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Cours de Droit pénal général

Professeur Abdelaziz Elhila


Plan du Cours
INTRODUCTION
Chapitre I : L'infraction pénale
Section I - L'infraction pénale: approche juridique et criminologique
§1 Comparaison du délit pénal avec des délits voisins
I - Délit pénal et délit civil
A- principaux traits distinctifs
B- les liens entre les deux catégories de délit
II- Délit pénal et délit disciplinaire
A - Précisions :
B - principaux traits distinctifs
§2-principales classifications des infractions
I- Classification fondée sur la gravité de l'infraction
II-Classification fondée sur la nature de l'infraction
§3 -L'infraction dans sa dimension criminologique
I- Les causes du crime ou facteurs prédisposant
A- Les causes individuelles
B -Les causes sociales
II - Les moyens de lutte contre le crime préconisés par les criminologues
Section II- Les éléments constitutifs de l'infraction pénale
§l-Elément ou préalable légal
I-Porté de la règle de la légalité en ce qui concerne l'élaboration de la loi pénale
II- Portée de la règle de la légalité en ce qui concerne la connaissance de la loi pénale
III- Portée de la règle de la légalité en ce qui concerne l'application de la loi pénale
A - Le rôle du juge pénal
1-La qualification
2 -L'interprétation
B -Le domaine d'application de la loi pénale
1-Dans le temps
2- Dans l'espace
§2 - Elément matériel
I- L'infraction consommée
II- L'infraction inachevée
A- L'infraction tentée (ou tentative interrompue)
a- CONDITION DE LA TENTATIVE PUNISSABLE
b- LA REPRESSION DE LA TENTATIVE

B- L'infraction exécutée mais manquée


§3 -L'élément moral
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I - Dans les infractions intentionnelles
II -Dans les infractions non intentionnelles
Chapitre II : La responsabilité pénale
Section I - La personne responsable
§1- L'auteur de l'infraction
I -Les personnes physiques
II- personnes morales
§2 - Le complice
I -Les conditions de la complicité punissable
A- L'élément légal (l'incrimination du fait principal)
B- L'élément matériel (l'acte de complicité)
C - L'élément moral (l'intention coupable)
II -La sanction de la complicité
Section II - Les causes d'exclusion ou d'atténuation de la responsabilité
§1 - Les causes objectives de non responsabilité
I- Les causes objectives de non responsabilité
A- L'ordre de la loi et le commandement de l'autorité légitime
B- L'état de nécessité ou de contrainte
C- La légitime défense
II-La question du consentement de la victime
§2- Les causes subjectives d'exclusion ou d'atténuation de la responsabilité
I- La minorité
II- L'altération des facultés mentales
A-L'irresponsabilité absolutoire
B - L'irresponsabilité partielle
Chapitre III : La réaction pénale
Section 1 - Formes et mesure de la sanction
§1 - Les formes de la sanction: les peines et les mesures de sûreté
I- Les peines
A- Les peines principales
B -Les peines accessoires
II - les mesures de Sûreté
A- Les mesures de sûreté personnelles
B -Les mesures de sûreté réelles
§2 -la mesure de la sanction
Section II - Modifications affectant l'exécution et les effets de la sanction

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Introduction
I - Présentation de la matière
Dans le langage juridique usuel, rappelons le, le terme « Droit » est entend selon les cas, soit
dans le sens subjectif comme une prérogative attribuée à la personne de jouir individuellement
on collectivement d'un bien (droit de propriété ...), on d'une faculté (droit d'association ... ), ou
d'une valeur (droit à la vie ... ) ou d'exiger d'autrui une prestation (droit de créance ... ) ; soit dans
le sens objectif comme l'ensemble des règles qui régissent la vie en société en déterminant ce qui
est permis et ce qui est défendu et en protégeant l'ordre public et les droits individuels et
collectifs (c'est à dire les droits subjectifs) le cas échéant sous la menace d'une sanction.
S'agissant de notre matière, le terme «Droit est évidement, entendu dans son sens objectif et les
règles de Droit qui nous intéressent particulièrement sont celles qui ont un "caractère pénal c'est-
à-dire qui ont pour objet de déterminer les faits incriminés et leurs sanctions. Mais de par son
caractère général, notre matière s'attache plus particulièrement aux règles communes aux
diverses incriminations et à leurs sanctions.
Sous le bénéficie de ces précisions, il convient, d'abord, de distinguer le Droit pénal général
(DPG) d'avec des matières voisines en le situant dans le cadre de la discipline globale, dont il est
une composante, communément appelée « Droit pénal» ou « Droit criminel» (A); et d'envisager,
ensuite la discipline pénale dans ses rapports avec les matières relevant des sciences criminelles
considérées comme auxiliaires du droit pénal (B).
A -Le DPG : matière parmi d'autres du Droit pénal ou Droit criminel
Considéré dans sa totalité, le Droit pénal ou Droit criminel se définit comme la branche du Droit
qui s'assigne pour objet la lutte contre la criminalité sous tout ses formes et manifestations et qui
réglemente, ainsi, le recours de la puissance publique attitrée à la sanction pénale à travers des
règles de fond (ou matérielles) et de forme (ou procédurales). De la il se divise en trois parties ou
matières (le Droit pénal général, le Droit pénal spécial: et la procédure pénale) qui, tout en ayant
une surface commune et tout en entretenant des rapports étroits, ont chacune un domaine propre
et font généralement l'objet d'enseignements distincts dans le cursus de formation juridique.
1°Le Droit pénal général: matière de « synthèse »
Cette matière de fond a trait aux règles communes aux infractions pénales, à la responsabilité et
aux sanctions. Ces règles sont énoncées dans le livre 1du code pénal intitulé « Des peines et des
mesures de sûreté» (Art 13 à 109) et dans le livre II du même code intitulé «De l'application à
l'auteur de l'infraction des peines et des mesures de sûreté « (Art 110 à 162)
Ainsi, pour l'essentiel, le Droit pénal général détermine, d'abord, les éléments constitutifs
de l’infraction pénale qu'il envisage comme un fait anti-social légalement incriminé et sanctionné
(élément légal), qui se manifeste par un comportement externe (élément matériel) conformément
à l'intention coupable de son auteur ou suite à son imprudence ou à
L’inobservation des lois et règlements (élément moral).
Il détermine, ensuite, les conditions générales sur la base desquelles la responsabilité pénale de
l’auteur (et du complice, le cas échéant) peut être engagée, exclue ou atténuée.
Il détermine, enfin, les formes et la typologie des sanctions, les modalités de leur
individualisation par le juge, ainsi que les causes de leur suspension ou de leur extinction avec ou
sans effacernent de la condamnation.
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La DGP apparaît, ainsi, comme une discipline de synthèse, contrairement au Droit pénal spécial
qui est une matière d'analyse.
2° -Le Droit pénal spécial: matière « d'analyse »
Il s'agit de la deuxième composante de fond du Droit criminel qui délimite avec précision le
régime pénale de chaque infraction, considérée isolément, en précisant les éléments constitutifs
de celle-ci et la sanction applicable et en déterminant les conditions spécifiques, s'il y a lieu, de
mise en œuvre de la responsabilité, et même, dans certains cas, les spécificités procédurales à
observer.
Cette matière permet donc de cataloguer et d'analyser les diverses incriminations prévues par la
loi, généralement suivant une démarche méthodique consistant à distinguer d'une part les
infractions contre les biens (vol, escroquerie, abus de confiance ...) et les infractions contre les
personnes (meurtre, blessures, infraction terroriste ...) et d'autre part, les atteintes corporelles
volontaires et les atteintes corporelles involontaires.
Le DPS puise sa substance pour une large part dans le livre III du CP intitulé «Des diverses
infractions et de leurs sanctions» (Art 163 à 612). Pour le reste, il tire sa matière de divers textes
pénaux particuliers, certains visant des catégories de personnes (militaires, gendarmes ...),
d'autres incriminant des faits déterminés (consommation et trafic des stupéfiants, fraudes dans les
examens et concours publics, terrorisme ...), sans oublier les dispositions à coloration pénale
énoncées dans des lois dont la texture essentielle se rapporte à d'autres domaines que le Droit
pénal (telles que les lois relatives aux élections, aux sociétés commerciales, à la presse, aux
rassemblements publics ...)
C'est dire qu'il s'agit d'un Droit vaste et diversifié, qui plus est ne cesse de s'adapter aux
nouvelles formes de criminalité, à la faveur de lois particulières de plus en plus nombreuses
grossissant le volume de la matière par autant de chapitres particuliers, voire de Droits pénaux
spéciaux (DPS des sociétés commerciales, DPS de la santé, DPS de l'environnement, DPS
militaire, DPS économique, DPS de la cybercriminalité ...)
3°-La procédure pénale, dispositif de mise en œuvre du DP de fond
Il s'agit, en effet, d'un corps de mesures, de garanties et de mécanismes de forme qui doivent être
scrupuleusement observés et respectés dans l'exercice de la justice répressive c'est-à-dire dans la
mise en cause, la poursuite et le jugement de tout auteur présumé d'infraction
Cette matière comprend, ainsi, l'ensemble des règles relatives à la conduite de l'enquête policière,
a déroulement du procès pénal (poursuite, instruction, jugement, voies de recours, droits de la
défense, preuve pénale), à l'organisation et à la compétence juridictionnelles, aux statuts et
attributions des divers organes de la justice (officiers de police judiciaire, magistrats du parquet
d'instruction et du jugement, greffiers) et des collaborateurs indépendants de l’autorité judiciaire
(experts, avocats). Ces règles sont contenues principalement dans le code de procédure pénale
(loi N°22 -01 entrée en vigueur le 1° octobre 2003) et dans divers textes particulier maintes fois
remaniés comme le code de justice militaire du 10 novembre 1956, le dahir du 27 septembre
1957 relatif à la cour suprême, le dahir portant loi du 11 novembre 1974 formant statut de la
magistrature, le dahir du 10 septembre 1993 relatif à l'organisation et à l’exercice de la
profession d'avocat ... En outre, on trouve quelques règles d'ordre procédural aussi bien dans la
constitution (Art l0, 11, 39, 82 à 92) que dans des textes internationaux ratifiés par le Maroc (tels
que le pacte relatif aux droits civils et politiques et la convention relative à l'interdiction de la
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torture) voire dans les conventions bilatérales d'entraide judiciaire conclues avec de nombreux
pays comme la France, l'Espagne et la Tunisie.
B- Le Droit pénal et les sciences criminelles« auxiliaires »
Bien qu'étant distinct en tant que discipline normative, le Droit pénal ou Droit criminel a une aire
commune avec les matières relevant des sciences criminelles dont il tire, incontestablement, un
précieux bénéfice.
Ces disciplines dénommées, à juste titre, « sciences auxiliaires du Doit Pénal ») méritent d'être
présentées, ne serait-ce que brièvement.
1-La criminologie
Elle se présente comme une science qui envisage le crime en tant que déviance sociale, mais
aussi comme un acte humain résultant de facteurs prédisposant ou criminogènes (individuels,
familiaux, sociaux économiques ...) et de là, elle se donne pour objet de rechercher et de
disséquer les causes du crime, d'analyser la personnalité du criminel et de proposer les moyens et
les mesures les plus appropriés de prévention et de lutte contre le phénomène criminel. En un
mot, il s'agit d'une approche foncièrement scientifique du phénomène criminel.
Pour cerner le phénomène criminel sous ses différents aspects, la criminologie s'est ramifiée en
un éventail de branches scientifiques spécialisées qui dans la recherche et l'analyse des causes du
crime (Etiologie criminelle), qui dans l'étude du processus psychique du crime (psychologie
criminelle), qui dans l'examen de la structure physique du criminel (Anthropologie criminelle ou
stomatologie criminelle), qui dans la description des diverses activités criminelles et des aspects
particuliers de la vie et du comportement des criminels vis-à-vis notamment des autorités
policières et judiciaires (phénoménologie criminelle), qui dans l'étude de l’environnement du
phénomène criminel et des conditions socio-familiales des délinquants (sociologie criminelle).
2- La criminalistique
Connue également sous le nom de « police scientifique », elle a pour objet d'éclairer, à l'aide de
procédés d'investigation scientifiques, les organes de la police et de la justice sur les
circonstances matérielles du crime, les moyens utilisés dans sa commission et les pistes à suivre
pour démasquer l'auteur,
Les procédés criminalistiques sont divers et évoluent avec les progrès technologiques mais aussi
avec la prolifération et la complexification de la criminalité, Certains sont licites et couramment
utilisés telles que l'anthropométrie {identification des suspects au moyen des empreintes digitales
et des fiches anthropométriques), la police technique (recherche des indices et des traces au
moyen par exemple de rayons laser, de l'examen ADN, de l'analyse de l'arme utilisée dans le
crime... ); la médecine légale (qui permet de préciser les causes et les circonstances d'un décès,
au moyen notamment de l'autopsie) et la toxicologie (qui permet de détecter ou de confirmer les
décès par empoisonnement et de préciser la substance toxique employée). D'autres procédés sont
difficilement compatibles avec le respect de l'intimité et de la vie privée et sont, par suite,
prohibés par les normes internationales relatives aux droits de l’Homme et par de nombreuses
législation national. Il s’agit des écoutes téléphoniques pour les besoins de l'enquête policière et
surtout la narco-analyse (injection d'un barbiturique appelé penthotal ou sérum de vérité qui
provoque un état de subnarcose pendant le quel le sujet révèle malgré lui des faits et des
renseignements qu'il dissimule en état normal) et du détecteur de mensonges (appareil qui permet

