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Droit Administratif Marocain-2
Droit Administratif Marocain-2
Droit administratif
des cours d’appel administratives, est désormais placée sous le contrôle de la Cour de
cassation – Chambre administrative – qui, au plus haut niveau, veille au respect de l’ordre des
compétences et de l’application de la règle de droit.
Sans doute ne suffit-il pas de proclamer des principes et de créer des institutions pour atteindre le but
marocain
recherché par le constituant, le respect de l’Etat de droit et, plus modestement, le respect du principe
de légalité. Il faut aussi que, dans leur action quotidienne, tous ceux qui ont reçu de la collectivité
une parcelle de pouvoir l’exercent dans l’intérêt exclusif de celle-ci, ce qui correspond totalement
à ce que signifie « la nouvelle conception de l’autorité » dont Sa Majesté le Roi Mohammed VI a
rappelé au tout début de son règne l’impérieuse nécessité. Contribuer à ce que cet objectif soit
atteint constitue aussi l’ambition de cet ouvrage.
99
ISBN : 978-9954-626-64-1
170 Dh 2017
99 2017
partenaire de
Droit administratif
marocain
PUBLICATIONS
DE LA REVUE MAROCAINE
D’ADMINISTRATION LOCALE
ET DE DEVELOPPEMENT
Série « Thèmes actuels »
N° 99
Droit administratif
marocain
Edition 2017
Publications de la REMALD
Collection « Thèmes actuels »
Directeurs – fondateurs
Ahmed BOUACHIK Mohammed BENYAHYA
Professeur à l’Université Mohammed V Professeur à l’Université Mohammed V
de Rabat et à l’Ecole Nationale Supérieure de Rabat et à l’Ecole Nationale Supérieure
d’Administration (ENSA) d’Administration (ENSA)
bouachik.ahmed@gmail.com benyahya@menara.ma
Directeur de la rédaction
Ahmed BOUACHIK
bouachik.ahmed@gmail.com
Conseil scientifique
• Mohammed ACHERGUI • Mohammed EL YAAGOUBI • Mohamed MOATASSIM
• Mohieddine AMZAZI • Abdelilah FOUNTIR • Abderrazzak MOULAY RCHID
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• Nadia BERNOUSSI • Abdelaziz LAMGHARI • Mohamed YAHIA
• Mohammed BOUJIDA • Abdeltif MENOUNI • Ahmed ZEJJARI
Correspondants étrangers
•Y
ves GAUDEMET, Professeur à l’université • Ahmed RAHMANI, Professeur à l’Ecole
Panthéon-Assas (Paris II) nationale d’administration d’Alger
• J ean Philippe BRAS, Professeur à l’université • Sidi Mohammed OULD SIDEBE, Professeur
de Rouen à l’Université de Nouakchott (Mauritanie)
•H
afedh BENSALAH, Professeur à l’université • Rainer PITSCHAS, Professeur à l’Ecole supérieure
de Tunis I des sciences administratives de Spire (R.F.A.)
•O
mar SADOK, Professeur à l’université • Manuel TEROL BECERRA, Professeur à
de Tizi Ouzzou (Algérie) l’université Pablo de Olavide de Séville
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Les articles publiés par la REMALD n’engagent que la responsabilité de leurs auteurs
Sommaire
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Liste des abréviations
* Depuis la Constitution de 2011, la Cour Suprême est devenue Cour de Cassation. Chaque fois que cela était
nécessaire on a tenu compte de cette nouvelle appellation. En revanche, pour les décisions rendues par la Cour
Suprême avant 2011 ou pour des textes antérieurs à 2011 la mentionnant, par exemple le dahir de 1957 lui donnant
naissance, on a maintenu l’appellation en vigueur à cette époque.
Droit administratif marocain
10
Liste des abréviations
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Avant-propos
Lorsqu’il y a un peu plus de quarante cinq ans parut la première édition de cet
ouvrage, nous avions conscience d’ouvrir une voie en mettant à la disposition de ceux qui
s’intéressaient à l’administration publique un instrument utile à sa connaissance et à la
réflexion sur son évolution.
Il est certain que cet objectif a été atteint puisqu’à travers ses éditions successives,
ce livre a enregistré toutes les réformes qui ont, au cours de bientôt cinq décennies,
contribué à transformer le système administratif, tandis que les institutions universitaires
d’enseignement du droit se développaient et que peu à peu paraissaient de nombreux
ouvrages et revues consacrés à l’administration et à son droit.
L’adaptation des institutions administratives s’est en effet poursuivie sous la triple
action du législateur, du juge et de l’administration elle-même. Et ce que nous écrivions
en avant-propos des éditions précédentes, nous pouvons le redire, et le redire d’autant plus
que trois événements majeurs ont profondément modifié les perspectives d’évolution du
système politique et administratif ; ce fut d’abord le changement politique concrétisé par
l’alternance en mars 1998 ; c’est ensuite l’avènement du nouveau Souverain, Sa Majesté
Mohammed VI en 1999 ; c’est enfin l’adoption par référendum d’une nouvelle Constitution
et sa promulgation le 29 juillet 2011.
Du fait du nouveau texte constitutionnel, c’est donc l’ensemble de l’administration
nationale ou territoriale, générale ou spéciale, qui devrait subir une sorte de mise à niveau
de façon à mettre réellement en pratique les principes de bonne gouvernance auxquels la
Constitution consacre son titre XII.
Celle-ci a d’ailleurs rendu également indispensable la réforme de l’administration
territoriale ; d’abord en raison de l’article 145 qui fait disparaître l’intervention des walis et
gouverneurs dans l’exécutif des collectivités provinciales, préfectorales et régionales et des
perspectives ouvertes par la régionalisation avancée, mais aussi du fait des insuffisances de
la pratique de la décentralisation communale, et des insuffisances plus grandes encore de
la mise en œuvre des textes sur la déconcentration ; ces réformes devraient permettre une
meilleure adaptation du fonctionnement des institutions administratives à la satisfaction
des besoins de la population et à ses exigences de plus en plus vives de participation
Droit administratif marocain
14
Avant-propos
15
Introduction générale
Section I
Le domaine du droit administratif
S’il fallait s’en tenir à la simple exégèse des termes, on dirait simplement que le droit
administratif, c’est le droit de l’administration. Et c’est très largement vrai, mais ce n’est
qu’en partie vrai. Si le droit administratif est le droit de l’administration, il n’est pas tout
le droit de l’administration, et il n’est pas que le droit de l’administration.
(1) Définition empruntée à A. de Laubadère, Traité de droit administratif, Paris, 1980, 8e éd., tome 1, p. 11.
M. Rousset, « La Constitution de 2011 : Constitution et administration », in la Constitution de 2011, Eclairages croisés
sur le nouveau constitutionnalisme marocain, Asscociation Marocaine de Droit Constitutionnel, 2014, p. 59.
Droit administratif marocain
(2) La Grande-Bretagne dont le système juridique est fondé sur le principe de l’unité de droit a vu se développer depuis
une soixantaine d’années un droit administratif, cf. Lord Justice Woolf, « Traits caractéristiques du droit administratif
anglais », Etudes et documents du Conseil d’Etat, n° 38, 1987, p. 239.
(3) Sur ces différents problèmes, voir : Essaid (M.J.), Introduction à l’étude du droit, coll. Connaissances, 2e éd., 1998,
p. 17 et suiv.
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Introduction générale
complexes est également un moyen de sauvegarder les droits des individus et les finances
publiques. C’est cet ensemble de privilèges et de contrôles qui aboutit à la création de cette
branche originale du droit qu’est le droit administratif, composé de règles très particulières
qui ont pour but d’établir un compromis entre les nécessités de l’intérêt général et la
sauvegarde des intérêts particuliers, équilibre toujours fragile, toujours instable, mais qui
doit être poursuivi si l’on veut tenir un juste milieu entre la tyrannie et l’impuissance.
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Droit administratif marocain
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Introduction générale
Section II
Les caractères du droit administratif
(4) S’agissant du système administratif français, une présentation d’ensemble, particulièrement complète et éclairante,
pourra être consultée dans l’ouvrage de Vedel (G.) et Delvolvé (P.), le Système français de protection des administrés
contre l’administration, Sirey, 1991, 280 p.
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Droit administratif marocain
(5) Et l’on est heureux de souligner que cette conception de l’Etat de droit correspond parfaitement au “nouveau
concept de l’autorité” défendu par Sa Majesté le Roi Mohammed VI dans le discours du 12 octobre 1999 prononcé
à Casablanca devant les représentants de l’Etat dans les wilayas, régions, provinces et préfectures, auquel fait écho
le discours prononcé à Agadir lors de l’ouverture de l’année judiciaire en janvier 2003 dans lequel Sa Majesté le Roi
affirme avec force : « Il s’agit de faire régner la justice ce dont nous avons fait le socle et la finalité de notre doctrine
du pouvoir. »
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Introduction générale
à des enseignements spécialisés de droit administratif : droit des services publics et des
entreprises publiques, droit public économique, libertés publiques, droit de l’urbanisme
et naturellement contentieux administratif ; sous nos yeux le droit administratif gagne
d’autres secteurs dont l’importance est d’ores et déjà essentielle pour le présent et l’avenir
de la société : ainsi en est-il du droit de l’environnement et du développement durable,
du droit de l’audiovisuel, du droit de l’informatique, etc., et cette évolution n’est pas
arrêtée (6).
Non seulement l’emprise du droit administratif gagne de nouveaux domaines, mais
son influence se fait également de plus en plus sentir dans les autres secteurs du droit.
On sait que la raison fondamentale en est la transformation du rôle de l’Etat à la période
contemporaine. Sans doute la transformation de l’Etat gendarme en Etat providence fait-
elle aujourd’hui l’objet d’une analyse critique ainsi qu’on le verra plus loin ; sans doute
aussi prône-t-on désormais une réorientation de l’intervention de l’Etat plus respectueuse
de l’initiative et de la responsabilité des individus et des collectivités ; mais il demeure que
l’Etat ne peut plus se contenter de maintenir l’ordre et la sécurité ; il doit d’une certaine
manière assurer le développement des activités économiques et sociales, même s’il ne lui
revient pas nécessairement d’assurer lui-même la gestion de ces activités ; ceci explique
que, de proche en proche, soient apparus des îlots de droit administratif. Il y a ainsi un
droit administratif de l’agriculture (7), un droit administratif de la santé, comme il y a un
droit administratif du travail ou de la propriété ou bien encore un droit de l’environnement ;
la création du permis de bâtir par le dahir de 1914 sur l’urbanisme ou, tout récemment, la
création des instruments de planification urbaine ou le droit de la construction, ont modifié
très largement le régime de la propriété tel qu’il résultait du droit privé. Des exemples de
ce type pourraient être multipliés.
(6) Boudahrain (A.), Un droit nucléaire en devenir (vision éthique et prospective au Maroc et au Maghreb),
BENIMED, 1991, Casablanca, 139 p. – Mekouar (M.A.), Etudes en droit de l’environnement, préface AC. Kiss,
éd. Okad, Casablanca, 1987, 245 p. – Gourari (A), la Protection juridique de l’environnement en droit marocain,
Faculté des Sciences juridiques économiques et sociales de Fès, série « Fanaux universitaires », 2011.
Voir le rapport du CESE relatif aux exigences du changement climatique sur les politiques publiques, BO. 2016, p.376.
(7) Bouderbala (N.) et Filali-Meknassi (R.), le Code agraire marocain, ORMVA du Gharb, 1991. Bouderbala (N.),
« Le droit rural existe-t-il au Maroc ? », Rivista di dirritto agrario, fasc. 2, 1991, p. 171, Milano-Giuffré éd.
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Droit administratif marocain
définies par aucun code, mais ont été précisées au fil des décisions des tribunaux. Il en est
de même pour les cas dans lesquels la responsabilité de l’administration peut être mise en
cause. Il y a certes une continuité dans la jurisprudence, mais il y a aussi un souci constant
d’adaptation aux circonstances nouvelles. Les tribunaux marocains ne sont pas comme les
tribunaux anglo-saxons liés par la règle du précédent. Lorsqu’ils ont pris position sur un
point dans une affaire donnée, ils ne sont pas engagés définitivement pour l’avenir, et ils
peuvent modifier leur position si les circonstances de droit ou de fait le justifient et ils le
font lorsque cela est nécessaire.
On sait par ailleurs que, même en face d’un texte juridique, le juge peut, grâce à
l’interprétation, adapter ses dispositions aux exigences du progrès social, économique ou
tout simplement juridique.
Il n’y a pas en effet d’incompatibilité dans la formation du droit entre un processus de
création qui ne s’engage d’ailleurs jamais ex nihilo, et un processus d’interprétation qui
peut être tout à fait créateur et n’avoir que l’apparence d’un constat de connaissance : ces
deux processus se complètent ainsi que le déclarait le doyen Vedel dans son intervention
lors de la célébration du deuxième centenaire de la création du Conseil d’Etat à Paris le
15 décembre 1999.
Or, l’adaptation du droit peut d’autant plus emprunter cette voie que le Maroc est « un
pays où le droit jurisprudentiel occupe le devant de la scène et où le rôle créateur du juge
plonge ses racines dans les traditions les plus profondes » ainsi que le relevait Jacques
Berque (8).
Certes, la jurisprudence a parfois fait preuve d’une timidité excessive en appliquant à la
lettre des textes anachroniques ; mais ainsi qu’on le verra, cela peut changer notamment grâce
à la création des tribunaux administratifs qui semblent avoir compris que le renforcement
de la protection des administrés, qui justifie leur existence, supposait qu’ils s’affranchissent
d’une méthode d’interprétation des textes conçue à une époque où l’impératif du législateur
était orienté vers la protection de la puissance publique et d’une administration fondée
sur une conception envahissante de l’autorité, et beaucoup moins vers la protection de
l’administré et le respect de sa qualité d’usager du service public et de sa qualité de citoyen.
En outre, le juge doit tenir compte du fait que le droit est une science sociale, qu’il
doit évoluer en fonction des transformations de la société et des besoins de la collectivité
et de ses membres. Certes il ne s’agit pas de confondre évolution du droit et instabilité de
la règle jurisprudentielle, mais simplement d’utiliser les ressources de l’art juridique pour
infléchir l’application de la loi en fonction des idées de justice et d’équité et dans le respect
(8) Cité par O. Azziman, « Dépendance et connaissance du droit marocain », RJEM, n° 10, 1981, p. 183.
24
Introduction générale
des principes fondamentaux de l’ordre juridique ; pour cela, la formation des magistrats, et
plus largement des juristes, est essentielle.
Le savoir juridique mémorisé et appliqué mécaniquement, l’interprétation exégétique
des textes (9), disqualifient aussi sûrement la justice que la lenteur, l’incompétence voire
la corruption qui lui sont parfois reprochées.
D’autre part, le pouvoir du juge est d’autant plus grand qu’il se trouve fréquemment
en présence de dispositions écrites de nature réglementaire. Le droit administratif ne
figure pas en effet parmi les matières qui ont été rangées dans le domaine de la loi par
la Constitution. Son article 71, comme d’ailleurs les dispositions correspondantes de ses
devancières, réserve à l’intervention du législateur un certain nombre de questions qui
se rattachent aux principes fondamentaux du droit civil ou du droit pénal ; en revanche,
les principes fondamentaux du droit administratif ne figurent pas dans cette réserve. Il
en résulte que, mises à part les mesures qui porteraient atteinte aux libertés et droits
fondamentaux énumérés par le titre II de la Constitution, égalité des citoyens, liberté
d’opinion, liberté d’association, inviolabilité du domicile, etc., les règles qui régissent
l’administration peuvent être prises par voie réglementaire.
L’essentiel du droit administratif relève donc du pouvoir réglementaire ; mais il convient
de préciser que le règlement n’est lui-même qu’une variété d’acte administratif. Il est fait par
des autorités élevées, certes, mais entrant dans la hiérarchie administrative, si bien que, dans
une large mesure, le droit administratif est élaboré par l’administration elle-même, ce qui
le rend très facilement modifiable, adaptable, mais aussi permet de douter de son caractère
de véritable droit. Il s’agit plutôt d’une règle de conduite que l’administration se fixe à elle-
même, d’une auto-limitation que d’un droit, car on a volontiers tendance à penser que pour
qu’il y ait droit il faut que la source soit extérieure au sujet, ce qui n’est pas le cas, on le voit.
Naturellement ceci doit être relativisé dans la mesure où l’article 6 du texte
constitutionnel précise que la loi, expression de la volonté suprême de la Nation, s’impose
à tous y compris les pouvoirs publics. En outre, le même article proclame les principes
de constitutionnalité, de hiérarchie et de publication des normes juridiques qui font entrer
l’administration et son droit dans le cercle contraint de l’Etat de droit.
(9) Hélas illustrée par la décision du TA de Rabat du 13 mai 2002, Larbi Saâdi, cf. notre note, la Gazette du Maroc,
17 février 2003, p. 9 : « De l’inégalité des Marocains devant les emplois publics selon le TA de Rabat ».
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Droit administratif marocain
pouvoir, même si certaines institutions avaient une fonction de protection des administrés
face au pouvoir (10). Il ne faut pas non plus négliger le fait que le droit musulman
comporte des principes généraux qui sont d’essence universelle et qui fondent l’ordre
juridique dans son ensemble, ce qui explique que la jurisprudence actuelle puisse souvent
y trouver un fondement à ses décisions ainsi que cela a été souligné (11).
Mais au moment où le Protectorat s’impose, il n’y a en pratique aucune nécessité de
composer entre les règles nouvelles et des règles traditionnelles ; c’est ce qui explique que
le droit administratif marocain ait été très largement inspiré du droit administratif français,
lui-même de création récente. Il est à peine besoin de souligner naturellement que le
droit administratif français ne s’est cependant jamais appliqué en tant que tel au Maroc.
Conservant sa personnalité juridique, même pendant le Protectorat, le Maroc a toujours eu
une législation autonome. Mais il est bien évident que si le législateur marocain, surtout
pendant la période du Protectorat, s’est très souvent inspiré de la législation française, il
lui est arrivé parfois d’adopter une législation plus moderne. En effet, des réformes qu’il
n’était pas possible d’appliquer en France en raison de l’hostilité du parlement, de la
présence de certains groupes de pression, ont été mises en œuvre sans difficulté au Maroc.
C’est ainsi que la législation de 1951 sur l’expropriation s’appliquait depuis 7 ans au
Maroc quand elle a été introduite en France – et encore ne le fut-elle qu’à la faveur des
pouvoirs spéciaux accordés au gouvernement – en 1958.
Inspirée donc dans ses grandes lignes par les solutions françaises, la législation
marocaine en diffère sur bien des points. L’organisation administrative d’abord est
évidemment totalement différente, et aucune transposition ou assimilation n’est possible.
Quant aux règles de fond concernant l’activité de l’administration, il est certain que les
ressemblances sont très grandes, et de nombreuses théories générales sont tout à fait
transposables. Il convient cependant d’être très prudent dans cette transposition pour trois
raisons qui sont étroitement liées l’une à l’autre.
La première résulte à l’évidence de ce que le législateur, le gouvernement ou le juge
ont toujours la possibilité d’adopter des solutions qui, sur des points précis ou sur des
problèmes généraux, sont différentes des solutions retenues en France.
La seconde tient, quant à elle, à une considération plus fondamentale. Un ordre juridique,
quel qu’il soit, ne peut sous peine d’échec, avoir une existence autonome par rapport à la
société qu’il régit ; son contenu doit résulter d’un compromis – il est vrai difficile à élaborer
(10) Cf. Ben Achour (Y.), « Justice des madhalims et justice administrative moderne », Revue internationale des
sciences administratives, 1985, n° 2, p. 109. Iraki-Benkirane (R.), « La protection des administrés en droit public »,
mémoire DES, Casablanca, 1983 (dactyl.).
(11) M. El Yaâgoubi, le Juge protecteur de l’administré, Indépendance nationale et système juridique au Maroc, PUG
et Ed. la Porte, 2000, p. 125, notamment, p. 168.
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Introduction générale
– entre les exigences techniques des problèmes à résoudre, et l’aptitude du corps social
à “recevoir” la règle de droit ; la difficulté sera encore accrue du fait de la diversité des
problèmes dont l’administration a la charge, et de la diversité, voire de l’hétérogénéité du
corps social. Pour difficile qu’elle soit, la recherche d’une correspondance aussi étroite que
possible entre la règle de droit et les nécessités de l’action administrative dans un milieu
donné est un impératif qui conduit l’autorité législative, administrative ou juridictionnelle
à un inévitable effort d’adaptation tout d’abord, d’imagination et d’innovation ensuite (12).
La troisième tient au conflit que l’on peut déceler parfois entre ce que l’on peut appeler
la résurgence d’un sentiment d’identité nationale et la prégnance d’un système juridique
d’origine étrangère.
C’est ce mouvement qui, à peine ébauché au lendemain de l’indépendance, s’est
largement développé depuis lors et doit retenir l’attention de tous ceux que préoccupe
l’avenir du système juridique et administratif (13). Il a produit de nombreux effets
dans des domaines particulièrement importants, qu’il s’agisse du droit de la fonction
publique, du droit de l’urbanisme et de l’habitat, ou bien encore du régime juridique de
l’intervention publique dans le monde rural, sans oublier évidemment le régime juridique
de la décentralisation ou celui du droit foncier dont la réforme est en question actuellement
ce dont témoigne la création récente d’une commission ministérielle permanente de
politique foncière (D. 24 mai 2016, B.O. 2016, p. 969) ; il est certain que ce mouvement
ne peut que se poursuivre ; certes, la part prise à cette évolution par le législateur et le
pouvoir réglementaire apparaît prépondérante ; mais elle ne doit pas faire oublier celle de
la jurisprudence qui, sur des points de plus en plus nombreux et significatifs a apporté sa
(12) Une présentation très suggestive de ce problème est faite par Bouderbala (N.) et Pascon (P.), « Le droit et le fait
dans la société composite : essai d’introduction au système juridique marocain », Bulletin économique et social du
Maroc, n° 117, p. 1 et suiv., avril-juin 1970.
Voir également dans la Revue juridique, politique et économique du Maroc, n° l, 1976, l’excellent article de Deprez (J.),
Réflexions sur la connaissance du phénomène juridique : projet de recherche adapté aux réalités marocaines, p. 11 ; voir
également Rousset (M.), Réflexions sur quelques aspects du système administratif du Maroc, p. 107. Pour la Tunisie,
Ben Achour (Y.), « Droit et changement social », R.D.P., 1989, p. 133 ; « Droit et environnement social au Maghreb »,
Colloque, Fondation du Roi Al Saoud, C.N.R.S., 1989.
(13) Tel a été le thème du colloque organisé en 1980 par la faculté des Sciences juridiques économiques et sociales
de Rabat, les interventions les plus importantes ont été publiées dans un numéro spécial de la R.J.P.E.M., 1981, n° 10.
Sur ce phénomène d’adaptation en Algérie, voir Mahiou (A), « Rupture ou continuité du droit en Algérie », Revue
algérienne des sciences juridiques, économiques et politiques, spécial 20e anniversaire, 1982, p. l07. Voir également
sur le problème des relations entre ordre religieux et ordre juridique au Maghreb, Deprez (J.), « Pérennité de l’Islam
dans l’ordre juridique au Maghreb », in Islam et politique au Maghreb, C.R.E.S.M. et C.N.R.S., 1981, p. 315.
On trouvera de nombreuses informations à cet égard dans différents articles publiés dans « Le débat juridique au
Maghreb :de l’étatisme à l’Etat de droit », Etudes en l’honneur d’Ahmed Mahiou, Publisud-IREMAM, 2009.
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Droit administratif marocain
(14) Indépendance nationale et système juridique au Maroc, hommage au professeur Michel Rousset, Presses
universitaires de Grenoble et Editions la Porte, 2000 (Actes du colloque de Grenoble des 27-28 mars 1998).
Cf. Rousset (M.), et Benabdallah (M.A.) : Contentieux administratif marocain, 3e édition REMALD, coll. Manuels et
Travaux universitaires, n° 103, 2014.
28
Introduction générale
Section III
Droit administratif et administration
(15) Les conséquences de ce plan d’action et celles du développement de la politique européenne de voisinage sur les
réformes engagées au Maroc ont été analysées dans le cadre du programme de recherche de l’Institut Universitaire
de la Recherche Scientifique « Mise à niveau et changement social au Maroc » ; ce programme a donné lieu à
trois colloques dont les travaux ont été publiés par le Bulletin économique et social du Maroc, respectivement en
janvier 2007, n° 164, janvier 2008, n° 165 et janvier 2010, n°166.
29
Droit administratif marocain
C’est dire que la réflexion du juriste doit toujours s’appuyer sur une bonne connaissance
des caractéristiques sociologiques du monde administratif.
Mais cela n’est sans doute pas encore suffisant dans la mesure où l’administration agit
au sein d’une société dont il est important qu’elle connaisse les caractéristiques au-delà
des notions abstraites d’usagers ou d’administrés. Le juriste doit ainsi faire l’effort de
connaissance et de compréhension de la société globale dans laquelle il agit et qui joue
un rôle important dans la formation du droit et dans son évolution ; pour cela, le juriste
doit faire appel fréquemment aux spécialistes des autres disciplines qui constituent les
sciences sociales dont l’apport est essentiel pour la connaissance et la compréhension
des phénomènes juridiques en général et du phénomène humain que constituent
l’administration et son action (16).
(16) Voir le cours « Méthodes des sciences sociales », Michel Rousset, premier CES du diplôme d’études supérieures,
année universitaire 1994-1995, Faculté des Sciences juridiques économiques et sociales de Rabat (multigraphié).
30
Introduction générale
Plan de l’ouvrage
• Première partie : Les composantes du régime administratif.
• Deuxième partie : Le contentieux administratif.
31
Première partie
Les composantes
du régime administratif
Le régime administratif du Maroc est caractérisé depuis l’établissement du Protectorat
par un apport massif de droit européen et spécialement français ainsi que par le
développement à une cadence très rapide d’une administration moderne.
Ce phénomène n’est évidemment pas propre au Maroc, et les problèmes d’adaptation
auxquels il a donné naissance ne lui sont pas spécifiques. Pour s’en tenir au seul Maghreb,
il est particulièrement intéressant de se pencher sur les expériences parallèles qui sont
vécues depuis leur indépendance respective par la Tunisie et l’Algérie (1).
On a dit que les institutions administratives avaient été très largement inspirées par
des apports extérieurs ; comme il ne pouvait être question de les abolir de façon brutale
pour d’évidentes raisons pratiques, les autorités politiques ont entrepris de ne les accepter
que sous bénéfice d’inventaire : certaines ont été purement et simplement supprimées
parce qu’elles ne correspondaient plus à la situation nouvelle issue de l’indépendance ;
d’autres ont été conservées telles quelles ; les plus nombreuses ont subi progressivement
des remaniements tendant à les rendre conformes à l’évolution de l’action administrative
et aux besoins de la collectivité (2).
Mais il va sans dire que cet effort d’adaptation des institutions administratives qui
connaît depuis l’indépendance une particulière intensité, doit être un effort permanent
si l’administration en tant qu’organisation sociale veut échapper à la sclérose et donc à
l’ineffectivité. La description du système administratif doit donc tenter, dans un souci de
connaissance, de présenter les structures administratives telles qu’elles sont ; mais elle
doit, chaque fois qu’il est possible, être complétée par une réflexion sur leur devenir dans
la perspective d’une meilleure adaptation à leur mission.
(1) Borella (F.), Introduction au droit administratif, « Les cahiers de la formation administrative », Alger, 1970,
182 p. ; Remili (A.), les Institutions administratives algériennes, Alger, S.N.E.D., 2e éd., 1973, 356 p. ; Sbih (M.),
l’Administration publique algérienne, Paris, Hachette littérature, 1973, 378 p. ; Mahiou (A.), Cours de contentieux
administratif, Office des publications universitaires, Alger, 1981, 2e éd. ; Cours d’institutions administratives, Office
des publications universitaires, Alger 1976, 333 p. ; Cubertafond (B.), « L’algérianisation du droit : mythe ou réalité ? »,
Revue juridique et politique ; Indépendance et coopération, 1976, p. 204 et suiv. ; Organisation de l’administration
tunisienne, Ecole nationale d’administration, Centre de recherches et d’études administratives, Tunis, 1972, 619 p. ;
Durupty (M.), Institutions administratives et droit administratif tunisiens, Paris, C.N.R.S., 1973, 408 p. ; Droit
administratif tunisien, Centre de recherches et d’études administratives, Ecole nationale d’administration, Tunis, 1975,
336 p. ; Ben Achour (Y.), Droit administratif, Tunis, 1982, 659 p.
(2) Cherkaoui (A.), « L’évolution du droit marocain à travers la législation », R.J.P.E.M., 1981, n° 10, p. 171.
Indépendance nationale et système juridique au Maroc, op. cit.
Droit administratif marocain
L’étude du régime administratif doit se faire à trois points de vue. Tout d’abord, c’est
sous l’aspect organique qu’il convient de l’envisager en décrivant l’appareil administratif,
les structures administratives et les principes qui régissent leur fonctionnement. Ce sont en
effet les organes de l’administration qui sollicitent d’emblée l’attention de l’observateur,
lequel doit s’attacher à analyser les modalités de leur construction, le rôle qui leur est
assigné ainsi que les rapports qu’ils nouent entre eux.
En deuxième lieu, on doit s’interroger sur la raison d’être de cette administration :
celle-ci n’existe pas pour elle-même, mais pour accomplir certaines tâches essentielles
à la vie de la collectivité. Les organes administratifs ont ainsi des activités qui leur sont
propres, les activités administratives, même si de plus en plus l’administration a tendance
à associer les administrés eux-mêmes à l’accomplissement de ces tâches.
Enfin l’administration, lorsqu’elle se livre aux activités qui sont les siennes, utilise un
certain nombre de moyens de nature diverse. Elle a recours à la multiplicité des techniques
juridiques qui lui permettent d’adapter l’ordre juridique aux buts qu’elle désire atteindre :
un réseau complexe d’obligations et de droits relie les administrés et l’administration,
ainsi que les organes administratifs entre eux ; la source de ce complexe juridique peut
se trouver soit dans la volonté unilatérale de l’administration, soit dans des conventions
de diverses sortes que l’administration passe avec ceux dont elle désire se ménager la
collaboration. Mais l’administration utilise aussi des moyens matériels et humains : elle
emploie des personnels divers, elle possède des biens qui constituent des instruments
indispensables de son action.
Ces organes, ces activités et ces moyens sont régis par des principes et des règles qui
sont très largement distincts de ceux qui régissent l’action des individus ; c’est pourquoi
on peut parler d’un particularisme du droit administratif qui apparaîtra sous ses différents
aspects au cours des développements ultérieurs qui seront consacrés respectivement à
l’organisation administrative (titre I), aux activités administratives (titre II), et aux moyens
de l’action administrative (titre III).
36
Titre premier
L’organisation administrative (1)
Introduction
Dans tous les pays, l’organisation administrative est articulée sur des collectivités
humaines qui coexistent en nombre plus ou moins élevé au sein de la collectivité nationale
et dont les intérêts et les besoins, pour complémentaires qu’ils soient de l’intérêt et des
besoins nationaux, ne se confondent cependant pas avec ces derniers.
Selon les conséquences que l’on tire de cette différenciation naît alors une organisation
administrative qui peut reposer sur des principes très différents ; or, précisément, ces
conséquences n’apparaissent pas identiques dans tous les pays parce qu’elles dépendent
de multiples données propres à chacun d’eux : histoire, structures sociales et culturelles,
données géographiques, économiques, politiques, etc. La compréhension des structures
administratives implique donc la connaissance des principes théoriques qui peuvent leur
servir de fondement, mais aussi celle des principales données qui ont déterminé leur
apparition et des principales étapes de leur évolution.
L’état de l’organisation administrative du Maroc illustre parfaitement cette combinaison
de données théoriques et de facteurs contingents. Il apparaît donc nécessaire d’introduire
l’étude de l’organisation administrative par un bref rappel des principes généraux qui
peuvent lui servir de base ainsi que par une présentation rapide des principaux traits de
l’évolution qu’a connue l’administration marocaine.
Section I
Principes généraux de l’organisation administrative
L’organisation administrative des Etats unitaires oscille entre deux principes opposés :
la centralisation et la décentralisation. Ces deux principes s’opposent essentiellement sur
(1) Rousset (M.), Institutions administratives marocaines, Publisud, Paris, 1991, 218 p. ; Ouazzani Chahdi (H), Droit
administratif, l’organisation administrative, 1997.
Droit administratif marocain
le point suivant. L’Etat centralisé ne reconnaît aucune existence juridique aux collectivités
secondaires qui constituent la trame de la collectivité nationale. Sans doute l’existence
de fait de celles-ci n’est pas toujours niée ; souvent même leur particularisme, leurs
besoins propres sont pris en considération : l’Etat adapte son action à la diversité de leurs
situations et de leurs exigences. Mais cette prise en considération en fait de leur existence
ne se traduit par aucune conséquence dans le monde du droit, tout entier résumé dans les
rapports binaires de l’administration d’Etat et des administrés.
Au contraire, l’Etat décentralisé reconnaît non seulement en fait, mais aussi en droit
l’existence des collectivités secondaires. Cette reconnaissance se traduit par l’octroi à
celles-ci de la qualité de sujet de droit qui les rend aptes à jouer un rôle actif dans la
vie juridique grâce à une autonomie que cette qualité implique et qui leur permet, dans
certaines conditions, de gérer leurs intérêts.
§1. La centralisation
La centralisation postule que l’Etat a une existence juridique et, par voie de
conséquence, qu’il est seul habilité à prendre les décisions concernant la collectivité prise
dans son ensemble mais aussi dans ses diverses composantes.
La centralisation est un système d’organisation administrative qui peut se présenter
sous deux aspects : la concentration des pouvoirs de décision dans leur totalité ou, au
contraire, leur déconcentration.
38
L’organisation administrative
B. La déconcentration
Elle a pour but de décharger le pouvoir central par une meilleure division du travail.
Une partie des pouvoirs de décision détenus par celui-ci est transférée aux agents locaux
de l’administration d’Etat. Ce faisant, un autre objectif peut être atteint : l’intervention des
agents locaux donne normalement une assurance plus grande d’une meilleure adaptation
des décisions aux réalités locales. Mais l’essence même de la centralisation n’est pas
remise en cause : les agents locaux restent en effet soumis au pouvoir hiérarchique de
l’autorité centrale, laquelle dispose à leur égard de puissants moyens ; pouvoir d’instruction
permettant d’uniformiser et de canaliser leur action ; pouvoir de réformation des décisions
jugées inopportunes ou contraires à la ligne directrice tracée par le pouvoir central ; pouvoir
de substitution, éventuellement, permettant à l’autorité centrale d’agir directement.
La centralisation apparaît donc, même sous sa forme déconcentrée, comme un système
d’administration autoritaire et simplificateur. L’ensemble des administrés est soumis à une
seule source d’autorité à laquelle ils ne participent pas et qui réside dans l’administration
de l’Etat.
§2. La décentralisation
Décentraliser c’est reconnaître l’existence juridique des collectivités secondaires
qui, dotées de la personnalité juridique, ont vocation à gérer leurs propres intérêts par
l’intermédiaire d’organes issus d’elles-mêmes. A l’administration d’Etat se surajoute une
administration locale jouissant d’une autonomie qu’il convient de préciser avant d’en
tracer les limites et d’en dégager la signification.
39
Droit administratif marocain
40
L’organisation administrative
dont elles sont les composantes, la collectivité nationale. Tout ce qui touche leurs intérêts
aura donc nécessairement d’une manière plus ou moins directe des répercussions sur
l’ensemble des intérêts locaux et sur l’intérêt national.
Il est donc indispensable de prévoir les moyens d’empêcher que la décentralisation
n’aboutisse à un conflit entre les divers intérêts locaux ainsi qu’entre ces derniers et
l’intérêt national. C’est à cette nécessité essentielle que correspond dans toute organisation
administrative décentralisée l’existence d’un système de contrôle communément appelé
tutelle et dont le but est de permettre au pouvoir central de coordonner l’action des
autorités décentralisées à la fois entre elles ainsi qu’avec sa propre activité.
2. Si la notion même de décentralisation implique l’existence d’un contrôle du pouvoir
central qui est la manifestation de ces limites, il reste que fréquemment la décentralisation
n’est pas complètement réalisée pour des raisons que l’on peut qualifier de contingentes et
qui peuvent varier d’un pays à l’autre.
Tout d’abord, le risque même des conflits qu’elle peut engendrer incitera les autorités
centrales à ne pas donner à la décentralisation le plein développement qu’impliquent les
postulats institutionnels sur lesquels elle repose.
La manifestation la plus fréquente de cette résistance du pouvoir central consiste
dans un contrôle plus ou moins poussé sur la désignation des organes des collectivités
décentralisées. Par ailleurs, la détermination des affaires locales laissées à la gestion
autonome des collectivités peut être faite d’une manière plus ou moins restrictive : on
substituera par exemple une compétence d’attribution à la compétence de plein droit qui
découle normalement de l’idée même d’autonomie de gestion des affaires locales.
Enfin, le contrôle du pouvoir central sur l’activité des autorités décentralisées pourra
être organisé de façon plus ou moins rigoureuse : c’est là tout le problème de la tutelle dont
il convient de préciser la signification et les modalités d’exercice.
41
Droit administratif marocain
constitutive des collectivités locales ont une autonomie administrative à laquelle l’autorité
de tutelle ne peut porter atteinte. En revanche, il appartient à cette dernière de veiller à ce
que les autorités décentralisées s’acquittent de leurs fonctions dans le respect des textes.
Ainsi la tutelle se présente sous un double aspect : elle pourra s’exercer sur les autorités
décentralisées elles-mêmes ; celles-ci pourront être suspendues ou révoquées lorsqu’elles
auront manqué aux obligations de leur charge. Ce pouvoir justifié en lui-même doit
cependant être réglementé à la fois en ce qui concerne les motifs qui permettent de le
mettre en œuvre et en ce qui concerne la procédure à suivre, si l’on veut qu’il ne constitue
pas une atteinte à la notion d’autonomie elle-même.
Mais la tutelle doit aussi s’exercer sur les actes divers qu’il appartient aux autorités
décentralisées d’effectuer. Il est évident que celles-ci doivent dans l’exercice de
leurs compétences respecter le texte de loi qui les leur attribue. Elles doivent le faire
négativement et positivement : ne pas faire ce que la loi interdit, exécuter les prescriptions
qu’elle impose. Il semble naturel que l’autorité centrale à laquelle incombe le soin de
veiller au respect des lois puisse exercer un contrôle destiné à vérifier si les autorités
décentralisées ont satisfait à leurs obligations actives et passives. A la limite il reste
également normal qu’en cas de négligence ou de refus d’agir de la part des autorités
décentralisées, les autorités de tutelle puissent se substituer à elles et effectuer pour le
compte de la collectivité les actes que ses organes ont négligé ou refusé d’exécuter.
Jusqu’ici, le contrôle porte seulement sur la légalité de l’action des collectivités et tend
à obtenir le respect de la loi. Mais il peut se faire que, craignant les initiatives des autorités
décentralisées et leur répercussion sur la politique du pouvoir central, le législateur ait
confié à ce dernier un droit de regard sur la conformité ou la compatibilité des décisions
des autorités décentralisées avec les objectifs poursuivis sur le plan national. Si le pouvoir
central peut alors contrôler le contenu de ces décisions et y faire obstacle en raison de leur
incompatibilité avec ses propres décisions, il exerce alors un contrôle d’opportunité. On
peut ainsi conclure que le contrôle de légalité est seul respectueux du contenu théorique
de l’autonomie des collectivités décentralisées ; en revanche le contrôle de l’opportunité
limite beaucoup plus strictement celle-ci. Il est donc de l’esprit même de la décentralisation
de restreindre au maximum cette deuxième forme de contrôle qui, si elle était généralisée,
reviendrait à annuler les effets de la décentralisation.
42
L’organisation administrative
la suite d’une annulation prononcée pour illégalité de la décision soit directement par
l’autorité de tutelle, soit indirectement par le juge sur recours de cette dernière.
Un deuxième système peut également reconnaître aux décisions des autorités
décentralisées le caractère exécutoire sous réserve de leur annulation par l’autorité de
tutelle pour des motifs déterminés par la loi et qui pourront aussi bien être tirés de leur
illégalité que de leur inopportunité.
Enfin, le système le plus rigoureux est celui dans lequel l’entrée en vigueur de
ces décisions est soumise à l’approbation expresse ou tacite de l’autorité de tutelle ;
cette approbation peut être refusée pour des motifs d’opportunité selon des techniques
variables ; le silence gardé par l’autorité de tutelle sur la décision dont elle est saisie peut
valoir approbation ou au contraire rejet tacite de celle-ci.
Tous ces procédés peuvent se combiner entre eux, et c’est la nature de cette
combinaison qui permettra de juger de la réalité de l’autonomie reconnue aux collectivités
décentralisées. Il apparaît ainsi que le terme de décentralisation peut recouvrir un grand
nombre de situations diverses dont la gradation est liée au contenu de l’autonomie
réellement accordée aux collectivités décentralisées.
La décentralisation n’est pleinement réalisée que si celles-ci disposent d’une compétence
de plein droit pour gérer la totalité de leurs affaires par l’intermédiaire d’organes issus
exclusivement d’elles-mêmes et si, enfin, leurs décisions peuvent entrer immédiatement en
application sans être soumises à d’autres contrôles qu’un contrôle de légalité.
Il va sans dire que cette autonomie doit être protégée par une autorité impartiale, un juge
de préférence, à laquelle seront soumis les différends qui opposent l’Etat aux collectivités
décentralisées. C’est à elle que doivent être soumises les décisions de l’autorité de tutelle
qui peuvent être annulées ou donner lieu à une condamnation à réparation du préjudice
qu’elles auront éventuellement causé. Dès l’instant cependant où les textes donnent à
l’autorité de tutelle le pouvoir de contrôler l’opportunité des décisions, le recours au
juge tend à devenir inefficace parce qu’il n’appartient pas à ce dernier de se substituer à
l’autorité de tutelle en refaisant après elle l’appréciation de l’opportunité de son action.
3. La décentralisation peut également être limitée par les conditions pratiques de sa
mise en œuvre ; l’observation des réalités administratives montre qu’il ne peut y avoir
réellement d’autonomie que si les collectivités décentralisées ont les moyens matériels
d’exercer leurs attributions. Il n’y a pas d’autonomie concevable sans ressources
financières ; or, très souvent le volume des ressources locales est insuffisant pour faire
face aux besoins parce que la concurrence que se font la fiscalité locale et la fiscalité
d’Etat se résoud au détriment de la première, sans parler des cas, plus fréquents encore,
où la matière imposable est à peu près inexistante en raison du faible développement
économique des collectivités. Celles-ci sont alors condamnées à se tourner vers l’Etat
43
Droit administratif marocain
qui peut seul résoudre leurs difficultés financières par des procédés divers : subventions,
garantie d’emprunts, etc. Ce faisant, l’Etat trouve un nouveau moyen, indirect celui-là,
d’exercer un contrôle de l’activité des collectivités décentralisées puisque par la menace
du refus de l’aide sollicitée les autorités centrales peuvent inciter les collectivités à
modifier ou à abandonner leurs projets.
Cette emprise indirecte du pouvoir central peut aussi se développer par la pratique
récente mais très importante qui consiste à imposer dans les secteurs les plus importants
de l’activité décentralisée le respect d’acte-types ou de réglementation-types aux décisions
des autorités décentralisées.
C. La signification de la décentralisation
Dans la plupart des pays, sinon dans tous, la décentralisation apparaît dans les rapports
du pouvoir central et des collectivités territoriales. Elle revêt alors une double signification
politique et technique parce qu’elle consiste dans la reconnaissance à ces collectivités du droit
de gérer leurs propres affaires. La considération des avantages que peut procurer à ce double
titre la décentralisation a conduit à l’étendre en dehors du champ des seules collectivités
territoriales, à la gestion d’activités particulières érigées ainsi en services publics autonomes.
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L’organisation administrative
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Droit administratif marocain
46
L’organisation administrative
Section II
La formation de l’organisation administrative marocaine (2)
(2) Le but de ces développements n’est pas de décrire en détail l’évolution des institutions administratives, ce qui a
été fait en d’autres ouvrages auxquels on se reportera, mais de préciser les traits essentiels de cette organisation aux
principales étapes de sa formation.
Consulter notamment : le Maroc, A. Bernard, 8e éd. ; Traité de droit public marocain, E. Durand, L.G.D.J., 1955 ;
le Gouvernement marocain à l’aube du XXe siècle, M. Lahbabi, coll. des C.E.J.M., 1957 ; D. Rivet, le Maroc de
Lyautey à Mohammed V, Denoël éd., 1999 ; Germouni (M), le Protectorat Français au Maroc, un nouveau regard,
L’Harmattan,2015.
47
Droit administratif marocain
(3) M. El Yaâgoubi, Histoire de l’Etat et des institutions au Maroc, REMALD, coll. Manuels et Travaux universitaires,
n° 8, 1999.
(4) Pour une illustration de ce problème, voir Amina Aouchar, les Communautés rurales de la Haute Moulouya du
XVIIe siècle à nos jours : administration locale et pouvoir central, Hespéris Tamuda, vol. XXVI-XXVII, 1988-1989,
p. 171.
48
L’organisation administrative
B. L’administration locale
Elle n’a jamais connu, au sens moderne de ces termes, la décentralisation et la notion
de personnalité morale ; bien que l’institution des fondations habous repose sur des
éléments qui ne sont pas très éloignés de ceux qui sous-tendent la notion de personnalité
morale du droit occidental, cette idée n’a pas été utilisée dans les rapports du pouvoir
central et des collectivités secondaires. On peut même se demander si elle n’était pas
incompatible avec la nature même du pouvoir du Sultan qui, pour ne parler que de son
aspect politique et administratif, est caractérisé par l’unité de son principe. En revanche,
on connaît la distinction fondamentale qui s’était établie au cours des siècles entre les
(5) C’est un dahir chérifien du 22 novembre 1892 qui créa un service public de Rakkas entre les villes du littoral et
les villes de l’intérieur. Le 14 janvier 1908 le Makhzen rachetait par contrat l’entreprise de télégraphie sans fil à Henri
Popp qui l’avait créée quelques années auparavant ; le service était exploité en régie directe mais le Makhzen en confia
la direction à son ancien propriétaire Henri Popp dont une rue porta longtemps le nom ; il s’agit aujourd’hui de la rue
Moulay Ismaïl à Rabat.
(6) Contra cf. l’Administration locale au Maroc, Saïd Ben Bachir, Imprimerie Royale, Casablanca, 1969, p. 13, 30
et suiv. ; Amina Aouchar, « La région historique dans l’histoire du Maroc », revue Maroc-Europe, n° 4, 1993, p. 33,
éd. la Porte.
(7) Ayache (G.), la Fonction d’arbitrage du Makhzen, B.E.S.M., 1979, n° 138-139, p. 5 et suiv.
49
Droit administratif marocain
régions qui reconnaissaient l’autorité temporelle du Sultan (bled makhzen) et celles qui
ne l’acceptaient pas (bled siba). La frontière qui les séparait n’était en rien immuable et
dépendait en dernière analyse des rapports de force qui s’établissaient entre les tribus et
le Makhzen, ou encore de l’habileté diplomatique de ce dernier. Malgré tout, le prestige,
l’habileté ou la puissance du Sultan ne sont jamais parvenus à faire disparaître la volonté
d’autonomie de toute une partie de la population.
1. En pays makhzen le pouvoir central est représenté par des agents chargés de faire
appliquer ses décisions dans des circonscriptions qui n’étaient pas fixes ; « La notion de
circonscription territoriale a été assez largement étrangère au Makhzen qui se préoccupait
surtout du commandement des hommes… les notions de wilaya, de Amal, étaient par
ailleurs fluctuantes (8). » Quoi qu’il en soit, dans certaines grandes régions ce sont des
khalifas qui représentent le sultan et qui sont souvent choisis parmi les membres de sa
famille. Nommés par le Sultan ils bénéficient d’une délégation de son autorité ; dans les
villes, ce sont des gouverneurs ou des pachas, assistés par des mohtassib ; en zone rurale
des caïds assistés par des chioukhs et des moqqadmine.
Théoriquement en raison de leur mode de recrutement (nomination) et par la
source de leur pouvoir (délégation), ces agents étaient étroitement soumis à l’autorité
du pouvoir central dont ils étaient les fidèles dépositaires. Mais un certain nombre de
facteurs troublaient l’application de ce principe théorique. Le choix du Sultan n’était pas
toujours libre : le calcul politique ou la nécessité le conduisait souvent à nommer des
notables disposant déjà d’une solide influence que la nomination du Sultan ne créait pas
mais consacrait seulement. Souvent les détenteurs des fonctions administratives avaient
tendance à se comporter en propriétaires de leur charge ; ce mouvement leur était d’autant
plus naturel que leur nomination était liée à l’influence qu’ils exerçaient, et que souvent ils
avaient dû consentir quelques contributions financières pour l’obtenir et qu’ils pourraient
éventuellement récupérer sur leurs contribules ! Ainsi s’installaient dans l’administration
locale des éléments de vénalité et d’hérédité qui contribuaient à distendre les liens de
subordination qui auraient dû normalement résulter du statut juridique qui était celui des
agents locaux du Makhzen (9). L’étendue du territoire, la difficulté des communications
accroissant l’éloignement physique du pouvoir central favorisaient enfin la tendance
naturelle qu’avaient ces représentants à s’affranchir de son autorité. Cette tendance au
relâchement des liens hiérarchiques existait à l’état endémique ; disparaissant sous l’action
de souverains puissants, elle réapparaissait dès que, pour quelque raison que ce soit,
l’autorité du Makhzen paraissait s’affaiblir et pouvait aller parfois jusqu’à de véritables
(8) Amina Aouchar, « La région historique dans l’histoire du Maroc », op. cit.
(9) Ahmed Arrif : Compétition caïdale et procès d’intégration d’un canton montagnard, l’Unyan, AAN, 1983, p. 347.
L’auteur illustre le rôle que joue le relais caïdalî qui bénéficie du capital symbolique de légitimité que lui procure la
nomination par dahir obtenue souvent, il est vrai, de façon onéreuse ! (p. 354-355).
50
L’organisation administrative
révoltes, ou aboutir à la constitution de fiefs au profit des grands caïds ; le Sultan devait
alors les réduire par la diplomatie ou par la force.
Cette situation était d’autant plus regrettable que les autorités locales avaient en plus
de leurs attributions administratives des attributions juridictionnelles qui leur étaient
également déléguées par le Sultan : ils rendaient la justice pénale et dans certains cas
commerciale, sans que le pouvoir central puisse toujours exercer sur eux un contrôle
efficace. Le justiciable ne disposait que d’un recours gracieux auprès du Sultan par
l’intermédiaire du vizir des réclamations. Mais le résultat de ce recours était aléatoire dans
la mesure même du relâchement des liens de subordination des agents locaux au pouvoir
central (10).
2. En pays siba, la situation est toute autre ; le Sultan n’est reconnu que comme
autorité spirituelle. Les groupements ethniques (fédération de tribus, tribus, fractions,
douars) s’administrent eux-mêmes, conformément à des traditions fort anciennes, par
l’intermédiaire d’institutions de type oligarchique, les djemaâs. La djemaâ assemblée
de notables cooptés, est la manifestation institutionnelle de la volonté d’autonomie des
tribus ; elle a une compétence générale pour tous les problèmes intéressant la collectivité.
Elle administre celle-ci en s’adjoignant une sorte d’agent d’exécution (amghar) désigné
annuellement, et dont les pouvoirs peuvent varier selon l’importance de la délégation
que lui consent la djemaâ et aussi selon son autorité personnelle (11). L’autonomie de
ces tribus est donc totale ; elles n’acquittent aucune contribution fiscale au Makhzen,
elles ne lui fournissent en principe aucune aide militaire ; le Makhzen n’a donc sur elles
aucune action permanente et institutionnelle mis à part le cas où le Sultan juge opportun
d’investir l’un de leurs notables de fonctions caïdales ; mais il faut bien constater que le
représentant du Makhzen est d’abord un représentant de la collectivité ; l’autonomie qui
préside à l’organisation de la vie sociale de ces collectivités ne peut pas être assimilée à
la décentralisation ; en effet cette autonomie est un fait qui s’impose au Makhzen ; dans la
mesure où les circonstances le permettent le Makhzen tente d’en atténuer les conséquences
sur l’étendue de son propre pouvoir ; c’est dans cette perspective que doit être comprise la
nomination des notables comme caïds. La décentralisation en revanche, même lorsqu’elle
prend appui sur le fait de l’autonomie, est avant tout la reconnaissance par l’Etat de
l’existence juridique des collectivités auxquelles est accordée une autonomie organique et
fonctionnelle qui traduit la volonté de l’Etat de limiter l’étendue de son pouvoir.
(10) En matière civile et immobilière, les litiges relevaient de la compétence des cadis nommés eux aussi par le Sultan ;
mais ceux-ci n’étaient pas intégrés dans une hiérarchie juridictionnelle qui aurait permis d’en appeler de leurs décisions
à une autorité supérieure ; le seul recours était constitué par la possibilité d’en appeler au Sultan.
Cf. Azziman (O.), « Les Institutions judiciaires et la bibliographie », in la Grande Encyclopédie du Maroc, tome 1 :
les Institutions, p. 151, 1986.
(11) Rousset (M.), « La place de la coutume dans l’ordre juridique marocain », R.J.P.I.C., n° 3, 2001, p. 276.
51
Droit administratif marocain
A. L’administration centrale (12)
S’il est vrai que l’établissement du Protectorat impliquait un partage dans l’exercice
de la souveraineté, il reste que le principe de celle-ci résidait toujours dans la personne
du Sultan. Ses pouvoirs ont d’ailleurs connu une extension au-delà de ce que le droit
public traditionnel lui accordait jusqu’alors ; aux pouvoirs exécutif et judiciaire qu’il
détenait, s’ajoute désormais le pouvoir législatif qui était exercé traditionnellement par
(12) Malgré le rôle essentiel qu’elles ont été amenées à jouer au-delà d’ailleurs de ce que permettait le principe du
Protectorat, nous ne décrirons pas les institutions purement françaises, ni les autorités de contrôle qui doublaient
les autorités chérifiennes. Ces institutions parfaitement décrites dans les ouvrages cités plus haut, n’ont, à quelques
exceptions près que nous mentionnerons chemin faisant, laissé aucune trace dans les structures administratives actuelles.
Pour une approche concrète de ce qu’étaient les tâches des autorités de contrôle on pourra consulter : Roger Grunier : Du
Maroc traditionnel au Maroc moderne : le contrôle civil au Maroc 1912-1956, Nouvelles Editions Latines, Paris,1984.
52
L’organisation administrative
(13) Cf. « Le Souverain du Maroc législateur », P. Decroux, in Revue de l’Occident musulman et de la Méditerranée,
1967, p. 31.
53
Droit administratif marocain
B. L’administration territoriale
Celle-ci reste dominée pendant toute la période du Protectorat par le principe de
centralisation dont on a dit qu’il correspondait aux traditions cumulées de l’administration
makhzen et de l’administration d’inspiration française, ainsi qu’aux réalités administratives
et humaines. L’ampleur des réformes amorcées par le Protectorat n’incitait pas le pouvoir
central à abandonner une partie de ses prérogatives, tandis que le faible niveau d’évolution
de la population, dont la très grande majorité était rurale, n’était pas un facteur favorable
à une expérience de décentralisation qui, si elle avait été tentée, serait sans aucun doute
restée purement formelle mis à part dans les grands centres urbains. En revanche, le
mouvement de déconcentration amorcé au profit des autorités régionales dans le cadre de
circonscriptions nouvelles devait connaître un large essor au point de poser le problème de
la transformation des circonscriptions de déconcentration que constituaient les régions en
collectivités territoriales décentralisées (14).
1. L’administration régionale
La création des régions est une innovation dans la mesure où l’administration
traditionnelle ne connaissait pas, sauf de façon partielle et épisodique, de divisions
régionales. La mise en place des structures régionales à partir de 1912 a été motivée à
l’origine par des considérations purement militaires. Mais rapidement, à cette justification
initiale, s’est ajoutée la nécessité de constituer un échelon intermédiaire de contrôle puis
d’administration entre le pouvoir central et les cellules administratives de base ; l’étendue
(14) L’Organisation régionale du Maroc, F. Bremard, L.G.D.J., 1949. Cet ouvrage a été réédité en offset en 2010 par
Mohamed Beriane, professeur à la Faculté des lettres de Rabat, qui explique en 4e de couverture que ce livre présente
un intérêt actuel pour tous ceux qui s’intéressent à la régionalisation et à l’aménagement du territoire.
M. Rousset : « Les trois âges de la régionalisation », Revue marocaine de science politique et sociale, n° 2, vol. III,
2011, p.105.
54
L’organisation administrative
du territoire qui commandait cette déconcentration explique que cet échelon administratif
nouveau se soit parfaitement acclimaté.
Les régions ont d’abord été entièrement constituées autour des autorités militaires ; puis
certaines d’entre elles sont devenues le siège d’autorités civiles.
A la tête de la région, le chef de région est une autorité purement française nommée
par le Résident général qu’il représente. Il est chargé avec l’aide des services régionaux du
maintien de l’ordre public. Investi d’une large mission d’information du pouvoir central,
il assure la coordination de l’action des services extérieurs des administrations techniques
et la surveillance des agents français de contrôle placés auprès des autorités locales
marocaines, contrôleurs civils ou officiers des affaires indigènes (15).
Au fur et à mesure que se développe l’action économique et sociale de l’Etat, le chef
de région voit s’accroître l’importance de ses attributions et c’est sans aucun doute cette
évolution qui a donné à la justification de l’existence de la circonscription régionale la
force d’une évidence dont la création d’un budget spécial, permettant l’individualisation
des voies et moyens de l’administration régionale, est la manifestation financière.
La région n’a cependant pas été érigée en collectivité autonome parce que,
malgré sa solide implantation dans le monde administratif, malgré le fait qu’elle était
approximativement constituée sur la base de réalités géographiques et sociologiques
acceptables pour l’époque, il était évident qu’elle ne pouvait pas apparaître comme
une véritable collectivité ressentie comme telle par la population. Toutefois la création
de conseils régionaux composés de membres initialement nommés (fonctionnaires et
notables) puis élus, était, bien que leur compétence fût demeurée consultative, un facteur
de nature à favoriser la prise de conscience de l’existence de la réalité régionale.
En définitive, tout en ne constituant pas un cadre de décentralisation, la région a
connu un tel développement que l’on a pu s’interroger sur l’opportunité de l’orienter vers
l’autonomie administrative.
2. L’administration locale
L’action entreprise en ce domaine s’est inspirée, pourrait-on dire, de la méthode des cas.
Cette méthode s’imposait en effet notamment dans le monde rural du fait que les
collectivités étaient régies dans leur vie quotidienne par des coutumes immémoriales dont
il subsiste d’ailleurs de nombreuses traces dans le droit positif actuel (16).
(15) Grunier (R.), Du Maroc traditionnel au Maroc moderne, le contrôle civil au Maroc, 1912-1956, NED, Paris, 1984.
(16) Cf. M. Rousset, « La place de la coutume dans l’ordre juridique marocain », RJPIC, n° 3, 2001, p. 276, et aussi Place
de la coutume dans l’ordre juridique haïtien : bilan et perspectives à la lumière du droit comparé, PUG, 2002, p. 159.
55
Droit administratif marocain
(17) Nous pensons que le problème de l’administration locale envisagé sous un angle purement administratif, comme
c’est le cas ici, a été obscurci par ses interférences avec le problème politique posé plus tard par les vicissitudes de
l’évolution du Protectorat. Ceci nous paraît expliquer le point de vue parfois soutenu selon lequel il aurait été possible
de doter les collectivités locales dès 1912 d’un régime juridique uniforme et libéral conforme à la notion moderne
de décentralisation, ce qui était parfaitement irréaliste en 1962. On trouve quelques traces de cette façon d’aborder
le problème dans M. Brahimi : la Commune marocaine : un siècle d’histoire de la veille du Protectorat à 2009,
REMALD, coll. Thèmes Actuels, 2 vol., n° 60, 2010.
56
L’organisation administrative
qu’elles avaient pendant longtemps été nommées et consultatives, ils sont pratiquement
demeurés étroitement contrôlés pas le pouvoir central.
Il convient de préciser que le milieu sociologique et le niveau tant économique que
culturel ne permettait pas que l’on confiât immédiatement aux intéressés la gestion
administrative d’affaires qui croissaient en nombre et en complexité.
L’administration des villes offrait en revanche un terrain plus favorable à une expérience
de décentralisation en raison d’un long passé municipal et de ce fait de la présence
d’élites beaucoup plus nombreuses, d’intérêts locaux plus importants et plus diversifiés,
enfin de ressources financières appréciables (18). L’érection d’une agglomération en
municipalité entraînait l’attribution de la personnalité morale et par voie de conséquence
l’autonomie administrative et financière ; la représentation de la collectivité se faisait par
l’intermédiaire d’une commission municipale qui devait demeurer longtemps nommée et
consultative ; lorsque plus tard elle fut rendue élective et délibérante ce devait être sous
la garantie d’un strict régime de tutelle comportant approbation préalable de toutes les
décisions importantes.
Le pouvoir central est évidemment là encore représenté par des agents nommés qui
sont également agents exécutifs de la municipalité : le pacha et le chef des services
municipaux. Ils veillent au maintien de l’ordre et à l’exécution des lois, ils gèrent les
affaires municipales grâce aux services techniques créés ou modernisés de façon à faire
face à l’ensemble des besoins propres aux concentrations urbaines.
L’établissement d’un budget autonome alimenté par des ressources propres permet aux
municipalités de subvenir à l’essentiel de leurs besoins.
Si l’on ne tient pas compte des régimes spéciaux applicables à la ville de Fès et celle
de Casablanca, le régime municipal de droit commun apparaît construit à partir de l’idée
de décentralisation envisagée comme but ; mais sur le chemin qui mène à cette autonomie
de gestion, il reste de sérieux obstacles à surmonter tant du point de vue de l’autonomie
organique que du point de vue de l’autonomie fonctionnelle.
On peut résumer la situation de l’administration territoriale à la veille de l’indépendance
en disant que sa caractéristique la plus importante est d’avoir posé le problème de la
nécessité d’une plus large autonomie administrative dont l’infrastructure juridique et
matérielle était créée et déjà solidement implantée. Mais il restait encore beaucoup à
faire pour desserrer un contrôle de tutelle très strict et faire une plus large place à la
(18) Casinière (H. de la), les Municipalités marocaines, Casablanca, 1924, 494 p. ; Decroux (P.), la Vie municipale au
Maroc, Bosc, Lyon, 1932, 380 p. Peut-être est-ce ici le lieu qui convient pour rendre hommage à Paul Decroux qui,
pendant plus d’un demi-siècle, s’est consacré à l’étude et à l’enseignement du droit marocain.
57
Droit administratif marocain
(19) Les créations les plus caractéristiques ont été, en 1920, celle de l’Office des phosphates, monopole d’Etat, ou
encore celle du Bureau de recherches et de participations minières, en 1928.
58
L’organisation administrative
Tels sont, tracés à grands traits, les caractères essentiels des institutions administratives
aux principales étapes de leur période formative.
Aux transformations radicales des premières années du protectorat ont succédé
des années au cours desquelles l’administration nouvelle allait connaître une période
d’acclimatation et d’enracinement qui était particulièrement indispensable.
Si les réformateurs avaient en effet fréquemment cherché à tenir le plus grand compte
des réalités locales, recherches qui avaient souvent abouti à des créations originales, il
demeurait incontestable que les institutions par leur nouveauté tout d’abord, ensuite par
leurs sources d’inspiration qui résidaient dans des systèmes juridiques étrangers, par le
fait enfin qu’elles étaient largement animées par des corps d’agents étrangers, étaient en
quelque sorte extérieures au Maroc.
Le fonctionnement régulier de cette administration, la multiplication des contacts avec
les administrés qu’elle était appelée à régir, la pénétration progressive dans ses rouages
de personnel national, enfin l’effet inéluctable du temps, tout cela devait permettre qu’elle
soit reçue et d’une certaine manière assimilée par le pays d’accueil.
On peut estimer, à quelques exceptions près, que ce résultat était à peu près acquis à
la veille de l’indépendance. Si de nombreuses réformes s’avéraient nécessaires (20), leur
but n’était pas de remettre en cause les principes généraux qui étaient au fondement de
l’organisation administrative, mais plutôt d’en développer toutes les virtualités qui, pour
des raisons étrangères à la technique administrative, n’en avaient pas jusqu’alors été
déduites. Avec l’indépendance s’ouvre donc une nouvelle ère de transformation qui va
donner à l’administration marocaine sa physionomie actuelle ; c’est celle-ci que nous nous
attacherons désormais à décrire en analysant le pouvoir central (chap. l), l’administration
territoriale (chap. II), et les administrations autonomes (chap. III) (21).
(20) Laubadère (A. de), les Réformes des pouvoirs publics au Maroc, L.G.D.J., Paris, 1949, p. 99.
(21) Rousset (M.), « Réflexions sur quelques aspects du système administratif au Maroc », Revue juridique, politique
et économique du Maroc, n° l, 1976, p. 107 et suiv. ; l’Administration marocaine : du modèle administratif français
à l’administration nationale, Mélanges en l’honneur de G. Peiser, Presses universitaires de Grenoble, 1995, p. 405.
59
Chapitre premier
Le pouvoir central (1)
(1) Cf. Sehimi (M.), les Institutions politiques marocaines, Publisud éd., Paris, 1991 ; la Grande Encyclopédie du
Maroc, tome l : les Institutions, 1986.
Rousset (M.) : « La Constitution de 2011 : Constitution et administration », in La Constitution de 2011, Eclairages
croisés sur le nouveau constitutionnalisme marocain, Association Marocaine de Droit Constitutionnel et Fondation
Hanns Seidel, 2014, p. 59.
El Messaoudi (A.) : « Le nouveau statut du gouvernement dans la Constitution marocaine de 201 », REMALD, n° 120,
2015, p. 29.
(2) Cf. Dupont (J.), Constitution et consultations populaires au Maroc, A.A.N., C.N.R.S., 1970, p. 163 et suiv. ; voir
l’article exhaustif de Camau (M.) : « L’évolution du droit constitutionnel au Maroc depuis l’indépendance, 1955-1971 »,
in Jahrbuch des Offentlichen rechts der gegenwrt, JCB. Mohr (Paul Siebeck) Tubingen, 1973, p. 105.
La Constitution de 2011 : Analyses et commentaires, CEI (dir.) : LGDJ, Paris, 2012.
(3) Guibal (M.), « Essai d’identification des règles constitutionnelles marocaines », R.J.P.I.C., 1977, p. 1183 ; « La
suprématie constitutionnelle au Maroc », R.J.P.I.C., 1978, p. 885.
Droit administratif marocain
Section I
L’évolution du partage constitutionnel
du pouvoir exécutif : 1962-1996
(4) Eléments de droit public marocain, A. Boudahrain, l’Harmattan, 1994 ; Révision de la constitution marocaine,
D. Basri, M. Rousset, G. Vedel (dir.) Imprimerie Royale, 1992.
(5) (5) Cf. M. Rousset, « De Gaulle et Hassan II et le pouvoir d’Etat », in De Gaulle et le Maroc, Publisud, Sochepress,
1990, p. 88.
« Le Maroc de Hassan II : une monarchie constitutionnelle », in Hommage à Hassan II : regard sur la modernisation
de l’Etat, Presses universitaires de Grenoble, 2001, p. 11.
62
Le pouvoir central
63
Droit administratif marocain
(6) Rousset (M.), « Le pouvoir réglementaire au Maroc : dix années d’évolution », R.J.P.I.C., n° 3, 1972, p. 333.
(7) Sur l’état d’exception, Palazzoli (C.), « L’Etat d’exception au Maroc », in Scritti in onore di Gaspar Ambrosini,
Giuffre Editore, vol. 2, p. 1461.
64
Le pouvoir central
Lorsque le Roi exerce lui-même les attributions de chef du gouvernement, les décrets
royaux ne reçoivent plus le contreseing du Premier ministre.
En ce qui concerne la terminologie, de nouvelles appellations font leur apparition à
partir du 1er janvier 1969 ; on assiste à un retour de l’expression dahir pour désigner les
actes du Roi pris en matière législative ainsi que ceux qu’il prend au titre des compétences
propres que la Constitution lui reconnaît ; mais le terme de décret réapparaît pour désigner
les décisions qu’il est appelé à prendre dans l’exercice des pouvoirs du Premier ministre.
Depuis les révisions constitutionnelles de 1992 et 1996 il est prévu que « la
proclamation de l’Etat d’exception n’entraîne pas la dissolution du parlement ». En outre
l’article 59 de la constitution de 2011 précise que « les libertés et les droits fondamentaux
prévus par la présente constitution demeurent garantis ».
65
Droit administratif marocain
faites, la plus importante étant constituée par le dahir du 28 avril 1971 (B.O. 1971, p. 499)
au profit du Premier ministre.
Mais c’est le dahir du 17 août 1971 (B.O. 1971, p. 952) qui entraîne une orientation
nouvelle en notre domaine, puisque d’une part il porte délégation générale du pouvoir
réglementaire au profit du Premier ministre ; et que d’autre part son exposé des motifs
explique que le Premier ministre possédait le pouvoir réglementaire d’exécution des
lois, le Roi n’ayant à déléguer que le pouvoir réglementaire autonome. Par ailleurs,
la délégation partielle du pouvoir réglementaire du 28 avril 1971 était expressément
maintenue en vigueur, ce qui ne semblait nullement s’imposer en raison du caractère
général de la délégation de pouvoir du 17 août.
Il résultait de ces textes, et de la pratique, une complexité extrême de l’exercice du
pouvoir réglementaire, et, ainsi qu’on le verra, du régime juridique applicable aux actes
qui en ont été l’aboutissement (8).
(8) Sur tous ces points, voir notre article « Le pouvoir réglementaire au Maroc : dix années d’évolution », op. cit.
loc. cit.
66
Le pouvoir central
67
Droit administratif marocain
Section II
Le partage du pouvoir exécutif dans
la Constitution du 7 octobre 1996
§1. Le Roi
Il ne saurait étonner que le Roi, chef de la communauté « Amir Al Mouminine,
représentant suprême de la Nation… garant de la pérennité de l’Etat… » (Art. 19),
conserve, conformément à la tradition nationale, des attributions essentielles pour le
fonctionnement des pouvoirs publics ; c’est d’ailleurs à cette “tradition nationale” que se
réfère Sa Majesté Mohammed VI dans le dahir du 5 août 1999 par lequel il confirme le
gouvernement dans ses fonctions (B.O. 1999, p. 565) (9).
On examinera ses prérogatives vis-à-vis du pouvoir exécutif et les diverses attributions
qu’il exerce en matière administrative, avant de préciser la nature juridique des décisions
qu’il prend à ce titre.
Toutefois avant d’aller plus loin il convient d’indiquer que dans l’exercice de ses
fonctions le Roi s’appuie sur un organisme d’étude et de conseil, le Cabinet Royal.
Si le poste de directeur général du Cabinet Royal a été supprimé lors de la nomination
du gouvernement du 10 octobre 1977, des postes de conseillers ont été créés et ont été
notamment occupés par des collaborateurs de grande valeur tels Ahmed Reda Guedira ou
Driss Slaoui.
(9) Menouni (A.), « Le recours à l’article 19 : une nouvelle lecture de la Constitution », R.J.P.E.M., n° 15, 1984, p. 25.
68
Le pouvoir central
Le Cabinet Royal par sa capacité de conseil et d’étude, permet au Roi de faire face
à l’exercice de ses attributions mais n’interfère pas, comme ce fut parfois le cas dans le
passé, avant 1971, avec l’exercice des attributions du gouvernement.
Il faut en outre mentionner la création par dahir d’un certain nombre d’organismes qui
sont placés sous la “protection tutélaire” du Souverain pour lui permettre d’exercer les
attributions que la Constitution lui confère en ce qui concerne la protection et la défense
des droits et libertés des citoyens, groupes sociaux et collectivités (article 19) ; il s’agit
du Conseil consultatif des droits de l’Homme réorganisé par le dahir du 10 avril 2001
(B.O. 2001, p. 762) ainsi que du Wali Al Madhalim (dahir du 9 décembre 2001, B.O. 2002,
p. 3) (10), sorte de médiateur redresseur des torts administratifs. Précédant la libéralisation
du secteur de l’audiovisuel annoncée par les autorités, une Haute autorité de la
communication audiovisuelle a vu le jour (Dahir du 31 août 2002, B.O., 2002, p. 929) qui
se compose d’un Conseil supérieur de la communication audiovisuelle et d’un organisme
administratif, la Direction générale de la communication audiovisuelle.
Cet organisme est chargé d’assurer en toute impartialité l’exercice du droit à
l’information à travers l’ensemble des médias (presse, radio, télévision) dans le respect du
pluralisme et des valeurs civilisationnelles de la société marocaine et des lois du Royaume
(exposé des motifs du dahir).
(10) M. Rousset, « La Protection des droits de l’Homme au Maroc : de nouveaux progrès », RJPIC, n° 2, 2002, p. 165.
69
Droit administratif marocain
la démission du gouvernement (art. 24). Ce même article prévoit par ailleurs que le Roi
peut mettre fin aux fonctions ministérielles sur la base d’un pouvoir propre qui échappe au
contre seing du Premier ministre (art. 24-3°).
L’article 29 revêt une importance toute particulière dans notre domaine dans la mesure
où il dispose que le Roi exerce par dahir les pouvoirs qui lui sont expressément réservés
par la constitution ; ces dahirs sont contresignés par le Premier ministre à l’exception d’un
certain nombre d’entre eux qui sont formellement exclus du champ d’application du contre
seing (art. 29-2°).
Le Roi est le chef suprême des Forces armées royales (art. 30-1°) ; il nomme aux
emplois civils et militaires (art. 30-2°), mais il peut déléguer ce droit.
Le Roi utilise traditionnellement cette faculté de délégation à l’exception des agents qui
occupent des emplois supérieurs et de certains agents dont des textes particuliers réservent
expressément la nomination au Roi ; cette délégation est faite au Premier ministre et aux
chefs d’administration et de service qui peuvent ainsi nommer et gérer la carrière de ces
agents.
Cette délégation résultait d’un dahir du 18 juillet 1972 (B.O. 1972, p. 1074) puis du
dahir du 29 septembre 1999 (B.O. 1999, p. 856).
La nomination des magistrats sur proposition du Conseil supérieur de la magistrature
lui est réservée ; mais la nomination des magistrats échappe évidemment au contreseing
du Premier ministre (art. 84) en vertu du principe d’indépendance de l’autorité judiciaire à
l’égard du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif (art. 82).
Le Roi préside divers conseils : outre le conseil supérieur de la magistrature, il préside
le conseil supérieur de l’enseignement et le conseil supérieur de la promotion nationale et
du plan (art. 32).
En vertu de l’article 35 de la constitution il exerce des pouvoirs de crise qui lui
permettent de prendre toutes mesures nécessaires au rétablissement de l’intégrité
territoriale, au retour du fonctionnement des institutions constitutionnelles ainsi qu’à la
conduite des affaires de l’Etat. Depuis 1992 l’article 35-2° précise que l’état d’exception
n’entraîne pas la dissolution du Parlement.
On a vu que l’article 29 précise de façon parfaitement claire que « le Roi exerce par
dahir les pouvoirs qui lui sont expressément réservés par la constitution ».
A ce titre il peut exercer le pouvoir réglementaire en période de crise ; en revanche il
n’y a plus dans la constitution, de dispositions équivalentes à l’ancien article 102 de la
constitution de 1972 qui permettait au Roi d’exercer le pouvoir réglementaire en attendant
la mise en place des institutions constitutionnelles ; cette absence ne présente d’ailleurs
70
Le pouvoir central
71
Droit administratif marocain
de la suppression de ce ministère en 1972 (dahir du 19 août 1972, B.O. 1972, p. 1149). Ces
attributions font d’ailleurs l’objet d’une délégation de pouvoir au Premier ministre pour ce
qui concerne l’administration de la défense nationale ; cette délégation a été renouvelée par
un dahir du 7 novembre 2002 au Premier ministre Driss Jettou (B.O. 2003, p. 79).
Au lendemain de la mise en application de la constitution de 1972 on a pu constater
une pratique particulièrement fluctuante du recours au dahir pour modifier des textes pris
antérieurement sous forme de décret royal ou de dahir. Leur modification par dahir pouvait
s’expliquer de diverses manières.
Dans une première série de cas, le principe du parallélisme des formes et des
compétences permet de rendre compte du recours au dahir.
C’est ainsi que l’on peut citer un dahir du 19 juin 1976 (B.O. 1976, p. 149) qui
abrogeait le dahir du 21 mars 1972 relatif à l’attribution d’une prime de responsabilité à
certains hauts fonctionnaires, tandis qu’un décret du même jour posait les nouvelles règles
applicables à la matière (dahir 19-1-1976, B.O. 1976, p. 149). On peut d’ailleurs relever
un autre exemple avec le dahir du 16 janvier 1962 déterminant les jours fériés qui a été
abrogé par un dahir du 16 février 1977 (B.O. 1977, p. 285) et remplacé par un décret
du même jour fixant la nouvelle liste des jours fériés. Par rapport à cette pratique que
l’on peut comprendre, l’abrogation du dahir du 21 août 1961 relatif à l’organisation du
ministère de la Justice par un dahir portant loi du 14 avril 1976 (B.O. 1976, p. 528) est tout
à fait aberrante car l’organisation interne des administrations relève toujours du pouvoir
réglementaire ; et c’est bien ce que confirme le fait que la nouvelle organisation a été posée
le même jour par décret !
En revanche une deuxième série de cas repose sur une conception extensive de
la compétence royale telle qu’elle est définie par la constitution. On peut y voir une
application de la théorie des pouvoirs implicite à la condition toutefois de méconnaître le
sens clair et précis de l’article 29 de ce texte qui dispose : « Le Roi exerce par dahir les
pouvoirs qui lui sont expressément réservés par la constitution ». Ce qui est implicite est
en effet tout le contraire de ce qui est expresse ! (11).
Quoi qu’il en soit c’est ainsi que l’autorité compétente pour nommer les administrateurs
du ministère de l’Intérieur a été considérée comme également compétente pour déterminer
les conditions dans lesquelles ces nominations pouvaient être effectuées : tel semble être le
fondement du dahir du 16 février 1977 (B.O. 1977, p. 361) posant les règles de nomination
des administrateurs du ministère de l’Intérieur.
(11) Cf. Rousset (M.), « Un phénix juridique au Maroc : le pouvoir réglementaire royal », in RJIC, n° 3, 1983, p. 636 et s.
72
Le pouvoir central
C’est une « logique » identique qui permet de rendre compte de deux dahirs du
17 décembre 1980 (B.O. 1981, p. 45) qui portent création des postes diplomatiques et
consulaires en visant l’article 31 de la constitution ; or cet article confie seulement au Roi
la compétence nécessaire pour accréditer les ambassadeurs du Royaume.
Cette explication a finalement été officialisée par la Chambre constitutionnelle de la
Cour suprême qui était compétente à l’époque dans une décision n° 41 du 17 octobre 1980
(B.O. 1980, p. 833). La Haute juridiction avait à se prononcer sur la nature législative
ou réglementaire de certaines dispositions du statut particulier des administrateurs du
ministère de l’Intérieur ; elle affirma que la réglementation du pouvoir disciplinaire
appartient à l’autorité qui dispose du pouvoir de nomination, en l’espèce au Roi et ne
rentre donc ni dans le domaine législatif, ni dans le domaine réglementaire mais dans le
domaine royal.
Ce faisant le juge constitutionnel confond pouvoir de réglementation et exercice du
pouvoir disciplinaire ; il méconnaît aussi la différence, ainsi qu’on l’a vu plus haut, entre
ce qui est expressément formulé et donc explicite et ce qui n’est qu’implicite ! Quoi
qu’il en soit cette méthode d’interprétation de l’article 29-1° al. de la constitution paraît
officialisée ; c’est en effet par dahir qu’a été définie l’organisation du Conseil supérieur du
plan et de la promotion nationale alors que le dahir du 30 décembre 1999 (B.O. 2000, p. 6)
relatif à ce conseil vise l’article 32 de la constitution qui se borne à confier au Roi la seule
présidence de cet organisme.
