ligne ; ils ont changé l’ancienne proportion entre
le nombre des soldats et le nombre des sous−officiers. Le 28 avril, la commune de Paris avait
donné aux volontaires de Santerre cette consigne : Point de grâce, point de quartier. A la fin de
mai, sur les douze mille partis de Paris, huit mille étaient morts. Le bataillon engagé dans le
bois de la Saudraie se tenait sur ses gardes. On se ne hâtait point. On regardait à la fois à droite
et à gauche, devant soi et derrière soi ; Kléber a dit : Le soldat a un œil dans le dos. Il y avait
longtemps qu’on marchait. Quelle heure pouvait-il être ? à quel moment du jour en était-on ? Il
eût été difficile de le dire, car il y a toujours une sorte de soir dans de si sauvages halliers, et il
ne fait jamais clair dans ce bois−là. Le bois de la Saudraie était tragique. C’était dans ce taillis
que, dès le mois de novembre 1792, la guerre civile avait commencé ses crimes ; Mousqueton,
le boiteux féroce, était sorti de ces épaisseurs funestes ; la quantité de meurtres qui s’étaient
commis là faisait dresser les cheveux. Pas de lieu plus épouvantable. Les soldats s’y enfonçaient
avec précaution. Tout était plein de fleurs ; on avait autour de soi une tremblante muraille de
branches d’où tombait la charmante fraîcheur des feuilles ; des rayons de soleil trouaient çà et
là ces ténèbres vertes ; à terre, le glaïeul, la flambe des marais, le narcisse des prés, la gênotte,
cette petite fleur qui annonce le beau temps, le safran printanier, brodaient et passementaient
un profond tapis de végétation où fourmillaient toutes les formes de la mousse, depuis celle qui
ressemble à la chenille jusqu’à celle qui ressemble à l’étoile. Les soldats avançaient pas à pas,
en silence, en écartant doucement les broussailles. Les oiseaux gazouillaient au−dessus des
bayonnettes. La Saudraie était un de ces halliers où jadis, dans les temps paisibles, on avait fait
la Houiche−ba, qui est la chasse aux oiseaux pendant la nuit ; maintenant on y faisait la chasse
aux hommes. Le taillis était tout de bouleaux, de hêtres et de chênes ; le sol plat ; la mousse et
l’herbe épaisse amortissaient le bruit des hommes en marche ; aucun sentier, ou des sentiers
tout de suite perdus ; des houx, des prunelliers sauvages, des fougères, des haies
d’arrête−boeufs, de hautes ronces ; impossibilité de voir un homme à dix pas.
Quatre−vingt−treize PREMIERE PARTIE. EN MER 3 Par instants passait dans le branchage
un héron ou une poule d’eau indiquant le voisinage des marais. On marchait. On allait à
l’aventure, avec inquiétude et en craignant de trouver ce qu’on cherchait. De temps en temps
on rencontrait des traces de campements, des places brûlées, des herbes foulées, des bâtons en
croix, des branches sanglantes. Là on avait fait la soupe, là on avait dit la messe, là on avait
pansé des blessés. Mais ceux qui avaient passé avaient disparu. Où étaient-ils ? bien loin
peut−être.
V. Hugo, quatre-vingt-treize,1874.
Le journal est à la fois une pratique ordinaire et un genre littéraire. Il apparaît sous sa forme
moderne à la fin du xviiie siècle dans le milieu bourgeois qui voit la promotion de l’individu
dans la société post- révolutionnaire. Un journal intime (ou personnel) est donc un texte rédigé
de façon régulière ou intermittente, présentant les actions, les réflexions ou les sentiments de
l’auteur. Ses entrées sont habituellement datées. Il peut être tenu de façon plus ou moins
régulière au long d’une existence ou seulement sur une période particulière : maladie, guerre,
deuil, problèmes familiaux… Comme pratique ordinaire, il est en général destiné à être gardé
secret, temporairement ou définitivement. Comme pratique littéraire, il est souvent destiné, à
plus ou moins court terme, à une publication partielle ou totale.