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de mesurer les réactions physiologiques de l'individu soumis à un interrogatoire afin de détecter
d'éventuels mensonges et d'en tirer des conclusions quant à la culpabilité ou l'innocence du sujet.
3-La science pénitentiaire ou pénologie
C'est au sens large l'étude des sanctions pénales (peines et mesures de sûreté) des points de vie
de leurs natures, de leurs typologies, de leurs modes d'exécution, de leur efficacité sociale et de
leur valeur au regard de la finalité d'amendement du condamné. On y inclut même l'étude du
Droit pénitentiaire c'est à dire essentiellement le régime des prisons et le statut des prisonniers.
Les trois disciplines scientifiques ainsi présentées entretiennent des rapports étroits avec le Doit
pénal à tel point que certains criminologues (à "exemple d'Erico Ferri) sont allés dans un élan
impérialiste, jusqu’a considérer que le Droit pénal ne peut prétendre à l’autonomie puisqu'il n'est
que l'aspect juridique du phénomène criminel envisagé dans sa dimension essentielle qui est la
dimension criminologique (Cf. Jean Larguier, criminologie et Science pénitentiaire, mémentos
Dalloz, 4ème édition, p.5). En tout cas, il est aujourd'hui hors de conteste que le Droit criminel
avec ses trois matières (DPG, DPS et PP) ne manque pas de s'inspirer des résultats des
recherches criminologiques et pénologiques et de tirer parti des procédés criminalistiques pour
mieux comprendre le phénomène criminel et pour améliorer l'arsenal de prévention,
d'investigation et de répression.
II - Plan du Cours
Ce cours s'articule autour des trois pièces maîtresses de la matière pénale à savoir l’infraction, la
responsabilité et la sanction. En effet, pour être passible de sanction, l’agent doit avoir commis
une infraction, au sens pénal du terme, et doit répondre aux conditions de la responsabilité
pénale. D'où le plan suivant:
- Chapitre I: L'infraction pénale
- Chapitre II : La responsabilité pénale
- Chapitre III : La réaction pénale

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Chapitre 1 : L'infraction pénale
L'infraction pénale peut s'analyser suivant deux approches qui, pour être foncièrement différentes
n'en demeurent pas moins étroitement imbriquées: la première, juridique ou normative, se réfère
aux définitions et délimitations issues de la législation pénale et permet de saisir 1a notion
d'infraction dans ses éléments constitutifs et dans ses traits distinctifs par rapport à d’autres types
de délit notamment civil et disciplinaire ; la seconde, criminologique, renvoie à des données
scientifiques tenant à la recherche des causes du crime et à l'étude de ses manifestations et ses
conséquences pour mieux concevoir et appliquer les mesures de prévention et de réaction.
Il s'agit donc, dans ce chapitre, de jeter d'abord quelque lumière sur cette double approche
juridique et criminologique (Section I), avant de se focaliser sur l'analyse juridique de l'infraction
à travers ses éléments constitutifs (Section II).
Section I - L'infraction pénale: approche juridique et criminologique
L’infraction appelée aussi délit pénal (le terme délit étant ici employé au sens large car nous
verrons que le délit au sens étroit vise l'infraction de gravité moyenne qui se situe entre le crime
et la contravention) peut être définie comme étant toute atteinte à l’ordre social et aux droits
individuels ou collectifs, soit par une action soit par une omission expressément interdite et
sanctionnée par la loi (Art 110 CP.)
Sous le bénéfice de cette définition on est conduit à comparer le délit pénal avec des délits
voisins (§.1). à présenter les principales classifications des infractions ( §2) et à s'arrêter sur la
dimension criminologique du délit qui imprègne à des degrés différents de nombreuses
législations modernes (§3).
§1 Comparaison du délit pénal avec des délits voisins
I - Délit pénal et délit civil
A- principaux traits distinctifs
Alors que le délit pénal est un fait incriminé et sanctionné de manière précise par un texte spécial
(Ex: vol: article 505 CP; meurtre: art 392; complot contre la sûreté intérieure de l'Etat: art 201
...), le délit civil est prévu et sanctionné par un texte à portée générale susceptible d’application
large à savoir l’article 77 du dahir des obligations et des contrats (DOC) aux termes duquel (
Tout fait quelconque de l'homme ,qui sans l'autorité de la loi cause sciemment et volontairement
à autrui un dommage matériel ou moral oblige son auteur à réparer ledit dommage ... ) (On peut
ajouter à ce texte, l'article 78 qui précise que: « Chacun est responsable du dommage moral ou matériel qu'il a
causé, non seulement par son fait mais par sa faute lorsqu'il est établi que cette toute en est la cause directe …
La faute consiste, soit à omettre ce qu'on était tenu de faire, soit à faire ce dont était tenu de s'abstenir sans
intention de causer un dommage ».
Ce texte vise, ainsi, le délit involontaire (ou non intentionnel) alors que l'article 77 vise le délit lanlaire (ou
intentionnel).
Alors que le délit pénal peut être sanctionné même en l'absence de tout préjudice (port d'arme,
tentative d'infraction, empoisonnement n'ayant pas réalisé de conséquence dommageable ...), le
délit civil ne peut donner lieu à réparation que si la victime a subi un dommage quelconque.
Alors qu'en matière de responsabilité civile, la faute peut-être présumée, en ce qui concerne la
responsabilité pénale, il n'y a pas de présomption de faute; au contraire, c'est le principe de «la
présomption d'innocence» qui prévaut.

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Alors que l'infraction pénale donne lieu à une sanction qui peut être soit une peine proprement
dite (amende, emprisonnement, peine de mort ...) soit une mesure de sûreté (interdiction de
séjour, placement d'un mineur délinquant dans un centre de rééducation ...), le délit civil donne
lieu seulement à une réparation civile c'est-à-dire à la condamnation de l'auteur à verser des
dommages intérêts à la victime (ou à ses ayants droit).
- Si en présence d'un délit civil, une transaction (ou un arrangement) reste possible entre 1’auteur
du délit et sa victime, en ce qui concerne le délit pénal, les parties ne peuvent pas en principe
transiger sur l'action publique ou action pénale (donc sur la responsabilité pénale de l'auteur)
exercée par le ministère public pour protéger l'ordre social.
B- Les liens entre les deux catégories de délit
- Bien souvent un même fait constitue en même temps une infraction pénale et un délit civil (ex:
meurtre. coups et blessures, viol, diffamation...). D'où deux types d'actions judiciaires sont
possibles: une action dite publique exercée par le ministère public et destinée à sanctionner le
délit pénal, et une action dite civile exercée par la victime ou ses ayants droit en vue d'obtenir
une indemnisation (Dommage- intérêts) en réparation du dommage qu'elle a subi. En
l'occurrence, on peut, au choix de la victime, se trouver devant l'un des deux cas de figures
suivants :
-soit que la victime se constitue partie civile (pour réclamer une réparation) devant la juridiction
pénale accessoirement à "action publique exercée par le ministère public; auquel cas la même
juridiction (répressive) statuera en principe sur les deux actions (public et civile).
-soit que la victime porte son action en dommages- intérêts devant la juridiction civile alors que
l'action publique est exercée par le ministère public, bien entendu, devant la juridiction
répressive; auquel cas deux règles fondamentales sont prévues pour éviter une éventuelle
dissonance ou contradiction entre les jugements rendus par les deux juridictions : d'une part, « le
criminel tient le civil en état « (le tribunal civil doit surseoir à statuer sur l'action civile jusqu'à
ce que la juridiction pénale se prononce sur l'action publique); et d'autre part « l'autorité sur le
civil de la chose jugée au pénal»: la juridiction civile doit, normalement, tenir compte de la
décision rendue par la juridiction pénale sur l'action publique: ainsi, le prévenu acquitté
pénalement, ne sera pas, en principe, condamné par la juridiction civile à des dommages intérêts.
Il- Délit pénal et délit disciplinaire
A - Précisions :
-Constituent des délits disciplinaires, toutes violations des règles régissant certains groupements,
associations ou corps constitués (ordre des avocats, des médecins, corps des enseignants, des
magistrats ....)
- Parfois un même fait peut constituer à la fois une faute disciplinaire et une infraction pénale;
ex: refus par un médecin de porter assistance à une personne en péril (voir code de déontologie
médicale et art 431 du CP), vol de deniers publics commis par un fonctionnaire, fraude commise
à l'examen par un étudiant.
B - principaux traits distinctifs
- Alors que la faute disciplinaire consiste dans la violation des règles propres à un corps social ou
professionnel déterminé, l'infraction ou faute pénale constitue une violation de la loi pénale, donc
une atteinte à l'ordre public, pouvant être commise par tout individu indépendamment de sa
situation sociale ou professionnelle.
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-Alors que le délit disciplinaire expose son auteur à des mesures disciplinaires particulières à
l'exercice de la profession ou à l'activité du groupe (blâme, suspension temporaire, révocation ...
) -mesures généralement décidées par des institutions spéciales (conseil de l'ordre des avocats,
conseil de l'université par exemple)-l'infraction pénale donne lieu à une sanction à l'encontre de
l'auteur sous forme d'une peine ou d'une mesure de sûreté (ou les deux) prononcée par une
juridiction pénale.
§2-principales classifications des infractions
I- Classification fondée sur la gravité de l'infraction
-L’infraction la plus grave: le crime (entendu ici dans son sens technique et non pas dans son
sens courant visant le meurtre) est puni de la mort, de la réclusion perpétuelle ou temporaire de 5
à 30 ans, de la résidence forcée ou de la dégradation civique.
-L’infraction de gravité moyenne: le délit, avec deux variantes:
*Le délit correctionnel: puni de l'emprisonnement de plus de 2 ans et de moins de 5 ans
*Le délit de Police: puni de l'emprisonnement d'une durée égale ou inférieure à 2 ans et
supérieure ou égale à un mois.
-L’infraction de gravité minime: la contravention, punie de la détention d'une durée supérieure
à un mois avec ou sans amende, ou d'une simple amende de 30 à 1200 dirhams.
II-Classification fondée sur la nature de l'infraction
- Infraction de droit commun: c'est essentiellement, celle relevant des juridictions de droit
commun et qui ne répond ni à la qualification politique ni à la qualification militaire.
- Infraction politique: elle est généralement définie comme toute atteinte, inspirée par un
mobile politique, visant l'organisation politique de l'Etat, son intérêt supérieur, ses institutions,
ses organes, ou les droits politiques des citoyens (fraude électorale, diffamation visant une
personnalité politique, attentat contre la personne du Roi, du prince héritier ou contre la famille
royale ...)
Ce type d'infraction est prévu par le code pénal ou par des textes spéciaux et relève, en principe,
des juridictions de droit commun.
-Infraction militaire: certaines infractions sont purement militaires dans la mesure où elles ne
peuvent être commises que par les militaires: désertion, insoumission, abandon de poste ...
D'autres infractions qui sont normalement de droit commun peuvent être qualifiées de militaires
lorsqu'elles sont commises par un militaire en rapport avec sa statut ou avec l'organisation ou la
discipline militaire: (ex: vol d'armes, falsification de document, violence sur la personne d'un
supérieur ou d'un subordonné). D'autre part, même commises par des civils, certaines infractions
portant atteinte à l'organisation militaire ou à l'honorabilité de l'armée, sont qualifiées de
militaires, (ex: crime commis par un civil contre un membre des FAR, vol d'une arme dans une
caserne ...)
Ces infractions, tout comme les atteintes à la sureté extérieure de l’état quel qu’en soit l'auteur,
sont de la compétence du tribunal militaire.
§3 -L'infraction dans sa dimension criminologique
Les criminologues envisagent le délit comme un comportement antisocial 1ié à certains facteurs
criminogènes ou prédisposant (I) et de là ils proposent les moyens qu'ils jugent les plus
appropriés pour lutter contre le crime (II).