On signalera enfin un dernier cas qui semble relever d’une survivance d’un texte ancien,
le dahir du 4 mai 1925 relatif au notariat, dont l’article 6 prévoit que les notaires sont
nommés par dahir (pour une application de ce texte voir le dahir du 29 avril 1998, B.O.
1998, p. 284). Naturellement, depuis l’indépendance, le pouvoir législatif et le pouvoir
réglementaire ont été parfois exercés dans des conditions extrêmement variables, le
domaine de la loi et celui du règlement n’étant pas parfaitement délimités ; de nombreuses
décisions ont ainsi été prises sans que la nature de leur objet ait été déterminée avec
précision. La Chambre constitutionnelle de la Cour suprême et, depuis 1992, le Conseil
constitutionnel régulièrement saisis par le Premier ministre, ont élaboré progressivement
des solutions qui sont en concordance avec les dispositions constitutionnelles relatives à la
répartition des compétences entre les différentes autorités et à la distinction matérielle du
domaine de la loi et celui du règlement.
73
Droit administratif marocain
plus délimitées qu’en 1970, sont exercées par dahir dont le contenu est matériellement
administratif. La question, déjà posée en 1962, de savoir si l’on pouvait estimer que le Roi
agit en tant qu’autorité administrative lorsqu’il prend de telles décisions, a, depuis lors, été
tranchée négativement par la Cour suprême ; l’intérêt théorique et pratique des problèmes
qu’elle soulève nous semble mériter qu’on reprenne l’exposé de ses données (12).
La reconnaissance au Roi de la qualité d’autorité administrative lorsqu’il prend des
décisions de nature administrative, pouvait se fonder sur le raisonnement suivant : le Roi
n’est pas qualifié d’autorité administrative par le texte constitutionnel ; mais ce dernier
n’attribue pas davantage une telle qualité au Premier ministre dont il ne viendrait à l’idée
de personne de contester qu’il en fût une. De plus, les attributions du Roi, trouvant leur
fondement dans la Constitution, doivent être soumises au principe de légalité énoncé
par l’article 4 de la Constitution ; rien ne s’oppose donc à ce que par l’application de la
technique du dédoublement fonctionnel, il soit permis de considérer le Roi comme une
autorité administrative chaque fois que les décisions qu’il prend sont matériellement
administratives. L’avantage de ce raisonnement était de pouvoir soumettre ces décisions
au régime général des actes administratifs.
En effet, on pouvait estimer souhaitable qu’aucune distorsion ne vienne séparer deux
catégories d’actes administratifs distingués selon leur auteur ; l’intérêt de cette analyse
était particulièrement grand s’agissant des recours juridictionnels qui auraient pu être
dirigés contre tous les actes matériellement administratifs, tant dans le contentieux de
l’annulation que dans celui de la pleine juridiction. Cette thèse a été infirmée par la Cour
suprême dans un arrêt (Sté. Propriété agricole Abdelaziz c/Président du Conseil et ministre
de l’Agriculture “C.S.A. 20 mars 1970, Revue juridique et politique, 1970, p. 541” (13)
rendu sur un recours en annulation pour excès de pouvoir dirigé contre un décret royal
portant approbation d’une opération de remembrement : « Attendu que Sa Majesté le
Roi exerce ses pouvoirs constitutionnels en qualité d’Imam des croyants conformément
à l’art. l9 de la Constitution et qu’à cet égard elle ne peut être considérée comme une
autorité administrative au sens de l’art. 1er du dahir du 27 septembre 1957.
« Attendu que la fonction judiciaire fait partie de l’ensemble des attributions qui
relèvent en premier lieu du Chef des croyants ; que le juge exerce ladite fonction par
(12) Rousset (M.), « Réflexions sur la compétence administrative du Roi dans la Constitution marocaine de 1962 »,
Revue juridique et politique, 1967, p. 525. « De l’indépendance du pouvoir judiciaire au contrôle de l’administration »,
même revue, 1970, p. 528. « Le pouvoir réglementaire au Maroc », op. cit., loc. cit. Droit administratif marocain,
1re édition, 1970, p. 38-39. L’interprétation des pouvoirs du Roi dans la nouvelle Constitution, in La Constitution
marocaine de 2011, Analyses et commentaires (Centre d’études internationales (dir.) LGDJ, 2012, p. 47.
(13) La traduction en français de cette décision est due au regretté Abderrahmane Ben Abdenbi, conseiller à la Cour
suprême et ancien directeur de l’Ecole nationale d’administration publique, auquel nous tenons ici à rendre hommage ;
il a été assassiné le 10 juillet 1971 à Skhirat.
74
Le pouvoir central
simple délégation, que les jugements sont prononcés et exécutés au nom de Sa Majesté
conformément à l’art. 83 de la Constitution dans le cadre de la compétence définie par la
loi… ; que de ce qui précède il résulte que les décisions émanant de Sa Majesté ne peuvent
faire l’objet que d’un recours gracieux tant que la Constitution n’a pas expressément
attribué la connaissance du contentieux de pareilles décisions à une autre autorité. »
Dans le commentaire qu’il faisait de cet arrêt, le Premier président de la Cour suprême
devait d’ailleurs préciser “que l’immunité doit être reconnue aux dahirs chérifiens et à
toutes les décisions royales, qu’elles interviennent dans le domaine réglementaire ou
règlent des décisions individuelles (14)”.
Rendu sous l’empire de la Constitution de 1962, cet arrêt comportait une solution de
notre problème qui pouvait être transposée aux décisions royales prises sur la base de
la Constitution de 1996. Les graves inconvénients qu’elle comportait étaient d’ailleurs
beaucoup plus limités, puisqu’ainsi qu’on l’a vu, le Roi ne prend en période normale,
qu’un nombre limité de mesures individuelles, tandis que le pouvoir réglementaire est
totalement dévolu au Premier ministre et au gouvernement.
Il demeure cependant que les mesures individuelles de nature administrative prises
par le Roi en période normale (nominations échappant à la délégation de pouvoir de
l’art. 30 de la Constitution), les mesures réglementaires que le Roi pouvait désormais
prendre pour déterminer les conditions d’exercice de son pouvoir de nomination et
du pouvoir disciplinaire qui l’accompagne conformément à la décision de la Chambre
constitutionnelle de la Cour suprême n° 41 du 17 octobre 1980, les mesures intéressant
l’Administration de la défense nationale (actuellement déléguées au Premier ministre mais
qui pourraient être prises par le Roi en cas d’abrogation de la délégation), ainsi que les
mesures de nature administrative que le Roi aurait pu être appelé à édicter dans le cadre
de ses pouvoirs de crise (art. 35) échappaient au régime général des actes administratifs
et spécialement à leur régime contentieux : désormais ces décisions échappaient à toute
possibilité de contrôle juridictionnel, qu’il s’agisse du recours en annulation pour excès
de pouvoir, ou qu’il s’agisse du recours en indemnité ; de même, la décision de la Cour
suprême s’opposait à ce qu’au cours d’un procès quelconque le juge fasse porter son
contrôle sur ces décisions par la voie de l’exception d’illégalité, que celle-ci soit soulevée
en matière administrative selon la jurisprudence Borromet (C.S.A. 13/4/1961, R. p. 110)
relative à la responsabilité, ou selon la jurisprudence Embarek Ben Brahim (21/12/1961,
R. p. 15) relative à l’application individuelle d’une décision réglementaire définitive,
mais illégale ; cela valait même si l’exception d’illégalité était soulevée en matière civile
(14) Discours du Premier président de la Cour suprême, G.T.M. (nouvelle série), n° 10, 1971, p. 5.
75
Droit administratif marocain
et surtout en matière pénale (15) : désormais on pouvait penser que les décisions royales
suivaient le même régime contentieux que les actes de gouvernement (v. infra, 2e partie).
Toutefois nous verrons (infra) que les dispositions de la Constitution de 2011 induisent
aujourd’hui une autre manière d’aborder ce problème et sans doute aussi une autre
solution.
§2. Le gouvernement
Nommé par le Roi et responsable devant lui dans les conditions que nous avons
exposées plus haut, le gouvernement est investi par la constitution d’une mission générale
et permanente ; l’article 61 dans la rédaction qui remonte à la révision de 1992, dispose :
« Sous la responsabilité du Premier ministre, le Gouvernement assure l’exécution des lois
et dispose de l’administration ». Cette formule nouvelle a incontestablement pour but de
renforcer l’autorité du chef du gouvernement que constitue le Premier ministre.
On sait cependant, qu’il exerce ses fonctions sous la direction du Souverain qui, en tant
que président du Conseil des ministres, joue naturellement un rôle de premier plan. Ce rôle
est d’autant plus important que la constitution réserve depuis 1972 de façon expresse à la
connaissance du conseil des ministres, toute une série de questions qui concernent tant la
politique générale de l’Etat que les actes les plus importants en lesquels elle s’exprime et
qui sont énumérés par l’article 66.
Peut-on soutenir que la présidence royale du Conseil des ministres signifierait que le
Roi décide après consultation du conseil des ministres ?
Cette opinion, conforme sans doute à ce qu’est parfois, mais pas nécessairement de
façon permanente, la réalité des rapports politiques que la constitution organise entre
le Roi et le gouvernement, ne doit pas faire oublier que juridiquement, seul le Premier
ministre est habilité à signer un certain nombre de décisions qui relèvent expressément de
sa compétence, par exemple les décrets réglementaires, ou de celle du gouvernement, par
exemple les décrets-lois (16).
Le gouvernement est composé du Premier ministre qui occupe une place éminente à la
tête du gouvernement ce qu’illustre l’importance de ses attributions.
(15) Il est vrai qu’en matière pénale le domaine d’application de l’exception d’illégalité était à l’époque singulièrement
limité par la décision de la chambre pénale de la Cour suprême du 25/11/0965. Mais il n’en va plus de même
aujourd’hui du fait de l’article 44 de la loi du 12 juillet 1991 qui pose le principe de plénitude de compétence du
juge répressif pour apprécier la légalité de tous les actes administratifs invoqués devant lui à quelque titre que ce soit.
Voir infra 2e partie.
(16) A. Alaoui, « La démocratie hassanienne : le gouvernement », éditorial in le Matin du Sahara du 7/5/1977.
76
Le pouvoir central
A. Le Premier ministre
Le Premier ministre a succédé depuis 1962 au Président du Conseil qui était apparu
au lendemain de l’indépendance. Ce changement d’appellation peut s’expliquer par une
raison de forme et par une raison de fond. D’un point de vue formel, il est apparu naturel
d’abandonner l’appellation de “Président du Conseil” dès l’instant que la Constitution
donnait au Roi la présidence du Conseil des ministres. La raison de fond réside dans
la nature des fonctions du Premier ministre. Celui-ci est appelé à diriger l’action des
membres du gouvernement dans la mise en œuvre de la politique gouvernementale, ce qui
justifie à la fois son titre et la place particulière que lui réserve la Constitution au sein du
gouvernement et qui est parfaitement synthétisée par cette nouvelle appellation.
a. La direction du gouvernement
En tant que chef du gouvernement, le Premier ministre dispose d’un pouvoir
d’impulsion et de coordination de l’action des différentes autorités ministérielles ; placé
au-dessus des ministres, il n’a pas, en principe la charge d’un département ministériel, bien
que ce cumul ne soit cependant pas impossible : c’est ainsi qu’à deux reprises, avant 1962,
le Président du Conseil et à la fin des années quatre-vingt-dix le Premier ministre a assumé
la direction du ministère des Affaires étrangères. Mais normalement la charge du Premier
ministre est suffisamment lourde pour qu’il soit amené à s’y consacrer de façon exclusive.
La spécialisation des responsabilités des divers ministres implique, par ailleurs,
qu’une autorité, détachée des contingences propres aux divers secteurs de l’action
gouvernementale, soit en mesure d’imprimer une orientation commune à l’action des
différents départements ministériels ; la cohérence de l’action gouvernementale est à
ce prix ; c’est ainsi que, tout naturellement, le Premier ministre assure cette fonction
d’impulsion et de coordination grâce à laquelle l’unité de l’action gouvernementale
peut s’affirmer malgré la répartition des responsabilités. Il suffit pour se persuader de
77
Droit administratif marocain
78
Le pouvoir central
La pouvoir réglementaire d’exécution des lois que l’on qualifie aussi de pouvoir
réglementaire dérivé, résulte de la formule de l’article 61 qui dispose que “le
Gouvernement veille à l’exécution des lois” ; très souvent, sinon toujours, la mise en œuvre
de la loi suppose que des mesures générales d’application en précisent les dispositions ; il
appartient alors au Premier ministre d’édicter ces mesures par décrets ; ces décrets doivent
être délibérés en conseil des ministres (art. 66) et contresignés par les ministres chargés de
leur exécution (art. 63-2° al.).
Le pouvoir réglementaire autonome est évidemment exercé dans les mêmes conditions,
mais son domaine résulte, négativement, de la détermination de celui de la loi qui a été
initialement défini en 1962, précisé en 1972 et qui figure dans l’article 46 du texte de 1996
dont les termes sont identiques à ceux du texte précédent.
Le domaine de la loi précisé en 1972 et repris aujourd’hui n’a pas connu une véritable
extension par rapport à ce qu’il était dans la constitution de 1962 ; les précision apportées
par le constituant de 1972 ont eu toutefois l’avantage de lever l’hypothèque que faisait
peser sur l’étendue du domaine législatif, le risque d’une interprétation restrictive des
dispositions du texte de 1962.
Sans entrer dans les détails de la réglementation constitutionnelle, il convient cependant
d’en rappeler les grandes lignes.
L’article 48 de la constitution de 1962 réservait au législateur les droits individuels et
collectifs proclamés par le préambule de la constitution, les principes fondamentaux du
droit civil et du droit pénal, l’organisation judiciaire et les garanties fondamentales des
fonctionnaires civils et militaires de l’Etat ; par ailleurs d’autres dispositions particulières
ajoutaient quelques éléments à ce domaine, par exemple : la création des collectivités
locales, les conditions dans lesquelles elles gèrent démocratiquement leurs affaires (art. 93
et 94). Une loi organique pouvait préciser et compléter ces dispositions.
En 1972 l’article 45 de la constitution a détaillé cette énumération ; mais ces détails ont
eu pour seul effet de développer les implications de l’attribution de compétence effectuée
au profit du législateur en 1962.
Ainsi relèvent du domaine de la loi “la détermination des infractions et des peines qui
leur sont applicables, la procédure pénale, la procédure civile et la création de nouvelles
juridictions, de même que le statut des magistrats ». Tout cela pouvait d’ailleurs être déduit
de l’art. 10 de cette constitution de 1962 qui posait le principe selon lequel “nul ne peut
être arrêté, détenu et puni que dans les cas et les formes prévus par la loi » ; ou encore de
l’article 48 lui-même, qui réservait au législateur la compétence pour poser les principes
fondamentaux du droit civil et du droit pénal ; par ailleurs, le principe si fondamental de
l’indépendance de l’autorité judiciaire n’était-il pas suffisant pour décider que le statut des
magistrats devait relever de la loi ? Si le régime électoral est aujourd’hui expressément
79
Droit administratif marocain
(17) Cf. Décision Royale du 14 octobre 1983 et Menouni (A.), « Le recours à l’article 19 : une nouvelle lecture de la
Constitution », op. cit., loc. cit.
80
Le pouvoir central
dans l’intervalle des sessions du Parlement avec l’accord des commissions compétentes
(art. 55). Dans les deux cas, les décrets-lois doivent être délibérés en Conseil des ministres
(art. 66) et soumis à la ratification de la Chambre des représentants, soit dans un délai fixé
par la loi d’habilitation, soit à la session ordinaire suivante, s’agissant des décrets-lois pris
dans l’intervalle des sessions.
En vertu de l’article 48, les textes pris en forme législative dans un domaine relevant
du pouvoir réglementaire peuvent être modifiés par décret après avis conforme du Conseil
constitutionnel : par exemple le Conseil constitutionnel constate dans une décision 13-94
du 9 mai 1994 (B.O. 1994, p. 331) la nature réglementaire de l’objet d’un dahir portant
loi ; même décision à propos d’un décret royal dont la Haute juridiction constate le
caractère réglementaire par une décision du 18 mai 1999 (B.O. 1999, p. 378).
Les décrets du Premier ministre doivent être contresignés par les ministres chargés de
leur exécution, ce qui permet de leur faire pleinement assumer leur responsabilité tant au
niveau de la conception de la réglementation édictée, que de son exécution. Toutefois la
constitution est muette sur le point de savoir si les décrets-lois doivent également faire
l’objet du contreseing ; la logique conduit naturellement à soumettre ces décrets-lois au
même régime que les décrets ordinaires et c’est bien ce qui se passe en pratique, qu’il
s’agissent des décrets-lois pris sur la base d’une habilitation législative (art. 45-2° al.),
ou de ceux qui sont pris avec l’aval des commissions compétentes dans l’intervalle des
sessions (art. 55) (18).
On rappellera enfin que le Premier ministre peut déléguer certains de ses pouvoirs
aux ministres (art. 64) ; il est cependant peu probable que cette délégation puisse porter,
de façon autre que ponctuelle et exceptionnelle, sur le pouvoir réglementaire qui apparaît
comme la manifestation la plus significative de la prééminence du Premier ministre dans
la détermination du cadre juridique de l’action gouvernementale.
Le Premier ministre contresigne les dahirs pris par le Roi à l’exception d’un certain
nombre d’entre eux qui concernent la nomination des membres du gouvernement,
la nomination des magistrats et des membres de diverses juridictions, l’exercice des
(18) Une illustration de ce type de décret-loi se trouve au B.O. 1992, p. 494, avec un texte qui instituait une taxe sur les
installations de réception des émissions de télévision, par satellite ; la loi de ratification de ce texte a fait l’objet d’une
censure, pour une raison de procédure, de la part du Conseil constitutionnel : n° 37-94 du 16 août 1994, B.O. 1994,
p. 431 ; cf. note A. Benabdallah, REMALD, n° 9, 1994, p. 9. Un problème s’est posé toutefois du fait que le Premier
ministre s’est affranchi de l’obligation de la délibération du Conseil des ministres, cf. A. Benabdallah, « Sur un lapsus
juridique : la constitutionnalité du décret du 16 mars 1998 », REMALD, n° 23, 1998, p. 9.
Plusieurs décrets-lois ont été pris en vertu de l’art. 55 de la constitution par exemple pour la création de la zone spéciale
de développement Tanger Méditerranée, la création de l’Agence pour la promotion et le développement économique
et social des provinces du Sud du Royaume ou bien encore pour la suppression du monopole de l’Etat en matière de
radiodiffusion et de télévision, B.O. 2002, p. 1001 et suiv. Et récemment le 1er septembre 2014 pour la fixation de la
limite d’âge des fonctionnaires de l’Etat, des municipalités et des établissements publics, B.O. 2014, p. 4140.
81
Droit administratif marocain
82
Le pouvoir central
Certains services sont placés parfois auprès de lui sous l’appellation de “Hauts-
commissariats” : ces derniers correspondent à des missions auxquelles les circonstances
confèrent une acuité toute particulière : reconstruction d’Agadir, formation professionnelle,
entraide nationale, etc. Mais il n’y a évidemment là aucune solution permanente et les
mutations en ce domaine sont très fréquentes (19). Ainsi la Promotion nationale avait été
confiée à un Haut commissaire par un dahir du 25 avril 1974 (B.O. 1974, p. 896) ; ce Haut
commissaire qui avait rang de ministre fut expressément rattaché au Premier ministre
en 1977 (décret du 21 mars 1977, B.O. 1977, p. 428). Par la suite la Promotion nationale
fut confiée au ministre de l’Equipement (octobre 1977), puis au ministre de l’Emploi
(5 novembre 1981) ce qui devait entraîner la disparition du Haut-commissaire et depuis
le décret du 18 avril 1985 (B.O. 1985, p. 211), la Promotion nationale relève du ministère
de l’Intérieur.
Le Haut commissariat le plus ancien semble être celui qui est chargé des anciens
résistants et des anciens membres de l’Armée de libération nationale (dahir portant loi du
15 juin 1973, B.O. 1973, p. 1028), et le plus récent, le Haut commissariat aux handicapés
(dahir 24 mai 1994, B.O. 1994, p. 308).
Mais les principaux collaborateurs du Premier ministre ont souvent un rang plus élevé :
vice-premier ministre (rarement), ministre délégué, secrétaire ou sous secrétaire d’Etat.
En pratique ce sont fréquemment des ministres délégués auprès du Premier ministre
qui suivent, sous la responsabilité de ce dernier, un certain nombre d’affaires qui ont le
plus souvent un caractère interministériel ou qui présentent une importance particulière.
Ainsi dans le gouvernement constitué le 16 mars 1998, le Premier ministre est entouré
de trois ministres délégués, chargés respectivement de l’administration de la défense
nationale, des affaires générales du gouvernement et de la prévision économique et du plan
(dahir du 16 mars 1998, B.O., p. 223).
En revanche lors du remaniement ministériel du 6 septembre 2000 (B.O. 2000, p. 778),
les ministres délégués ont disparu et leurs attributions ont été reprises directement par le
Premier ministre (administration de la défense nationale), ou confiées à des ministres de
plein exercice.
Dans le gouvernement de novembre 2002 (D. Jettou) on relève la présence de sept
ministres délégués dont deux sont placés auprès du Premier ministre (administration de la
défense nationale, logement et urbanisme).
(19) En mai 1972, un Haut-commissaire avait été chargé du développement agricole de la région Sud (Tarfaya, Agadir,
Ouarzazate).
83
Droit administratif marocain
Il reste que pour l’aider dans sa tâche, le Premier ministre dispose comme tout ministre
d’un cabinet, organisme temporaire, et de la présidence du Conseil, appareil administratif
permanent.
Le cabinet du Premier ministre ne diffère ni dans sa nature, ni dans ses fonctions des
autres cabinets ministériels. Composé de collaborateurs personnellement choisis par le
Premier ministre, le cabinet voit son existence liée à celle du chef du gouvernement.
En revanche, la présidence du Conseil, c’est-à-dire essentiellement le secrétariat
général du gouvernement, présente un caractère permanent correspondant à la nature
essentielle de sa mission ; créé par un dahir du 10 décembre 1955, le secrétariat général
du gouvernement (20) est aujourd’hui organisé par le décret du 19 mai 2010 (B.O. 2010,
p. 1640). Cette réorganisation est la conséquence du développement de ses activités.
Le secrétariat général du gouvernement a une mission générale d’étude et de contrôle
ainsi que diverses missions particulières. Il est désormais constitué d’un certain nombre
de composantes sous la direction d’un secrétaire général,de la direction générale de la
législation et des études juridiques,de l’inspection générale des services administratifs,de
la direction de l’imprimerie officielle,de la direction des associations, de la direction
des professions réglementées et des ordres professionnels et de la direction des affaires
administratives et financières. Enfin la commission des marchés lui était rattachée depuis
le décret du 30 décembre 1975.
a. Le secrétaire général est l’équivalent d’un secrétaire général de ministère dont il
exerce les fonctions sous l’autorité du Secrétaire général du Gouvernement ;il lui revient
en outre de veiller à la préparation et au suivi des ordres du jour des conseils des ministres
et de gouvernement ainsi qu’à la mise en forme des dahirs qui doivent être soumis au
sceau de Sa Majesté le Roi.
b. La direction générale de la législation et des études juridiques succède à l’ancien
service de législation, l’une des rares institutions qui soit le continuateur d’une institution
française du Protectorat, le service de législation du secrétariat général du protectorat (21).
Elle comporte trois direction : direction de la législation et de la réglementation, direction
des études et des recherches juridiques, et direction de l’interprétariat, de la documentation
et de la codification.
Cette direction générale revêt une importance toute particulière puisqu’il lui incombe de
“coordonner les travaux de préparation et de mise au point des projets des textes législatifs
et réglementaires” et de veiller “à la mise en œuvre de la politique gouvernementale
(20) El Kissi (A.), « Le secrétariat général du Gouvernement », colloque de l’Institut français des sciences
administratives, Economica, Paris, 1986, p. 129.
(21) Durand (E.), Traité de droit public marocain, Paris, 1955, LGDJ, p. 112.
84
Le pouvoir central
85
Droit administratif marocain
personnel indispensable pour faire face à une telle mission, réduit très largement ses
possibilités d’action ; malgré les déclarations qui insistent régulièrement sur la nécessité de
donner à son action toute l’ampleur souhaitable, pendant longtemps l’inspection n’a pas
été dotée du personnel en l’absence duquel elle ne saurait rendre les services pour lesquels
elle a été créée.
d. La Direction des associations et des professions réglementées veille à l’application
des textes concernant les associations, les organisations syndicales et les professions qui
sont d’ailleurs le plus souvent organisées en ordre.
e. La Direction administrative et financière assure la gestion des personnels ainsi que la
gestion matérielle et financière des services du Premier ministre et du secrétariat général
du gouvernement ainsi que des services qui peuvent lui être rattachés.
On mentionnera enfin l’Imprimerie officielle qui assure la publication du Bulletin
officiel et de nombreux autres documents administratifs
A certaines époques, le secrétariat général du gouvernement a abrité un dernier
organisme : la Direction de la fonction publique lorsque celle-ci n’était pas érigée en
ministère ou en secrétariat d’Etat ; depuis le 8 juin 1965, la création d’un ministère des
Affaires administratives – secrétariat général du gouvernement a modifié les conditions
de ce rattachement. En effet, le décret royal du 21 août 1965 (B.O. 1965, p. 1124), place
sur le même plan les services de la fonction publique et les services de l’ancien secrétariat
général du gouvernement, tous constituant les services du nouveau ministère. Les
fonctions de ministre des Affaires administratives et de secrétaire général du gouvernement
ont parfois été dissociées l’une de l’autre ; il en fut ainsi entre le 3 octobre 1970 et
le 20 novembre 1972, période au cours de laquelle l’ancien ministre des Affaires
administratives avait conservé ses fonctions de secrétaire général du gouvernement tout en
occupant d’autres fonctions ministérielles.
Le secrétaire général du gouvernement a été élevé au rang de ministre par le décret
royal du 24 octobre 1966 (B.O. 1966, p. 1178) ; mais il n’occupe plus aucune autre
fonction ministérielle ; en outre sa nomination n’a aucun caractère politique et le secrétaire
général est seulement un très haut fonctionnaire dont le rang de ministre renforce l’autorité
et facilite l’exercice de ses fonctions ; aujourd’hui le Secrétaire général du gouvernement
est un ancien Premier président de la Cour suprême.
La qualité de ministre du Secrétaire général du gouvernement donne évidemment à
ses interventions un poids qu’elles n’auraient peut être pas s’il était simplement un haut
fonctionnaire ; cependant il convient de ne pas négliger le fait que le Secrétaire général du
gouvernement peut en cas de besoin se réclamer de l’autorité du Premier ministre.
86
Le pouvoir central
Si l’on insiste sur cet aspect des choses, c’est parce que le rôle du Secrétaire général
est tout à fait important pour la bonne organisation des travaux du gouvernement, et parce
que la réussite en ce domaine suppose une excellente communication avec l’ensemble des
membres du gouvernement. C’est en effet sur lui que repose le soin d’assurer la préparation
des réunions gouvernementales, Conseil des ministres et Conseil de gouvernement ; l’étude
des questions soumises à la décision du chef du gouvernement, la préparation de l’ordre
du jour de ces réunions constituent les éléments essentiels de cette tâche qui comporte
également la préparation matérielle des réunions, convocation des ministres intéressés,
tenue des procès-verbaux, transmission des décisions, etc.
Section III
Le pouvoir Royal et le pouvoir exécutif
dans la Constitution de 2011
§1. Le Roi
L’une des dispositions phare des constitutions antérieures mais aussi des plus
contestées, résidait dans l’article 19 qui exposait ensemble les attributions religieuses du
Souverain et ses attributions politiques. Désormais ces attributions sont réparties dans
87
Droit administratif marocain
deux articles distincts, les articles 41 et 42, ce qui met un terme à toute ambiguïté en ce
qui concerne le fondement de l’action du Roi.
L’article 41 dispose : « le Roi Amir Al Mouminine, veille au respect de l’Islam. Il est le
garant du libre exercice des cultes ». Sur la base de ce texte il préside le Conseil supérieur
des oulémas seul habilité à prononcer des consultations religieuses. Le Roi exerce par
dahir les prérogatives religieuses qui découlent de ce texte.
L’article 42 est ainsi réservé à son rôle de chef de l’Etat dont il reste le « Représentant
suprême, Symbole de l’unité de la Nation, garant de la pérennité et de la continuité de
l’Etat et Arbitre Suprême entre ses institutions, (il) veille au respect de la Constitution,
au bon fonctionnement des institutions constitutionnelles, à la protection du choix
démocratique et des droits et libertés des citoyennes et des citoyens et des collectivités et
au respect des engagements internationaux du Royaume.
Il est le Garant de l’indépendance du pays et de l’intégrité territoriale du Royaume dans
ses frontières authentiques.
« Le Roi exerce ces missions par dahirs en vertu des pouvoirs qui Lui sont expressément
dévolus par la présente constitution ». Ces dahirs sont contresignés par le chef du
Gouvernement sauf un certain nombre d’exceptions qui concernent des décisions qui, par
leur nature, ne relèvent que de lui, par exemple la nomination du chef du gouvernement ou
des ministres, la dissolution des chambres du Parlement ou la nomination des magistrats.
Le Roi conserve ainsi une place centrale au sein des institutions du Royaume ; mais la
constitution réalise un rééquilibrage du pouvoir en faveur du gouvernement et de son chef
et renforce également les attributions du Parlement.
Au lendemain des élections le Roi doit nommer le Chef du gouvernement dans le
parti qui a obtenu le plus grand nombre de voix. Il nomme les ministres sur présentation
du Chef du gouvernement. Il met fin aux fonctions d’un ou de plusieurs ministres soit à
son initiative soit à la demande du Chef du gouvernement à la suite de leur démission
individuelle ou collective. A la suite de la démission du Chef du gouvernement il met fin
aux fonctions de l’ensemble du gouvernement.
La Roi préside le Conseil des ministres dont les attributions sont développées par
l’article 49. Toute les décisions fondamentales pour la marche de l’Etat font l’objet
d’une délibération du Conseil des ministres : les orientations stratégiques de la politique
de l’Etat, les projets de révision de la Constitution, de lois organiques, de loi cadre, de
loi d’amnistie, les orientations générales du projet de lois de finances, les nominations à
un certain nombre d’emplois supérieurs notamment les responsables d’établissements et
entreprises publics stratégiques sur proposition du Chef du gouvernement et à l’initiative
88
Le pouvoir central
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Droit administratif marocain
§2. Le gouvernement
Une loi organique prise sur la base de l’article 87 de la Constitution est relative à
l’organisation et à la conduite des travaux du gouvernement ainsi qu’au statut de ses
membres ; il s’agit de la loi du 19 mars 2015 (B.O. 2015, p. 2766). Cette loi développe
les principes posés par la Constitution. « Le gouvernement exerce le pouvoir exécutif.
Sous l’autorité du Chef du gouvernement, le gouvernement met en œuvre son programme,
assure l’exécution des lois, dispose de l’administration, supervise les entreprises et
établissements publics et en assure la tutelle ».
Cette disposition de l’article 89 de la Constitution est parfaitement claire : c’est le
gouvernement qui exerce le pouvoir exécutif. Mais il faut insister sur le fait qu’à la tête du
gouvernement ce n’est plus seulement le premier des ministres qui en assure la direction,
90
Le pouvoir central
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Droit administratif marocain
loi organique dispose que le Chef du gouvernement soumet au Roi, à l’issue des travaux
du Conseil du gouvernement un rapport sur les conclusions des délibérations du Conseil.
Cette disposition est certainement essentielle car elle permet une bonne articulation des
deux organismes qui jouent un rôle moteur dans la conduite des affaires de l’Etat : le
Conseil des ministres présidé par le Roi et le Conseil du gouvernement. Il est évident
que si, à la faveur de cette communication, une divergence de vue se manifestait entre le
Chef du Gouvernement et le Roi sur une question relevant en dernier ressort du Conseil
des ministres, des discussions entre les collaborateurs du Chef du gouvernement et les
conseillers du Cabinet royal permettraient de déboucher sur des propositions de solution
soumises au Roi et au chef du gouvernement.
1. Les ministres
On peut les classer en trois catégories qui ne sont d’ailleurs pas étanches : les ministres
d’Etat, les ministres chargés d’un département spécialisé et les ministres délégués.
92
Le pouvoir central
le 5 novembre 1981 (B.O. 1981, p. 522) ; en revanche il advient fréquemment que lui soit
confiée la direction d’un département ministériel. Il existait quatre ministres d’Etat de ce
type dans le gouvernement constitué le 10 octobre 1977 (B.O. 1977, p. 1153) ; il n’en
n’existait que deux dans le gouvernement formé le 5 novembre 1981 (affaires étrangères,
coopération), deux encore dans le gouvernement Filali, l’un sans portefeuille et l’autre
chargé des affaires étrangères à partir de 1990 ; dans le premier gouvernement Youssoufi il
y avait deux ministres d’Etat (Intérieur et affaires étrangères), mais aucun dans le second
(septembre 2000). Enfin dans le gouvernement constitué en novembre 2002 on trouve un
ministre d’Etat sans portefeuille qui jouait le rôle de « conseiller spécial » du Chef du
Gouvernement. Il en allait de même dans le gouvernement nommé en janvier 2012 jusqu’à
sa disparition accidentelle de son titulaire en décembre 2014.
Cependant, même lorsque le ministre d’Etat n’a pas de responsabilité ministérielle, en
tant que membre du gouvernement, il participe à l’élaboration des décisions qui engagent
ce dernier, tout en n’ayant aucune part administrative à leur exécution.
93
Droit administratif marocain
94
Le pouvoir central
que ce soit l’importance du titulaire de ces fonctions qui ne semble pas encore mériter qu’on
lui attribue un poste de ministre… mais le secrétaire, ou (parfois) le sous-secrétaire d’Etat,
peut également répondre à la nécessité de donner à un ministre les adjoints dont il a besoin
pour diriger son département ; on a vu que c’est à ce souci que correspondait à certain moment
l’existence auprès du Premier ministre de secrétaires d’Etat qui ont été, il est vrai, souvent
remplacés par des ministres délégués. Dans tous les cas, les attributions du secrétaire d’Etat
ou du sous-secrétaire d’Etat étaient déterminées, au moins dans leur principe, par le Premier
ministre ; techniquement elles étaient précisées au moyen de délégations de signature ou
de pouvoir dont le régime était fixé par le dahir du 13 décembre 1980 (B.O. 1981, p. 2).Ce
texte a été modifié par le dahir du 26 juin 1995 (B.O. 1995, p. 541) qui étendait aux sous-
secrétaires d’Etat les dispositions du dahir de 1980.
Aujourd’hui l’article 11 de la loi organique consacré aux secrétaires d’Etat dispose
qu’ils peuvent recevoir du Chef du gouvernement ou du ministre auquel ils sont rattachés,
soit une délégation générale et permanente leur permettant de signer ou de viser au
nom de l’autorité dont ils dépendent tous actes concernant les services placés sous leur
responsabilité, soit une délégation d’attributions concernant seulement certains services.
Ces délégations ne peuvent s’étendre au contreseing des actes réglementaires du Chef du
gouvernement et, en tout état de cause, elles doivent être soumises au visa du Chef du
gouvernement avant leur entrée en vigueur.
A défaut de nommer des secrétaires d’Etat on a eu recours à la création de Hauts
commissariats ; par exemple Haut commissariat au plan, aux eaux et forêts ou bien encore
aux anciens combattants et résistants. Cette formule permet d’échapper aux contraintes
politiques qui pèsent souvent sur la création des département ministériels et aussi de
confier à des personnes qualifiées la gestion de certains services ; elle permet aussi de
mieux assurer la permanence et la continuité dans le traitement des problèmes qui leurs
sont confiés. Mais ces Hauts commissariats qui subsistent aujourd’hui ne font pas partie
du gouvernement.
95
Droit administratif marocain
prévoyaient en outre de façon expresse que certaines décisions devaient être délibérées en
Conseil des ministres ; l’article 66 de la constitution de 1996, dont la rédaction remonte
à la révision constitutionnelle de 1972, comporte à cet égard une plus grand précision
dans l’énumération des questions qui doivent être soumises à son examen ; parmi celles-
ci on mentionnera les questions concernant la politique générale de l’Etat, les projets de
loi, les décrets réglementaires, les décrets-lois, ou encore le projet de plan, etc. Il s’agit
là d’une disposition essentielle dans la mesure où elle institutionnalise une pratique qui,
étant donnée la nature des questions concernées, impose leur soumission à l’examen d’un
gouvernement vraiment responsable.
Aujourd’hui ainsi qu’on l’a vu plus haut, l’article 49 de la Constitution a étendu
les chefs de compétences du Conseil des ministres ; mais la plupart de ces sujets ont
préalablement fait l’objet de délibération du Conseil du gouvernement. Il convient aussi
de rappeler que l’ensemble des membres du gouvernement fait partie du Conseil des
ministres.
Le Conseil du gouvernement réunit les membres du gouvernement sous la présidence
du Chef du gouvernement ; il se réunit en principe une fois par semaine ; lui sont soumises
les questions qui intéressent les différents ministres ou qui sont, par leur répercussion,
susceptibles d’engager la responsabilité collective du gouvernement. L’article 92 de la
Constitution en donne la liste qui montre que le gouvernement est réellement maître de la
politique qu’il s’est engagé à conduire lors de la présentation de son programme devant les
deux Chambres du Parlement.
Mais l’étendue et la complexité des problèmes de gouvernement ont rendu nécessaire
la création de formations gouvernementales plus restreintes et spécialisées dans l’étude
de questions ne concernant que certains ministères : il s’agit de conseils interministériels
qui peuvent prendre deux formes : temporaire et plus ou moins informelle, permanente et
institutionnelle.
Dans le deuxième cas, le conseil interministériel est créé par un texte qui fixe sa
composition et ses attributions ; pendant longtemps a existé un conseil économique
interministériel chargé d’instruire les affaires de caractère économique soumises à la
décision du Chef du gouvernement ou du Conseil des ministres, de veiller à l’exécution
de ces décisions, et d’assurer la coordination permanente de l’action des départements
ministériels dans le domaine de l’administration des affaires économiques ; ce conseil a
été supprimé par un décret du 3 juillet 1972 (B.O. 1972, p. 960) ; mais il existe d’autres
organismes de ce genre, tel par exemple le comité interministériel pour l’aménagement
du territoire créé par le décret royal du 6 août 1968 (B.O. 1968, p. 836) modifié en 1982
(dahir du 6 mars 1982, B.O. 1982, p. 171). Le comité social interministériel qui avait été
96
Le pouvoir central
créé par un décret du 12 septembre 1957 a été supprimé ; il est remplacé par le conseil
supérieur de l’action sociale (décret du 1er avril 1985, B.O. 1985, p. 186).
Certains organismes de ce type tombent parfois en désuétude sans avoir été
expressément supprimés.
On peut se demander par exemple si le conseil et le comité interministériels permanents
chargés du développement rural (D. du 5 janvier 1999, B.O. 1999, p. 79), respectivement
«de la conception et de la coordination de l’action gouvernementale en matière de
développement rural »et de la préparation des programmes conformément aux orientations
du Conseil, sont toujours en activité. En effet les attributions d’un Comité interministériel
permanent chargé du développement de l’espace rural et des zones montagneuses créé par
le décret du 8 février 2013, (BO. 2013, p. 1605) semblent faire double emplois avec celles
des conseil et comité précédents.
On peut encore mentionner le Comité interministériel permanent de la politique de
la ville créé en 2013, ou encore le Comité permanent interministériel de la recherche
scientifique et du développement technologique (D. 11 juillet 2001, BO. 2001, p. 750)
qui doivent permettre aux responsables intéressés de suivre l’élaboration et la mise
en œuvre des politiques considérées. Parfois ces organismes ne sont plus réunis ou au
contraire sont réactivés lorsque les préoccupations auxquelles correspondait leur création
redeviennent d’actualité : par exemple la Commission interministérielle de l’eau a été
réunie en février 2015 alors qu’elle ne l’avait plus été depuis plusieurs années ; qualifiée
« d’importante instance de coordination » par la ministre déléguée chargée de la Politique de
l’Eau, la commission a été réunie pour examiner le Plan national de l’eau à l’horizon 2030.
Enfin il va de soi que le Chef du gouvernement peut toujours réunir autour de lui pour
l’étude d’un problème déterminé, les ministres intéressés ; ces réunions, de périodicité
variable, cesseront dès lors qu’une solution aura été retenue.
La loi organique a consacré un certain nombre de dispositions à la préparation des
projets de textes juridiques qui sont destinés à édicter une législation nouvelle ou à
refondre une législation existante ; si nécessaire ces projets doivent être accompagnés
d’une étude d’impact. En outre les délais et modalités de préparation de ces textes devront
être déterminés par voie réglementaire sous la forme d’un guide de procédure normative.
Les projets adoptés en conseil des ministres ou de gouvernement sont déposés sur le
bureau de l’une des deux Chambres du Parlement accompagnés d’un rapport sur l’étude
d’impact si elle est requise et d’une lettre de dépôt signée par le Chef du gouvernement.
Le gouvernement doit consacrer une séance par mois à l’examen des propositions de loi
des membres du parlement et arrêter sa position à leur égard.
97
Droit administratif marocain
Naturellement les ministres participent aux travaux des assemblées chaque fois qu’il
s’agit de présenter les projets et les propositions de loi inscrits à l’ordre du jour. Ils
participent également aux séances des commissions des deux Chambres et ils répondent
au nom du gouvernement aux questions qui leur sont posées. Leurs réponses doivent
naturellement exprimer la position prise par le gouvernement. Les ministres peuvent se
faire accompagner de commissaires qui peuvent être des fonctionnaires de leur département
ou relever d’un autre département, de membres de leur cabinet ou de responsables
d’établissements publics relevant de leur tutelle. L’audition des responsables des
administrations ou des établissements publics et entreprises publiques par les commissions
parlementaires fait l’objet d’une demande de la part du président de la commission
concernée adressée au Chef du gouvernement par le président de la Chambre dont émane
la commission. Les modalités de cette audition sont établies par le ministre chargé des
relations du gouvernement avec le Parlement et l’autorité gouvernementale concernée.
Naturellement la présence de cette dernière à la séance d’audition est obligatoire.
98
Le pouvoir central
Il est enfin interdit aux membres du gouvernement d’exercer les fonctions de direction
d’un journal papier ou électronique.
Le membre du gouvernement qui se trouve dans un cas d’incompatibilité doit
régulariser sa situation dans un délai n’excédant pas soixante jours à compter de la date
d’investiture du gouvernement ou de la date de sa nomination.
Les ministres qui cessent de faire parti du gouvernement bénéficient d’une pension
dans les conditions et selon les modalités fixées par la loi.
La loi organique comporte enfin des dispositions qui régissent l’expédition des affaires
courantes par le gouvernement nommé mais pas encore investi et par le gouvernement
démissionnaire. Ne relèvent pas des affaires courantes les mesures susceptibles d’engager
durablement le futur gouvernement, notamment les projets de lois et de décrets
réglementaires ainsi que la nomination aux fonctions supérieures. Le gouvernement nommé
par le Roi mais non encore investi par le Parlement, est chargé de préparer le programme
que le Chef du gouvernement exposera devant le Parlement, d’édicter les arrêtés de
délégation d’attributions et de signature nécessaires pour assurer le continuité des services
publics et expédier les affaires courantes au sens de l’article 37 de la loi organique.
Section IV
Les administrations centrales
Elles sont constituées par les départements ministériels dont la direction incombe
selon le cas au ministre, au ministre délégué ou au secrétaire d’Etat, assisté du cabinet
ministériel. L’administration centrale proprement dite est construite sur le modèle
hiérarchique combiné avec le principe de la division du travail ; toutefois une place à part
doit être faite à l’Administration de la promotion nationale qui constituait une exception
par rapport à ce schéma d’organisation, comme c’est d’ailleurs aujourd’hui le cas de
l’initiative Nationale pour le Développement Humain (INDH).
99
Droit administratif marocain
(23) Leila Mouddani, « Le ministère des Affaires étrangères et de la Coopération », thèse de 3e cycle, Grenoble,
1981 (dactyl.) ; Ihraï, S., « Les institutions de la coopération maroco-française », RJPEM, n° 31-32, 1999, p. 127 ;
M. Rousset, « Les institutions françaises de la coopération », RJPEM, n° 31-32, 1999, p. 141 ; Jazzouli, A.,
« L’administration de la défense nationale », Revue Maroc-Europe, n° 7, 1994, p. 273, Éd. La Porte.
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Le pouvoir central
(24) Cf. Sekkat (A.), « L’action culturelle des pouvoirs publics au Maroc », mémoire de doctorat, Faculté des Sciences
juridiques, économiques et sociales de Rabat, 1971.
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Droit administratif marocain
(25) Sous réserve de l’exception du ministère des Habous et des Affaires islamiques.
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Le pouvoir central
(26) Pereau (J.L.), « Le Service public de l’information au Maroc », thèse de droit, Grenoble, 1987 (dactyl.).
103
Droit administratif marocain
auprès du Premier ministre, puis promu au rang de ministère en 1981. On a vu que depuis
sa disparition au niveau gouvernemental le plan est confié à un Haut commissariat qui peut
également jouer ce rôle de coordination.
Comme on peut le constater les formules sont diverses mais toutes ont pour point
commun de briser les hiérarchies verticales qui s’opposent à l’efficacité des actions
administratives.
Evidemment, les différents organismes interministériels à travers lesquels s’effectue
le travail gouvernemental, ont un rôle essentiel à jouer en matière de coordination ;
mais celle-ci ne peut être effective qu’à la condition qu’elle soit également organisée de
façon permanente à tous les niveaux de la hiérarchie administrative. Or cette condition
est particulièrement difficile à remplir dans une administration dont les structures sont
déterminées en fonction d’une spécialisation qui donne naissance à des hiérarchies
verticales. Ce sont ces particularités de l’organisation administrative centrale qui, entre
autres difficultés de fonctionnement, sont au centre des réflexions dont le thème est celui
de l’adaptation de l’administration à sa mission.
(27) Rousset (M.), le Rôle du ministère de l’Intérieur et sa place au sein de l’administration marocaine, A.A.N., 1968,
p. 91 et suiv. Berrada (A.) et Claisse (A.), l’Administration économique au Maroc, R.F.A.P., 1979, p. 103. Basri (D.),
l’Administration territoriale : l’expérience marocaine, Bordas, 1990, 428 p., préface M. Rousset.
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Droit administratif marocain
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Le pouvoir central
(28) M. Fouad Ammor, le Programme des priorités sociales, BESM, rapport du social, 2000, p. 75, Okad.
(29) Recensement général de 1994. Cf. Ghorfi (Nor El), Contribution d’une politique agricole, I.N.R.A., Rabat,
1964 ; Villeneuve (M.), la Situation de l’agriculture et son avenir dans l’économie marocaine, L.G.D.J., Paris, 1971 ;
Dubois (J.), Pour une réforme de l’administration agricole au Maroc, Tiers-monde (Etudes), P.U.F., 1965, p. 75 ;
Basri (D.), « Le rôle du ministère de l’Intérieur dans le développement agricole », R.M.D.E.D., 1982, n° 2, p. 11 ;
El Alaoui (M.), « L’intervention de l’Etat dans le développement agricole et rural au Maroc : problématique de la
participation », thèse, Paris II, 1992.
Hommage à Paul Pascon : Devenir de la société rurale, développement économique et mobilisation sociale, I.A.V.
Hassan II, 2007.
107
Droit administratif marocain
108
Le pouvoir central
Or, les problèmes à traiter sont des problèmes majeurs dans la mesure où il n’est pas
de développement concevable sans un effort important tendant à l’élévation du niveau
culturel (30) et du niveau de santé de la population (31).
Mais comme la scolarisation primaire, de même que l’échelon élémentaire en matière
de santé publique, se situent nécessairement au contact immédiat de la population, l’agent
d’autorité ne peut manquer de suivre de près les conditions dans lesquelles ces services
publics fondamentaux apportent au public les prestations pour lesquelles ils ont été créés.
Et l’on voit que de proche en proche, c’est l’ensemble des conditions d’existence des
populations qui, naturellement, sollicite l’attention quotidienne des agents du ministère
de l’Intérieur. C’est d’ailleurs ce qui explique que, sur la base du principe de subsidiarité,
l’on ait prévu le partage d’un certain nombre de compétences en matière de santé publique
et de scolarisation primaire au niveau des communes qui sont principalement intéressées
par le bon fonctionnement de ces services dont l’action est fondamentale pour ce que l’on
appelle aujourd’hui le “développement humain”.
§2. Le ministre
Si le ministre est un personnage politique (32) dont le statut relève du droit
constitutionnel, il est aussi une autorité administrative placée à la tête d’un ensemble de
services ; il en a la responsabilité : ses attributions découlent soit de sa qualité de chef de
service, soit de textes particuliers.
Ces principes concernent également les ministres délégués et les secrétaires d’Etat dans
le cadre des délégations de pouvoirs et d’attributions qui leur ont été consenties.
Le ministre a un pouvoir de nomination des personnels de son administration, il exerce
un pouvoir d’instruction, un pouvoir réglementaire et plus largement un pouvoir de gestion
(30) Selon le recensement de 1982 (résultats du sondage au 1/20°, juillet 1984) 68 % des hommes et 95 % des femmes
en milieu rural ne savent ni lire ni écrire, tandis que seuls 34,5 % des enfants de huit ans sont scolarisés, contre 79,5 %
en milieu urbain : quinze ans plus tard, malgré les efforts des campagnes d’alphabétisation des adultes ou les actions
tendant au désenclavement des douars, la situation n’a pas fondamentalement changé. Cf. A. Akesbi, « L’analphabétisme
au Maroc », in Rapport du social, BESM 2000, p. 89, Rapport sur le développement humain, PNUD, 1998.
(31) Alami, « Organisation et fonctionnement du système sanitaire au Maroc », mémoire CES, Droit, Rabat,
1977 (dactyl.). Brejon de Lavergnée N., Politiques d’aménagement du territoire au Maroc, l’Harmattan, 1991, p. 271.
M. Fouad Ammor, le Programme des priorités sociales : le cas de la province du Haouz, BESM, 2000, Rapport du
social, p. 75. Boudahrain, A., le Droit de la santé au Maroc, plaidoyer pour une santé humaine, l’Harmattan, 1996.
(32) On doit cependant préciser que cela ne concernait pas les ministres qui considérés comme étant en charge des
“ministères de souveraineté” étaient nommés par le Roi indépendamment de toute considération ou appartenance
politique : Habous, Justice, Intérieur et Affaires étrangères. Depuis la formation du gouvernement de janvier 2012 les
ministères de souveraineté ont officiellement disparu.
109
Droit administratif marocain
de l’ensemble des activités confiées à son administration ; l’exercice de ces divers pouvoirs
donne lieu à la prise de décisions par arrêtés ministériels.
A. Le pouvoir de nomination
Le pouvoir de nomination n’appartient pas en propre au ministre mais lui est attribué
par délégation du Chef du Gouvernement auquel l’article 91 de la Constitution le confie
de manière générale à l’égard des personnels civils des administrations publiques et
des établissements et entreprises publics. Certaines nominations doivent faire l’objet
d’une délibération du Conseil du gouvernement ;cela concerne les secrétaires généraux
et les directeurs généraux des administrations, les présidents d’université, les doyens
et directeurs des écoles et instituts supérieurs ;cette liste peut d’ailleurs être complétée
par la loi organique qui doit préciser les critères des nominations aux hautes fonctions
administratives. Par ailleurs certaines nominations aux emplois supérieurs sont effectuées
par dahir après délibération du Conseil des ministres sur proposition du chef du
gouvernement et à l’initiative du ministre concerné (article 49).
Le pouvoir de l’autorité de nomination s’accompagne du pouvoir disciplinaire à l’égard
des agents et du pouvoir de gestion de leur carrière qu’il exerce dans les conditions
prévues par les règles statutaires et notamment le Statut général de la fonction publique
et les statuts particuliers ; toutefois les administrateurs et les administrateurs-adjoints
des cadres communs des administrations centrales créés en 1963 ne sont pas totalement
soumis à ce pouvoir de gestion (voir infra, Les personnels de l’administration).
B. Le pouvoir d’instruction
Responsable de la gestion du service, le ministre élabore les directives dont les agents
du service doivent s’inspirer dans l’accomplissement de leurs tâches ; ces directives
prennent la forme de circulaires. Le respect des directives ministérielles est assuré par le
pouvoir disciplinaire et par l’intervention du ministre dans le déroulement de la carrière
des agents. Parfois le pouvoir d’instruction est complété par un pouvoir de réformation
des actes des subordonnés lorsque ceux-ci ne sont pas pris conformément aux directives
ministérielles ; cependant ce pouvoir de réformation ne peut pas toujours juridiquement
s’exercer lorsque des compétences particulières ont été expressément attribuées à des
agents à titre de compétences propres ; il reste que le pouvoir hiérarchique est souvent
d’une force suffisante pour entraîner sans difficulté une action des subordonnés conforme
aux orientations ministérielles.
110
Le pouvoir central
C. Le pouvoir réglementaire
Le ministre ne possède pas en principe de pouvoir réglementaire ; celui-ci est en
effet dévolu au Chef du gouvernement de façon générale. Cependant l’article 90 de la
Constitution autorise le Chef du gouvernement à “déléguer certains de ses pouvoirs aux
ministres” ; cette possibilité ne saurait cependant être comprise comme une autorisation
de déléguer de façon générale le pouvoir de réglementation correspondant aux affaires
relevant des différents départements ministériels ; une telle interprétation reviendrait,
en effet, à vider de son contenu l’attribution constitutionnelle du pouvoir réglementaire
au Chef du gouvernement ; ainsi de telles délégations ne sauraient être que spéciales à
certaines affaires.
Le ministre participe cependant à l’exercice du pouvoir réglementaire du Premier
ministre lorsqu’il est chargé de l’exécution des actes réglementaires de ce dernier ; il lui
appartient tout d’abord de contresigner les décrets ; ensuite, sur la base d’une attribution
expresse de compétence contenue dans le décret, il doit prendre les arrêtés réglementaires
nécessaires à leur mise en application.
Lorsqu’une question relève de la compétence de plusieurs ministres, chacun d’entre
eux est appelé à participer à l’élaboration de la décision correspondante : cette décision est
alors prise sous forme d’arrêté conjoint ou d’arrêté interministériel.
Enfin, on admet pour des raisons pratiques, que le ministre en tant que chef d’une
administration, doit pouvoir exercer un pouvoir réglementaire dans toute la mesure où cela
est nécessaire pour l’édiction des mesures relatives à l’organisation et au fonctionnement
des services dont il a la charge, même si aucun texte ne le lui a reconnu expressément :
c’est un pouvoir réglementaire autonome qui découle logiquement de la nature des
fonctions confiées au ministre. La Cour suprême n’a pas eu l’occasion de se prononcer
sur ce point ; cependant, dans un domaine voisin, elle a rendu une décision qui donne une
base solide à ce raisonnement. S’agissant du président du Conseil, devenu depuis 1962 le
Premier ministre, et aujourd’hui Chef du gouvernement, elle a décidé qu’il lui appartenait,
parce qu’il était chargé de l’administration générale du pays, de “prendre dans le cadre de
la législation en vigueur, les mesures nécessaires pour assurer le bon fonctionnement de
l’ensemble des services publics” (C.S.A., 17/4/1961, El Hihi Mohamed, R. p. 56).
Cette solution peut et doit être aisément transposée à la situation du ministre à l’égard
de ses services.
On soulignera enfin que de nombreux textes particuliers investissent les ministres de
compétences réglementaires qu’ils exercent par arrêtés dans des domaines relevant de leur
spécialité.
111
Droit administratif marocain
D. Le pouvoir de gestion
Sans doute convient-il de préciser que les divers pouvoirs ci-dessus envisagés touchent
naturellement la gestion du secteur d’activité couvert par le département ministériel. Il
faut ajouter que le ministre est l’ordonnateur principal du budget de son département (33) ;
il peut toutefois instituer des ordonnateurs secondaires dans les conditions prévues par
l’article 64 du décret royal du 21 avril 1967 modifié sur la comptabilité publique. Il peut
également déléguer sa signature dans les conditions propres à ce type de délégation que
l’on étudiera ultérieurement.
En tant qu’ordonnateur, le ministre engage les dépenses et décide des recettes prévues au
budget ; c’est lui qui signe les marchés et qui a la responsabilité de l’entretien des biens du
domaine de l’Etat utilisés par ses services. Il exerce la tutelle sur les personnes morales de
droit public rattachées à son département, spécialement les divers offices qui en dépendent ;
de la même manière il exerce un contrôle sur les organismes de droit privé (associations,
ordres professionnels, sociétés d’économie mixte, etc.) qui participent à la gestion des
diverses activités relevant du département dans le cadre de la législation en vigueur.
C’est enfin au ministre qu’il appartient de représenter l’Etat en justice lorsque les
activités de son ministère donnent naissance à un contentieux ; mais on verra que ce
pouvoir de représentation n’est pas général (cf. infra 2e partie).
(33) Loze (M.), les Finances d’Etat, Secrétariat d’Etat aux finances, Éd. La Porte, Rabat, 1972, p. 436.
112
Le pouvoir central
une fonction publique que celui qui en est investi doit exercer, elle ne peut être déléguée
que si un texte exprès le permet ; ainsi l’art. 8 du décret du 15/9/1964 (B.O. 1964, p. 1097)
relatif à l’organisation du ministère des Affaires économiques et des Finances prévoyait
que les sous-secrétaires d’Etat rattachés à ce département exerceraient les pouvoirs qui
leur seraient délégués par arrêté du ministre des Affaires économiques et des Finances. Les
pouvoirs qui ont fait l’objet de la délégation sont alors exercés par le délégataire en son
nom et pour son compte et le ministre délégant ne peut plus s’en saisir tant qu’il n’a pas
rapporté la délégation consentie.
La situation des ministres délégués et des secrétaires d’Etat et les délégations
de signature et de pouvoir qu’ils peuvent recevoir, sont prévues et organisées par le
dahir du 29 mai 1998 (B.O. 1998, p. 281) pour les ministres délégués et le dahir du
13 décembre 1980 (B.O. 1981, p. 2), modifié par dahir du 26 juin 1995, (B.O. 1995,
p. 541) pour les secrétaires d’Etat. Toutefois, une particularité de ces textes réside dans
le fait que l’arrêté ministériel portant délégation au profit du délégataire (secrétaire
d’Etat ou ministre délégué) doit être visé par le Premier ministre aujourd’hui Chef du
gouvernement, ce qui est parfaitement explicable du fait que le Chef du gouvernement
est seul responsable de cette compétence ; à ce titre il doit en effet savoir comment se
répartissent les responsabilités au sein du gouvernement.
113
Droit administratif marocain
Le cabinet du Premier ministre peut comporter huit membres ; celui des ministres ne
doit pas dépasser six membres ; le texte de 1995 qui supprime le directeur de cabinet, ne
laisse subsister qu’un chef de cabinet et cinq conseillers dont les fonctions sont désormais
précisées : affaires juridiques, affaires parlementaires, communication, chef du secrétariat
particulier notamment ; quant aux secrétaires d’Etat ils ne peuvent avoir qu’un chef de
cabinet et deux conseillers techniques (34).
Compte tenu du rôle assigné au cabinet, il est naturel qu’il ne doive comporter que des
personnes de valeur ; la circulaire royale de 1966 rappelle à cet égard que les membres des
cabinets ministériels doivent satisfaire à une double condition : honorabilité et compétence.
Cette exigence est naturellement reprise par le dahir de 1995.
Si la première condition n’appelle pas de commentaire, la seconde doit être précisée ;
il est en effet indispensable que les collaborateurs du ministre aient un niveau de
connaissance suffisant de l’administration en général et de l’activité spécifique du
ministère en particulier de façon à n’être en position d’infériorité ni vis-à-vis des hauts
fonctionnaires du département, ni vis-à-vis des interlocuteurs qu’ils peuvent avoir à
l’extérieur de celui-ci.
Le cabinet a en effet une double mission :
Il doit tout d’abord assurer les liaisons du ministre avec les différents services
du ministère ainsi que la communication avec ses interlocuteurs extérieurs : usagers
ou bénéficiaires de l’activité du département souvent groupés en organismes ou en
associations, presse, parlement, autres administrations, etc.
En second lieu le cabinet remplit auprès du ministre une fonction d’étude de questions
politiques ou techniques que le ministre lui soumet ; mais en tout état de cause le cabinet
n’est pas un organe d’action administrative ; n’ayant reçu aucune compétence en ce
domaine il ne doit pas se substituer aux services compétents ; les tâches de gestion
administrative relèvent du personnel permanent du département.
La fonction d’étude a été renforcée par la création de chargés d’études dans les
départements ministériels (dahir du 5 janvier 1981, B.O. 1981, p. 23, modifié par dahir
du 9 janvier 1990, B.O. 1990, p. 68). Recrutés parmi des titulaires de diplômes élevés
(licence, diplôme d’études supérieures) et justifiant d’une ancienneté de service importante
dans le secteur public ou privé, ils ont pour mission “l’étude, l’instruction et le suivi
de dossiers et de projets qui leur sont confiés par les ministres”. Leur nombre ne peut
dépasser huit. Nommés par le ministre, ils sont en position de détachement s’ils sont
114
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Droit administratif marocain
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Le pouvoir central
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Droit administratif marocain
général ; le service d’inspection peut se voir chargé de missions variables : enquête spéciale
sur certains services, ou bien contrôle général sur un ensemble de services, etc. (35).
Or très souvent ces services d’inspection n’existent pas, ou figurent seulement dans les
organigrammes ; les hommes ayant la compétence requise (formation et expérience) sont
prioritairement affectés dans les services d’étude et de gestion dont les tâches apparaissent
plus urgentes ; par voie de conséquence, toute action de contrôle de l’appareil administratif
et donc d’amélioration de son fonctionnement, s’en trouve compromise ; c’est ce que
signalait avec insistance le ministre des affaires administratives dans un document
consacré à la réforme de l’administration (janvier 1995) ; l’une des actions recommandées,
à échéance immédiate, consistait à redynamiser les inspections générales, condition
impérative si l’on veut renforcer les contrôles a posteriori qui doivent être privilégiés pour
améliorer le rendement, la qualité et la rapidité du service public ; les moyens de cette
redynamisation étaient de trois ordres: doter les inspections de personnels compétents,
redéfinir en les précisant les missions des inspections, enfin leur donner les instruments
personnels et financiers nécessaires.
Les tâches techniques varient évidemment d’un ministère à l’autre ; mais leur répartition
entre les directions répond partout à l’idée de spécialisation : par exemple le ministère de
la Justice comprend une direction des affaires civiles, une direction des affaires pénales
et des grâces, une direction de l’administration pénitentiaire et de la rééducation, une
direction des juridictions de proximité, sans oublier l’organisme de formation des
magistrats, l’Institut supérieur de la magistrature (loi du 3/10/2002, B.O. 2002, p. 1380) ;
certains ministères ont une structure beaucoup plus diversifiée ; c’est par exemple le
cas du ministère des Finances ou du ministère de l’Agriculture : l’organigramme de ce
dernier fait apparaître huit directions techniques (36) : enseignement agricole et recherche,
protection des végétaux et répression des fraudes, production végétale, équipement rural,
élevage, eaux et forêts et conservation des sols, vulgarisation agricole et réforme agraire,
conservation foncière et travaux topographiques (37).
Toutes ces unités sont à leur tour subdivisées sur la base du principe de spécialisation ;
les directions sont généralement constituées par des divisions, sous-directions ou services,
(35) Meshak (K.), « L’inspection générale dans l’administration publique », mémoire de cycle supérieur n° 11, 1981
(dactyl.), E.N.A.P.
(36) Dahir du 29/9/1977 relatif à l’organisation et aux attributions du ministère de l’Agriculture et de la Réforme
agraire, B.O. 1978, p. 871, modifié par le dahir du 26/11/1980, B.O. 1980, p. 835.
Cf. Jai (M.), « L’adaptation de l’administration agricole aux exigences du développement de l’agriculture marocaine »,
thèse de droit, Grenoble, 1982 (dactyl.).
(37) Cette dernière a été érigée en établissement public : Agence nationale de la conservation foncière, du cadastre et
de la cartographie, loi du 13/6/2002, B.O. 2002, p. 904, et D. du 27/8/2002, B.O. 2002, p. 907. Par ailleurs le régime
juridique de l’immatriculation foncière a été modifié par la loi 14-07 du 22 novembre 2011 (BO. 2011, p. 2519)
complétée par un décret du 14 juillet 2014 relatif aux formalités de l’immatriculation foncière, BO., 2014, p. 3838.
118
Le pouvoir central
la terminologie n’étant pas nécessairement uniforme ; enfin la cellule de base dans laquelle
s’effectue le travail administratif est le bureau.
(38) M. Birouk, « Rationalisation des structures et bonne gouvernance », REMALD, n° 34, 2000, p. 13.
119
Droit administratif marocain
publication de ce décret, de nombreux efforts ont été accomplis dans certains ministères
qui montrent parfaitement la nécessité et la difficulté de l’entreprise. Quelques exemples
illustreront cette affirmation.
Le ministère de l’Agriculture et de la Réforme agraire, issu de l’ancienne direction
néo-chérifienne de l’agriculture et des forêts comportait il y a quelques années des
directions qui jouissaient pratiquement d’une véritable autonomie dans la mesure où,
elles disposaient de la maîtrise des moyens qui leur étaient nécessaires ; il n’existait
pas d’instance capable de concevoir une politique pour l’ensemble du ministère dans le
domaine de la prévision, du personnel, ou de la formation professionnelle, parce que ces
diverses questions étaient traitées par les directions, chacune pour son propre compte : la
Direction des forêts gérait ainsi son personnel et une sorte de budget propre, elle avait la
responsabilité d’écoles professionnelles, ainsi que ses services d’étude.
Le but des diverses réformes entreprises a été de rassembler les compétences nécessaires
à l’élaboration d’une politique cohérente pour l’ensemble du ministère ; par exemple, c’est
à une direction des affaires administratives qu’ont été attribuées les compétences en matière
de personnel, de budget et de matériel, pour l’ensemble du ministère ; elle est également
chargée de la préparation des textes législatifs et réglementaires ; elle est aussi compétente
en ce qui concerne les problèmes d’organisation et méthodes. De la même façon, c’est au
terme d’un processus évolutif qu’a été finalement créée une direction de la planification
et des affaires économiques qui prend en charge toutes les tâches de conception, d’études
et de prévision, particulièrement importantes dans une administration moderne. Enfin, une
direction de l’enseignement agricole et de la recherche est responsable de l’élaboration de
la politique de formation initiale et permanente et de son articulation avec la politique de
recherche pour l’ensemble du département ; ces compétences ont été longtemps dispersées
entre les diverses directions (39).
La mise en œuvre de telles réformes est évidemment malaisée dans la mesure où elle
se heurte à des habitudes acquises parfois depuis longtemps, ainsi qu’au sentiment des
intéressés qu’ils sont amputés de responsabilités qui leur paraissent essentielles à leur
action (40).
La réforme des structures n’est donc pas seulement un problème technique ; elle est
aussi un problème dont les implications psychologiques sont nombreuses, ce qui rend
(39) Ces réformes semblent avoir été maintenues dans l’organisation actuelle du ministère telle qu’elle résulte du
décret du 13 mai 1993, B.O. 1993, p. 307.
(40) Des observations du même ordre ont pu être faites à la fin des années soixante lors de la création du service
administratif central au sein de la Division de l’administration générale au ministère des Finances et chargé de la
gestion du personnel et du matériel ainsi que de la formulation des propositions budgétaires du ministère, tâches
relevant auparavant de certaines directions (Douanes, Trésorerie).
120
Le pouvoir central
compte d’un phénomène observable dans toutes les organisations, celui de la résistance au
changement (41).
La redéfinition de l’organisation et des attributions des administrations centrales
est placée sous la responsabilité du ministère de la Modernisation des secteurs publics
aujourd’hui de la fonction publique et de la modernisation de l’administration, en liaison,
évidemment, avec les administrations concernées ; elle a précisément pour but de mettre
un terme aux diverses difficultés que l’on a relevées, et dans une certaine mesure elle y est
parvenue ; mais il faut insister sur le fait qu’en ce domaine rien n’est jamais définitif et que
l’adaptation des structures aux missions doit être une action permanente.
A la vague des réformes de structure réalisées à la fin des années soixante dix, a
succédé une nouvelle action réformatrice en application d’une circulaire du Premier
ministre du 26 février 1993. De nombreux textes ont été publiés en application de cette
circulaire (voir le document de janvier 1995 ministère des Affaires administratives, fiches
de projets, p. 65). L’ensemble des textes relatifs aux attributions et à l’organisation des
départements ministériels a été rassemblé dans une publication de la REMALD dans
sa collection Textes et documents n° 99-2004. Mais cela n’exclut pas que depuis cette
publication des modifications aient été apportées à l’organisation de différents ministères,
par exemple pour les plus récentes: décret du 8/8/2014 relatif à l’organisation et aux
attributions du ministère de l’urbanisme et de l’aménagement du territoire (B.O. 2015,
p. 620) et décret du 18/6/2014 relatif aux attributions et à l’organisation du ministère de
l’emploi et des affaires sociales (B.O. 2015, p. 229).
Dans toutes les administrations, il existe un certain nombre de tâches de haut niveau qui
exigent de la part de ceux auxquels elles sont confiées une qualification particulière ainsi
que la confiance de l’autorité hiérarchique supérieure ; celle-ci comme celle-là ne résultent
pas exclusivement de l’ancienneté dans les cadres de la fonction publique ; l’attribution
des tâches de direction, d’encadrement et de contrôle, qualifiées de “fonctions supérieures”
et les conditions de leur exercice appellent ainsi une réglementation particulière.
(41) Crozier et autres, « L’administration face aux problèmes du changement », Sociologie du travail, n° 3, 1966,
éd. du Seuil.
121
Droit administratif marocain
Cette réglementation initialement contenue dans un décret du 8 juillet 1963 (B.O. 1963,
p. 1216), a été modifiée par un décret du 30 décembre 1975 (B.O. 1976, p. 9), puis par un
dahir du 6 octobre 1987 (B.O. 1988, p. 62).
En 1963 la notion d’emplois supérieurs s’étendait sur trois niveaux : secrétaire général
de ministère, directeur d’administration centrale et inspecteur général ainsi que certains
emplois techniques assimilés, directeur adjoint.
Le décret de 1975 établit désormais quatre niveaux de fonctions supérieures : secrétaire
général, directeur et diverses fonctions de même niveau (inspecteur général, ingénieur
général, inspecteur général des finances, médecin inspecteur général, vétérinaire inspecteur
général), chef de division, appellation qui se substitue à celle de directeur-adjoint, et enfin
chef de service, ce qui constitue la nouveauté la plus importante en raison du nombre
appréciable de postes de ce type existant dans l’ensemble des administrations centrales.
Mais cette extension est encore plus remarquable du fait que le décret semble soumettre au
même régime les emplois de chef de service et de chef de division des services extérieurs.
Après l’édiction d’un texte particulier concernant les secrétaires généraux en 1993, il
a été publié un décret consacré à l’emploi supérieur de directeur d’administration centrale
(16 juin 1997, B.O. 1997, p. 591). Ce texte précise les fonctions des directeurs qui sont
chargés de la mise en œuvre de la politique générale du département au sein de leur
direction, et qui assistent le secrétaire général dans la gestion des services.
Ils peuvent recevoir délégation de signature du ministre à l’exception des actes
réglementaires. Le décret précise en outre le montant d’une rémunération forfaitaire et les
diverses indemnités et avantages fonctionnels attachés à l’exercice de cette responsabilité.
D’une façon générale les nominations aux fonctions supérieures sont essentiellement
révocables.
La nomination aux emplois civils des administrations publiques relève du Chef
du gouvernement en vertu de l’article 91 de la Constitution mais la nomination des
secrétaires généraux, directeurs et personnels assimilés relève du Chef du Gouvernement
après délibération du Conseil de gouvernement (article 92). Naturellement sur la base
de délégation du pouvoir les nominations aux autres fonctions sont effectuées par arrêté
ministériel ; les arrêtés de nomination doivent être préalablement visés par l’autorité
gouvernementale chargée de la fonction publique. Les nominations aux fonctions de
secrétaire général, directeur et personnel exerçant des fonctions assimilées sont totalement
discrétionnaires mais doivent respecter un certain nombre de conditions liées aux principes
d’égalité des chances, de non discrimination et de parité hommes-femmes, de mérite,
de compétence et de transparence qui ont été précisées par la loi organique 02-12 du
17 juillet 2012 (B.0. 2012, p. 2487) prévue par les articles 49 et 92 de la Constitution.
En outre la loi organique pose les critères de nomination: jouissance des droits civils et
122
Le pouvoir central
123
Droit administratif marocain
124
Le pouvoir central
ingénieurs et architectes (D. 9 janvier 1985, B.O. 1985, p. 94, modifié par le dahir du
4 février 1998, B.O. 1998, p. 115).
125
Droit administratif marocain
décision. Dans la plupart des cas, seule la consultation est obligatoire, mesure sage parce
que, à défaut de cette obligation, l’autorité qui décide est tentée de s’affranchir de cette
consultation.
De cette manière, les conseils peuvent jouer leur rôle orienté vers une meilleure
information de l’autorité administrative, mais aussi souvent vers l’harmonisation des points
de vues de ceux qui sont concernés par la décision projetée et enfin vers l’association des
intéressés à l’élaboration de la décision, association dont on peut espérer qu’elle facilitera
l’adhésion de ceux auxquels elle est destinée. Tout cela ne signifie évidemment pas que
l’autoritté qui décide tiendra compte de l’avis émis.
Section IV
Les organes locaux de l’administration d’Etat (42)
(42) Naciri (M.), « Pouvoir de commandement, espace rural et modernisation au Maroc », in Etat, pouvoir et espace
dans le Tiers-monde, P.U.F., 1977, p. 65 et suiv.
126
Le pouvoir central
L’énoncé théorique de cette mission est simple, mais la détermination des conditions
de son accomplissement est plus complexe. Deux difficultés principales doivent être
soulignées : l’une touche à la détermination des circonscriptions administratives, la
seconde concerne la coordination de l’action des services extérieurs. Un troisième aspect
de ce problème est lié à la mise en place d’une politique d’aménagement du territoire et
son corollaire la régionalisation.
127
Droit administratif marocain
doit donc être réalisée en tenant compte de la nécessité de faire face aux divers besoins
de la population et d’intégrer aussi étroitement que possible à la société qu’il doit servir,
l’appareil administratif territorial.
Une fois établie, l’aire d’intervention d’une administration donnée, il faut encore
préciser les circonscriptions géographiques dans lesquelles cette intervention sera
organisée.
Avant l’indépendance, les services extérieurs étaient principalement organisés dans le
cadre des régions. Depuis 1956, ces régions ont été remplacées par des préfectures et des
provinces qui ont été appelées à servir de cadre général à l’action des administrations de
l’Etat ; mais le fait que le nombre de préfectures et provinces ait été environ trois fois plus
élevé que le nombre des précédentes régions a posé le difficile problème de l’adaptation
de l’implantation des services extérieurs aux nouvelles circonscriptions provinciales.
Les nouvelles provinces, dont la création était amplement justifiée par la nécessité d’un
meilleur encadrement administratif du pays, se sont souvent trouvées dépourvues des
services extérieurs correspondants : cette situation de sous-équipement administratif les
a placées sous la dépendance du chef-lieu des anciennes régions, devenu chef-lieu de
province et doté d’une infrastructure administrative assez complète.
L’absence de coïncidence entre le découpage provincial et les circonscriptions
d’action des services extérieurs, engendrait de nombreuses difficultés. Pour y remédier,
une circulaire du Premier ministre du 25 février 1964 (B.O. 1964, p. 338) avait prescrit
aux administrations concernées d’entreprendre une action d’harmonisation de leurs
circonscriptions spécifiques avec le découpage provincial. En qualifiant cette tâche
d’impérative, le Premier ministre indiquait que les dérogations ne seraient admises que
de façon exceptionnelle ; en réalité cet objectif très ambitieux ne pouvait pas être atteint
sans de longs délais et il n’est pas sûr qu’il le soit, en fait et non sur le seul plan des
organigrammes ministériels, aujourd’hui (43) pour diverses raisons tenant à l’insuffisance
des moyens matériels et humains qu’il aurait fallu redéployer et surtout en raison des
nombreuses mutations de la carte administrative.
En effet le découpage provincial a été remis à l’étude de façon à remédier à ses
inconvénients tenant à l’étendue des provinces dans leur découpage antérieur et parfois à
leur manque d’homogénéité (44).
(43) Basri (D)., « L’agent d’autorité », mémoire pour le D.E.S. de science politique, Faculté de droit de Rabat, 1975,
p. 62 et suiv.
(44) Il est intéressant de constater que le problème du découpage territorial s’est posé en des termes identiques en
Algérie et en Tunisie ; le nombre des gouvernorats tunisiens a été porté de 13 à 18 en 1974 ; de même le nombre de
wilayates algériennes est passé de 15 à 31 en 1974, cf. Mahiou (A.), Cours d’institutions administratives, op. cit.,
p. 181 ; et à 48 en 1983.
128
Le pouvoir central
Ce mouvement, amorcé en 1974, s’est poursuivi depuis lors, mais il a été complété
par la création d’une structure territoriale de coordination dans les grandes agglomérations
urbaines: la wilaya,par exemple le grand Casablanca.
Finalement, aux termes du décret du 10 septembre 2003, le royaume était divisé en
17 wilayas groupant quarante neuf provinces et douze préfectures auxquelles s’ajoutent
les cinq préfectures du grand Casablanca ; la plupart des wilayas comportent à la fois des
préfectures et des provinces, les premières concernant les parties urbanisées de la wilaya
et les secondes englobant les parties à dominante rurale.
Ces restructurations territoriales ont ainsi pour conséquences de reposer le problème
de la mise en concordance des circonscriptions générales (préfectures et provinces) et des
circonscriptions spécialisées qui abritent les services extérieurs des administrations centrales.
Compte tenu du découpage actuel, il est clair que la mise sur pied d’une gamme
complète de services n’est absolument pas justifiée par la nature des tâches ou leur
ampleur ; elle ne l’est pas non plus du fait que les nouvelles circonscriptions, notamment
préfectorales, proviennent de la division des anciennes circonscriptions et qu’ainsi
les services extérieurs existant antérieurement au siège des anciennes circonscriptions
préfectorales ou provinciales, peuvent parfaitement assurer leur mission dans un cadre
géographique identique même avec un découpage administratif interne différent.
Toutefois, l’augmentation du nombre de ces divisions administratives laisse subsister
trois problèmes.
Le premier est aujourd’hui résolu ; c’est celui de la pénurie de cadres administratifs et
techniques qui peut aujourd’hui être surmonté en raison des résultats de la politique de
formation qui a été suivie depuis plusieurs décennies ; il demeure que la possession d’un
diplôme ne signifie pas aujourd’hui l’aptitude à exercer les fonctions que l’on attend d’un
administrateur ou d’un technicien compétent, compte tenu de la dégradation des conditions
de la formation, même universitaire !
Le second est celui qui demeure, de la réticence des cadres à accepter des affectations dans
des provinces excentrées qui ne présentent pas toujours les attraits, ni les mêmes commodités
que les provinces ou les préfectures dont le chef lieu est une grande ville, ou en tous cas une
ville disposant des principaux équipements, notamment en matière d’éducation et de santé.
Le recours au service civil a été fort utile pendant de nombreuses années pour combler
les vides dans les services des nouvelles circonscriptions. Il ne l’est plus aujourd’hui et c’est
la raison pour laquelle il a été supprimé (loi du 12 février 1997, B.O. 1997, p. 512) (45).