D’après les statistiques du ministère de la culture, environ 8 % des Français tiennent un journal
personnel ou notent leurs impressions ou réflexions, ce qui montre que la pratique de l’écriture
de soi intermittente est loin d’être marginale. Une enquête de Philippe Lejeune, réalisée entre
1987 et 1988, en a précisé les modalités. Le développement d’une association comme
L’Association Pour l’Autobiographie, qui recueille tous les textes autobiographiques depuis le
début des années 1990, est un signe de l’importance de cette pratique et de la valeur qui lui est
accordée par ceux qui s’y livrent. Toutefois, la forme reconnue du genre reste celle des journaux
d’écrivains ou d’intellectuels : Maine de Biran, Benjamin Constant, Stendhal, Jules Michelet,
Henri-Frédéric Amiel, Edmond et Jules de Goncourt, Marie Bashirtseff, Léon Bloy pour
le xixe siècle, et Paul Léautaud, André Gide, Valéry Larbaud, Julien Green, Jean-Paul Sartre,
Simone de Beauvoir etc.
2.5-Les Mémoires
Les Mémoires (uniquement au masculin pluriel et avec une majuscule dans cette acception)
sont des œuvres historiques et parfois littéraires, ayant pour objet le récit de sa propre vie,
considérée comme révélatrice d’un moment de l’Histoire. Plus précisément, il s’agit d’un
recueil de souvenirs qu’une personne rédige à propos d’événements historiques ou
anecdotiques, publics ou privés.
Des Mémoires ont été écrits depuis l’Antiquité, comme l’illustre l’exemple emblématique
des Commentaires sur la Guerre des Gaules de Jules César. Puis, le genre s’est établi au Moyen
Âge avec Geoffroi de Villehardouin, Jean de Joinville ou Philippe de Commynes, avant de se
développer à la fin de la Renaissance, essentiellement en France (exemple : Blaise de Monluc)
et jusqu’à l’âge classique, avec La Rochefoucauld, Retz, Saint-Simon. Le genre des Mémoires
s’est maintenu jusqu’à aujourd’hui avec de grands textes au xxe siècle (Churchill, De Gaulle),
mais aussi avec des témoignages de toute sorte et des récits de vie de célébrités souvent écrits
avec l’aide de collaborateurs (Philippe Noiret, Mémoire cavalière). Il en va de même pour les
récits de moments hors du commun qui, sans mériter le nom de mémoires parce que la période
considérée reste limitée, relèvent de l’« écriture mémorialiste » et ont parfois produit de grands
textes littéraires comme ceux d’Ernst Jünger (Orages d’acier) et de Roland Dorgelès (Les
Croix de bois) pour la Première Guerre mondiale, ou de Primo Levi avec Si c’est un
homme et Elie Wiesel avec La Nuit sur leur expérience concentrationnaire.
Le genre des Mémoires est proche de l’autobiographie qui associe écriture de soi et récit de vie
mais il s’en distingue étant donné qu’il met l’accent sur le contexte historique de la vie de
l’auteur et sur ses actes plus que sur l’histoire de sa personnalité et sa vie intérieure. Les
Mémoires relèvent donc de l’Histoire et de l’historiographie et la qualité littéraire de certains
de ces textes les a fait reconnaître comme appartenant à la littérature et dans ce sens on peut
parler du genre littéraire des Mémoires. Certains Mémoires sont d’ailleurs considérés comme
des chefs-d’œuvre littéraires : c’est le cas des œuvres citées précédemment ou des Mémoires
d’outre-tombe de Chateaubriand, qui montrent bien la difficulté de la catégorisation entre
Mémoires et autobiographie. Le travail sur le style, le questionnement de la mémoire et le souci
de parler de l’humanité entière à travers le récit de sa vie sont la marque des Mémoires que la
littérature place à l’égal des grandes œuvres des romanciers qui ont d’ailleurs souvent été
fascinés par les mémorialistes et qui se sont nourris de leurs lectures
comme Stendhal, Balzac, Dumas ou Marguerite Yourcenar.