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I- Les causes du crime ou facteurs prédisposant
A- Les causes individuelles
Les criminologues estiment que tant certains facteurs innés (hérédité, accidents génétiques ...)
que certaines anomalies organiques ou physiques acquise (démence, toxicomanie, syphilis ...)
exercent une influence plus ou moins importante sur la constitution de la personnalité et peuvent
ébranler peu ou prou l'équilibre psychique de l'individu et le prédisposer ainsi à des forfaits.
Ex: D'après une étude du criminologue Allemand Exner: sur 709 descendants et descendantes
d'une même famille, 202 étaient des prostituées, 192 des vagabonds et 77 des délinquants
condamnés pour différentes infractions.
B -Les causes sociales
Les criminologues soulignent que la personnalité de l'individu subit plus ou moins
considérablement l'influence de divers facteurs physiques (milieu naturel, conditions climatiques
et démographiques), familiaux, économiques, culturels.....
Ex : déjà au début de 19ème siècle, le belge Quetelet et le Français Guerry ont dégagé leur
fameuse « Loi thermique de la criminalité» après avoir constaté que les crimes contre les
personnes sont plus nombreux en période d'été et dans les régions de forte chaleur alors que les
infractions contre les biens sont plus fréquentes en hiver ; que les suicides, les avortements et les
infanticides augmentent pendant le printemps et que les viols et les adultères se multiplient en
été et en automne.
Autre exemple: Aux USA, une enquête a permis de constater que près de 90% d'adolescents
délinquants avaient souffert de problèmes familiaux liés notamment au divorce ou à la
mésentente entre les époux, et que 35% de jeunes délinquants avaient manqué d'affection
maternelle.
II - Les moyens de lutte contre le crime préconisés par les criminologues
-D'abord, il est nécessaire de comprendre et de saisir les différents aspects du phénomène
criminel à travers une analyse scientifique (enquête, données statistiques, examens de
personnalité ...): d'où l'indispensable collaboration de diverses disciplines (Sociologie,
psychiatrie, criminalistique...)
- Politique de prévention appropriée: mesures générales de prophylaxie sociale (ex: éclairage
suffisant des rues pendant la nuit, lutte contre la pauvreté et le chômage, éducation adéquate à
l'école ...). Mesures de prévention individualisée (ex: internement psychiatrique des malades
mentaux, cure de désintoxication pour toxicomanes…)
- Mesures de réaction diversifiées: A côté des peines, prévoir des mesures de rééducation, de
traitement, de réinsertion sociale et de réparation ... D'où système d'individualisation de la
sanction.
A la lumière de cet éclairage, force est de souligner que l'apport de la criminologie est
considérable et qu'une bonne politique criminelle gagnerait à tenir largement compte de cette
dimension scientifique du phénomène criminel. Et de fait, les systèmes pénaux modernes ne
manquent pas de s'en inspirer, peu ou prou, à travers l'adoption de diverses institutions et
mesures préconisées par la criminologie.
S'agissant de la législation pénale marocaine, même si elle n'est pas encore suffisamment
imprégnée de données d'ordre criminologique, elle renferme assurément des dispositions et des
mesures qui s'inscrivent bel et bien dans cette optique (incrimination de certains états dangereux
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tels que le vagabondage et la mendicité, institution de mesures d'éducation, de protection et de
surveillance à l'égard de mineurs délinquants, internement psychiatrique des malades mentaux
délinquants, cure de désintoxication pour les toxicomanes; marge de manœuvre accordée au
juge pour individualiser la sanction au moyen de divers procédés tels que le sursis à l'application
de la peine et la prise en considération de circonstances atténuantes ou aggravantes selon les
cas…)
Section II- Les éléments constitutifs de l'infraction pénale
Outre des conditions particulières permettant de l'individualiser (étudiées dans le cadre du DPS),
tout fait quelconque suppose pour être juridiquement considéré comme infraction pénale, trois
conditions ou éléments (éléments communs à toutes les infractions): un élément légal (ou
préalable légal) (§ 1) un élément matériel (§2) et un élément moral (§3).
§l-Elément légal ou préalable légal
Pour qu'un agissement ou un comportement constitue une infraction pénale, il faut d'abord qu'il
soit préalablement interdit par un texte de loi sous la menace d'une sanction.
Autrement dit, il doit être spécifiquement incriminé et réprimé par la loi. « Il n'y a pas
d’infraction, il n'y a pas de sanction sans un texte légal : C'est la règle de la légalité des délits et
des peines.
Garantie fondamentale contre l'injustice, l'arbitraire et l'inégalité, cette règle figure en bonne
place dans la Déclaration universelle des droits de l'Homme de 1948 (art 11) et dans le pacte
international relatif aux droits civils et politiques de 1966 (art 15). (Pacte signé et ratifié par le
Maroc).
Au Maroc elle est consacrée par la constitution (art 10) et par l’art 3 du code pénal.
Aussi convient-il d'en analyser la portée à trois niveaux: l'élaboration (I), la connaissance (II) et
l'application (III) de la loi pénale.
I-Porté de la règle de la légalité en ce qui concerne l'élaboration de la loi pénale
Outre qu'il doit être écrit et d'accès facile pour permettre aux citoyens de savoir ce qui est interdit
et au juges de disposer d'une base de référence sûre et stable, le texte de loi doit être aussi clair et
précis que possible afin d'être appliqué de manière correcte L'imprécision est source d'arbitraire.
-La règle de la légalité implique aussi la nécessité d'édicter des règles de procédure, de mettre en
place des tribunaux et de nommer des organes judiciaires afin de permettre la poursuite et le
jugement des auteurs d'infractions pénales,
II- Portée de la règle de la légalité en ce qui concerne la connaissance de la loi pénale
-Les citoyens ont intérêt à savoir ce qui est formellement défendu par la loi: Article 2 du CP: «
nul ne peut invoquer pour son excuse l'ignorance de la loi pénale». Ce texte signifie que la
personne poursuivie pénalement ne peut dégager sa responsabilité et échapper à la répression en
arguant du fait qu'elle ignorait que l'acte dont elle est l'auteur est légalement interdit (c.à.d.
incriminé et puni par la loi).
Ce texte reste rigoureux ; même au sein de la population alphabétisée, rares sont ceux qui sont au
courant des lois pénales en vigueur et s'informent régulièrement sur les textes nouvellement
adoptés et publiés. Que dire alors de la masse considérable de citoyens analphabètes?
III- Portée de la règle de la légalité en ce qui concerne l'application de la loi pénale
A - Le rôle du juge pénal

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La règle de la légalité impose au juge pénal, en tant qu'organe d'application de la loi, deux
obligations essentielles :
1-La qualification
Chaque fois qu'une affaire lui est soumise pour y être statué, le juge est amené à procéder à une
double opération: il doit d'abord, vérifier que le fait dont il est saisi constitue bien une infraction
pénale en s'assurant qu'il correspond à l'une des qualifications (ou incriminations) prévues par la
loi (vol, escroquerie, meurtre, attentat à la pudeur ...): c'est la qualification du fait. Il doit,
ensuite, ranger l'infraction en question, en fonction de sa gravité, dans l'une des catégories
prévues par la loi: crime, délit, contravention (et le cas échéant, relever la nature militaire de
l'infraction pour en renvoyer la compétence à la juridiction militaire): c'est la qualification de
l'infraction constituée par le fait.
Sans doute faut-il préciser que c'est, en principe, au ministère public, organe de poursuite, qu'il
appartient de donner une qualification aux faits de l'espèce qu'il entend soumettre à la juridiction
répressive (qualification qui, d'ailleurs peut s'accorder ou non avec celle anticipée, le cas échéant,
par la police judiciaire ou par la partie civile); Mais cette Juridiction n 'est pas, pour autant, liée
par cette qualification et il lui incombe, de la vérifier et donc soit de la retenir, soit de la modifier
par une autre qu'elle juge plus appropriée.
Outre son importance en tant qu'opération permettant de constater juridiquement l'infraction et
s'inscrivant, ainsi, en droite ligne dans le respect de la règle de la légalité, la qualification
emporte bien des conséquences ou intérêts tenant notamment à la compétence juridictionnelle
{en principe, les infractions qualifiées de contraventions ou de délits sont de la compétence du
tribunal de l ère instance, alors que celles qualifiées de crimes relèvent de la chambre criminelle
de la cour d'appel}; à la prescription de l’action publiques (2 ans pour la contravention, 5 ans
pour le délit et 20 ans pour le crime); à l'instruction préparatoire (obligatoire pour certains crimes
et pour les délits visés par une disposition spéciale, facultative pour les autres crimes et pour
d'autres délits déterminés); à la tentative (toujours punissables en cas de crime, jamais en cas de
contravention et lorsqu'une disposition expresse le prévoit en cas de délit); à la complicité (qui
n'est punissable qu'en cas d'infraction qualifiée crime ou délit).
2 -L'interprétation
Elle consiste non seulement à dégager le sens exact d'un texte dont la formulation est peu claire,
mais aussi, lorsque le texte est suffisamment limpide, à en délimiter le champ d'application
(juridique, temporel et spatial) pour s'assurer qu'il vise bien l'espèce en question. . Ainsi:
-Lorsque le texte de loi applicable à l'espèce est clair et sans équivoque, le juge doit,
évidemment, s'en tenir au sens du texte et veiller à l'appliquer correctement après en avoir
déterminé la portée au regard du cas concret qui lui est soumis
- Si le texte de la loi est obscur ou équivoque, le juge est néanmoins tenu de statuer, (sinon il se
rend coupable de déni de justice infraction passible d'une peine d'amende de 250 à 2500 Dhs et
de l'interdiction d'exercer la fonction publique pendant la ans). Or pour statuer, le juge n'est pas
admis à raisonner par analogie en s'efforçant d'appliquer à l'espèce un autre texte prévu pour une
hypothèse similaire, ce procédé étant contraire à la règle de la légalité. D’autre part, s'en tenir
strictement à lettre du texte pourrait conduire à des abus ou à des aberrations (exemples pratiques
en cours de séance). En fait, il incombe au juge de rechercher le sens voulu par le législateur
(méthode téléologique) ; et pour ce faire, il lui appartient de se référer aux travaux préparatoires
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du texte de loi en question, de déceler l'esprit général du texte en conformité avec le bon sens, et
de prendre en considération le contexte de son adoption par le législateur.
B -Le domaine d'application de la loi pénale
1-Dans le temps
Il peut arriver qu'une infraction soit commise sous l'empire d'une loi pénale, mais avant qu'elle
soit jugée une nouvelle loi pénale entre en vigueur; selon quelle loi, donc, cette infraction doit-
elle être jugée: la loi nouvelle ou celle en vigueur au moment de la commission de l'infraction?
C'est la question du conflit des lois pénales dans le temps.
-Ce conflit est résolu par le principe de « la non rétroactivité de la loi pénale » (Art 4 de la
Constitution, et art 4 du CP). Autrement dit, on ne peut appliquer une loi nouvelle à des faits
antérieurs à sa promulgation ou à sa date d'entrée en vigueur. Ces faits restent régis par la loi qui
était en vigueur à la date de leur commission. Mais ce principe comporte certaines exceptions,
notamment:
- La loi nouvelle s'applique lorsqu'elle est moins rigoureuse que l'ancienne (art 6 du
CP) (par ex la loi nouvelle prévoit une peine moins sévère que celle édictée par la loi antérieure).
- La loi nouvelle s'applique lorsqu'elle vient supprimer l'incrimination d'un fait qui était
incriminé et puni par la loi antérieure c'est à dire la loi sous l'empire de laquelle il a été commis
(art 5 du CP).
- La loi nouvelle s'applique lorsqu'elle a trait à une mesure de sûreté. C'est ce que laisse entendre
l'article 8 al 2 du CP: « les mesures de sûreté applicables sont celles édictées par la loi en vigueur
au moment du jugement de l'infraction ». Cette application immédiate (ou rétroactivité)
s'explique, estime t-on, par le fait que ces mesures visent généralement le traitement, la
rééducation et la resocialisation des délinquants et sont donc censées être favorables à l'inculpé
en instance de jugement. Ce qui, à vrai dire, est loin d'être toujours le cas puisque bien des
mesures de sûreté ont incontestablement une coloration pénale telle que l'interdiction de séjour,
la résidence forcée, la confiscation…
2- Dans l'espace
Aux termes de l'article 10 du CP: « sont soumis à la loi pénale marocaine, tous ceux qui,
nationaux étrangers ou apatrides, se trouvent sur le territoire du Royaume, sauf les exceptions
établies par le droit public international ». C'est le principe de la territorialité des lois pénales.
Mais ce principe est assorti d'exceptions. A titre d'exemples.
- Les agents diplomatiques accrédités au Maroc qui commettent une infraction sur le territoire
marocain sont couverts par l'immunité diplomatique et relèvent donc de la législation et des
juridictions pénales de leur propre pays.
- L’infraction commise hors du Maroc par un étranger peut être poursuivie et jugée d'après les
dispositions de la loi marocaine si elle consiste en un crime ou délit contre la sûreté de l'Etat
marocain, ou en une contrefaçon de monnaie ou de billets de banque nationaux ou si elle consiste
en un crime puni par la loi marocaine à condition que la victime soit de nationalité marocaine.
Toutefois, la poursuite ou le jugement ne peut avoir lieu que lorsque l’inculpé ne justifie pas
avoir été irrévocablement jugé à l'étranger pour la même infraction et en cas de condamnation,
avoir subi ou prescrit sa peine. (Voir pour les détails. Art 704 à 712 du code de procédure
pénale).