(45) Cf. M. Rahmouni, « L’expérience du service civil au Maroc », mémoire pour le doctorat, Faculté des Sciences
juridiques, économiques et sociales, Rabat, 1977.
129
Droit administratif marocain
Mais ainsi qu’on vient de le dire, ce n’est plus la pénurie de cadres qui constitue
le problème principal ; quant à la difficulté de faire accepter des affectations dans les
provinces éloignées, sa solution passe certainement par l’octroi d’avantages financiers,
mais aussi, sans doute, par des avantages de carrière ainsi que le recommandait le plan
quinquennal 1981-1985 (vol. 2, 3e partie, p. 294) de façon à faciliter une “régionalisation”
des affectations ; ce qui n’exclut évidemment pas une actualisation et une réévaluation du
taux des indemnités de résidence de façon à les rendre plus incitatives qu’elles ne le sont
actuellement.
Enfin, le troisième problème qui ne devrait pas être perdu de vue par ceux qui ont en
charge le découpage administratif du territoire c’est, bien sûr, celui du coût financier de
ces réformes, mais plus encore celui du coût humain et administratif qu’elles engendrent ;
la mutabilité incessante des circonscriptions perturbe le fonctionnement des services, et
plus encore, les relations des usagers avec ces derniers. Il est nécessaire de stabiliser une
fois pour toute, la carte administrative si l’on veut que celle-ci fasse en quelque sorte
“corps” avec la société qu’elle doit encadrer. C’est un problème qui se pose avec une
particulière acuité au moment où a été officialisée la nouvelle carte régionale (2015)
mais qui est un problème général que le législateur a décidé d’encadrer en définissant les
principes de délimitation des ressorts territoriaux des collectivités territoriales (loi 113-12
du 27 juillet 2013, BO. 2013, p. 2236) sur la base de l’article 71 de la Constitution qui fait
entrer dans le domaine de la loi « le régime des collectivités territoriales » qui y figurait
déjà, et « les principes de délimitation de leur ressort territorial » ce qui est nouveau. Cette
délimitation est effectuée par décret sur proposition du ministre de l’intérieur sur la base
de principes qui sont déterminés pour chaque catégorie de collectivités, régions,préfectures
et provinces et communes. S’il est difficile de résumer l’ensemble de ces principes,on
dira toutefois qu’ils exigent de la part des autorités responsables de ces opérations la
prise en compte de nombreux facteurs qui sont naturellement liés aux territoires, c’est à
dire aux réalités géographiques, économiques et humaines combinées avec les principes
de proximité et de subsidiarité variables évidemment selon les différentes collectivités
sans oublier les contraintes liées à la nécessité de respecter la carte administrative
existante ((46). En définitive il existe aujourd’hui douze wilayas correspondant aux douze
régions, treize préfectures, soixante deux provinces et mille cinq cent trois communes et
quarante et un arrondissements.
(46) A. Mecherfi : Découpage territorial : quelle cohésion pour les collectivités locales ? Développement local et
cohésion territoriale ? Université Mohammed V-Souissi 2010, p. 21.
T. Zair : « Le régime juridique relatif au découpage des collectivités territoriales (loi du 27 juillet 2013) », REMALD,
n° 117-118, 2014, p. 19.
130
Le pouvoir central
(47) Plan d’orientation pour le développement économique et social, 1988-1992, ministère délégué auprès du Premier
ministre chargé du Plan, 2e partie, p. 240 et suiv. « Les principales réalisations, les orientations et les perspectives de
développement au niveau régional ».
(48) Rousset (M.), « La nouvelle étape de la régionalisation au Maroc : le passé ne répond pas à l’avenir », R.F.A.P.,
1985, p. 477. « Aménagement du territoire et construction régionale : une expérience d’adaptation de l’administration
à l’espace », in Edification d’un Etat moderne, A. Michel, 1986, p. 231. Sedjari (A.), « Production et reconstruction
régionale dans le système d’organisation de l’espace périphérique marocain », in Etat, espace et pouvoir local,
Guessous éd., 1991, p. 75. Basri (D.), l’Administration territoriale, op. cit., p. 308 et suiv. Zriouli (M.), la Région
économique au Maroc, quel avenir ?, éd. Okad, 1990.
(49) M. Rousset, « La nouvelle région marocaine : un espace de développement économique et politique », RFAP,
n° 84, 1997, p. 619.
131
Droit administratif marocain
M. Mechichi Alami, Région + démocratie = développement, éd. Fondation Sidi Mechichi El Alami, Kénitra, 1997.
A. Raounak : « Aménagement du territoire et développement régional », in Une décennie de réformes au Maroc :
1999-2009, Karthala, 2009, p. 167. Rapport de la Commission consultative sur la régionalisation : La régionalisation
avancée, REMALD, coll. Textes et Documents, n° 241, 2011.
(50) M. Rousset, « La déconcentration régionale au Maroc : une avancée significative », in la Gestion déconcentrée des
investissements, REMALD, coll. « Textes et documents », n° 66, 2002, p. 17. Voir aussi : « L’option décentralisatrice
et régionale, ou les difficultés et les percées de la gestion administrative du territoire » in le Maroc possible, Rapport
du cinquantenaire, 2006, p. 80.
(51) Cf. Basri (D.), l’Administration territoriale, op. cit., p. 114 et suiv. Sur les pouvoirs du wali en Algérie :
Mahiou (A.) et Mario (A.), « La réforme de la wilaya », Revue algérienne des sciences juridiques, économiques et
132
Le pouvoir central
tournés vers l’administration centrale, les services extérieurs ont une tendance naturelle à
ignorer l’action de leurs homologues dans la circonscription. Cette ignorance peut parfois
même affecter des services dépendant d’un même ministère, lorsque ce dernier n’a pas
réalisé l’unité de commandement de ses propres services extérieurs : tel était par exemple
le cas des services extérieurs du ministère de l’Agriculture et de la Réforme agraire
avant que la réorganisation d’octobre 1971 aboutisse à la mise en place d’un comité de
coordination des services extérieurs du ministère dans le cadre provincial (note de service
du Secrétaire général n° 1608 IGS du 16 décembre 1971, relative aux attributions du
comité de coordination des services provinciaux).
De nouveaux progrès ont été réalisés dans cette voie avec la création depuis
janvier 1976 de directions provinciales de l’agriculture ; l’unité d’action peut ainsi être
assurée par le directeur, même lorsque pour des raisons d’opportunité il a été décidé de
créer des directions inter-provinciales.
Cloisonnement et réflexe hiérarchique ont pour effet de ralentir la prise des décisions et
de nuire à l’harmonisation des actions administratives.
Or le développement provincial suppose une association étroite des responsables des
services techniques à la préparation puis à la réalisation des programmes d’équipement ;
cette association devrait être encore plus indispensable à la mise en œuvre de la
politique de régionalisation qui doit pouvoir s’appuyer sur des programmes cohérents de
développement élaborés et exécutés grâce à l’action concertée de tous les responsables
administratifs territoriaux. Il est dès lors indispensable de donner à une autorité à
compétence générale les pouvoirs nécessaires pour imposer aux services extérieurs une
collaboration et une unité de vues dont dépend l’efficacité de leur action.
C’est dans cet esprit qu’ont été définies depuis 1963 les attributions du gouverneur et
qu’elles ont été renforcées par le dahir portant loi du 15/2/1977 (B.O. 1977, p. 341). Ce
qui vaut pour les gouverneurs vaut également pour les walis.
Nommé par dahir, le wali ou le gouverneur représente l’Etat dans wilaya,la province ou
la préfecture ; il veille à l’exécution des lois et, en tant que responsable de l’application des
décisions gouvernementales, il est également responsable de la gestion des services locaux
des administrations centrales.
Cette fonction de coordination, le gouverneur l’exerce grâce au comité technique
provincial ou préfectoral créé en 1977 ; ce comité rassemble les principaux responsables
administratifs de la province ou de la préfecture : secrétaire général, chefs de cercles, chefs
des services extérieurs des administrations civiles de l’Etat, directeurs des établissements
politiques, 1969, p. 1136. Pour la Tunisie, cf. Lucchini (L.), « L’administration tunisienne », Bulletin de l’I.I.A.P.,
1969, p. 79 et suiv. ; Ben Achour (Y.), Droit administratif, op. cit., p. 142 et suiv.
133
Droit administratif marocain
publics locaux. Le comité doit se réunir au moins une fois par mois sur convocation du
gouverneur.
Le décret du 20 octobre 1993 relatif à la déconcentration (B.O. 1993, p. 630), charge ce
comité de proposer les mesures de déconcentration administrative et la création éventuelle
des services extérieurs qui seraient jugés nécessaires pour répondre aux besoins des usagers.
Il va de soi que le bon fonctionnement de ce comité suppose que le gouverneur
trouve, au chef lieu de son commandement, les représentants qualifiés des différents
services administratifs, ce qui peut parfois n’être pas le cas, compte tenu de la création de
nombreuses nouvelles circonscriptions provinciales et préfectorales.
Ce problème, dont nous avons vu qu’il se posait depuis longtemps, doit impérativement
trouver une solution pour que l’unité d’action puisse s’imposer réellement sur le terrain.
Mais le pouvoir de coordination du gouverneur suppose aussi que les mécanismes
juridiques appropriés soient mis en place. Le texte de 1977 a souvent été interprété de façon
minimaliste. Il a fallu attendre un décret du 20 octobre 1993 pour que soient définies les
modalités que pouvaient prendre les décisions de déconcentration des pouvoirs ministériels
soit au profit des chefs des services extérieurs, soit au profit des gouverneurs (art. 3).
Sans doute le dahir de 1977 prévoyait la possibilité d’instituer le gouverneur sous-
ordonnateur des crédits d’investissement à caractère provincial ou préfectoral ; mais en
pratique cette possibilité n’a été que rarement utilisée.
Le décret de 1993 prévoit cette possibilité au profit des chefs des services extérieurs,
mais son application relève du bon vouloir ministériel. Il conviendrait que le gouverneur
soit délégataire de plein droit de cette compétence ; mais il est douteux que les autorités
ministérielles y soient favorables !
Sans doute le dahir du 6 octobre 1993 (B.O. 1993, p. 537) a-t-il prévu que les ministres
puissent donner délégation aux gouverneurs pour signer ou viser tous actes concernant
les activités de leurs services dans les limites territoriales de la préfecture ou la province.
Mais on peut objecter de la même façon, que cette délégation est soumise à un facteur
aléatoire : la bonne volonté du ministre sur laquelle il n’est pas sûr que puissent prévaloir
les propositions du comité technique préfectoral ou provincial qui doivent en outre être
avalisées par la commission permanente de déconcentration instituée auprès du Premier
ministre par le décret du 20 octobre 1993.
On doit naturellement rappeler que la nature des fonctions du gouverneur a conduit à lui
confier la présidence de nombreux organismes qui touchent le développement provincial,
préfectoral ou régional au sein desquels on trouve, notamment, les représentants des
administrations concernées par l’objet de l’organisme, et toujours par le développement,
134
Le pouvoir central
la province, la préfecture ou la région ; tel était le cas du comité technique des offices
régionaux de mise en valeur agricole, mais aussi des conseils régionaux de l’environnement
(1995), des conseils régionaux de la culture (1995), des commissions locales des zones
franches (1995), des commissions provinciales ou préfectorales de l’eau (1998), etc.
Le dahir portant loi du 6 octobre 1993, modifiant le texte de 1977 relatif aux
attributions des gouverneurs (B.O. 1993, p. 536), traduit parfaitement ces préoccupations
en disposant expressément que le gouverneur coordonne l’activité des services extérieurs
des administrations de l’Etat et des établissements publics implantés dans les limites de la
province ou de la préfecture (art. 5), qu’il doit être informé des activités de ces services
par l’envoi des programmes d’action et directives provenant des ministres intéressés ainsi
que des rapports et comptes rendus qui leur sont destinés.
L’article 5 bis est enfin consacré au comité technique provincial ou préfectoral (52).
Il reste qu’en pratique, la situation n’a pas sensiblement évolué ce qui confirme ce
que les expériences étrangères ont souvent démontré, à savoir qu’il faut une volonté
politique continue, et au plus haut niveau, pour faire passer dans la réalité les politiques
de déconcentration.
Au niveau de la région, le problème se pose de manière identique et d’autant plus
impérative qu’avec la création de la région et le renouveau de la politique d’aménagement
du territoire et de régionalisation, le Wali devra impérativement disposer du pouvoir de
coordination, d’impulsion, de contrôle et de suivi de ces services extérieurs.
Mais si l’on en juge par les invitations réitérées du Chef de l’Etat aux gouvernements
successifs de « préparer une charte de la déconcentration afin de mettre en place un
système efficace d’administration déconcentrée qui marque une rupture effective avec
la pratique d’un centralisme figé » (2008), on peut penser que les résistances ne sont pas
encore surmontées.
La lecture de l’avis du Conseil économique, social et environnemental consacré à la
mise en œuvre de l’INDH (Bulletin Officiel 2013, p. 1952), ne peut que renforcer ce doute.
En effet le CESE souligne la nécessité d’assurer une meilleure intégration de l’INDH
dans une vision globale de développement tant au niveau national en renforçant sa mise
en œuvre en convergence avec les programmes sociaux et sectoriels, qu’au niveau des
plans de développement des communes. Et il ajoute : « La déconcentration effective des
services extérieurs et le renforcement de la décentralisation favoriseraient cette intégration
et permettraient plus d’efficacité et d’efficience dans la mise en œuvre des actions. Les
budgets des ministères pourraient, en attendant la concrétisation d’une véritable
(52) Cf. Rapport de MM. les gouverneurs sur l’évaluation de la coordination des services extérieurs, in l’Administration
territoriale, l’expérience marocaine, op. cit., p. 126.
135
Droit administratif marocain
(53) Sur ce problème on consultera les documents diffusés lors du VIIe colloque national des collectivités locales de
1998 et notamment :
– la déconcentration corollaire de la décentralisation ;
– les collectivités locales au Maroc ;
(Publications du ministère de l’Intérieur).
136
Le pouvoir central
137
Droit administratif marocain
remodelage provincial qui a été réalisé ces dernières années (23 provinces en 1974, 44 en
1991, 45 en 1998,62 en 2015) a eu pour but de rapprocher l’administration des administrés
et donc, en principe, de faciliter les interventions administratives. Ce souci se manifeste
également en ce qui concerne les échelons inférieurs.
Les provinces et préfectures sont en effet divisées en cercles ; on en compte en
moyenne trois ou quatre par province ou préfecture.
Les limites du cercle sont tracées en fonction de diverses données locales qu’il convient
de respecter et qui sont d’ordre géographique, économique, voire tribal.
A leur tour les cercles regroupent des circonscriptions rurales (caïdats dont le nombre
moyen est de trois ou quatre ; quant aux grandes villes, elles sont divisées en districts et
en arrondissements (54). Il existe environ 400 arrondissements et 85 districts, créés et
délimités par arrêtés du ministre de l’Intérieur.
Enfin à la base de la pyramide, se trouvent les communes urbaines et rurales(depuis
2013 on ne fait plus de distinction et il s’agit uniquement de l’appellation « commune ») ;
normalement chaque caïdat couvre deux à trois communes depuis le nouveau découpage
communal.
La croissance démographique, l’étendue souvent excessive du territoire communal
dans les campagnes et certaines imperfections de ce découpage effectué en 1959, ont
conduit les autorités à préparer une nouvelle carte communale qui a fait passer le nombre
des communes d’un peu plus de 830 au chiffre actuel de 1 503.
Si la nouvelle carte communale, malgré les inconvénients inhérents à toute modification
des circonscriptions, est relativement satisfaisante dans le monde rural, il n’en va de
même en milieu urbain où le découpage avait brisé l’unité de gestion de la ville, malgré
l’existence des communautés urbaines dont la création ajoutait encore à la complexité de
l’administration décentralisée ; c’est pourquoi elles ont été supprimées en octobre 2002.
La réforme de la charte communale s’est orientée en 2002 vers un retour à l’unité de
gestion de la ville, même si, comme on le verra, il reste nécessaire de tenir compte de la
spécificité des divers quartiers qui constituent le tissu urbain par la création des communes
divisées en arrondissements en 2009, innovation conservée parla loi organique n° 113-14
relative aux communes du 7 juillet 2015.
(54) Zyani (B.), « L’arrondissement urbain au Maroc », thèse de 3e cycle, Paris, 1982 (dact.), qu’il ne faut pas
confondre avec les arrondissements créés par la Charte communale du 3 octobre 2002 et maintenus dans la loi
organique du 7 juillet 2015 relative aux communes.
138
Le pouvoir central
(55) Cf. Basri (D.), l’Agent d’autorité, op. cit. et l’Administration territoriale, op. cit.
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Le pouvoir central
agents d’autorité et qui pourrait les absorber s’il advenait qu’ils doivent être déchargés de
leurs fonctions. Ce corps est régi par le dahir du 1er mars 1963. Le statut a été appliqué
immédiatement aux nouveaux recrutements ; des dispositions particulières ont été prévues
pour la constitution de ce corps ; elles concernent l’intégration des agents en place ; le dahir
de 1963 n’a pas prévu de mesure d’intégration générale parce que le niveau médiocre des
agents d’autorité s’y opposait. Au début de l’année 1964, le tiers environ de l’effectif de ces
agents ne dépassait pas le niveau du certificat d’études primaires, et trois seulement d’entre
eux étaient titulaires d’une licence d’enseignement supérieur. S’il est vrai que la possession
de diplômes d’enseignement n’est pas à elle seule un critère suffisant de l’aptitude aux
fonctions, elle en est cependant une condition souvent nécessaire, au même titre que la
connaissance des réalités administratives et humaines. Aussi le législateur a-t-il confié à
des commissions le soin d’étudier cas par cas les dossiers d’intégration des agents en place.
Ces commissions ont eu pour tâche de proposer l’intégration des agents les plus
méritants à la condition qu’ils en aient fait la demande. Les opérations devaient
initialement être terminées avant le 31 décembre 1965 ; ce terme a été repoussé au
31 décembre 1967 (56), date depuis laquelle sont définitivement abrogés les textes qui
régissaient antérieurement les agents d’autorité (57).
Enfin, un dahir du 27 juillet 1970 a fait bénéficier de la procédure d’intégration dans le
cadre des administrateurs et administrateurs adjoints, les agents recrutés entre le 1er mars
1965 et le 31 décembre 1967 ; la même possibilité a été offerte à certaines catégories
d’agents appartenant aux cadres organisés par le statut particulier du personnel du
ministère de l’Intérieur édicté par le décret royal du 2 février 1967 (B.O. 1967, p. 172).
Les opérations d’intégration ont été délicates à mettre en œuvre en raison du caractère
contradictoire des données du problème : l’intérêt du service et d’une politique raisonnable
de la fonction publique conduisait à refuser l’intégration à la plus grande partie du
personnel concerné qui ne possédait pas la formation requise pour accéder à un tel niveau
statutaire ; en revanche, l’aspect humain que présentait pour ces agents le problème de
l’intégration, militait en faveur de la stabilisation de leur situation ; c’est sur la base de
compromis successifs entre le ministère de l’Intérieur d’une part et les services de la
fonction publique d’autre part, que la question a été tranchée : la grande majorité des
agents a été intégrée dans le cadre des administrateurs adjoints, un nombre plus limité dans
le cadre des administrateurs ; enfin, pour ceux dont le niveau de formation était vraiment
trop bas, une solution a consisté à leur permettre l’intégration dans le cadre des secrétaires
principaux créé par le statut particulier du personnel du ministère de l’Intérieur.
141
Droit administratif marocain
2. Le contenu du statut
Le corps des administrateurs du ministère de l’Intérieur comporte deux cadres,
administrateurs-adjoints et administrateurs, ainsi que l’emploi supérieur d’administrateur
principal.
Les administrateurs-adjoints, répartis en trois classes plus une classe de stagiaires, sont
nommés par arrêté du ministre de l’Intérieur parmi des candidats âgés de vingt-cinq à
trente-cinq ans, possédant le diplôme de l’Ecole nationale d’administration ou un diplôme
équivalent. Les candidats titulaires d’une licence d’enseignement supérieur peuvent être
nommés directement à la deuxième classe de ce cadre. Les administrateurs-adjoints ont
vocation à occuper certains emplois ou fonctions dont le nombre a d’ailleurs été augmenté
par le dahir du 16 février 1977 qui a modifié le statut particulier de 1963 : ils peuvent
ainsi accéder à certains emplois de l’administration centrale et des services extérieurs du
ministère de l’Intérieur (préfectures, provinces et municipalités), et d’autre part à certaines
fonctions : gouverneur, secrétaire général de préfecture ou de province, chef de cabinet
de gouverneur, chef de division préfectorale ou provinciale des affaires économiques et
sociales, chef de cercle, chef de bureau de cercle, chef de circonscription urbaine ou rurale
(pacha et caïd). La nouveauté consistait en ce que certaines fonctions, telles que celles de
gouverneur ou de secrétaire général de province, leur étaient désormais accessibles, ce
(58) Décret royal du 27 septembre 1965, B.O. 1965, p. 1364 ; décret royal du 25 avril 1967, B.O. 1967, p. 493.
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Le pouvoir central
(59) Dahir du 2 janvier 1987 modifiant et complétant le dahir du 1er mars 1963 portant statut particulier des
administrateurs du ministère de l’Intérieur (B.O. 1987, p. 116).
(60) Dahir du 1er février 1999 modifiant et complétant le dahir du 1er mars 1963 précité (B.O. 1999, p. 136).
143
Droit administratif marocain
marquantes sont l’interdiction du droit de grève et du droit syndical ; ils peuvent seulement
constituer des associations pour la défense de leurs intérêts moraux ou matériels.
A la fin de l’année 1980, a été créée la Fondation Hassan II pour les œuvres sociales des
agents d’autorité du ministère de l’Intérieur (D.L. du 8 octobre 1980, B.O. 1980, p. 759)
qui a pour objet de développer l’entraide familiale et sociale au profit de ces agents.
144
Le pouvoir central
Les personnels recrutés au tour de l’extérieur ne sont cependant pas titularisés par
l’effet de leur nomination. En revanche, les agents issus du corps des administrateurs ont
la certitude de pouvoir poursuivre une carrière normale malgré les aléas qui peuvent peser
sur l’exercice des fonctions d’autorité qui leur seront éventuellement confiées.
Le nouvel article 27 du statut particulier leur donne en effet une garantie de
réaffectation à l’administration centrale ou dans les services extérieurs pour le cas où ils
seraient déchargés de leur fonction d’autorité.
Sans méconnaître les mérites des recrutements extérieurs au corps des agents d’autorité
des gouverneurs et des walis, il convient de ne pas perdre de vue que ces recrutements
peuvent avoir un effet pervers ; en effet s’ils bénéficient de façon excessive à des personnes
extérieures aux personnels du département (administrateurs principaux et administrateurs
du ministère de l’intérieur) ils peuvent avoir un effet démoralisant pour ces personnels
qui peuvent légitimement espérer occuper ces emplois supérieurs de l’administration
territoriale dans laquelle ils ont effectué une grande partie de leur carrière. En outre il
n’est pas certain que le fait d’avoir exercé des fonctions même importantes dans le secteur
privé,soit un gage de compétence pour occuper un poste d’administration territoriale à la
tête d’une wilaya, d’une préfecture ou d’une province.
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Le pouvoir central
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Droit administratif marocain
khalifas de caïds de 2° grade.Enfin les khalifas de caïds principaux sont nommés parmi les
caïds de premier grade qui ont au moins dix années de service en cette qualité, au choix et
après inscription au tableau d’avancement. Le nombre des khalifas de caïds principaux ne
peut dépasser 40% de l’effectif total des khalifas de caïds de premier grade.
L’échelonnement indiciaire de ces différents grades est fixé par décret.
Les obligations imposées à ces agent sont précisées par les articles 10 et suivants du
décret qui renvoient à certaines dispositions du dahir du 1er mars 1963 qui imposent la
non appartenance à un parti politique ou à un syndicat, le refus de la cessation concertée
du service,en clair le refus du droit de grève, l’exercice des fonctions même au delà
des horaires normaux du service, le respect de la discipline, l’obligation de réserve et
du secret professionnel même après la cessation définitive des fonctions, ce qui devra
d’ailleurs se combiner avec le droit constitutionnel à la communication de l’information ;
l’obligation de résidence facilitée par la mise à disposition des agents de logements de
fonction. Des dérogations exceptionnelles sont possible. Les agents d’autorité ne peuvent
exercer d’autres activités professionnelles même occasionnelles, même non rémunérées,
quelle qu’en soit la nature. Des dérogations sont possibles sur autorisation du ministre
de l’intérieur pour des activités d’enseignement ou de recherche. Ces interdictions ne
concernent pas la production d’œuvres littéraires, scientifiques ou artistiques à la condition
de ne pas mentionner l qualité d’agent d’autorité de leur auteur sauf autorisation par le
ministre de l’intérieur.
Les agents d’autorité sont soumis à la déclaration obligatoire de leur patrimoine.
Ces agents sont assujettis à une mobilité périodique qui entraîne leur affectation
dans des commandements classés en zones. La liste de ces commandements relevant de
chaque zone est arrêtée par le ministre de l’intérieur. Les agents sont tenus d’accepter ces
affectations ; leur refus est considéré comme un abandon de poste.
Les agents ont droit à une rémunération, aux indemnités primes et avantages divers
institués par les textes réglementaires en vigueur. Leur régime indemnitaire est fixé par
décret.
Enfin les agents d’autorité font l’objet d’un évaluation annuelle de leur compétence,
de leurs rendement et de leur comportement selon des critère fixés par voie réglementaire.
L’avancement de grade et d’échelon est effectué de manière continue en fonction de
la notation qui découle de l’évaluation de la manière de servir des intéressés. Le rythme
d’avancement ainsi que les modalités des reclassements sont fixés par décret. Le ministre
de l’intérieur peut soumettre à la décision du Roi une proposition de promotion en
faveur d’un agent qui s’est particulièrement distingué par sa compétence, sa droiture, son
abnégation et son sens du devoir.
148
Le pouvoir central
Les conditions d’intégration et les modalités de reclassement des agents sont fixées par
décret. Par ailleurs les administrateurs principaux et les administrateurs du ministère de
l’intérieur ont vocation à occuper certaines catégories d’emplois à l’administration centrale
et dans les services extérieurs du ministère de l’intérieur. Mais ils peuvent également
occuper certaines fonctions relevant du corps des agents d’autorité.
Le dahir est accompagné par la publication de plusieurs décrets du 24 octobre 2008, le
décret n° 2-08-531 fixant l’échelonnement indiciaire des gouverneurs de préfecture et de
province, des administrateurs principaux, des administrateurs et administrateurs adjoints
du ministère de l’intérieur, le décret n° 2-08-532 fixant les conditions d’intégration
et de reclassement des agents d’autorité au titre du dahir du 31 juillet 2008, le décret
n° 2-08-533, fixant les indemnités et avantages alloués aux walis et gouverneurs (B.O.
2008, p. 1510 et s.).
149
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Le pouvoir central
Nommés par le gouverneur, ces agents n’ont pas un statut juridique précis ; assimilés
parfois à des agents temporaires, ils perçoivent une indemnité mensuelle. Leur situation a
fait l’objet d’une attention particulière des pouvoirs publics au cours de deux journées de
réflexion consacrée à l’étude de leur fonction (aspects juridiques, matériels et financiers)
en mars 1991. Des propositions ont été faites tendant à la création d’un cadre administratif
qui serait propre aux auxiliaires d’autorité ainsi qu’à l’amélioration de leur situation
matérielle et sociale et à la mise en place d’un mécanisme permettant leur avancement.
Ces suggestions ont été prises en considération par les pouvoirs publics qui préparaient
un projet de décret en ce sens ; ce projet devait accorder aux auxiliaires d’autorité le
bénéfice des salaires versés aux agents temporaires en fonction dans les administrations
publiques, ainsi que le versement d’une prime d’ancienneté ; les auxiliaires d’autorité
pourraient également prétendre au versement des prestations familiales et au bénéfice des
droits à congés dans les mêmes conditions que les agents temporaires de l’Etat. Mais il
semble que ce projet n’ait pas pu aboutir du moins pour l’instant probablement en raison
du coût de l’opération étant donné le nombre important de ces agents.
Quoi qu’il en soit ces agents conservent aujourd’hui toute leur utilité pour assurer
cette liaison indispensable entre les agents d’autorité et la population que ce soit en milieu
rural ou en milieu urbain. Les augmentations de rémunération qui viennent leur être
accordées (2016) sont la reconnaissance de la part de l’Etat de leur utilité, avant que cette
reconnaissance ne se manifeste par la mise sur pied de leur statut.
151
Droit administratif marocain
développées antérieurement par le dahir portant loi du 15 février 1977 (B.O. 1977, p. 341)
conformément à la place centrale que ces agents occupent au sein de l’administration
territoriale.
Le Wali dans la région ou le gouverneur dans la préfecture ou la province représente le
pouvoir central ; à ce titre il est la plus haute autorité administrative dans la circonscription.
De là découlent ses attributions et ses pouvoirs. Il est investi d’une compétence générale
qui s’étend aux domaines politique, administratif, économique et social.
Cette compétence dans le domaine politique est aussi importante qu’imprécise : on
peut dire que ces agents assurent une mission générale d’information du gouvernement
sur l’évolution de l’opinion à l’égard des principaux problèmes locaux ou nationaux ; ils
doivent également informer les administrés des projets et décisions gouvernementaux
en ce qui concerne ces mêmes problèmes ; la multiplication des contacts personnels
est évidemment essentielle pour le bon accomplissement de cette mission et pour
l’assurer dans les meilleures conditions, ils doivent nécessairement s’appuyer sur un
échelon administratif constitué par la division des affaires générales. Dans le domaine
administratif, les walis et gouverneurs « assurent l’exécution des lois, mettent en œuvre
les règlements et les décisions gouvernementaux et exercent le contrôle administratif ». De
très nombreux textes leur attribuent des compétences diverses dont le nombre s’accroît par
le jeu des délégations ministérielles. Par ailleurs le gouverneur joue un rôle important dans
l’exercice du contrôle administratif des communes, des préfectures et des provinces ainsi
que des régions en vertu des dispositions des lois organiques relatives aux collectivités
territoriales du 7 juillet 2015.
Dans sa mission d’exécution des lois et des règlements le wali ou le gouverneur
est habilité conformément aux textes en vigueur à prendre par arrêté les mesures
réglementaires ou individuelles nécessaires.
Toutefois, la loi 34-85 promulguée par le dahir du 29 décembre 1986 (B.O. 1987,
p. 10) a ajouté un article 10 bis au texte de 1977 ; aux termes de cette loi, ces pouvoirs
sont délégués au pacha dans les municipalités désignées par voie réglementaire ; le pacha
peut exercer en outre par délégation du gouverneur les pouvoirs de police administrative
municipale qui sont attribués à ce dernier par l’article 110 de la loi organique relative aux
communes.
Walis et gouverneurs sont responsables du maintien de l’ordre ; ils sont donc autorité de
police administrative ; ils exercent ces pouvoirs de police par voie d’arrêtés réglementaires
ou individuels et peuvent mettre en œuvre la force publique pour en faire respecter les
prescriptions. Ils disposent des forces auxiliaires, et, en cas de besoin, ils peuvent faire
appel aux personnels de police (sûreté nationale), à la Gendarmerie royale et aux Forces
armées royales.
152
Le pouvoir central
Les conditions du recours à la force publique ont été précisées par une circulaire
du Président du conseil du 3 janvier 1959 (B.O. 1959, p. 90) et le dahir portant loi du
15 février 1977. Bien qu’il ne s’agisse pas d’une compétence administrative, il convient
de signaler ici les pouvoirs d’officier de police judiciaire attribués au gouverneur par
l’art. 33 du code de procédure pénale. Sa compétence est limitée matériellement aux
seuls crimes et délits contre la sûreté intérieure ou extérieure de l’Etat ; en outre il ne peut
l’exercer que s’il n’a pas connaissance que l’autorité judiciaire est saisie ; ces pouvoirs ne
lui sont attribués que pendant une durée limitée à trois jours à l’expiration desquels il doit
transmettre au procureur du Roi les pièces qu’il a pu saisir et les personnes arrêtées.
Le gouverneur est une autorité de contrôle, d’impulsion et de coordination de l’action
des services de l’Etat implantés dans la province ; par cette formule on voudrait indiquer
que l’on est ici au centre de la mission confiée au gouverneur ; cela est si vrai que l’essentiel
de la réforme réalisée par le texte de 1977 consacré aux gouverneurs est constitué par les
dispositions qui tendent concrètement à leur permettre d’assumer effectivement cette
mission. La Constitution officialise d’ailleurs cette mission en disposant que « sous
l’autorité des ministres concernés, ils coordonnent les activités des services déconcentrés
de l’administration centrale et veillent à leur bon fonctionnement » (art. 145-4°).
Cette fonction de coordination est essentielle pour lutter contre le cloisonnement des
services et le réflexe hiérarchique qui poussent les fonctionnaires à ne tenir compte que
des décisions et directives émanant des services centraux des départements ministériels ou
des offices nationaux. Pour ce faire, le gouverneur doit coordonner l’activité des services
extérieurs des administrations civiles de l’Etat et des établissements publics dont le ressort
territorial ne dépasse pas celui de la province ou de la préfecture ou de la région pour le
wali ; au niveau provincial ou préfectoral l’instrument de cette coordination réside dans le
comité technique préfectoral ou provincial placé sous la présidence du gouverneur et qui
rassemble le secrétaire général de la province, les chefs de cercles, les chefs des services
extérieurs et les directeurs d’établissements publics ; ce comité se réunit sur convocation du
gouverneur et au moins une fois par mois. Le rôle de ce comité est essentiel puisqu’il est
chargé d’assister le gouverneur dans l’élaboration des mesures d’exécution des décisions
concernant le développement économique et social de son commandement territorial. S’il
ne possède plus de compétence exécutive à l’égard des collectivités territoriales, l’article
145-3° de la Constitution le charge « d’assister les présidents des collectivités territoriales
et notamment des présidents des Conseils des régions dans la mise en œuvre des plans et
des programmes de développement ».
L’autorité du gouverneur sur les fonctionnaires de l’Etat en service dans la province
ou la préfecture a été renforcée par les différents textes publiés en 1993, notamment le
dahir portant loi du 6 octobre 1993 modifiant l’art. 5 du dahir de 1977 sur les pouvoirs du
gouverneur ; sa mission de coordination avait d’ailleurs été explicitée par la lettre royale
153
Droit administratif marocain
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Le pouvoir central
155
Droit administratif marocain
Section V
De la Promotion nationale à l’INDH
(65) V. Promotion nationale, 1964, et Promotion nationale, Bilan 1961-1966 (1967), Délégation générale à la promotion
nationale. S. Jemily, « La crise de la promotion nationale », mémoire de cycle supérieur, ENAP, 1979 (dactylo.).
156
Le pouvoir central
choisis de telle sorte qu’ils contribuent directement à l’amélioration des conditions de vie
des fellahs ; la population qui participe à l’opération est ainsi en même temps bénéficiaire
de ses résultats. Le but est donc essentiellement d’utiliser la force de travail inemployée à
des travaux faisant appel à des moyens techniques limités et n’exigeant que des moyens
financiers réduits. En outre, ces travaux doivent directement contribuer à l’élévation du
niveau de vie et principalement à l’accroissement des ressources alimentaires ; au premier
rang des travaux de Promotion nationale figurent donc la défense et la restauration des
sols, les travaux de petite hydraulique, la reforestation, etc., mais sont également inscrits
sur ces programmes des travaux qui permettent d’améliorer les conditions d’existence
des populations rurales : équipements collectifs, habitat, moyens de communication. Les
objectifs de la Promotion nationale étant principalement le développement des campagnes,
il importe que les programmes soient équilibrés de façon à comprendre surtout des travaux
dont le rendement économique apparaisse à court terme ; cet impératif n’a pas toujours été
respecté et les travaux ont parfois été principalement constitués par des entreprises n’ayant
pas de rentabilité économique rapide (défense et restauration des sols), voire aucune
rentabilité économique directe (équipements administratifs et sociaux).
Au demeurant depuis quelques années, l’idée s’est imposée que le monde rural étant
victime d’un sous-équipement rendu plus aigu par l’expansion démographique, le recours
à la Promotion nationale pour y faire face était pleinement justifié ; enfin, nombreux sont
ceux qui estiment que l’action de la Promotion nationale devrait également s’étendre à
l’ensemble des collectivités locales, y compris les collectivités urbaines ; c’est ce qui ressort
des recommandations du colloque des collectivités locales (Marrakech, décembre 1977) et
que traduit le plan quinquennal 1981-1985.
Toutefois, les critiques portant sur les conditions d’élaboration des programmes
subsistent ; lors du débat budgétaire de décembre 1977, la commission parlementaire
compétente avait exprimé l’avis selon lequel les programmes d’équipement de la
Promotion nationale étaient caractérisés par une regrettable absence de stabilité.
157
Droit administratif marocain
l’on appelle une administration de mission ; cette caractéristique que les créateurs de la
Promotion nationale désiraient lui imprimer apparaît dans ses structures nationales et dans
son organisation provinciale.
(66) Pour l’évolution de cette composition depuis 1963, voir la 5e édition de cet ouvrage (1992).
158
Le pouvoir central
159
Droit administratif marocain
concernées du fait que ce sont souvent leurs ressortissants qui sont employés sur les
chantiers et qu’elles sont les bénéficiaires des travaux ; cela s’est traduit par le fait que
la promotion nationale a été confiée à une direction intégrée à la direction générale des
collectivités locales dans l’organigramme du ministère de l’Intérieur tel qu’il résulte
du décret du 15/12/1997 (B.O. 1998, p. 80,modifié par le décret du 27 décembre 2004,
BO., 2005, p. 50).
Quelle que soit la solution retenue à cet égard, il demeure que la Promotion nationale est
par sa nature une activité qui ne peut se développer qu’avec la collaboration des principaux
départements ministériels. Ceci se traduit dans la composition du comité technique de la
Promotion nationale et dans les pouvoirs reconnus au responsable de celle-ci.
Le comité technique est en effet composé de telle sorte que soient représentés en son
sein les diverses administrations et offices qui sont concernés par les programmes de
Promotion nationale. Quant au responsable, il dispose d’attributions étendues ; il peut
faire appel à tout fonctionnaire et agent de l’administration ou des offices ; il peut obtenir
communication de tout document utile, il est membre de droit des conseils d’administration
des offices régionaux de mise en valeur et du comité technique du Fonds d’équipement
communal. Enfin, il a qualité pour coordonner, en faisant appel évidemment à l’autorité de
rattachement, l’activité des administrations et établissements publics qui concourent à la
réalisation des programmes.
160
Le pouvoir central
§3. L’INDH (69)
C’est par le discours royal du 18 mai 2005 qu’a été annoncé le lancement de cette
initiative qui tend à répondre au mauvais classement du Royaume situé à la 130° place
dans le classement des pays qui se signalaient par de mauvais résultats en matière de
développement humain.
Les objectifs de cette initiative reposent sur quatre chantiers principaux: la lutte contre
la pauvreté et spécialement la pauvreté en milieu rural, la lutte contre l’exclusion sociale
spécialement en milieu urbain, la lutte contre la précarité. Si la lutte contre la pauvreté
concerne l’ensemble des communes rurales, 360 communes rurales particulièrement
pauvres ont été sélectionnées pour faire l’objet d’un traitement d’urgence en quelque sorte.
Mais en milieu urbain le programme de lutte contre l’habitat insalubre et l’éradication des
(67) On lira avec profit les développements consacrés à la Promotion nationale dans le plan quinquennal 1973-1977
(vol. 2, p. 257 et suiv.). Voir aussi, Tiano (A.), le Maghreb entre les mythes, Paris, P.U.F., 1967, p. 52 et suiv. ; Plan
1988-1992, p. 268.
(68) M. Fouad Ammor, le Programme des priorités sociales (BAJ) : le cas de la province d’Al Haouz, BESM, rapport
du social, Okad, 2000, p. 75, au début des années quatre-vingt-dix la construction des lacs collinaires a été effectuée
dans ces conditions.
(69) K. Moukite : l’Initiative Nationale pour le Développement Humain au Maroc : une décennie de réformes au
Maroc, CEI (dir.), Karthala, 2009, p. 187.
161
Droit administratif marocain
bidonvilles a fait apparaître que des situations d’aussi grande pauvreté et d’égale exclusion
sociale méritaient autant de retenir l’attention : A ce titre 250 quartiers périurbains
particulièrement défavorisés ont été répertoriés. La lutte contre l’exclusion sociale vise
à favoriser pour toutes ces populations, qu’elles soient rurales ou urbaines, l’accès aux
services et équipements de proximité: eau, électricité, services de santé, alphabétisation,
équipements sportifs pour les jeunes. Naturellement sont également recherchées et
encouragées les initiatives des associations, des coopératives qui peuvent déboucher sur
des activités génératrices d’emploi. La lutte contre l’exclusion tend par ailleurs à permettre
la réinsertion familiale et sociale des enfants des rues, des sans abris, des aliénés, des
handicapés etc.. Deux plans 2005-2010 et 2011-2015 ont été lancés et ont fait l’objet
de rapports et d’audit notamment du Conseil Economique et Social et Environnemental
intitulé: Avis du CESE sur l’INDH : Analyse et recommandations (BO. 2013, p. 1952).
La mise en œuvre de l’INDH repose sur une organisation qui n’est d’ailleurs pas sans
ressemblance avec celle de la Promotion Nationale ; elle est constituée de quatre niveaux.
Le niveau national comporte un Comité stratégique interministériel présidé par le
Chef du gouvernement et composé de plusieurs ministres et des représentants de divers
établissements publics. C’est cet organisme qui décide des grandes orientations des
programmes à mettre en œuvre au titre de l’INDH. Un Comité de pilotage est chargé
du suivi et de l’évaluation de la réalisation de ces programmes. L’Observatoire du
développement humain placé auprès du Chef du gouvernement est quant à lui chargé
également de procéder à l’évaluation de leur mise en œuvre.
Par ailleurs un compte d’affectation spécial, « Fonds de soutien à l’INDH » a été
créé par un décret n° 2-05-1016 du 19 juillet 2005, complété par une décret 2-05-2017
du 19 juillet 2005, B0. 2005, p. 585 qui définit les procédures d’exécution des dépenses
prévues dans le cadre de ce Fonds de soutien. Ce fonds était initialement alimenté par l’Etat
à raison de 60% de son montant, par les collectivités locales, 20% et par la coopération
internationale, 20%.C’est le Chef du gouvernement qui est ordonnateur des dépenses.
Le niveau régional. Le comité régional de l’INDH est présidé par le Wali et comprend
les présidents de la région et des conseils provinciaux et préfectoraux, les gouverneurs
des préfectures et des provinces de la région, les représentants des services déconcentrés
de l’Etat et des établissements publics concernés, les représentants des associations, du
secteur du micro crédit,de l’université et du secteur privé. Ce comité doit assurer la mise
en convergence des politiques régionales de l’Etat et des établissements publics avec les
initiatives provinciales et celles des collectivités locales.
Le niveau provincial. Un comité provincial présidé par le gouverneur comprend les
représentants des élus et de la société civile. Il doit valider les projets issus des initiatives
locales de développement humain et prévoir les conditions financières de leur réalisation
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Le pouvoir central
163
Droit administratif marocain
plus de 3000 douars dont les habitants souffrent souvent de l’enclavement et de l’exclusion
auxquels l’INDH tente de remédier.
Section VI
Les organismes autonomes de régulation et de bonne gouvernance
Depuis une dizaine d’années ont été créés sous la forme d’établissement public des
organismes auxquels sont attribuées diverses missions de régulation ou de contrôle
d’un secteur d’activité dont l’Etat désire superviser le fonctionnement afin d’en faire
respecter les principes par les opérateurs. Tels est le cas par exemple du Conseil de
la concurrence (loi 20-13 du 30 juin 2014) pour le respect de la concurrence dans le
cadre de la loi 104-12 sur la liberté prix et de la concurrence, de l’Agence Nationale de
Réglementation des Télécommunication (ANRT), la Haute Autorité de la Communication
Audiovisuelle (HACA) et le Conseil Supérieur de la Communication Audiovisuelle
(CSCA) dont les missions ont été développées par la loi du 7 janvier 2005 relative à la
communication audiovisuelle (B.O. 2005, p. 117) ou encore du Conseil Déontologique
des Valeurs Mobilières (CDVM) créé par la loi du 21 septembre 1993 modifiée par la
loi du 17 avril 2007 (BO. 2007, p. 583) pour le contrôle des opérations boursières. Cet
organisme a été remplacé par l’Autorité Marocaine du Marché des Capitaux (AMMC)
par la loi 43-12 du 13 mars 2013 (BO. 2013, p. 1749) qui est selon les termes de la loi,
une « personne morale de droit public » dont la mission est élargie de façon générale à
la protection de l’épargne investie en instruments financiers ainsi qu’à la surveillance des
organismes qui interviennent sur le marché des capitaux.
Les commentateurs de la création de ces organismes ont fait à leur égard trois
observations. La première concernait leur indépendance qui ne leur paraissait pas
suffisante par rapport aux pouvoirs publics. La deuxième observation était relative à leurs
moyens juridiques d’intervention dont l’efficacité leur semblait souvent dépendre du bon
vouloir des autorités ministérielles de rattachement en ce qui concerne les propositions
de sanctions destinées à réprimer le manquement des opérateurs aux obligations qui
leur incombent en vertu des textes ; ils ont cependant une possibilité d’influence grâce
leur participation à la préparation des textes législatifs et réglementaires concernant le
secteur d’activité placé sous leur contrôle. La troisième remarque concerne le fait que la
multiplication de ces organismes appelait sans doute une rationalisation de leurs structures
et de leurs moyens d’intervention compte tenu de leurs attributions.
La Constitution de 2011 a officialisé bon nombre de ces organismes ; l’article 159
dispose que « les instances en charge de la bonne gouvernance sont indépendantes. Elles
bénéficient de l’appui des organes de l’Etat ». C’est au législateur qu’est attribuée la
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compétence nécessaire pour fixer leur composition, leur organisation, leurs attributions
et leurs règles de fonctionnement ce qui concerne aussi les institutions de même nature
qui pourraient être créées (art. 171). Cette compétence législative devrait permettre
une meilleure harmonisation des statuts de ces organismes. Toutefois on a relevé que
le projet de loi créant l’Autorité chargée de la parité et de la lutte contre toutes formes
de discrimination ne semblait pas correspondre à la mission qui lui est confiée par la
Constitution en raison de l’insuffisance des pouvoirs qui lui sont accordés.
La Constitution fait figurer également parmi ces instances, l’Instance nationale de la
probité, de la prévention et de la lutte contre la corruption (Loi 113-12 du 9 juin 2015
(BO. 2015, p. 3357), le Conseil national des droits de l’homme, le Médiateur ainsi que
d’autres conseils.
Toutes ces instances doivent présenter un rapport au moins une fois par an, rapport qui
doit faire l’objet d’un débat au Parlement (69).
Section VII
Les problèmes de l’administration (70)
Ce sont eux qui alimentent régulièrement les réflexions de ceux que préoccupe la
nécessité d’adapter l’administration à la mission qui lui est assignée ; ces problèmes
sont nombreux ; mais ils sont aussi hétérogènes et, dans cette mesure, ils ne relèvent
pas du même traitement. L’administration est en effet écartelée entre deux mouvements
qui paraissent actuellement se diriger dans deux sens diamétralement opposés ; elle est
d’une part contrainte de perfectionner sans cesse son organisation, ses méthodes, son
droit et ses techniques, afin d’être en mesure d’accomplir les nouvelles tâches complexes
qu’implique la direction du développement ; mais dans le même temps elle devient de
(69) D. Alami Machichi : « Les autorité autonomes de régulation », REMALD, n° 54, 2005, p. 9. A. Mecherfi : « Les
organes de régulation au Maroc », REMALD, n° 72-73, 2007, p. 35 ; C. El Moudden : « Les applications de la notion
de régulation dans l’ordre juridique marocain », REMALD, n° 83, 2009, p. 75. Un projet de loi relatif à l’ANRT vise
à lui donner un pouvoir de décision plus important notamment en matière de sanction (juin 2016).
En France, un projet de loi organique et un projet de loi ordinaire portant statut général des autorités administratives
indépendantes et des autorités publiques indépendantes ont été adoptés par l’Assemblée nationale en avril 2016.
Cf. A.J.D.A., n° 16, 2016, p. 878.
(70) Cf. Discours du ministre des Affaires administratives devant la Chambre des représentants, le 14/12/1971, in
Bull. Liaison des anciens élèves de l’E.N.A.P., n° 4, janvier 1972 ; Rousset (M.), l’Administration marocaine, Berger-
Levrault, 1970, p. 60 ; « Administration et développement », Bull. de liaison des anciens élèves de l’E.N.A.P., n° 6,
mai 1972, p. 7 et suiv. ; Plan quinquennal 1981-1985, la Réforme administrative, vol. 2, p. 358; Plan 1988-1992, p. 232
et suiv. ; « 1956-1996 : quarante ans d’administration », REMALD, série Thèmes actuels, n° 6, « Propos introductifs :
repenser l’Administration », M.A. Benabdallah.
165
Droit administratif marocain
plus en plus inaccessible à une grande partie de la société qui ne saurait se reconnaître
en elle, mais sur laquelle repose cependant la majeure partie de l’effort nécessaire à ce
même développement. La prise de conscience de ce décalage, inévitable en l’état actuel de
l’évolution de la société, ne doit pas conduire l’administration à renoncer à se moderniser
sous peine d’hypothéquer dangereusement l’avenir ; mais elle doit la conduire à
compenser les inconvénients d’une administration qui sera nécessairement de plus en plus
technicienne, par un renforcement constant de son aptitude à associer les individus et les
groupes à son action, et à leur apporter dans des conditions acceptables la satisfaction des
besoins élémentaires mais vitaux dans le domaine social, culturel et économique. Ce sont
là les deux axes essentiels des réformes entreprises et de celles qui devraient l’être dans
un proche avenir et qui tendent à la modernisation de l’administration et à l’intégration de
l’administration à la société ; tous deux impliquent un effort permanent.
(71) M. Birouk, « La rationalisation des dépenses publiques au Maroc : mythe ou réalité ? », REMALD, n° 28, p. 93.
M. Rousset, l’Administration marocaine entre tradition et modernité, immobilisme et progrès, Mélanges Paul
Sabourin, Bruylant, 2001, p. 327.
166
Le pouvoir central
(72) En témoigne par exemple en Algérie la création de l’Ecole supérieure des Cadres appelée à former en trois ans
des cadres supérieurs recrutés par concours au niveau du 3e cycle. Il en est de même en Tunisie avec le cycle supérieur
de l’E.N.A.T. La réforme de l’ENA (2000) retrouve le même chemin et fait apparaître avec évidence le doublon que
constitue la création de l’Institut supérieur de l’administration !
167
Droit administratif marocain
l’apport du personnel requis : tel est le cas de l’aménagement régional qui constitue une
orientation fondamentale des derniers plans de développement alors que le nombre de
cadres réellement qualifiés est notoirement insuffisant au regard des tâches à accomplir :
fort heureusement l’Institut national d’aménagement, dont le projet existait depuis plus de
dix ans, a été finalement mis en place en 1981, dans les faits, mais n’a été doté d’un statut
officiel que par un décret du 27 mars 1991 qui porte création et organisation de l’Institut
(B.O. 1991, p. 148).
Ainsi s’est-on acheminé, avec retard il est vrai, vers la satisfaction du vœu formulé
par les participants au colloque sur l’urbanisme (Rabat, décembre 1977) qui appelaient
à une accélération de la mise en place des institutions nécessaires à la formation des
cadres de différents niveaux indispensables à la mise en œuvre sérieuse d’une politique
d’aménagement de l’espace.
(73) Décret du 24 mai 1994 fixant les attributions et l’organisation du ministère des Affaires administratives, B.O. 1994,
p. 336. M. Aliat, « Evolution de l’organisation et des attributions du ministères des Affaires administratives »,
REMALD, 40 ans d’administration, série Thèmes actuels, n° 6, p. 97.
(74) Réforme de l’administration : fiches de projets, Premier ministre, ministère des Affaires administratives,
janvier 1995, 76 pages.
168
Le pouvoir central
Quoi qu’il en soit, la réalisation de ces réformes suppose sans doute une forte implication
de la part du Chef du gouvernement, c’est-à-dire une forte volonté politique. Mais elle requiert
aussi, tant de la part de l’autorité ministérielle en charge de ces problèmes, aujourd’hui le
ministère de la Fonction publique et de la Modernisation de l’administration (2015), que
de la part des diverses administrations, la disposition des personnels de haute qualification
capables de suivre ces questions ; il faut aussi que ces personnels soient intégrés dans des
structures elles-mêmes permanentes ayant, à titre principal, la responsabilité de la réforme ;
trop souvent les inspections dont ce doit être la mission, n’ont qu’une existence formelle
et en tout cas trop réduite pour y faire face ; et les secrétaires généraux sont trop absorbés
par leur mission principale pour consacrer à la réforme des services, des méthodes et des
circuits, une part suffisante de leur temps et de leur attention.
Sans doute, l’effort de rationalisation des structures et des attributions des
administrations de l’Etat a abouti à la publication des textes nécessaires, ce qui constitue
un facteur positif. Mais il faut bien comprendre que cette action ne constitue qu’une étape
dans un processus continu de réflexion et d’évaluation critique portant sur l’appareil
administratif et qui doit se poursuivre ; cela revient à dire que la réforme administrative
et la modernisation de l’appareil administratif ne peuvent être que progressives et que les
tâches qu’elles impliquent doivent être confiées à titre principal à des équipes chargées de
façon permanente d’en assurer la responsabilité.
Les auteurs des plans quinquennaux 1981-1985 et 1988-1992 étaient persuadés de
cette nécessité puisqu’ils affirmaient leur intention d’améliorer les services d’inspection
et surtout de mettre en place, dans les diverses administrations, des cellules chargées
de l’organisation et des méthodes dont l’activité devait être coordonnée par la direction
centrale d’organisation et méthodes du ministère des Affaires administratives ; cette
responsabilité devrait aujourd’hui échoir à la Direction de la réforme administrative de
l’actuel ministère délégué auprès du Chef du gouvernement chargé de la modernisation de
l’administration (novembre 2015).
On peut espérer que les responsables du Haut commissariat au Plan ont pris la mesure
du problème posé et que celui-ci recevra au cours des années à venir, les solutions
institutionnelles permanentes qu’appelle sa nature, et qui n’ont été jusqu’alors qu’esquissées.
(75) Cf. notre étude : « Administration et société au Maroc », in Mélanges Letourneau, Aix-en-Provence, 1974, p. 301.
De même les développements consacrés à la réforme administrative, in Plan quinquennal 1981-1985, vol. 2, p. 358.
169
Droit administratif marocain
sens que la nature même des tâches qu’assume l’administration la conduit, ainsi qu’on l’a
dit, à renforcer son allure technicienne propre à déconcerter une partie de ses usagers qui ne
sont pas en mesure d’en comprendre la nécessité. En revanche, cette évolution inéluctable
de l’administration doit être compensée par des actions dont le but est de rapprocher
l’administration de ceux qu’elle est appelée à servir : cet objectif est recherché par des
réformes qui devraient améliorer son implantation territoriale et son fonctionnement ; il
devrait l’être aussi par le développement des méthodes et des comportements favorisant la
communication. Enfin la généralisation des Nouvelles Technologies de l’Information et de
la Communication (NTIC) devrait accroître les possibilités d’amélioration des relations de
l’administration avec ses usagers.
170
Le pouvoir central
l’écart qui sépare la population des services administratifs, devrait être sinon éliminée, du
moins largement neutralisée.
(76) Cf. pour une présentation suggestive de ce conflit : « Les structures agraires dans l’impasse », Mounir (S.),
Lamalif, n° 65, septembre 1974, p. 36 et suiv.
171
Droit administratif marocain
(77) Dubois (J.), « Pour une réforme de l’administration agricole au Maroc », Tiers-monde, Etudes, 1965, p. 75.
172
Le pouvoir central
On peut penser que ce sont des considérations de ce type qui ont conduit le législateur
à créer des associations d’usagers des eaux agricoles (dahir promulguant la loi 02-84, B.O.
1991, p. 30) ; en effet, ces associations doivent permettre “ la participation des intéressés
à la réalisation des programmes de travaux, à la gestion et la conservation des ouvrages
d’utilisation des eaux ” dans les périmètres où l’Etat a procédé à la création d’équipements
destinés à l’irrigation (art. 1er).C’est également à cette idée que correspondent les
dispositions des lois organiques relatives aux collectivités territoriales du 7 juillet 2015 qui
mettent en place des mécanismes participatifs et de concertation.
Enfin, on rappellera qu’une telle orientation des réformes administratives ne relève
évidemment que très partiellement du volontarisme juridique ; elle dépend d’une
conscience particulièrement aiguë que chaque agent doit avoir de la finalité de son action.
Mais cette conscience ne peut pas grand chose si elle ne trouve pas de renfort dans une
politique administrative entièrement orientée dans le même sens. Concrètement, cela
signifie qu’à tous les échelons de la pyramide administrative, les agents responsables
sachent qu’ils peuvent compter sur l’appui de la hiérarchie, la continuité dans l’action et
les moyens matériels, financiers et humains correspondant aux actions décidées.
C’est d’ailleurs ce qu’ont également constaté les autorités qui ont eu la responsabilité
de la mise en œuvre de la politique de résorption de l’habitat insalubre et notamment
de son volet Ville sans bidonville (VSB). Le relogement des habitants d’un bidonville,
surtout s’il existe depuis de nombreuses années, est une opération complexe qui comporte
certes des aspects matériels mais aussi des aspects sociaux qui impliquent une bonne
connaissance de cette populations afin d’en connaître les souhaits et les besoins ; tenter d’y
répondre de la manière la plus appropriée possible implique aussi d’agir en coopération
avec ses représentants (78).
On peut enfin évoquer la nécessité pour l’administration de s’ouvrir vers la société, de
développer une communication qui passe nécessairement par la fin de ce que l’on peut
appeler la « culture du secret » que pratique souvent l’administration. La Constitution dans
son article 27 a pour but d’y mettre fin en proclamant que « les citoyennes et les citoyens
ont le droit d’accéder à l’information détenue par l’administration publique, les institutions
élues et les organisations investies d’une mission de service public ». Naturellement ce droit
est assorti de limites qui tiennent à la nécessité de protéger la sécurité de l’Etat et la vie
privée ainsi que les libertés et les sources d’information dans des conditions précisées par la
loi. Le tribunal administratif de Casablanca a fait application de ce droit dans une décision
du 17 avril 2014, Khair Al Janoub, c/L’Office National Interprofessionnel des Céréales,
(REMALD, n° 125, 2015, p. 251, note M. Rousset et M.A. Benabdallah). On a pu dire que
(78) Rousset (M.) : L’appui budgétaire de l’Union européenne à la politique de résorption de l’habitat insalubre et
son volet Ville Sans Bidonville (VSB), in Bulletin économique et Social du Maroc (Nelle série), n° 166, 2010, p. 147.
173
Droit administratif marocain
ce droit était aussi un des moyens de lutte contre la corruption et aujourd’hui et par voie
de conséquence que c’est également un droit au service de la gouvernance publique (79).
(79) Ndong Vincent de Pierre Okwe, « L’obligation publique d’information : un moyen de lutte contre la corruption »,
REMALD, n° 125, 2015, p. 149.
(80) D. Bouzzafour : « Les nouvelles technologies de l’information et de la communication au service de la
modernisation de l’administration », REMALD, n° 56, 2004, p. 155. « L’administration électronique au Maroc »,
REMALD, n° 76-77, 2007, p. 95. Sur la problématique générale de l’informatisation juridique on peut lire l’article de
Med Drissi Alami Machichi : « L’informatisation du droit des affaires », REMALD, n° 125, 2015, p. 9.
174
Le pouvoir central
particulier au sein des PME et l’essor du commerce électronique ainsi que l’accessibilité
des ménages à l’équipement informatique et au réseau internet ».
Les administrations se sont engagées dans la dématérialisation et la numérisation de
nombreux documents administratifs ce qui est de nature à simplifier l’accès des usagers
à ces documents et à favoriser la rapidité et la transparence de nombreuses procédures
administratives. La plupart des administrations et le gouvernement en particulier, se sont
dotés de ce type d’outil tel le portail des marchés publics créé en 1997 mais dont le champ
d’action a été élargi par le décret du 20 mars 2013 qui concerne désormais les marchés
de l’Etat, des collectivités locales, des établissements publics et des sociétés nationales.
Ce portail est géré par la Trésorerie Générale du Royaume qui est chargée de « réaliser
l’intégration de l’information et de la communication dans le processus de gestion
financière et comptable de l’Etat et de mettre en place un système intégré de gestion des
dépenses et des recettes, des dépenses de personnel et des marchés publics conformément
à la nouvelle vision de la gestion des finances publiques telle qu’elle est consacrée par le
projet de loi organique des finances. De même la Justice permet aux justiciables de suivre
l’évolution de leur affaire grâce à l’informatisation des greffes des tribunaux.
On doit ajouter que la réussite de cette politique d’installation des systèmes
informatiques dans le secteur public et privé suppose qu’elle soit complétée par un
politique de formation des agents des collectivités publiques mais aussi des usagers de
l’administration ; et cela commence sans aucun doute par un effort du système éducatif
pour améliorer le niveau culturel de la population. Enfin il conviendra de réduire ce que
l’on appelle la fracture numérique afin que l’ensemble du territoire soit techniquement en
mesure d’accéder aux systèmes informatiques.
(81) Ezzoubair (M.), « La réforme des structures administratives », Revue des affaires administratives, n° 1, 1983, p. 177.
175
Droit administratif marocain
(82) Plan de développement économique et social 1981-1985, vol. II, p. 358. Plan d’orientation pour le développement
économique et social 1988-1992, p. 232.
(83) Bensalah (A.), « La politique d’arabisation de l’administration publique », mémoire de cycle supérieur de
l’E.N.A.P., n° 12, 1982 (dactyl.).
(84) La modernisation de l’administration, actes du 3e colloque de l’Association des administrateurs du ministère
des Travaux publics, Rabat, 1990. L’administration publique et le changement, Association marocaine des sciences
administratives, Afrique-Orient, 1989 ; A. Ourzik : « Gouvernance et modernisation de l’administration, contribution au
Rapport du cinquantenaire », le Maroc possible, 2006.
(85) Plan, p. 234 et suiv.
176
Le pouvoir central
(86) Cette politique a été engagée par la Lettre Royale en matière d’investissement : cf. M. Rousset, « La
déconcentration régionale au Maroc : une avancée significative », in la Gestion déconcentrée des investissements,
REMALD, coll. Textes et documents, n° 66, 2002, p. 17.
(87) La problématique du colloque ainsi que les recommandations ont fait l’objet d’une publication par le ministère
de la Fonction publique et de la Réforme administrative, appellation du département jusqu’à sa disparition dans le
gouvernement de Driss Jettou (novembre 2002) où il a été remplacé par le ministre chargé de “la modernisation des
secteurs publics” ce qui est à la fois plus large et plus ambitieux que la simple réforme administrative.
Depuis 2012, il s’agit d’un ministre délégué auprès du Chef du gouvernement chargé de la Fonction publique et de la
Modernisation de l’Administration.
177
Droit administratif marocain
Bulletin Officiel de 2011, p. 2191 (88). En outre le Médiateur est désormais une institution
nationale indépendante et spécialisée reconnue par l’article 162 de la Constitution qui lui
assigne comme mission « dans les rapports de l’administration et des usagers de défendre
les droits, de contribuer à renforcer la primauté de la loi et à diffuser les principes de
justice et d’équité et les valeurs de moralisation et de transparence dans la gestion des
administrations, des établissements publics, des collectivités territoriales et des organismes
dotés de prérogatives de puissance publique ».
Le Médiateur est nommé pour une période de cinq ans et renouvelable une fois. Il
peut de sa propre initiative ou sur la base de plaintes ou de doléances dont il est saisi,
instruire des actions susceptibles de porter préjudice à des personnes physiques ou morales
marocaines ou étrangères en raison de tout acte de l’administration explicite ou implicite,
d’une action ou d’une activité considérée comme contraire à la loi notamment lorsqu’il
est entaché d’excès de pouvoir ou d’abus de droit ou contraire aux principes de justice
et d’équité (article 5). Toutefois il ne peut instruire les plaintes lorsque celles-ci mettent
en cause des décisions de justice définitives ou des faits dont la justice est saisie ou des
questions relevant du Conseil National des Droits de l’Homme (article 6). Dans le cadre
de ses compétences il peut mener des investigations et des enquêtes de façon à établir la
réalité des faits qui lui ont été dénoncés. Il peut adresser des recommandations aux autorités
en cause ; celles-ci ont l’obligation de répondre dans un délai de trente jours ; il peut
éventuellement saisir le Chef du gouvernement de propositions tendant à faire disparaître
les causes de l’atteinte au droit constatée y compris de propositions de modification de
la législation. S’il constate des fautes commises par les agents publics il doit en informer
le chef de l’administration concernée afin que ce dernier prenne les mesures appropriées.
Il peut recommander à l’administration de prendre des mesures disciplinaires voire de
transmettre les faits incriminés au ministère public aux fins de poursuite.
Le Médiateur peut aussi jouer le rôle d’intermédiaire pour désamorcer les conflits entre
l’administration et ses usagers soit de sa propre initiative soit à la demande de l’administration
ou des administrés. L’action du Médiateur est relayée sur l’ensemble du territoire par des
médiateurs régionaux. Mais pour que son action réussisse encore faut-il que l’administration
et notamment le Chef du gouvernement, donnent suite aux plaintes et doléances des citoyens
qui leur sont transmis par le médiateur ce qui n’est peut être pas le cas (89).
(88) Cf. M. Rousset, « La protection des droits de l’Homme au Maroc: de nouveaux progrès », Revue JPIC, n° 2,
2002, p. 165.
(89) Abou El Farah (T.), « La difficile cohabitation entre les instances de bonne gouvernance et le gouvernement »,
la Vie économique, 22/6/2015.
178
Chapitre II
Les collectivités territoriales
180
Les collectivités territoriales
181
Droit administratif marocain
dernières ». Ce rôle est assuré sous la supervision du Président du Conseil régional. (Tarik
Zair, Subsidiarité et compétences des collectivités territoriales, Rev. Droit et Stratégie des
Affaires au Maroc, n° 4, 2015, p. 28).
Les collectivités disposent pour l’exercice de leurs compétences d’un pouvoir
réglementaire ainsi que des ressources financières propres et des ressources transférées par
l’Etat, étant entendu que toute compétence transférée par l’Etat devra s’accompagner du
transfert des ressources correspondantes. Les collectivités peuvent s’associer soit de façon
contractuelle pour la réalisation d’un projet, soit par la constitution de groupements afin de
mutualiser les moyens nécessaires à la réalisation de programmes communs.
L’article 146 confie à une loi organique le soin de déterminer tout ce qui concerne
la gestion démocratique de leurs affaires par les conseils élus ,l’exécution par leur
président des délibérations et des décisions des conseils, les conditions dans lesquelles
les citoyens et les associations pourront exercer leur droit de pétition, les différentes
compétences des collectivités, leur régime financier, et l’origine de leurs ressources ainsi
que les modalités de fonctionnement des deux fonds créés par la Constitution, Fonds de
mise à niveau sociale des régions et Fonds de solidarité inter-régionale, les mécanismes
destinés à favoriser le développement de l’intercommunalité, les règles concernant la
constitution des groupements de collectivités, enfin « les règles de gouvernance relatives
au bon fonctionnement de la libre administration, au contrôle de la gestion des fonds et
programmes, à l’évaluation des actions et à la reddition des comptes ».
Enfin sur la base de l’article 71 de la Constitution, c’est une loi 131-12 du 27 juillet 2013
qui a fixé les principes de délimitation des ressorts territoriaux des collectivités locales et
les autorités compétentes pour le faire (B.O. 2013, p. 2236). L’article premier de la loi
précise qu’il s’agit pour ces principes « de permettre la création de collectivités territoriales
viables et pérennes, eu égard à leurs potentialités et leurs composantes territoriales, visant
une organisation territoriale décentralisée, fondée sur une régionalisation avancée au sein
de l’Etat unitaire ». Sans entrer dans le détail de ces principes, on indiquera seulement
que les régions, les provinces et les préfectures et les communes sont créées par décret
sur proposition du ministre de l’intérieur. Toutefois s’agissant des régions le décret
du 20 février 2015 fixe également le nombre des régions au nombre de douze, leur
dénomination, leur chef-lieu ainsi que les préfectures et les provinces les composant. De
la même façon, le décret créant les préfectures et les provinces détermine leur nombre,
leur chef-lieu ainsi que les communes composant leur ressort territorial. Enfin le décret
créant les communes fixe également leur dénomination tandis que les limites de leur
ressort territorial et leur chef-lieu sont fixés par arrêté du ministre de l’intérieur. Dans
chaque commune le ministre de l’intérieur délimite par arrêté le périmètre urbain qui peut
englober tout ou partie du territoire de la commune. La partie restante de ce territoire est
considérée comme rurale.
182
Les collectivités territoriales
Section I
L’organisation de la région
On sait que le Maroc précolonial a connu une circonscription régionale. Mais cette
circonscription non stabilisée d’ailleurs, existait dans des limites géographiques fluctuantes,
le Makhzen privilégiant le commandement des hommes sur celui des territoires.
Au cours du Protectorat, la création de sept régions a eu pour but, indépendamment
des contraintes de maintien de l’ordre public, de permettre la déconcentration du pouvoir
central et le transfert d’un certain nombre d’attributions aux chefs de région.
Au lendemain de l’indépendance, la création des provinces et des préfectures
poursuivait le même objectif qui n’a d’ailleurs pas fondamentalement changé avec
l’érection des provinces et préfectures en collectivités locales en 1962 et l’augmentation
de leur nombre.
C’est seulement en 1971 que la région réapparaît ; mais cette fois elle est conçue
comme un cadre géographique susceptible de servir de référence pour l’élaboration et la
mise en œuvre d’une politique d’aménagement du territoire, on parle aussi de spatialisation
du plan, mais en outre comme une institution permettant une amorce de représentation des
populations concernées par le développement régional au sein d’une Assemblée Régionale
Consultative (ARC).
En 1992 la région est érigée en collectivité territoriale lors de la révision de la
constitution ; un nouveau statut est édicté par la loi du 2 avril 1997 (B.O. 1997, p. 292) ;
celle-ci est complétée par un décret du 17 août 1997 (B.O. 1997, p. 781) qui fixe le nombre
des régions (seize régions) issues d’un nouveau découpage géographique, leur nom, leur
chef lieu dans leur nouveau ressort territorial, le nombre des conseillers à élire dans chaque
région, la répartition des sièges entre les divers collèges électoraux et la répartition entre
les préfectures et les provinces du nombre de sièges revenant aux collectivités locales.
183
Droit administratif marocain
L’idée centrale qui a présidé à la mise en place de la nouvelle région, a été exprimée par
le Roi Hassan II dans le célèbre discours de 1984 dans lequel il déclarait : « Nous voulons
que les choix de notre pays ne soient pas seulement pris à Rabat. » Et il préconisait la
création d’institutions régionales dotées de compétence « leur permettant de s’affirmer,
de connaître leurs besoins, d’évaluer l’échelle de leurs priorités et d’exprimer, nonobstant
la diversité des partis et des courants politiques, leurs aspirations, d’être le promoteur, le
planificateur, l’édificateur et l’exécutant sur leur territoire ».
Dans quelle mesure la région a-t-elle correspondu à cette perspective ? Il est difficile
de répondre de façon tranchée à une telle question. Toutefois on peut relever un certains
nombre de points positifs. Tout d’abord à la différence des institutions de 1971, les
institutions régionales ont fonctionné de façon régulière qu’il s’agisse des élections ou des
conditions de fonctionnement des assemblées régionales et du tandem exécutif Président-
Wali. Sans doute les ressources financières n’ont-elles jamais été à la hauteur des besoins
de financement des budgets régionaux mais des réalisations, même modestes, peuvent
être mises au crédit des administrations régionales souvent en coopération avec d’autres
collectivités ou avec l’Etat. Il n’est pas certain toutefois que l’institution régionale ait
atteint un niveau suffisant de visibilité pour que la population ait eu une claire conscience
de son existence et de son utilité pour au moins deux raisons : l’élection indirecte du
conseil régional et le fait que l’élaboration des plans de développement régionaux n’a pas
toujours été suivie de leur exécution et n’ont donc pas été très visibles pour la population
de la région.
Il est vrai que la réussite de l’expérience de régionalisation supposait également que
l’Etat s’investisse réellement au niveau de la région c’est à dire qu’il adapte ses propres
structures et principes de fonctionnement au niveau régional ainsi d’ailleurs que ses
propres politiques dans les domaines relevant de sa responsabilité: en clair cela recouvre
le problème de la déconcentration c’est à dire de la régionalisation de ses structures
administratives, des compétences juridiques et financières et des politiques publiques, ce
qui n’a pas été fait, ou qui ne l’a été que très partiellement.
La publication au printemps 2007 du Projet d’autonomie pour les provinces du sud a
suscité un nouvel intérêt pour la régionalisation ; il a sans aucun doute contribué à faire
réfléchir à une nouvelle approche de l’idée de région pour l’ensemble du Royaume. En
effet ce projet reconnaît à la région autonome du Sahara un ensemble de pouvoirs législatif,
exécutif et juridictionnel qui place ce projet aux confins de l’Etat unitaire et de l’Etat
Fédéral dans le cadre de la souveraineté de l’Etat Marocain. Il était dès lors nécessaire que
« la région de droit commun » connaisse une véritable novation pour qu’il n’y ait pas un
trop grand décalage entre la Région autonome du Sahara et les autres régions du Royaume.
184
Les collectivités territoriales
C’est dans ces conditions que le Chef de l’Etat à annoncé dans son discours du
30 juillet 2009, la décision de confier à une commission consultative le soin de réfléchir
à la construction d’une régionalisation avancée « assurée par des conseils démocratiques,
dans le cadre d’une répartition cohérente des compétences entre le centre et les régions ».
Parallèlement le Souverain exhortait le gouvernement à élaborer « une Charte de la
déconcentration sans laquelle aucune régionalisation efficiente ne peut être envisagée ».
Cette commission a été installée le 3 janvier 2010 ; elle a travaillé sur la base des quatre
principes fondamentaux indiqués par Sa Majesté le Roi : – Respect de l’unité de l’Etat, de la
nation et du territoire. – Principe de solidarité incarnant la complémentarité et la cohésion
inter-régionales. – Harmonisation et équilibre dans la répartition des compétences et des
moyens afin d’éviter interférences et conflits de compétence. – Large déconcentration dont
la mise en œuvre effective est indispensable à une régionalisation judicieuse dans le cadre
d’une gouvernance territoriale efficiente.
La Commission a rendu son rapport en février 2011 dont les conclusions essentielles
ont été intégrées dans la Constitution de 2011.
Le décret du 20 février 2015 a déterminé la nouvelle carte régionale ; le territoire
du Royaume est divisé en douze régions ; le décret fixe la dénomination de ces régions,
leurs chefs-lieux ainsi que les préfectures et les provinces qui les composent (B.O. 2015,
p. 1008). Ces régions sont les suivantes :
Tanger-Tétouan-Al Hoceima, chef lieu : Tanger-Asilah
L’Oriental, chef-lieu : Oujda-Angad
Fès-Meknès, chef-lieu : Fès
Rabat-Salé-Kénitra, chef-lieu : Rabat
Béni Mellal-Khénifra, chef-lieu : Béni Mellal
Casablanca-Settat, chef-lieu : Casablanca
Marrakech-Safi, chef-lieu : Marrakech
Drâa-Tafilalet, chef-lieu : Errachidia
Souss-Massa, chef-lieu : Agadir-Ida-Ou-Tanane
Guelmim-Oued Noun, chef-lieu : Guelmim
Laâyoune-Sakia El Hamra, chef-lieu : Laâyoune
Dakhla-Oued Ed-Dahab, chef-lieu : Oued Ed-Dahab
Par voie de conséquence le territoire des wilayas a été modifié pour le faire correspondre
à la nouvelle carte régionale.
Enfin la loi organique relative à la région n° 111-14 du 7 juillet 2015 (B.O. 2016, p. 197)
définit le régime juridique, administratif et financier de la nouvelle région qui repose sur
un certain nombre de principes de base :Libre administration, coopération et solidarité
entre les régions, prééminence de la collectivité régionale pour tout ce qui concerne le
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Droit administratif marocain
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Les collectivités territoriales
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Droit administratif marocain
L’élection du président fait l’objet d’une réglementation très précise qui est destinée
à lui assurer une représentativité aussi solide que possible. Pour être candidat il faut être
classé en tête de liste des candidatures dans toutes les circonscriptions électorales et qui
ont obtenu des sièges dans le conseil. Il faut en outre appartenir à un parti classé dans les
cinq premières positions au regard du nombre de sièges obtenus aux élections du conseil
de la région. Le candidat doit également fournir une accréditation du parti politique auquel
il appartient, sauf s’il s’agit d’un candidat indépendant (que l’on appelait autrefois les
candidats neutres ou sans appartenance partisane SAP). L’acte de candidature doit être
déposé personnellement auprès du Wali cinq jours après les élections du Conseil, et cela
contre récépissé de ce dépôt. Le Wali convoque le Conseil qui se réunit sous la présidence
de son doyen d’âge non candidat ; le plus jeune conseiller non candidat assure le secrétariat
de la séance à laquelle assiste le Wali.
L’élection se fait comme pour les élections des vice-présidents au scrutin public. Au
premier tour à la majorité absolue des membres en exercice du conseil ; si nécessaire un
deuxième tour est organisé entre les deux premiers candidats classés selon le nombre
de voix obtenues au premier tour. L’élection a toujours lieu à la majorité absolue des
membres du conseil ; si un troisième tour est nécessaire le vote a lieu à la majorité relative
des membres présents. En cas de partage égal des voix le plus jeune est déclaré élu ; en
cas d’égalité d’âge le vainqueur est tiré au sort sous la supervision du président de séance.
L’article 17 de la loi établit un certain nombre d’incompatibilités sanctionnées par la
démission d’office constatée par le ministre de l’intérieur ainsi que l’interdiction du cumul
avec d’autres fonctions : membres du gouvernement, des assemblées parlementaires, et de
certains organismes : HACA, Conseil économique, social et environnemental, Conseil de
la concurrence, Instance nationale de la probité, de la prévention et de la lutte contre la
corruption.
L’élection des vice-présidents a lieu immédiatement après celle du président et sous
sa présidence. Elle a lieu au scrutin de liste. Le président présente la liste qu’il propose.
Les autres membres du conseil peuvent présenter des listes ; chaque liste est présentée par
le membre classé en tête de liste. Afin d’atteindre la parité, chaque liste doit comporter
un nombre de candidates qui ne soit pas inférieur au tiers des postes de vice-président
à pourvoir. Aucun membre ne peut être candidat sur plus d’une liste. Le scrutin a lieu
à la majorité absolue des membres en exercice du conseil au premier tour ; si un second
tour est nécessaire le scrutin est le même mais seulement entre les deux listes arrivées en
tête. Si aucune liste n’atteint cette majorité un troisième tour est organisé où l’élection a
lieu à la majorité relative des membres présents. En cas de partage égal des voix, la liste
présentée par le président est prépondérante. L’article 22 énumère les cas de cessation de
leurs fonctions par le président et les vice-présidents. Dans les six premiers cas prévus
par l’article 22 (décès, démission volontaire, ou de plein droit, révocation, annulation
188
Les collectivités territoriales
définitive de l’élection, détention de plus de six mois) la président est démis d’office de ses
fonctions et le bureau est dissous de plein droit. Dans le délai de quinze jours à compter
de la constatation de la cessation de fonction, le ministre de l’intérieur convoque le conseil
pour l’élection d’un nouveau président et du bureau.
Si le président cesse ou s’abstient d’exercer sans motif ses fonctions pendant plus de
deux mois, le Wali le met en demeure d’en reprendre l’exercice. A défaut d’obtempérer
dans délai de sept jours ouvrables, le ministre de l’Intérieur saisit la justice administrative
des référés pour statuer sur l’existence de cette cessation ; si cette cessation est confirmée
le bureau est dissous et le conseil est convoqué pour procéder à l’élection du nouveau
président et du bureau.
