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La publication de la correspondance
Panaït Istrati-Romain Rolland
S
ingulier roman feuilleton que cette histoire de vous connaissez l’adresse de Mme Istrati à Bucarest. Vou-
la publication de la correspondance Panaït driez-vous me l’indiquer ? J’ai su qu’elle est très ma-
Istrati-Romain Rolland, une suite intermina- lade, dans un sanatorium, mais peut-être serait-elle tout
ble d’atermoiements qui dura quarante ans ! de même en état de me répondre ? J’ai dans nos archives
En juillet 1947 Mme Romain Rolland apprend par 183 lettres de Istrati à Romain Rolland, et même s’il n’y
Eugen Relgis1 que Mme Istrati consent à faire échange en a pas autant de Romain Rolland, il y en a certaine-
des correspondances entre son mari et Romain Rolland. ment tout de même au moins une centaine. Je serais
Mais elle n’a retrouvé que 40 lettres. Mme Romain prête à échanger contre les textes des lettres de Romain
Rolland en a, elle, plus de 100 et n’entend l’échange que Rolland ceux des lettres correspondantes de Istrati. – Ce
sur une stricte égalité. Elle écrit donc à E. Relgis que que vous me dites des textes d’Istrati sur Romain
l’on ne pourrait, dans ces conditions, qu’échanger les Rolland m’intéresse beaucoup. Ne nous serait-il pas
lettres correspondant à celles que donnerait Mme Istrati2. possible d’en avoir communication, pour nos archives,
L’attente commence. La collaboration nécessaire a où nous réunissons naturellement tous les témoignages
une telle entreprise débute plutôt mal d’autant que – publiés ou non – de tous ceux qui ont écrit quelque
Mme Romain Rolland s’est déjà engagée dans l’établis- chose sur Romain Rolland Et ceux d’Istrati ont une
sement de plusieurs correspondances dont la première, grande valeur pour nous4.»
dans les Cahiers Romain Rolland, paraîtra en 1948. Elle La situation semble bloquée. Il faut attendre 1956
ne cessera de répéter – pendant quatre décennies ! – (et les illusions sur un prétendu « dégel ») pour qu’une
qu’elle est surchargée de travail, ce qui est vrai, car elle bonne nouvelle provienne de Bucarest : l’envoi de
a décidé de tout prendre en charge de l’héritage de son « deux microfilms de 96 lettres de Romain Rolland à
illustre mari. Et cet héritage est considérable. La corres- Panaït Istrati. » par la Bibliothèque de l’Académie Rou-
pondance, en nombre, est de l’ordre de celle de Voltaire maine, dépositaire des originaux. Son directeur,
et, en partie, à classer. M. Barbu Lazareanu, annonce à Mme Romain Rolland :
Le 9 avril 1953 elle écrit à Jean Stanesco3 : « Je vous « … Il va sans dire que notre Bibliothèque se met à votre
remercie de votre lettre du 28 mars, ainsi que de la sym- disposition et à celle de l’Association pour toute infor-
pathie que vous exprimez pour Romain Rolland Je suis mation d’ordre bibliographique qui pourrait vous être
désolée d’apprendre que vous n’avez aucune lettre de utile. » Il est convenu qu’en échange le Fonds Romain
Romain Rolland à Istrati, mais je garde l’espoir que Rolland enverra à la Bibliothèque de l’Académie Rou-
Mme Istrati voudra un jour nous communiquer les textes maine le microfilm des lettres d’Istrati. (BAFRR, 36 [mai
de celles qu’elle possède. Mme Ionesco nous avait dit que 1956], 15-16.)
1. Eugen Relgis, pseud. de Eugen Siegler Watchel (1895-1987), intellectuel pacifiste roumain. On lui doit : L’Internationale Pacifiste / Avec
une Lettre et un Message de Romain Rolland, Paris, André Delpeuch, 1929 ; sur R. R. : Una Tarde en Villeneuve, Montevideo, Ediciones
Humanidad, 1951 et El Hombre libre frente a la barbarie totalitaria / Un caso de conciencia : Romain Rolland, Montevideo, Anales de la
Universidad, 1954 ; Stefan Zweig, cazador de almas, Montevideo, Ediciones Humanidad, 1952 ; préface à Mi Cruzada de Panaït Istrati,
ediciones Armonia, Buenos Aires, 1937, etc.