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§2 - Elément matériel
C'est le comportement externe par lequel se manifeste l'infraction. C'est donc le deuxième
élément constitutif de l'infraction. En effet la simple intention criminelle ou le simple projet
délictuel ne suffisent pas à constituer une infraction. Celle-ci ne peut être constituée que par un
fait extérieur, par un geste, par une attitude tournée vers un but.
L'activité matérielle est constitutive d'infraction que le résultat dommageable escompté
Ait été réalisé: c'est l'infraction consommée (I) ou qu'il n'ait pu être réalisé bien que certains
Agissements tendant à l'obtenir aient été accomplis: c'est l'infraction inachevée (II).
I - L'infraction consommée
C'est celle qui se traduit par un résultat dommageable. Elle peut prendre diverses formes,
notamment:
1-Infraction de commission ou délit d'actions : consiste à commettre un acte positif prohibé
par la loi, ex: tuer, blesser, voler, ...
2-Infraction d'omission ou délit d'inaction ou encore d'abstention: ne pas faire ce que la loi
commande de faire, ex: refus de témoigner en faveur d'un innocent art 378 CP), omission de
déclarer la naissance d'un enfant nouveau-né (art 468), non révélation d'un crime (tenté ou
consommé) aux autorités de police ou de justice (Art 299 CP).
3- Infraction instantanées : se réalise en un trait de temps: ex meurtre, vol…
4- Infraction continue ou successive: constituée par une action ou une omission qui se prolonge
dans le temps par la réitération constante de la volonté coupable de l'auteur: ex : séquestration
arbitraire, recel de choses volées, port illégal d'uniforme.
5- Infraction d'occasion: constituée par un acte isolé (le délinquant d’occasion est
généralement un délinquant primaire par opposition au délinquant récidiviste C’est-à-dire qui,
après avoir été condamné et sanctionné pour la première infraction, en commet une ou d'autres,
pas nécessairement semblables).
6- Infraction d'habitude: suppose pour être pénalement réprimée, la répétition de plusieurs
actes semblables; ex: exercice illégal de la médecine, mendicité. A ne pas confondre avec la
récidive: commettre une nouvelle fois une infraction non nécessairement semblable à la première
qui a été sanctionnée.
II- L'infraction inachevée
Elle peut revêtir deux formes: l'infraction tentée mais non parvenue à exécution (A) et
l'infraction exécutée mais qui a manqué le résultat escompté (B)
A- L'infraction tentée (ou tentative interrompue)
Aux termes de l'article 114 du CP: « Toute tentative de crime qui a été manifestée par un
commencement d'exécution ou par des actes non équivoques tendant directement à la commettre,
si elle n'a été suspendue ou si elle n'a manqué son effet que par des circonstances indépendantes
de la volonté de son auteur, est assimilée au crime consommé et réprimée comme tel ».
Partant de ce texte, il convient de préciser les conditions de la tentative punissable (a) avant de
s’arrêter sur sa répression (b).
a -Conditions de la tentative punissable
Il ressort de l'article 114 du CP que la tentative suppose, pour être punissable, 3 éléments: un
commencement d'exécution, un désistement involontaire et une intention criminelle.

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- Le commencement d'exécution est constitué par tout acte délibéré qui conduit directement à
l'infraction ex : le fait de fracturer subrepticement le coffre fort d'autrui est généralement
considéré comme le commencement d'exécution d'un vol.
A ne pas confondre avec la simple résolution criminelle qui est purement psychologique et qui
n’est pas punissable.
- Le désistement de l'agent doit être involontaire: si celui-ci se désiste volontairement après
avoir commencé l'exécution, la tentative n'est pas punissable. Il y a par exemple désistement
volontaire si l'agent décide de lui même de ne pas tuer ou voler, mais s'il fait « marche arrière»
parce qu'il a entendu une sirène de police ou parce qu'il se rend compte qu'il s'est trompé de
cible, le désistement est involontaire et il y a donc tentative punissable.
Outre qu'il doit être volontaire, le désistement n'entraîne le bénéficie de l'impunité, que s'il
intervient avant la consommation de l'infraction. De là, il faut le distinguer du « remord tardif»
(regretter et réprouver sa conduite criminelle) et du « repentir actif» (par exemple, dispenser des
soins à la victime après l'avoir blessé), qui ont lieu postérieurement à la réalisation de l’infraction
et qui par conséquent n’effacent pas le caractère délictueux de l'acte.
- L'intention coupable: Pour qu'il y ait tentative punissable, il faut, outre les conditions ci-
dessus, que l'agent ait eu l'intention de commettre l'infraction. La recherche de cette intention est
importante car elle permet de déterminer la nature de l'infraction voulue par l'agent, ce qui n'est
pas toujours facile; par ex : le fait de passer la main dans les vêtements d'une femme pourrait être
une tentative de vol ou une tentative d'attentat à la pudeur.
b- La répression de la tentative
Alors que la tentative de contravention n'est jamais punissable (art 116 CP), la tentative de crime
est toujours punissable (art 114). Quand à la tentative de délit, elle n'est punissable qu'en vertu
d'une disposition spéciale de la loi (art 115); Ex: tentative de vol (art 539), tentative d'escroquerie
(art 546), tentative d'avortement (art 449). Par contre, en l'absence de disposition spéciale, la
tentative d'abus de confiance n'est pas punissable.
B -L'infraction exécutée mais manquée
Alors que dans l'infraction tentée, l'agent accomplit une partie des actes de l'infraction sans
parvenir à la consommer, dans l'infraction manquée, l'agent exécute tous les actes de l'infraction,
mais le résultat recherché ne se produit pas; Par ex, il a tiré le coup de feu mais, par maladresse il
n'a pas atteint sa cible; Autre ex: l'agent tire un coup de feu sur une personne dont il ignore
qu'elle est déjà morte: c'est l'hypothèse dite de « l'infraction impossible ». Même lorsque
l'impossibilité matérielle est ignorée de l'agent (comme dans le 2eme exemple), l'infraction
manquée est assimilée à la tentative et obéit donc au même régime de répression (art-117 CP).
§3 -L'élément moral
Un acte interdit par la loi n'est punissable que s'il est l'œuvre de la volonté de celui qui le
commet. Il s'agit de l'élément moral qui se présente différemment dans les infractions
intentionnelles (I) et dans les infractions non intentionnelles (II).
I - Dans les infractions intentionnelles
L'intention (ou dol criminel) est la volonté consciente d'accomplir un acte que l'on sait défendu
par la loi pénale (tuer, voler ...). Cette volonté coupable ne peut donc animer que les êtres
humains doués de conscience et de volonté. C'est la conception classique de l'intention à laquelle
s’oppose une autre conception (positiviste) selon laquelle un acte n'est punissable que s'il a été
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voulu dans un but antisocial; ce qui veut dire que le juge devrait tenir compte des motifs qui ont
poussé le délinquant à commettre l'infraction. Le Droit marocain adopte la conception classique.
En principe, le mobile c'est-à-dire la raison ou l'intérêt qui a conduit à vouloir l’'infraction, n'a
aucune influence sur l'existence de cette infraction et sur sa répression qu'il ait tué par
vengeance, par haine, par pitié, par colère, par jalousie, par amour, par fanatisme (ou sans aucun
mobile) le meurtrier encourt la même peine c'est-à-dire selon les cas 1a réclusion perpétuelle
(meurtre) ou la peine de mort. (Assassinat). Cela dit, il reste loisible au juge (et c'est souvent le
cas dans la pratique) de tenir compte du mobile dans la mesure de la peine en usant de son
pouvoir légal d'atténuation ou d'aggravation de la peine.
II -Dans les infractions non intentionnelles
L'élément moral consiste dans une simple faute dite faute pénale, li peut s'agir soit d'une faute
d’imprudence, d'inattention, de négligence (ex: homicide ou blessures involontaires: art 432 et
433 CP) soit d'une faute contraventionnelle qui consiste simplement dans la violation d'une
prescription légale ou réglementaire. Le seul fait de la violation de la règle, suffit à constituer la
faute contraventionnelle punissable. Peu importe que cette violation ait été commise
volontairement ou par imprudence ou de bonne foi dans l’ignorance de la prescription légale ou
réglementaire.