Si un ou plusieurs vice-présidents cessent d’exercer leurs fonctions dans les
paragraphes 1 à 6 et 8 de l’article 22 de la loi, les vices présidents de rangs inférieurs les
remplacent en suivant l’ordre de leur classement. Le président convoque alors le conseil
pour procéder à l’élection au(x) poste(s) de vice-présidents devenu(s) vacant(s). En cas
de cessation sans motif ou de refus d’exercer les fonctions pendant plus d’un mois le
président met en demeure le ou les intéressés de reprendre l’exercice de leurs fonction
dans un délai de sept jours. Si cette mise en demeure reste sans effet le Président convoque
le conseil en session extraordinaire pour démettre le ou les vice-présidents défaillants. Le
président peut alors convoquer le conseil pour procéder à l’élection des remplaçants de ces
vice-présidents.
Le conseil élit parmi ses membres un secrétaire et un secrétaire adjoint qui peuvent être
démis de leurs fonctions sur proposition motivée du président à la majorité absolue des
suffrages exprimés.
Les membres du conseil peuvent constituer des groupes d’au moins cinq membres
auxquels peuvent adhérer les membres indépendants ; chaque groupe choisit une
appellation et un président. La constitution et le fonctionnement de ces groupes sont
déterminés par le règlement intérieur du Conseil.
Au cours de la première session qui suit l’approbation du règlement intérieur, le
conseil constitue trois commissions permanentes. Les trois commissions obligatoires sont
chargées respectivement :
– du budget, des affaires financières et de la programmation ;
– du développement économique, social, culturel et environnemental ;
– de l’aménagement du territoire.
Le conseil peut en créer d’autres dans la limite de sept au maximum. Le règlement
intérieur fixe leur dénomination, leur objet et les modalités de leur composition. Le
Conseil élit le président et son adjoint parmi leurs membres dont le nombre ne doit pas être
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Droit administratif marocain
inférieur à cinq et qui ne peuvent être membre que d’une commission. Le principe de parité
doit être pris en compte dans les candidatures à la présidence des commissions. En principe
les membres du bureau ne peuvent pas être candidat au poste de président de commission
sauf si aucun candidat ne se manifeste en dehors du membre du bureau. Une présidence de
commission permanente doit être réservée à l’opposition. Les commissions se réunissent
à la demande du président du conseil, de leur président ou du tiers de leurs membres. Les
questions à l’ordre du jour du conseil leur sont obligatoirement soumises pour examen. Le
président du conseil doit leur fournir informations et documents nécessaires à cet examen.
Le président de la commission est le rapporteur. Il peut faire convoquer par l’intermédiaire
du président du conseil les membres de l’administration de la région, et par l’intermédiaire
du wali sous couvert du président du conseil les fonctionnaires et agents de l’Etat et des
établissements publics et entreprises publiques dont les compétences s’exercent dans le
ressort territorial de la région.
Le conseil peut aussi créer des commissions provisoires pour l’étude d’une question
particulière ; ces commissions disparaissent avec l’achèvement de leurs travaux. Qu’elles
soient provisoires ou permanentes les commissions ne peuvent exercer aucune compétence
attribuée au conseil ou à son président.
Le fonctionnement du conseil de la région suppose l’élaboration et le vote du
règlement intérieur lors de la session qui fait suite à l’élection du bureau. La délibération
l’approuvant et le texte du règlement sont adressés au Wali ; il entre en vigueur huit
jours après cet envoi sauf opposition du Wali. Dans ce cas c’est en définitive le tribunal
administratif qui tranche la question dans les conditions de l’article 114 de la loi.
Le Conseil tient trois sessions ordinaires par an, en mars, juillet et octobre. Pour chaque
session est établi un calendrier des séances ainsi que les questions inscrites à leur ordre
du jour. La durée des sessions ne peut excéder quinze jours consécutifs ; une prorogation
est possible par arrêté du président du Conseil transmis au Wali sans que cette prorogation
puisse dépasser les quinze jours consécutifs. Le président informe les membres du conseil
de la tenue de la session et de son ordre du jour.
Le conseil peut être convoqué en session extraordinaire par le président ou à la
demande du tiers de ses membres mais dans ce cas le président peut s’y opposer ; son
refus doit être motivé. La convocation doit être assortie d’un ordre du jour. Si la demande
émane de la majorité absolue des membres du conseil, la session extraordinaire se tient
de plein droit. Dans tous les cas la session est close par l’épuisement de l’ordre du jour ;
elle ne peut durer plus de sept jours consécutifs sans possibilité de prorogation. Le conseil
se réunit également en session extraordinaire de plein droit à la demande du Wali qui
souhaite inclure dans l’ordre du jour des questions accompagnées des documents. Le
président est chargé de convoquer le Conseil et de transmettre à ses membres l’ordre du
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Les collectivités territoriales
jour trois jours avant la date de la tenue e l session. Le conseil put délibérer si le quorum
de la moitié des membres en exercice est présente ; A défaut la session est reportée au jour
ouvrable suivant ; elle se tient quel que soit le nombre des membres présents.
Le Wali assiste aux séances soit à l’invitation du président ou de sa propre initiative,
et peut présenter des observations en rapport avec les questions de l’ordre du jour. Il ne
participe pas au vote. Des personnels des services de la région assistent à titre consultatif
aux séances sur convocation du président. De même des personnels de l’Etat ou des
entreprises publiques agissant dans le ressort territorial de la région peuvent être invités à
participer aux travaux du conseil par le président et l’intermédiaire du Wali lorsque l’ordre
du jour comporte des questions en relations avec les activités de ces administrations ou
organismes.
L’ordre du jour des sessions est établi par le président en collaboration avec les
membres du bureau ; il est transmis au Wali vingt jours au moins avant l’ouverture de la
session. Lorsqu’elles ont été déclarées recevables par le bureau les pétitions présentées par
les citoyennes, les citoyens ou les associations sont obligatoirement inscrites à l’ordre du
jour de la session ordinaire suivant la date de la déclaration de leur recevabilité.
Le Wali peut de plein droit demander l’inscription à l’ordre du jour de questions
supplémentaires lorsqu’elles sont urgentes à la condition d’en aviser le président huit jours
après réception de l’’ordre du jour prévu.
L’article 43 traite des questions dont les membres du conseil à titre individuel ou au
nom de leur groupe peuvent demander l’inscription à l’ordre du jour et des conditions dans
lesquelles le président peut la refuser.
Le conseil et ses commissions ne peuvent délibérer que sur des questions relevant de
la compétence du conseil et inscrites à l’ordre du jour. Le Wali peut s’opposer à toute
question étrangère à la compétence de la région et aux attributions du conseil. Il notifie
cette opposition au président et éventuellement il saisit le tribunal administratif en référé
qui statue dans le délai de quarante huit heures à compter de sa saisine et cela de manière
définitive sans convocation des parties le cas échéant. Le conseil ne peut délibérer sur
ces questions tant que la juridiction administrative n’a pas statué sauf à s’exposer en cas
de violation volontaire de cette interdiction à l’application des sanctions disciplinaires
prévues aux articles 67 et 76 de la loi.
Les délibérations du conseil ne sont valables que si la séance se tient en présence de
plus de la moitié des membres en exercice du conseil ; ce quorum est apprécié à l’ouverture
de la session ; s’il n’est pas atteint le président adresse une nouvelle convocation aux
membres du conseil et celui-ci délibère alors avec la même exigence de quorum. Si
celui-ci n’est pas atteint le conseil se réunit après le troisième jour ouvrable et délibère
valablement quel que soit le nombre des membres présents.
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Droit administratif marocain
Les délibérations sont adoptées à la majorité absolue des suffrages exprimés sauf pour
certaines questions particulièrement importantes pour lesquelles la majorité absolue des
membres en exercice est exigée. Il s’agit :
– du programme de développement régional ;
– du schéma régional d’aménagement du territoire ;
– de la création des sociétés de développement régional, la modification de leur objet
et des questions concernant leur capital ;
– des modes de gestion des services publics relevant de la région ;
– du partenariat avec le secteur privé ;
– des contrats relatifs à l’exercice des compétences partagées avec l’Etat et celles
transférées à la région.
Si cette majorité absolue n’est pas atteinte lors du premier vote, un second vote est
organisé et la délibération est alors votée à la majorité des suffrages exprimés lors d’une
seconde réunion.
La région peut être représentée dans divers organismes à titre délibératif ou consultatif
sur la base de lois ou de règlement ; elle est alors représentée par le président, son vice
président ou par un membre délégué à cet effet. S’il s’agit d’une représentation auprès
de divers organismes publics ou privés existant à l’intérieur de la région et dont elle est
membre ; le conseil désigne à la majorité relative des suffrages exprimés les membres du
conseil qui seront appelés à la représenter.
Les membres du conseil à titre individuel ou au nom du groupe, peuvent poser au
président des questions écrites sur toute affaire d’intérêt régional. Ces questions sont
inscrites à l’ordre du jour à la condition qu’elles parviennent au président un mois avant
la tenue de la session ; si elles n’ont pu faire l’objet de réponse lors de la séance réservée
à ces questions, elles sont reportées à l’ordre du jour de la session suivante sachant que le
conseil ne consacre qu’une seule séance par session aux réponses à ces questions.
Les séances du conseil sont publiques ; dans certaines conditions elles peuvent se tenir
à huis clos soit à la demande du président ou d’un tiers des membres du conseil, soit à
la demande du Wali si la réunion publique présente un risque d’atteinte à l’ordre public ;
le président assure la police des séances ; il peut faire expulser toute personne menaçant
l’ordre public ; en revanche il ne peut faire expulser un membre du conseil ; toutefois après
un rappel à l’ordre demeuré sans effet, le conseil peut décider sans débat, à la majorité
absolue des membres présents, d’exclure de la séance le conseiller qui entrave les débats
ou méconnaît les dispositions de la loi ou du règlement intérieur. Si le président se trouve
dans l’impossibilité de faire respecter l’ordre il peut faire appel au wali de la région.
192
Les collectivités territoriales
Le secrétaire du conseil dresse le procès verbal des séances ; les délibérations sont
signées par le président et inscrites sur le registre des délibérations. Le président est
responsable de la tenue de ce registre qu’il doit transmettre à son successeur et adresser au
Wali à la cessation de ses fonctions. Ce registre doit faire l’objet d’un dépôt aux archives
dans les conditions prévues par la loi 69-99.
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Droit administratif marocain
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Les collectivités territoriales
peut plus exercer ses fonctions et les délégations qui lui avaient été accordées sont retirées.
Le tribunal statue dans le délai d’un mois de sa saisine.
Les fonctions de président et de vice-président sont incompatibles avec la résidence à
l’étranger ; si une telle résidence se produit postérieurement à l’élection, la démission de
ses fonctions est prononcée par arrêté du ministre de l’intérieur saisi par le Wali.
Les deux tiers des membres du conseil peuvent à l’expiration de la troisième année
du mandat du conseil demander la démission du président ; cette demande ne peut être
présentée qu’une seule fois au cours du mandat du conseil ; cette demande est inscrite à
l’ordre du jour de la première session ordinaire suivante ; la démission n’est acquise que si
elle est votée par les trois quarts des membres en exercice du conseil.
La démission du président, sa révocation ou sa démission volontaire font obstacle à ce
qu’il soit candidat à la présidence du conseil pour le reste du temps qui reste à courir du
mandat du conseil. Le bureau du conseil est alors dissous et des élections d’un nouveau
bureau, président et vice-présidents, sont organisées.
La dissolution et la suspension du conseil de la région sont prévues pour faire face à
certaines situations.
Si les intérêts de la région sont menacés le ministre de l’Intérieur peut saisir le tribunal
administratif pour décider la dissolution du conseil.
Une procédure identique existe si le conseil refuse de remplir les missions qui lui
incombent du fait de la loi, s’il refuse d’adopter les décisions nécessaires concernant
le budget ou le fonctionnement de services publics de la région, ou bien en cas de
dysfonctionnement du conseil : le président peut saisir le ministre de l’Intérieur par
l’intermédiaire du Wali d’une demande de mise en demeure du conseil de mettre fin à cette
situation. A défaut d’obtenir satisfaction le ministre de l’Intérieur peut saisir le tribunal
administratif pour qu’il prononce la dissolution du conseil.
Dans ces situations ou bien si le conseil a perdu plus de la moitié de ses membres pour
cause de démission ou pour toute autre cause sans qu’il soit possible de pourvoir à leur
remplacement, le ministre de l’Intérieur nomme une délégation spéciale ; celle-ci composée
de cinq membres, est présidée par le Wali qui exerce les fonctions de président dont il peut
déléguer une partie aux membres de la délégation ; celle-ci se borne à expédier les affaires
courantes. La délégation cesse d’exercer ses fonctions selon le cas dès l’expiration de la
durée de la suspension ou l’élection du nouveau conseil. Celle-ci doit avoir lieu dans des
conditions de délais de trois mois à compter de la dissolution ou de la date de cessation
d’exercice de ses missions par le conseil lorsque celui-ci a perdu la moitié de ses membres
sauf si l’on se trouve dans les six derniers mois du mandat des conseils de région ; dans ce
195
Droit administratif marocain
cas la délégation spéciale continue d’exercer ses missions jusqu’au renouvellement général
des conseils de régions.
Si le président s’abstient de prendre les actes qui lui incombent dans des conditions qui
nuisent au fonctionnement normal des services de la région le ministre de l’intérieur, saisi
par le Wali, met le président en demeure d’exercer ses fonctions. Si au bout de quinze
jours celui-ci persiste dans son abstention, le ministre de l’Intérieur saisit en référé le
tribunal administratif d’une demande de reconnaissance de l’état d’abstention. Le tribunal
statue dans les quarante huit heures par une décision définitive et sans convocation des
parties le cas échéant. Dans ce cas le wali peut se substituer au président pour effectuer les
actes que le président s’est abstenu d’effectuer.
• Le développement régional
Dès la première année de son élection le Conseil met en place un programme de
développement régional sous supervision du président ; il doit veiller à son suivi, à son
évaluation et à son actualisation.
Ce programme élaboré pour six ans doit l’être en coordination avec le Wali de la région
chargé de la coordination des activités des services déconcentrés des administrations d’Etat
dans la région et inscrire de cette façon la programmation des actions de développement
196
Les collectivités territoriales
qui pourront être réalisées dans la région en prenant en considération de manière optimale
leur nature, leur emplacement et leur coût.
Ce programme suppose l’établissement préalable d’un diagnostic des potentialités de
la région ; il doit suivre les orientation stratégiques de la politique de l’Etat au niveau
régional de même qu’il doit intégrer les projets des autres collectivités territoriales, ceux
des entreprises publiques sans négliger ceux des acteurs privés des secteurs économiques et
sociaux intégrés dans les orientations du schéma d’aménagement du territoire de la région.
La mise en œuvre de ce programme peut faire appel à la technique contractuelle que ce
soit avec l’Etat ou avec les autres intervenants.
Naturellement le Conseil régional doit tenir compte de ce programme lors de
l’établissement du budget de la région dans sa partie relative à l’équipement compte tenu
des ressources disponibles. L’actualisation de ce programme peut être réalisée à partir de
la troisième année de son entrée en vigueur ; les conditions de son élaboration, de son
actualisation et de son évaluation sont déterminées par voie réglementaire.
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au statut des personnels de l’Agence ; il peut aussi comporter des fonctionnaires détachés
ou mis à disposition.
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Les collectivités territoriales
Les ressources de la région (art. 186 et s.). C’est une question fondamentale car les
possibilités d’action de la région sont très largement conditionnées par l’importance de ces
ressources et leur caractère pérenne. Ces ressources sont de trois sortes : des ressources
propres, des ressources affectées par l’Etat et des ressources d’emprunt. Sur la base de
l’article 141 de la Constitution la loi organique rappelle que le budget de l’Etat doit prévoir
l’affectation de ressources financières permanentes et suffisantes pour permettre aux
régions l’exercice de leurs compétences propres, et le transfert des ressources financières
correspondantes aux compétences transférées.
Parmi ces ressources figurent conformément à l’article 141-1° de la Constitution des
produits d’impôts et de taxes reversés par l’Etat ainsi que des crédits figurant au budget
général de l’Etat. A ces ressources s’ajoutent des ressources régionales composées soit
d’impôts et taxes, soit de revenus tirés de services rendus, ou des biens et participations,
soit des emprunts ou des fonds de concours etc..La région peut aussi bénéficier de facilités
de trésorerie dans l’attente du recouvrement des ressources fiscales qui lui reviennent sur
la part des impôts d’Etat.
Les charges de la région figurent au budget de la région et dans ses budgets annexes
et comptes spéciaux (art. 192). Elles se répartissent en dépenses de fonctionnement et
dépenses d’équipement. Elles comportent des dépenses obligatoires (art. 196) : paiement
des salaires et indemnités des personnels de la région, primes d’assurance, contribution
aux organismes de prévoyance et fonds de retraite, dettes exigibles, etc.
La préparation du budget relève des attributions du président (art. 197 et s.). Il
doit être établi sur la base d’une programmation triennale de l’ensemble des ressources
et des charges de la région conformément au programme de développement régional.
La programmation est actualisée chaque année afin de tenir comte de l’évolution des
ressources et des charges. Le projet est soumis à la commission du budget, des affaires
financières et de la programmation accompagné des documents nécessaires. Le budget
doit être adopté au plus tard le 5 novembre. S’il n’a pas été adopté à cette date le conseil
est réuni en session extraordinaire pour examiner les propositions de modifications.
L’ordonnateur doit alors adresser au ministre de l’intérieur le budget adopté ou, à défaut,
le budget non adopté ainsi que les procès verbaux des délibérations du conseil. Le ministre
de l’intérieur après examen de l’ensemble des données du problème posé par cette non
adoption, procède à l’établissement d’un budget de fonctionnement sur la base du dernier
budget visé en tenant compte de l’évolution des charges et des ressources.
Le visa du budget (art. 202 et s.). Le budget doit être présenté au ministre de l’Intérieur
au plus tard le 20 novembre. Il est exécutoire dès lors qu’il est visé ce qui signifie qu’il
respecte les dispositions de la loi organique et des lois et règlements en vigueur, qu’il a
été voté en équilibre sur la base de la sincérité des prévisions de recettes et de dépenses et
205
Droit administratif marocain
qu’il a bien intégré l’ensemble des dépenses obligatoires. Le budget transmis au ministre
de l’intérieur doit être accompagné d’un état faisant apparaître la programmation triennale
et les états comptables et financiers de la région établis sur la base de modèles fixés par
décret sur proposition du ministre de l’intérieur. Le refus de visa motivé oblige le président
et le conseil de région à revoir le budget de façon à corriger les erreurs ou manques qui
ont justifié le refus de visa. Si le budget n’est pas visé avant le premier janvier le président
peut être habilité par le ministre de l’Intérieur à exécuter le budget dans la limite des
dépenses de fonctionnement inscrites au dernier budget visé ; il peut également liquider
et ordonnancer les annuités d’emprunt et le règlement des décomptes relatifs aux marchés
dont les dépenses ont été engagées.
Lorsque le budget n’a pas été présenté au visa avant le premier janvier, le ministre
de l’Intérieur après avoir demandé des explications au président, peut établir un budget
de fonctionnement sur la base du dernier budget visé en tenant compte de l’évolution
des charges et des ressources de la région. Le budget est exécuté par le président qui
est l’ordonnateur des recettes et des dépenses. Le président et le trésorier exécutent
les opérations financières et comptables du budget de la région dont les fonds doivent
obligatoirement être déposés à la Trésorerie générale du Royaume.
Si le président s’abstient d’ordonnancer une dépense régulièrement due par la région,
le wali lui en demande la raison et le met en demeure d’ordonnancer la dépense. A défaut
d’exécution dans un délai de quinze jours et après constatation par le tribunal administratif
saisi en référé par le ministre de l’intérieur de la situation d’abstention du président, le wali
peut se substituer à ce dernier et effectuer l’ordonnancement des dépenses considérées.
Le budget peut être modifié en cours d’année par l’établissement de budgets
modificatifs qui suivent les mêmes formes et procédures de visa que le budget initial. Le
budget est arrêté au plus tard le 31 janvier de l’exercice suivant dans des conditions qui
sont fixées par décret sur proposition du ministre de l’intérieur.
Certaines régions peuvent bénéficier de la création décidée par la Constitution de deux
fonds, le Fonds de mise à niveau sociale et le Fonds de solidarité inter-régionale.
Les ressources du Fonds de mise à niveau sociale, ses modalités de fonctionnement et
sa durée sont déterminées par une loi de finances ; il est destiné à rattraper les retard de
certaines régions en matière d’infrastructures et d’équipements malgré les plans mis en
œuvre au cours des décennies précédentes : eau potable et électricité, habitat insalubre,
santé, éducation, réseau routier et télécommunications. C’est le chef du gouvernement
qui est ordonnateur de ce fonds ; il peut déléguer ce pouvoir aux walis de région. Les
conditions d’engagement des crédits de ce Fonds sont fixées par décret : ces conditions
concernent les critères d’attribution, les programmes annuels et sectoriels correspondant
aux domaines d’intervention du Fonds, les modalités de suivi et d’évaluation des
206
Les collectivités territoriales
programmes, leur audit et leur actualisation. Pour la réalisation des objectifs du Fonds
il est créé un comité technique dans chaque région. Ce comité est présidé par le wali
de la région et composé du président de la région, des gouverneurs des préfectures et
provinces, des présidents des conseils de préfectures et de provinces et des représentants
des présidents des conseils de commune à raison d’un président pour cinq communes. Font
également partie de ce comité technique les représentants des départements ministériels
concernés par les programmes et opérant dans le ressort territorial de la région. Ce comité
est chargé d’établir un diagnostic sur la situation de la région au regard des objectifs de
la mise à niveau sociale et d’élaborer un programme d’action prenant en considération
les priorités à respecter entre les différents objectifs de cette mise à niveau. Le comité
se réunit deux fois par an et autant de fois qu’il est nécessaire. Le wali établit un rapport
annuel sur l’exécution des programmes, leur évaluation et les recommandations qui
pourraient en améliorer le rendement.
Le Fonds de solidarité inter-régionale a pour but une répartition équitable de ressources
de manière à réduire les disparités entre les régions. Une loi de finances détermine les
ressources et les dépenses de ce Fonds ainsi que ses conditions de fonctionnement. Le
ministre de l’intérieur est l’ordonnateur de ce Fonds ; les critères de répartition des crédits
de ce Fonds entre les régions sont fixés par décret par le ministre de l’intérieur après
consultation des présidents des conseils de région.
La région comme toute personne morale possède des biens qui font partie de son
domaine public ou de son domaine privé ; le régime juridique de ce patrimoine est fixé
par la loi. Les décisions de gestion de ce patrimoine relèvent selon le cas du conseil de la
région (art. 98) ou du président (art. 101).
Les marchés de la région ainsi que ceux des groupements de régions ou de collectivités
territoriales sont passés dans les mêmes conditions que les marchés publics actuellement
régis par le décret du 20 mars 2013 dont ils doivent respecter les principes rappelés par
l’article 223 : liberté d’accès à la commande publique, égalité et garantie des droits des
concurrents, transparence dans le choix du maître d’ouvrage, respect des règles de bonne
gouvernance.
Le contrôle des finances de la région relève de la cour régionale des comptes et ses
opérations financières et comptables font l’objet d’un audit annuel effectué conjointement
par l’inspection générale des finances et par l’inspection générale de l’administration
territoriale. Le rapport établi à la suite de cet audit est adressé au président de la région, au
wali de la région, au ministre de l’intérieur et à la cour régionale des comptes concernée.
Le président communique ce rapport au conseil de la région qui doit en débattre. Le conseil
peut décider de créer une commission d’enquête au sujet d’une question intéressant les
affaires de la région. Aucune commission d’enquête ne peut être créée si une instruction
207
Droit administratif marocain
judiciaire est en cours. La mission de la commission prend fin avec le dépôt de son rapport
auprès du conseil qui en débat et peut éventuellement décider d’en adresser copie à la cour
régionale des comptes.
A. Le contrôle administratif
Il se dédouble de façon très classique en un contrôle sur les personnes et un contrôle
sur les actes. Le contrôle sur les personnes, élus ou conseil, est aujourd’hui intégré dans
le statut de l’élu (art. 54 à 79). Quant au contrôle sur les actes il résulte des dispositions
du Chapitre III de la loi (art. 112 à 115) et de diverses dispositions que l’on rencontre
notamment parmi celles qui sont consacrées au budget.
En application de l’article 145 de la Constitution c’est le wali de la région qui exerce le
contrôle sur la légalité des délibérations du conseil et des arrêtés du président. Les litiges
qui peuvent s’élever à cet égard relèvent du tribunal administratif. L’article 112-3° définit
la nullité de droit qui reste le seul motif d’annulation des actes des organes de la région.
Sont nuls de plein droit les actes qui sont pris en dehors des attributions des organes ou
en violation des lois et règlements. Mais c’est le tribunal administratif qui statue sur cette
nullité lorsqu’il est saisi par le ministre de l’intérieur.
Une copie des délibérations et des procès verbaux des délibérations du conseil ainsi
que des arrêtés du président pris dans le cadre de son pouvoir réglementaire doivent être
notifiées au Wali contre récépissé dans les dix jours ouvrables faisant suite à la clôture
de la session. Il en est de même pour le règlement intérieur. Le wali peut s’opposer s’il
constate un cas de nullité absolue ; il notifie son opposition motivée au Président dans un
délai de trois jours ce qui oblige le conseil à revoir sa délibération. S’il s’agit d’un arrêté
réglementaire du président il en est de même. Si le conseil maintient sa position le ministre
de l’Intérieur saisit le tribunal administratif en référé afin qu’il statue sur la demande de
suspension d’exécution dans un délai de quarante huit heures de la saisine ; cette saisine
suspend l’exécution jusqu’à ce que le tribunal ait statué. Le tribunal statue ensuite sur la
demande de nullité dans un délai de trente jours ; le tribunal notifie sa décision au ministre
de l’Intérieur et au président dans un délai de dix jours du prononcé de son jugement.
A défaut d’opposition du wali les délibérations sont exécutoires à l’expiration du délai
d’opposition.
208
Les collectivités territoriales
Par ailleurs ne sont exécutoires qu’après avoir été visées par le ministre de l’Intérieur
les délibérations suivantes :
– programme de développement régional ;
– schéma régional d’aménagement du territoire ;
– organisation de l’administration et à ses attributions ;
– gestion déléguée des services publics et des ouvrages publics de la région ;
– création de sociétés de développement régional ;
– délibérations ayant des incidences financières ;
– délibérations relatives aux conventions de coopération décentralisée et de jumelage
conclues avec des collectivités locales étrangères et des acteurs en dehors du royaume
que l’on retrouvera dans la section IV consacrée à la coopération internationale des
collectivités territoriales.
Les délibérations doivent être visées dans le délai de vingt jours à compter de leur
réception par le ministre de l’intérieur ; à l’expiration de ce délai le visa est réputé accordé.
Les délibérations relatives au budget, aux emprunts et aux garanties doivent également
obtenir le visa du ministre de l’Intérieur dans les conditions prévues par les articles 202
et suivants de la loi organique relatifs au visa du budget. Le visa est également réputé
accordé à l’expiration du délai de vingt jours prévus par l’article 202.
209
Droit administratif marocain
§8. Le contentieux
On sait que désormais tous les litiges qui peuvent naître à l’occasion de la mise en
œuvre du contrôle administratif relèvent de la compétence de la juridiction administrative
siégeant en référé ou au fond. Mais la région peut être engagée dans des actions en justice
soit en demande soit en défense. Ce sont ces cas qui sont traités par le chapitre VII de la
loi organique.
Le principe est que le président représente la région en justice sauf s’il se trouve
dans une situation de conflit d’intérêts. Dans ce cas il est fait appel à la suppléance d’un
vice-président ou à défaut d’un conseiller désigné par le conseil. Le président est tenu de
défendre les intérêts de la région devant les tribunaux: l’article 237-2° énumère toutes les
situations dans lesquelles le président se doit d’agir à cet effet. S’il s’abstient de procéder
aux actes nécessaires pour assurer le recouvrement des créances de la région l’intervention
de l’autorité de contrôle administratif est de nature à remédier à cette abstention. On peut
d’ailleurs se demander si l’invocation de l’article 67 de la loi n’est pas une erreur, car la
révocation éventuelle du président par décision du juge est une mesure moins pratique que
celle de l’article 79 qui prévoit expressément le cas de l’état d’abstention du président et
les moyens de le surmonter en justice par le pouvoir de substitution que peut exercer le
wali dans certaines conditions.
210
Les collectivités territoriales
211
Droit administratif marocain
Mais le statut n’est qu’un élément d’un processus de régionalisation qui doit en
comporter beaucoup d’autres pour être assuré de se développer favorablement ; on
en énumérera quelques uns qui peuvent paraître tout a fait déterminants et qui sont
aujourd’hui à la disposition des responsables régionaux
Il convient tout d’abord de faire fonctionner réellement ces institutions ; mais pour y
parvenir il faut non seulement le dévouement et la compétence des hommes, mais aussi un
certain nombre de moyens institutionnels, matériels et financiers.
On a déjà évoqué le personnel de haut niveau de compétence qui doit entourer le
président et le conseil régional.
On a passé en revue les ressources financières qui, théoriquement, devaient alimenter
le budget régional ; il va de soi que ces ressources doivent être réelles et d’une importance
significative au regard des compétences régionales.
Mais il faut aussi que l’Etat s’adapte à l’espace régional et à ses institutions.
La région, comme les autres collectivités d’ailleurs, ne se conçoit pas isolément ; elle
fait partie d’un ensemble, le territoire, l’espace national ; l’Etat ne peut pas se désintéresser
de l’espace régional qui en est une pièce essentielle. La décentralisation régionale ne peut
s’épanouir et la région faire face correctement à sa mission, que si, parallèlement à sa mise
en place, l’Etat adapte son organisation, ses méthodes et ses politiques à ses exigences.
A cet égard l’Etat a une double responsabilité.
Il doit naturellement tracer les grandes orientations qui vont éclairer l’action des
régions : la loi organique du 7 juillet 2015 prévoit expressément que l’élaboration du
programme régional de développement économique et social et le schéma d’aménagement
du territoire régional doit tenir compte des orientations stratégiques de la politique de
l’Etat et de la politique publique d’aménagement du territoire adoptée au niveau national.
Encore faut-il que ces orientations soient définies de façon claire en fonction des réalités
de la nouvelle carte régionale.
Mais en second lieu il est nécessaire qu’au niveau de la région, les représentants de
l’Etat, au premier rang desquels figurent les wali-gouverneurs du chef lieu de région,
soient en mesure de coopérer avec les instances régionales et d’éclairer leurs travaux.
Cela signifie très clairement que tous les services de l’Etat doivent considérer l’échelon
régional comme un niveau essentiel de leur action ; pour cela il faut y installer les cadres
de haut niveau qui gonflent parfois inutilement les services centraux, et surtout il faut
qu’enfin, les pouvoirs de décision soient déconcentrés là où ces décisions doivent être
prises, et délégués à ceux qui d’une part connaissent le terrain, et qui, d’autre part, ont
pour mission de coordonner non seulement l’action des services de l’Etat, mais aussi
212
Les collectivités territoriales
l’action de ces derniers et celle des instances régionales, conformément à l’article 145 de
la Constitution, c’est-à-dire les walis et Gouverneurs.
Les nouvelles institutions régionales n’ont en elles-mêmes aucune vertu ; elles ne
pourront atteindre leur but et acquérir celle-ci, que si elles parviennent à réaliser une
meilleure intégration politique de la population qui aura le sentiment, qu’à travers elles,
elle peut mieux exprimer ses besoins, qu’elle peut mieux les faire prendre en compte et
qu’elle peut ainsi obtenir que les efforts d’équipement et de développement soient mieux
répartis sur l’ensemble du territoire et mieux adaptés à sa diversité.
Mais la promotion de la nouvelle entité régionale qui soulève beaucoup d’espoir,
ne sera un succès que si elle est soutenue par une volonté politique permanente qui
suppose continuité dans l’effort, stabilité des hommes chargés de la conduire, et régularité
dans le fonctionnement des institutions régionales. A cet égard le titre VIII de la loi
organique relatif aux règles de gouvernance indique clairement les moyens de faire une
bonne application du principe de libre administration. Parmi ces moyens il faut insister
sur la mise en place des techniques modernes de gestion (article 245), le renforcement
des contrôles internes, le recours à des évaluations par des audits (article 248), la
publication des rapports de contrôle et d’audit et leur discussion par le conseil ainsi que
leur publication « par tous moyens convenables afin que le public puisse les consulter »
(article 246). S’il en va ainsi la nouvelle région pourra bien mieux que ses devancières,
contribuer à une amélioration de la gestion des ressources du pays et à la transformation
des nouveaux élus issus directement du vote populaire qui en ont désormais la charge, en
des gestionnaires modernes dont les régions, devenues pilotes du développement régional,
ont un impérieux besoin.
Section II
L’organisation provinciale et préfectorale
213
Droit administratif marocain
des populations. Après une période de flottement un dahir du 13 octobre 1956 créait
19 provinces et 5 préfectures ; ce découpage ne devait pas subsister et le dahir du
2 décembre 1959 sur la division administrative du royaume ramenait ces chiffres à
16 provinces et 2 préfectures. Ces nouvelles circonscriptions ne constituaient cependant
que les cadres territoriaux d’une simple déconcentration administrative. Mais leur
existence même posait le problème de savoir s’il ne conviendrait pas de les faire évoluer
vers le statut de collectivités décentralisées. La volonté de démocratiser les institutions, le
désir d’associer les populations aux tâches de développement et d’équipement dont la mise
en place de la Promotion nationale démontrait l’impérieuse nécessité, constituaient autant
de facteurs favorables à une telle évolution.
Celle-ci devait trouver son aboutissement dans la Constitution de 1962. Il restait
alors à organiser ces nouvelles collectivités : c’est ce que firent plusieurs textes élaborés
en 1963. Le texte de base est le dahir du 12 septembre 1963 (B.O. 1963, p. 1469) relatif
à l’organisation des préfectures, des provinces et de leurs assemblées. Des textes du
même jour déterminaient la liste des provinces et des préfectures, le nombre de sièges des
assemblées, tandis qu’était fixée la date des premières élections provinciales.
Depuis lors, la conception du rôle de l’échelon provincial au sein de l’appareil
administratif territorial a connu une sensible évolution, et, dans le même temps, de
nombreuses modifications ont été apportées au découpage provincial.
Le rôle initialement assigné à la circonscription provinciale a été remis en cause en
raison du fait que la province est peu à peu apparue comme ne constituant pas un cadre
adapté aux exigences du développement économique et à la projection dans l’espace des
prévisions du planificateur. La province ne constitue pas toujours une entité géographique
satisfaisante capable d’être utilisée comme cadre d’une planification régionale vers
laquelle se sont orientés les plans de développement ; il a semblé nécessaire de regrouper
les provinces en régions possédant non seulement une plus grande dimension, mais surtout
une plus grande unité du point de vue des infrastructures, des ressources existantes ou
potentielles, etc., permettant une mise en valeur plus cohérente et plus en accord avec la
nécessité de parvenir à une réduction des disparités de développement constatées entre les
diverses parties du territoire.
Le découpage régional réalisé en 1971 a certes été remis en cause pour aboutir à un
nombre de régions plus élevé, seize en 1997 et 12 en 2015. Mais la place que conserve la
province ou la préfecture entre la région et la circonscription de base, n’est pas contestée.
On peut en effet estimer que la province et la préfecture sont peut être plus
qu’auparavant, un échelon essentiel de l’encadrement administratif général, même si le
développement économique et social doit être conçu à l’échelon régional : les dimensions
du territoire, la dispersion de la population, le nombre et la complexité des tâches
214
Les collectivités territoriales
215
Droit administratif marocain
au traitement des problèmes d’aménagement du territoire qui implique que l’on puisse faire
abstraction des limites des circonscriptions administratives pour traiter des problèmes qui
les concernent toutes. Aujourd’hui la wilaya circonscription déconcentrée de l’Etat, coïncide
avec la collectivité régionale ce qui est de nature à faciliter la coordination de leurs actions.
L’adoption de la Constitution de 2011 a engagé un processus de modernisation de
l’ensemble du régime juridique des collectivités territoriales qui naturellement a concerné
la préfecture et la province. C’est aujourd’hui la loi organique n° 112-14 du 7 juillet 2015
(B.O. 2016, p. 231) qui constitue la charte de la préfecture et de la province. Ce texte
comporte de très nombreuses analogies avec le texte concernant la région dans la mesure
où la volonté du législateur a été de suivre les grands principes contenus dans le titre IX
de la Constitution pour l’ensemble des collectivités territoriales : libre administration,
démocratisation, participation, modernisation de la gestion, reddition des comptes dans le
respect d’une gouvernance rigoureuse, en élargissant les compétences de la collectivité,
en la dotant de ressources financières pérennes et d’une organisation administrative
appropriée aux missions qu’elle doit assurer.
Ces collectivités territoriales sont dotées de la personnalité morale et de l’autonomie
administrative et financière ; leur nombre, leurs noms, leurs limites territoriales et leur
chef lieu comme leur création ou leur suppression, relèvent du décret selon l’article 5 de
la loi du 27 juillet 2013 (B.O. 2013, p. 2236) ; l’article 4 de cette loi pose les principes de
délimitation des ressorts territoriaux des préfectures et des provinces : rapprochement de
l’administration et des citoyens, adaptation de l’espace aux exigences du développement
économique social et culturel, existence des infrastructures, accès de la population de
toutes les parties du territoire aux diverses prestations administratives, économiques,
sociales et culturelles prise en compte du processus d’urbanisation et des flux économiques
entre provinces et préfectures existantes, classement de la collectivité en province ou
préfecture selon le caractère urbain ou rural prédominant.
On examinera tout d’abord la composition du conseil, le statut de l’élu, les compétences
de la préfecture et de la province, les attributions respectives du conseil et du président,
les moyens administratifs et financiers de la collectivité, la gouvernance, le contrôle
administratif, et le contentieux.
216
Les collectivités territoriales
provinces, son suivi, son actualisation, son évaluation et les mécanismes de dialogue et
de concertation pour sa préparation, B.O. n° 6482 du 14 juillet 2016, p. 5344, ainsi que
le décret du 29 juin 2016 pour l’application de l’article 50 de la loi organique n° 112-14
relative aux préfectures et provinces, B.O. n° 6482 du 14 juillet 2016 p. 5383.
A. La composition du conseil
Le mode d’élection, les conditions d’éligibilité et les cas d’inéligibilité, la durée du
mandat sont fixés par loi organique 59-11 du 21 novembre 2011 (B.O. 19 juillet 2012,
p. 2426) modifiée par la loi organique n° 34-15 du 16 juillet 2015 (B.O. 2015, p. 3858).
Les membres du conseil sont élus pour six ans par un collège électoral composé des
membres des conseils communaux de la province ou de la préfecture au scrutin de liste à
la représentation proportionnelle au plus forte reste, sauf le cas où un seul membre est à
élire ; dans ce cas l’élection se fait au scrutin majoritaire uninominal à un tour à la majorité
relative.
Le nombre des membres à élire est fixé par la loi organique (article 102) en fonction de
la population de la province ou de la préfecture telle qu’elle résulte du dernier recensement
officiel de la population (2014) selon un barème qui va de 11 membres pour une
population de 150 000 habitants à 31 membres pour une population égale ou supérieure à
1 000 000 d’habitants.
Outre les inéligibilités générales prévues par l’article 6 de la L.O., l’article 105
déclare incompatibles le mandat de membre de ce conseil avec tout emploi rémunéré par
la collectivité ou par un établissement public relevant de celle-ci, ou avec la qualité de
concessionnaire ou de délégataire de service public de la collectivité. Le conseiller qui
se trouve en situation d’incompatibilité doit démissionner ; à défaut de se mettre en règle
il peut être démis d’office par le tribunal administratif à la requête du gouverneur. Les
déclarations de candidature sont reçues par le gouverneur ou son représentant. Chaque
liste de candidats doit comporter autant de nom que de sièges à pourvoir. Les listes
peuvent comprendre des candidats accrédités par plusieurs partis politiques mais aussi des
personnes sans appartenance politique.
Le gouverneur par l’intermédiaire de l’autorité locale, adresse aux électeurs un avis
comportant leurs références personnelles, l’adresse du bureau de vote et le numéro d’ordre
selon lequel ils figurent sur la liste. De la même façon sont désignés les présidents des
bureaux de vote et leurs suppléants ainsi que leurs membres.
Dans les dix jours de son élection le conseil se réunit pour procéder à l’élection du
président et des vice-présidents. Pour être candidat à la présidence il faut être classé en
tête de listes ayant obtenu des sièges au conseil. En outre le candidat doit appartenir à
217
Droit administratif marocain
l’une des listes classées dans les cinq premières au regard du nombre de sièges obtenus.
Les candidats doivent avoir obtenu l’accréditation d’un parti politique sauf s’il s’agit de
candidats sans appartenance politique. Les candidatures doivent être déposées auprès du
gouverneur. Le gouverneur convoque la séance qui se tient cinq jours après l’élection
du conseil ; la séance est présidée par le membre le plus âgé et le plus jeune assure le
secrétariat et établit le procès-verbal de l’élection.
L’élection se fait en trois tours éventuellement ; au premier et deuxième tour le
président doit réunir la majorité absolue des membres en exercice ; à défaut de cette
majorité un troisième tour est organisé : le président est élu alors à la majorité relative des
membres présents.
Les fonctions de président et de vice-président sont incompatibles avec les fonctions
équivalentes dans une autre collectivité territoriale, de président ou de vice-président d’une
chambre professionnelle ou d’un conseil d’arrondissement. En cas de cumul l’intéressé est
démis de plein droit de la première fonction à laquelle il a été élu, démission constatée
par le ministre de l’Intérieur. Le nombre des vice-présidents est de 2 pour des conseils
comprenant de 11 à 13 membres, de 3 pour des conseils de 15 à 23 membres, de 4 pour
les conseils de 25 ou 27 membres et de 5 pour des conseils de 29 à 31 membres.
Les vice-présidents sont élus au scrutin de liste, chaque liste comprend autant de noms
qu’il y a de poste à pourvoir et mentionne leur classement. Le président présente la liste
qu’il propose. Les autres membres peuvent présenter des listes ; le membre classé en tête
présente la liste. Pour respecter le principe de parité chaque liste doit comporter un nombre
de femmes candidates au moins égal au tiers des postes de vice-président. Président et
vice-président sont élus pour la durée du mandat du conseil.
Les élections du président et des vice-présidents se font au scrutin public.
Le conseil dès l’élaboration de son règlement intérieur, doit constituer au moins trois
commissions permanentes consacrées respectivement au budget, affaires financières et
programmation ; au développement rural et urbain, la promotion des investissements,
l’eau, l’énergie et l’environnement, aux affaires sociales et à la famille.
Ces commissions doivent compter au moins cinq membres qui ne peuvent être membres
que d’une seule commission. Le règlement intérieur fixe le nombre des commissions
permanentes leur objet et leur dénomination et les modalités de leur fonctionnement.
Le conseil élit les présidents des commissions et leur adjoint à la majorité relative des
membres présents ; ils peuvent être démis de leurs fonctions à la majorité absolue des
suffrages exprimés.
Le principe de parité doit être pris en considération lors de cette élection ; la présidence
d’une commission est réservée à l’opposition. Les commissions permanentes se réunissent
218
Les collectivités territoriales
B. Le fonctionnement du conseil
Le fonctionnement du conseil repose sur le règlement intérieur qui est préparé par le
président en collaboration avec le bureau ; après examen le conseil vote ce projet ; une fois
approuvé par le conseil, la délibération du conseil accompagnée du règlement intérieur
est adressée au gouverneur ; le règlement entre en application huit jours après cet envoi si
le gouverneur n’a pas fait opposition. En cas d’opposition motivée par la violation de la
loi organique ou des lois et règlement en vigueur et notifiée au président, le conseil doit
délibérer de nouveau. Si le conseil maintien sa délibération le gouverneur saisit le tribunal
administratif en référé afin qu’il statue sur la demande de suspension d’exécution du
règlement. La suspension subsiste jusqu’à ce que le tribunal ait statué sur la demande de
nullité et cela dans un délai de trente jours. Copie du jugement est adressé au gouverneur
et au président du conseil.
Le conseil siège en session ordinaire au moins trois fois par an : en janvier, juin et
septembre. Le deuxième lundi du mois ou le jour ouvrable suivant si la date initialement
prévue coïncide avec un jour férié. Un calendrier des séances de chaque session est établi
ainsi que les questions à soumettre à l’ordre du jour des délibérations. Le gouverneur
assiste aux séances ; il ne participe pas aux votes mais, à la demande du président ou à
la sienne, il peut présenter observations ou précisions relatives aux questions inscrites à
l’ordre du jour. Les agents des services de la préfecture ou de la province peuvent assister
aux séances à titre consultatif sur convocation du président ; de même le président peut
demander par l’intermédiaire du gouverneur la participation aux travaux du conseil des
fonctionnaires et agents de l’Etat ou des entreprises publiques à titre consultatif. Les
réunions du conseil sont convoquées par un avis du président qui en fixe la date et l’heure
219
Droit administratif marocain
et qui est accompagné de l’ordre du jour et des documents nécessaires sept jours au moins
avant la date de la réunion. Les sessions durent en principe quinze jours ; cette durée peut
être prorogée ; l’arrêté de prorogation du président est transmis au gouverneur.
Si les circonstances l’exigent, le conseil peut être convoqué en session extraordinaire
par le président ou si le tiers de membres le demande ; cette demande doit être
accompagnée des questions à inscrire à l’ordre du jour. Si le président refuse de satisfaire
cette demande il doit motiver son refus par un arrêté notifié aux intéressés. Si la demande
est présentée par la majorité absolue des membres du conseil, la session extraordinaire se
tient obligatoirement sur un ordre du jour déterminé. La session extraordinaire est close
par l’épuisement de l’ordre du jour et en tout état de cause dans un délai de sept jours
consécutifs ; cette session ne peut pas être prorogée.
Le conseil peut aussi se réunir de plein droit en session extraordinaire à la demande du
gouverneur assortie des questions à inscrire à l’ordre du jour. C’est le président qui convoque
le conseil et fait parvenir à ses membres l’ordre du jour et les documents nécessaires. La
session se tient si la moitié des membres est présente ;à défaut de ce quorum la session est
reportée au jour ouvrable suivant et se tient quel que soit le nombre de membres présents.
L’ordre du jour est établi par le président en collaboration avec le bureau ; sont inscrites
de plein doit les questions supplémentaires demandées par le gouverneur notamment celles
qui présentent un caractère urgent ainsi que les demandes ayant fait l’objet de pétitions
jugées recevables. Les membres du conseil à titre individuel ou collectif peuvent également
demander au président l’inscription de questions à l’ordre du jour. Le refus d’inscription
doit être motivé ; il est notifié au(x) membre(s) à l’origine de la demande. Ce refus est porté
à la connaissance du conseil sans débat à l’ouverture de la session suivante ; il fait l’objet
d’une inscription au procès verbal de la séance. Si la demande écrite émane de la moitié
des membres, la question objet de la demande est obligatoirement inscrite à l’ordre du jour.
Le président peut s’opposer à la discussion de toute question qui ne figure pas à l’ordre
du jour. Le gouverneur de son côté peut s’opposer à toute question qui n’entre pas dans les
compétences du conseil ; il soumet son opposition motivée au président et, le cas échéant,
il peut saisir en référé le tribunal administratif pour statuer sur cette opposition. Tant que
le tribunal administratif n’a pas statué, le conseil ne peut pas délibérer sur cette question
sauf à encourir les sanctions prévues par la LO.
Le conseil ne peut délibérer que si la moitié des membres en exercice sont présents à
l’ouverture de la session ; ce quorum est apprécié à l’ouverture de la session. Après une
deuxième convocation adressée dans un délai de trois jours au moins et cinq jours au plus
du jour fixé pour la première réunion, le conseil se réunit dans les mêmes conditions ; à
défaut du quorum une troisième convocation est adressée aux membres du conseil qui se
réunit alors quel que soit le nombre des membres présents.
220
Les collectivités territoriales
C. Le statut de l’élu
De nombreuses dispositions concernant ce statut ont été déjà exposées lors de la
présentation de la composition du conseil et de l’élection de ses membres. Mais d’autres
mesures sont prévues par les articles 52 à 77 de la LO. Pour lutter contre le nomadisme
électoral il est interdit à un élu de changer d’appartenance politique en cours de mandat
221
Droit administratif marocain
sauf à être déchu de son mandat ; cette déchéance est prononcée par le tribunal administratif
saisi par le président ou par le parti politique abandonné par le conseiller.
Le président, les vice-présidents, le secrétaire du conseil et son adjoint ainsi que les
présidents et les vice-présidents des commissions permanentes perçoivent des indemnités
de représentation et de déplacement. Les autres membres du conseil peuvent percevoir
des indemnités de déplacement ; ces indemnités sont fixées par décret. Le cumul de ces
indemnités est interdit sauf pour les indemnités de déplacement.
Les membres du conseil ont droit à une formation continue dans les domaines de
compétence de la collectivité dans des conditions déterminées par décret sur proposition
du ministre de l’intérieur.
La préfecture ou la province est responsable des dommages subis par les conseillers
dans l’exercice de leurs fonctions ; pour cela elle doit adhérer à un régime d’assurance.
Les employeurs privés ont l’obligation d’accorder à leurs salariés les permissions
d’absence nécessaires pour qu’ils puissent participer aux activités liées à leur mandat
d’élus. Le temps passé ne leur sera pas payé en temps de travail mais il pourra être
récupéré ; ces absences ne peuvent en aucun cas leur être imputées à faute justifiant la
rupture du contrat de travail.
Les fonctionnaires et agents de l’Etat, des collectivités territoriales ou des établissements
publics élus comme conseillers bénéficient des dispositions statutaires pour exercer leur
mandat sous forme de permission d’absence accordée avec maintien du traitement sans
incidence sur le droit à congé. Le président peut bénéficier de plein droit de la position de
détachement ou de mise à disposition en conservant ses droits au salaire, à l’avancement
et à la retraite. Cette position prend fin avec l’achèvement de son mandat de président.
Le président ou les vice-présidents qui souhaitent démissionner doivent en faire la
demande au gouverneur pour le président, ou au président pour les vice-présidents ; le
président en informe le gouverneur. Dans les deux cas la démission devient effective au
bout d’un délai de quinze jours à compter de la date de la réception de la demande de
démission. Le président et les vice-présidents démissionnaires continuent à expédier les
affaires courantes pour maintenir la continuité du service public jusqu’à l’élection de leur
remplaçant. Ils sont inéligibles aux élections organisées pour la durée restante du mandat
du conseil.
La justice est seule compétente pour révoquer un membre du conseil, déclarer la nullité
d’une délibération, suspendre l’exécution d’une délibération ou d’un arrêté du président
entaché d’un vice juridique, ou dissoudre le conseil. Si un membre du conseil ou le
président commet des actes contraires aux lois et règlements ou portant atteinte à l’éthique
du service public ou aux intérêts de la collectivité le gouverneur, par l’intermédiaire du
222
Les collectivités territoriales
président ou directement s’il s’agit du président, demande aux intéressés des explications
écrites sur les actes reprochés dans un délai de dix jours. A défaut d’explication ou si
celles-ci ne sont pas jugées satisfaisantes, le gouverneur peut saisir le tribunal administratif
d’une demande de révocation. La saisine du tribunal emporte suspension de l’exercice des
fonctions jusqu’à ce que le tribunal ait statué sur la demande de révocation.
Il est interdit aux membres du conseil d’exercer une activité pouvant les conduire à se
trouver dans une situation de conflit d’intérêts soit à titre personnel, comme actionnaire ou
mandataire d’autrui, de son conjoint ou d’autres membres de sa famille.
Les membres du conseil ne peuvent s’immiscer dans le fonctionnement de
l’administration de la préfecture ou de la province sauf si cela découle de leur fonction de
membres du bureau ou de membres des commissions.
La présence des conseillers aux sessions du conseil est obligatoire ; le président tient
un registre des présences à l’ouverture de chaque session et annonce le nom des absents.
L’absence au cours de trois sessions successives ou de cinq sessions non successives sans
motif valable apprécié par le conseil, entraîne la démission de plein droit ; le conseil se
réunit pour constater cette démission. Le président adresse au gouverneur une copie du
registre des absences et des démissions.
Si un vice-président refuse ou s’abstient d’exercer ses fonctions sans motif valable
le président peut demander au conseil de décider de saisir le tribunal administratif d’une
demande de révocation de membre du bureau ; le président retire les délégations qui lui
avaient été accordées et le vice président ne peut exercer les fonctions de sa qualité de
vice-président jusqu’à ce que le tribunal ait statué, ce qu’il doit faire dans le délai d’un
mois de sa saisine.
La résidence à l’étranger d’un conseiller fait obstacle à ce qu’il puisse être élu président
ou vice-président. Le fait pour un président ou un vice-président de se trouver dans cette
situation après son élection permet au ministre de l’intérieur, saisi par le gouverneur, de
prononcer sa démission d’office.
A l’expiration de la troisième année de mandat du conseil, les deux tiers des membres
du conseil en exercice peuvent présenter une demande tendant à démettre le président
de ses fonctions. Une seule demande de cette sorte est possible pendant le mandat du
conseil. Cette demande est obligatoirement inscrite à l’ordre du jour de la première session
ordinaire de la quatrième année. La demande est acquise si elle est votée par les trois
quarts des membres en exercice du conseil. La démission du président de ses fonctions,
sa révocation ou sa démission volontaire lui interdisent de se porter candidat à l’élection
du nouveau président pour la durée restant à courir du mandat du conseil ; le bureau est
alors dissous.
223
Droit administratif marocain
224
Les collectivités territoriales
225
Droit administratif marocain
A. Attributions du conseil
Le conseil règle par ses délibérations les affaires relevant des compétences de la
collectivité préfectorale ou provinciale : cela concerne le développement et les services
publics et la gestion des finances, de la fiscalité et du patrimoine.
226
Les collectivités territoriales
B. Attributions du président
Le président est désormais l’exécutif de la préfecture ou de la province. C’est lui qui
exécute les délibérations et ses décisions et prend toutes les mesures nécessaires notamment
en exerçant le pouvoir réglementaire que lui reconnaît expressément l’article 140 de
la Constitution. Ce pouvoir d’exécution concerne le programme de développement, le
budget et l’administration de la collectivité. C’est le président qui effectue tous les actes
concernant la gestion du patrimoine y compris le domaine public. Il est l’ordonnateur des
recettes et des dépenses de la préfecture ou de la province. Il représente la collectivité
227
Droit administratif marocain
dans tous les actes de la vie civile, administrative et judiciaire et veille à la défense de ses
intérêts.
Le président assure la direction des services administratifs et nomme à tous les emplois
conformément aux textes en vigueur. Il peut en outre nommer deux chargés de mission
placés sous la supervision du directeur des affaires de la présidence et du conseil.
Il doit préparer le programme de développement ainsi que le budget, et conclure les
marchés de travaux de fournitures et de services qu’il approuve sauf délégation à une
personne chargée de cette approbation. Il intente les actions en justice.
Il peut donner délégation de signature à ses vice-présidents à l’exception de la gestion
administrative et de l’ordonnancement et cela sous sa responsabilité et son contrôle. Il
peut également déléguer à ses vice-présidents une partie de ses fonctions dans un secteur
déterminé pour chacun d’eux. Il peut aussi déléguer sa signature au Directeur général des
services dans le domaine de la gestion administrative et, sur proposition de ce dernier,
il peut déléguer sa signature aux chefs de divisions et de services de l’administration
préfectorale ou provinciale.
Il peut enfin, toujours sous sa responsabilité et son contrôle, donner délégation au
Directeur général des services afin de lui permettre de signer à sa place les documents
relatifs à l’ordonnancement des recettes et des dépenses de la préfecture ou de la province.
En cas d’absence ou d’empêchement supérieur à un mois il est provisoirement
remplacé dans la plénitude ses fonctions et de plein droit par un vice-président dans l’ordre
et à défaut, par un membre du conseil en suivant l’ancienneté de l’élection et à égalité
d’ancienneté par priorité d’âge.
Au début de chaque session ordinaire le président présente au conseil un rapport
d’information sur les actes qu’il a accomplis dans le cadre de ses attributions.
A. Dialogue et concertation
C’est le règlement intérieur du conseil qui organise la participation des individus et des
associations à l’élaboration du programme de développement et au suivi de son exécution.
228
Les collectivités territoriales
Par ailleurs il est créé auprès du conseil une instance consultative en partenariat avec
les acteurs de la société civile ; cette instance est chargée de l’étude des affaires de la
collectivité en relation avec la mise en œuvre des principes d’équité, d’égalité des chances
et d’approche genre.
B. Le droit de pétition
Ce droit constitutionnel est reconnu aux individus mais aussi aux associations. Il
permet aux pétitionnaires de demander l’inscription à l’ordre du jour des délibérations du
conseil d’une affaire entrant dans ses attributions. L’exercice de ce droit est subordonné
à certaine conditions qui sont différentes selon qu’il s’agit d’individus ou d’associations.
– Les conditions exigées des citoyennes et des citoyens. Ceux-ci doivent résider dans
la préfecture ou la province ou y exercer une activité économique ou professionnelle.
Ils doivent être inscrits sur les listes électorales et avoir un intérêt commun dans la
présentation de la pétition. Le nombre de pétitionnaires doit être au moins égal à trois
cents. Les pétitionnaires désignent un mandataire chargé de suivre la procédure de
présentation de la pétition.
– Les conditions exigées des associations. Celles-ci doivent être reconnues et
constituées au Maroc conformément à la législation sur le droit d’association et depuis
plus de trois ans ; elles doivent fonctionner conformément à leur statut de manière
démocratique. Elles doivent avoir au moins une centaine de membres, être en règle vis à
vis des textes législatifs et réglementaires en vigueur, avoir leur siège ou une antenne sur
le territoire de la préfecture ou de la province concernée par la pétition ; enfin avoir une
activité en liaison avec l’objet de la pétition.
– Les modalités du dépôt de la pétition. La pétition est déposée contre récépissé délivré
immédiatement auprès du président accompagnée des pièces justificatives des conditions
exigées. Le président soumet la pétition à l’examen du bureau pour vérifier que les
conditions exigées sont bien satisfaites. Si la pétition est jugée recevable elle est inscrite
à l’ordre du jour de la session ordinaire suivante du conseil: elle est transmise pour étude
à la commission ou aux commissions permanentes compétentes avant la délibération du
conseil. Le président informe le mandataire ou le représentant légal de l’association de la
recevabilité de la pétition ou de son rejet. En cas d’irrecevabilité de la pétition le président
doit notifier la décision motivée de cette irrecevabilité au mandataire ou au représentant
légal de l’association dans un délai de deux mois à compter du dépôt de la pétition.
La forme de la pétition et des pièces justificatives sont déterminées par voie
réglementaire.
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Droit administratif marocain
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Les collectivités territoriales
A. Le budget
– Conformément à la définition classique du budget celui-ci est l’acte par lequel
est autorisé annuellement l’ensemble des ressources et des charges de la collectivité.
L’évaluation de cet ensemble doit être effectuée de façon sincère en fonction des données
disponibles au moment de la préparation du budget de façon à rendre solides les prévisions
fondées sur celles-ci.
Le budget qui porte sur l’année civile comporte deux parties ; la première concerne
les opérations de fonctionnement en recettes et en dépenses. La seconde est relative aux
opérations d’’équipement et aux ressources qui leur sont affectées ; elle présente aussi
l’emploi qui en est fait. Le budget peut comprendre des budgets annexes et des comptes
spéciaux qui sont créés par décision du ministre de l’Intérieur. Les comptes spéciaux sont
de deux sortes: les comptes d’affectation spéciale, et les comptes de dépenses sur dotation.
Le budget dans ses deux parties doit être présenté en équilibre. Tout excédent de la
première partie est obligatoirement affecté au budget d’équipement. Il ne peut pas y avoir
d’affectation de recettes aux dépenses dans la première partie du budget ; en revanche
l’affectation d’une recette à une dépense peut avoir lieu dans la deuxième partie ainsi que
dans les budgets annexes et les comptes spéciaux. La particularité de cette réglementation
budgétaire tient au fait que les dépenses du budget sont présentées en chapitres et articles,
subdivisés en programmes et projets ou actions. Il en est de même pour les budgets annexes
qui sont présentées à l’intérieur de chaque article par programmes et éventuellement par
projets ou actions ; les dépenses des comptes spéciaux sont présentées par programmes et,
le cas échéant, par programmes subdivisés en projets ou actions.
Le programme est un ensemble cohérent de projets ou d’actions défini en fonction de
l’intérêt général assortis d’indicateurs chiffrés permettant son évaluation. Les objectifs
du programme sont définis par l’ordonnateur qui doit le présenter à la commission
permanente compétente.
Le projet ou l’action est un ensemble d’activités et de chantiers répondant à un
ensemble de besoins définis. Le projet ou l’action est présenté en lignes dans le budget afin
de faire apparaître la nature économique des opérations entreprises.
Les engagements de dépenses doivent rester dans la limite des autorisations budgétaires
et sont subordonnés à la disponibilité des crédits.
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Droit administratif marocain
mandatées. En cas d’excédent celui-ci permet d’abonder les crédits de la deuxième partie
du budget de l’exercice suivant.
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Les collectivités territoriales
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Droit administratif marocain
sur les délibérations du conseil et sur les arrêtés du président. En pratique le gouverneur
se borne à déclencher le contrôle qui est exercé au fond par le tribunal administratif.
Sont nuls de plein droit les actes qui sont étrangers aux attributions des organes de la
collectivité ou qui sont pris en violation des lois et règlements. Le gouverneur qui estime
être en présence d’une telle situation saisit la juridiction afin qu’elle statue sur cette nullité.
Pour permettre au gouverneur d’exercer ce contrôle, une copie des procès verbaux
des sessions et des délibérations ainsi que des arrêtés réglementaires du président doit lui
être notifiée contre récépissé dans les dix jours de la clôture des sessions ou de la prise
des arrêtés du président. Le gouverneur peut ainsi s’opposer au règlement intérieur ou
aux délibérations prises en violation de la légalité ; son opposition doit être motivée ; elle
est notifiée au président et oblige le conseil à un nouvel examen de la délibération. Si le
conseil maintien sa délibération le gouverneur saisit le tribunal administratif en référé
qui doit statuer dans un délai de quarante huit heures sur la suspension d’exécution de la
délibération. La saisine du tribunal emporte suspension de l’exécution jusqu’à ce que le
tribunal ait statué. Le tribunal dispose alors d’un délai de trente jours pour statuer sur la
nullité de la délibération. Il notifie son jugement au gouverneur et au président dans un
délai de dix jours à compter de son prononcé. A défaut d’opposition du gouverneur dans le
délai prescrit pour le faire (trois jours), les délibérations sont exécutoires
Cependant certaines délibérations ne sont exécutoires qu’après visa du gouverneur
dans un délai de vingt jours à compter de leur réception par ses services. Il s’agit des
délibérations relatives au programme de développement, au budget, à l’organisation et
aux attributions de l’administration préfectorale ou provinciale, aux délibérations ayant
une incidence financière sur les dépenses et les recettes: emprunts, garanties, fixation des
tarifs, taxes, redevances et droits divers, cession des biens et leur affectation, délibérations
concernant les conventions de coopération avec des collectivités locales étrangères.
Toutefois les délibérations concernant la gestion déléguée des services et des ouvrages
publics ou la création des sociétés de développement sont soumises au visa du ministre de
l’Intérieur dans le même délai de vingt jours. En l’absence d’opposition à l’expiration de
ce délai, le visa est réputé accordé.
§8. Le contentieux
C’est le président qui représente la préfecture ou la province en justice sauf dans les
cas où il aurait un intérêt personnel directement ou indirectement dans l’affaire. Il doit
alors être suppléé par un vice-président dans l’ordre ou par un membre du conseil désigné
par celui-ci. Le président défend les intérêts de la collectivité devant les tribunaux ; il
peut déléguer cette tâche à un mandataire qui intente toute les actions et assure leur suivi
dans toutes les étapes de la procédure ; ce mandataire intente les actions possessoires ou
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Les collectivités territoriales
préfecture et des instances qui en dépendent, à des opérations d’audit y compris financier.
Les instances chargées de cette mission doivent adresser leur rapport au gouverneur et
au président de la cour régionale des comptes ; une copie de ce rapport est adressée au
président du conseil et au conseil. Le rapport est présenté au conseil au cours de la session
ordinaire suivante. Si des dysfonctionnements apparaissent, le gouverneur peut engager
les actions judiciaires qui s’imposent après avoir mis les personnes en cause en mesure
d’exposer leur défense. Les responsables de la gestion des services publics de la préfecture
ou de la province doivent élaborer et communiquer au public des états comptables et
financiers relatifs à leur gestion et à leur situation financière ; ceux-ci peuvent être publiés
y compris par voie électronique.
L’Etat dans le but d’assister les collectivités dans cette action de modernisation de
leur gestion, met en place au cours du premier mandat des conseils, les mécanismes et
outils leur permettant d’atteindre une bonne gouvernance dans la gestion des affaires de la
collectivité et dans l’exercice de leurs compétences notamment en renforçant la capacité
de gestion des élus.
Enfin la publication de nombreuses décisions et documents est prévue au Bulletin
officiel des collectivités territoriales : arrêtés réglementaires du président, arrêtés relatifs
à l’organisation de l’administration et à ses attributions, tarifs des rémunérations pour
services rendus, arrêtés de délégation, états comptables et financiers ; cette publication est
de nature à améliorer le contact des élus et de la population et à favoriser de la part de
cette dernière la compréhension de ce qu’implique la gestion des affaires de la collectivité
et le contrôle de leur régularité.
Section III
L’organisation communale
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Droit administratif marocain
surtout dans un milieu socioculturel qui n’était pas toujours parfaitement préparé à la
recevoir.
Aujourd’hui malgré un bilan largement positif il reste encore des difficultés à surmonter.
Et c’est précisément l’expérience du fonctionnement concret des institutions communales
qui en a dévoilé l’existence et l’importance. C’est pour cela qu’il est important de rappeler
brièvement l’évolution des institutions communales depuis 1960 (Sous-section) avant
d’analyser la nouvelle charte communale contenue dans la loi organique n° 113-14 du
7 juillet 2015 (B.O. 2016, p. 260) et les institutions qu’elle met en place : la commune
de droit commun (Sous-section) puis les communes divisées en arrondissements (Sous-
Sect. III) ; on achèvera cette présentation par une réflexion sur la décentralisation et la
démocratie locale.
Sous-section 1
L’évolution de la commune : 1959-2009
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Les collectivités territoriales
Sous-section 2
La commune de droit commun selon la charte communale de 2015
Selon l’article 2 de la loi organique la commune est l’un des trois niveaux de
l’organisation territoriale du Royaume. La détermination de son ressort territorial résulte des
principes posés par la loi 131-12 du 27 juillet 2013 (B.O. 2013, p. 2236). Cette délimitation
doit tenir compte du principe de proximité, de la réduction des dysfonctionnements et des
inégalités entre les différentes parties du territoire communal, de la complémentarité entre
les espaces urbains et ruraux, de l’existence d’un niveau satisfaisant en ce qui concerne
la population, les activités économiques et leurs potentialités de développement, les
possibilités de valorisation des caractéristiques géographiques de l’héritage historique,
patrimonial, et culturel y compris l’aspect environnemental, enfin de la préservation dans
toute la mesure du possible de l’unité des grandes agglomérations urbaines. La création
et la dénomination des communes relèvent du décret pris sur proposition du ministre de
l’intérieur. Leur délimitation, leur chef lieu sont fixés par arrêtés du ministre de l’intérieur,
qui dans chaque commune détermine un périmètre urbain englobant la totalité ou seulement
une partie du ressort territorial de la commune, la partie restante étant considérée comme
rurale. En vertu de l’article 283 de la loi organique n° 113-14 le terme commune remplace
désormais les termes « commune urbaine » et « commune rurale » dans tous les textes
antérieurs à cette loi.
L’organisation communale repose sur les principes de coopération et de solidarité entre
les communes et avec les autres collectivités territoriales afin de parvenir à la réalisation
de leurs objectifs et celle de projets communs. Le statut de 2015 est beaucoup plus détaillé
que le précédent et donc plus précis en ce qui concerne l’organisation, les compétences,
les ressources et les moyens dont peuvent disposer les responsables de la vie quotidienne
des populations, mais aussi dans les obligations qui leur incombent notamment en ce qui
concerne la gouvernance et la responsabilité des élus.
245
Droit administratif marocain
organique n° 34-15 du 16 juillet 2015, p. 3858) en ce qui concerne le mode d’élection, les
éligibilités et les inéligibilités ainsi que le contentieux électoral.
Pour l’application de cette loi, voir décret du 29 juin 2016 pris pour l’application
de l’article 49 de la loi organique n° 113-14 relative aux communes, B.O. n° 6482 du
14 juillet 2016, p. 5417 ; décret du 29 juin 2016 fixant le contenu de la programmation sur
trois ans relative au budget de la commune et les modalités de sa préparation.
Dans les communes de plus de 35 000 habitants le conseil est élu au suffrage universel
direct selon un scrutin de liste à la représentation proportionnelle à un tour suivant la
règle du plus fort reste sans panachage ni vote préférentiel. Dans les communes dont
la population est égale ou inférieure à 35 000 habitants, l’élection se fait au scrutin
uninominal à la majorité relative à un tour. Le nombre des membres des conseils est fixé
par l’article 127 de la loi électorale ; il va de 11 membres pour une population inférieure
ou égale à 7 500 habitants, jusqu’à 61 membres pour une population supérieure à
400 000 habitants. Ce nombre est fixé par décret sur proposition du ministre de l’intérieur.
Le conseil des communes divisées en arrondissements est composé de 81 membres
si la population est inférieure ou égale à 750 000 habitants ; ce nombre est augmenté
de dix sièges pour toute fraction de population égale à 250 000 habitants jusqu’à un
maximum de 131 membres. Les membres des conseils de ces communes et ceux des
conseils d’arrondissement sont élus sur la même liste de candidatures. Le nombre de
sièges réservés à ces communes et la répartition des sièges entre les arrondissements les
composant sont fixés par décret sur proposition du ministre de l’Intérieur en tenant compte
de la population légale de chaque arrondissement.
Dans les communes dont les conseils sont élus au scrutin de liste, la commune
constitue une circonscription électorale unique. En revanche dans les communes divisées
en arrondissements, le ressort territorial de chaque arrondissement constitue une seule
circonscription électorale dans laquelle sont élus les membres du conseil de la commune
et les membres du conseil d’arrondissement.
Dans les communes dont les conseillers sont élus au scrutin uninominal les
circonscriptions électorales sont créées et délimitées par arrêté du ministre de l’intérieur.
Celui-ci doit respecter différents critères : équilibre démographique, homogénéité et
continuité du territoire, respect des limites administratives de la commune.
Tout candidat aux élections communales doit être inscrit sur la liste électorale d’une
commune ou d’un arrondissement ; ce peut être soit dans la commune de naissance, soit
dans la commune où il réside effectivement, soit dans la commune où il est imposé depuis
au moins trois ans antérieurement à la date de l’élection à raison des biens qu’il y possède
ou de l’activité professionnelle qu’il y exerce. Les marocains résidant hors du Royaume
246
Les collectivités territoriales
peuvent être candidat dans les communes ou arrondissements sur la liste électorale d’une
commune ou d’un arrondissement dans des conditions déterminées par la loi.
Sont inéligibles les agents de la commune, les comptables des deniers de la commune,
les concessionnaires de services publics communaux et les directeurs de services
subventionnés par la commune, les délégués des terres collectives. Les déclarations de
candidatures doivent respecter les dispositions de la loi organique en ce qui concerne
les modalités de leur dépôt et les conditions de formes. Les candidatures qui ne sont
pas rejetées font l’objet d’un enregistrement et d’une publicité et de l’attribution d’un
symbole. La détermination de l’emplacement des bureaux de vote, le déroulement du
vote, le dépouillement et le recensement des votes et la proclamation des résultats sont
réglés par la loi organique relative à l’élection des membres des conseils des collectivités
territoriales.
Les organes du conseil sont le bureau composé du président et des vice-présidents, les
commissions permanentes, le secrétaire du conseil et son adjoint ainsi que des groupes
pour les conseils à régime d’arrondissement. Tous les votes sont émis au scrutin public.
Le président et les vice-présidents sont élus au cours d’une seule séance du conseil
dans les quinze jours de l’élection du conseil. Dans les communes où les élections du
conseil se font au scrutin uninominal tous les membres du conseil peuvent être candidat ;
les candidats ayant une appartenance politique doivent fournir une accréditation du parti
politique au nom duquel ils se portent candidats. En revanche dans les communes où les
membres du conseil sont élus au scrutin de liste, ne peuvent se porter candidat que les
membres classés en tête des listes de candidatures ayant obtenu des sièges au conseil. Les
candidats doivent par ailleurs satisfaire à diverses conditions: il leur faut appartenir aux
partis classés dans les cinq premières positions au regard du nombre de sièges obtenus
au conseil de la commune. Une tête de liste parmi les listes des candidats indépendants
peut se porter candidat si le nombre de sièges obtenus par sa liste est supérieur ou égal au
nombre de sièges obtenus par le parti classé en cinquième position.
Les candidats appartenant à un parti politique doivent fournir une lettre d’accréditation
délivrée par le parti. Si le candidat devient indisponible pour une raison quelconque, décès
inéligibilité ou démission, etc. le candidat classé immédiatement après lui sur la même
liste, ou éventuellement le candidat suivant est habilité de plein droit à se porter candidat
au poste de président.
Les candidatures sont déposées auprès du gouverneur cinq jours après l’élection du
conseil contre récépissé. La séance de l’élection est convoquée par le gouverneur qui fixe
la date et le lieu de la séance ainsi que les noms des candidats à la présidence. La séance
se tient sous la présidence du membre le plus âgé et le plus jeune est chargé de la fonction
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Droit administratif marocain
248
Les collectivités territoriales
durée supérieure à six mois, cessation ou refus de remplir les fonctions pendant deux mois,
inéligibilité conséquence d’une condamnation en vertu d’un jugement définitif.
La cessation des fonctions du président dans les six premiers cas énumérés par
l’article 20 entraîne la dissolution de plein droit du bureau. Le conseil doit alors procéder
à l’élection d’un nouveau président et du bureau dans les quinze jours de la constatation
de la cessation des fonctions par arrêté du gouverneur.
Si le président s’abstient sans motif d’exercer ses fonctions, le gouverneur le met en
demeure par écrit et avec accusé de réception de reprendre ses fonctions dans un délai
de sept jours ; le refus de déférer à cette mise en demeure entraîne la saisine en référé du
tribunal administratif qui statue sur l’existence de l’état de cessation ou d’abstention dans
un délai de quarante huit heures de la saisine. Si le juge confirme cette situation le bureau
est dissous et le conseil est convoqué pour procéder à l’élection d’un nouveau président et
d’un nouveau bureau.
Si un ou plusieurs vice-présidents cessent d’exercer leurs fonctions dans l’un des
six premiers cas énumérés par l’article 20, leur remplacement est effectué par les vice-
présidents suivant l’ordre de leur classement. Le président convoque alors le conseil pour
procéder à l’élection des vice-présidents destinés à occuper les postes du bureau devenus
vacants.
Si un vice président refuse sans motif d’exercer ses fonctions, le président le met en
demeure de reprendre ses fonctions ; si dans un délai de sept jours cette mise en demeure
est restée sans effet, le conseil de réunit en session extraordinaire sur convocation du
président pour le démettre. Dans ce cas le président convoque également le conseil pour
élire le vice président qui doit occuper le poste de vice-président devenu vacant.
Le conseil élit également un secrétaire et un secrétaire adjoint parmi ses membres en
dehors des membres du bureau. Cette élection a lieu dans la même séance que celle de
l’élection des vice-présidents ; elle se fait à la majorité relative des membres présents. Ils
peuvent être démis de leurs fonctions par une délibération du conseil votée à la majorité
absolue des suffrages exprimés sur proposition du président.
Après l’approbation de son règlement intérieur le conseil constitue deux commissions
permanentes et cinq au plus. Les deux commissions obligatoires sont consacrées d’une
part aux questions budgétaires, financières et de programmation, et d’autre part aux
services publics et aux prestations. Le règlement intérieur fixe le nombre de commissions
permanentes, leur dénomination, leur objet et les modalités de leur composition. Le
nombre de membres des commissions permanentes ne doit pas être inférieur à cinq ; il
n’est pas possible d’appartenir à plus d’une commission permanente. Le conseil élit les
présidents des commissions et leurs adjoints à la majorité relative des membres présents ;
ils peuvent être démis à la majorité absolue des suffrages exprimés. Lors de l’élection des
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Droit administratif marocain
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Les collectivités territoriales
Le conseil tient obligatoirement trois sessions ordinaires par an, en février, mai et
octobre. La session est constituée d’une ou de plusieurs séances dont les travaux sont
programmés par l’établissement d’un calendrier retraçant les questions à inscrire à
l’ordre du jour. Le gouverneur assiste aux séances ; il peut demander des précisions et
présenter des observations à son initiative ou à la demande du président. Le personnel
en fonction dans les services communaux assiste aux séances à la demande du président
à titre consultatif. Les agents de l’Etat ou des établissements ou entreprises publics dont
les compétences couvrent le territoire de la commune peuvent, sur invitation du président
transmise au gouverneur, assister aux séances à titre consultatif dans la mesure où leurs
compétences sont en relation avec les points de l’ordre du jour. La session dure quinze
jours et peut être prorogée sans que cette prorogation puisse dépasser sept jours ouvrables ;
l’arrêté de prorogation du président est transmis au gouverneur.
Le président informe par écrit les membres du conseil de la date et du lieu de la
session ; il leur transmet le calendrier des travaux du conseil et les documents annexés.
Le conseil peut tenir des sessions extraordinaires si les circonstances l’exigent soit sur
convocation du président soit à la demande du tiers des membres en exercice du conseil
sur un ordre du jour déterminé. Si le président refuse la demande des membres du conseil
son refus doit être motivé ; en revanche si la demande émane de la majorité absolue
des membres en exercice, la réunion du conseil est de droit dans les quinze jours de la
demande.
Le conseil peut aussi se réunir de plein droit en session extraordinaire à la demande
du gouverneur sur un ordre du jour défini ; le président le convoque dans les dix jours
de la demande ; il adresse les questions de l’ordre du jour et les documents qui les
accompagnent aux membres du conseil. La réunion se tient en présence de la moitié au
moins des membres en exercice du conseil et, à défaut, le jour ouvrable suivant quel que
soit le nombre des présents.
L’ordre du jour des sessions est établi par le président en collaboration avec les
membres du bureau ; cet ordre du jour est transmis au gouverneur vingt jours au moins
avant l’ouverture de la session ; les pétitions déclarées recevables sont obligatoirement
inscrites à l’ordre du jour de la session ordinaire qui suit la date de la décision du bureau.
De même sont inscrites de plein droit à l’ordre du jour les questions supplémentaires
proposées par le gouverneur à condition d’en aviser le président dans un délai de huit
jours à compter de la date de réception de l’ordre du jour par le gouverneur. Les membres
en exercice du conseil à titre individuel ou au nom du groupe auquel ils appartiennent,
peuvent également demander l’inscription d’une question à l’ordre du jour. Le refus
d’inscription doit être motivé et notifié à l’auteur de la demande. Ce refus et porté à la
connaissance du conseil sans débat et inscrit au procès verbal de la séance. Si la demande
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Droit administratif marocain
écrite émane de la moitié des membres du conseil elle est inscrite de plein droit à l’ordre
du jour.
Le conseil ou les commissions ne peuvent délibérer que sur les questions concernant
ses attributions ; le président doit s’opposer à la discussion de toute question qui sort du
champ des attributions du conseil ou qui ne figure pas à l’ordre du jour. Le gouverneur
manifeste également son opposition à la délibération qui sort des compétences de la
commune et des attributions du conseil ; il notifie son opposition motivée au président.