2. D’après le Bulletin / Association des Amis de Romain Rolland, puis du Fonds Romain Rolland, n° 2 (juillet 1947), p. 9. Désormais désigné
par le sigle BAFRR, suivi du numéro, de l’année de publication, de la pagination.
3. Jeune ami et admirateur d’Istrati, il vint s’installer en France en 1925. Il recueillera de nombreux inédits de l’écrivain dont il fera don et
qui se trouvent aujourd’hui conservés à la Bibliothèque Universitaire de Nice. Il meurt en 1977.
4. Les Amis de Panaït Istrati / Bulletin de liaison et d’information, n° 45 (automne 1997), p. 3 : « Une lettre de Marie Romain Rolland à Jean
Stanesco ». Désormais désigné par le sigle APIB, suivi du numéro, de l’année de publication, de la pagination.
5. Nicolas Tertulian, pseud. de Nathan Veinstein, essayiste et critique littéraire roumain, né en 1929, il devra s’exiler en 1980 et obtiendra
en 1982 un poste de directeur d’études à l’École des Hautes Etudes en Sciences Sociales.
6. Alexandre Talex (1909-1998), ami d’Istrati, journaliste et écrivain roumain, membre très actif des Amis de Panaït Istrati entre 1975 et
1998 ; a publié Le Pèlerin du cœur, recueil de textes autobiographiques de P. I. (Gallimard, 1984) ; Panait Istrati / Cum am devenit scriitor,
reconstituire pe baza de texte autobiografice, alese, traduse si adnotate de Alexandru Talex, Craiova, Scrisul românesc, 1981, (Nouvelle
édition, Bucarest, Editura Florile Dalbe, 1998).
7. Alexandru Oprea (1931-1983), critique littéraire, directeur du Musée de la littérature roumaine et de la revue Manusccriptum (1970-2007)
qui publia de nombreuses études et inédits d’Istrati. Auteur de Panaït Istrati un chevalier errant moderne, Bucarest, Les Éditions Eminescu,
1973, 318 p.
8. Henric Sanielevici (1875-1951), journaliste et critique littéraire roumain avec lequel Romain Rolland correspondit. Il fut également un ami
d’Istrati (Voir la lettre de P. I. du 6 novembre 1924 à Alex. Țigara-Samurcaș in Cahiers Panaït Istrati, n° 10, 1993, p. 68).
9. Cahiers Panaït Istrati, n° 5, 1988, p. 9-10. Cette lettre du 3/12/1973 n’est pas signalée dans le BAFRR, nos 103/106 (1973).
10. Alekseï Nikplaïevitch Kossyguine (1904-1980), président du conseil des ministres de l’U.R.S.S. de 1964 à sa mort, mais Leonid Ilitch
Brejnev (1906-1982), lui, se révéla être un chef de l’État opposé au « dégel » culturel et idéologique…
11. Cahiers Panaït Istrati, n° 5 (1988), p. 10.
12. Intitulé « Hors du monde, dans le monde » (mais « Journal » en couverture), Esprit n° 3, mars 1977, pp. 375-381, extrait d’un cahier
scolaire de 16 pages composé de « méditations, nostalgies, souvenirs, rêves et pensées », écrit en avril-mai 1921. Publié une première
fois in Les Amis de Panaït Istrati, n° 16, novembre 1974, puis in Le pèlerin du cœur, édition établie et présentée par A. Talex, Gallimard,
1984, p. 108-115, avec son vrai titre : « Hors du monde, dans le monde et pour le monde », mais toujours pas intégralement et dans une
transcription défectueuse.
13. Mikhaï Gafitza (1923-1977), écrivain et critique littéraire roumain, rédacteur-en-chef de « Cartea romaneasca » (Le Livre roumain), mort
à Bucarest le 4 mars lors du séisme qui fit de nombreuses victimes et détruisit des quartiers entiers de la ville.