Chapitre II : La responsabilité pénale


Pour qu'une personne engage sa responsabilité pénale, en conséquence de quoi elle encourt une
sanction, il faut qu'elle ait commis une infraction au sens pénale que nous avons dégagé.
Cependant, ce postulat appelle deux séries de précisions: d'une part la loi pénale envisage
distinctement les conditions de cette responsabilité au regard de l'auteur de l’infraction, personne
physique ou morale, et du complice (section I), et d'autre part la responsabilité pénale peut être
dégagée ou atténuée par certaines causes particulières, objectives ou subjectives (Section II).
SECTION I - La personne responsable
Il s'agit, à l'état simple, de l'auteur de l'infraction c'est à dire celui qui a commis personnellement
l'infraction ou qui a tenté de la commettre sans parvenir au résultat voulu (§l). Mais il peut s'agir
aussi, en cas de pluralité de participants, de celui qui n'a pris part qu'indirectement à l'infraction,
c'est-à-dire le complice (§2).
§1- L'auteur de l'infraction
Si le principe de la responsabilité des personnes physiques, auteurs d'infractions, est depuis
longtemps établi (I), il n'en est pas de même de la responsabilité des personnes morales telle
qu'une société commerciale, une association ou un syndicat. Ce n'est qu'après une longue
évolution du Droit pénal, qu'on a pu admettre que ces groupements d'individus peuvent
commettre des infractions et peuvent donc engager pénalement leur responsabilité (II).
I -Les personnes physiques
Toute personne physique qui commet un acte antisocial réprimé par la loi pénale engage en
principe sa responsabilité. Qu'elle ait exécuté, seule, matériellement, l’acte délictueux ou qu'elle
ait agi avec d'autres individus soit en participant directement à la réalisation de l'infraction en
tant qu'auteur principal ou en tant que coauteur (auteur ou coauteur matériel) soit en contribuant
indirectement à sa commission en tant que complice (en se limitant par exemple à l'instigation ou
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à la planification de l'infraction: auteur intellectuel ou moral); Qu'elle ait consommé l'infraction
en réalisant le résultat criminel escompté, ou qu'elle ait seulement tenté de la commettre sans
pouvoir achever son forfait, la personne physique engage sa responsabilité pénale dans les
conditions prévues par la loi.
En ce sens, l’article 132 du code pénal précise que « toute personne saine d’esprit et capable de
discernement est personnellement responsable: -des infractions qu'elle commet ;-des crimes ou
délits dont elle se rend complice ;- des tentatives de crimes; -des tentatives de certains délits
qu'elle réalise dans les conditions prévues par la loi. Il n'est dérogé à ce principe que lorsque la
loi en dispose autrement ».
II- personnes morales
Il n’y a pas de doute que lorsqu'une personne physique commet une infraction pénale dans
l'exercice de ses fonctions en tant qu'organe ou représentant d'une personne morale (société,
association, syndicat, collectivité ou établissement public...) elle engage, en principe sa
responsabilité pénale et peut donc être poursuivie et condamnée personnellement.
Or parallèlement à cette responsabilité individuelle, peut-on, retenir la responsabilité pénale de la
personne morale lorsqu'elle est impliquée d'une manière ou d'une autre, dans la commission de
l'infraction pénale ? Peut-on la considérer comme auteur, coauteur ou complice ?
-Au niveau doctrinal, après avoir longtemps rejeté la responsabilisation de la personne morale
aux motifs que seule une personne physique- par définition dotée de volonté et d'intelligence -est
en mesure d'envisager et de commettre une infraction et qu'elle est seule susceptible de subir une
sanction pénale, on a fini par admettre communément, que même la personne morale est douée
de volonté, une volonté collective propre, distincte de celle de ses membres et qui s'exprime
généralement à travers les délibérations et les décisions des assemblées générales d'associés ou
des conseils d'administration. Par conséquent, d’une part la personne morale peut, par certains
actes ou mesures, enfreindre la loi pénal et donc engager sa responsabilité, et d'autre part, elle
peut certainement être condamnée à des sanctions déterminées notamment l'amende, la
confiscation, la fermeture temporaire de l'établissement (qui équivaut en quelque sorte à la peine
d'emprisonnement) et la dissolution de la personne morale (qui 'correspond en quelque sorte à la
peine de mort).
-Au niveau du droit positif, l'article 127 laisse clairement entendre que les personnes morales
peuvent commettre des infractions et peuvent donc engager leur responsabilité pénale. Il précise,
toutefois, que « les personne morales ne peuvent être condamnées qu’à des peines pécuniaires et
aux peines accessoires prévues sous les numéros 5.6 et 7 de l’article 36.
Elles peuvent également être soumises aux mesures de sûreté réelles de l'article 62 ». Les peines
accessoires visées sont la confiscation partielle des biens appartenant à la personne morale, la
dissolution de cette personne juridique et la publication de la décision de condamnation. Quant
aux mesures de sûreté réelles visées, il s'agit de la confiscation des objets ayant un rapport avec
l'infraction ou des objets nuisibles ou dangereux ou dont la possession est illicite, et de la
fermeture de l'établissement qui a servi à commettre une infraction.
§2 - Le complice
A la différence de l'auteur qui accomplit personnellement et matériellement l'acte incriminé et du
coauteur qui prend part d'une façon directe à l'exécution matérielle de l'infraction (V. Art 128
CP), le complice ne s'associe à la préparation ou à l'exécution de l'entreprise criminelle que d'une
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façon indirecte ou accessoire notamment dormant des instructions, en dispensant une assistance,
en fournissant des moyens...
C'est ce qui ressort de l'article 129 du code pénal qui dispose: «Sont considérés comme
complices d'une infraction qualifiée crime ou délit ceux qui, sans participation directe à cette
action, ont:
1°- Par dons, promesses, menaces, abus d'autorité ou de savoir, machinations ou artifices
coupables provoqué à cette action ou donné des instructions pour la commettre;
2°- Procuré des armes, des instruments ou tout autre moyen qui aura servi à l'action sachant
qu'ils devaient y servir;
3°- Avec connaissance, aidé ou assisté l’auteur ou les auteurs de l'action dans les faits qui l'ont
préparée ou facilitée;
4°- En connaissance de leur conduite criminelle, habituellement fourni logement, lieu de retraite
ou de réunion à un ou plusieurs malfaiteurs exerçant des brigandages ou des violences contre la
sûreté de l'Etat, la paix publique, les personnes ou les propriétés... »
(Voir aussi art 196 pour le cas spécifique de la complicité dans les crimes et délits contre la
sûreté extérieure de l'Etat, et voir art 295 pour l'hypothèse de la complicité au moyen de l'aide ou
l'assistance à une association ou entente de malfaiteurs).
Au niveau doctrinal, deux conceptions de la complicité s'opposent: si pour les positivistes et
certains auteurs contemporains, le complice doit être puni en fonction de sa propre criminalité,
sans référence à l'auteur principal de l'infraction, pour d'autres pénalistes le complice doit être
puni par référence à la criminalité de l'auteur principal; sa peine doit donc être semblable à celle
prévue pour ce dernier .C'est la thèse de «la criminalité d'emprunt », et c'est cette thèse qui a été
adoptée par le législateur marocain.
Avant de préciser cette position dans le volet sanction, il convient de dégager, les conditions de
la complicité punissable.
I -Les conditions de la complicité punissable
Comme pour toute incrimination, l'acte de complicité n'est punissable que si les trois éléments
constitutifs de l'infraction se trouvent réunis: l'élément légal, l'élément matériel et l'élément
moral.
A- L'élément légal (l'incrimination du fait principal)
Pour qu'il y ait complicité punissable, il faut que le fait principal (l'acte commis matériellement
par l'auteur de l'infraction) soit prévu et puni comme infraction qualifiée crime ou délit (art. 129
C.P). Si le fait commis par l'auteur principal n'est pas incriminé par la loi pénale, celui qui en est
le complice n'est pas punissable.
De même, si l'auteur matériel ne peut pas être puni en raison d'une cause objective de non
responsabilité ou de suppression de l'infraction (tel que l'état de nécessité ou la légitime défense)
le complice ne peut pas non plus être déclaré responsable et puni. Il en est de même lorsque
l'auteur principal bénéficie d'une amnistie (qui entraîne, nous le verrons plus loin, effacement de
l'infraction et suppression de tous ses effets).
Cette règle étant ainsi soulignée, il convient d'y apporter certaines précisions et nuances:
- Pour que le complice soit puni, il n'est pas nécessaire que l'auteur principal soit effectivement
poursuivi et condamné. Il suffit que le fait commis soit punissable. Ex: si l'auteur d'un meurtre,
décède ou prend la fuite ou même s'il reste inconnu, son complice peut être poursuivi et puni.
18
- Si l'auteur principal bénéficie d'une cause personnelle d'absolution ou de non punissabilité
telles que la démence ou la minorité (dites aussi causes subjectives de suppression ou
d'atténuation de la responsabilité), le complice demeure normalement punissable même s'il n'a
fait que déterminer l'auteur à commettre l'infraction CV, Art 131).
- Chaque fois que la tentative d'infraction (fait principal) est punissable, le complice dans cette
tentative est, pour sa part, passible de poursuite et de sanction. En revanche, la simple tentative
de complicité n'est pas punissable car la loi pénale, d'interprétation restrictive, ne réprime que la
complicité et non la tentative de complicité.
- Dan certains cas particuliers, même lorsque le fait principal n'est pas punissable, la
responsabilité du complice peut être retenue en le considérant comme auteur ayant une
criminalité et une pénalité propre. Il en est ainsi en cas de complicité dans un vol entre époux ou
dans un vol commis par un ascendant au préjudice d'un descendant: alors que le conjoint ou
l'ascendant auteur du vol n'est pas punissable (Art 534 CP), son complice peut être poursuivi et
puni.
- De même, alors qu'en soi le suicide n'est pas incriminé, « quiconque sciemment aide une
personne dans les faits qui préparent ou facilitent Son suicide, ou fournit les armes, poison ou
instruments destinés au suicide sachant qu'ils doivent y servir, est puni, si le suicide est réalisé de
l'emprisonnement d'un à cinq ans « (art 407 CP).
- Dans d'autres cas prévus par la loi, les participants à une même infraction sont poursuivis et
jugés comme coauteurs et non comme complices. Il en est ainsi en cas de participation à une
rixe, rébellion ou réunion séditieuse (insurrection ou révolte concertée contre l’autorité publique)
au cours de laquelle, il est porté des coups ou fait des blessures.
Dans ce cas, l'article 406 précise que « les chefs, auteurs, instigateurs, provocateurs de la rixe,
rébellion ou réunion séditieuse sont punis comme s'ils avaient personnellement commis lesdites
violences ».
C’est également le cas pour les participants à la constitution d'une association ou entente de
malfaiteurs (art 294), à la rébellion commise en réunion de deux ou plusieurs personnes (art 301
et 302), à des bandes armées (Art 171 et 205); ...
- A signaler enfin que le recel de malfaiteur ou d'objets volés, détournés, ou obtenus à l’aide d’un
crime ou d'un délit, n'est pas puni comme acte de complicité mais comme infraction distincte
(Art 297 el 571).
B- L'élément matériel (l'acte de complicité)