Le cas échéant il soumet son opposition au tribunal administratif statuant en référé dans
les quarante huit heures ce qui interdit au conseil de délibérer sur les questions objet de
l’opposition. La méconnaissance de cette interdiction entraîne la nullité de la délibération
et éventuellement le prononcé de sanctions à l’encontre des membres du conseil ou à
l’égard du conseil lui même.
Le conseil ne siège valablement qu’en présence de la moitié des membres en exercice ;
cette condition est appréciée à l’ouverture de la session. En l’absence de ce quorum une
deuxième convocation est adressée aux membres du conseil pour une séance fixée trois
jours au moins et cinq jours au plus après le jour fixé pour la réunion précédente. Si le
quorum n’est toujours pas atteint, une troisième réunion est convoquée qui se tient après
le troisième jour ouvrable et cela quel que soit le nombre des présents.
Les délibérations sont prises à la majorité absolue des suffrages exprimés sauf pour
certaines questions où la majorité absolue des membres en exercice du conseil est exigée:
il s’agit du plan d’action de la commune, de la création des sociétés de développement, des
modes de gestion des services publics communaux, du partenariat avec le secteur privé,
des contrats relatifs à l’exercice des compétences partagées avec l’Etat ou transférées
par l’Etat à la commune. Si la majorité absolue n’est pas atteinte, un deuxième vote est
organisé et les questions délibérées sont approuvées à la majorité absolue des suffrages
exprimés. La voix du président est prépondérante en cas de partage égal des voix ;
l’indication du nom de chaque votant est mentionnée au procès verbal.
La représentation de la commune dans divers organismes peut être prévue par les
textes législatifs ou réglementaires ; dans ce cas elle est assurée par le président, un vice-
président ou un conseiller délégué par le conseil. Les membres du conseil qui représentent
la commune dans les divers organismes privés ou publics dont la commune est membre,
sont désignés par le conseil à la majorité relative des suffrages exprimés ; à égalité de voix
c’est le membre le moins âgé qui est désigné et en cas d’égalité d’âge, le vainqueur est tiré
au sort sous la supervision du président et inscription des votants au procès verbal.
Les membres du conseil peuvent à titre individuel ou au nom du groupe auquel ils
appartiennent, adresser au président des questions écrites sur toute affaire concernant la
commune. Ces questions sont inscrites à l’ordre du jour de la session du conseil qui suit
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Droit administratif marocain
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Droit administratif marocain
Si un vice-président néglige ou refuse sans motif valable d’exercer les fonctions qui lui
incombent, le président peut demander au conseil de prendre une délibération de saisine
du tribunal administratif afin qu’il prononce la révocation du vice-président de sa qualité
de membre du bureau. Le président lui retire les délégations qui lui avaient été accordées.
Et ce vice-président est suspendu de toutes ses fonctions jusqu’à la décision du tribunal ;
ce dernier doit statuer dans le délai d’un mois de sa saisine.
Le conseiller résident à l’étranger ne peut être élu à aucune fonction de président ou de
vice-président ; s’il advient qu’il soit appelé à résider à l’étranger postérieurement à son
élection à l’une de ces fonctions, le conseiller est démis de ses fonctions par décision du
ministre de l’intérieur saisi par le gouverneur.
Au bout de trois années de mandat, les deux tiers des membres du conseil peuvent
demander au président de présenter sa démission ; une telle demande ne peut être présentée
qu’une seule fois au cours du mandat du conseil ; cette demande doit être obligatoirement
inscrite à l’ordre du jour de la première session ordinaire de la quatrième année du mandat
du conseil. En cas de refus du président, le conseil peut par une délibération votée par
les trois quarts des membres en exercice du conseil demander au gouverneur de saisir le
tribunal administratif pour qu’il prononce la révocation du président. Le tribunal statue
dans le délai de trente jours ; la démission, la révocation ou la démission volontaire du
président le rend inéligible aux élections organisées afin de pourvoir à ce poste pour la
durée du mandat restant du conseil. Le bureau du conseil est dissous ; un nouveau bureau
est alors élu dans les conditions et délais prévus par la LO.
La dissolution du conseil peut être demandée au tribunal administratif dans deux
cas. Si les intérêts de la commune sont menacés en raison du mauvais fonctionnement
du conseil, le gouverneur peut saisir la juridiction administrative. Si le conseil refuse
de remplir les missions que lui impose la LO., s’il refuse d’adopter les délibérations
relatives au budget ou à la gestion des services publics, si le conseil est caractérisé par
ses dysfonctionnements, le président doit adresser une demande au gouverneur en vue
de mettre le conseil en demeure d’exercer ses fonctions conformément à la loi ; si le
conseil refuse et si les dysfonctionnements persistent un mois après la mise en demeure, le
gouverneur saisit le tribunal afin qu’il prononce la dissolution du conseil.
En cas de dissolution du conseil ou si celui-ci a perdu la moitié de ses membres, ou
lorsque les membres du conseil ne peuvent être élus pour quelque cause que ce soit,
une délégation spéciale est nommée par arrêté du ministre de l’intérieur dans les quinze
jours qui suivent la survenance de ces faits. La délégation spéciale est composée de cinq
membres dont le directeur ou le directeur général des services ; le gouverneur la préside et
peut exercer les attributions du président du conseil communal ; il peut déléguer certaines
de ses attributions à des membres de la délégation spéciale qui ne peut qu’expédier les
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Les collectivités territoriales
affaires courantes sans engager les finances communales au delà des ressources disponibles
durant l’exercice courant. La délégation spéciale cesse ses fonctions dès la réélection du
conseil. Celle-ci doit avoir lieu dans les trois mois de la dissolution. Lorsque le conseil a
cessé d’exercer ses missions à la suite de la démission de la moitié de ses membres, et sans
que les mesures relatives à leur remplacement prévues par la loi organique sur l’élection
des conseils des collectivités territoriales aient permis de pourvoir à leur remplacement, les
membres du nouveau conseil doivent être élus dans le délai de trois mois de la cessation
des fonctions du précédent conseil. Si la dissolution ou la cessation des fonctions coïncide
avec les six derniers mois du mandat des conseils des communes, la délégation spéciale
continue d’exercer ses missions jusqu’au remplacement général des conseils communaux.
Si le président s’abstient de prendre les mesures qui lui incombent et si cette abstention
nuit au fonctionnement normal des services de la commune, le gouverneur demande
au président d’exercer ses fonctions. Si le président persiste dans cette abstention le
gouverneur saisit le tribunal administratif en référé afin qu’il constate l’état d’abstention.
Le tribunal statue dans les quarante huit heures par décision définitive et sans convocation
des parties. Si le tribunal constate l’état d’abstention, le gouverneur peut se substituer au
président et prendre les actes que ce dernier s’est abstenu de prendre.
257
Droit administratif marocain
doit identifier les potentialités de la commune, ses besoins et faire apparaître les priorités
des réalisations en fonction et des ressources et des dépenses prévisionnelles au cours des
trois premières années de son exécution. Le plan doit prendre en compte l’approche genre.
La commune doit mettre en œuvre ce plan selon la programmation pluriannuelle inscrite
dans le budget. A partir de la troisième année de son exécution il peut être actualisé. Afin
d’éclairer la préparation du plan communal, les administrations, les autres collectivités
territoriales, les établissements et entreprises publics doivent lui communiquer les
documents et informations disponibles relatifs à leurs projets d’équipement qui doivent
être réalisés sur le territoire de la commune. L’élaboration de ce plan, son évaluation et son
actualisation sont réalisées selon une procédure fixée par voie réglementaire.
– Les services et équipements publics communaux. La commune crée et gère les
services et équipements nécessaires à la fourniture aux habitants de la commune des
services de proximité dans de nombreux domaines qui sont énumérés par l’article 83
de la LO. Cela va de la distribution de l’eau et de l’électricité, aux campings et centres
d’estivage en passant par le transport urbain, l’assainissement, le nettoiement de la voirie
et la collecte des déchets, leur traitement et leur valorisation, l’hygiène, les cimetières, les
marchés communaux, les foires de l’artisanat, les parcs naturels, etc.
En parallèle avec d’autres acteurs du secteur public ou privé, la commune peut
également créer des marchés de gros, des abattoirs et le transport des viandes, des halles
aux poissons ; pour cela la commune peut avoir recours à la gestion déléguée du service
public, à la création de sociétés de développement local ou s’engager par voie contractuelle
avec le secteur privé. Elle doit prendre en compte les compétences dévolues à d’autres
organismes publics tel l’Office national de sécurité sanitaire des produits alimentaires.
Conformément à l’article 146 de la Constitution et notamment son §9, afin d’améliorer
l’efficacité de leur action notamment par la mutualisation des moyens, les communes
peuvent, conformément au principe de subsidiarité, transférer à la préfecture ou à la
province l’exercice d’une ou plusieurs compétences ; ceci peut se faire soit à son initiative,
soit à celle de la collectivité préfectorale ou provinciale, ou à celle de l’Etat qui peut
faciliter cette opération par des incitations matérielles. Les conditions d’exercice de ces
compétences sont déterminées par voie contractuelle après délibération des conseils des
communes concernées et leur approbation de ce transfert.
– L’urbanisme et l’aménagement du territoire. Dans le cadre des lois et règlements
en vigueur il appartient à la commune de veiller au respect des plans d’orientation,
d’aménagement et d’urbanisme, ainsi que de tous les documents qui concernent
l’aménagement du territoire communal et l’urbanisme. La commune doit examiner les
règlements de construction et veiller à ce qu’ils respectent les lois en vigueur. La commune
veille à la réalisation du plan d’aménagement communal et du plan de développement
258
Les collectivités territoriales
259
Droit administratif marocain
B. Le président
Le président exécute les délibérations du conseil de la commune et prend toutes les
mesures nécessaires ; cela concerne notamment, le programme d’action de la commune, le
budget dont il est l’ordonnateur, les arrêtés concernant l’organisation de l’administration
communale et ses attributions, la fixation du taux des taxes, redevances et droits divers
que la commune peut prélever conformément aux textes législatifs et réglementaires en
vigueur, la conclusion et l’exécution des contrats, la gestion du domaine, etc.
Le président représente la commune dans tous les actes de la vie civile, administrative
et judiciaire et veille sur ses intérêts. Il exerce le pouvoir réglementaire correspondant à
ses attributions ; ses arrêtés sont publiés au Bulletin officiel des collectivités territoriales.
Il dirige les services administratifs ; il est le chef hiérarchique du personnel et nomme
à tous les emplois de l’administration communale dans le respect des textes législatifs
et réglementaires. Dans les communes dont le conseil comporte un nombre de membres
supérieur à quarante trois, le président peut nommer un chef de cabinet et un chargé de
mission. Dans les communes divisées en arrondissements le cabinet du président peut
comporter un maximum de quatre conseillers.
Le président doit assure la conservation de tous les actes relatifs aux délibérations
du conseil ainsi que tous les documents relatifs à ses propres décisions et justifiant leur
notification ou publication.
Le président est chargé de la préparation du budget, de l’élaboration du plan d’action
de la commune, de la conclusion de marchés de travaux de fournitures et de services, qu’il
approuve à moins qu’il n’en délègue le soin à une personne spécialisée. C’est le président
qui intente les actions en justice.
260
Les collectivités territoriales
Le président est autorité de police administrative ; il exerce ce pouvoir par voie d’arrêtés
réglementaires et de mesures individuelles de police dans les domaines de l’hygiène, la
salubrité, la tranquillité publique et la sûreté des passages. L’article 100 développe le
contenu de ce pouvoir de police en vingt quatre rubriques. Il se charge de l’exécution
de toutes les mesures nécessaires pour assurer la sûreté des passages, la tranquillité et la
préservation de l’hygiène publiques, aux frais et dépens des personnes auxquelles cela
incombait et qui ont failli à cette mission. Le président peut en cas de besoin demander
au gouverneur de requérir la force publique pour assurer le respect de ses arrêtés et des
délibérations du conseil communal.
En matière d’urbanisme, il veille à l’application des lois et règlements en vigueur et des
documents d’urbanisme concernant le territoire de la commune. Il délivre les autorisations
d’occupation des sols : construction, lotissements, morcellements, groupements
d’habitations. Il doit à peine de nullité respecter notamment les avis obligatoires de
l’agence urbaine. Il délivre les permis d’habiter et les certificats de conformité sous réserve
le cas échéant des compétences du président d’arrondissement. La loi du 27 avril 2016
(B.O. 2016, p. 738) relative aux bâtiments menaçant ruine et à la rénovation urbaine lui
donne des pouvoirs destinés à lui permettre de contraindre les propriétaires à entretenir
leurs biens et surtout de faire face aux dangers que représentent ces bâtiments ; le président
reçoit également des compétences en ce qui concerne l’élaboration du plan de rénovation
urbaine dans la commune. L’importance des problèmes que soulèvent ces questions a
conduit le législateur à créer des commissions provinciales ou préfectorales chargées de
délimiter les zones comportant des bâtiments menaçant ruine et les quartiers concernés
par les opérations de rénovation. En outre une Agence nationale est créée dont la mission
consiste en l’élaboration et l’étude des programmes et projets concernant la rénovation
urbaine, la réhabilitation des immeubles ainsi que la restructuration des quartiers leur
desserte en équipements de base, la construction de logements et la réalisation d’opérations
d’aménagement foncier.
Le président est officier d’état civil ; il peut déléguer cette fonction aux vice-présidents
et aux fonctionnaires communaux. Il procède à la légalisation des signatures, à la
certification de la conformité des documents, fonctions qui peuvent être déléguées aux
vice-présidents, au directeur général et directeur des services ou aux chefs de division et
de services de l’administration communale.
Le président peut donner délégation de signature sous sa responsabilité et son contrôle
à ses vice-présidents à l’exception de la gestion administrative et de l’ordonnancement.
Il peut également et de la même manière déléguer aux vice-présidents une partie de ses
attributions limitée à un domaine déterminé. En ce qui concerne la gestion administrative
il peut donner délégation de signature au directeur général ou au directeur des services
sous sa responsabilité et son contrôle. Sur proposition du directeur général ou du directeur
261
Droit administratif marocain
262
Les collectivités territoriales
de chaque commune méchouar exerce les pouvoirs dévolus par la LO. aux présidents
des conseils communaux. Il est assisté d’un adjoint auquel il peut déléguer une partie
de ses attributions et qui le remplace en cas d’absence ou d’empêchement. Toutes les
délibérations des conseils de ces communes ne sont exécutoires qu’après approbation du
ministre de l’Intérieur ou de la personne qu’il a déléguée à cet effet.
La loi organique comporte des dispositions transitoires qui concernent les pouvoirs du
président et les compétences communales (article 278). Il est prévu que des législations
particulières peuvent de façon exceptionnelles concerner les attributions du président
par exemple pour la mise en place d’un règlement particulier pour l’aménagement de
certaines zones, notamment les zones franches d’exportation ou la mise en place dans
certaines zones de mesures d’urgence ou nécessaires à la protection et la préservation de
l’environnement. Ces lois doivent exposer les motifs ayant justifié le recours à des mesures
exceptionnelles.
C’est en application de cet article 278 que demeurent en vigueur les législations
particulières concernant l’aménagement et la mise en valeur de la vallée du Bou
Regreg (loi n° 16-04 du 23 novembre 2005), l’aménagement de la lagune de Marchica
(loi n° 25-10, 16 juillet 2010), les zones franches d’exportation (loi n°19-94 du 26 janvier
1995), et la zone spéciale de développement Tanger-Méditerranée (décret loi n° 2-02 du
10 septembre 2002 ratifié par la loi n°60-02 du 24 mars 2003).
263
Droit administratif marocain
Les personnes désirant déposer une pétition doivent satisfaire à certaines conditions:
résider dans la commune ou y exercer une activité économique, commerciale ou
professionnelle ; satisfaire aux conditions pour être inscrit sur les listes électorales ;
avoir un intérêt direct commun dans la présentation de la pétition ; réunir au moins cent
signataires dans les communes dont le nombre d’habitants est inférieur à 35 000 ; et deux
cents dans les autres communes. Toutefois dans les communes dotées d’arrondissements
ce chiffre ne doit pas être inférieur à quatre cents.
S’il s’agit d’associations les conditions sont différentes. L’association doit être reconnue
et constituée conformément à la législation en vigueur depuis plus de trois ans ; elle doit
fonctionner de manière démocratique et respecter les lois et règlement en vigueur ; elle
doit avoir son siège ou l’une de ses antennes dans la commune concernée par la pétition.
Enfin son activité doit avoir un rapport avec l’objet de la pétition.
Les formes de la pétition et les pièces jointes qui doivent l’accompagner sont fixées
par voie réglementaire. La pétition est déposée contre récépissé auprès du président de
la commune accompagnée des pièces justificatives ; le président soumet la pétition à
l’examen du bureau qui vérifie qu’elle satisfait aux conditions légales. Si la pétition est
déclarée recevable, elle est inscrite à l’ordre du jour de la session ordinaire suivante. Elle
est alors soumise l’examen de la ou des commissions permanentes compétentes avant
d’être soumise à la délibération du conseil. Le président informe le mandataire ou le
représentant légal de l’association. Si la pétition est déclarée irrecevable, le président doit
notifier la décision motivée au mandataire ou au représentant légal de l’association dans
les trois mois de la réception de la pétition.
264
Les collectivités territoriales
statut particulier des fonctionnaires des collectivités territoriales établi par la loi. Ce
statut tient compte des spécificités des fonctions dans les collectivités territoriales pour
déterminer les droits et obligations des agents de la commune, des établissements de
coopération intercommunale et des groupements de collectivités, les règles applicables
à leur situation statutaire et leur régime de rémunération à l’instar du statut général de la
fonction publique.
B. Les sociétés de développement local. Les communes, les établissements de
coopération intercommunale, les groupements de collectivités territoriales peuvent créer
sous forme de sociétés anonymes des sociétés dénommées : Sociétés de développement
local ; elles peuvent aussi participer à leur capital en association avec d’autres personnes
morales de droit public ou de droit privé. La création de ces sociétés a pour but l’exercice
d’activités économiques entrant dans le champ des compétences de la commune ou des
organismes de coopération visés ci-dessus, ou pour la gestion d’un service public de
la commune. L’objet de la société est limité aux activités industrielles et commerciales
entrant dans les compétences de la commune. Toute modification du statut de la société, de
son objet, de son capital, etc. doit sous peine de nullité faire l’objet d’une délibération du
conseil de la commune concernée visée par le ministre de l’intérieur. La participation de la
commune et des institutions de coopération au capital de la société ne peut être inférieure à
34%. Dans tous les cas la majorité du capital de la société doit appartenir à des personnes
morales de droit public. Il est interdit à cette société de détenir des participations dans
le capital d’autres sociétés. Les procès verbaux des réunions des organes de la société
doivent être notifiés à la commune et aux organismes de coopération intercommunale ou
des collectivités territoriales qui en sont actionnaires dans les quinze jours de leur réunion ;
la notification doit être également effectuée au gouverneur. L’information du conseil de
la commune concernée est aussi assurée par les rapports périodiques du représentant de
la commune dans les organes de la société de développement. La mission de ce dernier
est exercée à titre gratuit, mais il peut percevoir des indemnités de déplacement dont
le montant est fixé par voie réglementaire. En cas de suspension ou de dissolution du
conseil le représentant de la commune continue de la représenter jusqu’à la reprise de ses
fonctions par le conseil ou jusqu’à l’élection de son successeur.
265
Droit administratif marocain
budgétaire avant de présenter les ressources de la commune, puis ses charges, l’élaboration
et le vote du budget, son visa, son exécution et sa modification et enfin l’arrêté du budget
qui en est la conclusion.
A. Le budget
Le budget comprend deux parties : la première décrit les opérations de fonctionnement
en recettes et en dépenses et la seconde est relative aux opérations d’équipement ; elle
présente l’ensemble des ressources affectées à l’équipement et l’emploi qui doit en être
fait. Ces deux parties doivent être présentées en équilibre ; si un excédent prévisionnel
est dégagé au cours de l’exécution de la première partie il est affecté obligatoirement à la
seconde partie. En revanche les recettes de la deuxième partie ne peuvent pas avoir pour
contrepartie des dépenses de la première partie. Le budget peut comprendre des budgets
annexes et des comptes spéciaux.
Les budgets annexes sont créés par arrêté du ministre de l’intérieur. Ils sont destinés
aux opérations financières de certains services qui ne sont pas dotés de la personnalité
morale et dont l’activité tend essentiellement à produire des biens ou à rendre des services
moyennant une rémunération. Ces budgets comportent deux parties, l’une consacrée aux
recettes et aux dépenses de fonctionnement et la seconde aux dépenses d’équipement
et aux ressources affectées à ces dépenses ; ces deux parties doivent être équilibrées.
L’insuffisance des recettes de fonctionnement est compensée par une dotation du budget
figurant dans les charges de la première partie. L’excédent prévisionnel des recettes de
fonctionnement sur les dépenses est affecté aux dépenses d’équipement. A l’inverse
l’insuffisance de ces recettes est compensée par une dotation d’équipement prévue par la
deuxième partie du budget après approbation du conseil de la commune.
Les comptes spéciaux sont eux aussi créés par arrêté du ministre de l’intérieur. Ils ont
pour but de décrire des opérations qui ne peuvent pas être inscrites commodément au
budget en raison soit de leur spécificité, soit en raison de la relation de cause à effet entre
les recettes et les dépense ; il peut aussi s’agir d’opérations qui doivent conserver leur
spécificité et leur continuité d’une année à l’autre, ou enfin d’opérations dont il convient de
garder la trace lorsqu’elles se poursuivent pendant plus d’une année sans distinction entre
années budgétaires. Il existe deux sortes de comptes spéciaux : Les comptes d’affectation
spéciale et les comptes de dépenses sur dotations.
La réglementation propre aux budgets annexes et comptes spéciaux est prévue par les
articles 169 et 170 de la L.O.
266
Les collectivités territoriales
Un état consolidé du budget doit retracer les équilibres du budget, des budgets annexes
et des comptes spéciaux selon les modalités déterminées par décret sur proposition du
ministre de l’intérieur.
Les dépenses du budget sont présentées par chapitres dans des articles divisés en
programmes et projets ou actions. Il en est de même des budgets annexes dont les
dépenses sont présentées à l’intérieur de chaque article par programmes et éventuellement
par programmes subdivisés en projets et actions. Les dépenses des comptes spéciaux sont
présentées par programmes divisés le cas échéant en projets ou actions.
Le programme est un ensemble cohérent de projets ou d’actions ayant des objectifs
d’intérêt général assortis d’indicateurs chiffrés permettant d’en mesurer les résultats en
termes d’efficacité et de qualité. L’aspect genre doit être pris en compte lors de la fixation
des objectifs et des indicateurs qui leurs sont associés.
Le projet ou l’action est un ensemble d’activités et de chantiers réalisés dans le
but de satisfaire un ensemble de besoins définis. Il est divisé en ligne dans le budget
faisant apparaître la nature économique des dépenses relatives aux activités et opérations
entreprises.
Les engagements de dépenses ne doivent pas dépasser les autorisations du budget. Ils
sont subordonnés à la disponibilité des crédits budgétaires correspondant à leur utilisation:
travaux, fournitures et services, transferts de ressources et postes budgétaires pour les
recrutements. L’équilibre des budgets des années ultérieures peut être engagé par les
garanties accordées par la commune, la gestion de sa dette, les crédits d’engagement et les
autorisations de programme. Les programmes pluriannuels d’équipement découlant de la
programmation triennale peuvent faire l’objet d’autorisations de programmes établies sur
la base d’excédents prévisionnels.
Les crédits relatifs aux dépenses d’équipement sont de deux sortes: des crédits de
paiement qui constituent la limite supérieure des crédits qui peuvent être mandatés au
cours de l’année budgétaire et des crédits d’engagement qui constituent la limite supérieure
des dépenses que les ordonnateurs peuvent engager pour l’exécution des équipements et
travaux prévus. Les autorisations de programme demeurent valables tant qu’elles n’ont pas
été annulées ; elles peuvent être révisées et sont visées dans les mêmes conditions que le
budget.
Les crédits de fonctionnement non consommés à la clôture de l’année budgétaire
sont annulés ; en revanche les crédits de fonctionnement qui ont été engagés mais n’ont
pas donné lieu à paiement à la clôture de l’exercice, font l’objet d’un report sur l’année
suivante.
267
Droit administratif marocain
Les crédits ouverts au titre du budget ne créent aucun droit au titre du budget suivant
sauf ce qui concerne les autorisations de programme. En revanche les crédits de paiement
relatifs aux dépenses d’équipement sont reportés sur le budget de l’année suivante. Les
crédits de fonctionnement engagés et qui n’ont pas donné lieu à paiement de même que
les crédits de paiement des dépenses d’équipement qui sont reportés, ouvrent droit à une
dotation de même montant s’ajoutant aux dotations de l’année selon des modalités fixées
par voie réglementaire.
268
Les collectivités territoriales
269
Droit administratif marocain
budget adopté et, à défaut, le budget refusé assorti des procès-verbaux des délibérations
du conseil.
Lorsque le budget n’a pu être adopté le gouverneur, après avoir pris en considération
l’ensemble des éléments de la situation litigieuse ayant conduit le conseil à refuser de
voter le budget, procède à l’établissement du budget de fonctionnement sur la base du
dernier budget visé en tenant compte de l’évolution des charges et des ressources de la
commune. Dans ce cas la commune poursuit le remboursement des annuités d’emprunts.
– Le budget voté doit être présenté au visa du gouverneur au plus tard le 20 novembre ;
le budget devient exécutoire dès l’obtention du visa. Le visa est obtenu après vérification
du respect des dispositions relatives à son élaboration, de la réalité de son équilibre sur
la base de la sincérité des prévisions des recettes et des dépenses et de l’inscription des
dépenses obligatoires. Le budget soumis au gouverneur doit être accompagné d’un état
faisant apparaître la programmation triennale et les états comptables et financiers de la
commune établis selon des modalités fixées par décret sur proposition du ministre de
l’intérieur.
Le refus du visa à l’issue du contrôle du respect des normes fixées ci-dessus, doit être
notifié avec ses motifs au président de la commune quinze jours après la réception du
budget ; le président modifie le budget et le soumet au vote du conseil dans le délai de
dix jours à compter de la notification du refus et de ses motifs. Il doit soumettre le budget
modifié au visa avant le premier janvier. Le président sur invitation du gouverneur, doit
inscrire au budget les dépenses obligatoires qui auraient été omises. Le président soumet
le budget au vote du conseil sauf si celui-ci lui délègue le soin de réaliser cette inscription.
Dans le cas où le budget n’est pas visé avant le premier janvier le président peut
être habilité par arrêté du gouverneur à recouvrer les recettes et à engager, liquider et
ordonnancer les dépenses de fonctionnement dans la limite des crédits inscrits au dernier
budget visé et cela jusqu’au visa du budget. Au cours de cette période le président peut
procéder à la liquidation et à l’ordonnancement du remboursement des annuités d’emprunts
et au règlement des décomptes relatifs aux marchés dont les dépenses ont été engagées.
Si le président ne tient pas compte des motifs du refus du visa du gouverneur
(art. 191-3°), ou s’il refuse de procéder à l’inscription des dépenses obligatoires comme
le lui demande le gouverneur (art. 192), ou enfin si le budget n’a pas été présenté au visa
du gouverneur au plus tard le 20 novembre, le ministre de l’intérieur peut établir avant
le premier janvier, et après avoir demandé des explications au président du conseil, un
budget de fonctionnement de la commune sur la base du dernier budget visé en tenant
compte de l’évolution des charges et des ressources de la commune ; la commune procède
au remboursement des annuités de ses emprunts.
270
Les collectivités territoriales
Dès que le budget a été voté et visé par le gouverneur il doit être déposé au siège de la
commune dans un délai de quinze jours à compter de son visa. Ce budget doit être mis à la
disposition du public par tout moyen de publicité. Il est notifié au trésorier de la commune.
– L’exécution et la modification du budget. L’exécution du budget relève des
attributions de l’ordonnateur de la commune c’est à dire de son président qui est assisté
par le trésorier dans l’exécution des opérations financières et comptables impliquées par
cette exécution. Les fonds de la commune sont obligatoirement déposés à la Trésorerie
général du Royaume. Si le président s’abstient d’ordonnancer une dépense exigible de
la commune, le gouverneur, après lui avoir demandé des explications, peut le mettre en
demeure de le faire. A défaut d’exécution dans le délai de sept jours, le gouverneur peut
se substituer au président et procéder à cet ordonnancement conformément à l’article 76
de la LO.
Les subventions octroyées à certains organismes sur la base de conventions et contrats
conclus par la commune sont attribuées sur la base d’un programme d’emploi élaboré
par l’organisme bénéficiaire. La commune peut suivre l’utilisation des fonds octroyés au
moyen d’un rapport établi par l’organisme subventionné.
Les dispositions assurant une bonne gestion des finances de la commune et de
ses instances et notamment les règlements relatifs au contrôle des dépenses et de la
comptabilité publique qui leurs sont appliquées, sont établies par voie réglementaire.
– La modification du budget peut être réalisées par le vote d’un budget rectificatif qui
est établi dans les mêmes formes que le budget initial y compris en ce qui concerne son
visa. Les virements de crédits à l’intérieur d’un même programme ou à l’intérieur d’un
même chapitre peut être réalisé dans les conditions et modalités fixées par décret sur
proposition du ministre de l’Intérieur.
Le reversement par la commune pour trop perçu peut être suivi de rétablissements de
crédits mais uniquement dans les deux années budgétaires qui suivent la l’exercice qui a
supporté la dépense correspondante. Les recettes provenant de la restitution de sommes
payées indûment ou à titre provisoire, peut donner lieu à des rétablissements de crédits
dans des conditions et modalités fixées par voie réglementaire.
– Le bilan d’exécution du budget relate le montant définitif des recettes perçues et des
dépenses mandatées relatives au même exercice ; il est arrêté au plus tard au 31 janvier de
l’exercice suivant. En cas d’excédent celui-ci est repris dans l’exercice suivant au titre des
recettes de la deuxième partie. Cet excédent est appelé à couvrir des reports de crédits sur
les dépenses de fonctionnement et d’équipement. Il peut aussi donner lieu dans la limite du
montant disponible à des ouvertures de crédits supplémentaires pour financer des dépenses
d’équipement.
271
Droit administratif marocain
272
Les collectivités territoriales
la dénomination des voies et des places publiques lorsqu’elle a le caractère d’un hommage
public ou le rappel d’un événement historique. Il en est de même pour les délibérations
relatives à la création et à aux modes de gestion des services publics communaux, et aux
conventions de coopération décentralisée et au jumelage avec des collectivités étrangères.
Toutefois les délibérations concernant la gestion déléguée des services et des ouvrages
publics communaux et à la création de société de développement local sont soumises au
visa du ministre de l’intérieur. Si aucune décision n’est prise dans le délai de vingt jours à
compter de leur réception par l’autorité de contrôle le visa est réputé accordé.
Sous-section III
Les communes divisées en arrondissements
C’est en 2002 que sont apparus les arrondissements créés dans les villes de plus de
500 000 habitants après la suppression des communautés urbaines dont le fonctionnement
s’était révélé plus nuisible qu’utile. Cette création répondait à la nécessité de maintenir
l’unité de la ville tout en permettant une gestion individualisée de ses quartiers. En pratique
des difficultés étaient apparues dans les relations de la commune et des arrondissements ;
certaines de ces difficultés étaient sans doute dues à des questions de personnes ; mais il
demeure que les difficultés en cause avaient été favorisées par certaines imperfections
du texte de 2002 auxquelles la réforme de la charte communale du 18 février 2009 a
voulu remédier. Et c’est sur la base de cette réforme qui, dans l’ensemble, avait donné
satisfaction, que le titre VI de la loi organique maintient le système des arrondissements et
son organisation qui en était issu.
L’article 216 dispose que les communes de Casablanca, Rabat, Tanger, Marrakech,
Fès et Salé sont soumises au droit commun de la charte communale sous réserve des
dispositions propres aux communes divisées en arrondissements. Le principe demeure que
le conseil de la commune gère les affaires de la commune sous réserve des compétences
exercées par les arrondissements. Ceux-ci n’ont pas la personnalité morale, mais disposent
de l’autonomie administrative et financière ce qui permet à leur conseil de gérer les
affaires qui leur sont attribuées.
Les arrondissements sont créés par décret sur proposition du ministre de l’intérieur ; ce
décret fixe leur nombre, leurs limites géographiques, leur dénomination et le nombre des
conseillers à élire dans chacun d’eux. Il en existe actuellement 41.
273
Droit administratif marocain
Ces conseillers sont élus dans les mêmes conditions c’est à dire celles qui résultent de
la loi organique n° 59-11 relative à l’élection des membres des conseils des collectivités
territoriales. Le nombre des conseillers d’arrondissement est le double de celui des
membres du conseil de la commune élus dans l’arrondissement sans que ce nombre puisse
être inférieur à dix ni supérieur à 20. Les fonctions de ces conseillers sont gratuites,
mais les présidents, vice-présidents, secrétaire du conseil et son adjoint, les présidents
des commissions permanentes et leurs vice-présidents peuvent toucher des indemnités
de fonction et de représentation dès lors qu’ils ne perçoivent rien à ce titre de la part du
conseil de la commune. C’est la commune qui assume la responsabilité des dommages que
pourraient subir les conseillers d’arrondissement dans l’exercice de leur mandat.
Le conseil d’arrondissement élit un président et des vice-présidents qui constituent le
bureau. Les vice-présidents ne peuvent être moins de trois et leur nombre maximum ne
doit pas dépasser le cinquième des membres du conseil. Ces fonctions sont incompatibles
avec celle de président du conseil de la commune. L’élection se déroule dans les
mêmes conditions que l’élection du président et des vice-présidents de la commune.
Les contestations de ces élections sont traitées de la même façon que les contestations
concernant l’élection des présidents et vice-présidents de la commune. Le conseil
d’arrondissement élit de la même façon un secrétaire et un secrétaire adjoint qui sont
démis selon les mêmes formes.
Le conseil crée trois commissions permanentes consacrées aux affaires financières et
économiques, aux affaires sociales et culturelles et une troisième aux affaires d’urbanisme
et d’environnement. Il peut aussi créer des commissions provisoires pour une durée
limitée et pour un sujet déterminé chargée de la présentation d’un rapport. Le conseil élit
parmi ses membres pour chaque commission permanente un président et son adjoint à la
majorité relative. La composition et le fonctionnement de ces commissions sont fixés par
le règlement intérieur du conseil d’arrondissement dans les mêmes conditions que ce qui
est prévu pour le conseil de la commune.
Le conseil d’arrondissement se réunit obligatoirement en trois sessions ordinaires par
an sur convocation de son président en janvier, juin et septembre. Si les circonstances
l’exigent il peut se réunir en session extraordinaire sur un ordre du jour déterminé soit
à l’initiative du président soit à celle du tiers de ses membres en exercice, soit à celle
du gouverneur. Ces sessions ne peuvent durer plus de trois jours ouvrables consécutifs
sans pouvoir être prorogées. Toutes les règles applicables à la commune sont applicables
au conseil d’arrondissement en ce qui concerne l’établissement de l’ordre du jour, la
convocation, le quorum, la tenue des séances, le registre des délibérations et leur publicité,
la suppléance provisoire, le contrôle et la gouvernance.
274
Les collectivités territoriales
275
Droit administratif marocain
276
Les collectivités territoriales
277
Droit administratif marocain
sans pouvoir être inférieur à un seuil minimum fixé par décret sur proposition du ministre
de l’intérieur. Elle est répartie au prorata du nombre d’habitants de chaque arrondissement.
La partie affectée à la gestion locale permet de faire face aux dépenses de gestion des
équipements et des services de l’arrondissement. Son montant dépend de l’importance
des dépenses de fonctionnement à l’exclusion des dépenses de personnel et des frais
financiers qui sont à la charge du budget de la commune. Les dépenses de fonctionnement
sont évaluées en fonction des équipements et des services qui relèvent des attributions des
arrondissements et qui font partie du schéma directeur d’équipements que le conseil de
la commune doit obligatoirement adopter. En cas de désaccord au sein du conseil de la
commune sur le montant de la part affectée à la gestion locale de chaque arrondissement,
celui-ci est déterminé sur la base de la moyenne des crédits réellement dépensés au titre des
cinq derniers exercices budgétaires de chaque arrondissement. La part réservée à la gestion
locale peut être modifiée chaque année pour tenir compte des modifications apportées à la
liste des équipements et des services gérés par l’arrondissement.
Le total des recettes et des dépenses de fonctionnement de chaque conseil
d’arrondissement est inscrit au budget de la commune ; ces recettes et dépenses sont
détaillées dans le « compte de dépenses sur dotation ». Les comptes d’arrondissement sont
annexés au budget de la commune.
Les propositions d’investissements approuvées par les conseils d’arrondissement sont
examinées par le conseil de la commune qui arrête par arrondissement le programme
d’investissement et les programmes d’équipement. Les dépenses d’investissement décrites
par arrondissement figurent dans une annexe au budget de la commune et une annexe au
compte de la commune. Chaque année le conseil de la commune effectue la répartition de
la dotation globale de fonctionnement des arrondissements et délibère sur le montant total
des crédits qu’il doit inscrire à ce titre au budget de la commune pour l’exercice suivant.
Le montant de cette dotation pour chaque arrondissement est notifié avant le premier
septembre au président d’arrondissement par le président du conseil de la commune. Dans
le mois qui suit cette notification, le président de l’arrondissement adresse au président de
la commune le compte de dépenses sur dotation voté par chapitre et en équilibre réel par
le conseil d’arrondissement. Le compte de chaque arrondissement est soumis au conseil de
la commune en même temps que le projet de budget de la commune.
Le conseil de la commune demande au conseil d’arrondissement de réexaminer
le compte de dépenses sur dotation dans un certain nombre de cas ; s’il y a doute
sur l’équilibre réel du compte, si des dépenses obligatoires n’y figurent pas, s’il y a
discordance entre le montant des crédits destinés à la dotation globale de l’arrondissement
et celui qui a été voté par le conseil de la commune,ou si le conseil de la commune estime
que les crédits réservés à certains équipements ou services sont insuffisants pour en assurer
le fonctionnement.
278
Les collectivités territoriales
279
Droit administratif marocain
280
Les collectivités territoriales
§6. Le contentieux
C’est le président de la commune qui la représente en justice sauf s’il a personnellement
directement ou indirectement un intérêt dans l’affaire à quelque titre que ce soit. Dans ce
cas il est fait application des dispositions de la loi sur la suppléance. Le président est tenu
de défendre les intérêts de la commune et pour cela il doit intenter les actions concernant
la commune et en suivre la procédure ; il intente les actions possessoires ou y défend la
commune ; il accomplit les actes conservatoires ou interruptifs de déchéance. Il défend
la commune face aux oppositions formées contre les états dressés pour le recouvrement
des créances de la commune. Il introduit les demandes en référé, et suit sur appel les
ordonnances du juge des référés, interjette appel de ces ordonnances et assure le suivi de
toutes les étapes de la procédure. Si le président n’effectue pas les mesures nécessaires
au recouvrement des créances de la commune il est fait appel aux dispositions de l’article
64 qui par l’intermédiaire du gouverneur permet de saisir le tribunal administratif d’une
demande de suspension du président suivie d’une demande révocation.
Toutefois on a déjà fait observer que l’appel à l’article 76 de la charte est un moyen
beaucoup plus pratique d’obtenir le but recherché puisqu’après mise en demeure
demeurée sans effet adressée au président par le gouverneur, celui-ci peut saisir le tribunal
administratif d’une demande de constatation de l’état d’abstention du président ; si la
juridiction constate cet état d’abstention, le gouverneur peut se substituer au président pour
prendre les actes que le président s’est abstenu d’effectuer.
Le président doit informer le conseil de la commune de toutes les actions engagée en
justice au cours de la session ordinaire ou extraordinaire qui suit l’introduction de l’action.
Aucun recours en excès de pouvoir ne peut être intenté contre les décisions du
conseil ou de l’exécutif de la commune, sous peine d’irrecevabilité, si le demandeur
n’a pas préalablement informé le président de la commune et adressé au gouverneur un
mémoire exposant l’objet et les motifs de sa réclamation. Un récépissé lui est délivré
immédiatement. Ne sont pas soumises à cette obligation les actions possessoires et les
recours en référé. Le demandeur n’est plus tenu par cette obligation si quinze jours après
la réception de ce mémoire il ne lui a pas été délivré de récépissé ou si à l’expiration d’un
délai de trente jours après la délivrance du récépissé, les parties ne sont pas parvenues à
un accord amiable.
Lorsque la réclamation a pour but de faire déclarer la commune débitrice ou à obtenir
une réparation de sa part, le demandeur doit sous peine d’irrecevabilité de sa demande,
saisir le gouverneur qui étudie la réclamation dans un délai de trente jours à compter de
la délivrance du récépissé de sa saisine. A défaut de réponse ou si celle-ci ne le satisfait
pas, le demandeur peut soit saisir le ministre de l’intérieur d’un recours hiérarchique afin
qu’il étudie sa réclamation dans un délai de trente jours à compter de sa saisine, soit
281
Droit administratif marocain
282
Les collectivités territoriales
283
Droit administratif marocain
et redevances dus au collectivités locales dans la loi n° 39-07 du 27 décembre 2007, les
textes pris pour l’application de la loi n° 45-08 du 18 février 2009 relative à l’organisation
des finances des collectivités locales, les dispositions réglementaires fixant le nombre des
arrondissements, leurs limites et leur dénomination ainsi que la loi du 27 septembre 1977
portant statut particulier du personnel communal. Demeurent également en vigueur
les textes sur la déclaration du patrimoine de certains élus locaux et des chambres
professionnelles ainsi que certaines catégories de fonctionnaires ou agents publics (loi du
20 octobre 2008).
284
Les collectivités territoriales
subsidiarité. Cela revient aussi à admettre, au moins implicitement, qu’en l’état actuel des
choses, beaucoup de communes ne sont pas en mesure d’exercer toutes les compétences
très larges et souvent complexes à mettre en œuvre que la loi organique leur attribue.
On observera aussi que ce n’est pas parce que l’on a fait disparaître les dispositions
qui obligeaient le conseil communal à élire un secrétaire et son adjoint parmi les membres
du conseil sachant lire et écrire, que l’on aura réussi à faire disparaître le problème de
l’analphabétisme dans nombre de ces communes. Longtemps encore ces communes auront
de la difficulté à mettre en pratique les dispositions de la loi organique qui seront encore
pendant un certain temps au delà de leurs possibilités matérielles et humaines ce qui n’est
évidemment pas le cas pour la majorité des communes qui constituent le monde urbain.
La loi organique a repris nombre de dispositions de la charte de 2009 en lui ajoutant tout
ce qui concerne la modernisation de la gestion communale et l’installation des pratiques
de la bonne gouvernance avec l’aide de l’Etat. On notera aussi le fait que le contrôle
administratif qui subsiste demeure exclusivement un contrôle de légalité, mais que le
recours à l’évaluation de l’action communale par la mise en place des contrôles internes et
externes et le recours à l’audit à la demande des membres du conseil, de son président mais
aussi du gouverneur, devraient contribuer fortement à proscrire les gestions aventureuses
dénoncées par les cours régionales des comptes et les rapports de l’Inspection générale de
l’administration territoriale. Les relations entre la population et ses élus ne peuvent qu’en
être améliorées et cela le sera d’autant plus que les communes feront vivre réellement les
mécanismes de participation qui permettront aux élus de mieux comprendre les exigences
de la vie au quotidien de leurs concitoyens et d’y répondre d’une façon appropriée. Le
récent rapport de la Cour des comptes (2015) va sans aucun doute dans le même sens en
titrant: « La gestion communale : pour un contrôle permanent ». Celui-ci doit être effectif
à la fois par la mise en œuvre des procédures du contrôle administratif, mais aussi par
l’organisation des missions spéciales de l’Inspection générale des collectivités territoriales
du ministère de l’intérieur et de l’inspection générale des finances.
Section IV
La coopération des collectivités territoriales
285
Droit administratif marocain
aisément des objectifs dépassant les possibilités de chacune d’elles et touchant les intérêts
communs à plusieurs d’entre elles. Cette coopération est d’autant plus nécessaire que les
frontières administratives doivent souvent s’effacer devant les exigences d’une politique
d’aménagement du territoire qui conditionnent très souvent la pleine efficacité des actions
d’équipement et de développement. On examinera les dispositions des lois organiques qui
concernent cette coopération que l’on peut qualifier de coopération interne des collectivités
territoriales ; mais depuis un quart de siècle il est une autre forme de coopération qui
s’est développée et qui depuis la charte de 2002 est officiellement encouragée, il s’agit
de la coopération décentralisée mieux dénommée d’ailleurs par l’expression coopération
internationale qui fait également l’objet des dispositions de ces lois.
286
Les collectivités territoriales
287
Droit administratif marocain
impossible le conseil désigne parmi ses membres celui dont l’élection est la plus ancienne
et à égalité d’ancienneté celui qui est le plus âgé.
S’appliquent au groupement de collectivités, les dispositions de la LO. et des textes
législatifs et réglementaires relatifs au contrôle, au statut de l’élu, au fonctionnement du
conseil et de ses délibérations ainsi qu’aux règles financières et comptables applicables aux
collectivités membres du groupement, sous réserve des règles spécifiques au groupement
de régions ou de préfectures et de provinces prévues par le LO.
Le groupement est dissous de plein droit si au bout d’un an il n’a eu aucune activité en
relation avec son objet, s’il a réalisé cet objet pour lequel il a été constitué, ou à la suite
d’un commun accord des conseils des collectivités membres, sur demande motivée de la
majorité des conseils de ces collectivités. Une collectivité membre peut se retirer selon les
modalités prévues par la convention constitutive. Le retrait est déclaré par le ministre de
l’intérieur.
En cas de dissolution ou de suspension du conseil du groupement il est procédé comme
pour la suspension ou la dissolution des conseils des collectivités membres du groupement.
La nomenclature des ressources financières des groupements de région (art .218), de
préfectures ou de provinces (art. 196) et de communes (art. 205) est identique ; outre la
contribution de la collectivité considérée au budget du groupement qui est une dépense
obligatoire pour la collectivité, elle comporte des subventions de l’Etat, les recettes
correspondant aux services transférés au groupement, les redevances pour services rendus,
les revenus de la gestion du patrimoine, le produit des emprunts autorisés, les dons et legs
et les recettes diverses. Les charges de ces groupements comprennent les dépenses de
fonctionnement et d’équipement nécessaires pour assurer la réalisation des opérations et
l’exercice des compétences objet de leur création.
288
Les collectivités territoriales
289
Droit administratif marocain
290
Les collectivités territoriales
Le groupement est constitué en vertu d’une convention approuvée par les conseils des
collectivités concernées. La convention détermine l’objet du groupement, sa dénomination,
son siège, la nature ou le montant des apports et la durée du groupement. La création du
groupement ou l’adhésion d’une autre collectivité territoriale, est déclarée par arrêté du
ministre de l’intérieur. D’autres collectivités peuvent adhérer au groupement au vu des
délibérations concordantes des conseils des collectivités constituant le groupement et du
conseil du groupement et en vertu d’un avenant à la convention initiale. L’adhésion est
déclarée par arrêté du ministre de l’intérieur au vu des délibérations concordantes des
conseils des collectivités concernées.
Le groupement est dirigé par un conseil ; le nombre de ses membres est fixé par le
ministre de l’intérieur. Les collectivités sont représentées au conseil au pro rata de leurs
apports et par un délégué au moins pour chaque collectivité concernée. Les délégués
sont élus pour une durée égale à celle du mandat du conseil qu’ils représentent. En cas
de cessation des fonctions du conseil qu’ils représentent pour cause de dissolution ou
suspension ou pour toute autre cause, les délégués restent en exercice jusqu’à ce que le
nouveau conseil ait procédé à la désignation de leur successeur. En cas de vacance d’un
poste de délégué, le conseil de la collectivité concernée procède à son remplacement selon
les modalités de désignation prévues par la LO dans le délai d’un mois.
Le conseil du groupement élit parmi ses membres un président ainsi que deux vice-
présidents au moins et quatre au plus qui constituent le bureau selon les mêmes modalités
que pour l’élection du bureau des collectivités. Il procède de la même manière à l’élection
du secrétaire et de son adjoint qui peuvent être démis par le conseil. Ils sont chargés
de la tenue des procès-verbaux des délibérations du conseil du groupement et de leur
conservation.
Le président exerce dans le groupement les fonctions exécutives identiques à celles des
présidents des collectivités membres du groupement, dans la limite des compétences du
groupement.
Un directeur assiste le président dans l’exercice de ses attributions. Il est chargé sous
la responsabilité et le contrôle du président de superviser l’administration du groupement,
de coordonner le travail administratif des services et de veiller à leur bon fonctionnement.
Il présente au président les rapports que celui-ci lui demande.
En cas d’absence ou d’empêchement du président de plus d’un mois, il est remplacé de
plein droit par un vice président dans l’ordre ; si aucun vice-président n’est disponible le
conseil élit parmi ses membres un remplaçant du président selon les dispositions prévues
à cet effet par les articles de la LO. concernant les collectivités membres.
Les dispositions de la loi organique relatives aux collectivités membres du groupement
s’appliquent au contrôle, au statut de l’élu, au régime de fonctionnement du conseil et
291
Droit administratif marocain
de ses délibérations et aux règles financières et comptables sous réserve des dispositions
propres au groupement.
Le groupement ne peut pas conclure de convention avec un Etat étranger.
Les ressources financières du groupement de collectivités territoriales sont constituées
selon une nomenclature identique pour les trois sortes de collectivités, régions (art. 220),
préfectures et provinces (art. 198) et communes (art. 207). Elles comprennent la
contribution des collectivités membres du groupement au budget de celui-ci qui font
parties des dépenses obligatoires des collectivités, les subventions de l’Etat, les recettes
correspondant aux divers services transférés au groupement, les redevances pour services
rendus, les revenus de la gestion du patrimoine, le produit des emprunts autorisés, les dons
et legs et les recettes diverses. Quant aux charges du groupement elles comportent les
dépenses de fonctionnement et d’équipement qui permettent la réalisation des opérations
et l’exercice des compétences objet de la création du groupement.
Le groupement peut être dissous dans un certain nombre de cas : de plein droit au
bout d’un an s’il n’a effectué aucune des activités en relation avec l’objet de sa création ;
après extinction de l’objet pour lequel il a été créé ; d’un commun accord des membres du
groupement ;à la demande motivée de la majorité des conseils des collectivités territoriales
membres du groupement. La suspension ou la dissolution du conseil du groupement est
traitée de la même manière que la suspension ou la dissolution des collectivités membres
du groupement.
Les ressources financière du groupement comportent les contributions des collectivités
territoriales membres du groupement ; ces contributions sont inscrites dans leur budget
et constituent des dépenses obligatoires. Ces ressources sont également constituées de
subventions de l’Etat, de recettes correspondant aux services transférés au groupement, des
redevances pour services rendus, des revenus de la gestion du patrimoine, du produit des
emprunts autorisés, des dons et legs et des recettes diverses. Les charges du groupement
comprennent les dépenses de fonctionnement et d’équipement qui sont impliquées par la
réalisation des opérations et l’exercice des compétences objet de sa création.
292
Les collectivités territoriales
293
Droit administratif marocain
les pays arabes, l’Union européenne et les pays africains, a consacré un certain nombre
des dispositions des lois organiques relatives aux collectivités territoriales à la coopération
internationale. Les conseils des communes délibèrent sur les projets de conventions de
jumelage et de coopération décentralisée avec des collectivités territoriales nationales ou
étrangères et également sur toutes formes d’échange avec les collectivités territoriales
étrangères et cela, après accord du wali de la région et dans le respect des engagements
internationaux du Royaume (article 92 de la LO). Par ailleurs l’article 86 de la LO relative
aux communes les autorise à conclure des conventions avec des acteurs à l’extérieur
du Royaume et à recevoir des financements dans ce cadre après accord préalable des
pouvoirs publics. On remarquera que cet article utilise le terme « acteurs » ce qui signifie
que ces conventions peuvent concerner aussi des organismes autres que les collectivités
territoriales étrangères et notamment des associations, ONG. Une disposition identique
existe dans les lois organiques relatives aux préfectures et aux provinces : il s’agit de
l’article 85, et aux régions : article 82-g. Seule limite à cette coopération : les collectivités
territoriales et les groupements auxquelles elles appartiennent ne peuvent pas conclure de
telles conventions avec un Etat étranger.
294
Chapitre III
L’établissement public (1)
Introduction
Sous des appellations diverses mais principalement sous celle d’office (2),
l’établissement public occupe une place importante parmi les personnes publiques ;
largement utilisée avant l’indépendance, la technique de l’établissement public a connu
depuis lors un considérable développement : on rencontre en effet des établissements
publics dans tous les secteurs d’activité : établissements publics culturels, scientifiques,
sociaux, économiques et financiers ; la diversité des missions de ces organismes n’est
en définitive que la conséquence de l’élargissement des responsabilités des collectivités
publiques et tout particulièrement de l’Etat. Malgré une nouvelle approche du rôle de l’Etat
visant à réduire son intervention dans le champ du développement économique et social, le
nombre et l’importance des établissements publics demeurent dans une large mesure.
Sans doute assiste-t-on à quelques disparitions, par exemple l’office de la pharmacie,
créé en 1976, a été supprimé en 1995 (B.O. 1995, p. 600) ; des régies communales,
établissements publics locaux, cèdent la place à des sociétés concessionnaires de transport
urbain ou de distribution. L’Office national des postes et télécommunication est certes
supprimé, mais en revanche la loi du 7 août 1997 (B.O. 1997, p. 866) relative à la poste
et aux télécommunications en crée deux nouveaux : l’Agence nationale de réglementation
des télécommunications (ANRT) et Barid Al-Maghrib qui coexistent avec une société
(1) Les Entreprises publiques au Maroc, R. Lahaye, publications de la Faculté des Sciences juridiques, économiques
et sociales, 1961 ; El Midaoui (A.), les Entreprises publiques au Maroc et leur participation au développement,
éd. Afrique-Orient, Casablanca, 1981 ; Jouahri (A.) et autres, la Gestion des entreprises publiques au Maroc,
Casablanca, 1980.
(2) Mais le terme d’office peut désigner un simple service administratif ; tel est le cas par exemple de l’Office marocain
de la propriété industrielle. Cf. décision n° 184 de la Chambre constitutionnelle de la Cour suprême, 10 décembre
1985, B.O. 1986, p. 79.
Droit administratif marocain
(3) M. Rousset, la Nouvelle réglementation marocaine de la poste et des télécommunications : du monopole à l’activité
partagée, RJPIC 1997, p. 866. M. Kamal Daoudi : « Les télécoms, un cas réussi de privatisation d’un service public »,
REMALD, n° 59, 2004, p. 117.
Le Secrétaire d’Etat chargé de la poste et des télécommunications avait déclaré (septembre 2001) que le
développement du service postal universel et la modernisation des technologies utilisées ainsi que l’ouverture maîtrisée
à la concurrence qui suppose un renforcement de l’efficacité du service, conduiraient, parmi les réformes envisagées, à
la transformation du statut juridique de Barid Al Maghrib qui deviendrait une société anonyme à capital d’Etat. C’est
ce qui a été fait par la loi 07-08 du 11 février 2010 et le Décret d’application du 19 septembre 2011, B.O. p. 2210 qui
a transformé Barid Al Maghrib en société anonyme.
296
L’établissement public
Section I
La création de l’établissement public
297
Droit administratif marocain
création des établissements publics, que celle-ci, de même que leur dissolution, relèvent de
l’autorité législative. La pratique suivie depuis 1962 n’infirme pas cette proposition malgré
certaines apparences contraires.
Tout d’abord si l’Office national des chemins de fer et celui de l’électricité ont été
créés par dahir (Dh. du 8/5/1963, B.O. 1963, p. 1295) c’est sur la base de l’art. 110 de
la Constitution permettant au Roi de prendre les mesures législatives et réglementaires
nécessaires en attendant la mise en place des nouvelles institutions constitutionnelles.
La création de l’Office national de mise en valeur agricole a été effectuée par décret
(D. du 7/5/1965, B.O. 1965, p. 576). Cette particularité peut s’expliquer par le fait qu’il ne
s’agissait pas de créer un organisme véritablement nouveau mais de fusionner deux offices
existant antérieurement, l’Office national de modernisation rurale et l’Office national des
irrigations, dont il cumulait les attributions, et qui, eux, avaient été créés par dahir.
La dissolution de cet office a d’ailleurs été réalisée par un décret royal portant loi (D.R.
du 22/10/1966, B.O. 1966, p. 1266) ; c’est un texte de même nature qui a donné naissance
à l’Office de commercialisation et d’exportation de même qu’à la Bourse des valeurs qui a
été substituée à l’ancien Office de cotation des valeurs mobilières de Casablanca (D.R. du
9/7/1965, B.O. 1965, p. 876 ; D.R. 14/11/1967, B.O. 1967, p. 1347).
Une dernière remarque doit cependant être faite s’agissant de la création des offices
régionaux de mise en valeur agricole qui a été réalisée par des décrets royaux de nature
réglementaire (D.R. du 22/10/1966, B.O. 1966, p. 1267). Cette création réglementaire de
sept offices régionaux peut recevoir deux explications qui l’une et l’autre sont susceptibles
de se concilier avec le principe de la compétence législative. En effet, le décret royal
portant loi qui prononçait la dissolution de l’Office national de mise en valeur agricole
comportait dans son art. 2-2e l’énoncé du principe de la création de ces offices (4) ;
cette disposition indiquait en effet que le « ministre de l’Agriculture et de la Réforme
agraire exerce les attributions qui lui sont ainsi dévolues (à l’issue de la dissolution de
l’O.N.M.V.A.) soit directement soit par l’intermédiaire d’offices régionaux de mise en
valeur agricole ». On peut voir dans cette disposition une sorte d’article cadre habilitant
l’autorité réglementaire à procéder à la mise sur pied des différents offices régionaux (5).
S’il est vrai que les différents décrets royaux constitutifs des offices ne mentionnaient
pas dans leurs visas le décret royal portant loi, il reste que l’ensemble des textes
considérés, portant la même date, publiés en même temps et précédés d’un exposé des
(4) Ce principe avait d’ailleurs déjà été posé dans le décret du 7 mars 1965 créant l’O.N.M.V.A. Un huitième office,
celui du Souss-Massa, a été créé par D. du 3 octobre 1970 (B.O. 1970, p. 1634).
(5) Il est cependant regrettable que cette création n’ait été réalisée que de manière incidente en quelque sorte. Son
importance aurait sans doute justifié qu’on lui consacrât au moins un article dans le texte de ce décret royal.
298
L’établissement public
motifs qui en dégageaient l’esprit, constituaient un tout que l’on ne pouvait dissocier.
Cette interprétation met cependant en lumière le caractère étrange du recours à ce qui
s’analyserait en une délégation implicite au pouvoir réglementaire du pouvoir de créer
les différents offices régionaux ; l’importance d’une telle délégation aurait dû conduire le
législateur à la réaliser de façon expresse.
Une deuxième interprétation consisterait à admettre que l’imprécision de la Constitution
quant à la compétence en matière de création d’établissements publics a permis d’aménager
celle-ci de façon plus pratique : serait ainsi laissée au législateur la création des catégories
d’établissements publics, tandis qu’il appartiendrait au pouvoir réglementaire d’organiser
les différents établissements relevant de chaque catégorie (6).
(6) C’est cette distinction qui a été retenue par la constitution française de 1958 et que le Conseil constitutionnel a
eu l’occasion d’expliciter notamment en précisant ce que l’on devait entendre par catégorie d’établissements publics.
(7) Cet office a été transformé en une Caisse de logements et d’équipements militaires qui demeure un établissement
public par une loi 05-92 promulguée par le dahir du 13 août 1992, B.O. 1992, p. 356.
299
Droit administratif marocain
a lui-même été abrogé par la loi 12-94 du 22 février 1995 (B.O. 1995, p. 387) portant
réforme de l’office et organisant le marché des céréales et des légumineuses.
La nouvelle règle constitutionnelle a aussi conduit à modifier par actes législatifs les
actes réglementaires (décrets royaux, ou décrets) par lesquels avaient été créés les offices
régionaux de mise en valeur agricole (Dh. portant loi du 11 mai 1974, B.O. 1974, p. 936).
De même, c’est par un dahir portant loi qu’a été créé un neuvième office régional, celui du
Loukkos (Dh. portant loi du 23/4/1975, B.O. 1975, p. 1016).
Il faut enfin indiquer que la chambre constitutionnelle de la Cour suprême a donné une
interprétation rigoureuse de la compétence législative en ce domaine (cf. décision n° 11 du
21 décembre 1978, B.O. 1979, p. 64).
Aujourd’hui la Constitution de 2011 est parfaitement explicite à cet égard: l’article 71
dispose en effet que relève du domaine de la loi « la création des établissements publics et
de toute autre personne morale de droit public ».
300
L’établissement public
que dans certains cas : carence ou insuffisance de l’initiative privée, activité impliquant
occupation du domaine public par exemple.
Les lois organiques du 7 juillet 2015 relatives aux collectivités territoriales ne
comportent pas de dispositions expresses à cet égard mais elles confient toutes aux
collectivités considérées les compétences nécessaires pour assurer la gestion de leurs
services publics et les modalités de celles-ci dont on peut évidemment supposer que
cela concerne éventuellement la création d’un établissement public local qui en serait
chargé. On peut d’autant mieux le penser qu’elles peuvent créer des sociétés locales de
développement pour gérer des activités économiques.
Section II
L’objet de l’établissement public
L’action des établissements publics est limitée à un objet particulier qui est déterminé
lors de leur création ; c’est cette limitation que recouvre le principe de spécialité ; mais si
la spécialité est une marque distinctive de l’établissement public, la diversité des objets
qui peuvent leur être affectés est également un trait caractéristique de l’ensemble des
établissements publics existant actuellement.
Cet objet peut d’ailleurs connaître une certaine extension par la possibilité d’adhésion
à un Groupement d’intérêt public (GIP) « constitué entre un ou plusieurs établissements
publics et une ou plusieurs personnes morales de droit public ou privé » (art. I de la
loi 08-00 du 19 mai 2000 relative aux GIP, B.O. 2000, p. 406).
Le GIP ne peut avoir pour but la réalisation de bénéfices, mais, sous cette réserve, il
peut se livrer pour le compte de ses membres – donc de l’établissement public – à des
activités d’enseignement, de formation, de recherche, de développement technologique et
de gestion des équipements d’intérêt commun nécessaires à ces activités. En pratique il ne
semble pas que cette institution ait connu un grand succès.
301
Droit administratif marocain
A. Le principe de spécialité
L’action d’un établissement public est théoriquement dominée par le principe de
spécialité qui signifie que la personne morale créée ne reçoit de compétence que dans les
strictes limites de son objet tel qu’il est défini par l’acte de création ; ainsi l’université
Mohammed V n’est compétente qu’en ce qui concerne l’enseignement supérieur et la
recherche, l’Office national des chemins de fer qu’en matière de transports ferroviaires,
etc. (8).
Jusqu’aux réformes des collectivités territoriales de juillet 2015, ce principe distinguait
radicalement l’établissement public des autres personnes morales de droit public qui,
dans les limites de leur assise territoriale, avait une compétence générale ;les collectivités
locales avaient en effet reçu une compétence générale à l’égard des affaires locales
communales, préfectorales ou provinciales et régionales. Cela n’est plus vrai aujourd’hui
où ces collectivités ont désormais une compétence spécialisée. Désormais seul l’Etat
dispose d’une compétence générale qui couvre ensemble des affaires nationales.
Cependant, cette opposition entre personnes morales spéciales, les établissements
publics, et personnes morales générales, les collectivités territoriales, sur la base du
principe de spécialité, n’était pas en réalité aussi absolue, car tout dépendait de la rigueur
avec laquelle était défini l’objet de l’établissement public.
Celui-ci peut, en effet, être déterminé de deux manières ; l’acte constitutif peut assigner
un domaine d’action propre à l’établissement public : l’enseignement, le transport urbain
de voyageurs, la distribution de l’électricité, etc.
Il peut en outre définir les interventions ou types d’interventions auxquels peut se livrer
l’établissement public à l’intérieur de ce domaine.
Il apparaît alors que si l’acte constitutif assigne à l’établissement public un domaine
ou des attributions, ou les deux, en termes très généraux, l’objet social perdant alors sa
précision, le principe de spécialité perdra par voie de conséquence sa clarté.
(8) Toutefois l’ONCF a été habilité à gérer les hôtels composant la chaîne hôtelière de l’ancienne société
concessionnaire des Chemins de fer du Maroc (CFM) ; un certain nombre de ces hôtels ont été privatisés, tels l’Hôtel
des Iles à Essaouira, le Palais Jamaï à Fès, les hôtels “Transatlantique” de Meknès et Casablanca, la “Mamounia”
à Marrakech. L’ONCF, conformément à la loi de privatisation, a été expressément autorisé en 1992 à prendre une
participation au capital de la Société du Royal Golf de Fès.
302
L’établissement public
publics. Le principe de spécialité apparaît avec une très grande netteté dans certains cas :
ainsi l’objet de l’Office national du thé et du sucre (Dh. du 7/9/1963, B.O. 1963, p. 1486)
était déterminé de façon précise tant en ce qui concerne son domaine (thé et sucre)
qu’en ce qui concerne les opérations qu’il pouvait effectuer à l’intérieur de ce domaine
(importation, conditionnement, stockage, commercialisation) (9).
L’ancien Office des résistants (Dh. du 19/8/1961, B.O. 1961, p. 1197), celui des
pupilles de la nation (Dh. du 10/3/1959, B.O. 1959, p. 531) ont également un domaine
d’intervention nettement délimité par l’existence d’une catégorie précise d’administrés.
Toutefois, les types d’actions que peuvent entreprendre ces offices ne sont définis que
d’une manière générale.
On franchit un degré de plus dans l’imprécision de l’objet social avec les établissements
publics chargés de contrôler un secteur d’activité économique ; ainsi l’Office national
interprofessionnel des céréales et des légumineuses réorganisé par la loi du 22 février 1995
(B.O. 1995, p. 387) a une mission particulièrement vaste : il doit par exemple assurer
une mission d’étude des mesures législatives et réglementaires intéressant le secteur
des céréales et des légumineuses, contrôler l’application des textes en vigueur par les
entreprises privées, suivre l’approvisionnement du marché et constituer des stocks de
sécurité s’il y a lieu, procéder ou faire procéder à des opérations commerciales d’achat,
vente et importation, gérer les silos, etc.
Enfin, la spécialité de l’établissement public perd toute précision, lorsque ni le
domaine ni les types d’actions ne sont définis de façon précise comme c’était le cas pour
l’ancien Bureau d’études et de participations industrielles auquel était confié le soin de
« promouvoir toute étude de nature à contribuer au développement industriel du pays » et
« de concourir à son industrialisation » (Dh. du 31/12/1957, B.O. 1958, p. 53). Le texte
qui régissait l’ODI, l’Office pour le Développement Industriel (Dh. du 6/6/1973 portant
loi, précité), lui donnait dans son article 2 une mission définie en des termes identiques.
(9) Cet office a laissé place à une société anonyme, la Société marocaine du thé et du sucre, loi du 13 juin 2002,
B.O. 2002, p. 821.
303
Droit administratif marocain
A. Les secteurs d’activité dans lesquels les établissements publics interviennent sont
très nombreux ; aucune activité économique n’échappe à leur présence ; il s’en trouve
dans le secteur financier et bancaire, dans celui de la promotion immobilière, de la
production industrielle, de l’agriculture, dans les secteurs de l’exploitation portuaire et des
travaux publics, du commerce, des transports, etc. Toutefois si dans les années soixante,
l’établissement public a été substitué aux entreprises concessionnaires de services publics
locaux de distribution d’eau et d’électricité ou de transport urbain, on a assisté depuis
les années quatre vingt à un mouvement inverse de retour à une gestion déléguée de ces
mêmes services publics dans la plupart des grandes villes. Une loi du 14 février 2006
(B.O. 2006, p. 506) sur la délégation de service public a donné un cadre général au recours
à des personnes privées pour la gestion des services publics locaux. Enfin la loi 86-12 du
24 décembre 2014 (B.O. 2015, p. 682) a donné naissance au contrat de partenariat public
privé qui permet de confier à un partenaire privé dans un cadre contractuel « une mission
globale de conception,de financement de tout ou partie de construction, de réhabilitation,
de maintenance et/ou d’exploitation d’un ouvrage ou infrastructure ou de prestations
nécessaires à la fourniture d’un service public »
Parfois un service traditionnellement géré en régie est transformé en établissement
public : tel est le cas de la conservation foncière qui est devenue Agence nationale de la
conservation foncière, du cadastre et de la cartographie (loi du 13 juin 2002, B.O. 2002,
p. 904).
La création d’un établissement public peut aussi correspondre à une orientation
nouvelle des politiques publiques : ainsi par exemple la politique de soutien de la petite et
moyenne entreprise avec la création de l’Agence nationale pour la promotion de la PME
(loi du 23 juillet 2002, B.O. 2002, p. 920 qui supprime l’ODI).
On rencontre également des établissements publics dans le secteur social (sécurité
sociale, santé publique) ou culturel (enseignement, cinéma, recherche scientifique et
technique).
B. Les types de missions confiés aux établissements publics sont également très divers ;
tantôt ils sont chargés de la gestion des intérêts d’une catégorie d’administrés, tantôt ils
se sont vu confier l’exploitation de monopoles industriels ou commerciaux aujourd’hui
supprimé pour la plupart ; souvent ils sont habilités à exercer un contrôle sur les entreprises
privées, ou bien ils sont chargés de l’organisation et la représentation de certaines activités
telles les chambres professionnelles, etc.
Plus récemment la création d’Agences de développement pour certaines parties du
territoire (pour les provinces et préfectures du nord, pour l’Oriental, ou les provinces du
sud) a donné naissance à des établissements publics ayant une base territoriale ce qui les
a rapproché des collectivités locales bien que leur mission soit limitée au développement
304
L’établissement public
(10) C’est le cas du Centre cinématographique marocain créé par le dahir du 8 janvier 1944, (B.O. 1944, p. 78) et
réorganisé par dahir portant loi du 19 septembre 1977 (B.O. 1977, p. 1044) qui cumule une fonction de contrôle de la
profession avec une fonction de production et de commercialisation ; cf. D. Maillot, le Régime administratif du cinéma
au Maroc, publication de la Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales de Rabat, 1961 ; l’organisation de
l’industrie cinématographique qui a été réformée par la loi 20-99 du 15 février 2001 (B.O. 2001, p. 341) ne remet pas
en cause les conclusions auxquelles permet d’aboutir l’analyse présentée ci-dessus.
De même l’Office National Interprofessionnel des Céréales et des Légumineuses (ONICL) conserve une double
mission qui lui est confiée par l’article 2 de la loi 12-94 du 22 février 1995 : il peut effectuer des opérations
commerciales (achats, cessions, importations, etc.) mais aussi assurer une mission administrative : étude des
mesures de réglementation, contrôle, et s’il y a lieu exécution de ces mesures, et d’une façon générale suivi de l’état
d’approvisionnement du pays en matière de céréales et de légumineuses dans un marché qui est désormais libre
(art. II).
305
Droit administratif marocain
Par ailleurs un certain nombre de textes ont expressément qualifié l’organisme créé
d’établissement à caractère industriel et commercial : tel est le cas du dahir portant loi du
12 avril 1976 qui a réorganisé l’Office national marocain du tourisme (B.O. 1976, p. 525),
ou bien encore de la loi 25.80 promulguée par le dahir du 10 novembre 1981 (B.O. 1981,
p. 532) qui portait création de l’Office national de recherches et d’exploitations pétrolières ;
enfin, l’Office des aéroports de Casablanca était expressément qualifié d’établissement
industriel et commercial par l’art. 1er de la loi 25-79 (Dh. de promulgation du 6 mai 1982,
B.O. 1982, p. 318).
Il semble que la pratique législative ait définitivement abandonné les incertitudes
antérieures ; l’Office d’exploitation des ports (aujourd’hui remplacé par deux organismes,
l’Agence Nationale des Ports,établissement public administratif et la Société d’Exploitation
des Ports) avait été expressément qualifié d’industriel et commercial (loi du 28 décembre
1985, B.O. 1985, p. 36) ; inversement, le Centre national de l’énergie et des techniques
nucléaires ne reçoit pas cette qualification car sa mission est à l’évidence étrangère au
commerce et à l’industrie (loi du 14 novembre 1986, B.O. 1987, p. 52).
Cette pratique est en tout cas hautement souhaitable car en l’absence de dispositions
expresses, on doit interpréter les textes et analyser l’activité des organismes afin de
déterminer leur nature ; par exemple lorsque le dahir portant loi du 17 décembre 1976
(B.O. 1977, p. 55) créant l’Office national des produits pharmaceutiques et du matériel
médical disposait dans son art. 2 que « l’Office a pour mission d’acquérir, détenir,
fabriquer, conditionner et vendre en gros tous produits pharmaceutiques… », on pouvait
en déduire, malgré le silence du texte, que l’Office avait une nature industrielle et
commerciale (11) ; les textes indiquent d’ailleurs fréquemment que l’organisme effectue
ses opérations financières selon les lois et usages du commerce, ce qui est une présomption
supplémentaire de la nature de l’organisme. On parviendra en revanche à des conclusions
très différentes par l’interprétation du texte créant le Centre national de coordination de la
recherche scientifique et technique (Dh. portant loi du 2/8/1976, B.O. 1976, p. 897). La
mission de développement, d’orientation et de coordination de la recherche scientifique
et technique présente une nature administrative évidente que confirme l’analyse de ses
ressources (dont l’essentiel provient de subventions publiques) et de son organisation
financière et comptable conforme à la réglementation de la comptabilité publique.
On voit ainsi que l’interprétation des textes et l’analyse de l’activité de l’établissement
public conduiront à soumettre celui-ci à un régime de droit privé chaque fois que son
activité, apparaîtra identique à (ou très proche de) celle d’entreprises privées similaires.
Au contraire s’il s’avère que l’activité de l’établissement est de nature administrative,
c’est un régime de droit administratif qui sera applicable, tandis que le caractère mixte
306
L’établissement public
de cette activité entraînera, selon le cas, une application soit du droit privé, soit du droit
administratif.
Cependant, depuis quelques années, la Cour suprême-Cour de Cassation a parfois
abandonné le critère matériel au profit du critère organique pour définir le régime juridique
applicable.
C’est ainsi qu’elle y a fait appel à plusieurs reprises pour décider de l’admission du
recours pour excès de pouvoir contre les décisions des directeurs d’établissements publics
industriels et commerciaux, la qualité publique de l’organisme et donc de l’autorité
concernée prévalant à cet égard sur la nature industrielle et commerciale de l’activité, et
sur la nature privée des relations juridiques en cause. La haute juridiction a maintenu son
point de vue dans une décision CSA. 25 juin 2008, ONEP c/ Naciri et consorts, REMALD,
n° 108, 2013, p. 213, note M. Rousset et M.A. Benabdallah) (cf. infra, le personnel des
établissements publics).
Il est vrai que dans ces diverses hypothèses où les rapports des organismes en cause et
de leurs agents relevaient du droit privé, la Cour suprême n’a pas dit que l’admission du
recours pour excès de pouvoir excluait l’application du droit privé.
En revanche, dans une autre décision, C.S.C. 13 avril 1977, O.N.C.F. c/Kbira bent
Kacem et consorts (R.J.P.E.M, n° 5, 1979, p. 173, en arabe), la haute juridiction a appliqué
l’art. 79 du D.O.C. à la responsabilité quasi délictuelle de l’O.N.C.F. en écartant les règles
de l’art. 88 c’est-à-dire le droit privé. Cette décision appelle deux remarques :
Tout d’abord pour justifier l’application de l’art. 79 du D.O.C., la Cour suprême
invoque le fait que l’O.N.C.F. constitue un “service public”. On peut se demander si par
cette formule elle entend désigner un organisme public, auquel cas la solution dégagée
peut être appliquée à tous les organismes publics, indépendamment de la nature de leur
activité, mais ne concerne pas les organismes privés gérant des services publics ? Doit-on
au contraire comprendre l’expression “service public” dans son sens matériel ? Dans ce cas
cela signifierait la soumission généralisée de tous les services publics au droit administratif
de la responsabilité quasi-délictuelle, quels que soient leur mode de gestion et leur nature.
En deuxième lieu, il convient d’indiquer que cette solution ne concerne que les
relations de l’établissement public industriel et commercial avec les tiers ; les relations
avec ses usagers, ses fournisseurs ou ses employés demeurent régies par les règles qui
découlent de la nature de leurs rapports contractuels, c’est-à-dire en principe le droit privé.
Il convient donc d’attendre d’éventuelles décisions nouvelles pour savoir si cette
décision est uniquement dictée par le souci de simplifier le règlement des différends qui
peuvent opposer les organismes publics aux tiers, ou si elle amorce un revirement plus
307
Droit administratif marocain
Section III
L’autonomie de l’établissement public
Le fait que l’établissement public soit une personne morale investie d’une mission
déterminée implique qu’il dispose des différents moyens nécessaires pour lui permettre
d’y faire face. Il est pourvu d’organes de gestion qui bénéficient de l’autonomie
administrative, il dispose de l’autonomie financière, c’est-à-dire concrètement d’un budget
et d’un patrimoine ; il emploie un personnel propre et peut utiliser, parfois largement, des
prérogatives caractéristiques de l’action des personnes publiques.
A. Le conseil d’administration
C’est l’organe suprême de l’établissement public auquel sont confiées les attributions les
plus importantes dans la gestion de l’activité de l’organisme. Malgré des différences dans
le détail de la composition des conseils d’administration des divers établissements, un trait
commun les rapproche ; il s’agit de la prépondérance de la représentation de la collectivité
de rattachement qu’il s’agisse de l’Etat ou des autres collectivités territoriales. Parfois
cependant, une place est faite aux représentants des intéressés, ou plus précisément des
catégories professionnelles concernées par l’activité de l’établissement public ; par exemple
le conseil d’administration de l’Agence Nationale pour le développement de l’aquaculture
(loi 52-09 du 18 février 2011, B.O. p. 267) comprend le président de la fédération des
chambres des pêches maritimes et les présidents des chambres des pêches maritimes, le
directeur de l’Institut National de recherche halieutique ou leurs représentants et deux
personnalités désignées à raison de leur expérience dans le domaine de l’aquaculture.
Depuis le dahir portant loi du 19/9/1977 (B.O. 1977, p. 1042), c’est désormais le
Premier ministre-Chef du gouvernement, ou une autorité gouvernementale à laquelle
il a délégué ce pouvoir, qui assure la présidence des conseils d’administration de tous
les établissements publics nationaux ou régionaux ; n’échappent à cette règle que les
universités et les établissements publics communaux.
308
L’établissement public
B. Le directeur
Le directeur est chargé de mettre en œuvre les décisions du conseil d’administration et
d’assurer la gestion quotidienne de l’établissement ; son rôle qui apparaît subordonné, peut
309
Droit administratif marocain
(12) Au Centre national de coordination et de planification de la recherche scientifique, il s’agit d’un “Comité
scientifique”.
310
L’établissement public
Sa périodicité est variable : il se réunit aussi souvent qu’il est nécessaire ; mais les
textes ajoutent qu’il doit se réunir au moins une fois par trimestre ; la tendance récente est
d’ailleurs de rendre plus fréquentes ces réunions : tous les deux mois, et même tous les
mois (Office national des produits pharmaceutiques supprimé en 1995).
(13) Cf. art. l2 et 13 du décret royal portant loi relatif à la radiodiffusion-télévision du 22/10/1966, p. 1240. Pour le
Centre cinématographique, cf. D. Maillot, op. cit., p. 61.
311
Droit administratif marocain
comptabilité des établissements publics (B.O. 1989, p. 380). Ce texte dispose que les
établissements publics sont soumis aux règles contenues dans le code général de la
normalisation comptable.