La différence majeure entre l’autobiographie et les Mémoires réside dans la nature des faits
racontés : dans le premier cas, le récit est centré sur la vie privée de l’auteur ; dans le second,
sur son époque. Dans les Mémoires, l’auteur raconte sa propre vie mais en axant son récit sur
des faits historiques auxquels il a assisté en qualité de témoin ou pris part en tant qu’acteur. Les
Mémoires permettent donc à celui qui les compose de mêler vie privée et vie publique mais en
donnant plus de relief à la seconde. L’auteur emploie ce biais pour apporter son propre
témoignage et éclairage sur une période historique déterminée – et bien souvent, profiter de
l’occasion pour rappeler son action et privilégier son point de vue.
Texte d’application
2.6-La correspondance
La correspondance est un échange de courrier généralement prolongé sur une longue période.
Le terme désigne des effets personnels plutôt qu’administratifs. La correspondance peut aussi
devenir le support d’une œuvre épistolaire, c’est-à-dire un échange régulier de message dont le
contenu a une valeur littéraire avérée (si les lettres sont fictives, on parlera de roman
épistolaire). Cet aspect de la littérature s’est particulièrement affirmé à partir du xxe siècle, en
concomitance avec le développement de la sociologie de l’art. L’échange de lettres, ou
correspondance, est un usage social, dont les formes sont plus ou moins codifiées, mais c’est
également un genre littéraire. En principe, la communication s’établit entre deux personnes :
l’auteur de la lettre et son destinataire, cependant dans bien des cas elle peut s’élargir. C’est
donc un genre très souple, que chaque époque adapte à ses besoins. En revanche, il existe
différents types de lettres :
Elles peuvent être conventionnelles et respecter des codes, en particulier pour l’adresse (Chère
Madame, Mon cher ami, Cher cousin, etc.) et pour la formule de politesse finale (Bien
amicalement, Je vous embrasse affectueusement, etc.).Dans ce cas, elles adoptent un registre
plutôt soutenu. Elles peuvent aussi être tout à fait libres et inventives, allant du simple billet
écrit à la hâte au long récit détaillé ou à une sorte de journal de ses impressions et de ses
sentiments.
• La correspondance électronique
Ce nouveau mode de communication suscite des échanges rapides de messages. Moins formel,
plus immédiat et sans doute plus facile que la correspondance traditionnelle, sur papier, le
courrier électronique crée une « conversation permanente » entre des personnes parfois très
éloignées. Il favorise un nouveau mode d’écriture, qui comporte des abréviations, des
néologismes, des combinaisons d’images et de signes. Il est utilisé aussi bien
professionnellement que de façon privée.
Certaines œuvres prennent la forme d’une seule longue lettre, ce qui permet à l’auteur de
développer son point de vue. Dans la Lettre à d’Alembert sur les spectacles (1758), Jean-
Jacques Rousseau exprime son opinion sur le théâtre et sur la société. Dans la Lettre du
voyant (1871), Arthur Rimbaud développe sa conception de la poésie.
Le roman épistolaire se présente sous forme de lettres fictives, dont les auteurs sont les
personnages du récit. Dans les Lettres persanes (1721), Montesquieu imagine la
correspondance de deux Persans qui visitent la France, Rica et Usbek. Tout en racontant leur
voyage, ils critiquent indirectement les mœurs et le gouvernement français.
Nous sommes arrivés à Livourne dans quarante jours de navigation. C’est une ville nouvelle ;
elle est un témoignage du génie des ducs de Toscane, qui ont fait d’un village marécageux la
ville d’Italie la plus florissante.
Les femmes y jouissent d’une grande liberté. Elles peuvent voir les hommes à travers certaines
fenêtres qu’on nomme jalousies ; elles peuvent sortir tous les jours avec quelques vieilles qui
les accompagnent ; elles n’ont qu’un voile. Leurs beaux-frères, leurs oncles, leurs neveux
peuvent les voir sans que le mari ne s’en formalise presque jamais.