Outre l'incrimination du fait principal telle que précisée ci-dessus, la complicité n'est punissable
que si elle se manifeste par un acte positif, non pas par un acte de participation quelconque mais
par l'un de ceux énumérés à l'art 129 précisé. Il s'ensuit qu'il n'y a pas de complicité par
omission. Celui qui assiste de façon passive à une infraction ne peut, donc être condamné pour
complicité. Il peut, toutefois, être poursuivi comme auteur sur la base d'autres incriminations
(notamment la non assistance à personne en danger ou la non révélation d'attentat contre la sûreté
l'Etat).
L'élément matériel de la complicité peut être constitué soit par des actes antérieurs à l'infraction
(ex: donner des instructions, fournir le plan ou la logistique), soit par des actes concomitants (ex:
faire le guet). Mais quid des actes postérieurs tels que l'effacement des traces de l'infraction ou
l'organisation de la fuite des auteurs, sachant que l'article 129 ne renferme pas d'hypothèses de ce
19
genre? En réalité, même s'il n'est pas poursuivi comme complice, celui qui commet ces actes
peut être jugé et puni comme auteur d’infraction sur la base d'incriminations spécifiques (Aide à
la fuite: art 297; Non révélation de crime consommé ou tenté: art 299 ; voir aussi art 58 CPP)
C - L'élément moral (l'intention coupable)
Pour que la personne soit déclarée complice et qu'elle encoure les peines prévues à cet égard par
la loi, elle doit avoir contribué à la commission de l'acte délictueux en toute connaissance de
cause. On ne peut par exemple poursuivre comme complice d'un meurtre perpétré avec un fusil
de chasse, celui qui a prêté ce fusil croyant qu'il allait être utilisé pour la chasse.
Il faut donc induire de l'exigence de l'intention criminelle, que la complicité par imprudence ou
par négligence n'existe pas.
Quid alors lorsque le complice pensait que l'infraction à laquelle il a participé devait être moins
grave: par exemple il voulait aider l'auteur d'un vol, mais le vol a dégénéré en meurtre d'une
personne? Dans ce cas, en application, d'abord de la règle régissant le cumul d'infraction, et
conformément ensuite au système de la criminalité d'emprunt, le complice reste passible de la
même peine prévue à l'encontre de l'auteur principal pour l'infraction la plus grave, en
l'occurrence le meurtre. Le complice, estime t-on devrait évaluer tous les risques et les imprévus
auxquels l'expose sa participation délictueuse et devrai donc, en supporter toutes les
conséquences.
II -La sanction de la complicité
Il faut d'abord souligner que la complicité n'est punissable que lorsque le fait principal est
qualifié de crime ou de délit. L'article 129 du CP précise en effet, dans son dernier alinéa que « la
complicité n'est jamais punissable en matière de contravention ».
S'agissant de la sanction applicable au complice, il faut rappeler que le législateur, s'est rallié au
système de la criminalité d'emprunt en énonçant clairement dans l'article 130 du code que « le
complice d'un crime ou d'un délit est punissable de la peine réprimant ce crime ou ce délit ».
Cependant, dans le même texte, cette règle est assortie de deux précisions :
D'une part « les circonstances personnelles d'où résulte aggravation, atténuation, ou exemption
de peine, n'ont d'effet qu'à l'égard du seul participant auquel elles se rapportent ».
Ainsi, en cas de viol d'une parente par l'auteur principal, le complice qui a prêté en connaissances
de cause l'appartement où s'est produit le crime, ne verra pas sa peine aggravée comme ce sera le
cas pour l'auteur principal.
D’autre part, « les circonstances objectives inhérentes à l'infraction qui aggravent ou diminuent
la peine, même si elles ne sont pas connues de tous ceux qui ont participé à cette infraction ont
effet à leur charge ou en leur faveur». Ainsi, en cas de vol commis de nuit, le complice, tout
comme l'auteur principal, verra sa peine aggravée. De même en cas de meurtre commis avec
préméditation ou guet-apens, le complice est punissable, tout comme l'auteur principal, du chef
d'assassinant (passible de la peine de mort) et non du meurtre simple (passible de la réclusion
perpétuelle).
En outre, une particularité tirée de l'article 397 al2 du CP mérite d'être signalée:
La mère auteur principal ou complice du meurtre ou de l'assassinat de son enfant nouveau-né
(infanticide) subi toujours une peine moins grave que celle de son coparticipant:
Si fa mère est complice, elle est moins sévèrement punie que l'auteur principal; Si elle est
Auteur principal, elle est moins sévèrement punie que le complice.
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Reste à préciser que la règle, selon laquelle le complice d'un crime ou d'un délit encourt la peine
prévue pour ce crime ou ce délit (Art 130) ne signifie pas que le complice se voit appliquer
strictement et systématiquement la même peine prononcée contre l'auteur principal. Dans la
réalité, par le jeu, rappelons-le, des circonstances atténuantes ou aggravantes et des causes
personnelles d'exemption, mais aussi compte tenu de la marge de manœuvre du minimum et du
maximum de la peine prévue par la loi, les tribunaux condamnent souvent l'auteur principal et le
complice à des peines de gravités différentes dans un souci d'individualisation.
Section II - Les causes d'exclusion ou d'atténuation de la responsabilité
Celui qui commet ou tente de commettre une infraction et le cas échéant celui qui en est
complice, ne sont pas systématiquement condamnés à la peine prévue par la loi du seul fait que
ladite infraction a été consommée ou tentée. Ils ne peuvent se voir condamner pénalement que
s'ils sont jugés responsables par la juridiction pénale compétente.
Or, il est des cas où la responsabilité (c'est-à-dire l'obligation de répondre pénalement de ses
actes) est, soit écartée, soit atténuée, le code pénal ayant prévu, en effet, des causes objectives
(§1) et d'autres subjectives (§2) d'exclusion ou d'atténuation de la responsabilité.
§1 - Les causes objectives de non responsabilité
Il s'agit de causes limitativement prévues par le code pénal sous le chapitre IV (du livre 1°)
intitulé «des faits justificatifs qui suppriment l'infraction» (I).Mais on peut, en bonne raison, se
demander s'il ne faut pas adjoindre à la liste, certains cas de consentement de la victime de
l'infraction (II).
I- Les faits justificatifs
Ce sont comme l'énonce le code, des faits qui suppriment l'infraction. Aux termes de l'art 124 (il
n'y a ni crime ni délit ni contravention:
1-Lorsque le fait était ordonné par la loi et commandé par l'autorité légitime;
2-Lorsque l'auteur a été matériellement forcé d'accomplir ou a été matériellement placé dans
l'impossibilité d'éviter l'infraction par un événement provenant d'une cause étrangère auquel il n'a
pu résister;
3 - Lorsque l'infraction était commandée par la nécessité actuelle de la légitime défense de soi-
même ou d'autrui ou d'un bien appartenant à soi-même ou à autrui, pourvu que la défense soit
proportionnée à la gravité de l'agression ».
A- L'ordre de la loi et le commandement de l'autorité légitime
Dans certaines hypothèses particulières et sous des conditions déterminées, la loi
Ordonne ou autorise la commission de certains faits normalement interdits et punis par elle.
Ainsi, la violation du secret professionnel par les médecins constitue en principe une infraction
punissable. Toutefois, selon l'art 446 du CP, leur responsabilité pénale n'est pas retenue lorsque
c'est la loi elle-même qui les oblige ou les autorise à divulguer des secrets notamment lorsqu'ils
sont appelés à témoigner en justice.
Il en va de même pour la séquestration d'une personne ou la violation de son domicile.
Il s'agit normalement de faits illicites punis par la loi. Cependant, l'officier de police judiciaire
est autorisé, pour les besoins de l'enquête, à garder à vue un suspect pour une durée déterminée
c'est-à-dire le détenir dans les locaux de la police ou de la gendarmerie (art 66 du CPP), tout
comme il est autorisé, sous des conditions déterminées, à s'introduire dans le domicile d'un
suspect pour y procéder à une perquisition (art 59 CPP).
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On sait, aussi, que le meurtre constitue une infraction punissable. Toutefois, n'est pas responsable
l'autorité qui obtempère au commandement reçu d'exécuter une condamnation à mort suite à la
sentence rendue par la juridiction compétente. Pas plus que n'est responsable, le soldat qui, en
état de guerre, tue ou blesse un militaire ennemi (dans le respect des règles du Droit international
humanitaire).
Sous le bénéfice de ces illustrations, une précision s'impose: le commandement ou l'ordre
exécuté ne peut être considéré comme un fait justificatif supprimant l'infraction, qu'à la double
condition qu'il émane d'une autorité légitime et conformément à la loi (V Art124 - 1°).
Autrement dit, l'exécution d'un ordre manifestement illégal n'est pas un fait justificatif (Théorie
de l'obéissance raisonnée dite aussi théorie des baïonnettes intelligentes par opposition à celle de
l'obéissance passive) [NB: baïonnette: arme pointue qui s'ajoute au canon du fusil et que l'on
peut retirer à volonté).
B- L'état de nécessité ou de contrainte
L'auteur d'une infraction commise sous la nécessité ou la contrainte d'une cause étrangère et
irrésistible, n'est pas pénalement responsable. C'est ce qui ressort de l'article124, 2° précité.
Il y a état de nécessité, cause d'irresponsabilité, lorsque l'agent s'est trouvé réellement acculé à
commettre l'infraction pour éviter un mal au moins de valeur égale qui le menaçait ou menaçait
autrui. Ce qui traduit une option incontournable: sacrifier un bien pour sauvegarder un autre.
C'est le cas, par exemple, du médecin qui, pour préserver la vie de la mère enceinte, procède à
l'avortement et tue donc l'enfant qui allait naitre (cas de l'avortement thérapeutique qui, en Droit
marocain, est considéré comme cause particulière d'exclusion de la responsabilité par l'art 453
CP); C'est aussi le cas du naufragé qui, pour sauver sa vie, précipite par dessus bord son
compagnon parce que leur embarcation de fortune ne pourrait supporter le poids de deux
personnes.
A la différence de l'état de nécessite, la contrainte traduit la situation dans laquelle l'agent n’a pas
d'alternative et se trouve matériellement forcé de commettre l'infraction.
Dépourvu de sa liberté d'action, il est donc dans l'impossibilité d'éviter l'infraction. C'est
notamment le cas du père de famille qui, incarcéré en prison, se trouve dans l'impossibilité
physique et matérielle de verser à l'échéance (à son conjoint, ses ascendants ou ses descendants)
la pension alimentaire fixée judiciairement (art 480 CP).
Bien entendu, pour constituer un fait justificatif supprimant la responsabilité pénale de l'agent, la
contrainte (tout comme l'état de nécessité) doit être consécutive à un événement provenant d'une
cause étrangère et irrésistible (Art 124, 2°), Ce qui exclut du bénéfice de l'irresponsabilité la
contrainte psychologique résultant par exemple, d'un état passionnel ou émotif ( v.art 137CP),
C- La légitime défense
Lorsqu'une personne commet une infraction(en l'occurrence elle tue blesse ou assène des coups)
pour se défendre ou défendre autrui, ou pour défendre ses biens ou ceux d'autrui contre une
agression injuste et imminente, elle est en droit de se prévaloir d'un état de légitime défense pour
justifier l'infraction et bénéficier, ainsi, de l'irresponsabilité dans les conditions de l'article 124-
3°.Il importe donc de dégager les conditions nécessaires pour le bénéfice de la légitime défense
(a) avant de donner quelques précisions sur la question de la preuve.
-9