Il reste que dans l’attente du règlement de cette question, un effort d’uniformisation
avait été poursuivi sur la base des directives contenues dans la réglementation générale
de la comptabilité publique ; c’est en effet le ministre des Finances qui est compétent
pour définir les conditions d’organisation financière et comptable des différents offices ;
de cette façon les divers établissements publics peuvent être amenés à se conformer à des
règles de même nature, chaque fois que les particularités de leur gestion conduisent à les
y soumettre.
En effet, le cadre général des ressources et des dépenses est déterminé par l’acte
constitutif complété par un règlement de la gestion financière et comptable élaboré pour
chaque établissement public par le ministre des Finances.
Les ressources varient selon la nature de l’établissement ; elles peuvent être constituées
par des redevances correspondant aux services rendus par l’organisme et prélevées sur ses
usagers, ou bien par des redevances de nature fiscale ou para-fiscale qui, elles, résultent
d’une prérogative de puissance publique accordée à l’établissement. Elles peuvent
également provenir de subventions de l’Etat ou des autres collectivités publiques, des
emprunts, des revenus du patrimoine et des dons et legs.
Si l’activité de l’établissement est partiellement ou totalement industrielle ou
commerciale, les ressources seront normalement constituées par le résultat bénéficiaire
de son exploitation ; si l’activité de l’établissement est mixte les ressources dont il
disposera proviendront de ces diverses origines ; mais il faut préciser que l’Etat ne peut
se désintéresser de la situation financière des établissements purement industriels ou
commerciaux et qu’il sera nécessairement conduit à leur verser des subventions pour
rétablir l’équilibre d’une gestion financière déficitaire. Tous les établissements publics
sont tenus de verser au trésor l’excédent de leurs disponibilités déposées à des comptes
bancaires. Cette obligation est en quelque sorte une contre-partie de l’aide financière que
l’Etat leur apporte ; l’agent comptable de l’établissement peut effectuer le virement au
cas où l’organisme ne s’acquitterait pas de cette obligation (Dh. du 6/2/1963 et A.M. du
16/2/1967, B.O. 1967, p. 293 ; ces textes s’appliquent également aux concessionnaires de
services publics) (14).
Il y a quelques années, le problème s’est posé de savoir s’il ne conviendrait pas
d’obliger les très nombreux organismes industriels et commerciaux créés par l’Etat, à
contribuer au développement général par le versement de leurs bénéfices dans les recettes
(14) Par exception, la Caisse Nationale de Sécurité Sociale verse ses fonds à la Caisse de Dépôt et de Gestion.
312
L’établissement public
(15) Cf. Loze (M.), op. cit., p. 235 et 245 suiv. Oualalou (F.), « A propos de la gestion des entreprises publiques », in la
Gestion des entreprises publiques au Maroc, op. cit., p. 141 et 142. Voir loi de finances pour 1983, B.O., 1982, p. 629.
313
Droit administratif marocain
§3. Le patrimoine
La personnalité juridique qui est reconnue à l’établissement public lui permet de
posséder des biens meubles et immeubles ; mais sa qualité de personne morale de droit
public pose le problème de savoir s’il peut posséder à la fois un domaine privé et un
domaine public.
Rien ne s’oppose évidemment à ce que l’établissement public soit propriétaire de
biens soumis à un régime de droit privé ; bien plus la nature industrielle et commerciale
de l’activité de nombre de ces organismes exige que leurs biens soient soumis au droit
privé, seul régime compatible avec leur vocation industrielle et commerciale ; au reste
les contrôles pesant sur les actes engageant les finances de l’établissement public sont de
nature à prévenir, s’ils sont correctement exercés, toute dilapidation de leur patrimoine.
A l’inverse, dès l’instant où l’activité de l’établissement n’est plus exclusivement
industrielle ou commerciale, et à plus forte raison lorsqu’elle est exclusivement
administrative, on doit leur reconnaître la possibilité de disposer de biens soumis au
régime de la domanialité publique ; aucune raison ne s’oppose à ce qu’il en soit ainsi, si
par ailleurs les conditions nécessaires à l’application de ce régime sont réunies (cf. infra, la
domanialité publique). En pratique cependant, il arrive fréquemment que les biens soumis
à la domanialité publique appartiennent à la collectivité de rattachement, spécialement à
l’Etat, qui les affecte au fonctionnement de l’établissement public (16), par exemple le
domaine public ferroviaire affecté à l’ONCF. C’est d’ailleurs la règle générale pour de
nombreux établissements créés récemment et qui sont chargés de gérer certains services
publics ; la gestion du service entraîne alors automatiquement l’affectation des biens
nécessaires au fonctionnement du service (17).
Toutefois la loi du 7 août 1997 a transféré en pleine propriété à Barid Al-Maghrib,
établissement public qui succède pour le service public de la poste à l’ONPT, les biens
meubles et immeubles de l’ONPT affectés aux activités de la poste et des services
financiers postaux et de la Caisse d’épargne relevant de ses missions (art. 65). Avec la
transformation de Barid Al Maghrib en société anonyme, ces biens devraient revenir dans
le domaine public mais rester affectés au service public géré par la nouvelle société.
(16) Les textes portant dissolution de l’O.N.M.V.A. et création des offices régionaux de mise en valeur agricole
illustrent parfaitement cette situation hybride : les biens de l’O.N.M.V.A. sont transmis à l’Etat, tandis que ceux de
ces biens qui seraient nécessaires au fonctionnement des offices régionaux leur sont transférés. En outre, ces offices
se voient affecter certaines parties du domaine public hydraulique dont seul l’Etat est propriétaire, et ils exploitent les
ouvrages publics d’irrigation et d’assainissement situés dans leur zone d’action.
(17) Tel est le cas par exemple de l’Office national des chemins de fer ou de l’Office d’exploitation des ports, art. 18,
loi du 28 décembre 1984 (B.O. 1985, p. 37).
314
L’établissement public
§4. Le personnel
L’établissement public a un personnel propre dont la situation tend à se rapprocher
de celle des personnels de la fonction publique ; mais derrière l’unité apparente de ce
personnel se trouve un problème délicat qui consiste à savoir quelle est sa nature juridique,
celle-ci ne pouvant être identique selon que l’on est en présence d’organismes industriels
ou commerciaux ou au contraire d’organismes administratifs.
A. Le statut du personnel (18)
Malgré un effort d’homogénéisation, la situation du personnel des établissements
publics reste aujourd’hui encore caractérisée par une très grande diversité.
Les inconvénients de cette diversité ont été perçus depuis longtemps ; ils sont doubles ;
d’une part elle entraîne, à égalité de niveau professionnel, des disparités entre le personnel
des différents organismes, et d’autre part des inégalités entre celui-ci et les personnels de
la fonction publique. Ces disparités ont toujours eu une acuité particulière dans le domaine
des rémunérations et ont engendré une concurrence entre offices dans laquelle la fonction
publique s’est naturellement trouvée mal placée en raison de la modicité des traitements
offerts.
Une tentative a été faite pour renverser cette situation ; c’est en effet un dahir du
19 juillet 1962 (B.O. 1962, p. 972) qui a prescrit l’élaboration de règles générales applicables
aux personnels de toute une série d’organismes publics, ou dépendant de façon plus ou
moins directe des collectivités publiques (19) parmi lesquels figurent les établissements
publics. C’est un décret du 14 novembre 1963 qui contient ces règles générales (B.O. 1963,
p. 1861). Le texte fixe les conditions générales de recrutement, les règles applicables à la
notation et à l’avancement, à la représentation du personnel, aux rémunérations, au régime
des congés, à la procédure disciplinaire, à la sortie de service et au droit syndical.
Il est évident que ce texte traduit un net rapprochement de la situation des personnels
des établissements publics avec celle qui est faite aux cadres de la fonction publique ; ce
texte était complété par un dahir du 16 novembre 1963 et un décret du même jour relatifs
aux emplois supérieurs et de direction dans ces mêmes entreprises (B.O. 1963, p. 1861
et 1867) textes aujourd’hui caducs depuis la promulgation de la loi organique 02-12 du
17 juillet 2012 relative aux fonctions supérieures en application des articles 49 et 92 de la
Constitution (BO. 2012, p. 2487).
(18) Berrada (A.), « La question du statut du personnel des entreprises publiques au Maroc », in la Gestion des
entreprises publiques au Maroc, op. cit., p. 93.
(19) Il s’agit des régies d’Etat, régies intéressées, entreprises gérantes ou concessionnaires d’un service public de l’Etat
ou d’une collectivité territoriale, société nationalisée, établissement public, etc.
315
Droit administratif marocain
(20) Une circulaire du 12 mars 1973 (n° 5, F.P./II/I, Recueil des circulaires du ministère des Affaires administratives, 1973)
a prescrit le rassemblement d’une documentation concernant le régime applicable aux personnels de tous les organismes
couverts par le dahir du 19 juillet 1962, afin de permettre l’étude d’un statut général applicable à ces personnels.
316
L’établissement public
(21) Cf. Bennis (A.), « Le personnel des entreprises publiques au Maroc », Intégration, n° 3, spécial, novembre 1975,
p. 107.
(22) Ce régime s’applique dans les mêmes conditions au personnel contractuel de droit commun, temporaire, journalier
et occasionnel de l’Etat et des collectivités locales ainsi qu’au personnel des organismes soumis au contrôle financier
de l’Etat par le dahir du 14 avril 1960. Fatima Zahra Alaoui, « Le régime collectif d’allocation de retraite (RACAR)
entrée en vigueur du régime complémentaire et réformes en cours », REMALD, n° 2-3, 1993, p. 81 ; « La CDG
animateur dynamique de la prévoyance sociale à travers la CNRA et le RACAR », Bulletin économique et social du
Maroc (BESM), Rapport du social, 2000, p. 243 ; Le RACAR concernait environ 200 000 affiliés en 1999.
317
Droit administratif marocain
(23) C’est ce qu’a finalement décidé la jurisprudence administrative en France qui ne considère comme agent public
que le directeur et le chef de la comptabilité des services publics industriels et commerciaux.
318
L’établissement public
il semble que la Cour suprême ait penché pour une solution de même nature s’agissant
de l’agent comptable (C.S.A. 20/5/1963, Lingelser c/Office de l’irrigation des Béni-
Amir Béni Moussa, R., p. 283), du moins si l’on en croit les observations formulées par
l’annotateur de cet arrêt (R., p. 291).
En admettant que la nature juridique de la situation du personnel des établissements
publics soit déterminée, il reste à préciser sa portée. Etant donné le rapprochement entre la
situation statutaire des agents des établissements publics et celle des cadres de la fonction
publique qui s’est manifesté depuis le décret du 14 novembre 1963, c’est moins sur le plan
des règles de fond, que sur celui de la compétence juridictionnelle que peuvent se faire
sentir les conséquences de la reconnaissance de la qualité d’agent public ou d’agent privé.
Jusqu’à la réforme de l’organisation judiciaire et du code de procédure civile de 1974,
une certaine complexité caractérisait le règlement de cette question.
En revanche, la réforme de 1974 a simplifié les données du problème. En effet, les
textes de 1974 ont décidé que ce sont les tribunaux de première instance qui « connaissent
de toutes les affaires sociales soit en premier ressort, soit à charge d’appel » (art. 18 C.P.C.).
Une très grande simplification était ainsi réalisée puisque le tribunal compétent était
toujours le tribunal de première instance, à charge pour lui de décider s’il se trouvait en
présence d’un agent de droit public l’obligeant à statuer en matière administrative, ou
si, au contraire il se trouvait en présence d’un agent engagé vis-à-vis de la collectivité
publique, dans les termes d’un simple contrat de travail, analyse qui le conduisait à statuer
en matière sociale.
Il faut d’ailleurs ajouter que la Cour suprême, dans le souci de simplifier la solution des
problèmes de compétence, et sans doute aussi d’accélérer le règlement de certains conflits,
a décidé de recevoir le recours en annulation pour excès de pouvoir contre les décisions
prises par les directeurs d’établissements publics industriels et commerciaux à l’encontre
d’agents même soumis au droit privé.
Ainsi elle accueille le recours pour excès de pouvoir contre une décision du directeur
de l’O.N.C.F. portant sanction à l’encontre d’un agent de l’office (C.S.A. n° 148 du
16 mai 1977, Saddek El Moummi, R.J.P.E.M., 1978, p. 273) ; ou bien, et ceci est plus
remarquable, encore, contre une décision du directeur du B.R.P.M. résiliant le contrat d’un
agent (C.S.A. n° 19 du 27 janvier 1977, Baddaoui Mohamed, R.J.P.E.M., 1977 p. 274) (24).
Dans les deux cas, la Cour affirme que l’article 353 du C.P.C. ne fait aucune distinction
entre les décisions émanant des autorités administratives : celles-ci sont toutes susceptibles
(24) Il s’agit d’une jurisprudence constante : C.S.A. n° 244 du 17 novembre 1988, Abdelkrim Lazrak c/directeur
général de l’Office national d’électricité.
319
Droit administratif marocain
de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir, que leur régime juridique soit de droit
public, ou qu’il soit de droit privé.
On peut toutefois poser la question de savoir si la création des tribunaux administratifs
n’a pas perturbé le règlement des problèmes de compétence dans la mesure où il leur est
difficile de se reconnaître compétents si le fond du droit à appliquer à l’agent ressortit au
droit privé. Si la compétence suit le fond du droit il faut abandonner le critère organique et
en revenir au critère matériel au moins dans le contentieux de pleine juridiction.
La question peut sembler tranchée : le tribunal administratif de Meknès a en effet
annulé une décision du directeur de l’ONCF concernant un retraité de l’Office ; le litige
portait sur l’augmentation de la redevance due par ce dernier pour l’occupation d’un
logement de service et le prélèvement de son montant directement par retenue sur sa
pension ; le tribunal annule en estimant que l’ONCF aurait dû saisir le juge compétent en
la matière, le juge judiciaire (REMALD n° 20-21, 1997, p. 163, décision du 13/4/1997,
Habibi Mohamed).
Le tribunal s’est donc reconnu compétent pour statuer sur la régularité de la décision
du responsable d’un organisme public (critère organique) mais il annule la décision qui
porte sur une question relevant du tribunal ordinaire (critère matériel) qu’il n’appartenait
pas à l’autorité administrative de trancher pas plus d’ailleurs qu’au juge administratif.
Une décision du tribunal administratif de Rabat est plus explicite encore ; le tribunal se
déclare compétent pour statuer sur une décision de mutation prise par le directeur général
de la Caisse nationale de crédit agricole parce qu’il estime que ce dernier est une autorité
administrative (critère organique) ; mais en revanche il se déclare incompétent pour statuer
sur une décision de licenciement prise par ce même directeur général en estimant que la
requérante dispose d’un recours parallèle devant la juridiction ordinaire « pour réclamer ses
droits dans le cadre du contentieux du travail » (critère matériel) : TA Rabat, 19 mars 1998,
Dahani, REMALD, n° 24, 1998, p. 139, note M.A. Benabdallah et note Antari, p. 147).
Il reste à savoir si la Cour suprême entérinera cette solution qui est certes conforme au
principe selon lequel la compétence doit suivre le fond du droit, mais qui va à l’encontre
de l’unité de traitement de litiges qui donnent à juger des questions de même nature, unité
favorable à ce que l’on appelle communément « une bonne administration de la justice ».
La Chambre administrative de la Cour suprême dans une décision du 25 juin 2008
(REMALD, n° 108, 2013, p. 213) Office national de l’eau potable c /Naciri et consorts, a
jugé que l’O.N.N.E.P malgré sa vocation industrielle et commerciale est un service public
et que ses actes sont des actes administratifs susceptibles de recours en annulation.
Une décision récente du tribunal administratif de Casablanca va en tout cas dans le
même sens en statuant sur un recours dirigé contre une décision implicite du directeur
320
L’établissement public
(25) Ouazzani (A.), la Cour spéciale de justice, Éd. la Porte, Rabat, 1977, p. 63 et suiv.
321
Droit administratif marocain
Section IV
Le contrôle de l’établissement public (26)
(26) Chami (H.), « Le contrôle de l’Etat sur les entreprises publiques au Maroc », Intégration n° 3, spécial, 1975,
p. 183 ; Alaoui Mdaghri (D.), « Du contrôle des entreprises publiques au contrôle de l’Etat », Lamalif, n° 139, 1982,
p. 28.
322
L’établissement public
(27) Supprimé par dahir portant loi du 15 juin 1973, B.O. 1973, p. 1028.
(28) Cet office a été supprimé par l’art. 9 (II) du décret royal du 31 décembre 1967 portant loi de finance pour l’année
1968. La R.T.M. a été placée sous l’autorité du ministre de la Communication et dotée d’un budget annexe (dahir du
16 juin 1994, B.O. 1994, p. 380).
323
Droit administratif marocain
cette participation n’est cependant pas la règle et ne met jamais en cause la prépondérance
de la représentation de l’Etat (29)(29).
Si l’on analyse le mode de désignation du directeur ou du secrétaire général de l’office
ou la composition du comité technique, lorsqu’il existe, une conclusion identique se
dégage : l’Etat est maître des organes des établissements publics nationaux soit que leur
nomination relève du Conseil des ministres soit qu’elle soit de la compétence du Conseil
de gouvernement,ou du ministre de tutelle dont dépend l’organisme.
L’analyse des particularités relatives au mode de recrutement des organes et à leur
composition doit être reliée à celle de leurs attributions de façon à faire apparaître
les moyens de contrôle, indirects sans doute mais puissants, dont dispose l’Etat sur le
fonctionnement des offices.
En effet, les actes les plus importants sont pris par le conseil d’administration : le
budget et plus largement toutes les décisions qui engagent les finances de l’établissement ;
toutes les décisions importantes qui concernent la gestion ; il faut aussi rappeler que le
directeur exerce ses attributions sous le contrôle du conseil d’administration et que le
comité technique a souvent un droit de regard sur sa gestion.
(29) Le conseil d’administration de l’Office d’exploitation des ports était composé de façon paritaire de ministres et de
représentants des usagers, personnels et personnalités compétentes ; toutefois, il était présidé par le Premier ministre
ou son délégué.
324
L’établissement public
Comme il est naturel, le ministre des Finances joue ici un rôle essentiel : « toutes les
opérations susceptibles d’avoir une répercussion financière directe ou indirecte » sont
soumises au contrôle financier de l’Etat. Sur la base de ce texte le ministre des Finances
approuve le budget ou les états de prévision d’exploitation ou de premier établissement,
les bilans, comptes d’exploitation, de pertes et de profits, l’affectation ou la répartition des
bénéfices, les participations financières, les emprunts, les crédits bancaires, etc.
Le ministre des Finances nomme un contrôleur financier qui dans chaque office dispose
de pouvoirs de contrôle importants ; il peut assister avec voix consultative aux réunions
de tous les organes de l’établissement dont il suit la gestion financière ; son visa est
fréquemment exigé au moment de l’engagement des dépenses de l’office et notamment
pour les marchés.
Au niveau central, l’exercice de ce contrôle est confié à deux directions par les
dispositions du décret du 23 octobre 2008 (BO. 2008, p. 1518) qui a redéfini les
attributions et l’organisation du ministère de l’Économie et des Finances.
La direction du budget est appelée à donner son avis sur les projets de budget de tous
les établissements publics préalablement à leur approbation.
La direction des entreprises publiques et de la privatisation, exerce une mission
générale de contrôle qui n’est plus strictement financière mais qui est aussi économique et
porte également sur les conditions de la gestion et du fonctionnement de ces organismes.
Le contrôle financier de l’Etat a fait l’objet d’un nouveau texte : la loi du
11 novembre 2003 (B.O., 2003, p. 1448) modifiée par la loi du 17 août 2011, BO. p. 2182).
Cette loi traduit la volonté de l’Etat de moderniser les techniques de contrôle de l’ensemble
des organismes d’intervention économique et financière et de l’adapter à la situation
spécifique des différents établissements publics ; la loi redéfinit les techniques de contrôle
financier pesant sur les entreprises publiques et autres organismes : Etablissements publics,
sociétés d’Etat à participation directe, sociétés d’Etat à participation indirecte et leurs
filiales publiques ainsi que les sociétés concessionnaires. Le contrôle comporte désormais
trois modalités : Un contrôle préalable, un contrôle allégé, et un contrôle conventionnel
Le contrôle préalable est exercé par le ministre des Finances, un contrôleur d’Etat, ou
un trésorier-payeur. Ce contrôle porte sur une série de décisions prises par l’organisme
soumis au contrôle : Budget, états prévisionnels pluriannuels, règles et modes de passation
des marchés,en conformité avec le décret relatif à la commande publique, statut du
personnel, organigrammes et attributions des organes, émissions d’emprunts et toutes
formes de crédits bancaires, affectation des résultats.
Le contrôle peut être plus léger. Il s’agit du contrôle d’accompagnement qui ne
concerne qu’un petit nombre de décisions. Ce contrôle est exercé par un contrôleur
325
Droit administratif marocain
d’Etat qui, au nom du ministre des finances, assiste au conseil d’administration et aux
réunions de l’organe délibérant avec voix consultative. Les organismes soumis à ce
contrôle figurent sur une liste arrêtée par décret ; cette liste est révisée périodiquement.
Ces organismes doivent être liés à l’Etat par un contrat de programme ; ils doivent en outre
être dotés d’instruments de gestion figurant sur une nomenclature établie par le ministre
des finances ; il s’agit d’un statut du personnel, d’un organigramme, d’un manuel des
procédures comptables et financières et d’un plan pluriannuel de trois à cinq ans qui doit
comporter des états prévisionnels techniques et financiers L’établissement d’un cadre de
référence pour la passation des marchés n’est sans doute plus exigé pour les établissements
publics dans la mesure ou ces organismes sont désormais soumis à la réglementation de la
commande publique établie par le décret du 20 mars 2013. Enfin le Directeur doit établir
un rapport annuel de gestion (A.M du ministre des Finances du 20 décembre 2005, B.O.
2005, p. 1157).
Un autre aspect important du contrôle est constitué par le contrôle des comptes. La
comptabilité de l’office est tenue par un agent comptable, comptable public, nommé par
le ministre des Finances et placé sous son autorité sauf dans les établissements publics
industriels et commerciaux dans lesquels l’agent comptable est placé sous l’autorité du
directeur. Pendant longtemps, le contrôle des comptes des offices est resté tout à fait fictif
dans la mesure où la Commission nationale des comptes créée pour l’exercer par le dahir
du 14 avril 1960 (B.O. 1960, p. 843) n’a jamais fonctionné (30).
Une nouvelle institution de contrôle a été créée par la loi n° 12-79 : il s’agit de la Cour
des comptes (Dh. de promulgation du 14/9/1979, B.O. 1979, p. 565, rectificatif p. 771) (31).
La Cour des comptes a reçu une mission qui déborde largement celle qui était
antérieurement assignée à la Commission nationale des comptes.
La Cour est d’une part investie du pouvoir de juger les comptes mais elle l’exerce
désormais en tant qu’organe juridictionnel ; elle est, d’autre part, chargée d’assurer le
jugement des manquements aux règles de discipline budgétaire et financière. Enfin, la
Cour reçoit une mission tout à fait nouvelle : assurer un contrôle de gestion sur toute une
série d’organismes dont les établissements publics. Le contrôle de la Cour doit porter « sur
tous les aspects de la gestion des entreprises » de façon à lui permettre d’en apprécier
la qualité et éventuellement de présenter toute suggestion de nature à « en améliorer les
méthodes et en accroître l’efficacité et le rendement ».
326
L’établissement public
327
Droit administratif marocain
Enfin à toute époque, des contrôles inopinés peuvent être organisés par l’Inspection
générale des finances dont l’action bénéficie aujourd’hui du renforcement quantitatif et
qualitatif qu’elle a connu depuis sa création (32).
Le contrôle de tutelle s’exerce évidemment dans le cadre de la réglementation dont les
autorités responsables de l’établissement public peuvent obtenir le respect par la voie du
recours en annulation pour excès de pouvoir : C.S.A. Bougibar Abdelkarim, 14/1/1963, R.,
p. 93.
Section V
Appréciation
(32) Snoussi (B.), « L’inspection générale des finances », mémoire de cycle supérieur de l’E.N.A.P., 1973 (ronéotypé).
(33) Les difficultés qu’a connues il y a quelques années l’O.C.E. et qui ont entraîné sa réorganisation ne venaient-elles
pas de ce qu’en pratique l’organisme avait échappé à ses tuteurs ? Les mécomptes de la CNCA ou du CIH ont eu la
même cause.
(34) Sehimi (M) : « Plaidoyer pour la CDG », Maroc-Hebdo International, n° 1091, 31 octobre-6 novembre 2014, p. 3.
328
L’établissement public
329
Droit administratif marocain
330
L’établissement public
Ce sont évidemment des raisons identiques qui ont conduit à généraliser cette solution :
on sait en effet que le Premier ministre aujourd’hui Chef du gouvernement, est président
du conseil d’administration de tous les établissements publics nationaux et régionaux (Dh.
portant loi, 19/9/1977, précité). Désormais, la tutelle technique et la présidence du conseil
d’administration sont assurées par des autorités distinctes ; d’autre part le fait que ce soit le
Chef du gouvernement qui ait l’exclusivité de la présidence des conseils d’administration
devrait faciliter l’harmonisation de l’action des grands offices et la cohérence de celle-ci
par rapport à la politique économique du gouvernement.
Il ne faut cependant pas perdre de vue qu’en pratique il peut se poser des problèmes
que le législateur n’a pas toujours prévus. Par exemple, la faculté reconnue, pour des
raisons pratiques, aux divers ministres membres des conseils d’administration, de se faire
représenter, a souvent faussé l’esprit des textes fixant la composition de ces organismes ;
dès lors que le ministre est représenté par des personnes ne connaissant pas les problèmes
spécifiques de l’établissement, ou que ces représentants changent trop fréquemment, la
présence institutionnelle du ministre perd une grande partie de sa signification. C’est
semble-t-il pour mettre un terme à ces pratiques peu satisfaisantes, que l’art. 4 du Dh.
du 6 juin 1973 (précité), relatif à l’Office pour le développement industriel, avait pour
la première fois prévu « qu’en cas d’empêchement, les ministres membres du conseil
d’administration ne pourraient être représentés que par leur secrétaire général ». On trouve
une disposition identique dans le nouveau texte qui régissait le B.R.P.M. (Dh. portant loi
du 17/12/1976, art. 5, précité).
Dans le même esprit, il est désormais prévu que les ministres, membres du conseil
d’administration de l’Office national des chemins de fer, ne pourront être représentés que
par des ingénieurs d’Etat, ou par des personnes classées à l’échelle onze, c’est-à-dire à
l’échelle la plus élevée (Dh. portant loi du 2/1/1974, B.O. 1974, p. 70).
De son côté le contrôle financier, tel qu’il a fonctionné pendant longtemps, n’a pas
été à l’abri de divers reproches, absence de coordination malgré l’existence d’un service
spécialisé au ministère des Finances, discontinuité, extension abusive du contrôle sur
l’opportunité de la dépense.
Les réformes qui ont affecté les organes chargés du contrôle au ministère des Finances
et leurs attributions (direction du budget et direction des établissements publics et des
participations) ont eu pour but de remédier à ces diverses difficultés.
Il faut en outre que ces contrôles fonctionnent de façon efficace afin que les dispositions
qui les établissent ne restent pas lettre morte et que les offices ne retrouvent pas de ce fait
une liberté d’action que les textes leur dénient et qu’ils risquent d’utiliser d’une manière
incompatible avec les objectifs de la politique générale de l’Etat, ou en tout cas d’une
manière non conforme à ceux-ci.
331
Droit administratif marocain
Ce risque n’est pas négligeable dans la mesure où les collectivités spéciales que sont
les établissements publics peuvent être naturellement tentées, lorsqu’elles ne sont pas
suffisamment contrôlées, de perdre de vue les cadres généraux dans lesquels doit s’inscrire
leur action pour ne plus se soucier que de la finalité propre à leur activité ; en d’autres
termes, il se révèle difficile en pratique de cantonner la liberté des établissements publics
dans le domaine de la gestion quotidienne en assurant d’une manière efficace leur étroite
subordination à l’Etat pour tout ce qui touche à l’élaboration de leur programme (35).
Les réformes engagées depuis plusieurs décennies ont eu pour but de remédier à ces
diverses insuffisances et en outre de mieux assurer la bonne insertion de l’action des
offices dans la politique générale de l’Etat et l’optimalisation de la gestion financière.
C’est ainsi que doivent être interprétées les mesures de réorganisation des instances qui,
au ministère des Finances, ont la responsabilité du contrôle des entreprises publiques, ou
bien encore l’élargissement des attributions de la Cour des comptes au contrôle de gestion ;
il est vrai que si le bien fondé de cette extension ne peut être mis en doute, sa valeur
pratique dépendra de la possibilité de surmonter deux gros obstacles : l’étendue de son
champ d’action qui déborde largement les établissements publics (sociétés concessionnaires,
sociétés à participation publique supérieure au tiers du capital et facultativement tout
organisme bénéficiaire d’un concours financier public) ; la technicité de ce contrôle de
gestion qui doit être confié à un nombre important de spécialistes rompus non seulement
aux techniques financières et comptables, mais aussi aux techniques du “management”.
Certaines recommandations du rapport élaboré par le ministre délégué auprès du
Premier ministre responsable de l’étude des problèmes du secteur public à la fin des
années quatre vingts, ont été retenues pour tenter d’assurer aux entreprises l’autonomie et
la responsabilité auxquelles elles ont droit en tant qu’entreprises, tout en permettant, parce
qu’elles sont publiques, de veiller à ce qu’elles participent effectivement à la réalisation
des objectifs de la politique de l’Etat.
Le mécanisme utilisé est celui du contrat de développement déterminant les
engagements réciproques de l’Office et de l’Etat. Le premier contrat de développement a
été signé à la fin de l’année 1982 entre la compagnie “Royal Air Maroc” et l’Etat ; certes
la “Royal Air Maroc” est une société d’économie mixte ; mais il va de soi que la technique
(35) Cf. the Economic development of Morocco (rapport de la mission de la B.I.R.D.), 1966, p. 83.
Alaoui Mdaghri (D.), Du contrôle des entreprises publiques au contrôle de l’Etat, op. cit. Loc. cit.
Par exemple en Algérie, où l’ordonnance du 16/11/1971, relative à la gestion socialiste des entreprises organise
la participation des travailleurs à la gestion, il était prévu (art. 73) que les programmes d’investissements sont
soumis à l’autorité de tutelle après avis de l’Assemblée des travailleurs, et que ces programmes “sont décidés par le
gouvernement”.
Sur le problème en Tunisie, voir Mestre (A.), « Vers une réforme des entreprises publiques ? », Revue tunisienne de
droit, n° 2, 1975, p. 85 et suiv.
332
L’établissement public
(36) Berrada (R.), « Le contrat de programme au Maroc », mémoire du cycle supérieur, E.N.A.P., 1988 (dactyl.), et
« La politique de désengagement progressif de l’Etat envers les entreprises publiques au Maroc à travers les contrats
de programmes », in Privatisations : cas du Québec et du Maroc, 1992, p. 271.
(37) Rousset (M.), « Etat et secteur public au Maroc ; une nouvelle approche de l’intervention économique de
l’Etat », in Etat et développement dans le monde arabe, C.N.R.S., 1990, p. 275 et suiv. Cf. Plan d’orientation pour le
développement économique et social 1988-1992, p. 133 et suiv.
(38) En France les difficultés du contrôle de l’Etat ont été mises en lumière par la gestion calamiteuse de certaines
entreprises publiques (Crédit lyonnais, France Télécom) que des membres “éminents” du Conseil d’administration du
Crédit lyonnais, par exemple le gouverneur de la Banque de France, ou le directeur du Trésor n’ont pas été capables
de prévenir. Aujourd’hui, la situation « préoccupante » d’EDF, et d’AREVA illustre également les dysfonctionnements
du contrôle des entreprises publiques.
333
Titre II
Les activités de l’Administration
336
Chapitre premier
La police administrative (1)
Section I
La notion de police administrative
(1) Benabdallah (M.A.), la Police administrative dans le système juridique marocain, publications A.P.R.E.J., 1987,
Rabat, 383 p.
Droit administratif marocain
A. Le principe de la distinction
338
La police administrative
B. La portée de la distinction (2)
L’intérêt de cette distinction n’est pas seulement d’ordre intellectuel, car il s’y rattache
des conséquences importantes sur le plan de l’organisation administrative et, dans une
mesure moindre, sur le plan contentieux.
Tout d’abord la direction de la police ne relève pas des mêmes autorités selon qu’il
s’agit de police administrative ou de police judiciaire ; dans le premier cas la responsabilité
des opérations de police appartient aux autorités administratives ; dans le second ce sont
les autorités judiciaires qui assurent la direction des activités considérées.
Les officiers de police judiciaire sont placés sous la direction du procureur du Roi
(art. 42, C.P.P.) et le parquet général surveille leurs activités (art. 51) ; cette surveillance
s’étend aux activités des officiers de police judiciaire et des fonctionnaires qui sont chargés
de certaines fonctions de police judiciaire. Elle est complétée par un contrôle de la chambre
d’accusation de la Cour d’appel qui peut, en cas de faute, suspendre temporairement les
officiers de police judiciaire, ou les déchoir de cette qualité (art. 244-247). La surveillance
du parquet général ne s’exerce cependant pas sur le gouverneur qui n’est pas visé par le
texte (art. 51) concernant les officiers de police judiciaire soumis à cette surveillance ;
quant au contrôle de la chambre d’accusation, il concerne les officiers de police judiciaire
“pris en cette qualité”, ce qui exclut les fonctionnaires et agents publics exerçant des
fonctions de police judiciaire à l’exception des agents des Eaux et Forêts qui y sont
expressément soumis par l’article 250.
Pendant longtemps la portée de la distinction était atténuée sur le plan contentieux
du fait de l’existence du principe d’unité de juridiction ; les litiges naissant des diverses
opérations étaient soumis au même juge sans que cela compromette en rien l’indépendance
des autorités judiciaires ; bien plus, rien ne s’opposait à ce que la responsabilité de l’Etat
soit mise en cause dans des conditions identiques quelle que soit la nature de l’opération
au cours de laquelle un dommage avait été causé.
Aujourd’hui il n’en va plus de même dans la mesure où les tribunaux administratifs ne
doivent pas pouvoir s’immiscer dans le fonctionnement de la justice ordinaire : il conviendra
donc de distinguer les actes et activités de la police judiciaire qui sont étroitement liés au
fonctionnement de la justice et ceux qui ne concernent que l’organisation de ce service
public et naturellement aussi des actes de police administrative effectués par des personnels
ou des agents qui ont également des compétences dans le domaine de la police judiciaire.
Toutefois, un problème subsiste portant sur le point de savoir si les officiers de police
judiciaire sont couverts par la procédure spéciale de la prise à partie, ou si au contraire
(2) Cf. A. Filali, la Police judiciaire dans la procédure pénale marocaine, R.M.D., 1963, p. 289.
339
Droit administratif marocain
leur responsabilité peut être engagée sur la base des principes propres à la responsabilité
des agents des collectivités publiques (3). Aujourd’hui le droit positif, en l’espèce la
jurisprudence, répond à cette question dont il convient de rappeler les termes. Si l’on
considère que la procédure de la prise à partie ne s’applique qu’aux agents appartenant
au corps de la magistrature, la responsabilité des officiers de police judiciaire pourra être
mise en jeu sur la base de l’art. 80 du dahir sur les obligations et contrats et 391 du C.P.C.,
et dans ce cas l’intérêt de la détermination de la qualité d’officier de police judiciaire,
s’agissant des autorités administratives qui peuvent en être investies, s’amenuise largement.
Elle retrouve au contraire toute son importance si l’on interprète largement la qualité
de magistrat en y faisant entrer les officiers de police judiciaire puisque leur responsabilité
personnelle ne pourra plus, dès lors, être poursuivie que dans le cadre restrictif de la prise
à partie. La Cour suprême a tranché en faveur de la solution extensive dans un arrêt de
la chambre administrative du 24 mai 1972, (Roussi, n° 101, Rev. de jurisprudence et de
législation, 1973, p. 167, en arabe) : elle décide que la responsabilité relative au préjudice
découlant de l’action d’un ingénieur des travaux publics, investi de fonctions de police
judiciaire, ne peut être recherchée que dans le cadre des textes spéciaux qui organisent
sa mise en œuvre, en l’espèce les textes concernant la prise à partie. Ainsi, dans tous
les cas où une autorité administrative peut être habilitée à agir en tant qu’officier de
police judiciaire, il faudra rechercher avec soin en quelle qualité elle est intervenue dans
l’opération considérée (cf. infra : Responsabilité, 2e partie).
(3) La prise à partie est régie par les art. 391 et suiv. du C.P.C.
340
La police administrative
police d’agir qu’à l’égard d’une activité déterminée et le plus souvent pour atteindre un
objectif particulier.
Sans doute certaines polices spéciales visent-elles comme la police générale, à
préserver l’ordre public au sens large ; la police des chemins de fer (Dh. 28/4/1960,
B.O. 1961, p. 684) tend à la préservation de la sécurité et de la tranquillité publique dans
les installations et matériels utilisés par le service public des chemins de fer. Mais cette
police apparaît spéciale en raison de ce que ce sont des autorités particulières qui en sont
investies (le ministre chargé des Transports et les autorités qu’il délègue) et que celles-ci
ne peuvent agir qu’en conformité avec une réglementation très précise de leurs attributions
exclusivement limitées aux activités du service public des transports ferroviaires.
La police spéciale peut cependant aussi être particularisée par une finalité spécifique ;
c’est le cas de la police de la chasse ou de celle de la pêche, qui tendent à la préservation
des espèces et la lutte contre leur destruction, ou bien encore de la police économique qui
permet d’assurer la moralité des transactions commerciales, la lutte contre la fraude ou la
spéculation ; il existe aussi des polices spéciales pour la protection de la ressource en eau,
la protection du domaine public maritime ou celle de l’environnement créée par l’article 35
de la loi du 6 mars 2014 portant charte de l’environnement et du développement durable
(BO. 2014, p. 2496), etc.
341
Droit administratif marocain
peut nous renseigner sur le contenu de ce régime renforcé de police ; l’effet principal de
la déclaration de l’état de siège est le transfert aux autorités militaires des pouvoirs que
détiennent les autorités civiles en matière de maintien de l’ordre et de la paix publics.
Les juridictions militaires sont alors compétentes pour juger les auteurs d’infractions
contre la sûreté intérieure et extérieure de l’Etat ou qui mettent en péril la défense
nationale dans les conditions de la loi du 10 décembre 2014 relative à la justice militaire
(B.O. 2015, p. 3825) ; de même, ce sont les autorités militaires qui reçoivent compétence
pour opérer des perquisitions de jour comme de nuit, pour ordonner la remise des armes
et les rechercher, assigner à résidence les personnes dangereuses pour l’ordre public, saisir
les publications ou interdire les réunions de nature à causer des désordres.
On insistera sur le fait que c’est seulement au titre de ces dispositions expresses de
la Constitution, et compte tenu de l’art. 42-3° de celle-ci, que le Roi peut exercer des
compétences dans le domaine de la police.
Ainsi puisque le Roi exerce par dahir les pouvoirs qui lui sont expressément réservés
par la Constitution, il n’est plus possible de dire qu’il est investi du pouvoir de police en
temps normal (4).
Section II
Les autorités de police
Le fait qu’il n’y ait pas nécessairement coïncidence entre les autorités de police
générale et les autorités de police spéciale et que, d’autre part, les unes et les autres soient
souvent intégrées dans une hiérarchie, peut poser de délicats problèmes de conciliation de
l’exercice de leurs pouvoirs respectifs.
A. Le Chef du gouvernement
Sur le plan national, et en dehors des situations exceptionnelles (art. 59), c’est le Chef
du Gouvernement qui détient le pouvoir de police générale. Cette compétence résulte
(4) Et à plus forte raison qu’il serait « une autorité permanente de police administrative par l’interprétation des données
implicites de la Constitution » selon le point de vue soutenu par Benabdallah (M.A.) sur la base du texte constitutionnel
de 1072, la Police administrative, op. cit., p. 191.
342
La police administrative
(5) La Direction générale de la sûreté nationale est une direction centrale du ministère de l’Intérieur directement rattachée
au ministre dans l’organigramme du ministère tel qu’il résulte du décret du 15 décembre 1997, B.O. 1998, p. 80.
343
Droit administratif marocain
vigueur aux pachas et caïds à l’exclusion d’un certain nombre de matière qui faisaient
l’objet d’une énumération au premier rang de laquelle se trouvait le maintien de l’ordre et
de la sécurité publics sur le territoire communal (art. 49).
Il faut également indiquer que le président du conseil d’arrondissement était habilité
à prendre par voie d’arrêté les mesures individuelles de police administrative en matière
d’hygiène, de salubrité et de tranquillité publique ainsi que pour assurer la sûreté des
passages conformément à la législation et à la réglementation en vigueur et aux arrêtés
réglementaires du président du conseil communal (art. 104-3).
Il existait ainsi deux, voire trois autorités de police administrative dans la commune :
l’autorité administrative locale, wali, gouverneur, pacha ou caïd selon le cas, responsable de
l’ordre et de la sécurité publique ; le président du conseil communal et, dans les communes
de plus de 500 000 habitants, le président du conseil d’arrondissement, pour tout ce qui
concerne l’hygiène, la tranquillité, la salubrité publique et la sûreté des passages.
Aujourd’hui ce sont les article 100 et 110 de la loi organique n° 113-14 relative à la
commune du 7 juillet 2015 qui règlent l’attribution des pouvoirs de police administrative
sur le territoire de la commune. Le principe est posé par l’article 110 qui dispose que
le président exerce les pouvoirs de police administrative communale par voie d’arrêtés
réglementaires et de mesures de police individuelles portant autorisation, injonction ou
interdiction dans les domaines de l’hygiène, la salubrité, la tranquillité publique et la
sûreté des passages. Ces domaines font d’ailleurs l’objet d’une énumération destinée à
expliciter ce que recouvre cette compétence générale. Mais l’article I10 rappelle que le
président exerce le pouvoir de police administrative communale à l’exception des matières
qui sont dévolues au gouverneur de la préfecture ou de la province qui font l’objet d’une
énumération : la plus importante concerne évidemment le maintien de l’ordre et de la
sécurité sur le territoire communal, les associations, les rassemblements publics et la
presse, les élections et référendum, les syndicats, la réglementation des armes, la police de
la chasse, les passeports, le contrôle des prix, la réquisition des personnes et de biens, etc.
En outre en vertu de l’article 111, c’est le gouverneur de la préfecture de Rabat qui
exerce les pouvoirs de police dans les domaines de l’organisation de la circulation, du
roulage, du stationnement et de la sûreté des passages dans les voies à usage public ainsi
que l’organisation et le contrôle des activités commerciales, industrielles et artisanales
informelles et les autorisations d’occupation temporaires du domaine public sans emprises ;
le gouverneur exerce ces attributions dans un ressort territorial déterminé par décret pris
sur proposition du ministre de l’Intérieur.
En vertu de l’article 113 les attributions des présidents des conseils communaux sont
exercées par le pacha dans les communes de méchouar, ce qui recouvre naturellement le
pouvoir de police administrative communale.
344
La police administrative
345
Droit administratif marocain
Les pouvoirs du gouverneur sont plus difficiles à définir. Tout d’abord en tant que
représentant du pouvoir central, il peut prendre les mesures nécessaires à l’application
sur le territoire de la commune des lois et règlements de police. Mais il peut aussi
intervenir pour assurer l’ordre et la sécurité publique dans la commune et cela sur la base
de considérations locales ; de telles mesures semblent alors prises pour le compte de la
commune et rentrer dans la sphère des affaires communales.
Toutefois, cette conclusion peut être contestée du fait des conditions d’exercice de ce
pouvoir de police.
En effet, le gouverneur se trouve placé sous le pouvoir hiérarchique ministre de
l’Intérieur. Si l’on met ainsi l’accent sur le fait que l’autorité de police en matière d’ordre
et de sécurité publique est un agent de l’Etat, soumis au pouvoir hiérarchique du ministre
de l’Intérieur, on est tenté de voir dans la police de l’ordre et de la sécurité publics une
activité qui s’exerce certes dans le cadre territorial de la commune, mais pour le compte
de l’Etat. Si on insiste au contraire sur le fait que dans l’exercice de ses pouvoirs de police
le gouverneur est animé par des préoccupations proprement locales, on peut voir en elles,
au moins matériellement, une affaire communale.
Il reste qu’en présence d’un dommage causé par le fonctionnement défectueux des
services chargés de la police de l’ordre et de la sécurité publique, il appartiendra aux
juridictions de dire si l’on doit mettre en cause la responsabilité de l’Etat ou celle de la
commune ou s’il est possible d’engager une action contre les deux.
Faire supporter une telle responsabilité à la seule commune serait excessif car la maîtrise
du pouvoir de police en matière d’ordre et de sécurité publics lui échappe totalement, aussi
bien en ce qui concerne l’édiction des mesures de police, qu’en ce qui concerne leur
exécution, et cela bien que la collectivité communale puisse apparaître comme bénéficiaire
directe des actions tendant au maintien de l’ordre sur son territoire. C’est ce qui semble
résulter de la décision du tribunal administratif de Fès du 31 juillet 1996, Sté Maroc
Modis, jugeant qu’il y avait eu faute lourde de la part des forces de l’ordre du fait de la
tardiveté de leur intervention lors des émeutes de Fès en décembre 1990 et condamnant
l’Etat à en réparer les conséquences.
346
La police administrative
une répartition des compétences entre diverses autorités : ainsi la police du roulage (Dh.
19/1/1953, B.O. 1953, p. 223) est attribuée au Premier ministre-Chef du gouvernement, au
ministre de l’Equipement ainsi qu’aux pachas et caïds.
L’article 45 de la loi 27-13 du 9 juin 2015 (B.O. 2015, p. 4424) relative aux carrières
crée une police des carrières composée d’agents commissionnés par l’administration et
qui sont chargés de la recherche et de la constatation des infractions aux dispositions de la
loi et des textes pris pour son application. De même l’article 35 de la loi cadre 99-12 du
6 mars 2014 portant charte de l’environnement a créé un police de l’environnement qui est
organisée par le décret du 19 mai 2015 (B.O. 2015, p. 3059). L’autorité gouvernementale
chargée de l’environnement désigne les agents affectés à cette police qui sont appelés
Inspecteurs de la police de l’environnement.
La police économique appartient toujours au moins en partie, au Chef du Gouvernement,
mais son contenu a profondément changé depuis l’abrogation de la loi du 12/10/1971
(B.O. 1971, p. 1495) par la loi du 5 juin 2000 (B.O. 2000, p. 645) sur la liberté des prix et
de la concurrence, elle même remplacée par la loi n° 104-12 du 30 juin 2014 (B.O. 2014,
p. 3731). Désormais le principe est que les prix des biens, produits et services figurant sur
une liste établie par voie réglementaire après consultation du Conseil de la concurrence sont
déterminés par le jeu de la libre concurrence sauf les exceptions prévues expressément par
la loi ; tel est le cas lorsque la concurrence ne peut jouer (art. 3) : l’administration retrouve
alors le pouvoir de fixer les prix après consultation du Conseil de la concurrence créé par
la loi. L’article 4 permet aussi que des mesures temporaires de hausse ou de baisse des
prix motivées par des circonstances exceptionnelles (calamité publique, désorganisation
d’un secteur du marché) soient prises par l’administration après consultation du Conseil
de la concurrence ; ces mesures ne peuvent excéder six mois prorogeables une seule fois.
Au plan national, ce sera naturellement le Chef du gouvernement ou les autorités qu’il
délègue, qui pourront exercer cette compétence, et dans cette mesure, les autorités locales
pourront être délégataires de ce pouvoir.
Le contrôle de la qualité et des prix confié autrefois au mohtassib et aux oumanas
(loi 02-82 du 21 juin 1982 (B.O. 1982, p. 352) a disparu au profit d’une part de la
compétence du président de la commune pour ce qui concerne la qualité des aliments,
boissons et condiments exposés à la vente publique, (article 100 de la loi organique
relative à la commune) et d’autre part de la compétence du gouverneur de la préfecture
ou de la province en vertu de l’article 110 de la L.O. pour ce qui concerne le contrôle
des prix ainsi que du décret du 1er décembre 2014 pris en application de la loi 104-12 du
30 juin 2014 sur la liberté des prix et de la concurrence.
La loi sur l’eau du 16 août 1995 (B.O. 1995, p. 626) confère à l’administration
les pouvoirs nécessaires pour fixer les normes de qualité des eaux en fonction de leur
347
Droit administratif marocain
utilisation (art. 51), les conditions d’utilisation des eaux usées (art. 57), la procédure de
délimitation des périmètres de protection rapprochée autour des captages (art. 63) ainsi
que des pouvoirs permettant aux autorités locales de prendre les dispositions nécessaires
en cas de pénurie (art. 86) ainsi que les sanctions qui peuvent être prononcées pour
réprimer les infractions à la police des eaux (chap. XIII).
En revanche, la police de la chasse (Dh. 21/7/1923, B.O. 1923, p. 966) et de la
pêche (Dh. du 11/4/1922, B.O. 1922, p. 718) relèvent du ministre de l’Agriculture
auquel il appartient notamment d’édicter une réglementation permanente (A.M. du
3/11/1962, B.O. 1963, p. 11 et A.M. du 18/4/1957, B.O. 1957, p. 1084) complétée par
une réglementation annuelle. Par ailleurs sur le plan local c’est le gouverneur qui est
compétent en la matière (article 110 de la loi organique n° 113-14 du 7 juillet 2015).
La police des établissements industriels insalubres, incommodes ou dangereux (Dh.
28/8/1914, B.O. 1914, p. 703 et 13/10/1933, B.O. 1933, p. 1187) confère des pouvoirs non
seulement au Premier ministre-Chef du Gouvernement et à certains ministres, mais aussi
aux autorités locales, pachas et caïds ainsi qu’aux président des conseils d’arrondissement
(article 236 de la loi organique relative à la commune). Le Chef du gouvernement
établit la liste de ces établissements, les établissements classés, tandis que le ministre
de l’Equipement intervient pour autoriser l’ouverture des plus nocifs (1re classe) et les
autorités locales, pachas et caïds, pour l’ouverture des établissements moins nocifs rangés
dans la 2e classe.
La récente loi sur les aires protégées du 16 juillet 2010 (B.O. p. 1581) donne des
pouvoirs de réglementation aux autorités responsables de l’aménagement et de la gestion
des aires protégées. En outre le contrôle du respect de leur prescriptions incombe à
différentes autorités, officiers de police judiciaire mais aussi agents de l’administration
habilités à cet effet.
348
La police administrative
hiérarchisées ; la question est alors de savoir quelle est la liberté d’action de l’autorité
locale de police en présence d’une réglementation de police émanant d’une autorité
supérieure, par exemple d’une réglementation nationale.
S’il n’existe de réponse à cette question ni dans les textes, ni dans la jurisprudence, il
faut cependant admettre qu’en pratique le rôle de l’autorité locale ne peut se borner à une
application pure et simple des mesures édictées par l’autorité supérieure.
Certes elle doit respecter intégralement les prescriptions contenues dans celles-ci parce
qu’elles résultent d’une appréciation qu’il appartient à ces seules autorités d’effectuer
pour la circonscription dans laquelle elles sont compétentes. Ainsi le Premier ministre est
seul juge des impératifs de l’ordre public sur l’ensemble du territoire ; mais ce minimum
national peut cependant n’être pas localement suffisant pour assurer le maintien de l’ordre
public. Dans cette mesure l’autorité locale de police dispose de la liberté d’accroître la
rigueur des prescriptions de police afin de faire face aux exigences particulières de l’ordre
public dans la circonscription. L’illustration la plus caractéristique des situations de ce
type apparaît dans la réglementation de la circulation qui peut être localement plus sévère
qu’elle ne l’est sur le plan national.
349
Droit administratif marocain
compétentes ne peut à vrai dire être évitée qu’à la condition que ces autorités agissent soit
conjointement soit après s’être consultées.
Section III
Les moyens du pouvoir de police
Les autorités de police ont à leur disposition un pouvoir d’action juridique qui leur
permet d’édicter les mesures de police nécessaires ; mais en outre elles peuvent en cas de
nécessité mettre en œuvre la force publique dans le cadre d’opérations de police.
350
La police administrative
Les libertés individuelles et collectives ont fait l’objet depuis 1962 d’une reconnaissance
constitutionnelle : la Constitution de 1972 leur consacre son titre premier ; le préambule
de la constitution révisée en 1992 dispose que le Royaume réaffirme son attachement
aux droits de l’homme tels qu’ils sont universellement reconnus ; mais les principales
d’entre-elles ont été dotées d’un statut législatif dès le lendemain de l’indépendance : droit
d’association, droit de réunion, liberté de la presse (dahirs du 15 novembre 1958, B.O.
1958, 1909, s.). Ces textes qui avaient été modifiés, notamment en 1973 (dahirs portant
lois du 10 avril 1973, p. 533 et s.) (7), l’ont été de nouveau par les lois du 23 juillet 2002
(B.O. 2002, p. 1060 et s.) qui renforcent leur protection que les textes de 1973 avaient
amenuisée (8).
La constitution de 2011 consacre aux libertés et droits fondamentaux de nombreuses
dispositions qui apparaissent à la fois dans le préambule de celle-ci,dans le titre premier
intitulé « dispositions générales » où est affirmé le principe de légalité, la liberté et
l’égalité, le principe du fonctionnement démocratique du Royaume notamment par la
reconnaissance de l’existence des partis politiques et des organisations syndicales comme
des organismes nécessaires à la vie démocratique et les principes de constitutionnalité, de
hiérarchie et d’obligation de publication des normes juridiques. Enfin le titre deux détaille
ce que sont les libertés et droits fondamentaux garantis par la constitution. On mentionnera
en outre l’existence d’instances chargées d’assurer la protection des droits de l’homme et
des libertés tel le Conseil National des Droits de l’Homme, qui peuvent être considérés
comme des « droits-garanties » qui permettent aux individus une protection effective de
leurs droits ; tel est notamment, et par excellence, le droit au recours juridictionnel reconnu
par l’article 118 de la Constitution contre tout acte de nature réglementaire ou individuel
pris en matière administrative. .
(7) Ces textes ont fait l’objet d’une publication d’ensemble sous le titre Code des libertés publiques du Royaume du
Maroc, Imprimerie officielle de Rabat.
(8) N. Ba Mohammed, les Libertés publiques, Gaëtan Morin-Maghreb, éd. 1996.
M. Rousset, « Le juge de l’administration et les droits de l’Homme, droit et pratiques », Actes du colloque « Droit et
pratiques », université Sidi Mohammed Ben Abdallah, 1994, p. 125.
« Proclamation, protection et devenir des droits de l’Homme : points de repère pour un bilan », in Quarante ans de
libertés publiques au Maroc, 1958-1998, REMALD, coll. Thèmes actuels, n° 18, 1999, p. 19.
351
Droit administratif marocain
L’étendue du pouvoir de police est variable selon la nature des activités considérées ;
lorsque celles-ci constituent des libertés garanties par la Constitution ou par la loi, le
pouvoir de police ne peut qu’en déterminer les conditions d’exercice sans pouvoir, en
principe, ni les interdire ni même les soumettre à autorisation. Si au contraire, l’activité
n’est qu’une faculté reconnue aux individus, l’autorité de police peut la soumettre soit à
autorisation, soit à déclaration préalable ; elle peut même éventuellement l’interdire.
Il convient de préciser que l’étendue du pouvoir de police n’est pas fixée de façon
invariable par les textes, mais qu’elle peut se modifier en fonction des nécessités qui
peuvent être diverses selon les circonstances de temps et de lieu.
La survenance de circonstances exceptionnelles peut habiliter l’autorité de police à
prendre des mesures qu’il ne lui appartiendrait pas de prendre en temps normal. Toutefois,
l’existence de ces circonstances exceptionnelles, comme l’adaptation des mesures de
police à ce qu’elles exigent, font l’objet d’un contrôle de la part du juge.
352
La police administrative
contreviennent aux décrets et arrêtés légalement pris par l’autorité administrative, lorsque
les infractions à ces textes ne sont pas réprimées par des dispositions spéciales ».
353
Droit administratif marocain
la finalité du pouvoir de police explique que l’on trouve, en cette matière, de fréquentes
autorisations législatives de l’emploi de la force. En matière de police communale, le
président du conseil communal pouvait, sur la base de l’art. 52 de la loi du 3 octobre 2002
« faire exécuter d’office aux frais et dépens des intéressés, dans des conditions fixées par le
décret en vigueur, toutes mesures ayant pour objet d’assurer la sûreté ou la commodité des
passages, la salubrité et l’hygiène publique telles qu’elles entrent dans ses attributions ».
C’est par un décret du 26 mai 1980 (B.O. 1980, p. 394) qu’ont été définies les
conditions de cette exécution d’office.
L’art. 53 indiquait que le président peut « demander à l’autorité locale compétente
de requérir l’usage de la force publique dans la limite de la législation en vigueur en la
matière, pour assurer le respect de ses arrêtés et décisions ».
Aujourd’hui ces dispositions sont reprises de façon identique par les articles 107 et 108
de la loi organique relative aux communes.
De même les attroupements armés ou non armés sur la voie publique peuvent être
dispersés par la force (art. 19 du Dh. du 15/11/1958 relatif aux rassemblements publics).
Les navires pêchant en zone de pêche exclusive peuvent être arraisonnés « par tous
moyens de coercition utiles » (art. 50-3e du Dh. portant loi du 23/11/1973, B.O. 1973,
p. 2040 formant règlement sur la pêche maritime).
Mais l’exécution d’office peut aussi être prévue en matière de police spéciale ; c’est
ainsi que l’art. 117 de la loi sur l’eau permet aux agences de bassin « de faire procéder,
aux frais du contrevenant et après mise en demeure restée sans effet, à l’enlèvement des
dépôts et épaves et à la destruction de tous ouvrages gênant la circulation, la navigation ou
le libre écoulement des eaux ».
354
La police administrative
(9) Cf. Bourely (M.), op. cit., tome 2, Libertés publiques – Code des libertés publiques, Imprimerie officielle, Rabat,
1973.
(10) Cf. Ben Messaoud (M.), « Le droit des administrés », Lamalif n° 191, septembre 1987, p. 50, R.M.D., n° 4, 1986,
p. 214. Cette décision, Echemlal, est commentée par M.A. Benabdallah à la RJPEM, n° 20, 1988, p. 29.
355
Droit administratif marocain
Le juge vérifie que les règles de compétence et de forme ont bien été respectées ; il
s’assure que le but réel des mesures est bien l’un de ceux que le pouvoir de police permet
d’atteindre ; toute mesure qui n’a pas pour but le maintien de l’ordre public est entachée
de détournement de pouvoir ; ainsi un caïd qui utilise ses pouvoirs de police pour organiser
un service public de transport en commun prend une décision illégale car il ne peut, sur la
base de ses pouvoirs, que prescrire des mesures tendant à assurer le bon ordre et la sécurité
à l’intérieur des véhicules ainsi que le respect des exigences de la circulation sur les voies
publiques (C.S.A. 19/6/1962, ville de Kénitra, R.M.D., 1963, p. 15).
Le juge contrôle également les motifs de la mesure de police : le motif légal de la
mesure de police est le trouble actuel ou vraisemblable apporté à l’ordre public ; le juge
vérifie donc la réalité ou la vraisemblance de ce trouble : le pacha qui prend une décision
de fermeture d’un restaurant justifiée par l’opposition des prétentions de particuliers sur
la propriété de celui-ci, prend une décision illégale dès l’instant où le litige ne menaçait
en rien l’ordre public ; cette décision constitue de surcroît un détournement de pouvoir
puisque son but avoué est la cessation d’un litige entre particuliers (C.S.A. 21/5/1960,
Lahcen Ben Abdelmalek Soussi, R. 1961, p. 105).
Le juge annule également une décision du pacha de Fès ordonnant la fermeture d’un
garage au motif que le bruit qu’il engendrait perturbait la tranquillité publique, alors que
l’expertise ordonnée par la Cour a montré que le bruit ne parvenait pas à l’intérieur des
immeubles voisins (C.S.A. 8 mai 1970, Hachoumi Ben Abdesslam, Jurisprudence de la
Cour suprême, 1966-70, p. 153, en arabe).
Le juge veille également à ce que l’administration soit en mesure de prouver ce
qu’elle avance ; dans le cas contraire elle annule la décision ; ainsi est annulé l’arrêté
du gouverneur de Fès prononçant une amende pour hausse illicite des prix alors que la
décision ne comportait aucun élément de nature à permettre au juge d’apprécier la réalité
et la consistance de l’infraction. En outre, le juge estime que la décision doit être annulée
en raison de ce que l’autorité administrative intéressée s’est abstenue de présenter au juge
les indications qui lui auraient permis d’exercer son contrôle : C.S.A. n° 206, Société
marocaine de transport rural c/gouverneur de Fès, 20 novembre 1986. Il faut souligner
l’importance de cette décision qui montre la détermination du juge de la légalité à faire
respecter sa fonction et à lutter contre les pratiques dilatoires de l’autorité administrative
qui est parfois tentée de faire échec au contrôle juridictionnel de son action (11). C’est
d’ailleurs pour faire échec à ce type d’obstruction administrative que l’article 27 de la
Constitution a établi pour les citoyennes et les citoyens « le droit d’accéder à l’information
détenues par l’administration publique, les institutions élues et les organismes investis
(11) Cette décision peut être rapprochée du célèbre arrêt rendu par le Conseil d’Etat français dans l’affaire Barel et
autres, 28 mai 1954, les Grands arrêts de la jurisprudence administrative, 13e éd., 2001, p. 495.
356
La police administrative
357
Droit administratif marocain
légalement pris par l’autorité administrative lorsque ceux-ci ne sont pas assortis de
sanctions spéciales. La logique, mais aussi le souci d’assurer une meilleure protection aux
particuliers face au pouvoir de police, devait conduire à reconnaître au juge répressif le
droit de contrôler la légalité de toutes les mesures de police chaque fois que leur violation
entraîne des poursuites pénales ; ce contrôle qui s’exerçait traditionnellement par la voie de
l’exception d’illégalité ne semblait plus être admis par la Cour suprême qui, dans un arrêt
du 25 novembre 1965, le limitait aux seuls actes assortis de peines contraventionnelles qui
rentrent dans les prévisions de l’art. 609-IIe du Code pénal (12).
Or aujourd’hui la situation est très différente du fait que le législateur a décidé que
le juge répressif aurait pleine compétence pour apprécier la légalité de tous les actes
administratifs invoqués devant lui que ce soit comme fondement de la poursuite ou comme
moyen de défense ; mieux même, le texte permet à toutes les juridictions d’apprécier
la constitutionnalité des décrets, ce que leur interdisait jusqu’alors l’art. 25 du Code de
procédure civile. L’article 133 de la Constitution institue une possibilité de soulever
l’exception d’inconstitutionnalité à l’encontre d’une loi dont dépend l’issue du procès s’il
apparaît que cette loi porte atteinte aux droits et libertés garantis pat la Constitution. Cette
exception doit faire l’objet d’une loi organique.
Enfin, le contrôle de la légalité des mesures de police peut être exercé par le juge
lorsqu’il est saisi d’une action en réparation du préjudice causé par celle-ci. Le tribunal
administratif de Rabat décide que le refus irrégulier d’autoriser une réunion publique
constitue une faute de service de nature à engager la responsabilité de l’Etat : 15/10/1998
Secrétariat général du PAGDS, REMALD, n° 26, 1999, p. 84.
358
La police administrative
(13) Relève également du ministre de l’Intérieur la Direction de la surveillance du territoire créée par un dahir du
12 janvier 1973, remplacé par le dahir du 2 janvier 1974.
(14) Situation des effectifs des forces auxiliaires en 2013 : 45 000 hommes.
(15) Ce personnel est soumis à un statut particulier, dahir portant loi du 4 avril 1973, B.O. 1973, p. 555.
359
Droit administratif marocain
(16) Les personnels de la sûreté nationale ont été dotés d’un statut particulier dérogatoire par le décret du 23 décembre
1975, B.O. 1975, p. 1593 ; ce texte a été modifié à plusieurs reprises, on mentionnera seulement la dernière
modification réalisée par deux décrets du 26 janvier 1987 (B.O. 1987, p. 176) qui ont modifié l’organisation du corps
et créé un emploi supérieur de préfet de police.
360
La police administrative
Pour le surplus, les conditions d’emploi de la force publique par le gouverneur restent
définies par la circulaire du Président du conseil du 3 janvier 1959 (B.O. l959, p. 90).
En cas d’insuffisance des moyens normaux, forces auxiliaires et forces de police, il peut
être fait appel à la gendarmerie royale. Le Gouverneur doit alors requérir le commandant
de gendarmerie de la préfecture ou de la province avec lequel il arrête les mesures
nécessaires ; l’exécution de ces mesures est confiée au commandant de gendarmerie. Enfin,
« exceptionnellement et en cas de nécessité absolue », le gouverneur peut faire appel aux
Forces armées royales. La réglementation se fait ici plus précise parce que l’intervention
de la troupe implique une situation extrêmement grave et qu’il convient d’assurer la
primauté du pouvoir civil sur le pouvoir militaire. L’autorité militaire ne peut intervenir
qu’en vertu d’une réquisition écrite du gouverneur dans laquelle celui-ci précise la mission
confiée à l’autorité militaire, les conditions de temps et de lieu de son intervention, ainsi
que les consignes générales qu’elle doit observer dans l’accomplissement de cette mission.
En cas d’urgence, la réquisition de l’autorité militaire peut être effectuée par les
moyens téléphoniques ou télégraphiques, mais elle doit être confirmée par écrit.
Le gouverneur conserve la responsabilité des opérations ; il lui appartient de prendre les
mesures nécessaires et de préciser les conditions de leur mise en œuvre ; seule l’exécution
de ces mesures, ainsi que le choix des moyens propres à l’assurer, relèvent de l’autorité
militaire qui conserve, par ailleurs, intégralement le commandement des troupes.
Sur le plan local, les autorités de police ont à leur disposition les forces auxiliaires et
peuvent faire appel aux services de police (sûreté régionale).
361
Chapitre II
Le service public (1)
Les activités de prestation de biens et de services qui constituent les activités de service
public occupent une place essentielle parmi les tâches qu’accomplissent les collectivités
publiques. Leur importance apparaît plus frappante encore lorsque l’on envisage la
croissance considérable et continue dont témoigne leur évolution et qui se poursuit sous
nos yeux.
Mais cette importance est d’autant plus évidente dans les pays où le développement
est le premier des impératifs nationaux parce que seule la puissance publique est capable
d’en construire les bases et en même temps de se porter garante de la conformité de son
orientation avec l’intérêt général.
Toutefois, étant donné le nombre et la diversité de ces activités, on doit se demander si
toutes peuvent être qualifiées de services publics, d’autre part si les collectivités publiques
ont le monopole des activités de service public, et enfin quelles sont les conséquences
juridiques qu’entraîne l’existence des activités de service public.
Pour répondre à ces questions, on étudiera d’abord ce qu’il faut entendre par service
public, puis on exposera les principes généraux qui s’appliquent à lui, et enfin ses modes
d’organisation et de gestion.
Section I
La notion de service public
(1) Rousset, M., le Service public au Maroc, Éd. la Porte, 2e éd. 2002, et en collab. avec M.A. Benabdallah, REMALD,
coll. Manuels et Travaux universitaires n° 109, 2015. Guerraoui, D. et al., le Devenir du service public, comparaison
France-Maroc, Toubkal et l’Harmattan, éd. 1999. « Le service public face aux nouveaux défis » (colloque de la Faculté
de droit de Fès), REMALD, coll. Thèmes actuels, n° 35, 2002.
Droit administratif marocain
364
Le service public
L’organisation des services publics suit le plus souvent les structures administratives
elles-mêmes ; à côté des services publics d’Etat existent des services publics créés par les
collectivités locales. Parfois certaines activités sont confiées à des organismes autonomes
rattachés aux diverses collectivités territoriales : ce sont les établissements publics.
Si dans la plupart des cas l’existence d’une activité de service public conduit à
la création d’un organisme public auquel elle est confiée, il en va cependant parfois
autrement ; ainsi des personnes privées reçoivent-elles la mission de faire fonctionner
le service public dans le cadre de la concession de service public ; mais il demeure que
dans ces cas l’autorité administrative conserve de très larges pouvoirs pour décider de
l’organisation et des conditions de fonctionnement du service public concédé.
Ainsi le trait commun à tous les services publics demeure bien une étroite soumission
à l’autorité administrative responsable de l’intérêt général.
365
Droit administratif marocain
366
Le service public
par les diverses activités économiques auxquelles se livrent les collectivités publiques ;
les activités bancaires ou industrielles confiées à de nombreux établissements publics ne
constituent pas des activités de service public, bien que l’importance qu’elles revêtent pour
la collectivité soit particulièrement grande.
2. L’existence d’une activité de service public n’entraîne pas nécessairement la création
d’un organisme public : les modes d’intervention de la puissance publique peuvent être,
en dehors de la prise en charge directe, d’une très grande diversité. Sans doute, elle
est souvent amenée à prendre elle-même la charge de l’activité en l’érigeant parfois en
monopole afin de remédier à une mauvaise orientation de l’initiative privée : tel a été le cas
par exemple du commerce extérieur jusqu’à une époque récente. Celui-ci fait aujourd’hui
l’objet de la loi du 2 mars 2016 relative au commerce extérieur (BO. 2016, p. 447).
Mais elle peut aussi effectuer un partage avec l’initiative privée : l’agriculture relève de
cette manière de l’action de l’initiative privée et de celle des organismes publics.
Ou bien encore la collectivité publique peut s’associer aux personnes privées pour
exploiter en commun une activité déterminée ; l’exemple en est donné par le transport
aérien (2).
Enfin, à des degrés variables elle peut établir une réglementation et un contrôle
d’activités qui restent entre les mains des particuliers, bien qu’elles constituent des
activités de service public. Ces modes d’intervention peuvent d’ailleurs être combinés ;
la santé publique, qui est assurée par une médecine privée dans le cadre d’une stricte
réglementation professionnelle, est également prise en charge par des organismes
administratifs qui relèvent du ministère de la Santé publique.
On relève également dans le domaine de l’éducation physique et du sport l’existence
d’une réglementation rigoureuse et l’appel à des organismes privés constitués sous forme
d’association pour la mise en œuvre de la mission de service public qui leur est assignée
par le législateur (loi du 19 mai 1989 relative à l’éducation physique et aux sports, B.O.
1989, p. 198). Ces associations sont, il est vrai, soumises à un contrôle très strict de la part
des pouvoirs publics. Elles doivent notamment se conformer à des statuts types élaborés
par l’Etat : voir par exemple l’AM. du 6 avril 2016 relatif aux statuts types des associations
sportives (BO. 2016, p. 1126).
C’est un mécanisme de même nature qui a été imaginé pour réaliser la valorisation des
eaux à usage agricole : la loi a confié cette mission à des associations d’usagers (loi du
21 décembre 1990, B.O. 1991, p. 30).
(2) Zghaidida (H.), « Organisation et régime juridique du transport aérien au Maroc », thèse de 3e cycle, Grenoble, 1985.
367
Droit administratif marocain
Ainsi de la même manière qu’il n’est pas possible de déduire de l’existence d’un
organisme public qu’il se livre à une activité de service public (l’industrie phosphatière
n’est pas un service public et l’OCP a d’ailleurs été transformé en société anonyme), de
même il n’est pas possible de déduire du fait qu’une activité est laissée à l’initiative privée
qu’elle ne constitue pas une activité de service public.
3. Enfin, la rupture de l’unité de la notion de service public se manifeste à un troisième
plan.
Les activités des organismes publics ne sont plus nécessairement soumises à un
régime juridique spécial. Chaque fois qu’elles apparaissent identiques à des activités
privées similaires, il est logique de leur appliquer les règles du droit commun : ceci est
particulièrement évident s’agissant des activités industrielles et commerciales ou agricoles
des organismes publics.
Inversement, le fait qu’une activité relève d’un organisme privé n’exclut pas
nécessairement l’application au moins partielle du droit administratif ; ce sera le cas
chaque fois que la puissance publique aura manifesté sa volonté de lui confier une mission
de service public, volonté qui se déduira d’une réglementation, d’un contrôle ou d’une
aide destinés à orienter cette activité vers la satisfaction de certains besoins d’intérêt
général (v. 2e partie).
Il convient cependant d’indiquer que depuis quelques années, la Cour suprême a rendu
des décisions qui semblent remettre en cause cette situation.
Ainsi la haute juridiction fait-elle prévaloir le critère organique sur le critère matériel
pour décider de l’admission du recours pour excès de pouvoir contre le licenciement d’un
agent de droit privé (25 novembre 1966, Abassi Abdelaziz, non publié), contre la décision
de résiliation d’un contrat de travail prise par le directeur d’un établissement public
industriel et commercial, ou bien encore contre une décision de sanction prise contre un
agent soumis au droit privé par le directeur d’un établissement public gérant un service
public industriel et commercial (C.S.A. 27 janvier 1977, Badaoui Mohammed, et C.S.A.
16 mai 1977, Saddek El Moummi, R.J.P.E.M. n° 4, 1978, p. 273 et 274).Elle adopte une
solution identique dans une décision CSA 25 juin 2008,ONEP c/Naciri et consorts où elle
juge à propos du refus de raccordement d’un usager au réseau de distribution de l’eau
potable, que « l’Office Nationale de l’Eau Potable, même à vocation commerciale et
industrielle, est un établissement public tendant à la réalisation d’un service public... ce qui
rend ses actes des actes administratifs susceptibles de recours en annulation » (REMALD,
n° 108, 2013, p. 213, note M. Rousset et M.A. Benabdallah).
Certes cette jurisprudence ne signifie pas l’exclusion de l’application du droit privé
au fond du litige. Toutefois, ainsi qu’on l’a vu plus haut, les juridictions administratives
semblent se rallier au principe selon lequel la compétence suit le fond du droit ; et c’est
368
Le service public
ainsi que le Tribunal administratif de Rabat qui s’était déclaré compétent pour statuer sur
une décision de mutation prise par le directeur général de la Caisse nationale de crédit
agricole, s’est en revanche déclaré incompétent pour statuer sur un recours dirigé cette
fois contre une décision de licenciement prise par le même directeur général, estimant
que le requérant disposait d’un recours parallèle devant la juridiction ordinaire pour
« réclamer ses droits dans le cadre du contentieux du travail » (19 mars 1998, Dahani,
REMALD, n° 24, 1998, p. 139). En revanche, dans une décision rendue il est vrai par la
chambre civile de la Cour suprême (C.S.C. 13 avril 1977, O.N.C.F. c/Kbira Bent Kacem
et consorts, R.J.P.E.M, n° 5, 1979, p. 173, en arabe), la haute juridiction a décidé que la
responsabilité quasi-délictuelle de l’O.N.C.F. devait être engagée sur la base de l’art. 79
du D.O.C. et non pas de l’art. 88 ; la haute juridiction exclut donc l’application du droit
privé à la responsabilité du service public à l’égard des tiers ; cette décision ne concerne
évidemment pas les relations du service public industriel et commercial avec ses usagers
et ses fournisseurs qui demeurent soumises aux règles découlant de la nature des liens
contractuels qui les unissent au service et qui, en pratique, relèvent du droit privé.
Enfin, dans la mesure où pour justifier l’application de l’art. 79 du D.O.C, la Cour
suprême se borne à invoquer le fait que l’O.N.C.F. est un service public, on peut estimer
qu’elle utilise une formule qui demeure, faute d’indications complémentaires, affectée
d’une imprécision suffisante pour que l’on ne puisse pas en tirer de conclusions définitives
quant à sa portée.
369
Droit administratif marocain
On peut enfin encore ajouter que l’existence du service public ne conduit plus à
l’application d’un régime juridique identique, mais à une diversité de régimes selon
la nature administrative, industrielle, commerciale ou agricole du service public. Il est
vrai toutefois que la jurisprudence récente de la Cour suprême a amorcé un mouvement
d’unification qui reste cependant partiel. En définitive, et sous réserve de cette évolution
jurisprudentielle qui devra être confirmée dans sa portée, il demeure conforme au droit
positif de dire que ne restent communs à l’ensemble des services publics qu’un nombre
limité de principes fondamentaux.
Section II
Les principes fondamentaux du service public
370
Le service public
A. Le principe
Si le but de la création du service public est la satisfaction d’un besoin d’intérêt
général, il est normal que le fonctionnement du service soit assuré de manière continue :
toute interruption apparaît en effet comme la négation du but même du service, même si
elle n’a pas nécessairement un effet immédiat sur la vie de la collectivité. L’interruption du
fonctionnement du service public des communications postales entraîne immédiatement
une perturbation de la vie économique et administrative, trouble qui n’est cependant
pas plus important que celui qu’engendre, à plus lointaine échéance, la cessation du
fonctionnement des services publics culturels par exemple. Mais outre cette justification
logique du principe s’ajoute aujourd’hui un fondement constitutionnel. En effet
l’article 154 de la Constitution dispose que les services publics doivent être organisés
notamment « sur la base de la continuité des prestations rendues ».
L’autorité administrative a donc le devoir d’assurer le fonctionnement régulier du
service, et à ce devoir correspond le droit des bénéficiaires du service d’en obtenir des
prestations continues. Le refus de faire fonctionner le service peut être contesté devant
le juge de l’excès de pouvoir ; de la même manière, si le non fonctionnement du service
entraîne un dommage, la responsabilité de la collectivité publique peut être mise en cause.
C’est à cette obligation que correspond dans la réglementation budgétaire des
collectivités territoriales la notion de dépenses obligatoires ; ces dépenses doivent
obligatoirement être inscrites au budget de la collectivité car elles sont indispensables pour
faire fonctionner les services publics essentiels à la vie de la collectivité et de ses habitants.
371
Droit administratif marocain
372
Le service public
explique que ce droit ait été dénié aux agents des services publics : l’art. 5 du décret du
2 février 1958 (B.O. 1958, p. 536) disposait en effet que « pour tous les personnels, toute
cessation concertée du service, tout acte collectif d’indiscipline caractérisée, pourra être
sanctionné en dehors des garanties disciplinaires ».
Ce texte appelle deux remarques : bien qu’intégré dans un décret réglementant l’exercice
du droit syndical des fonctionnaires, cet article semble viser en raison de la généralité de
ses termes “tous les personnels”, la totalité des agents qui concourent au fonctionnement
du service public. Le fondement de cette interdiction ne réside pas dans l’art. 2 du dahir
du 16 juillet 1957 sur la liberté syndicale qui habilitait seulement le Président du conseil
à réglementer l’exercice de ce droit par les fonctionnaires. La Cour suprême a en effet
décidé que cet art. 5 du décret précité avait été édicté sur le fondement du pouvoir
réglementaire général du chef du gouvernement qui lui permet de prendre toute mesure
nécessaire au fonctionnement de l’ensemble des services publics en l’absence de toute
disposition contraire ayant une valeur juridique supérieure (C.S.A. 17/4/1961, R., p. 56).
La grève pouvait donc être interdite par le pouvoir réglementaire dès l’instant qu’aucun
texte de valeur supérieure n’en proclamait la licéité.
Les données juridiques du problème ont changé à partir du moment où la Constitution
de 1962 a reconnu l’existence de ce droit ; cependant une maladresse de rédaction (ou de
traduction) a posé le problème de savoir quel était le sens de cet article qui s’est perpétuée
dans toutes les constitutions jusqu’en 2011. « Le droit de grève demeure garanti ; une loi
organique précisera les conditions et les formes dans lesquelles ce droit peut s’exercer (3) »
Aujourd’hui il n’y a plus d’ambiguïté car l’article 29 de la Constitution dispose que
« le droit de grève est garanti. Une loi organique fixe les conditions et les modalités de
son exercice ».
Cependant, l’exercice de ce droit, comme celui de tout droit, doit être concilié avec les
nécessités de l’ordre public et du fonctionnement des services publics.
La Constitution a prévu que c’est au législateur qu’il appartient normalement
d’effectuer cette conciliation par une loi organique. Mais dans le silence du législateur,
l’autorité investie du pouvoir réglementaire conserve le droit d’aménager l’exercice de
la grève avec les exigences d’un bon fonctionnement du service ; seule lui est interdite la
prohibition générale et absolue de l’exercice de ce droit parce que la Constitution en a, de
façon générale, proclamé la licéité.