14. Marcel Mermoz (1908-1982) autodidacte, ami de Marcel Barbu le fondateur de la communauté de travail de Boimondeau (Valence), il
crée en 1950 la Cité Horlogère. Auteur de L’autogestion c’est pas de la tarte ! / Entretien avec Jean-Marie Domenach, Seuil, 1978. Prend
en main l’association des Amis de P.I. en 1975 avec la volonté de susciter l’intérêt pour l’œuvre, de réhabiliter l’homme calomnié, en repu-
bliant Vers l’autre flamme /Après seize mois dans l’U.R.S.S./ Confession pour vaincus (Valence, Fondation Panaït Istrati, 1977 ; rééd. col-
lection 10/18, n° 1360, 1980), en publiant le dossier Panaït Istrati à la Sigourantsa ‒ police secrète roumaine (Cahiers des Amis de Panaït
Istrati, n° 3, 1976 et n° 5, 1977).
15. Cahiers des Amis de Panaït Istrati, n° 14, mai 1979, p. 29.
16. Cahiers Panaït Istrati, n° 5, 1988, p. 10. Le BAFRR nos 131/134 (1980) ne fait pas état de cette rencontre ; celui de 1981 souligne :
« Rien n’ayant pu être réglé en 1980, nous n’avons pas cru nécessaire de reparler de cette affaire dans le Bulletin consacré à cette année-
là. »
17. Les répliques de Mme Veuve Romain Rolland étaient légendaires. Nombreux ceux qui en furent les « bénéficiaires »… Concernant les
lettres échangées avec Marcel Martinet, Jacques Mesnil et Istrati, elle affirmait sur un ton péremptoire que « ni le peuple russe ni le peuple
français n’étaient mûrs pour certaines révélations »… Défense et illustration de la Raison d’État… soviétique, c’est-à-dire néo-stalinien.
Mais aussi implicite aveu que le régime et ses « ingénieurs des âmes » avaient échoué à faire « mûrir » le peuple…
18. Heinrich Stiehler, universitaire spécialiste en littérature comparée, maître d’œuvre – à la Büchergilde Gutenberg, Frankfurt-am Main,
1985-1993 – d’une édition des œuvres en 14 vol. On lui doit une remarquable biographie intellectuelle : Panait Istrati. Von der Schwierigkeit,
Leben zu erzählen [De la difficulté de conter sa vie], 1990, 399 p.).
19. Christian Golfetto, enseignant spécialisé, istratien convaincu, fut de 1987 à 1991 et de 1997 à 2012 président des Amis de Panaït Istrati.
Il créa les Cahiers Panaït Istrati dont il dirigea de 1985 à 1996 les 13 numéros.
20. Cahiers Panaït Istrati, n° 5, 1988, p. 40. (Propos tenus dans le cadre de l’émission « Panorama », sur France Culture, diffusée le 25 juin
1987.) Parler « d’erreurs » ne traduit pas la réalité : il s’agit de « fautes » puisque les textes y sont l’objet de transcriptions infidèles, incom-
plètes, de travestissements et de réécriture injustifiables.
21. Les Amis de Panaït Istrati / Bulletin de liaison et d’information n° 10, juin 1987, p. IV.
22. L’errata, au format de la publication de la correspondance (pour y être joint) est encarté dans le Bulletin de liaison et d’information / Les
Amis de Panaït Istrati, n° 14, juin 1988.
23. Dans notre édition en cours chaque lecteur pourra constater que l’on était loin du compte !
24. D’une lettre du 15 janvier 2003 adressée à Daniel Lérault.
25. « Romain Rolland épistolier », in Permanence et pluralité de Romain Rolland, Actes du colloque tenu à Clamecy, 22-24 septembre
1994, Nevers, Conseil général de la Nièvre, 1995, p. 149-159.
26. Les Amis de Panaït Istrati / Bulletin trimestriel de liaison et d’information, n° 38, décembre 1994, p. 10. – Qualifier de « vétilles » et
« d’erreurs inévitables et sans importance » le traitement indigne et injustifiable infligé unilatéralement aux textes istratien et rollandien
nous semble relever d’une légèreté méthodologique confondante. Nous ne saurions y souscrire. Le professeur Dadoun a-t-il pris la peine
(élémentaire !) d’examiner les autographes ou s’est-il contenté d’une « connaissance par ouï-dire ?