22
a- Les conditions de la légitime défense
-En ce qui concerne l'agression contre laquelle on se défend, peu importe qu'elle vise la personne
du défenseur ou ses biens, la personne d'autrui ou ses biens: L'essentiel est qu'elle doive être
imminente et injuste: imminente en ce sens qu'elle présente un danger immédiat (ainsi, il n'y a
pas légitime défense mais vengeance privée en cas de riposte à une attaque déjà passée et qui a
cessé); injuste c'est-à-dire que l'agression n'est pas fondée en Droit et qu'elle n'est ni ordonnée ni
autorisée par la loi (ainsi, n'est pas considéré en état de légitime défense celui qui commet une
infraction en ripostant à une arrestation ou une perquisition dûment effectuée par l'officier de
police judiciaire).
- En ce qui concerne la défense, deux conditions doivent être réunies pour qu'elle soit jugée
légitime: elle doit, d'abord, être nécessaire c'est-à-dire constituer la seule possibilité pour faire
face à l'agression (ainsi, il n'y a pas légitime défense lorsque l'agent avait la possibilité d'alerter la
police ou de prendre la fuite); elle doit, ensuite, être proportionnée à la gravité de l'attaque;
autrement dit, il ne faut pas que la riposte soit sans commune mesure avec la gravité de
l'agression, l'appréciation de la proportionnalité étant une question de fait relevant du pouvoir du
tribunal (ainsi il n'y aurait pas légitime défense lorsque l'agent a tué celui qui s'est contenté de le
gifler ou de le menacer oralement, la riposte étant manifestement disproportionnée à l'agression).
b- La preuve de la légitime défense
S'il est de règle que c'est au ministère public (procureur général du Roi, procureur du Roi ou leur
substituts) qu'incombe la charge de la preuve de la culpabilité de tout auteur d'infraction, il est
largement admis, et la pratique judiciaire le confirme, que c'est à celui qui se prévaut d'un cas de
légitime défense (ou de tout autre moyen de défense) d'en rapporter la preuve en démontrant la
réunion de toutes les conditions requises par la loi.
Toutefois, par dérogation à cette solution, le code pénal renferme deux cas particuliers où la
légitime défense est présumée, de sorte que l'agent est déchargé du fardeau de la preuve; il est
donc considéré comme ayant agi en état de légitime défense jusqu'à preuve du contraire le cas
échéant, c'est-à-dire à moins que le ministère public ne parvienne à démontrer que les conditions
de la légitime défense ne sont pas réunies.
Ces cas de présomption de légitime défense sont énoncés par l'article 125 aux termes duquel: «
sont présumés accomplis dans un cas de nécessité actuelle de légitime défense:
1°- L'homicide commis, les blessures faites ou les coups portés, en repoussant pendant la nuit,
l'escalade ou l'effraction des clôtures, murs ou entrée d'une maison ou d'un appartement habité ou
de leurs dépendances;
2°- L'infraction commise en défendant soi-même ou autrui contre l'auteur de vols ou de pillages
exécutés avec violence ».
II-La question du consentement de la victime
Il s’agit de savoir si le consentement de la victime constitue ou non un fait justificatif supprimant
l'infraction commise et excluant donc la responsabilité pénale de l'auteur. La réponse de principe
est sans doute négative: Si en matière de responsabilité civile (animée par le souci de protéger les
intérêts privés) le consentement de la victime emporte un effet exonératoire, au regard de la
responsabilité pénale (dominée par la préoccupation de réprimer les atteintes à l'ordre public) il
ne constitue pas une cause de justification. Ainsi, celui qui tue une personne sur sa demande ou
par pitié pour elle en vue d'abréger ses souffrances (euthanasie) n'en demeure pas moins
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coupable d'assassinat (meurtre avec préméditation) et donc passible de la peine de mort. [A noter
que rares sont les législations, à l'exemple des législations Hollandaise et Belge, qui autorisent
l'euthanasie sous des conditions strictes].
Cependant, le principe ainsi posé supporte bien des exceptions où le consentement de la
victime dégage l'auteur de l'infraction de sa responsabilité:
- D'abord, pour les infractions qui supposent, parmi leurs éléments constitutifs, l'emploi de la
fraude ou de la violence, il va de soi que le consentement libre et conscient de la victime fait
disparaître la manœuvre frauduleuse ou la violence et, par conséquent, supprime l'infraction.
Ainsi, il n'y a pas vol si le propriétaire a consenti à ce qu'on lui prenne son bien; il n'y a pas
séquestration arbitraire, si la personne a acquiescé à sa détention; il 'y a pas viol si la femme était
consentante.
- Dans d'autres hypothèses ayant trait à la pratique médicale, le consentement de la
victime peut, en bonne logique, être considérée comme un fait justificatif: Ainsi, il n'y a pas
normalement homicide punissable lorsque, suite au consentement du malade (ou le cas échéant
de sa famille) le chirurgien a effectué en bon praticien (et notamment sans imprudence, ni
négligence) une opération au cours de laquelle le malade est décédé. Pas plus qu'il n'y a
responsabilité pénale du chirurgien dans le cas des blessures occasionnés au cours de l'opération
esthétique effectuée dans les règles de l'art et avec l'accord du patient.
Par ailleurs, dans les sports collectifs, la mort ou les blessures occasionnées au cours du jeu par
l'un des participants sur un autre ne donnent pas lieu à responsabilité pénale de l'agent lorsque les
règles du jeu ont été respectées et que l'agent n'a pas fait preuve d'imprudence.
§2- Les causes subjectives d'exclusion ou d'atténuation de la responsabilité
Telles que prévues par le code pénal, ces causes reviennent à la minorité et à l'altération des
facultés mentales. Avant de s'y arrêter, il importe de tirer au claire deux autres circonstances qui
tiennent à la personne et en affectent d'une certaine manière la volonté à savoir la contrainte et
l'erreur.
S'agissant de la contrainte, il suffit de rappeler, puisqu'elle a été déjà abordée, qu'elle est
envisagée par le code parmi les faits justificatifs supprimant l'infraction; que pour emporter un
tel effet, elle doit provenir d'une cause étrangère et irrésistible de sorte que l'agent soit
matériellement placé dans l'impossibilité d'éviter l'infraction (art 124-2°), ce qui exclut donc la
contrainte d'ordre moral ou psychologique qui ne peut, en principe ni supprimer, diminuer la
responsabilité de l'agent.
En ce qui concerne l'erreur, il faut distinguer entre celle portant sur l'existence ou l'interprétation
d'une disposition pénale (Erreur de Droit) et celle portant sur une circonstance matérielle de
l'infraction (Erreur du fait). La première forme, qui revient à l'ignorance de l'incrimination, a été
déjà évoquée sous le chapitre II (dans le cadre des développements relatifs à la connaissance de
la loi pénale). On rappellera, néanmoins quelle n'exerce, en principe, aucune influence sur la
responsabilité pénale conformément à l’article 2 du CP qui dispose que « nul ne peut invoquer
pour son excuse l'ignorance de la loi pénale ». L'agent reste donc punissable même au cas où il
ignorait que son fait est incriminé.
Quant à l'erreur de fait, elle ne peut avoir effet sur la responsabilité pénale que dans des
hypothèses particulières et encore cet effet porte non pas sur l'imputabilité ou la punissabilité de
l'auteur, mais sur la qualification de l'infraction. Il en est ainsi du pharmacien qui, au lieu du
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remède prescrit, livre par erreur un poison: si le client meurt, le pharmacien n'est pas coupable du
crime d'empoisonnement, mais du délit d'homicide par imprudence. De même, le chasseur qui,
visant un sanglier, tue par erreur un autre chasseur n'est pas coupable d'assassinat mais
d'homicide par imprudence.
Cependant, l'erreur n'influe pas sur la qualification lorsque l'agent s'est trompé de victime (erreur
sur la personne) : Ainsi il reste coupable de meurtre ou d'assassinat (selon les cas) même lorsque
voulant tuer x, il tue par erreur y ; dans ce cas l'intention coupable de tuer autrui existe chez
l'agent indépendamment de la victime.
Ces précisions étant faites, il convient de focaliser respectivement l'attention sur les deux causes
subjectives d'exclusion ou d'atténuation de la responsabilité pénale, nommément visées par la loi.
I- La minorité
En raison de considérations d'ordres juridique et criminologique liées au problème de la
délinquance des adolescents (dite improprement «juvénile »), la détermination de l'âge à partir
duquel l'individu est responsable pénalement de ses actes est très importante tant il est notoire
que certaines personnes acquièrent la constitution physique et le discernement de l'adulte assez
tôt, alors que d'autres n'y parviennent qu'à un âge plus tardif.
C'est pourquoi en droit positif, il n'y a pas une ligne étanche de démarcation entre l'âge de
l'irresponsabilité et celui de la responsabilité pénale. La combinaison des articles 138 à 140 du
code pénal (tels que modifiés par la loi n° 24-03-BO n° 5178 du 15-1-2004) et 458 et suivants du
code de procédure pénale permet de relever que bien que la majorité pénale soit fixée à l'âge de
18 ans révolus, ce n'est là qu'un principe qui comporte des aménagements de taille. Il y a, en
effet, trois situations à distinguer:
1°- Jusqu'à Pige de 12 ans, l'enfant, auteur d'une infraction, est considéré comme totalement
irresponsable pour absence de discernement (ou parle alors d'absolution ou d'irresponsabilité
absolutoire) (Qui signifie que le mineur est reconnu auteur de l'infraction et donc jugé coupable, mais il est
excusé de l'application de la peine prévue par la loi pour cette infraction). Ainsi:
-Lorsque l'infraction commise est une contravention, il ne peut faire l'objet que de la mesure
de protection prévue par l'alinéa 3 de l'article 468 du CPP et qui consiste à le remettre, selon les
cas, à ses parents, son tuteur, son Kafil ou à la personne ou l'institution chargée de son entretien;
-Lorsque l'infraction est qualifiée de délit, l'enfant est averti par le tribunal et remis aux
personnes ou institutions susvisées ou encore - si celles- ci sont indignes ou s'il s'agit d'un enfant
abandonné - à une personne digne de confiance ou à une institution attitrée. En outre, il peut être
placé sous le régime de la liberté surveillée pour une durée déterminée qui ne peut dépasser la
date à laquelle le mineur aura atteint l'âge de 18 ans (art 480 a12 et 3 du CPP) ;
- Lorsqu'il s'agit d'un crime, l'enfant peut faire l'objet d'une ou plusieurs mesures de protection
ou d'éducation prévues par l'article 481 du CPP (notamment remise aux personnes ou institutions
susvisées, mise sous le régime de la liberté surveillée; placement dans un centre ou institution
d'éducation, de formation, d'assistance ou de cure ...), mesures dont la durée ne peut dépasser la
date à laquelle le mineur aura atteint 18 ans.
2°- Le mineur de plus de 12 ans et qui n'est pas atteint 18 ans est en principe, partiellement
irresponsable pour insuffisance de discernement:
- En cas de contravention, il peut soit faire l'objet d'une admonestation, soit être condamné à la
peine d'amende prévue part la loi (Art 468 al 2 du CPP);
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-En as de délit ou de crime, il peut selon l'appréciation du tribunal, soit être exempté de la peine
et faire, alors, l'objet des mesures de protection ou d'éducation (prévues par l'art 481 du CPP),
soit être condamné à une peine (privative de liberté ou d'amende) à laquelle il est, d'ailleurs,
possible d'adjoindre une ou plusieurs mesures de protection, de traitement ou d'éducation (Art
480, 481, et 493 CPP); auquel cas la peine privative de liberté est exécutée en priorité sans que le
traitement du mineur, ordonné le cas échéant, soit suspendu ou interrompu (Art 482 al 2 CPP).
Seulement, la peine prononcée est atténuée d'office par rapport à la peine normalement prévue
pour l'infraction considéré, le mineur devant bénéficier de ce qu'on appelle « l'excuse atténuante
de minorité» : Ainsi si l'infraction est passible de la mort, de la réclusion perpétuelle ou de la
réclusion de 30 ans, le mineur est condamné à la réclusion de 10 à 15 ans (Art 493, al3 CPP),
Dans les autres cas, le maximum et le minium prévus par la loi sont réduits de moitié (Art 482 al
1° CPP),
3°- Le délinquant ayant atteint la majorité pénale de 18 ans révolus est pleinement responsable et
c'est le régime de responsabilité pénale des adultes qui lui est applicable.
Bien entendu, dans la détermination de la majorité pénale, le tribunal prend en considération
l'âge de l'agent au jour de la commission de l'infraction et non celui de sa comparution en justice
(Art 459 CPP).
II- L'altération des facultés mentales
En fonction de sa gravité au moment de la commission de l'infraction, l'altération mentale
constitue soit une cause d'irresponsabilité (ou d'absolution) soit une cause d'atténuation légale de
la responsabilité (Art 76 à 78 et 134 à 136 du code pénal).
A-L'irresponsabilité absolutoire
La règle est clairement posée par l'article 134 du CP: « n'est pas responsable et doit être
absous, ce lui qui au moment des faits qui lui sont imputés, se trouvait, par suite de troubles de
ses facultés mentales dans l'impossibilité de comprendre et de vouloir... ». Ce qui revient à dire
que l'agent est déclarée irresponsable pour cause de trouble mental grave (démence) et bénéficie
d'une exemption totale de la peine quand bien même il est reconnu auteur de l'infraction, Cette
règle, qui est également formulée par l'article 76 du code, est adossée à deux mesures: la
première, d'ordre médico-légal, consiste pour le juge à recourir préalablement à une expertise
psychiatrique pour s'assurer de l'existence du trouble mental et de son degré de gravité au
moment de l'infraction; la seconde mesure, d'ordre médico-criminologique, consiste pour le juge
à ordonner, si les troubles mentaux subsistent, l'hospitalisation psychiatrique de l'intéressé,
auteur d'un crime ou d'un délit. Cette mesure tend à la fois à préserver les proches et la société
contre le danger virtuel présenté par le malade et à favoriser le traitement de celui-ci,
En cas de simple contravention, l'individu absous, s'il est dangereux pour l'ordre public, est
remis à l'autorité administrative locale qui décidera de son sort dans les conditions du dahir du 30
avril 1959 relatif à la prévention et au traitement des maladies mentales et à la protection des
malades mentaux.
Ainsi que l’énonce l'article précité, le bénéfice de l'irresponsabilité est subordonné à une double
condition: non seulement l'agent devait être en proie à des troubles mentaux « au moment des
faits qui lui sont imputés » mais encore ces troubles devaient être si profonds que l'agent se
trouvait « dans l'impossibilité de comprendre et de vouloir ». A ces conditions, il convient
d’ajouter une autre qui se déduit logiquement de l'article 137 du CP (Suivant ce texte « l'ivresse,
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les états passionnels ou émotifs ou ceux résultent de l'emploi de substances stupéfiantes ne
peuvent, en aucun cas, exclure ou diminuer la responsabilité) : les troubles mentaux ne doivent
pas être consécutifs à une faute de l'agent (consommation de stupéfiants par exemple).
B - L'irresponsabilité partielle
Aux termes de l'article 135: « est partiellement irresponsable celui qui, au moment où il a
Commis l’infraction, se trouvait atteint d'un affaiblissement de ses facultés mentales de nature à
réduire sa compréhension ou sa volonté et entraînant une diminution partielle de sa
responsabilité... ».
Ainsi lorsque le tribunal estime, au vue d'une expertise psychiatrique ordonnée par ses
Soins, que l'individu qui lui est déféré sous l'accusation de crime ou la prévention de délit, était
au moment de l'infraction qui lui est reprochée, atteint de déficience mentale de nature à réduire
son discernement, il doit :
- constater que le fait est imputable audit inculpé; -le déclarer partiellement irresponsable;
-prononcer la peine atténuée et ordonner s'il y a lieu son hospitalisation dans un établissement
psychiatrique préalablement à l'exécution de la peine privative de liberté, Cette hospitalisation
s'impute sur la durée de la peine. Lorsque le fait reproché répond à une qualification
contraventionnelle, il est seulement fait application de la peine compte tenu de l'état mentale du
contrevenant (dernier alinéa de l'art 135).
Ce système d'irresponsabilité partielle qui consiste à condamner l'inculpé atteint d'un
affaiblissement mental à une peine mitigée, est fortement remis en cause par la doctrine. Faire
subir une peine, et particulièrement une peine privative de liberté à cet individu, par définition
vulnérable, après l'avoir préalablement hospitalisé pour traitement psychiatrique revient, estime
t-on à « le guérir d'abord pour le châtier ensuite» et c'est donc le prédisposer à une rechute
inéluctable doublée d'une aggravation de son agressivité antisociale; ce qui est donc non
seulement préjudiciable à sa santé et à sa réadaptation sociale mais encore dangereux pour l'ordre
public.
Aussi en a-t-on appelé à une approche nouvelle du problème permettant d'assurer de la meilleure
façon possible la protection du malade mental délinquant de manière compatible avec le souci de
préserver l'ordre social et la sécurité publique. Dans ce sens, la réforme préconisée par la
doctrine de la défense sociale nouvelle à l'égard de l'inculpé reconnu atteint d'altération mentale
au moment du fait délictueux, consiste à placer celui-ci dans un établissement de défense sociale
où il est soumis à un traitement médico - répressif tendant à son amélioration mentale, à sa
rééducation morale et à sa réadaptation sociale. Cette mesure qui s'exécute dans un établissement
spécial (qui n'est pas un établissement pénitentiaire) et dont la durée n'est pas proportionnée à la
gravité de l'infraction, est susceptible d'être remplacée par une mesure de « mise à l'épreuve
surveillée spéciale» lorsqu'il apparaît que les objectifs susvisés seront mieux assurés par la
maintien du sujet en liberté.