(3) Les données du problème sont identiques actuellement : l’art. 29-2° de la Constitution de 2011 est en effet libellé
dans les mêmes termes que l’article 14 de sa devancière de 1996.
373
Droit administratif marocain
Ainsi les textes qui, avant 1962, interdisaient la grève à certaines catégories d’agents,
conservent leur valeur dans la mesure où cette interdiction est fondée sur les particularités
propres à certains services assurant une mission essentielle qui ne peut s’accommoder
d’aucune interruption. Tel est le cas des services assurant la sécurité et l’ordre public dont
le personnel ne peut faire grève (personnel des Forces armées royales, Forces de police,
Forces auxiliaires).
Postérieurement à la mise en vigueur de cette Constitution, d’autres textes ont
interdit l’exercice du droit de grève aux administrateurs de l’Intérieur (art. 15 du dahir
du 1/3/1963) et au personnel de l’administration pénitentiaire (art. 35 du D.R. 2/2/1967,
B.O. 1967, p. 170) ; ce personnel est soumis à “toutes les règles d’une discipline militaire”
laquelle est évidemment exclusive de l’exercice du droit de grève.
L’interdiction d’exercer le droit de grève, droit garanti par la Constitution, ne
peut apparaître légitime que dans la mesure où elle est indispensable pour assurer le
fonctionnement des services publics essentiels pour le maintien de l’ordre public et de la
sécurité de la collectivité. En l’absence de réglementation législative, il appartient à l’autorité
administrative compétente sur la base de la jurisprudence de l’arrêt El Hihi Mohamed,
d’édicter la réglementation nécessaire ; il appartient au juge de l’excès de pouvoir de vérifier
que les limitations réglementaires apportées à l’exercice de ce droit sont bien justifiées par
le caractère essentiel du service et qu’elles sont proportionnées à la nécessité d’en assurer
un fonctionnement satisfaisant. C’est ce qu’il a fait dans plusieurs décisions dont la plus
récente est une décision du tribunal administratif de Rabat, 7 février 2006, Laklidi, note
M.A. Benabdallah, REMALD, n° 70, 2006, p. 65. Le recours à la grève est sans doute
un droit ;mais pour être légitime son exercice doit être précédé d’un préavis adressé au
responsable du service public exposant les motifs du recours à la grève et lui permettant de
prendre les dispositions nécessaires pour assurer la continuité du service public. Le tribunal
constate que le législateur n’est pas intervenu pour organiser l’exercice du droit de grève ;
que dans ces conditions il appartient au juge « d’édicter des normes et des critères de nature
à garantir à ce droit, d’une part la persistance et la protection et d’autre part l’absence de son
usage abusif pour la bonne marche du service public de manière continue » comme cela a
été théorisé par le Conseil d’Etat français dans son arrêt Dehaene (CE. 7 juillet 1950, GAJA,
n° 62). La loi organique en préparation pourrait sans doute s’inspirer de cette jurisprudence.
(4) « Le principe d’égalité devant le juge constitutionnel », Revue du conseil constitutionnel, n° 2, 2002, p. 287.
374
Le service public
(5) La décision du TA de Rabat, Larbi Saâdi, 13 mai 2002 est à cet égard une hérésie juridique lorsqu’elle admet
qu’une recommandation du Prince héritier en date de 1998 doit être considérée comme une instruction royale
permettant la nomination comme inspecteur de police d’un candidat qui a échoué au concours d’inspecteur, car du
375
Droit administratif marocain
fait de cette recommandation, il est dispensé du concours : l’article 30 de la constitution donnerait au Roi le pouvoir
de nommer comme il l’entend qui il veut, dans n’importe quel emploi ! Voir notre commentaire : « De l’inégalité des
Marocains devant les emplois publics selon le TA de Rabat », la Gazette du Maroc, n° 303, 17 février 2003, p. 9.
(6) Voir infra : le Régime de la responsabilité administrative.
376
Le service public
par une indemnité. Il reste que, même en l’absence de toute faute démontrée ou de
tout risque particulier, le juge accepte dans certains cas de condamner la collectivité à
réparer le préjudice causé, dès lors que par sa gravité celui-ci dépasse en importance les
charges inhérentes à la vie en société que les individus doivent supporter. Le fondement
de la responsabilité se trouve dans ce cas être directement et exclusivement le principe
d’égalité devant les charges entraînées par le service (C.S.A. 16/7/1959, ville de Tanger
c/Martin, R., p. 189 ; 21/12/1961, ville de Casablanca c/Magro, R., p. 225 R.A.C.A.M.,
1962, p. 219, a contrario). Le tribunal administratif de Casablanca condamne la commune
de Bouskoura à indemniser sur la base du risque entraîné par une activité dangereuse
la victime d’un accident subi au cours d’une fantasia à laquelle elle participait ; pour le
tribunal l’organisation de la fantasia par la commune correspondait à une activité d’intérêt
général : TA Casablanca, 2 décembre 2010, Hamsi, REMALD, n° 105-106, 2012, p. 279
note M. Rousset et M.A. Benabdallah. C’est également sur la base du risque social
que le juge accepte d’indemniser la victime d’un accident consécutif à une vaccination
obligatoire : CCA 11 avril 2013, Agent judiciaire du Royaume c/ Benmezouara, REMALD,
n° 122-123, 2015, p. 213, note M. Rousset et M.A. Benabdallah.
De même si le fonctionnement du service public donne naissance à des charges,
celles-ci doivent être également réparties : la Cour suprême décide que l’autorité investie
d’un pouvoir de réglementation… est tenue de respecter dans les mesures qu’elle édicte,
l’égalité de traitement entre les intéressés.
Toutefois, « ce principe ne saurait s’opposer à ce que des mesures particulières soient
prises à l’égard des différentes catégories d’entreprises, dès lors que ces mesures sont
conformes à l’objet même de la réglementation instituée, et justifiées par son but » (C.S.A.
19/3/1962, Sté huilière annexe, R., p. 37).
Saisie d’un recours pour excès de pouvoir contre un arrêté réglementaire à l’encontre
duquel était articulé le moyen de violation du principe d’égalité des citoyens devant
les charges publiques, la Cour suprême a, pour la première fois, eu l’occasion de faire
connaître sa position : «… Attendu que le principe d’égalité des citoyens devant les charges
publiques n’est applicable qu’à des personnes se trouvant dans des situations identiques.
Que l’administration a le droit d’instaurer des régimes différents pour des catégories
de personnes et d’activités différentes sans pour cela violer le principe d’égalité… »
(3/7/1968, Syndicat national professionnel des agents généraux d’assurances, J.C.S. n° 11,
novembre 1969) (7).
(7) La Cour suprême estime dans cette affaire que l’arrêté ministériel incriminé ne viole pas le principe d’égalité parce
que la charge qu’il établit à l’encontre des intermédiaires et courtiers d’assurances concerne une catégorie distincte
des assurés et des sociétés d’assurances, et que par ailleurs cette mesure s’inscrit dans un plan d’ensemble tendant à
normaliser la profession qui comporte des mesures propres aux deux autres catégories.
377
Droit administratif marocain
(8) Mais si nul ne conteste aujourd’hui la nécessité pour le service de s’adapter aux circonstances, aux évolutions
technologiques, à la modernisation des méthodes, aux contraintes financières, l’unanimité se fait aussi sur le caractère
impératif de l’adaptation aux multiples changements qui affectent la société, la mentalité des usagers du service public,
leurs besoins et les situations concrètes dans lesquelles ils se trouvent. Et l’on retrouve ici le problème de la réforme
administrative qui est autant un problème de structures, qu’un problème de comportement : il faut en effet persuader
le douanier que le voyageur n’est pas un fraudeur en puissance, le postier qu’il se trouve en présence d’un client,
l’agent du fisc que le contribuable est un citoyen comme lui, etc. L’amélioration des relations entre les administrés et
l’administration est à ce prix. C’est d’ailleurs ce qui découle des articles 155 et 156 de la Constitution.
378
Le service public
Section III
L’organisation et la gestion du service public
(9) C’est d’ailleurs ce qu’a confirmé la Chambre constitutionnelle de la Cour suprême dans une décision n° 196 du
16 mai 1986, B.O. 1986, p. 272.
379
Droit administratif marocain
A. La régie directe
Elle consiste dans la prise en charge par la collectivité publique elle-même de l’activité
de service public.
C’est sous cette forme que sont organisés les principaux services publics administratifs :
justice, défense nationale, fiscalité, urbanisme, enseignement, etc. Il en est de même pour
les collectivités locales : travaux municipaux, halles et marchés, services d’hygiène, etc.
Il faut cependant préciser que le terme de régie est parfois improprement utilisé pour
désigner des organismes qui sont en réalité des établissements publics ; tel fut le cas de
380
Le service public
l’ex-Régie des exploitations industrielles et aussi celui des régies municipales qui sont
autonomes par rapport à l’Etat ou aux communes.
Les services publics exploités en régie n’ont pas de personnalité juridique distincte
de la collectivité publique qui les organise ; ceci est particulièrement important pour les
ministères et leurs services extérieurs dont les actes et opérations doivent être rapportés
à l’Etat, de la même manière que l’ensemble des activités des services locaux doit être
rapporté à la collectivité locale qui les a organisés. Le financement de ces services est
assuré par le budget de la collectivité considérée dont ils utilisent les agents et les biens.
Toutefois afin de leur donner une certaine souplesse de gestion financière justifié
par la nature de leur activité,on a créé pour certains services un nouveau procédé de
gestion : il s’agit des Services de l’Etat Gérés de Manière Autonome : les SEGMA
dont la définition est la suivante : « Constituent des SEGMA, les services de l’Etat non
dotés de la personnalité morale, dont certaines dépenses, non imputées sur les crédits du
budget général, sont couvertes par des ressources propres. » Ces services échappent aux
règles normales de la gestion budgétaire, tel est le cas des établissements hospitaliers,de
certains établissements d’enseignement et de formation rattachés à divers ministères par
exemple l’Ecole Nationale d’administration, les Centres Régionaux des Investissements,
etc. En 2014 la loi de finances en comptait deux cent douze. Leur création comme leur
suppression sont de la compétence du législateur. Ces services sont soumis à tous les
contrôles qui pèsent normalement sur les organismes publics (9 bis).
(9bis) A. Bouachik, les Services gérés de manière autonome, SEGMA, REMALD, coll. Guides de gestion, n° 13, 2002.
381
Droit administratif marocain
1. Le procédé de la concession
Il consiste à confier à une entreprise privée le soin d’exploiter une activité de service
public après en avoir éventuellement construit les bases matérielles ; c’est pourquoi la
concession de service public est souvent doublée d’une concession de travaux publics.
Ce procédé a été imaginé à une époque où, tout en reconnaissant la nécessité pour la
puissance publique de contrôler certaines activités essentielles, on répugnait encore à l’idée
que les collectivités publiques s’engagent dans la réalisation d’opérations industrielles ou
commerciales que la mainmise sur ces activités comportait et pour lesquelles elles ne
disposaient pas en quantité suffisante ni de capitaux ni de personnels qualifiés.
La concession fut donc essentiellement utilisée dans le domaine des communications
(ferroviaire, téléphonique), dans celui de l’alimentation des populations en biens essentiels
(eau, électricité) ou encore dans l’exploitation des ports.
Le recours aux entreprises privées permettait aux collectivités publiques de bénéficier
d’un concours financier et technique. Le procédé de la concession, malgré cette double
justification originelle, a subi une très profonde évolution pour deux raisons.
Dans la mesure où la concession aboutit à confier au capital privé un rôle déterminant
dans la gestion d’activités correspondant à un besoin social, elle est apparue incompatible
avec les conceptions nouvelles du rôle de l’Etat et de l’intérêt général. En réalité, ce n’est
(10) Najat Zarrouk, « Pourquoi la concession ? » REMALD, n° 17, 1996, p. 73. La nouvelle organisation du ministère
de l’Intérieur (dahir du 15 décembre 1997, B.O. 1998, p. 80) comporte désormais une Direction des régies et des
services concédés qui remplace le Service des régies qui figurait dans l’organigramme de 1976.
382
Le service public
pas tant le fait que l’activité de service public fasse l’objet d’une exploitation lucrative
qui a paru incompatible avec la nouvelle conception de l’intérêt général, que le fait de
l’appropriation par des personnes privées des bénéfices procurés par l’exploitation des
activités de service public.
Au Maroc, une deuxième raison a contribué puissamment au déclin de la concession.
Celle-ci a constitué dès avant l’acte d’Algésiras mais surtout depuis l’établissement du
Protectorat, un moyen essentiel de la pénétration du capital étranger en général, et français
en particulier, dans le domaine des activités de service public et par delà dans l’économie
du pays.
Les transports ferroviaires, une partie du secteur téléphonique (en zone Nord), la
production et la distribution de l’énergie électrique, la distribution de l’eau, les transports
urbains, l’exploitation portuaire, etc., ont constitué le champ d’action privilégié des
sociétés étrangères (11).
Le retour du Maroc au statut d’Etat indépendant devait donc nécessairement
s’accompagner de la reprise des concessions par l’Etat et les autres collectivités publiques ;
à la fin des années soixante cette reprise était entièrement réalisée.
(11) Cf. R. Lahaye, op. cit., p. 285 et suiv. ; A. Ayache, le Maroc, Éd. Sociales, 1956. M. Germouni : le Protectorat
français au Maroc, un autre Regard, Préface M. Rousset, L’Harmattan ,2015.
(12) Il s’agit des concessions de la Compagnie des chemins de fer du Maroc et de la Compagnie des chemins de fer
du Maroc oriental.
(13) Cf. T. Kabbaj, « Le service public des transports terrestres », mémoire D.E.S. de droit public, Faculté des Sciences
juridiques, économiques et sociales, Rabat, 1965, (dactyl.).
(14) La société a subsisté cependant jusqu’à son terme, soit 1999, de façon à ce que le liquidateur puisse récupérer
auprès des gouvernements concernés (français, espagnol et marocain) ce qui lui revient en fait d’intérêts,
d’amortissements et d’impôts au titre des actions et obligations de la société.
383
Droit administratif marocain
collectivités locales créaient des régies communales chargées de gérer le service public
de distribution de l’électricité ; il en est de même pour la distribution de l’eau là où
elle était assurée par des sociétés concessionnaires (15). Ces régies sont en réalité des
établissements publics communaux.
C’est également sous cette forme que, jusqu’à une date récente, les principales
municipalités ont organisé le service public des transports en commun à l’intérieur du
périmètre urbain.
Aujourd’hui l’Etat a redéfini les conditions de la régulation du secteur de l’énergie
électrique et a créé une Autorité Nationale de Régulation de l’Electricité (ANRE) chargée
de s’assurer du bon fonctionnement du marché libre de l’électricité et de réguler l’accès
des auto-producteurs au réseau électrique national de transport (Loi 48-15 du 24 mai 2016,
B.O. p. 1037).
L’exploitation des services publics portuaires a fait également l’objet d’une reprise par
des organismes nationaux ; ceux-ci ont été remplacés par un établissement public national
unique: l’Office national d’exploitation des ports créé par la loi du 28 décembre 1984
(B.O. 1985, p. 36). Cet office était chargé de la gestion des ports dont la liste a été fixée par
décret (D. du 1er avril 1985, (B.O. 1985, p. 189), et D. du 11 septembre 1989, B.O. 1990,
p. 255). Cette liste comporte l’ensemble des installations portuaires du Royaume.
La concentration de cette gestion était justifiée par des considérations d’ordre technique
et financier ; mais elle était peut être mal venue à une époque où l’on parlait de la nécessité
de la déconcentration des responsabilités.
Le service public portuaire a été réorganisé par la loi 15-02 du 23 novembre 2005
(BO. 2005, p. 846 et la loi 20-10 du 17 août 2011 (B.O. 2011, p. 2181) qui ont mis
en place une nouvelle organisation du secteur portuaire concernant autant le régime
juridique des ports que leur gestion. Pour ce faire deux organismes sont créés :
la Société Nationale des Ports et l’Agence Nationale des Ports. L’Agence est un
établissement public qui assure pour l’ensemble des ports à l’exception du port de
Tanger-Med, une mission de maintenance, de développement des ports, de sécurité
dans leur utilisation.. Elle peut aussi en cas de besoin assurer la gestion d’un port qui
n’aurait pas pu être attribuée par voie de permission ou de concession. Elle approuve
les plans de développement des ports et détermine les activités portuaires qui peuvent
être exploitées soit par voie d’autorisation unilatérale soit par voie de concession.
(15) Par exemple, « La régie autonome de distribution d’eau et d’électricité de Casablanca », dahir du 21/10/1961,
B.O. 1961, p. 1564 et celle de Rabat-Salé, A.M. du l/3/1965, B.O. 1965, p. 563, ou celle de Tétouan, A.M. du 8/5/1968,
B.O. 1968, p. 553. La création de nouvelles régies communales et intercommunales s’est poursuivie ces dernières
années, tandis que certaines régies communales existantes ont été transformées en régies intercommunales à Rabat,
Fès et Marrakech.
384
Le service public
La Société Nationale des Ports est une société anonyme dont le capital est entièrement
souscrit par l’Etat. « Elle a pour objet d’exercer concurremment avec les personnes
morales de droit public ou privé auxquelles aura été délivrée l’autorisation d’exploitation
ou la concession... l’exploitation des activités portuaires et, le cas échéant, la gestion
des ports ».Cette société a fait l’objet d’une privatisation partielle (D. du 10 juin 2016,
BO. 2016, p. 1126).
On doit enfin ajouter que d’importants services publics ont été concédés à des sociétés
d’économie mixte (les transports aériens à la société Royal Air Maroc), ou à des offices
(la distribution de l’eau à l’Office national de l’eau potable, celle de l’électricité à l’Office
national de l’électricité) ; ainsi, à la fin des années soixante, la reprise des services
publics autrefois concédés était à peu près achevée. Aujourd’hui ces deux offices ont été
fusionnés dans l’Office National de l’Electricité et de l’Eau (ONEE) par la loi 40-09 du
29 septembre 2011 (BO. 2011, p. 2401).
Il est évident que le rôle de la concession a considérablement diminué ; toutefois, elle est
encore utilisée mais avec une signification différente lorsque l’organisme concessionnaire
est un organisme public ou une société d’économie mixte et ce changement apparaîtra
plus clairement lorsque l’on aura exposé les grandes lignes du régime juridique de la
concession. On peut toutefois dès maintenant indiquer que l’on observe un regain de
faveur de la concession dans des secteurs nouveaux sur lequel on reviendra plus loin.
385
Droit administratif marocain
386
Le service public
La concession prend fin normalement par l’expiration de la durée pour laquelle elle
a été passée ; elle peut s’achever aussi par le rachat qui est le plus souvent prévu dans le
contrat de concession : ce procédé peut aussi être utilisé dans des cas non prévus par la
convention de concession. Il s’agit alors d’un rachat extra-contractuel. C’est ce procédé du
rachat extra-contractuel qui a été utilisé pour la reprise par l’Etat des grandes concessions
de service public des chemins de fer ; enfin, la concession peut être résiliée à titre de
sanction.
Le règlement des litiges qui peuvent naître du fonctionnement de la concession donne
lieu à un traitement différent selon les rapports qui sont en cause.
Les rapports du concédant et du concessionnaire sont en effet des rapports de droit
public qui relèvent désormais du juge administratif selon les règles de compétence qui
ont été posées par la loi 41-90 du 10 septembre 1993 (B.O. 1993, p. 595) ; s’ils touchent
l’aspect réglementaire de la concession, ils seront traités dans le cadre du contentieux de
la légalité (excès de pouvoir) et s’ils touchent l’aspect contractuel, ils entreront dans le
contentieux de pleine juridiction.
La solution retenue par la Cour suprême dans l’arrêt ville de Tanger c/Société
transportes collectivos, 22/4/1963, GTM 1964, p. 8 et R. p. 263, est transposable dans la
nouvelle configuration juridictionnelle.
En effet, les rapports de l’usager et du concédant sont des rapports de droit public.
L’usager peut contester par la voie du recours pour excès de pouvoir les mesures
concernant l’organisation du service, édictées par l’autorité concédante, ou bien mettre en
cause la responsabilité de cette dernière si le préjudice qu’il a subi résulte de ce qu’elle n’a
pas exercé, ou qu’elle a mal exercé, les pouvoirs de contrôle dont elle dispose à l’égard
du concessionnaire pour l’obliger à faire fonctionner correctement le service. En revanche,
les rapports du concessionnaire avec les usagers ou les employés sont des rapports de
droit privé, soit parce que le concessionnaire est une personne privée, soit, lorsque le
concessionnaire est un organisme public parce que son activité est de nature industrielle
ou commerciale (C.S.A. 22/4/1963, R. p. 263).
Dans la décision précitée du 22 avril 1963, la Cour suprême rappelle que les contrats
liant les employés aux sociétés concessionnaires sont des contrats de droit privé ; de la
même manière on doit considérer que le personnel statutaire se trouve dans une situation
de droit privé en raison du caractère industriel et commercial de l’activité considérée.
Enfin et pour les mêmes raisons, les rapports contractuels que le concessionnaire noue
avec les fournisseurs sont des rapports de droit privé.
387
Droit administratif marocain
(17) Par exemple, cahier des charges de l’Office national de l’électricité, approuvé par D. du 29/11/1973, B.O. 1973,
p. 2082 ; de l’Office national des chemins de fer, approuvé par D.R. du 25/4/1967. Les obligations de l’Office
d’exploitation des ports étaient définies de façon minutieuse par voie d’arrêtés ministériels : A.M. 4 juin 1985,
B.O. 1985, p. 416, et A.M. 11 septembre 1989, B.O. 1990, p. 255.
388
Le service public
cas ce que l’on peut déduire de la signature de contrats de programme entre l’Etat et les
établissements publics gérant les grands services publics nationaux.
5. Le renouveau de la concession
Si le recours à des entreprises privées pour assurer la gestion du service public avait
pratiquement disparu jusqu’au début des années quatre-vingts, la situation s’est peu à peu
retournée au point que la concession retrouve une place importante non seulement dans la
gestion, mais aussi dans la construction des infrastructures nécessaires au fonctionnement
des services publics nationaux mais surtout locaux.
La concession partielle des transports en commun dans les villes de Rabat et Casablanca
ont à cet égard joué un rôle pilote.
Mais la concession est également considérée comme un mode de gestion normal du
service public par le législateur ; en effet l’art. 5 de la loi du 28 décembre 1984 créant
l’Office national d’exploitation des ports (B.O. 1985, p. 36) avait prévu que l’Etat pourrait
confier la gestion de certains services relevant de la compétence de l’Office (pilotage,
remorquage, aconage, etc.) à des organismes publics ou privés. On retrouve les mêmes
possibilités dans les lois 15-02 du 23 novembre 2005 et 20-10 du 17 août 2011 relatives
aux ports pour la gestion des ports et (ou) pour l’exploitation des activités portuaires.
Par ailleurs, la concession a fait également une réapparition dans des domaines
nouveaux : par exemple la construction et la gestion des autoroutes avec la Société nationale
des autoroutes du Maroc, et surtout l’art. 5-2 de la loi du 6 août 1992 (B.O. 1992, p. 354)
et le décret du 2 février 1993 (B.O. 1993, p. 62) prévoient expressément la possibilité
de concéder à des personnes de droit public ou privé soit la construction, l’entretien et
l’exploitation d’une autoroute, ainsi d’ailleurs que la construction et l’exploitation des
installations annexes définies dans le cahier des charges (art. 1er du décret) (18).
La concession a également été utilisée dans le domaine de l’audiovisuel avec les
concessions liant l’Etat à Médi I et pendant un certain temps à 2M.
Et si, comme on l’a vu, le recours à la concession aboutit le plus souvent encore à ce
que la gestion du service public soit confiée à un organisme public, ou à un organisme
privé, la société d’économie mixte, mais dans lequel la puissance publique est fortement
représentée, cela ne doit pas masquer le fait qu’aujourd’hui c’est vers la concession à des
entreprises privées spécialisées que les collectivités publiques se tournent pour assurer la
gestion des services publics industriels et commerciaux.
(18) Pour une application de ces dispositions, voir le décret du 14 novembre 2000 approuvant la convention de
concession et le cahier des charges de la concession de l’autoroute Larache-Sidi el Yamani à la SNAM (B.O. 2000,
p. 1069).
389
Droit administratif marocain
390
Le service public
(20) L’actualité de ce problème de la concession est attestée par les réflexions qui lui sont consacrées. L’alliance des
ingénieurs, proche de l’Istiqlal, a organisé en février 1999, un colloque consacré à la concession dans les secteurs
sociaux au cours duquel a été notamment abordée la concession des services publics municipaux ; l’ISCAE, de son
côté, a consacré, en avril 2001, un colloque à “l’économie déléguée” faisant une large place à la gestion déléguée des
services publics. CF. Najat Zarrouk, Pourquoi la concession ?, op. cit., loc. cit.
(21) M. Hajji : Droit et pratique du service public au Maroc : de la concession à la gestion déléguée, 1re éd. 2007,
Zaouia. « Le régime juridique du contrat de gestion déléguée de service public dans la jurisprudence », la Gazette du
Palais, n° 18, 2007, p. 3 ; A. Mecherfi : « Les contrats de gestion déléguée des services publics locaux au Maroc entre
droit public et droit privé », REMARC, n° 10-11, 2010, p. 37.
Cf. L’avis du CESE, sur la gestion déléguée du service public au service des usagers, BO. 2016, p. 976.
Les contrats de partenariat public-privé (PPP), Dossier de la REMALD n° 116, 2014, (trois articles) p. 157.
391
Droit administratif marocain
du délégataire » (article 4). Cela signifie que les parties doivent s’assurer du respect
des principes fondamentaux du service public, égalité des usagers, continuité du service
et adaptation aux évolutions technologiques mais aussi économiques et sociales ; le
délégataire doit veiller en outre à ce que sa gestion soit réalisée au moindre coût tout
en maintenant la qualités des prestations et les exigences de sécurité et de protection de
l’environnement.
Les conditions financières sont prévues par la convention notamment en ce qui concerne
la fixation des tarifs et leur évolution en fonction des circonstances. La détermination des
unes et des autres comme la réévaluation éventuelle des tarifs doivent se faire en principe
par voie d’accord entre les parties.
La convention prévoit la durée de la délégation en fonction de son objet mais aussi en
tenant compte de la durée nécessaire pour permettre l’amortissement des investissements
du délégataire. Cette durée pourra être prolongée en cas de besoin au delà du terme de sa
durée convenue, l’achèvement de la délégation peut résulter de la résiliation pour faute du
délégataire ou du délégant sanctionnant de leur part un manquement à leurs obligations.
La liquidation de la délégation fait l’objet de dispositions de la loi destinées à régler le sort
des biens, biens de retour ou biens de reprise.
En cas de manquement du délégataire à ses obligations la convention prévoit des
sanctions ;outre la déchéance du délégataire des sanctions pécuniaires sont prévues sous
forme de pénalités ou de dommages et intérêts ;mais dans tous les cas le prononcé de
toute sanction doit être précédé d’une mise en demeure qui permet au délégataire de faire
valoir ses arguments. De façon symétrique la loi prévoit les modalités d’indemnisation du
délégataire en cas de manquement à ses obligations de la part du délégant y compris la
résiliation de la délégation à la demande du délégataire.
Naturellement le délégataire est soumis à un contrôle de sa gestion ; la loi en détaille
les modalités de façon très précise sur la base des dispositions du cahier des charges.
Ce contrôle est très important car il conditionne le réexamen éventuel des conditions de
fonctionnement de la délégation et la mise en œuvre du principe d’adaptation du service
public (art. 19-3°).
En cas de litige la loi a prévu le recours à l’arbitrage anticipant d’ailleurs son admission
de façon générale pour les personnes publiques par la loi 08-05 du 30 novembre 2007 et
modifiant l’article 306 du code de procédure civile. Si le litige oppose le délégataire et les
usagers la convention doit prévoir une procédure de conciliation avant tout engagement
d’une procédure arbitrale ou juridictionnelle.
La pratique de la gestion déléguée s’agissant des collectivités locales notamment dans
le domaine de la distribution de l’électricité de l’eau, et de l’assainissement, ne semble pas
comporter que des avantages si l’on en juge par les difficultés avec les usagers souvent
392
Le service public
mécontents de la tarification. Mais l’Etat lui même ne semble pas y trouver son compte si
l’on en juge par les déclarations du président de la Cour nationale des comptes soulignant
la disproportion des bénéfices des sociétés de gestion déléguée et la part reversée à l’Etat
(décembre 2015). Cela montre la pertinence des dispositions de la loi sur le réexamen
du fonctionnement de la gestion déléguée. Encore faut-il que les autorités responsables
utilisent ces dispositions pour engager avec leurs partenaires les négociations destinées
à adapter les conventions à l’évolution de la situation financière des sociétés de gestion
délégué si celle-ci le justifie.
Le Conseil économique, social et environnemental s’est d’ailleurs penché récemment
décembre 2015) sur les problèmes posés par l’ensemble des techniques de gestion des
services publics : gestion déléguée, concession, contrat de partenariat public-privé,
marchés publics ; il a recommandé la rationalisation et la mise en cohérence des différentes
formes de gestion des services publics notamment sous l’angle de l’efficacité technique et
économique et de la transparence financière, ainsi que la création d’un Observatoire de la
gestion déléguée.
Mais c’est finalement le décret du 21 septembre 2015 relatif à la Commission nationale
de la commande publique qui confie à cette dernière une mission générale de contrôle et
de supervision de l’application du décret de mars 2013 consacré à la commande publique.
Par ailleurs l’organe délibératif de la Commission comporte un comité permanent chargé
des questions relatives aux contrats de partenariat public-privé et aux contrats de gestion
déléguée. L’article 14 du décret confie à ce comité diverses missions :
– examiner les réclamations des concurrents, attributaires ou titulaires de ces contrats ;
– émettre des avis sur les différends opposant ces derniers aux administrations
publiques et sur les problèmes d’application de la législation et de la réglementation
relative à ces contrats ;
– formuler des avis à la demande des administrations publiques sur toutes questions
à caractère juridique ou procédural relatives à l’élaboration, la conclusion ou
l’exécution des contrats de partenariat public-privé et de gestion déléguée ;
– veiller à la publication des avis de principes relatifs aux questions qui lui sont
soumises notamment au portail des marchés publics.
D. La régie intéressée
Elle consiste en un procédé de gestion voisin de la concession de service public
dont elle ne diffère qu’en ce qui concerne le mode de rémunération de la société privée
à laquelle la gestion du service est confiée. Celle-ci échappe aux aléas économiques
provenant d’un éventuel déficit de gestion puisqu’elle est rémunérée par une somme fixe
393
Droit administratif marocain
E. L’économie mixte (22)
L’association des capitaux publics et des capitaux privés est le trait caractéristique de la
société d’économie mixte créée sous forme de société anonyme de droit privé ; toutefois, la
puissance publique se réserve, dans le fonctionnement de la société, un rôle variable mais
dont l’importance n’est pas nécessairement proportionnelle à sa participation financière, ce
qui est une dérogation aux règles qui régissent les sociétés anonymes : elle dispose souvent
de prérogatives lui permettant d’agir sur la nomination des administrateurs et du directeur
général ; elle exerce toujours un certain nombre de contrôles financiers.
Si l’économie mixte est un procédé qui peut être utilisé pour la gestion des services
publics, il n’est cependant pas très développé ; on relève par exemple le cas des transports
aériens avec la Compagnie Royal Air Maroc, le cas des transports maritimes avec la
Compagnie marocaine de navigation, aujourd’hui disparue après avoir été cédée en 1997 à
une compagnie maritime française la CMA-CGM, ou celui des transports routiers avec la
Compagnie auxiliaire des Transports du Maroc(CTM) avant sa privatisation.
Il reste que cette technique connaît son principal développement dans le domaine des
activités économiques d’intérêt général que l’Etat désire orienter, et parfois contrôler
étroitement, dans le but d’assurer la conformité de leurs objectifs avec ceux qu’il a posés
dans le cadre de la politique de développement de l’économie nationale.
On peut donner plusieurs exemples caractéristiques de cette technique. La Société
nationale d’équipement et de construction (SNEC) créée en 1987 sous la forme d’une
société anonyme de droit marocain mais dont le capital était entièrement public, avait été
chargée de réaliser les différents programmes de construction d’habitat social en milieu
urbain ou en milieu rural. Cette société était placée sous la tutelle du ministère chargé de
l’habitat. Aujourd’hui elle a été intégrée dans le holding d’aménagement Al Omrane de
même que les ERAC (Etablissements Régionaux d’Aménagement et de Constructions)
(22) Cf. P. Decroux : les Sociétés en droit marocain, 5e éd., la Porte, Rabat, 1988, p. 4 et 169 et ss. Cette forme de
gestion des services publics demeure tout à fait utilisable dans le cadre de la nouvelle loi sur les sociétés anonymes
promulguée le 30 août 1996 (B.O. 1996, p. 661) qui a abrogé l’ancien texte du 12 août 1913, ainsi que le montre la
création de la société “Agence spéciale Tanger-Méditerranée”.
394
Le service public
395
Droit administratif marocain
(23) Pour la France, cf. de Laubadère (A.), Venezia (J.C.) et Gaudemet (Y.), Traité de droit administratif, tome 1,
11e éd., L.G.D.J., Paris, 1990, p. 715 et suiv.
396
Le service public
C’est un procédé voisin qui est utilisé par le législateur qui confie aux associations
d’usagers des eaux agricoles le soin de valoriser les équipements réalisés par l’Etat ; les
associations qui peuvent se voir déléguer le privilège de l’expropriation, sont chargées
de mettre en œuvre, après accord de l’administration, la participation des intéressés à
la réalisation des programmes de travaux, à la gestion et à la conservation des ouvrages
d’utilisation des eaux (loi du 21 décembre 1990, B.O. 1990, p. 30).
Il existe enfin un troisième procédé, à mi-chemin du procédé contractuel et du procédé
unilatéral qui évoque le procédé classique de la concession : c’est celui de l’agrément.
L’administration agrée une entreprise privée pour effectuer certaines tâches qu’elle ne
peut ou ne veut assurer ; ainsi la délivrance d’un certificat de navigabilité aux aéronefs
implique un contrôle de la navigabilité que l’Etat confie à une entreprise privée agréée.
Ce contrôle est effectué dans des conditions déterminées par un cahier des charges
et moyennant une rémunération fixée par arrêté ministériel (24). La loi n°47-09, du
29 septembre 2011 relative à l’efficacité énergétique (B.O. 2011, p. 2404) institue un
contrôle technique qui a pour objet de vérifier le respect des obligations qu’elle crée
en matière de performance énergétique. Sont chargés d’effectuer ce contrôle des agents
de l’administration assermentés conformément à la législation en vigueur, mais aussi
des organismes et/ou laboratoires publics ou privés compétents, agréés à cet effet par
l’administration. Ces organismes qu’ils soient publics ou privés sont également chargés de
constater es infractions à la loi (article 18 et 20 de la loi).
L’aspect unilatéral qui apparemment domine, ne doit pas cependant masquer le fait que
l’Etat et l’entreprise privée se sont nécessairement mis d’accord sur les conditions de cette
collaboration avant l’élaboration du cahier des charges et les conditions de rémunération.
Il est intéressant de noter que cette technique évoque celle de la concession dont
la finalité initiale était de permettre aux collectivités publiques de se décharger sur des
entreprises privées des tâches techniques pour lesquelles elles ne disposaient pas du
personnel qualifié ni des moyens matériels et techniques nécessaires.
Mais pour les mêmes raisons, l’Etat peut aussi créer de toute pièce un organisme de
droit privé doté de prérogatives de puissance publique pour assurer la réalisation d’une
opération complexe : tel est le cas de l’Agence chargée de conduire la construction et la
mise en exploitation du port de Tanger-Méditerranée (DL 10 septembre 2002, B.O., 2002,
p. 1001).
(24) Décret du 7/7/1962 relatif à l’aéronautique civile (B.O. 1962, p. 947) ; A.M. du 3/5/1967 portant agrément du
Bureau Véritas pour le contrôle de la navigabilité des aéronefs (B.O. 1967, p. 905). Le procédé de l’agrément est
également utilisé pour la vérification des appareils de levage (A.M. 25 décembre 1990, B.O. 1991, p. 52) ou pour
la vérification des installations électriques des établissements mettant en œuvre des courants électriques (A.M.
17 janvier 1990, B.O. 1990, p. 261).
397
Droit administratif marocain
Dans ce domaine, le procédé utilisé est celui de l’investiture légale par laquelle des
organismes privés sont chargés d’effectuer une mission de service public, à laquelle ils ne
peuvent d’ailleurs pas échapper.
L’exemple le plus récent et le plus significatif est donné par la loi du 19 mai 1989
relative à l’éducation physique et aux sports (B.O. 1989, p. 198). Cette loi fait reposer
sur des associations agréées, groupées en ligues régionales et fédérations nationales, le
développement du sport et l’organisation des compétitions ; pour l’accomplissement de leur
mission, ces organismes reçoivent une aide qui se manifeste notamment par la possibilité
de prendre des décisions obligatoires pour leurs membres, de nature réglementaire ou
disciplinaire (CSA n° 310, Saâd Ben Haj Saïgh c/Fédération royale de football, 31 octobre
1991, RJPEM, n° 25, 1991, p. 101). Mais leur responsabilité peut aussi être engagée sur
la base de l’art. 79 du D.O.C. si le préjudice trouve sa source dans une action juridique ou
matérielle constitutive d’une faute de service se rattachant à la mission de service public
qui leur est confiée : TA de Rabat, 25 décembre 1998, Koufal Saïd c/Ligue du Nord de
football, REMALD, n° 28, 1999, p. 134 (en arabe).
Mais il reste que ce procédé est particulièrement développé dans le domaine de la
réglementation professionnelle (25).
En effet, de nombreuses professions sont essentielles pour la vie de la collectivité :
professions médicales ou paramédicales, professions judiciaires (avocats, défenseurs agréés,
oukils, notaires, etc.), professions bancaires, architectes, ainsi que les accompagnateurs de
tourisme, guides de tourisme, guides de montagne, les agences de voyages (1997), etc.
L’Etat s’est préoccupé d’assurer la conformité de l’exercice de ces professions avec
les exigences de l’intérêt général. C’est dans ce but qu’ont été créés des organismes
corporatifs chargés d’une mission d’organisation et de contrôle de la profession (26).
(25) Azziman (O.), la Profession libérale au Maroc, Rabat, 1980 ; Khattabi (M.), « L’administration du sport au
Maroc », REMALD, n° 38-39, 2001, p. 59.
Rousset (M.), « Pouvoir administratif et participation », REMALD, n° 32, 2000, p. 29, « L’Etat et les professions au
Maroc et en Tunisie », Revue franco-maghrébine de droit, n° 2, 1994, Ben Salah, Boujemaa, R., Roussillon et Hen
(dir.), Presses universitaires de Perpignan et I.E.P. de Toulouse.
(26) Voir par exemple : Ordre des architectes : loi du 10/9/1993 et du 1/10/1993 (B.O. 1993, p. 560 et 570). Ordre
des vétérinaires : loi du 6/10/1993 (B.O. 1993, p. 537). Ordre des ingénieurs géomètres topographes, loi du 25/2/1994
(B.O. 1994, p. 170). Journalistes : loi du 22/2/1995 (B.O. 1995, p. 538). Experts-comptables : loi du 8/1/1993
(B.O. 1993, p. 36), exercice de la médecine, loi du 21/8/1996 (B.O. 1996, p. 762), etc.
Les textes intéressant la profession de médecin ont été rassemblés dans la publication de la REMALD, coll. Textes et
documents, la Profession de médecin, 2e éd. 2001. Mais un nouveau texte, la loi 08-12 du 13 mars 2013 (B.O. 2013,
p. 1735), porte un statut pour l’ordre des médecins.
398
Le service public
399
Droit administratif marocain
par exemple le cas des associations syndicales agricoles de lutte contre les parasites des
plantes qui sont matériellement des associations professionnelles (Dh. du 19/10/1954,
B.O. 1954, p. 1667) (27), et surtout des chambres professionnelles, chambres de commerce
et d’industrie et de services dont le statut résulte de la loi n° 38-12 du 21 février 2013
(BO. 2013, p. 1594), chambres d’artisanat loi n° 18-09 du 17 août 2011 (B.O. 2011, p. 2156)
et chambres d’agriculture loi n° 27-08 du 18 février 2009 (B.O. 2009, p. 361). En outre la loi
4-97 du 2 avril 1997 a créé des chambres des pêches maritimes (B.O. 1997, p. 346).
Des lois du 2 avril 1997 (B.O. 1997, p. 343 et s.) avaient prévu le groupement des
chambres professionnelles en Fédération régie par le dahir de 1958 sur les associations,
ce qui est une innovation juridique : ces textes ont par ailleurs précisé que les chambres
sont les représentants des secteurs d’activité concernés auprès des pouvoirs publics au
niveau national, régional et local. Une loi n° 24-15 du 4 août 2015 (B.O. 2015, p. 3656)
règle la situation qui peut résulter pour les chambres professionnelles du regroupement de
deux ou plus de deux chambres en ce qui concerne les biens meubles et immeubles, les
personnels et les membres siégeant dans les commissions paritaires compétentes à l’égard
du personnel.
(27) Dans une hypothèse identique, la solution française est juridiquement différente, cf. C.E., 13/1/1961, Magnier,
Revue de droit public, 1961, p. 155, conclusions Fournier.
400
Le service public
des guides méthodologiques et des documents types. Elle donne enfin son avis sur les
décisions d’extension des mesures d’exclusion prises à l’encontre des candidats concernés
par la participation aux contrats de PPP passés par l’Etat les établissements publics de
l’Etat et les entreprises publiques.
Les modes passation outre l’appel d’offres et la procédure négociée, comportent le
recours au dialogue compétitif qui permet à la personne publique d’identifier la ou les
meilleures propositions capables de répondre à ses besoins à partir d’une discussion
avec des candidats sur la base d’un programme fonctionnel et du règlement d’appel à la
concurrence. Le contrat comporte un certain nombre de mentions obligatoires et notamment
tout ce qui concerne l’identification des parties contractantes y compris en matière de sous-
traitance, de substitution du partenaire ou de cession du contrat, la durée du contrat, les cas
et conditions de sa résiliation, les objectifs de performance, la rémunération du partenaire
privé, le partage des risques et l’équilibre du contrat, le contrôle de son exécution ainsi que
les pénalités pour non respect des clauses du contrat, etc. Le contrat doit être approuvé et
son exécution ne peut commencer qu’après cette approbation par l’autorité compétente.
Le contrat prévoit les modalités de règlement des litiges éventuels par l’appel à la
conciliation, la médiation conventionnelle ou l’arbitrage ; dans ce cas le contrat doit
spécifier le médiateur ou le tribunal arbitral qui sera compétent. Le contrat peut aussi
prévoir le recours aux procédures judiciaires normales.
On a vu plus haut que l’article 14 du décret du 21 septembre 2015 a créé au sein de
l’organe délibératif de la Commission nationale de la commande publique un comité
permanent spécifiquement chargé de suivre les problèmes de mise en œuvre des contrats de
gestion déléguée et de partenariat public-privé y compris les réclamations des concurrents,
attributaires ou titulaires de ces contrats.
401
Chapitre III
La fonction d’orientation et d’incitation (1)
Introduction
Le développement de l’intervention de l’Etat s’explique d’une façon générale par l’idée
qui prévalait au moment de l’indépendance du Maroc, comme dans beaucoup de pays,
que seule la puissance publique pouvait favoriser et organiser la croissance des différentes
activités de la collectivité nationale.
Mais au Maroc cet interventionnisme était également dicté par des considérations
particulières: la faiblesse de l’initiative privée et la nécessité de donner à l’économie une
orientation conforme a l’intérêt national de façon à corriger la dépendance dans laquelle
l’économie du protectorat se trouvait vis-à-vis de l’extérieur.
Partiel et empirique dans un premier temps, l’interventionnisme a été progressivement
généralisé et systématisé malgré les postulats libéraux qui ne sont pas récusés.
C’est la Constitution de 1962 qui posera d’ailleurs les bases de cette intervention
fondée sur les principes de la démocratie économique et sociale qui doivent caractériser
le régime politique du Maroc nouveau (art. 1er). L’art. 15 de la Constitution pose, quant
à lui, le principe selon lequel si le droit de propriété demeure garanti, ce n’est que dans
la mesure où la propriété privée ne fait pas obstacle « aux exigences du développement
économique et social planifié de la nation ».
Enfin, il appartient aux instances constitutionnelles de mettre en œuvre ce
développement grâce au vote de lois cadres déterminant les objectifs fondamentaux de
l’action économique, sociale et culturelle de l’Etat (art. 46-2e), et surtout grâce au plan.
(1) Cf. Lahaye (R.), « Les entreprises publiques au Maroc », op. cit., Colloque des E.N.A. du Maghreb,
12-16 avril 1972, Association des anciens élèves de l’E.N.A.P., Rabat ; Benamour (A.), Intermédiation financière et
développement économique du Maroc, Éd. Maghrébines, 1971, p. 464 ; « Interrogations autour du secteur public »,
Lamalif, n° 72, 1975, p. 25 et suiv. ; El Midaoui (A.), les Entreprises publiques et leur participation au développement,
éd. Afrique-Orient, Casablanca, 1981.
Droit administratif marocain
Sur cette base, l’Etat s’est engagé de plus en plus profondément dans une voie qui l’a
conduit à une présence généralisée dans le domaine économique.
Il a tout d’abord cherché à exercer sa fonction d’incitation et d’orientation à l’égard
d’activités particulières qui lui paraissaient spécialement importantes ; pour ce faire il s’est
fait entrepreneur ou financier, agissant ainsi directement ou indirectement dans la gestion
des activités économiques ; parfois il s’est borné à assurer le contrôle de certaines activités
en les dotant d’une sorte de statut constituant une législation cadre.
Enfin, constatant que ces diverses activités devaient être reliées les unes aux autres
parce qu’il convenait qu’elles concourent de façon complémentaire au développement
national, de nouvelles techniques ont été imaginées afin de tracer à l’ensemble des
activités publiques et privées des objectifs déterminés dans le temps et dans l’espace par
un plan de développement.
Cette intervention publique, sans aucun doute indispensable au moment où elle s’est
développée, a vu ses justifications s’amoindrir au fur et à mesure que changeaient le
contexte de l’économie nationale et l’environnement international.
Aujourd’hui, les effets pervers de l’économie dirigée ou simplement administrée,
sont bien connus : c’est l’atonie de la vie économique, les rentes de situation, la
déresponsabilisation des agents économiques ; en outre l’hypertrophie du rôle de gestion
des activités économiques de la puissance publique produit l’effet inverse à celui qui
était initialement recherché : loin d’être un stimulant pour l’initiative privée, la présence
massive de l’Etat est devenue dissuasive.
Enfin, et surtout, la difficulté pour l’Etat d’assurer le contrôle d’un secteur public
foisonnant a mis en péril les finances publiques sommées de compenser les déficits par des
subventions d’équilibre, et, par delà, l’économie nationale (2).
C’est dans ce contexte qu’une réorientation fondamentale de l’intervention de l’Etat a
été annoncée par le discours royal du 8 avril 1988 et mise en œuvre par le vote de la loi
autorisant le transfert d’entreprises du secteur public au secteur privé (loi du 11 avril 1990,
B.O. 1990, p. 277) (3). Cependant, le désengagement de l’Etat dans le domaine de la
gestion économique ne signifie nullement une diminution de son rôle, mais simplement
(2) Ce qui a été amplement démontré par la gestion aberrante de deux établissements financiers pourtant soumis
au contrôle de l’Etat, le Crédit immobilier et hôtelier et la Caisse nationale de crédit agricole (voir le rapport de la
commission parlementaire d’enquête sur le CIH janvier 2000).
(3) Cette loi a été prorogée sans indication de délai par la loi 34-98 du 13 mai 1999 qui a quelque peu modifié la
liste des entreprises privatisables (B.O. 1999, p. 280). Les conditions d’élaboration de la loi ont conduit un groupe de
parlementaire à saisir le Conseil constitutionnel qui a estimé la loi conforme à la constitution ; sur cette contestation
voir M.A. Benabdallah, « La constitutionnalité de la loi sur les privatisations », note sous CC 29 avril 1999, REMALD,
n° 28, 1999, p. 123.
404
La fonction d’orientation et d’incitation
un recentrage sur un terrain qu’il est le seul à pouvoir occuper : la direction générale
de l’économie, la réalisation des équipements collectifs nécessaires au développement
économique et social, la gestion des seules activités économiques qui correspondent à ce
que l’on appelle les services publics industriels et commerciaux.
C’est donc dans ce contexte largement renouvelé que l’on exposera dans quelles
conditions l’Etat a participé – et participe encore – aux activités économiques, puis son
action d’encadrement des activités économiques privées, et enfin les modalités selon
lesquelles il assure la direction générale de l’économie et l’aménagement du territoire.
Section I
La participation aux activités économiques (4)
Les collectivités publiques, mais principalement l’Etat, ont donné naissance à un très
grand nombre d’organismes constitués sous des formes juridiques diverses, établissements
publics ou sociétés d’économie mixte, chargés de missions également diverses : production
de biens, mobilisation de capitaux, etc.
Toute classification de ces entreprises est évidemment hasardeuse ; cependant il est
possible de proposer une triple distinction.
On indiquera enfin que la loi 47-01 a complété la liste des entreprises transférables au secteur privé en ajoutant
notamment l’exploitation pour le compte de l’Etat du monopole détenu par la Régie des tabacs (loi du 29 janvier 2002,
B.O. 2002, p. 114).
(4) Rousset (M.), « Etat et secteur public au Maroc : une nouvelle conception de l’intervention économique de l’Etat »,
in Etat et développement dans le monde arabe, C.N.R.S., 1990 (extrait de l’A.A.N., 1987), p. 267 et suiv.
405
Droit administratif marocain
406
La fonction d’orientation et d’incitation
(5) A titre d’exemple on peut citer l’Office national du thé et du sucre devenu la Société marocaine du thé et du sucre :
loi 29-01 du 13 juin 2002, B.O. 2002, p. 821.
L’Office national des transports a été supprimé et remplacé par deux organismes, la Société Nationale des transports
et de la logistique (Loi du 23 décembre 2005, B.O. 2005, p. 787) et l’Agence Marocaine de Développement de la
logistique (Loi 2 juillet 2011, B.O. 2011, p. 1869).
407
Droit administratif marocain
(6) Cf. Aziz (M.), « L’intervention de l’Etat en matière de crédit et de banque au Maroc », thèse de droit, Casablanca,
1979, 2 vol. (dactyl.) ; Ben Othmane (M.L.), « 25 ans de droit monétaire et bancaire », R.J.P.E.M., n° 10, 1981, p. 107 ;
Benhamour-Lahrichi (N.), « Etat et système financier au Maroc : mutations et adaptations », in Etat et développement
dans le Monde arabe, C.N.R.S., 1990, p. 219.
408
La fonction d’orientation et d’incitation
Section II
La législation cadre
409
Droit administratif marocain
(7) La réglementation n’est évidemment pas exclusive de la participation active à la gestion de l’activité : en
témoignent les organismes mentionnés ci-dessus (O.C.P. et B.R.P.M.) et bien d’autres encore.
410
La fonction d’orientation et d’incitation
(8) M. Rousset, « La nouvelle réglementation marocaine de la poste et des télécommunications : du monopole à
l’activité partagée », RJPIC, n° 1, 1998, p. 67.
411
Droit administratif marocain
L’administration peut d’ailleurs s’entourer d’autres organismes qui ont pour mission
de fournir conseils et études de nature à éclairer les responsables de l’Etat ; dans ces
organismes, aux côtés des représentants des administrations concernées, on trouve
fréquemment des membres des professions réglementées ou des professionnels relevant
d’activités voisines. L’illustration en est donnée par la loi du 6 juillet 1993 relative à
l’exercice de l’activité des établissements de crédit et à leur contrôle (B.O. 1993, p. 333),
qui donne naissance à un Conseil national de la monnaie et de l’épargne organisé par
décret (21/7/1993, B.O. 1993, p. 377) et à un Comité des établissements de crédit (décret
du 21/7/1993, B.O. 1993, p. 377).
Ces deux organismes comportaient parmi leurs membres des représentants des
chambres professionnelles, du groupement professionnel des banques de l’association
professionnelle des sociétés de financement, de la Fédération nationale des compagnies
d’assurances et de réassurances (Conseil national de la monnaie et de l’épargne) et,
s’agissant du Comité des établissements de crédit, des représentants du groupement
professionnel des banques et de l’Association professionnelle des sociétés de financement.
Aujourd’hui une nouvelle loi sur les établissements de crédit a été promulguée ;il
s’agit de la loi 103-12 du 24 décembre 2014 (B.O. 2015, p. 978) qui repose elle aussi
sur des institutions chargées de veiller au respect de la réglementation du fonctionnement
du système bancaire : Comité des établissements de crédit, Conseil national du crédit
et de l’épargne, commissions de discipline des établissements de crédit et associations
professionnelles auxquelles les membres des professions concernées ont l’obligation
d’adhérer.
L’administration doit évidemment s’adapter à l’évolution qui se manifeste dans le
domaine économique ; un bon exemple est donné par la loi 53-00 du 23 juillet 2002
(B.O. 2002, p. 920) formant charte de la petite et moyenne entreprise qui témoigne de
la volonté des pouvoirs publics d’apporter un appui spécifique aux petites et moyennes
entreprises en raison de leur fragilité mais aussi de leur rôle dans le développement
économique et la création d’emplois. Outre des mesures d’ordre financier, foncier et
administratif, la loi met en place une “Agence nationale pour la promotion de la PME”
qui constitue un établissement public chargé de mettre en œuvre la politique de l’Etat en
ce domaine.
Dans le même temps l’Office pour le développement industriel est supprimé ; ses biens
et ses personnels sont transférés à l’Agence nouvellement créée (titre V de la loi).
Cette action d’encadrement des activités économiques est donc une action permanente
qui met l’administration en contact étroit avec les industriels, les agriculteurs, les
financiers, etc., dont elle étudie les dossiers, auxquels elle délivre des agréments, octroie
des subventions, accorde des autorisations dans des conditions telles, qu’elle dispose
412
La fonction d’orientation et d’incitation
(9) Cf. Boulal (T.), « Les rapports du ministère du Commerce, de l’Industrie et des Mines avec ses usagers », mémoire
de cycle supérieur, E.N.A.P., 1971 ; Bouab, « L’administration marocaine face à l’investisseur industriel privé »,
mémoire de cycle supérieur, E.N.A.P., 1972.
(10) On trouvera un exemple caricatural de cette inertie et de cet arbitraire dans l’affaire concernant l’occupation
temporaire du domaine public “Tahiti Plage” : note Rousset, REMALD, n° 19, 1997, p. 165 et surtout, liée à la même
affaire, la “Mise au point sur une note précédente” qui met en lumière les pratiques inacceptables du ministère des
Travaux publics, du ministère des Finances et de l’Office national d’exploitation des ports, REMALD, n° 22, 1998,
p. 127.
413
Droit administratif marocain
l’irrigation de propriétés agricoles est réputée accordée au bout d’un délai de soixante
jours à compter du dépôt de la demande en cas de silence de l’Agence de bassin.
Par ailleurs, de plus en plus fréquemment, les décisions de refus, lorsqu’une demande
d’autorisation ou d’agrément est prévue par la loi, doivent être motivées : tel est le
cas par exemple, dans la loi du 7 août 1997 (B.O. 1997, p. 866) sur la poste et les
télécommunications où toutes les décisions de refus, qu’il s’agisse d’attribution de licence,
d’autorisation ou d’agrément, prévues par le texte doivent être motivées.
De même de nombreuses décisions que le Conseil de la concurrence est habilité à
prendre par la loi sur la liberté des prix et de la concurrence du 30 juin 2014 en matière
de lutte contre les pratiques anticoncurrentielles ou de concentration doivent être motivées.
La nécessité de renforcer la lutte contre les lenteurs des diverses administrations dont
dépendent la réalisation des investissements et la création d’entreprises est à l’origine de
la lettre Royale du 9 janvier 2002 (B.O. 2002, p. 51) qui donne naissance aux Centres
régionaux des investissements ; ceux-ci comportent un guichet chargé de la création
d’entreprise et un guichet chargé de l’aide aux investisseurs.
Ces organismes doivent préparer toutes les démarches administratives nécessaires et
préparer également les décisions administratives qui permettront la réalisation effective de
l’opération projetée ; naturellement ces centres régionaux sont placés sous l’autorité d’un haut
fonctionnaire du rang de directeur d’administration centrale. Enfin ce sont les Walis des chefs
lieux de région qui doivent être les destinataires des délégations de signature des décisions
administratives nécessaires que doivent effectuer à leur profit les administrations centrales ;
les arrêtés de délégation visés par le Chef du gouvernement sont publiés au Bulletin officiel.
Enfin une commission ministérielle, présidée par le Chef du gouvernement, devait suivre
le déroulement de l’expérience afin de lui apporter les correctifs et les extensions nécessaires.
L’obligation de motiver les décisions de refus devrait naturellement faciliter le contrôle
du juge.
Sur le plan juridique, la mise en œuvre des diverses techniques de contrôle ou
d’incitation des activités économiques pose la question de la vérification de la régularité des
décisions administratives prises sur la base d’un pouvoir généralement discrétionnaire ; toute
la question est de trouver les moyens juridictionnels d’éviter que les avantages prévus par
les textes ne soient accordés ou refusés pour des motifs étrangers a ceux que le législateur a
envisagés, ce qui peut aboutir à établir entre les candidats une discrimination injustifiée (11).
(11) Cf. en France : Delmas-Marsalet, « Le contrôle juridictionnel des interventions économiques de l’Etat », Etudes
et documents du Conseil d’Etat, 1970, n° 22, p. 133 ; Savy (R.), le Contrôle juridictionnel de la légalité des décisions
économiques de l’administration, A.J.D.A., 1972, p. 3.
414
La fonction d’orientation et d’incitation
Certes la Cour de Cassation n’a jusqu’alors été saisie que d’un très petit nombre
d’affaires en ce domaine ; mais les recours pourraient être plus nombreux dans l’avenir
en raison de l’accroissement considérable qu’ont connu ces dernières années les
pouvoirs d’intervention économique de l’administration et le développement de la
juridiction administrative. En outre l’article 118-2° de la Constitution a fait du recours
contre les décisions administratives qu’elles soient réglementaires ou individuelles un
droit constitutionnel ce qui ne peut qu’inciter les administrés à saisir le juge en cas de
méconnaissance de leurs droits.
Par ailleurs la Haute juridiction a indiqué depuis longtemps qu’elle entendait faire
respecter certains principes par l’administration ; elle a rappelé notamment que « l’autorité
investie d’un pouvoir de réglementation en matière économique est tenue de respecter dans
les mesures qu’elle édicte l’égalité de traitement entre les intéressés, (lequel principe) ne
saurait s’opposer à ce que des mesures particulières soient prises a l’égard des différentes
catégories d’entreprises dès lors que ces mesures sont conformes à l’objet même de la
réglementation instituée, et justifiées par son but » (C.S.A. 19/3/1962, Sté huilière annexe,
R., p. 37). Dans un arrêt du 3/7/1968, Syndicat national professionnel des agents généraux
d’assurances (non publié), elle indiquait que le principe d’égalité des citoyens devant les
charges publiques s’impose à l’autorité administrative dans la mesure du moins où les
destinataires des mesures administratives se trouvent dans une situation identique.
Le contrôle de la mise en œuvre de la réglementation des changes par l’Office des
changes a amené la haute juridiction à rappeler des principes qui pourraient servir de
base à l’établissement d’une jurisprudence permettant de canaliser en quelque sorte les
pouvoirs discrétionnaires des autorités administratives en matière économique ; si la Cour
estime illégal le fait pour l’Office des changes de se fonder exclusivement sur ses notes de
services et avis pour rejeter une demande d’autorisation de transfert parce qu’il ne dispose
pas du pouvoir réglementaire et si elle estime de la même façon que l’office ne saurait être
lié automatiquement par ces décisions, elle reconnaît implicitement son pouvoir de définir
la façon dont il entend exercer ses attributions ; les usagers de l’office peuvent ainsi trouver
dans les notes et avis de l’office les critères objectifs à partir desquels seront exercés les
pouvoirs de ce dernier ; une telle pratique pourrait se révéler fort utile pour tous ceux qui
sollicitent de l’administration l’attribution des multiples avantages financiers ou agréments
auxquels ont donné naissance les législations sur les investissements (12) et plus largement
celles qui organisent l’exercice de nombreuses activités économiques et sociales.
(12) C.S.A. Barbatos, 25/2/1968, et société Eléctras Maroquies, 29/1/1969, non publié. C’est dans un contexte identique
qu’a été imaginée en France la notion administrative, puis jurisprudentielle de “directive”, cf. C.E. 11/12/1970, Crédit
foncier de France, G.A.J.A., n° 84, 18e éd. p. 574.
415
Droit administratif marocain
Section III
Planification, régionalisation et aménagement du territoire (13)
(12 bis) M. El Yaagoubi : la Motivation des décisions administratives au Maroc (loi 03-01), Rabat 2011.
(13) Cf. Rousset (M.), Aménagement du territoire et régionalisation au Maroc, op. cit. loc. cit. ; « Une nouvelle étape
de la régionalisation au Maroc : le passé ne répond pas de l’avenir », Revue française d’administration publique, 1985,
p. 477 ; « Aménagement du territoire et construction régionale : une expérience d’adaptation de l’administration à
l’espace », in Edification d’un Etat moderne : le Maroc de Hassan II, A. Michel, 1986, p. 231.
Beguin (H.), l’Organisation de l’espace au Maroc, Académie des sciences d’outre-mer, Bruxelles, 1974, p. 787.
Claisse (A.), « Le plan au Maroc », R.J.P.E.M., n° 10, 1981, p. 51.
Raounak (A), Aménagement du territoire et développement régional, in Une décennie de réformes au Maroc (1999-
2009), (CEI dir.), Karthala, 2009, p. 167.
416
La fonction d’orientation et d’incitation
417
Droit administratif marocain
d’une analyse d’ensemble des besoins à satisfaire confrontés aux ressources disponibles,
confrontation dont on dégage des priorités. Par ailleurs, le caractère prévisionnel du plan
a pour conséquence pratiquement nécessaire, qui se révèle au cours de son exécution, un
décalage par rapport à la réalité ; des corrections sont donc indispensables pour réduire ce
décalage ou tout au moins pour en atténuer les effets.
Mais bien que sa portée apparaisse doublement limitée, le plan traduit par les directives
qu’il contient, la volonté de l’Etat d’indiquer les voies principales que doit emprunter le
développement. Le respect de cette volonté dépend, bien sûr, du caractère réaliste des
prévisions qui doivent s’appuyer sur une évaluation aussi exacte que possible des besoins
ainsi que des moyens.
Mais il dépend par voie de conséquence directe, de l’action permanente d’une
administration dont la tâche n’est pas seulement de participer à l’élaboration du plan, mais
aussi de suivre son exécution en proposant les diverses mesures et actions qui peuvent se
révéler nécessaires à la réalisation des objectifs proposés.
C. La planification telle qu’elle était conçue en 1957, était incontestablement
ambitieuse compte tenu des moyens disponibles : les services du plan ne disposaient
d’aucune information précise sur l’économie nationale, d’aucun appareil conceptuel,
d’aucune méthodologie et d’un nombre insignifiant de personnels qualifiés au regard de
l’immensité de la tâche qui devait être accomplie ; cependant des plans ont été conçus et
mis en œuvre avec des fortunes diverses : plan biennal (1958-1959), quinquennal (1960-
1964), triennal (1965-1967), quinquennal de nouveau (1968-1972 et 1973-1977) ; les
années 1978-1980 ont été couvertes par un plan triennal de transition et l’on est revenu
à un plan quinquennal pour la période 1981-1985. Une expérience s’est forgée à partir
des succès et des échecs rencontrés. C’est cette expérience qui a été mise à profit dans
le perfectionnement du processus de planification. De cette expérience nous retiendrons
trois enseignements essentiels : les responsables de la planification se sont rendus compte
que planifier supposait que l’on disposât de moyens (personnels, informations) et d’une
méthodologie adaptés au pays. A cet égard, la confrontation avec les experts d’autres pays
notamment dans le cadre de l’assistance technique a été hautement profitable.
En outre, l’expérience a montré que l’on ne pouvait maîtriser le développement du
pays qu’à la condition de prendre en considération l’ensemble de ses composantes tant
au niveau national que régional. A cet égard le bilan des plans mis en œuvre depuis 1960
a fait apparaître qu’il était parfois difficile de mener à bien les projets faute pour ceux-
ci d’avoir suffisamment tenu compte des données régionales ; de plus étant donné les
méthodes de planification centralisée utilisées, le plan ne semblait avoir que des effets
limités dans le domaine du développement régional ; les déséquilibres constatés entre les
diverses parties du territoire loin de s’atténuer semblaient s’accroître. Les responsables
418
La fonction d’orientation et d’incitation
(15) Sur tous ces points cf. Plan quinquennal 1968-1972, vol. 3, le Développement régional, introduction et p. 38 et
suiv. ; Plan quinquennal 1973-1977, vol. 3, Développement régional.
(16) Plan d’orientation pour le développement économique et social 1988-1992, ministère délégué auprès du Premier
ministre chargé du Plan, Direction de la planification, p. 11 et suiv.
419
Droit administratif marocain
(17) C’est la Direction de la programmation du ministère chargé de la Population (D. 26/12/1995, B.O. 1996, p. 17,
art. 10) qui était chargée de la préparation des programmes de développement économique et social intégré.
420
La fonction d’orientation et d’incitation
421
Droit administratif marocain
(18) L’importance de la documentation est véritablement capitale non seulement pour concevoir l’action administrative,
mais aussi pour assurer la formation des futurs administrateurs ; c’est pourquoi il est indispensable de confier la gestion
des centres de documentation des institutions de formation à des personnels qualifiés disposant des moyens modernes
notamment informatiques ce qui n’est pas toujours le cas.
422
La fonction d’orientation et d’incitation
(19) La nécessité de la poursuite de cet effort a été relevée dans le plan d’orientation 1988-1992, p. 234.
423
Droit administratif marocain
(20) Ces personnalités ont été nommées par dahir du 3 mai 2000 (B.O. 2000, p. 305).
424
La fonction d’orientation et d’incitation
(21) Laenser (M.), « De l’urbanisme à l’aménagement du territoire », mémoire de cycle supérieur, E.N.A.P., 1971.
(22) Aujourd’hui supprimé par le décret du 13/12/2001 créant le Conseil supérieur de l’aménagement du territoire.
425
Droit administratif marocain
aux travaux desquelles participent les gouverneurs, leurs collaborateurs et les chefs des
services extérieurs. La mise en place de cet appareil régional comportait de nombreuses
implications ; trois apparaissent essentielles :
En premier lieu, elle impliquait que les administrations techniques tiennent compte
dans l’organisation de leurs services extérieurs de la circonscription régionale qui avait été
créée ; si des efforts ont été réalisés en ce sens ils sont loin d’avoir atteint le niveau requis
pour que l’on puisse réellement parler d’une administration régionale.
En deuxième lieu, cette adaptation ne devait pas seulement concerner les structures ; elle
devait aussi entraîner la mise en place d’équipes de personnels hautement qualifiés ayant
une maîtrise incontestable des techniques administratives et de la méthodologie propre à la
planification et à l’aménagement de l’espace ; là encore beaucoup restait à faire ; mais on
peut faire état d’un élément extrêmement positif constitué par l’ouverture enfin effective
depuis 1981 de l’Institut national d’aménagement et d’urbanisme destiné à dispenser la
formation adéquate, nécessairement de type pluridisciplinaire, à des étudiants de troisième
cycle. L’Institut a été doté d’un statut par le décret du 27 mars 1991 (B.O. 1991, p. 148).
La création des seize régions en tant que collectivités décentralisées en 1997 a modifié
la carte régionale et les institutions régionales, comme les transformations liées à la mise
en œuvre de la régionalisation avancée en 2011-2014 non seulement n’ont pas modifié
la problématique de l’adaptation de l’administration aux exigences du développement
régional mais elles l’ont rendu encore plus impérative (23) ce que confirme d’ailleurs le
récent avis du CESE consacrés aux exigences de la régionalisation avancée et les défis de
l’’intégration des politiques sectorielles (B.O. 2016, p. 1170).
Les conseils régionaux doivent avoir pour interlocuteur des services administratifs
régionaux hautement qualifiés et dotés des compétences nécessaires. Enfin l’indispensable
unité de vue et d’action doit être recherchée en faisant du Wali du chef lieu de région,
l’autorité délégataire des pouvoirs ministériels déconcentrés lui permettant d’assurer de
façon permanente et efficace la coordination de l’action des services de l’Etat dans la
région et, en collaboration avec les institutions régionales, notamment le président du
conseil régional, la coordination de l’action de l’Etat et de la Région. C’est d’ailleurs ce
qu’a réalisé en partie la lettre royale du 9 janvier 2002 en créant les Centres régionaux des
investissements et en prévoyant la délégation du pouvoir de prendre un certain nombre de
décisions indispensables à leur réalisation aux Wali des chefs lieux de région.
(23) M. Rousset, « La nouvelle région marocaine : un espace de développement économique et politique », RFAP,
n° 84, 1997, p. 619.
« La déconcentration régionale au Maroc : une avancée significative », RJPIC n° 1, 2003, p. 83.
« La région pilote du développement régional », in la Régionalisation avancée (A.M. Benabdallah, dir.), Droit et
Stratégie des affaires au Maroc, n° 4, 2015, p. 3.
426
La fonction d’orientation et d’incitation
427
Droit administratif marocain
consultatives ont été invitées à faire connaître les orientations qualitatives qu’elles
retenaient pour assurer le développement régional (24).
Et c’est sur la base des travaux de ces différents organismes qu’ont été retenues les
grandes orientations du développement pour la période quinquennale 1987-1992.
Le plan a été soumis à la discussion du Conseil supérieur de la promotion nationale et
du plan, puis, après avoir été arrêté en conseil des ministres, il a été discuté et voté par la
Chambre des représentants en décembre 1987.
L’utilité et l’efficacité de la planification et de la politique de rééquilibrage du
développement, dont il est bien vrai les résultats, ne sont à la mesure ni des espérances ni
des nécessités, ont été souvent critiquées.
Mais ceci ne doit en aucun cas conduire à un abandon du plan qui, ainsi que cela a
été dit, doit constituer un guide pour l’ensemble des acteurs économiques et sociaux du
développement.
Mais ce guide sera d’autant plus utile que l’Etat et les autres collectivités publiques
respecteront les orientations qu’il contient.
Aujourd’hui comme hier, le rééquilibrage régional implique un renforcement des
moyens mis en œuvre pour assurer la réalisation les infrastructures et équipements sans
lesquels les entreprises privées ou publiques ne peuvent se décentraliser ; à cet égard, il
est clair aujourd’hui que les dispositions les plus libérales des codes d’investissements
sont à elles seules incapables de lutter efficacement contre l’attraction qu’exerce
traditionnellement l’axe littoral Kénitra-Rabat-Casablanca. L’élaboration d’un Schéma
d’Orientation de la Façade Atlantique préconisée par les auteurs du Schéma National
d’Aménagement du Territoire (SNAT) est en tout cas une nécessité pour maîtriser ce
développement et si possible l’harmoniser avec le développement des autres parties du
territoire national dans le cadre de la nouvelle régionalisation.
Il faut par ailleurs que l’élaboration des programmes d’équipement régionaux se
fasse sur la base d’une connaissance approfondie des réalités régionales et en suivant
un processus de coordination rigoureux des différents acteurs publics de l’équipement
du pays. Il faut donc impérativement poursuivre l’élaboration de ces guides de l’action
que sont les schémas de développement et d’aménagement régional dans le respect des
orientations du schéma national d’aménagement du territoire.
Naturellement ces instruments ne peuvent avoir d’utilité que s’ils sont connus et
respectés par toutes les administrations de l’Etat et par toutes les collectivités publiques :
toutes ont l’obligation d’élaborer un plan de développement économique et social et,
(24) Voir à ce sujet Droit administratif marocain, 4e éd., p. 306 et Plan d’orientation 1988-1992, p. 276 et suiv.
428
La fonction d’orientation et d’incitation
429
Droit administratif marocain
Enfin il faut indiquer qu’un décret du 13 décembre 2001 avait créé un conseil supérieur
de l’aménagement du territoire sous la présidence du Premier ministre (B.O. 2001, p. 1495)
dont le rôle devait être particulièrement important cet égard. L’achèvement des études du
schéma national devait permettre la mise en route de l’élaboration des schémas régionaux.
E. Les perspectives
La publication du SNAT en 2003 est une étape importante dans la méthodologie
de l’aménagement du territoire (28). Le diagnostique qu’il contient fortement étayé
par l’analyse des réalités du développement du territoire national et des déséquilibres
régionaux, comme les orientations qu’il suggère, ne peuvent laisser indifférent même si
ces orientations peuvent être discutées. En tous cas, ainsi qu’on l’a vu, il est désormais
essentiel que les responsables centraux relayés au niveau des nouvelles régions, soient des
partenaires des autorités régionales et spécialement des présidents de régions pour assurer
la cohérence des actions de développement relevant de leur responsabilité.
Une nouvelle organisation de l’administration chargée de l’aménagement du territoire
a vu le jour avec le décret du 8 août 2014 (B.O. 2015, p. 620) qui détermine les
attributions et l’organisation du ministère de l’urbanisme et de l’aménagement du territoire
national. Deux directions de ce département sont importantes à cet égard : la direction de
l’aménagement du territoire et la direction d’appui au développement territorial.
La première a pour mission « de concevoir une vision prospective du territoire à
l’échelon nationale et régional », de veiller à la répartition équilibrée de la population, des
activités et des ressources sur l’ensemble du territoire national en fonction des potentialités
des diverses régions et de favoriser les initiatives, la compétitivité tout en assurant la
promotion de la solidarité et la complémentarité des territoires.
La seconde a pour mission la mise en œuvre de la politique d’aménagement du territoire
à l’échelle régionale ; elle doit contribuer à l’exécution et l’évaluation des stratégies et
des projets territoriaux en coordination avec les départements ministériels concernés
spécialement l’agriculture et les pêches maritimes et les régions concernées. Elle doit aussi
contribuer à l’élaboration de la politique gouvernementale de développement rural dans le
(28) Le SNAT a été rendu public à la suite d’un débat national sur l’aménagement du territoire et l’élaboration d’une
Charte nationale d’aménagement du territoire. Une synthèse du SNAT a été publiée en 2003 avec une préface du
ministre El Yazghi qui définit le SNAT « comme un document indicatif et non prescriptif ». Sur cette base il devient
possible « d’aborder la phase des schémas régionaux qui va constituer une étape nouvelle et donner corps aux notions
de déconcentration, de décentralisation et de démocratisation que le Maroc a résolument choisies comme bases
fondatrices de son projet de développement ». Ces propos sont entièrement compatibles avec les mise en œuvre de la
régionalisation avancée.
430
La fonction d’orientation et d’incitation
(29) Abdelhadi Raounak ; Aménagement du territoire et développement régional, in Une décennie de réformes au
Maroc, 1999-2009, (CEI. dir.) Karthala, 2010, p. 167.
431
Titre III
Les moyens d’action de l’administration
Les autorités administratives ont à leur disposition trois sortes de moyens pour
accomplir leur mission ; ce sont tout d’abord des moyens juridiques constitués par !es
différents actes juridiques dont l’administration prend l’initiative. Ces actes sont soit des
décisions unilatérales, soit des contrats. Par delà la diversité de leur nature et de leur
régime, ces actes aboutissent à la création d’un réseau de relations juridiques qui unit
l’administration aux administrés (chap. I).
Mais dans son action quotidienne, l’administration utilise également des personnels
dont les fonctionnaires constituent la catégorie la plus caractéristique (chap. II). Enfin, les
collectivités publiques ont un patrimoine, ensemble de biens mobiliers et immobiliers dont
la disposition est indispensable à leur action (chap. III).
Ces différents moyens de l’action administrative font dans leur ensemble l’objet d’une
réglementation particulière caractérisée par le fait qu’elle tend à garantir le service de
l’intérêt général par les autorités administratives qui les utilisent. Il reste toutefois que dans
une proportion variable, mais parfois assez large, ces moyens de l’action administrative
demeurent soumis à un régime juridique de droit commun.
Chapitre premier
Les actes de l’administration
Introduction
Lorsque l’on parle des actes de l’administration, on utilise une expression qui recouvre
en réalité deux choses différentes : les actes matériels et les actes juridiques.
L’importance des premiers est évidemment essentielle puisque c’est par eux que les
projets de l’administration s’inscrivent dans les faits. Mais ces actes et opérations matériels
n’ont pas pour effet direct de transformer l’ordre juridique, et c’est ce qui les distingue
fondamentalement des manifestations de volonté de l’autorité administrative dont ils ne
sont que des éléments préparatoires, ou dont ils sont la concrétisation.
Une présentation juridique des actes de l’administration ne peut donc prendre
en considération que la deuxième catégorie d’actes, les actes juridiques par lesquels
s’expriment les volontés de l’administration.
Toutefois, les actes juridiques de l’administration ne constituent pas une catégorie
homogène ; on peut en effet les analyser à trois points de vue différents : d’après leur
contenu, leur régime juridique et leur forme.
Section I
L’acte unilatéral (1)
(1) El Yaâgoubi, « La décision administrative au Maroc entre la théorie et la réalité », in Droit et pratique au Maroc,
Université Sidi Mohammed Ben Abdellah, Fès, 1994, p. 111.
La motivation des décisions administratives au Maroc, la loi 03-01, Rabat, 2011.
Kamal El Alam : « Evolution de la dimension unilatérale de l’acte administratif », REMALD, n° 125, 2015, p. 111.
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Droit administratif marocain
administrés et que la finalité qui est assignée à l’exercice de ces pouvoirs est constituée
par l’intérêt général.
On peut dire que la protection de l’intérêt général et la protection des administrés sont
les deux idées maîtresses qui sont au fondement du régime juridique de l’acte unilatéral
et qui sont ainsi à la fois garantie d’ordre et garantie de liberté. C’est ce dont on peut se
persuader en étudiant l’élaboration de l’acte unilatéral, ses effets et sa disparition.
1. Nature de la compétence
La compétence en droit public est un pouvoir d’action juridique attribué aux autorités
administratives par une règle de droit qui varie selon les différentes autorités.
Les règles de compétence les plus importantes sont fixées par la Constitution s’agissant
de la compétence des autorités gouvernementales et du principe de base de la compétence
des collectivités décentralisées par exemple. Les autres règles de compétence sont inscrites
dans les lois et les règlements.
L’attribution d’une compétence à une autorité administrative n’a pas pour effet de
lui donner un droit subjectif dont elle pourrait disposer, mais seulement de l’investir
d’un pouvoir légal, d’une fonction publique qu’elle doit exercer personnellement. Tant
qu’elle n’est pas régulièrement habilitée à agir, l’autorité administrative ne peut exercer
sa compétence et le vice d’incompétence qui affecte ses décisions ne peut être couvert
par une ratification ultérieure : C.S.A. 3/11/1965, Lihbi Ahmed, R., p. 312. L’autorité
compétente ne peut donc pas disposer de sa propre compétence car celle-ci est d’ordre
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(2) En qualité de Chef suprême des Forces armées royales, le Roi exerce depuis la suppression du ministère de la
Défense nationale, les attributions correspondantes. Il a cependant donné délégation de pouvoir au Premier ministre
afin de permettre à ce dernier de prendre les mesures nécessaires à l’Administration de la défense nationale : Dh. du
29/9/1999, B.O. 1999, p. 856. Aujourd’hui c’est le Chef du gouvernement qui est le destinataire de cette délégation de
pouvoir qu’il exerce par l’intermédiaire d’un ministre délégué auprès de lui.