C’est un grand spectacle pour un mahométan de voir pour la première fois une ville chrétienne.
Je ne parle pas des choses qui frappent d’abord tous les yeux comme la différence des édifices,
des habits, des principales coutumes. Il y a jusque dans les moindres bagatelles quelque chose
de singulier que je sens, et que je ne sais pas dire.
Nous partirons demain pour Marseille ; notre séjour n’y sera pas long. Le dessein de Rica et le
mien est de nous rendre incessamment à Paris, qui est le siège de l’empire d’Europe. Les
voyageurs cherchent toujours les grandes villes, qui sont une espèce de patrie commune à tous
les étrangers.
Le vin est si cher à Paris, par les impôts que l’on y met, qu’il semble qu’on ait entrepris d’y
faire exécuter les préceptes du divin Alcoran qui défend d’en boire.
Lorsque je pense aux funestes effets de cette liqueur, je ne puis m’empêcher de la regarder
comme le présent le plus redoutable que la nature ait fait aux hommes. Si quelque chose a flétri
la vie et la réputation de nos monarques, ç’a été leur intempérance : c’est la source la lus
empoisonnée de leurs injustices et de leurs cruautés.
Je le dirai, à la honte des hommes : la loi interdit à nos princes l’usage du vin, et ils en boivent
avec un excès qui les dégrade de l’humanité même ; cet usage, au contraire, est permis aux
princes chrétiens, et on ne remarque pas qu’il leur fasse faire aucune faute. L’esprit humain est
la contradiction même : dans une débauche licencieuse, on se révolte avec fureur contre les
préceptes, et la loi, faite pour nous rendre plus justes, ne sert souvent qu’à nous rendre plus
coupables.
Mais quand je désapprouve l’usage de cette liqueur qui fait perdre la raison, je ne condamne
pas de même ces boissons qui l’égaient. C’est la sagesse des Orientaux de chercher des remèdes
contre la tristesse avec autant de soin que contre les maladies les plus dangereuses. Lorsqu’il
arrive quelque malheur à un Européen, il n’a d’autre ressource que la lecture d’un philosophe
qu’on appelle Sénèque ; mais les Asiatiques, plus sensés qu’eux, et meilleurs physiciens en cela,
prennent des breuvages capables de rendre l’homme gai et de charmer le souvenir de ses peines.
Il n’y a rien de si affligeant que les consolations tirées de la nécessité du mal, de l’inutilité des
remèdes, de la fatalité du destin, de l’ordre de la Providence, et du malheur de la condition
humaine. C’est se moquer de vouloir adoucir un mal par la considération que l’on est né
misérable. Il vaut bien mieux enlever l’esprit hors de ses réflexions, et traiter l’homme comme
sensible, au lieu de le traiter comme raisonnable.
L’âme, unie avec le corps, en est sans cesse tyrannisée. Si le mouvement du sang est trop lent ;
si les esprits ne sont pas assez épurés ; s’ils ne sont pas en quantité suffisante : nous tombons
dans l’accablement et dans la tristesse. Mais, si nous prenons des breuvages qui puissent
changer cette disposition de notre corps, notre âme redevient capable de recevoir des
impressions qui l’égaient, et elle sent un plaisir secret de voir sa machine reprendre, pour ainsi
dire, son mouvement et sa vie.
De Paris, le 25 de la lune de Zicaldé, 1713.
Bibliographie
•
• CANVAT, Karl, Enseigner la littérature par les genres, Pour une approche théorique et
didactique de la notion de genre littéraire, Bruxelles, Ed. De Boeck Duculot,
Col. « Savoirs en pratique », 1999.
• COMBE, Dominique, Les Genres littéraires, Hachette, Col. « Contours littéraires »,
1992.
• DUMORTIER, Jean-Louis, Lire le récit de fiction, Pour étayer un apprentissage :
théorie et pratique, Bruxelles, Ed. De Boeck Duculot, Col. « Savoirs en pratique »,
2001.
• REUTER, Yves, L’Analyse du récit, Paris, Armand Colin, 2009.