27
Chapitra III : La réaction pénale

La réaction pénale dite aussi réaction sociale ou sanction pénale prend la forme soit d'une peine
tendant à assurer la triple fonction de rétribution, d'intimidation et de réadaptation, soit d’une
mesure de sûreté ayant essentiellement la triple finalité de prévention de traitement et de
resocialisation. Elle apparaît, ainsi, comme un corollaire naturel de la responsabilité pénale en ce
sens qu'elle s’applique normalement à l'inculpé reconnu responsable et condamné par un
jugement. En fait, sous sa seconde forme (mesure de sûreté) la sanction est parfois liée à la
commission de l'infraction et à la dangerosité de l'auteur indépendamment de toute
responsabilité de celui-ci: c'est le cas notamment du mineur et du dément auteurs d'infractions
qui, même déclarés irresponsables (ou absous), restent passibles de mesures de sûreté.
Les peines et les mesures de sûreté prévues par la loi sont diverses et variées eu égard au degré
de sévérité et aux buts recherchés, et il appartient au juge, dans le cadre de la marge de
manœuvre que lui accorde la loi, de préciser dans chaque cas individuel la mesure de la sanction
applicable (Section I).
Mais la sanction ainsi retenue par le juge ne suit pas, parfois, son cours d'exécution normal en ce
sens qu'elle peut être suspendue ou éteinte par des causes déterminées dont certaines entraînent
même l'effacement totale de la condamnation (Section II).
Section 1 - Formes et mesure de la sanction
§1 - Les formes de la sanction: les peines et les mesures de sûreté
Les deux catégories de sanction présentent des caractères communs: -Elles sont légales
(Ne peuvent être instituées que par un texte de loi conformément au principe de la légalité des
délits et des peines); -Elles sont, en principes, égales pour tous les délinquants sans distinction de
classe, de sexe ou de condition (sous réserve des dérogations légales dans l'intérêt de l'ordre
public ou dans le souci de l'individualisation de la sanction); Elles sont personnelles en ce sens
qu'elles s'appliquent, en principe, au seul coupable sans atteindre d'autres personnes étrangères à
l'infraction.
En dépit de ces caractères communs, les deux catégories de sanctions restent distinctes l'une de
l'autre aussi bien quant à leur nature que quant à leurs finalités.
I- Les peines
La peine est un châtiment infligé au coupable pour divers objectifs; le punir de la faute qu'il a
commise (rétribution), l'intimider pour qu'il ne recommette plus d'autre infractions et en même
temps dissuader d'autres éventuels délinquants (intimidation et exemplarité) et souvent, aussi,
veiller à son amendement pour qu'il réintègre normalement la vie sociale après avoir purgé sa
peine (réadaptation).
Les peines sont diverses de sorte que la doctrine en donne plusieurs classifications. Celle retenue
par le code pénal consiste à distinguer les peines principales et les peine accessoires.
A- Les peines principales
La définition en est donnée par l'article 14 du code pénal aux termes duquel les peines « sont
principales lorsqu'elles peuvent être prononcées sans être adjointes à aucune autre peine».
L'article 15 du même code précise que « les peines principales sont criminelles, délictuelles ou
contraventionnelles».
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a - Les peines criminelles principales sont: -la mort (unique peine corporelle dite aussi peine
capitale, abolie par plusieurs législations étrangères) ; - les réclusions perpétuelles ou
temporaires de 5 à 30 ans; -la résidence forcée (peine restrictive de la liberté dite aussi «
assignation à résidence »}; -la dégradation civique (peine privative de droits liés ordinairement à
la citoyenneté tels que le droit d'exercer des fonctions ou emplois publics, le droit d'être électeur
ou éligible; le droit de servir dans l'année, le droit de témoigner...).
b - Les peines délictuelles principales sont: -l'emprisonnement (en principe pour une durée
d'un mois au moins et de cinq ans au plus), -l'amende de plus de 1200DH.
c - Les peines contraventionnelles principales sont: - la détention de moins d'un mois;
-l'amend de 30 à 1.200DH.
B -Les peines accessoires
Ce sont, comme l'énonce l'article 14 al 2, des peines qui ne peuvent être infligées séparément
d'une peine principale ou qui en sont la conséquence. Elles sont régies par les articles 36 à 48 du
CP. En se limitant à leur énumération, il s'agit des peines suivantes: - l'interdiction légale
(interdiction d'exercer les droits patrimoniaux durant l'exécution de la peine principale); -la
dégradation civique; - la suspension de l'exercice de certains droits civiques, civils ou de famille;
- la perte ou la suspension du droit aux pensions servies par l'Etat; -la confiscation partielle de
biens appartenant au condamné: -la dissolution de la personne juridique ; -la publication de la
décision de condamnation.
II - les mesures de Sûreté
Dénuées de coloration morale, elles sont imposées à des individus non pas dans un esprit
répressif mais dans un souci de prévention, de traitement et de resocialisation. Selon les cas,
prononcées soit isolément, soit accessoirement à une peine, auquel cas elles sont mise en
application soit préalablement soit immédiatement après l'exécution de la peine. Le code pénal
prévoit des mesures de sûre)té personnelles et des mesures de sûreté réelles.
A- Les mesures de sûreté personnelles
Ces mesures visant la personne, sont énumérées par l'article 61 du CP et définies et précisées
par des dispositions ultérieures. Il s'agit de; -La relégation (Internement de certains récidivistes
dans un établissement de travail sous un régime approprié de réadaptation sociale) ;
-la résidence forcée; -l'interdiction de séjour ;- l'internement judiciaire dans un établissement
psychiatrique; -le placement judiciaire dans un établissement thérapeutique (mise sous
surveillance médicale d'individus condamnés pour crime ou délit lié à une intoxication chronique
par l'alcool ou les stupéfiants); -le placement judiciaire dans une colonie agricole (emploi à des
travaux agricoles de certains condamnés ayant des habitudes d'oisiveté ou exerçant
habituellement des activités illégales) ;- L'incapacité d'exercer toute profession, activité ou art ;
la déchéance des droits de puissance paternelle.
A cette liste, il y a lieu d'ajouter les mesures de protection et de rééducation spécifiques aux
délinquants mineurs prévues par le code de procédure pénale (Art 460 et S).
B -Les mesures de sûreté réelles
Il s'agit de la confiscation et de la fermeture de l'établissement ayant servi à commettre
l'infraction: deux mesures prévues par l'article 62 et précisées par les articles 89 et 90 du code
pénal.

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§2 -la mesure de la sanction
Mis à part des cas très rares où la peine -ou la mesure de sûreté est fixe (peine de mort,
réclusion perpétuelle, confiscation, fermeture définitive de l'établissement ...), en général la
sanction obéit à une marge de variation entre un minimum et un maximum. Bien plus, en dehors
de certaines mesures accessoires laissées à son appréciation, le juge est parfois habilité par la loi,
sous des conditions déterminées, soit à franchir la limite légale du maximum, soit à descendre en
deçà du minimum, voire à accorder une dispense (ou exemption) de peine. Ce pouvoir
discrétionnaire permettant au juge d'individualiser la sanction, tire essentiellement son
fondement des articles 141 et 142 du code pénal,
Aux tenues du premier texte: «dans la limite du maximum et du minimum édictés par la loi
réprimant l'infraction, le juge dispose d'un pouvoir discrétionnaire pour fixer et individualiser la
peine en tenant compte, d'une part, de la gravité de l'infraction commise et, d'autre part, de la
personnalité du délinquant».
Quant au second texte, il précise que « le juge est tenu d'appliquer au coupable une peine
atténuée ou aggravée chaque fois que sont prouvés, soit un ou plusieurs faits d'excuses
atténuantes, soit une ou plusieurs des circonstances aggravantes prévues par la loi. Il est tenu de
prononcer l'absolution lorsque la preuve est rapportée de l'existence en faveur du coupable d'une
excuse absolutoire prévue par la loi. Sauf disposition spéciale contraire de la loi, il a la faculté
d’accorder au coupable le bénéfice des circonstances atténuantes dans les conditions prévues aux
articles 146 à 151 ».
À proprement parler, les causes justifiant l’aggravation de la sanction par le juge sont au
nombre de trois: les circonstances aggravantes, (qui sont limitativement prévues par la loi
comme par exemple l'usage d'une arme dans la commission du vol le transformant ainsi en
crime, la préméditation dans le meurtre le muant ainsi en assassinat passible de la peine de mort)
la récidive (état de celui qui après avoir été l'objet d'une condamnation irrévocable pour une
infraction antérieure en commet une autre: Art 154 CP) et le cumul d'infraction (c.à.d. «
l’accomplissement simultané ou successif de plusieurs infractions non séparées par une
condamnation irrévocable» : Art 119 CP).
Les causes d'atténuation de la peine sont d'une part les circonstances atténuantes qui
consistent en une réduction de peine laissée à la libre appréciation du juge, dans les conditions
prévues aux articles147 à 151, et dont peut bénéficier tout délinquant pour n'importe quelle
infraction et même en cas de récidive délictuelle ou contraventionnelle; et d'autre part, les
excuses égales atténuantes qui ont pour effet d'obliger le juge à modérer la peine
conformément aux prescriptions légales (comme c'est le cas pour l'excuse de minorité, évoquée
ailleurs, et des excuses atténuantes de provocation telle que celle prévue au profit du conjoint -
époux ou épouse - qui commet un meurtre ou des violences sur la personne de son conjoint ou
sur le complice à l'instant où ils les surprend en flagrant délit d'adultère – voir les articles 416 et s
du CP).
Quand aux causes d'exemption de la peine, elles sont également de deux ordres : - le sursis
qui est une mesure facultative par laquelle le juge accorde au délinquant primaire condamné a
une peine d'emprisonnement ou d'amende une dispense conditionnelle d'exécution de ladite
peine, dispense devenant définitive au terme d’un délai d'épreuve de cinq ans; mais aussi
dispense dont l'intéressé sera déchu s'il commet dans le délai susvisé une autre infraction passible
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d'emprisonnement ou d'une peine plus grave, auquel cas il devra exécuter la peine, objet de
sursis, cumulée avec celle encourue à raison de la nouvelle infraction
- Les excuses légales absolutoires qui sont des cas d'exemption de peines prévus limitativement
par la loi (par exemple: au profit de celui des coupables qui avant l'exécution d'un crime ou d'un
délit contre la sûreté de l'Etat, a pris l'initiative de le dénoncer aux autorités judiciaires,
administratives ou militaires: article 211 CP; il en est le même pour celui qui dénonce en temps
utile l'association de malfaiteurs: article 296, ou le faux monnayage : art 336; Voir pour d'autres
hypothèses les articles 213, 225, 258, 297, 299,306, 378 CP). Il est à préciser que l'excuse
absolutoire laisse subsister l'infraction et la responsabilité de sorte que le juge a la faculté de faire
application à l'absous de certaines mesures de sûreté (article 143 et 145 CP).
Section II - Modifications affectant l'exécution et les effets de la sanction
Si, normalement, toute personne condamnée doit exécuter et exécuter intégralement la
sanction prononcée contre elle; il est des cas ou du fait de l'intervention de certaines
circonstances ou par le jeu de certaines institutions, cette exécution peut ne pas suivre son cours
pendant le temps fixé par la décision de condamnation, situation, qui peut même déteindre sur les
effets attachés à la condamnation. Ainsi la loi prévoit des hypothèses où la sanction pourrait être
soit suspendue, soit éteinte avec parfois effacement de tous les effets de la condamnation.
La suspension de la peine s'opère par la libération conditionnelle du condamné (art
59CP), procédé qui reste purement théorique puisqu'il n'a jamais fait l'objet d'application
pratique (Aux termes de l'article 59 du CP «la libération conditionnelle fait bénéficier le condamné, en
raison de sa bonne conduite dans l'établissement pénitentiaire, d'une mise en liberté anticipée, à charge
pour lui de se conduire honnêtement à l'avenir et sous la condition qu'il sera réincarcéré pour subir le
complément de sa peine en cas de mauvaise conduite dûment constatée ou d'inobservation des
conditions fixées par la décision de libération conditionnelle…»
A noter que la mesure devrait normalement être prise par arrêté du ministre de la Justice sur
proposition de la commission des grâces au ministère de la justice (Art 627 CCP).
L'extinction de la peine s'opère soit par le bénéfice de la grâce dite ordinaire (prérogative royale
qui a pour effet suivant les cas, soit de mettre obstacle à l'exercice de l'action publique, soit d'en
arrêter le cours, soit de soustraire le condamné, en tout ou en partie, à l'exécution de la peine; et
qu'il faut, d'ailleurs, distinguer d'avec la grâce dite amnistiante, également attribut du souverain,
que nous évoquerons ci-dessous), soit par le décès du condamné, soit par l'abrogation de la loi
(qui a pour effet de faire obstacle à l'exécution de la peine si elle n'est pas encore exécutée ou de
mettre fin à son exécution en cours), soit encore, par la prescription qui soustrait le condamné à
l'exécution de la peine à l'issue d'un délai déterminé (20 ans en cas de crime, 5 ans en cas de délit
et 2 ans en cas de contravention à compter de la date du prononcé de la condamnation), soit enfin
par « la transaction lorsque la loi en dispose expressément » (art 49 CP).
L'extinction de la peine avec effacement total de la condamnation, s'opère par deux
mécanismes: l'amnistie et la grâce amnistiante.
« L'amnistie ne peut résulter que d'une disposition expresse de la loi… qui en détermine les
effets sous réserve toutefois des droits des tiers « (art 51 CP). Ce qui en fait une prérogative du
parlement auquel il appartient donc de déterminer les infractions ou les agents bénéficiaires et de
fixer dans le texte même de la loi d'amnistie les effets qui s'y attachent. Mais par essence, elle
emporte des effets très larges: lorsqu'elle intervient au stade des poursuites, elle met, bien
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entendu, obstacle à l'exercice de l'action publique ou met définitivement fin à celle déjà
engagée ; lorsqu’elle intervient après la condamnation, non seulement, selon les cas, elle met
obstacle à l’exécution de la peine ou met à celle en cours d’exécution, mais aussi elle abolit la
condamnation avec ses effets (ce qui entraine notamment la suppression des incapacités qui en
résultaient et l’effacement de la mention de condamnation du casier judiciaire). Mais dans tous
les cas, et tout comme la grâce (ordinaire ou amnistiante), elle ne peut retentir sur les droits des
tiers.
Quant à la grâce amnistiante, elle offre l’originalité d’être accordée par dahir au bénéficie
essentiellement d’auteurs déterminés de délits non crapuleux (délits d’opinion ou de presse le
plus souvent) et emporte généralement les mêmes effets susmentionnés pour l’amnistie à moins
que le dahir qui l’accorde n’en ajoute d’autres.
A noter enfin que la réhabilitation (de plein droit ou par décision de justice) « n’est pas une cause
d’extinction, d’exemption ou de suspension de la peine, elle efface seulement pour l’avenir et
dans les conditions prévues aux articles 687 à 703 du CCP, les effets de la condamnation et les
incapacités qui résultent » (art 60 CP)

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