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La chanson de geste

La chanson de geste est un poème épique, composé du XIe au XIIIe siècle en décasyllabes ou


en alexandrins réunis en laisses, chantant les exploits de héros historiques ou légendaires.

LITTÉRATURE

Entre deux renaissances, celle de Charlemagne – qui s'élabore autour de la structure de l'Empire et


de la langue latine retrouvées – et celle du XIIe siècle – qui voit s'établir les monarchies nationales et
s'épanouir la philosophie dans les écoles cathédrales –, quatre siècles de turbulences créatives font
éclater les cadres politiques et linguistiques de l'Europe. Le pouvoir passe de l'empereur au roi, puis
aux comtes et aux barons. Le latin se métamorphose en langues « romanes ».

La féodalité triomphante s'incarne dans une littérature à la fois dynamique et nostalgique.


Dynamique, parce qu'elle célèbre des chevaliers fondateurs de lignages ; nostalgique, parce qu'elle
ne cesse de ressasser le souvenir de l'unité perdue, que symbolise la figure omniprésente de
« l'empereur à la barbe fleurie », guidant ses preux dans la lutte victorieuse, mais toujours
recommencée, contre les Barbares et les Infidèles. Aux confins de ce qui fut son empire subsiste
d'ailleurs toujours quelque chose du chaos originel : les ombres sanglantes de la mythologie païenne
s'étendent sur les tableaux farouches des exploits des héros germaniques et scandinaves. Cette
littérature héroïque se constitue en partie contre la culture monastique. Au cloître fermé sur une
méditation apaisée s'oppose l'espace de l'aventure guerrière. Mais le moine priant au milieu de ses
frères comme le chevalier soudé à ses compagnons dans la ligne de bataille participent au même
combat pour la plus grande gloire de Dieu. Et la vie du saint comme la chanson de geste stylisent et
idéalisent leur héros.

Les chansons de geste se déploient selon un double mouvement : linéaire et circulaire. Linéaire,
parce qu'elles sont récitées et popularisées dans les sanctuaires qui jalonnent les chemins du
pèlerinage à Saint-Jacques-de-Compostelle ; circulaire, parce que, comme le clan se forme autour du
chef et les vassaux se rassemblent autour du suzerain, elles se groupent en cycles autour d'une figure
majeure.

Une épopée chrétienne et politique

Les chansons de geste surgissent dans les sociétés comportant une classe de guerriers et un ordre de
prêtres, dont les mythes et les rites sont à la fois antagonistes et complémentaires. Quels que soient
le temps et le milieu où apparaît l'épopée, celle-ci présente un ensemble de caractères constitutifs et
permanents.

Une forme permanente

L'épopée est un récit, dit ou chanté, qui relate des actions de héros jugés, même dans leurs fautes,
exemplaires, donc représentatifs de l'idéal d'une large communauté. Ce récit s'enracine dans des
événements historiques, ou estimés tels, plus ou moins éloignés dans le temps, ce qui autorise les
auteurs à les styliser et à y introduire la présence de puissances surnaturelles, relevant de la magie
ou de la Providence. Ces récits sont tenus, par les auditeurs, pour vrais : en cela, ils se différencient
des romans et des contes.
Une thématique spécifique

Le mot geste de l'ancien français vient du latin gesta, qui désigne les actions d'un homme ou d'une
famille. Les chansons de geste ont donc pour fonction de chanter les exploits de héros que leur nom
rattache à l'histoire de la féodalité et de la monarchie françaises.

La chanson de geste enracine la légende dans le sol ancestral : les guerres étrangères,
les croisades sont menées pour assurer l'honneur et la vie d'un pays que menacent aussi des rivalités
internes, contre lesquelles le héros doit réagir. La chanson de geste est ainsi liée à des
préoccupations idéologiques : c'est une véritable épopée politique.

Mais l'aventure véritable, pour l'homme médiéval, est l'expédition paradoxale qui le conduit hors des
limites de la chrétienté pour en retrouver l'origine et le cœur : d'abord pacifique, le pèlerinage à
Jérusalem se transforme en lutte contre l'Infidèle, fin dernière de l'idéal chevaleresque.

Un récitatif raffiné

Une chanson de geste se présente comme une série de laisses, groupes de dix à douze vers qui
s'achèvent sur la même voyelle accentuée (cette rime imparfaite s'appelle assonance). Le passage
d'une laisse à l'autre est signalé, en plus du changement d'assonance, par une formule (reprise,
parallélisme, etc.). Le rythme, qui est généralement celui du vers de dix syllabes avec une césure
(coupure) fortement marquée, implique une déclamation solennelle et une intonation plus proche
du récitatif que du chant.

La chanson de geste témoigne ainsi des structures caractéristiques de la littérature orale. Mais ces
effets ont été figés dans les textes écrits et sont devenus, dans l'art des jongleurs – poètes-musiciens
errants qui interprétaient les chansons de geste –, un procédé d'archaïsme.

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