(3) Les délégations de signature et de pouvoir que peuvent recevoir les secrétaires d’Etat sont aujourd’hui prévues
et organisées par un texte spécifique : le dahir du 13 décembre 1980 (B.O. 1981, p. 2). Les délégations qui leur sont
consenties par arrêté ministériel doivent être visées par le Chef du gouvernement. Les ministres délégués peuvent
également recevoir délégation dans les conditions définies par le dahir du 29 mai 1998, B.O. 1998, p. 281.
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Droit administratif marocain
tentative n’a pas abouti, mais on trouve dans le projet la trace de ce qu’est la pratique
administrative dans la généralité des cas (4).
L’acte est normalement écrit bien qu’exceptionnellement il puisse être verbal, tels les
ordres donnés par les agents chargés de la circulation ; il doit être daté et signé ce qui
permet à la fois son authentification, l’identification de son auteur et, ainsi, la vérification
du respect des règles de compétence.
Cependant, le développement des technologies modernes, enregistrement des
délibérations des assemblées, transmission des décisions par télex, par fax,et aujourd’hui
par informatique a de nombreuses conséquences, par exemple en matière de publicité des
décisions, ou en matière de preuve de leur existence et de la connaissance acquise.
Pendant longtemps la décision n’avait pas à comporter l’énoncé de ses motifs en
raison d’un principe de non motivation qui était de plus en plus difficile à justifier
rationnellement ; c’est pourquoi les textes ou le juge imposaient à l’auteur de la décision
l’obligation de faire figurer expressément le motif dans le corps même de celle-ci ;
l’exemple le plus spectaculaire avait été donné par la Décision Royale du 14 juin 1989
en vertu de laquelle le refus d’agrément d’un investissement industriel doit être motivé ;
la motivation est sans doute une exigence rationnelle, mais c’est aussi une garantie contre
l’arbitraire ; c’est pourquoi le juge l’exigeait dès lors que l’administration prenait une
décision de sanction : CSA, 20 novembre 1988, gouverneur de Fès c/Société marocaine de
transport rural ; le refus de communiquer les motifs était d’ailleurs considéré comme une
présomption d’inexistence ou d’irrégularité de ceux-ci.
La pratique législative s’était également orientée vers l’exigence systématique de la
motivation dès lors que l’administration disposait du pouvoir d’accorder un avantage
quelconque ou de le refuser ; les exemples peu nombreux que l’on pouvait mentionner
il y a une dizaine d’années (5), se sont ensuite multipliés, qu’il s’agisse de la loi du
7 août 1997 (B.O. 1997, p. 866) relative à la poste et aux télécommunications, de la loi du
(4) En France, après plusieurs tentatives avortées, la réalisation de la codification de la procédure administrative non
contentieuse a finalement abouti à la rédaction d’un Code des relations entre le public et l’administration (CRPA)
publié au J.O. du 25 octobre 2015. Ce code fait l’objet d’un dossier, « La lex généralis des relations entre le public
et l’administration », réalisé par G. Eveillard : « La codification du retrait et de l’abrogation des actes administratifs
unilatéraux » ; B.Seiller : « Le règlement des différends avec l’Administration, et F. Melleray : « Les apports du CRPA à
la théorie de l’acte unilatéral », AJDA, n° 44, 2015, p. 2473 et s.
(5) Cf. par exemple l’art. 12, 3e du dahir portant loi du 20/9/1976 (B.O. 1976, p. 1026) qui impose au ministre de
l’Agriculture l’obligation de motiver le refus de visa de certaines délibérations du conseil communal en matière
forestière.
En France, une loi du 11 juillet 1979 a rendu obligatoire la motivation des mesures individuelles dérogatoires aux lois
et règlements et de celles qui sont défavorables à leur destinataire (atteinte à un droit ou une liberté, mesure de police,
sanction, etc.).Et au Maroc c’est la loi 03-01 du 23 juillet 2002 (BO. 2002, p. 882), qui impose désormais l’obligation
de motiver à toute une série de décisions prises par les personnes publiques : M. El Yaâgoubi, op. cit.
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Les actes de l’administration
26 janvier 1995 (B.O. 1995, p. 117) relative aux zones franches d’exportation, ou encore
de la loi du 5 juin 2000 (B.O. 2000, p. 645) sur la liberté du commerce et des prix et
également de la loi sur l’eau du 16 août 1995 (B.O. 1995, p. 626).
Enfin la loi 03-01 du 23 juillet 2002 (BO. 2002, p. 882) a rendu obligatoire la
motivation de toute une série de décisions individuelles à peine d’illégalité.
Naturellement tout ceci ne vaut que pour les décisions expresses ; or il existe une
catégorie, peu nombreuse il est vrai mais bien réelle, constituée par les décisions implicites ;
les plus connues sont les décisions implicites de rejet qui sont acquises lorsqu’au bout d’un
certain délai l’autorité administrative n’a pas répondu soit à une demande initiale, soit à
un recours administratif. Plus rares, mais plus intéressantes, sont les décisions implicites
positives qui accordent au demandeur ce qu’il réclame dès lors que l’administration ne lui
a pas répondu dans un certain délai ; l’art. 15-3e du dahir du 30 juillet 1952 sur l’urbanisme
prévoyait que le permis de bâtir serait accordé en cas de silence de l’autorité compétente
dans le délai de deux mois de la demande ; la loi votée le 12 juillet 1991 modifiant le dahir
de 1952 comporte d’ailleurs une disposition identique ; par ailleurs la Décision Royale
relative aux investissements avait également prévu que l’agrément de l’investissement
serait acquis à l’expiration d’un délai de deux mois à compter du dépôt de la demande dès
lors que l’autorité administrative n’aurait pas répondu.
Et de la même façon que pour la motivation, on constate une tendance des législations
récentes à prévoir l’acquisition du bénéfice de leurs dispositions lorsque l’administration
a gardé le silence pendant un certain délai de façon à surmonter l’obstacle de l’inertie
administrative : c’est le cas par exemple de l’art. 80 de la loi sur l’eau précitée, qui dispose
qu’au bout de soixante jours à compter du dépôt de la demande d’utilisation de l’eau à des
fins d’irrigation de propriétés agricoles, celle-ci est réputée accordée ; l’article 12 de la loi
sur les zones franches d’exportation dispose que la demande d’autorisation présentée par
une entreprise est acceptée au cas de silence de l’administration à l’expiration d’un délai
de trente jours à compter de la demande justifiée par un récépissé de celle-ci.
La même formule d’acceptation implicite est prévue par l’article 9 de la même loi
s’agissant de la demande d’approbation des plans relatifs à l’aménagement des zones
franches, ou bien encore par l’article 14-2 de la loi relative à l’exploitation des carrières
en ce qui concerne l’autorisation d’exploitation à l’expiration d’un délai de soixante jours
à compter du dépôt de la demande d’autorisation (loi du 13 juin 2002, B.O. 2002, p. 908).
Aujourd’hui la nouvelle loi sur l’exploitation des carrières n’exige plus qu’une déclaration
préalable d’ouverture et d’exploitation auprès de l’administration qui en délivre récépissé.
Cette déclaration qui doit comporter un certain nombre d’indications doit être accompagnée
d’un cahier des charges. Mais le récépissé est délivré dans les soixante jours ou les trente
jours du dépôt de la déclaration selon le cas et il prend effet à compter de la date de sa
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Droit administratif marocain
(6) C.S.A. 5/7/1987 : Sté immobilière Zimani c/Préfecture de Casablanca, Revue de la magistrature, novembre 1987,
p. 104.
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Les actes de l’administration
locale de la zone franche (art. 11-4 de la loi 19-94 du 26 janvier 1995 (précitée). Les
décisions que pouvait prendre le ministre des Finances sur la base de la loi du 6 juillet 1993
(B.O. 1993, p. 333) relative à l’exercice de l’activité des établissements de crédit ne
pouvaient l’être que sur avis conforme du Comité des établissements de crédit (art. 20-23
et 25 de la loi).Cependant le texte de la loi bancaire du 24 décembre 2014 (B.O. 2015,
p. 978) exige seulement de la part du Wali de Bank Al Maghrib qu’il demande l’avis du
Comité des établissements de crédit pour la délivrance de l’agrément d’un établissement
(art .34-1) et l’avis de la Commission de discipline des établissements de crédit pour le
retrait de celui-ci (art. 52). Le président de l’Autorité Marocaine des Marchés de Capitaux
ne peut prononcer les sanctions disciplinaires prévues par la loi 43-12 du 13 mars 2014
que sur avis conforme du collège des sanctions (art. 8 et 19 de la loi).
Dans ces divers cas, la consultation tend à assurer une protection des droits du
destinataire de la décision. Mais il peut arriver que la consultation soit destinée à assurer
une protection renforcée de l’intérêt général ; c’est ainsi que doit être interprétée, en l’état
actuel des choses, l’obligation imposée au président du conseil municipal d’obtenir l’avis
conforme du directeur de l’agence urbaine pour délivrer le permis de construire dans les
localités qui entrent dans le ressort territorial des agences urbaines (art. 3-4e du dahir
portant loi créant l’Agence urbaine de Casablanca, B.O. 1984, p. 424 ; la solution est la
même en ce qui concerne les agences urbaines de Fès et d’Agadir. L’article 237 de la loi
organique relative à la commune exige du président de l’arrondissement qu’il se conforme
à tous les avis obligatoires et notamment à ceux de l’agence urbaine lorsqu’il délivre les
permis de construire.
L’article 1-4 de la loi du 12 mai 2003 sur l’environnement (B.O. 2003, p. 507) dispose
que l’autorité gouvernementale chargée de l’environnement ne peut prendre sa décision
d’acceptabilité environnementale qu’en conformité avec l’avis du Comité national ou des
comités régionaux d’études d’impact sur l’environnement attestant de la faisabilité du
point de vue environnemental du projet soumis à l’étude d’impact
Enfin, la consultation a fréquemment pour but de permettre une meilleure coordination
de l’action administrative. L’autorité compétente peut ainsi disposer de tous les éléments
qu’il est nécessaire de prendre en considération pour l’élaboration de la décision. La
Cour Suprême décide cependant que l’acte ne doit pas nécessairement mentionner qu’il
a été procédé à la consultation prévue (C.S.A. 22/1/1962, Sté Atlas Bank c/ministre des
Finances, R., p. 28 : si le ministre des Finances est tenu de consulter le comité des banques
sur la demande d’agrément présentée par une banque, aucune disposition législative
ou réglementaire ne lui impose de viser expressément l’avis de cet organisme). Cette
décision est peut être regrettable dans la mesure où elle est de nature à inciter l’autorité
administrative à se dispenser des consultations imposées, et en tout cas elle fait obstacle
à la transparence de la procédure de prise des décisions. La procédure doit revêtir un
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Droit administratif marocain
caractère contradictoire chaque fois que la mesure s’analyse en une sanction, et l’on se
trouve là en présence d’un principe général du droit applicable même si aucun texte ne le
prévoit (C.S.A. 22/4/1963, Sté d’expertises et de visites techniques, R., p 137).
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Les actes de l’administration
dans les journaux, faire l’objet d’un affichage ou être porté à la connaissance des intéressés
par voie de criée.
Les actes individuels doivent être notifiés c’est-à-dire portés à la connaissance
personnelle de leurs destinataires.
Parfois les textes imposent la double formalité de la publication et de la notification ;
les nominations et promotions des fonctionnaires doivent être notifiées et publiées au
Bulletin officiel (art. 25 du Dh. du 24/2/1958). Dans ce cas c’est cependant seulement la
notification qui rend la décision opposable à son destinataire. La publication n’a pour but
que d’informer les tiers (C.S.A. 19/2/1962, Abdessadek Ben Mohammed El Khatabi, non
publié).
Malgré l’obligation de la notification on peut penser que l’autorité administrative peut
en être dispensée par la seule publication lorsque l’acte vise une catégorie très nombreuse
de destinataires, ou si les destinataires ne sont pas connus. Ainsi l’arrêté de cessibilité qui
dans la procédure d’expropriation, individualise la déclaration d’utilité publique est publié.
La notification n’est prescrite que de façon subsidiaire parce que les propriétaires des
immeubles qui ne sont pas toujours immatriculés ne sont pas connus de l’administration
(art. 8 du Dh. du 3/4/1951, Code foncier, p. 508, et art. 10 et 13 de la loi du 6 mai 1982,
B.O. 1982, p. 390).
Il en est de même pour les décrets fixant pour chaque immeuble la date d’ouverture des
opérations de l’enquête préalable à la délimitation du domaine de l’Etat (art. 3 du Dh. du
3/1/1916, Code foncier, p. 133).
A plus forte raison, les actes collectifs qui visent abstraitement une catégorie d’individus
que l’on pourrait théoriquement identifier n’ont pas à être notifiés : leur publication est
suffisante. A défaut de publicité, l’acte reste sans doute valable, mais il ne peut être
opposé à ses destinataires (cf. C.S.A. 3/7/1968, Syndicat national professionnel des agents
généraux d’assurances, non publié). De manière symétriquement inverse, les destinataires
des actes non publiés ne doivent pas pouvoir s’en prévaloir. Cependant, on peut admettre
dans un souci de libéralisme, que le destinataire d’un acte individuel lui accordant un droit
peut en invoquer le bénéfice bien qu’il ne lui ait pas été notifié ; on voit tout l’intérêt qu’il
peut y avoir à admettre cette solution pour le bénéficiaire d’une décision lui accordant un
avantage financier ou pour le fonctionnaire qui fait l’objet d’une promotion.
La Cour suprême admet de la même manière, que le bénéficiaire d’une mesure
réglementaire puisse se prévaloir des avantages qu’elle lui accorde, bien qu’elle n’ait
pas été publiée : la mesure présentant un caractère exécutoire oblige l’administration qui
en est l’auteur à la respecter (C.S.A. 18/7/1962, Vitalis, R., p. 179). En revanche, si la
mesure comporte une obligation pour ses destinataires, le juge la considère inopposable
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Droit administratif marocain
tant qu’elle n’a pas été publiée (C.S.A. 10/11/1960, Cie fermière des sources minérales
Oulmès, R., p. 146) (7).
La Cour suprême a tiré une conséquence remarquable de la publication d’un projet
de décret relatif à la cessibilité de parcelles visées par une déclaration d’utilité publique ;
ce projet était accompagné d’un avis indiquant que la date de cette publication faisait
courir les délais pour faire connaître les propriétaires et autres détenteurs de droits réels
conformément aux dispositions de l’art. 11 du dahir du 6 mai 1982 sur l’expropriation. La
Cour suprême décide que cette publication donne un effet juridique à ce projet « qui est de
nature à porter atteinte aux droits individuels… » et qu’ainsi le recours en annulation pour
excès de pouvoir est recevable (C.S.A. n° 212 du 29 juin 1989, Al Mgad Mohamed Ben
Hassan c/Premier ministre).
Enfin de façon logique, l’autorité administrative, qui n’ignore pas ses propres actes, ne
doit pas pouvoir les retirer ou les modifier avant qu’ils aient fait l’objet d’une publicité
régulière, en dehors des cas, évidemment, où le retrait ou la modification de la décision
est possible légalement.
(7) S’agissant des traités, elle exige la publication, quel que puisse être le contenu de leurs dispositions : C.S.A.
29/7/1965, Allibert, R., p. 215.
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Les actes de l’administration
est de nature à lui porter préjudice (8). C’est la possible rétroactivité de ce que l’on appelle
la « lex melior», la loi plus douce.
(8) M.A. Benabdallah, « Le conseil constitutionnel et le principe de non rétroactivité des lois », REMALD, n° 43,
2002, p. 99.
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Droit administratif marocain
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Les actes de l’administration
2. L’exécution forcée
Il s’agit du deuxième privilège de l’administration ; celle-ci peut obliger par la
contrainte l’administré récalcitrant à exécuter les prescriptions contenues dans un acte
administratif.
L’exécution forcée est un privilège exorbitant parce qu’à la différence des particuliers,
l’administration n’a pas l’obligation de s’adresser au juge pour faire constater l’existence
de ses droits, ni pour les faire respecter.
Cependant si l’existence de ce privilège est d’une nécessité pratique évidente parce
qu’il faut bien que les décisions de l’administration soient respectées, on conçoit qu’en
raison du conflit aigu qu’il engendre entre le pouvoir administratif et les individus, il soit
cantonné dans un domaine aussi limité que possible. Les rapports de l’administration et
des administrés doivent autant que possible se dérouler dans un climat de paix par rapport
auquel le recours à la contrainte doit faire figure de moyen tout à fait exceptionnel ; c’est
dans cette perspective générale que doit être replacé le privilège de l’exécution forcée.
Il faut ici évoquer en raison de son importance pour la théorie de l’exécution forcée
une décision de principe rendue en France par le tribunal des conflits sur les conclusions
du commissaire du gouvernement Romieu et dont les solutions sont parfaitement
transposables au Maroc (T.C. 2/12/1902, Sté immobilière de St-Just, les Grands arrêts
de la jurisprudence administrative, n° 10, 18e éd., 2011, p. 61). Des conclusions du
commissaire du gouvernement et de la jurisprudence postérieure se dégagent deux idées
essentielles : l’exécution forcée n’est justifiée que si l’administration ne dispose d’aucune
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Droit administratif marocain
voie de droit pour parvenir à faire respecter ses décisions ; lorsque l’exécution forcée est
possible elle doit être utilisée dans certaines conditions pour être légitime.
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Les actes de l’administration
(10) La Haute juridiction justifie sa décision en invoquant le statut des forces auxiliaires qui sont “soumises au régime
militaire” alors qu’à l’évidence l’occupation d’un logement à l’intérieur de la caserne ne concerne en rien le régime
militaire qui ne touche que l’exercice par les forces auxiliaires de leur mission de maintien de l’ordre public !
C’est d’ailleurs ce qu’avait parfaitement aperçu le tribunal de Première instance de Casablanca qui jugeait, il y a plus
de cinquante ans, qu’un bâtiment affecté au logement des militaires était exclu du domaine public militaire parce que,
« bien que situé à l’intérieur d’une caserne, il est, en réalité, désaffecté du service public militaire au sens strict », T.I.
de Casablanca, Menson c/Commandant supérieur des troupes au Maroc, 6/6/1950, GTM, 1950, p. 179.
(11) La Cour suprême constate que les taxes de transhumance n’ont pas le caractère de taxes municipales ; elle en
déduit que les autorités administratives ne peuvent user des modes de poursuite et de contrainte applicables en matière
d’impôts et de créances municipales pour recouvrer de telles taxes.
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Droit administratif marocain
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Les actes de l’administration
juridique ne doit pas porter atteinte aux droits que les administrés ont pu régulièrement
acquérir sur la base des décisions antérieures ; la jurisprudence est donc amenée à tenter la
conciliation de ces divers principes.
Section II
Les contrats (12)
(12) Ragala (A.), « Contribution à l’étude des marchés de l’Etat au Maroc », thèse de droit, Grenoble, 1983 (dactyl.).
« Nouveau code des marchés publics », dahir du 20 mars 2013, et textes d’application, REMALD, coll. Textes
juridiques actualisés, n° 65, 2013.
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Droit administratif marocain
dans toutes les formations qui conduisent aux carrières de la fonction publique nationale
ou territoriale.
Le procédé contractuel constitue la deuxième manifestation de l’activité juridique de
l’administration ; on a vu que c’est par contrat que les collectivités publiques se procurent
habituellement les biens et les services dont elles ont besoin pour accomplir leur mission.
Sans doute disposent-elles de procédés autoritaires qui leur permettent d’atteindre le
même résultat ; c’est par exemple le droit d’exproprier ou le droit de réquisition ; mais
l’utilisation de ces procédés est limitée à des cas précis et soumise à des conditions
particulières, de telle sorte que le mode d’acquisition normal des biens et des services reste
le mode contractuel.
Cependant, les contrats que passe l’administration, bien qu’ils reposent fondamentalement
sur un accord de volonté, ce qui les rapproche des contrats conclus par les particuliers,
s’en distinguent d’une façon plus ou moins poussée.
En premier lieu, tous les contrats passés par les collectivités publiques sont soumis
à certaines règles particulières concernant notamment leurs conditions de formation et
destinées à protéger les intérêts des collectivités non seulement contre les cocontractants,
mais aussi contre leurs propres agents. Ces règles ont également pour but de protéger les
tiers.
En deuxième lieu, les contrats passés par l’administration comportent une catégorie
particulière, les contrats administratifs, dont le régime juridique est caractérisé par le fait
qu’il consacre le principe de la supériorité de la volonté de l’administration, alors que
le droit commun des contrats repose sur celui de l’égalité que traduit l’autonomie de la
volonté.
Si le régime juridique applicable aux contrats administratifs est ainsi exorbitant, cela
résulte de ce que ces contrats présentent un caractère essentiel pour le fonctionnement des
services publics par leur objet (et) ou par leur importance financière.
Il est donc important de distinguer parmi les contrats passés par l’administration, les
contrats administratifs et les contrats privés, puisque le droit applicable à chacune de ces
deux catégories est différent ; les contrats privés sont très largement régis par le droit
commun contenu dans le dahir sur les obligations et les contrats, tandis que les contrats
administratifs sont soumis à des règles particulières d’origine législative, réglementaire ou
jurisprudentielle qui sont celles du droit administratif.
Mais la nécessité de distinguer les deux catégories de contrats est d’autant plus
impérieuse que depuis l’institution des tribunaux administratifs ce sont eux qui sont
compétents pour statuer sur les litiges relatifs aux contrats administratifs tandis que les
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Les actes de l’administration
juridictions ordinaires demeurent compétentes pour tout ce qui concerne les contrats privés
passés par les administrations.
On étudiera donc d’abord les conditions dans lesquelles peuvent être identifiés les
contrats administratifs avant d’analyser les règles qui concernent la formation de ces
contrats, leur exécution et leur contentieux.
(13) M.A. Benabdallah, « Du critère du contrat administratif », REMALD, n° 18, 1997, p. 9, le Contentieux
contractuel, indépendance nationale et système juridique au Maroc, Éd. la Porte et PUG, 2000, p. 189 ; Yahia (M.)
Abonnement au téléphone et contrat administratif, RMARC, n° 2, 2004, p. 61.
(14) Le fait que le code de procédure civile de 1974 n’utilisait plus l’expression “matière administrative” pour
caractériser la compétence des tribunaux de Première instance ne nous semble pas avoir la signification que lui prête
M.A. Benabdallah (REMALD, n° 18, 1997, p. 11) car l’article 18 de ce code dispose que « les tribunaux de Première
instance connaissent de toutes les affaires […] administratives […] ».
Que pourraient bien être ces affaires administratives pour le juge de 1974 sinon celles qui, depuis plus d’un demi
siècle, relevaient de la matière administrative ? Ces deux expressions sont substantiellement identiques.
457
Droit administratif marocain
prononcée sur la nécessité de la présence d’une personne publique partie au contrat ou, à
tout le moins, d’une personne privée agissant comme mandataire de celle-ci.
Aujourd’hui la jurisprudence des nouveaux tribunaux administratifs et les décisions de
la Cour suprême ont dans l’ensemble confirmé cette approche traditionnelle du critère du
contrat administratif en lui apportant toutefois quelques précisions.
Si certaines décisions des tribunaux administratifs semblent exiger la réunion des trois
conditions, présence d’une personne publique, lien étroit avec le service public et clause
exorbitante (TA. d’Agadir, 19 octobre 1995, Bouarsa, REMALD, série “Thèmes actuels”
n° 9, p. 169 et concl. du Commissaire royal p. 174), ceci ne correspond pas à la tendance
qui s’exprime dans les décisions des autres tribunaux et surtout dans les décisions rendues
en la matière par la Cour suprême (15).
C’est ce que nous vérifierons en rappelant que dès lors qu’une personne publique, ou
une personne privée mandataire de cette dernière, se trouve partie au contrat, celui-ci sera
administratif si telle est la volonté expresse de l’administration, ou si sa nature découle de
l’objet du contrat ou des clauses qu’il comporte.
(15) Sur la façon dont le problème se pose en France, cf. J. Rivero et J. Waline, Droit administratif, Dalloz, 20e éd.
2004, p. 369 et s. Toutefois on assiste à un revirement de la jurisprudence du Tribunal des Conflits et à un renforcement
du critère organique dans une décision du 9 mars 2015 Mme Rispal c/ Sté. Des autoroutes du Sud de la France,
Chronique J. Lessi et L. Duteillet de Lamothe, Fin d’un splendide isolement : l’abandon de la jurisprudence Entreprise
Peyrot, AJDA, n° 12, 2015 p. 1204.
458
Les actes de l’administration
matière administrative ». Sur la base de ce texte la Cour suprême a décidé, par exemple,
qu’un marché de travaux publics « fait partie des contrats administratifs par détermination
de la loi » (CSA 20/2/1996, Agent judiciaire c/Fabiane).
Toutefois cette formule a disparu du nouveau CCAG des marchés de travaux
(D. 4 mai 2000, B.O. 2000, p. 418) dont l’article 73 se borne à prévoir que ces litiges
“seront soumis aux tribunaux compétents”, laissant ainsi au juge le soin de statuer sur sa
compétence après avoir déterminé la nature du marché.
Le plus souvent en pratique, les intentions de l’administration n’apparaissent pas
clairement et le juge doit alors rechercher des indices permettant de présumer cette volonté
ou d’établir sur une base objective la nature du contrat ; c’est à cette démarche, somme
toute empirique, que se livre le juge en examinant, en fonction du contexte du litige,
l’objet du contrat ou (et) ses clauses.
459
Droit administratif marocain
460
Les actes de l’administration
Dans l’affaire Sté. nationale de la Baie de Tanger, après avoir constaté que la société
avait été chargée de la gestion d’un service public, la Haute juridiction estime que le
contrat litigieux comporte des dispositions « inhabituelles dans les contrats de droit
privé dans la mesure où elles entraînent un déséquilibre entre les obligations de chacune
des deux parties » (CSA 12 octobre 1995, Revue de jurisprudence de la Cour suprême,
n° 49-50, p. 9).
Dans une autre décision elle estime toutefois que la seule présence de la clause
exorbitante n’est pas déterminante et que le contrat doit être en relation avec la gestion
du service public : CSA 21/9/1995, Boulfarouj, Recueil des principaux arrêts de la Cour
suprême (en arabe) p. 325.
Mais cela résulte de ce qu’en fait, la présence de la clause exorbitante coexiste toujours
avec une relation directe au service public.
461
Droit administratif marocain
(16) « La réforme des marchés publics », REMALD, coll. Thèmes actuels, n° 19.
(17) Cet alignement de la réglementation est contesté par A. Ragala Ouazzani, « Problème de la discordance entre le
droit communal et le droit des marchés publics », REMALD, n° 35, 2000, p. 75. Il semble d’ailleurs que les auteurs
du décret de 2013 aient tenu compte de la situation des collectivités territoriales ; l’article 130 du décret dispose que
leurs marchés « sont soumis aux dispositions du présent décret sous réserve des dispositions particulières su présent
chapitre ». Il s’agit du chapitre VI.
462
Les actes de l’administration
(18) Ces marchés représentaient des sommes très importantes, environ vingt huit milliards de dirhams en 2000 ; leur
exclusion du champ d’application du décret a été déploré par les représentants de la Fédération du bâtiment et des
travaux publics. Aujourd’hui ils sont soumis à la nouvelle réglementation du décret de 2013.
(19) Cette note a été reproduite dans la nouvelle réglementation des marchés publics, REMALD, coll. Textes et
documents.
(20) Ourzik (A.), « Problématique de la modernisation des marchés publics », in la Modernisation de l’Administration,
3e colloque de l’Association des administrateurs du ministère des Travaux publics, 1991, p. 110 ; Kane (O.), « Marchés
publics et développement », REMALD, n° 35, 2000, p. 87.
463
Droit administratif marocain
intègre désormais les marchés des établissements publics, du moins ceux qui figurent
sur une liste établie par arrêté du ministre chargé des finances ; cet arrêté en date du
25 avril 2014 a été publié au Bulletin Officiel 2014, p. 3651. Le décret intègre également
les marchés des collectivités territoriales au moins de façon transitoire jusqu’au vote des
lois organiques prévues par l’article 146 de la Constitution relative au régime financier des
régions et des autres collectivités territoriales (chapitre VI art. 130 à 146). La soumission
des marchés des collectivités locales au décret a été confirmée par les lois organiques du
5 juillet 2015. En outre ce décret consacre de nouveaux développements aux prestations
architecturales pour tenir compte de leur spécificité (chapitre V, articles 89 à 129).
Enfin un accent particulier est mis sur la volonté d’améliorer les pratiques de bonne
gouvernance dans le prolongement des dispositions de la Constitution de 2011. A cet égard
il faut insister sur l’exigence d’une déclaration sur l’honneur de la part des candidats à
l’attribution d’un marché : ceux-ci doivent s’engager à ne pas recourir directement ou
indirectement à des pratiques de fraude ou de corruption, à ne faire aucune promesse de
dons ou de présents destinés à influer sur les résultats de la passation du marché comme sur
les conditions de son exécution. Cette exigence de probité est également réitérée à l’égard
de tous ceux qui participent aux procédures d’attribution des marchés et qui sont tenus à une
obligation de réserve et éventuellement de secret professionnel et à une stricte indépendance
vis à vis des concurrents. La violation de ces obligations expose leur auteur à des sanctions.
Comme cela était le cas dans les textes précédents, l’article 2 du nouveau décret
fixe les conditions et les formes dans lesquelles sont passés les marchés de travaux, de
fournitures et de services pour le compte de l’Etat et des établissements publics figurant
sur une liste établie par le ministre chargé des Finances, (A.M. Du ministre de l’Economie
et des Finances du 15 décembre 2015, B.O. 2016, p. 168), ainsi que certaines dispositions
relatives à leur contrôle et à leur gestion ; il exclut de son champ d’application un certain
nombre de contrats, notamment « les conventions ou contrats que l’Etat est tenu de passer
dans les formes et selon les règles du droit commun » ; l’article 4 §7 précise ce qu’il faut
entendre par contrats passés dans les conditions du droit commun. La formule vise les
contrats que les collectivités publiques passent avec certains services publics industriels et
commerciaux et qui sont soumis à une réglementation spéciale à laquelle la réglementation
générale n’a pas entendu se substituer ; il s’agit par exemple des marchés de transports
(on se trouve alors en présence de la réglementation propre aux organismes assurant ces
transports : l’Office National des Chemins de Fer, ou la société “Royal Air Maroc”), ou de
fourniture d’électricité ou d’eau (la réglementation applicable est la réglementation propre
à l’Office national de l’électricité et de l’eau potable, aux régies locales de distribution
ou aux entreprises concessionnaires). La liste des prestations qui peuvent faire l’objet
de contrats ou de conventions de droit commun est prévue à l’annexe n° 1 du décret qui
comporte plus d’une vingtaine de cas ; cette liste peut être modifiée ou complétée par
464
Les actes de l’administration
arrêté du ministre des Finances sur proposition du ministre concerné et après avis de la
Commission nationale de la commande publique. Ces contrats sont en principe soumis au
droit privé pour des raisons que l’on retrouvera plus loin.
L’article 3 exclut aussi les contrats de gestion déléguée de services publics ou
d’ouvrages publics ce qui est une adjonction du nouveau texte, les cessions de biens entre
services ou entre les collectivités publiques, les prestations entre services de l’Etat, les
marchés passés en vertu d’accords ou de conventions internationales à la condition que
ces accords ou conventions stipulent expressément l’application des conditions de forme
particulières de passation des marchés.
La nouvelle réglementation des marchés cherche à atteindre plusieurs objectifs ; tout
d’abord les objectifs traditionnels de cette réglementation : assurer à l’administration
des prestations de qualité au meilleur prix, laisser à l’administration la liberté nécessaire
pour pouvoir se procurer les biens et services dont elle a besoin en nouant des rapports
de confiance avec ses partenaires ; assurer un contrôle de l’ensemble du processus de
passation-exécution du marché qui permette d’améliorer les conditions dans lesquelles
les services compétents gèrent les marchés publics ; enfin, et ce dernier objectif résultera
nécessairement de la réalisation des trois premiers, moraliser le domaine des marchés
public en éliminant les risques de collusion et de corruption et finalement améliorer ce que
l’on appelle désormais la bonne gouvernance grâce notamment à la généralisation de la
dématérialisation des procédures et leur publication au portail des marchés publics.
Mais il y a aussi un objectif nouveau qui apparaît dans ce texte et qui impose aux
responsables de la passation des marchés de tenir compte du respect de l’environnement et
des préoccupations liées au développement durable (article premier).
On présentera tout d’abord les caractères généraux des marchés, les conditions
d’exercice du droit de contracter et les modes de passation des marchés ainsi que les
contrôles auxquels ils sont soumis (20 bis).
1. La forme du marché
« Les marchés sont des contrats écrits dont les cahiers des charges précisent les
conditions de leur passation et de leur exécution » (art. 13) Ces cahiers des charges sont
(20 bis) Filali (F.) : Les apports de la nouvelle réglementation des marchés publics à la lumière du décret du
20 mars 2013, REMALD, n° 124, 2015, p. 227.
465
Droit administratif marocain
de trois sortes : le cahier des clauses administratives générales CCAG, le cahier des
prescriptions communes (CPC) et le cahier des prescriptions spéciales (CPS).
Le principe est ainsi réaffirmé selon lequel la forme écrite s’impose pour les marchés
publics ; mais on observera que si le marché public peut théoriquement être un marché
verbal, la forme écrite s’impose pour la plupart des marchés publics ; n’échappent à
cette forme que les marchés de faible importance qui correspondent à des travaux, des
fournitures ou des services nécessaires au fonctionnement quotidien de l’administration et
dont le montant ne dépasse pas 200 000 dirhams : ces marchés sont désormais désignés par
l’appellation : “prestations sur bons de commande” (art. 88).
Les marchés écrits doivent comporter certaines énonciations qui, en précisant au
maximum les différents éléments du marché, sont de nature à éviter les contestations
ultérieures. Le principe est en effet que le marché détermine préalablement à toute
exécution, les droits et obligations des parties. A cet égard les cahiers des charges sont des
documents particulièrement importants puisqu’ils précisent les conditions dans lesquelles
les marchés sont passés et exécutés.
– Le cahier des clauses administratives générales (CCAG) est un document qui
rassemble les règles administratives applicables aux marchés de travaux, de fournitures
ou de services ou à une catégorie particulière de ces marchés ; tel est par exemple le cas
du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de travaux passés
pour le compte de l’Etat qui a été approuvé par le décret du 13 mai 2016 (B.O. 2016,
p. 858) qui remplace le précédent CCAG du 4 mai 2000 (B.O. 2000, p. 418) succédant
lui même au CCAG de 1965 qui ne concernait d’ailleurs que les marchés de travaux du
ministère des travaux publics et qui, de ce fait, avait été étendu à toutes les administrations
de l’Etat par un décret royal de 1966.
Selon l’article 1-2° du décret de 2016, « il s’applique à tous les marchés de travaux qui
se réfèrent expressément audit CCAG-T dans les cahiers de prescriptions spéciales qui leur
sont afférents ».
Ce cahier des charges détermine ainsi les règles administratives applicables aux
marchés de travaux : conditions générales d’établissement du marché, ordres de services,
délais d’exécution avenants, garanties du marché, obligations générales de l’entrepreneur
dans l’exécution du marché, préparation et exécution des travaux, interruption des travaux,
prix et règlement des comptes, réceptions et garanties, mesures coercitives, règlement des
différends.
Il est possible d’élaborer également des cahiers des clauses administratives générales
pour les autres catégories de marchés, par exemple les marchés de fournitures ou de
services ; ces cahiers sont approuvés par décret. C’est ainsi qu’a été approuvé le cahier des
clauses administratives générales applicables aux marchés de services par un décret du 4
466
Les actes de l’administration
juin 2002 (B.O. 2002, p. 665). A défaut d’un tel cahier propre aux prestations objet du
marché, il peut être fait appel à l’un des cahiers des clauses administratives générales en
vigueur le plus adapté en procédant aux ajustements éventuellement nécessaires.
– Le cahier des prescriptions communes (CPC) est destiné à définir les spécifications
techniques relatives aux marchés portant sur certains types de travaux, de fournitures
ou de services ; il peut aussi concerner tous les marchés passés par un ministère ou par
un service spécialisé ou par un établissement public (21). Mais il peut éventuellement
contenir des dispositions d’une autre nature dans le respect du CCAG, et déterminer des
clauses financières communes relatives à la nature des prestations et à la détermination
du prix. Ce cahier est approuvé par arrêté du ministre concerné et visé par le ministre des
Finances si le cahier comporte des clauses à incidences financières. Ce cahier peut être
étendu à d’autres départements ministériels ou à d’autres établissements publics par arrêté
du ministre concerné ou par décision du conseil d’administration de l’établissement public.
C’est le ministre intéressé qui est compétent pour approuver le cahier des prescriptions
communes. Ainsi le ministère de l’Equipement, aujourd’hui ministère des Travaux publics,
a publié deux cahiers de prescriptions communes : l’un concerne des travaux routiers
courants (A.M. 6 décembre 1982, B.O. 1983, p. 242), l’autre les marchés de constructions
scolaires passés par le ministère de l’Equipement (A.M. du 17 mars 1983, B.O. 1983,
p. 243, modifié par A.M. 17 août 1989, B.O. 1990, p. 309).
– La dernière catégorie de cahier des charges est constituée par le cahier des
prescriptions spéciales(CPS) : ce document rassemble les dispositions particulières
propres à un marché déterminé ;il comporte la référence aux textes généraux applicables
et éventuellement l’indication des dispositions du CCAG et (ou) du CPC auxquelles il est
dérogé. Le cahier des prescriptions spéciales est signé par le maître d’ouvrage avant le
lancement de la procédure de passation du marché ; cette signature prend la forme d’une
signature électronique lorsque le cahiers des prescriptions spéciales est publié dans le
portail des marchés publics.
Le CPS doit contenir un certains nombre d’indications énumérées par l’article 13-B
notamment le mode de passation, la référence aux dispositions du décret en vertu desquelles
le marché est passé,l’indication des parties contractantes, l’objet et la consistance des
prestations, les pièces incorporées au marché, le prix, les délais d’exécution, etc.
L’engagement des parties contractantes est fondé sur l’acte d’engagement souscrit par
l’attributaire du marché et sur la base du CPS.
(21) Voir par exemple les cahiers applicables aux gros travaux de béton, aux travaux bathymétriques ou aux travaux de
dragage exécutés pour le compte du ministère des Travaux publics (B.O. 1996, p. 918).
467
Droit administratif marocain
2. L’objet du marché
Les marchés se répartissent en fonction de la nature de l’objet sur lequel ils portent en
trois grandes catégories : marchés de travaux, marchés de fournitures, marchés de services,
(nous laissons de côté le contrat de concession de service public et le contrat de partenariat
Privé-Public analysés plus haut et le contrat de fonction publique qui présente un caractère
très particulier). Ces différents marchés font l’objet de définitions détaillées et précises
dans l’article 4-13 du décret.
Quelle que soit sa nature, il est de principe que le marché doit déterminer de façon
précise son objet à la fois quantitativement et qualitativement (article 5) ; ceci implique
évidemment que l’administration soit en mesure d’évaluer avec précision la nature et
l’étendue des besoins auxquels le marché doit satisfaire : c’est pourquoi « avant tout appel
à la concurrence le maître d’ouvrage est tenu de déterminer aussi exactement que possible
les besoins à satisfaire,les spécifications techniques et la consistance des prestations ».
Cela pose des problèmes de prévision et de spécification qui peuvent être parfois difficiles
à résoudre (22) ; on conçoit ainsi l’intérêt qu’il peut y avoir à la mise en place, dans les
administrations, de services chargés spécialement de la préparation des marchés. C’est à
cela que correspond désormais l’institution du maître d’ouvrage, autorité qui au nom de
l’Etat, d’un établissement public ou d’une collectivité territoriale passe le marché avec
l’entrepreneur ou le fournisseur ou le prestataire de service.
C’est dans cet esprit que l’article 14 du décret prescrit à la charge des maîtres
d’ouvrages l’obligation d’établir au début de chaque année budgétaire et au plus tard à la
fin du premier trimestre, le programme prévisionnel des marchés qu’ils comptent passer
au cours de l’année considérée. Ce programme doit faire l’objet d’une publicité appropriée
notamment au portail des marchés publics et dans les journaux de diffusion nationale.
Il peut être modifié en fonction des besoins. Ce programme doit contenir un certain
nombre d’indications : l’objet de l’appel à la concurrence,la nature de la prestation,le lieu
d’exécution, le mode de passation envisagé, etc.
Une tentative de normalisation et de groupement des commandes administratives
avait été faite avec la création d’une Direction centrale des approvisionnements des
administrations publiques au ministère des Finances (Dahir 17/7/1965, B.O. 1965,
p. 964) ; l’expérience, fondée dans son principe, n’a cependant pas donné les résultats
escomptés qu’il s’agisse de la qualité des fournitures qui n’était pas toujours propre à
(22) Cf. Ziegel (R.), « Le problème des marchés publics dans les pays en voie de développement », Bull. de l’Institut
international d’administration publique, 1967, p. 41. En France un rapport du Sénat constatant que les acheteurs
publics ne sont pas bien formés, propose la création d’ une formation à la commande publique dans les cursus de
l’enseignement supérieur (Diane Poupeau, « Le Sénat veut desserrer le carcan de la commande publique », AJDA,
n° 35, 2015, p. 1948 ; Ourzik (A.), op. cit. Loc. cit., p. 110 et suiv.
468
Les actes de l’administration
satisfaire les utilisateurs ou qu’il s’agisse des délais de livraison qui ne correspondaient
nullement aux impératifs de fonctionnement des services ; enfin les conditions étroitement
“administratives” dans lesquelles fonctionnait cet organisme n’étaient en aucune manière
de nature à leur donner satisfaction ; cette direction a donc été supprimée (Dahir portant loi
du 11/5/1974, B.O. 1974, p. 927) ; mais le problème que l’on cherchait à résoudre restait
posé ; chaque administration pouvait tenter de lui trouver une solution pour son propre
compte ; mais on pouvait aussi penser que la création d’un organisme d’achat, fonctionnant
comme une entreprise commerciale, aurait de meilleures chances de répondre à un besoin
dont l’importance ne faisait que croître. Dans le cadre de ses attributions, la Commission
des marchés devait précisément se livrer à une étude de l’ensemble des marchés de façon
à faire des propositions notamment en matière de normalisation et de standardisation des
types de matériels commandés par les services administratifs. C’est sans doute à la suite
de ses recommandations que le décret de 2013 a répondu à cette préoccupation en créant
le collectif d’achat (article 162).
Les maîtres d’ouvrage peuvent coordonner leurs achats de fournitures de même nature.
A l’initiative de deux ou plusieurs maîtres d’ouvrage il peut être constitué un collectif
d’achat « qui permet de lancer un seul appel à la concurrence donnant lieu à la conclusion
d’autant de marchés que de maîtres d’ouvrages membres du collectif » ; ceux-ci signent
une convention définissant les modalités de fonctionnement du collectif et désignent
un coordinateur qui prépare en coopération avec les membres du collectif l’appel à la
concurrence en indiquant notamment les achats de chaque membre du collectif dans le
cahier des prescriptions spéciales et les bordereaux de prix estimatifs.
Si le principe est que l’objet du marché doit être défini de façon précise, des exceptions
ont été prévues pour permettre à l’administration d’adapter ses marchés à diverses
situations dans lesquelles il peut n’être ni souhaitable, ni possible de fixer l’objet du
marché avec précision.
Pour tenir compte de ces diverses contraintes le décret prévoit que les administrations
peuvent passer des “marchés-cadre”, des marchés reconductibles, des marchés à tranches
conditionnelles, des marchés allotis, des marchés de conception-réalisation et des marchés
d’études.
Le marché-cadre (article 6) est destiné à permettre à l’administration de se procurer une
prestation correspondant à un besoin homogène (tel type de fourniture, tel service) ou à
des besoins complémentaires, qui ont un caractère permanent et qui sont prévisibles sans
cependant que l’on puisse en déterminer le volume à l’avance.
Dans ce cas, l’objet du marché ne sera défini que par un minimum et par un maximum,
soit en valeur, soit en quantité ; le marché peut s’exécuter sur une longue période puisqu’une
clause de tacite reconduction peut y être insérée ; la durée totale du marché ne peut
469
Droit administratif marocain
cependant pas dépasser trois ans ou cinq ans selon la nature des prestations considérées.
La non reconduction du marché-cadre peut être demandée par l’une ou l’autre des parties
moyennant un préavis ;elle entraîne la résiliation du marché. Le marché peut prévoir qu’à
date fixe les parties pourront procéder à une révision des conditions du marché et que, faute
d’accord, celui-ci sera résilié. Le minimum et le maximum des prestations peut être adapté
en diminution ou en augmentation dans des limites fixées par le décret. A la fin de chaque
année budgétaire le maître d’ouvrage établit un décompte partiel et définitif des prestations
réalisées : de même à la fin de la dernière période il établit un décompte général et définitif
des prestations réalisées au cours de la durée totale du marché cadre. Ces marchés-cadre
dérogent donc au principe de la détermination de l’objet du marché : c’est pour cette
raison qu’ils doivent être autorisés. La liste des marchés qu’il est possible de passer sous
cette forme figure à l’annexe n° 2 du décret ; il s’agit notamment de nombreux travaux
d’entretien, des fournitures diverses ou bien encore des services d’études, etc. Cette liste
peut être modifiée ou complétée par arrêté du ministre chargé des finances sur proposition
du ministre concerné et après avis de la Commission des marchés (Commission national
de la commande publique).
Le marché reconductible (article 7) concerne des prestations dont le volume peut
être déterminé à l’avance et présentent un caractère prévisible, répétitif et permanent. La
liste de ces prestations est déterminée par l’annexe n° 3 ; cette liste peut également être
modifiée et complétée par arrêté du ministre des Finances sur proposition du ministre
concerné et après avis de la Commission nationale de la commande publique. Ces marchés
sont conclus pour une durée n’excédant pas une année mais comportent une clause de
tacite reconduction ; la durée totale ne peut excéder trois ou cinq années selon la nature des
prestations indiquées dans la liste de l’annexe 3. Les parties peuvent décider de mettre un
terme au marché dans des conditions fixées au CPS. En outre le même cahier peut prévoir
une révision des conditions du marché à la demande des parties contractantes ; cette
révision est réalisée par un avenant au marché. Si les parties ne se mettent pas d’accord sur
la révision le marché est résilié. A la fin de chaque année budgétaire et à l’expiration de la
dernière période d’exécution du marché, le maître d’ouvrage établit un décompte définitif
des prestations réalisées.
Le marché à tranches conditionnelles (article 8). Ce marché porte sur une tranche ferme
qui correspond à des crédits disponibles et à une prestation que le titulaire du marché
est certain de pouvoir réaliser ; la réalisation des tranches conditionnelles dépend de la
disponibilité des crédits et des ordres de services du maître d’ouvrage prescrivant leur
exécution dans les conditions prévues par le marché. Le marché porte sur la totalité de
la prestation dont la consistance, le prix et les modalités d’exécution sont déterminés. Si
l’ordre de service correspondant à une ou plusieurs tranches n’a pas été donné dans les
délais prévus au marché, le titulaire de celui-ci peut bénéficier d’une indemnité d’attente ;
470
Les actes de l’administration
471
Droit administratif marocain
définition, destinée à déterminer les buts et les performance à atteindre ainsi que les moyens
en personnel et en matériel à mettre en oeuvre. Le marché peut être scindé en plusieurs
phases. Il peut être arrêté soit à l’issue d’une période déterminée par le marché, soit lorsque
les dépenses ont atteint un montant fixé. Le décret fixe en outre la situation juridique
des résultats de l’étude, les droits réservés au titulaire du marché et le sort des droits de
propriété industrielle qui peuvent naître à l’occasion ou au cours de l’étude. L’évaluation
des offres des concurrents intéressés se fait en deux temps ; d’abord une évaluation
technique de l’étude, puis une évaluation financière. La note attribuée tient compte de la
qualité technique et du coût de chaque offre selon des modalités définies par le décret.
3. Le prix du marché
472
Les actes de l’administration
Le prix est ferme s’il ne peut pas être révisé au cours de son exécution. Tous les
marchés qui s’exécutent dans le délai d’un an ou moins, sont à prix fermes ; toutefois le
maître d’ouvrage peut répercuter la modification éventuelle de la TVA sur le prix convenu
si celle-ci survient au-delà de la date limite de remise des offres. Il en est de même si les
prix des produits ou services objet du marchés sont réglementés ; en cas de modification
de ces prix le maître d’ouvrage répercute celle-ci sur le prix de règlement. Les marchés de
services et de fournitures sont passés à prix fermes y compris les marchés d’études dont le
délai d’exécution est inférieur à quatre mois.
« Le prix du marché est révisable lorsqu’il peut être modifié en raison des variations
économiques en cours d’exécution de la prestation. »
Les marchés de travaux sont passés à prix révisables ; il en est de même pour les
marchés d’études dont le délai d’exécution est égal ou supérieur à quatre mois dès lors
que le maître d’ouvrage l’a prévu. Les modalités de la révision des prix sont déterminées
par décision du Chef du gouvernement après visa du ministre des finances et sont inscrites
dans les cahiers des charges. Ces modalités résultent d’un arrêté du Chef du gouvernement
du 9 juin 2014 (B.O. 2014, p. 3598).
Par exception au principe de la fixation du prix dans le marché, l’administration
peut passer des marchés à prix provisoires lorsque « l’exécution de la prestation doit
être commencée alors que toutes les conditions indispensables à la détermination d’un
prix initial définitif ne sont pas réunies en raison de on caractère urgent » ; ce peut être
aussi le cas lorsque l’exécution du marché doit impérativement commencer parce que les
prestations intéressent la défense du territoire, la sécurité de la population ou celle des
circulations routières, aériennes ou maritimes (art. 86-II-5° et 87-b).
Enfin on indiquera, qu’au titre de la préférence nationale, l’administration peut, dans
certaines conditions, majorer de 15 % les offres de prix des entreprises étrangère candidates
à des marchés de travaux et d’études ainsi qu’à des marchés sur concours (article 155).
Dans tous les cas, l’administration peut exiger de ses futurs contractants qu’ils
fournissent un certain nombre de renseignements sur la composition et le mode de calcul
du prix permettant d’apprécier le bien fondé des propositions de prix présentées dans les
soumissions ou les offres des entreprises.
473
Droit administratif marocain
1. La capacité de contracter
La capacité de contracter est une compétence soigneusement réglementée ; la passation
d’un marché est en effet un moyen d’obtenir une prestation nécessaire au fonctionnement
du service public qui se traduit par l’engagement d’une dépense. Il est alors naturel que
seuls certains agents soient habilités à contracter, et que le marché soit soumis à des
contrôles.
Il convient d’observer que l’agent qui matériellement prépare le contrat n’est
pratiquement jamais l’autorité qui a juridiquement la compétence nécessaire pour
contracter ; depuis quelques années, la tendance est à constituer de véritables services des
marchés, surtout dans les administrations dont les marchés représentent une importance
financière et donc économique considérable ; et c’est précisément pour doter ces services
d’un personnel spécialisé que fut ouvert autrefois dans le cadre du cycle normal de l’Ecole
nationale d’administration une section des marchés. Ce sont ces services qui ont la charge
de la préparation, de la passation et du suivi de l’exécution des marchés.
La réglementation antérieure (1998) avait d’ailleurs officialisé cela en créant une
« personne chargée du suivi de l’exécution du marché » (art. 83 du décret) dont la mission
devait être précisée dans le cahier des prescriptions spéciales ; le nom de la personne ainsi
désignée est notifié au titulaire du marché ; on peut penser que la personne chargée du
suivi de l’exécution était associée à la préparation de celui-ci.
Aujourd’hui c’est le maître d’ouvrage qui est l’autorité compétente pour passer le
marché avec l’attributaire du marché au nom de la collectivité publique considérée : Etat,
établissement public et collectivité territoriale (article 4-11°). Mais il peut y avoir un
maître d’ouvrage délégué, désigné par convention, qui reçoit du ministre ou du directeur
de l’établissement public la charge de l’exécution des missions de maîtrise d’ouvrage
précisées dans la convention. Cette mission peut être confiée à une administration
publique, à un établissement public, à une société d’Etat ou une de ses filiales publiques
par décision du Chef du gouvernement après avis de la Commission nationale de la
commande publique (article 161).
Les marchés ne sont valables et définitifs qu’après leur approbation par l’autorité
compétente (article 152). L’autorité compétente est l’ordonnateur ou la personne déléguée
par lui à cet effet (article 4-2).
Pour les établissements publics il s’agit du président de l’établissement éventuellement
après délibération du conseil d’administration, et visa du contrôleur financier.
Il faut indiquer que le principe demeure que « l’approbation des marchés doit intervenir
avant tout commencement d’exécution » ; toutefois le décret a prévu une exception qui
concerne seulement les marchés qui portent sur des prestations urgentes qui intéressent la
474
Les actes de l’administration
475
Droit administratif marocain
476
Les actes de l’administration
Dans le cadre des missions que lui confie le décret, l’organe délibératif peut émettre
des propositions de décisions, ou des avis ; il présente des rapports et effectue des
recherches. En ce qui concerne les réclamations des concurrents il statue sur la suite à
leur donner et soumet le cas échéant des propositions de décisions à la signature du Chef
du gouvernement. Le président de la commission peut inviter toute personne compétente,
expert ou technicien, à participer à titre consultatif aux travaux de l’organe délibératif.
Celui-ci crée en son sein des comités permanents, notamment un comité chargé des
contrats de partenariat public-privé et des conventions de gestion déléguée. Ce comité
permanent a une compétence exclusive pour suivre les questions posées par ces deux
catégories de contrats. Il est présidé par le président de la commission et il comporte
trois membres désignés par la commission nationale parmi ses membres et trois
membres représentant le ministère de l’économie et des finances désignés par le Chef du
gouvernement. Éventuellement des comités ad hoc peuvent également être crées.
L’organe délibératif tient des réunions régulières à la convocation de son président
qui en fixe l’ordre du jour. Il délibère à huis clos. Les décisions sont prises à l’unanimité
ou,à défaut à la majorité, la voix du président étant prépondérante. Un compte rendu des
réunions est établi et signé par le président. Les avis et décisions sont motivés, enregistrés,
référencés et signés par le président au nom de la commission.
La commission dispose de quatre unités de travail placées sous l’autorité de du
président dont la coordination est assurée par le rapporteur général : Il s’agit de l’unité des
réclamations, de l’unité de consultation et des études, de l’unité du système d’information
et de l’unité de la formation et des affaires administratives.
Le rapporteur général est nommé par décret sur proposition du président de la
commission parmi des personnes connues pour leur expertise dans le domaine de la
commande publique. Le décret développe ses attributions (article 20) ainsi que les
missions des différentes unités de travail. En outre les chapitres IV, V et VI sont consacrés
respectivement à la procédure de consultation de la commission nationale de la commande
publique, à la procédure d’instruction des réclamations des concurrents, à la procédure
d’instruction des demandes d’avis présentées par les titulaires de la commande publique.
Pour l’essentiel on rappellera que la commission peut être consultée par le Chef du
gouvernement, le secrétaire général du gouvernement, les ministres concernés, les hauts
commissaires et le trésorier général du Royaume, les directeurs des établissements publics
et les autres personnes morales de droit public, le ministre de l’Intérieur sur demande du
Comité de suivi des marchés des régions préfectures, des provinces et des communes. La
consultation porte naturellement sur toutes les questions d’ordre juridique ou procédural
qui entrent dans la compétence de la commission. L’organe délibératif donne son avis sur
la base du rapport établi par le rapporteur général.
477
Droit administratif marocain
Tout concurrent peut saisir directement la commission dans les quatre cas prévus
par l’article 30 : violation d’une des règles de la passation de la commande, clauses
discriminatoires ou conditions disproportionnées par rapport à l’objet de la commande,
contestation des motifs de l’élimination, refus d’accepter la réponse de l’administration
ou son silence à la suite de sa réclamation. Sur rapport du rapporteur général l’organe
délibératif peut annuler la procédure, rectifier l’irrégularité lorsque celle-ci n’est pas
substantielle et décider la poursuite de la procédure sauf objection de l’administration
concernée ; dans ce cas la décision est laissée au Chef du gouvernement. Les propositions
de décisions sont soumises à la signature du Chef du gouvernement par le président
de la commission. Les décisions du Chef du gouvernement sont communiquées aux
administrations et aux concurrents concernés ainsi qu’au trésorier général du Royaume. Ces
décisions sont publiées sur le site de la commission et sur le portail des marchés publics.
Enfin tout concurrent qui a un différend concernant l’exécution d’une commande
publique avec l’administration peut demander l’avis de la commission sur ce différend.
Cette procédure permet de régler un conflit avant qu’il ne naisse. L’avis de l’organe
délibératif est notifié aux intéressés ainsi qu’au trésorier général du Royaume ; il est
publié sur le site de la commission et sur le portail des marchés publics comme le sont les
décisions rendues sur réclamation des concurrents, ce qui est important pour la diffusion
des points de droit ou de pratique qui constituent la « jurisprudence » de la commission.
Tous les membres de la commission et tous ceux qui ont participé aux travaux de celle-
ci sont tenus par le secret professionnel et par l’obligation de réserve pour les éléments
portés à leur connaissance au cours de cette participation.
b. Le contrôle financier
Tous les marchés sont soumis en principe au contrôle de l’engagement des dépenses
organisé par le décret du 30 décembre 1975 (B.O. 1976, p. 2) qui a remplacé la
réglementation contenue dans le dahir du 21 février 1969 abrogé. Le contrôleur de
l’engagement des dépenses n’a en principe qu’une mission de vérification de la régularité
de la dépense ; seule l’irrégularité de celle-ci peut justifier un refus de visa. Toutefois
l’article 15 du décret permet aux contrôleurs d’attirer l’attention du ministre intéressé et du
ministre des finances dans l’hypothèse où ils auraient un doute quant à l’intérêt ou l’utilité
de la dépense engagée.
Le contrôleur doit en principe donner son visa dans un délai bref qui est de cinq
jours à compter de la date à laquelle la proposition d’engagement de la dépense lui a été
transmise ; cependant, pour tenir compte à la fois de la complexité de certains dossiers,
mais aussi des nécessités d’une conclusion rapide des engagements de l’Etat, l’art. 12-2e
dispose que si le contrôleur n’a transmis aucune observation relative aux marchés de l’Etat
dans le délai de quinze jours à compter de la réception de la proposition d’engagement,
478
Les actes de l’administration
(24) El Glaoui, « La Cour des comptes, présentation, problèmes et perspectives », Revue française de finances
publiques, n° 28, 1989, p. 39.
La Cour aurait instruit 540 dossiers depuis sa création selon les déclarations de son président (Al Bayane, 13/12/2002).
479
Droit administratif marocain
présente un exposé de ses activités devant le Parlement ;cette présentation est suivie d’un
débat.
Au cas où les faits relevés par la Cour constitueraient des infractions aux règles de
discipline budgétaire et financière, elle est habilitée à s’en saisir dans le cadre de ses
compétences de juridiction budgétaire et financière.
480
Les actes de l’administration
mutualiser leurs moyens afin de pouvoir emporter certains marchés face aux grosses
entreprises.
Le groupement est constitué sur la base d’une convention ; celle-ci est accompagnée
du cahier des prescriptions spéciales, de l’offre financière et technique présentée par le
groupement ainsi que des documents relatifs au modalités du cautionnement provisoire
et définitif que doivent déposer les membres du groupement ; ceux-ci leur seront restitués
après réception des travaux, des fournitures ou services objet du marché dans les conditions
prévues par les cahiers des charges.
Le groupement est dit conjoint lorsque ses membres s’engagent à exécuter une ou
plusieurs parties du marché ; il est dit solidaire lorsque ses membres s’engagent à la
réalisation de la totalité du marché. Dans les deux cas ils désignent un mandataire qui les
représente auprès du maître d’ouvrage. Mais dans le groupement solidaire le mandataire
assure la coordination de l’exécution des prestations objet du marché.
D’autre part, les autorités administratives doivent utiliser certaines procédures pour
l’attribution de leurs marchés dans le but de mettre les entreprises en concurrence ; ce sont
les modes de passation des marchés.
L’objectif de cette mise en concurrence est double : obtenir des conditions aussi
avantageuses que possibles, éviter la discrimination entre les fournisseurs ainsi que les
risques de collusion entre certains d’entre eux et les agents responsables de la passation
des marchés.
Mais à l’expérience il est apparu que ces objectifs ne pouvaient pas toujours être atteints
par la procédure traditionnelle qui fut longtemps la procédure principale, l’adjudication. En
effet, les principes de concurrence et d’attribution automatique du marché à l’entrepreneur
le “moins disant”, c’est-à-dire offrant les meilleures conditions financières, ont perdu de
leur validité dans un nombre de cas de plus en plus nombreux.
Tout d’abord, la concurrence peut être tenue en échec par la formation d’ententes
occultes entre les fournisseurs ; cette concurrence est par ailleurs impossible, chaque fois
qu’en raison de la nature même de l’objet du marché il n’existe qu’un fournisseur possible
(situation de monopole, brevets d’invention, grande technicité de la prestation, etc.) ;
parfois même l’administration ne peut pas recourir à la concurrence qui implique une
publicité inopportune en certains domaines (travaux de la défense nationale).
En outre, si la réalisation au moindre coût des marchés publics et la protection de
la “moralité administrative” sont des objectifs importants que cherche à atteindre la
réglementation, ils ne sont pas les seuls. Les modes de passation des marchés doivent
également permettre une adaptation aussi rigoureuse que possible des prestations objets
des marchés aux besoins des administrations.
481
Droit administratif marocain
Ces besoins sont en augmentation constante du fait de la part prise par les services
administratifs dans la réalisation des programmes d’équipements prévus par les différentes
administrations et les grands établissements publics ; la technicité de ces besoins s’est en
outre considérablement diversifiée et accrue.
Enfin, la nécessité de réaliser ces programmes dans des délais acceptables milite en
faveur d’une simplification des procédures, objectif qui ne semble cependant pas toujours
atteint.
Ces préoccupations apparaissaient déjà clairement dans l’exposé des motifs de
l’instruction du Premier ministre du 6 juin 1965 : “Le décret répond au souci de résoudre
les problèmes nouveaux des marchés dus principalement à l’accroissement tant en nombre
qu’en importance, des commandes de l’Etat qui intéressent à l’heure actuelle tous les
secteurs de l’économie, et au fait que les commandes portent fréquemment sur des
prestations d’une complexité sans cesse croissante et d’une technicité plus poussée.” Le
décret de 1965 avait donc tenté, sans bouleverser les règles antérieures de les compléter
et de les perfectionner. C’est dans cette voie que le décret de 1976 réalisait de nouveaux
progrès afin « d’instaurer dans les services le souci permanent de diligence et d’efficacité
dans la préparation et dans l’exécution des marchés, mais aussi de rendre la procédure
moins rebutante pour la participation à la concurrence » (circulaire du Premier ministre du
15 décembre 1976). Et cette préoccupation se retrouve dans les textes postérieurs et à plus
forte raison dans le décret de 2013.
D’entrée de jeu l’article premier du décret affirme que les principes de liberté d’accès à
la commande publique, d’égalité et de garantie des droits des concurrents, de transparence
dans les choix du maître d’ouvrage, et de respect des règles de bonne gouvernance doivent
permettre d’assurer l’efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers
publics (25).
Au titre de la transparence on peut notamment faire valoir l’utilité de l’obligation faite
aux administrations de faire connaître au début de chaque année budgétaire le programme
prévisionnel des marchés qui sont susceptibles d’être engagés.
C’est dans le même but que le décret prescrit l’établissement pour tout marché d’un
rapport de présentation (art. 163) qui doit faire ressortir un certain nombre d’informations
relatives à l’objet du marché, ses caractéristiques et les motifs du choix du mode de
passation, son montant estimé ainsi que les critères de sélection comme les justifications
du choix du titulaire du marché.
(25) Le respect des règles de concurrence et de transparence sera sans doute encore mieux assuré sur la base de
l’obligation de publication des appels d’offre sur un site Internet conformément à la circulaire du Premier ministre du
14 mai 2001 et aujourd’hui sur le portail des marchés publics.
482
Les actes de l’administration
483
Droit administratif marocain
Tout appel d’offres donne lieu à la rédaction d’un règlement de la consultation qui
comporte la liste des pièces à fournir, et les critères objectifs d’admissibilité qui varient
selon la nature du marché considéré (fournitures,travaux ou services art. 18) et à la
constitution d’un dossier d’appel d’offres art. 19).
Naturellement l’appel d’offres fait l’objet d’une publicité (art. 20) qui est organisée
selon des modalités différentes selon qu’il s’agit d’un appel d’offres ouvert ou
restreint ;dans ce derniers cas l’avis d’appel d’offres n’est adressé en recommandé avec
accusé de réception qu’aux seuls candidats que le maître d’ouvrage à décidé de consulter.
L’avis d’appel d’offres fait connaître un certain nombre d’indications relatives au
marché : objet de l’appel d’offres, autorité qui y procède, lieu où peuvent être retirés et
déposés les dossiers, lieu, jour et heure de la séance publique d’ouverture des plis, pièces
justificatives à fournir, montant éventuel du cautionnement, qualification requise des
concurrents, etc.
S’il s’agit d’un appel d’offres ouvert, ces indications doivent faire l’objet d’une
publication dans le portail des marchés publics et dans deux journaux à diffusion nationale
dont un au moins en langue arabe et un autre en langue étrangère, mais aussi par d’autres
moyens, notamment les publications professionnelles.
Cette publicité doit naturellement être effectuée dans certain délai minimum par
rapport à la date fixée pour la réception des offres.
Les candidats doivent justifier de la possession d’un certain nombre de qualités
relatives à leur compétence technique, leur capacité financière, leur situation au regard
de la réglementation fiscale ou sociale (CNSS) ; pour ce faire il doivent établir un dossier
administratif, et un dossier technique (art. 24 et 25)
Par ailleurs ils doivent signer une déclaration sur l’honneur qui, outre les éléments
permettant de les identifier, comporte l’engagement des respecter une série d’obligations et
notamment de ne pas recourir par eux mêmes ou indirectement à des pratiques de fraudes
ou de corruption dans toutes les phases de la durée du marché.
Dans les délais prescrits, les concurrents doivent déposer un dossier qui comprend
le cahier des prescriptions spéciales, les pièces des dossiers administratif, technique
et éventuellement additif, une offre financière et, si cela est exigé, une offre technique
(art. 27).
Les concurrents sont tenus par ces offres pendant un délai de soixante quinze jours
à compter de la date de la séance d’ouverture des plis ; ce délai peut être prolongé par
le maître d’ouvrage mais ne restent engagés que les concurrents qui ont accepté cette
prolongation par lettre recommandée adressée au maître d’ouvrage (art. 33).
484
Les actes de l’administration
Le choix de l’attributaire du marché est effectué par la commission d’appel d’offres qui
est présidée par le représentant du maître d’ouvrage et qui comporte, en outre, deux autres
représentants de celui-ci, dont au moins un relève du service concerné par la prestation
objet du marché. Elle comporte également un représentant de la Trésorerie générale du
Royaume et un représentant du ministère des finances, lorsque le montant du marché est
supérieur à cinquante millions de dirhams. Le président et son suppléant éventuel ainsi que
les deux autres membres de la commission sont désignés soit nommément soit par leur
fonction par l’ordonnateur, son délégué ou le sous-ordonnateur (art. 35).
La composition de la commission est différente s’il s’agit d’un marché d’un établissement
public.
Cette commission se réunit en séance publique pour l’ouverture des plis afin de vérifier
que leur contenu correspond aux exigences de la réglementation du marché ; puis, au
cours d’une réunion à huis clos, elle procède à l’examen des dossiers administratifs et
techniques des concurrents et élimine éventuellement ceux qui ne correspondent pas aux
exigences précisées par la réglementation (art. 36-8°) ; elle arrête la liste des concurrents
“admissibles” qui est communiquée en séance publique sans que soient communiqués les
motifs de l’élimination des candidats non retenus.
Au cours de cette même séance le président procède à l’ouverture des enveloppes
contenant les offres financières et éventuellement celles qui contiennent les offres
techniques.
Enfin c’est à huis clos que la commission va procéder à l’évaluation des offres des
concurrents (art. 37 à 40).
Cette évaluation est effectuée sur la base d’un “protocole” minutieux défini par le
décret et qui peut aboutir soit à la désignation du candidat retenu qui est alors l’attributaire
du marché, soit à la déclaration du caractère infructueux de l’appel d’offres si aucun
candidat n’a fait d’offres jugées acceptables par la commission.
La commission consigne le résultat de ses travaux dans un procès verbal qui ne peut
être rendu public ni communiqué aux soumissionnaires. Seul un extrait de ce procès verbal
est publié au portail des marchés publics et affiché dans les locaux du maître d’ouvrages
dans un délai de 24 heures après la date d’achèvement des travaux de la commission..
Les décisions de la commission sont rendues publiques par affichage et l’attributaire du
marché est prévenu de la décision positive qui le concerne par lettre recommandée avec
accusé de réception ; les concurrents refusés sont prévenus de la même façon. Les motifs
de leur élimination leur sont indiqués (art. 44).
Dans tous les cas l’autorité compétente n’est pas tenue de donner suite à l’appel d’offres
sans que l’attributaire du marché puisse réclamer une indemnité ; ce refus peut être justifié
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Droit administratif marocain
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Les actes de l’administration
marchés de travaux, il faut aussi que leur exécution implique un matériel déjà utilisé sur
place par l’entrepreneur (art. 86-II-7°) ; le marché est alors passé sous forme d’avenant au
marché initial.
Ces marchés sont conclus sur un acte d’engagement et le cahier des prescriptions
spéciales souscrits par le candidat au marché soit exceptionnellement par échange de
lettres ou convention spéciales pour les prestations urgentes concernant la défense du
territoire la sécurité de la population ou la sécurité des circulations (art. 87-II-5°).
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Droit administratif marocain
6. Marchés des régions, des préfectures, des provinces et des communes (art. 130 à 146)
Jusqu’à l’intervention du décret, ces marchés étaient passés et réglés dans les mêmes
conditions que les marchés de l’Etat. C’est pourquoi au moment de la refonte de cette
réglementation il a paru logique d’insérer dans ce texte un chapitre consacré à ces
marchés. Toutefois il s’agissait d’une solution transitoire dans la mesure où il était prévu
par la Constitution qu’une loi organique consacrée au régime financier des collectivités
territoriales comporterait des dispositions applicables aux marchés de ces collectivités. Les
lois organique relatives aux collectivités territoriales du 7 juillet 2015 ont indiqués que ce
dernières étaient soumises aux texte sur les marchés publics c’est à dire actuellement au
décret de 2013.
L’article 130 précise que les marchés de ces collectivités « sont soumis aux dispositions
du décret sous réserve des dispositions particulières du présent chapitre ». Échappent
toutefois au champ d’application du décret outre les contrats mentionnés à l’article 3
« les conventions qu’elles passent avec des organismes publics locaux, nationaux ou des
organismes internationaux portant sur l’assistance au maître d’ouvrage, de même que les
prestations effectuées pour leur compte par des personnes morales de droit public, des
sociétés de développement local ou par des organisations non gouvernementales reconnues
d’utilité publique,dans le cadre de conventions particulières dont la forme et les conditions
sont fixées par arrêté du ministre de l’Intérieur ». Ces conventions permettent notamment
la mise en œuvre de la coopération décentralisée qui connaît depuis quelques décennies un
large développement.
Les dispositions applicables aux marchés des collectivités territoriales font une place
à l’intervention du ministre de l’Intérieur notamment en ce qui concerne les contrôles
et audits. Par ailleurs le décret créée un comité de suivi des marchés des régions, des
préfectures des provinces et des communes qui est chargé de concevoir la stratégie de
la commande publique de ces collectivités, de suivre son évolution et d’émettre son avis
sur un certain nombre de questions (projets de textes, sanctions prononcées contre des
concurrents ou titulaires de marché, doléances ou réclamations des concurrents) et plus
généralement sur toute question se rapportant à la commande publique qui lui est soumise
par le ministre de l’Intérieur. Ce comité est composé de représentants des collectivités et
de représentants du ministère de l’Intérieur.
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Les actes de l’administration
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Droit administratif marocain
l’intérêt général que les services publics doivent servir ; lorsqu’il ne lui est pas nécessaire
de disposer de ces pouvoirs elle peut s’engager dans les conditions du droit commun.
Cependant, il faut ajouter que cette supériorité juridique qui caractérise la situation
de l’autorité administrative, ne va pas sans contrepartie. Les obligations qui en résultent
pour les cocontractants sont compensées par certains droits et notamment par le droit
fondamental sans lequel il n’y aurait plus de contrat possible, le droit à l’équilibre
financier du contrat.
Ce sont là les deux traits dominants de l’exécution des contrats administratifs
qui apparaissent dans l’analyse des obligations du cocontractant, les obligations de
l’administration et le bouleversement du contrat.
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b. Le versement du prix
Les délais de règlement sont généralement longs en raison des formalités administratives
propres à la comptabilité publique. La dépense doit être liquidée, mandatée et enfin payée.
Sans doute l’administration s’expose-t-elle à payer des dommages-intérêts moratoires
si elle ne s’acquitte pas dans des délais normaux de cette obligation, mais ceci ne concerne
que les retards dans l’ordonnancement ou le mandatement de la dépense lorsque celui-ci
n’est pas effectué dans un délai de 90 jours à compter de la liquidation selon l’article
premier du Décret du 13 novembre 2003, B.O. 2003, p. 1424. L’ordonnancement de la
dépense doit avoir lieu dans un délai de soixante quinze jours à compter de la date de la
constatation du service fait. Enfin le comptable doit régler la dépense dans un délai de
quinze jours à partir de la réception de l’ordonnance ou du mandat de paiement.
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Les actes de l’administration
Ce système n’est pas très efficace pour deux raisons. D’abord parce que le taux de
ces dommages et intérêts n’est pas très élevé et parce que cette pénalité n’étant pas
automatique, il est nécessaire que le créancier en demande l’application, ce qu’il n’est
pas normalement tenté de faire pour des raisons qui relèvent plus de la sociologie
administrative que de l’analyse juridique.
Ensuite parce qu’aucune aucune obligation générale n’existe à la charge de
l’administration la contraignant de liquider la dépense dans un certain délai à partir
du moment où le cocontractant a satisfait à ses obligations ; ainsi les retards dans les
règlements des marchés peuvent-ils être parfois fort longs et porter sur des sommes très
considérables (26).
Toutefois, les cahiers des charges peuvent prévoir des procédures précises et des délais
gouvernant la constatation des droits du cocontractant : tel est le cas du C.C.A.G. des
marchés de travaux (art. 8) ; en outre l’article 67 du CCAG-T dispose que le retard dans
le règlement des sommes dues ouvre droit à l’entrepreneur à des intérêts moratoires, à
l’ajournement des travaux et dans les cas extrêmes (huit mois de retard) à la résiliation du
marché.
Il demeure que le problème du retard de paiement est tel que certains observateurs lui
imputent la responsabilité d’un grand nombre de fermetures d’entreprise et de dépôts de
bilan (27).
Le législateur semble avoir décidé de mettre un terme à cette anomalie ; la loi du
17 août 2011 rend applicable aux personnes privées délégataires de la gestion d’un service
public et aux personnes morales de droit public l’article 78-1 à 4 du code commerce
qui réglemente les délais de paiement et les pénalités de retard lorsque les contrats ne
comportent pas de dispositions à cet effet. Le principe est que le paiement est de soixante
jours à compter de la date à laquelle les prestations prévues au contrat ont été réalisées.
Si le contrat prévoit un délai différent celui-ci ne peut pas dépasser quatre vingt dix jours.
Si le marché n’a pas prévu les pénalités de retard c’est le taux des pénalités de retard fixé
par voie réglementaire qui s’applique. Les pénalités de retard sont exigibles sans formalité
préalable.
Les personnes de droit privé délégataire de la gestion d’un service public et les
personnes morales de droit public sont soumises lors de la conclusion de transactions
(26) Cf. la Caisse marocaine des marchés, V. Amzallag, mémoire de doctorat, Faculté des Sciences juridiques,
économiques et sociales de Rabat, 1963 (dactyl.).
(27) Les dettes arriérées de l’Etat se seraient montées à plusieurs dizaines de milliards de francs : cf. « La comptabilité
publique au Maroc », M. Bernoussi, thèse de droit, Lyon, 1968, p. 110 (dactyl.). Mais cela concerne aussi les
entreprises publiques (cf. supra, p. 274). Dans son dernier rapport exposé au Parlement le 4 mai 2016, le président de
la Cour des comptes a mis en lumière l’importance des dettes de l’Etat à l’égard des entreprises publiques.
499
Droit administratif marocain
commerciales, c’est à dire lorsqu’elle passent des contrats dans les conditions du droit
commun, au respect des délais de paiement institués par l’article 78-1 du code commerce
(loi 32-10 du 17 août 2011, B.O. 2011, p. 2182).
C. Le bouleversement du contrat
Les conditions dans lesquelles s’exécute le contrat peuvent parfois se révéler
profondément différentes de ce qu’avaient pu envisager les parties : la survenance d’un
cas de force majeur, l’apparition de sujétions imprévues, le fait du prince ou l’état
d’imprévision constituent ces différentes situations aux conséquences desquelles la
réglementation, les stipulations contractuelles spécialement les cahiers des charges et la
jurisprudence s’efforcent de remédier.
Mais de tels événements peuvent également faire obstacle à l’attribution du marché.
Ainsi l’article 45 du décret de 2013 concernant l’appel d’’offres prévoit par exemple que
le maître d’ouvrage peut renoncer à attribuer le marché si « les données économiques ou
techniques des prestations ont été fondamentalement modifiées » ou bien encore « lorsque
des circonstances exceptionnelles ne permettent pas d’assurer l’exécution normale du
marché ». Il en est de même pour le marché sur concours (article 83).
1. La force majeure
On admet que la survenance d’un cas de force majeure fait disparaître l’obligation
d’exécuter le contrat.
500
Les actes de l’administration
Cependant, l’événement constitutif d’un cas de force majeure doit présenter certains
caractères qui ont été précisés par la jurisprudence. La plupart des décisions ont été rendues
dans le domaine de la responsabilité quasi-délictuelle mais peuvent être transposées dans
celui de la responsabilité contractuelle.
La force majeure ne sera retenue que si le fait invoqué est imprévu, imprévisible et
irrésistible : il doit donc être indépendant de la volonté du cocontractant, et il doit avoir
rendu absolument impossible l’exécution du contrat (cf. a contrario : C.S.A. 22/4/1963, R.,
p. 263).
Si l’existence de la force majeure est reconnue, elle a pour effet de libérer le
cocontractant de son obligation d’exécuter.
Le nouveau cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de
travaux ne fait plus référence aux articles 268 et 269 du DOC de 1913 en ce qui concerne
la définition de la force majeure comme le faisait le précédent cahier, mais il va de soi que
cette définition n’a pas changé ; l’article 47 du CCAG-T réglemente de façon précise les
conséquences que celle-ci peut entraîner sur les conditions d’exécution ou de résiliation
du marché.
501
Droit administratif marocain
3. Le fait du prince
Au sens précis du terme, le fait du prince doit s’entendre des décisions prises par la
personne publique partie au contrat en vertu des pouvoirs généraux qu’elle possède en
tant qu’autorité administrative et qui ont des effets indirects sur le contrat. Ainsi le fait du
prince se distingue des mesures que la personne publique prend sur la base de ses pouvoirs
contractuels, tel le pouvoir de modification unilatérale du contrat.
Il se distingue aussi des mesures qu’une autre personne publique non partie au contrat
pourrait prendre et qui auraient des répercussions sur le contrat : ces mesures constituent
un aléa administratif que prend en considération la théorie de l’imprévision.
Le principe est que les conséquences dommageables du fait du prince doivent être
intégralement compensées. Cependant, la difficulté principale réside dans la détermination
de l’existence du fait du prince.
Celui-ci est assez facilement admis si l’autorité administrative impose à son
cocontractant une mesure individuelle qui le concerne exclusivement : interdiction
d’emploi de certains produits pour des raisons de sécurité publique, alors que la licéité de
leur emploi était admise au moment de la passation du marché.
S’il s’agit de mesures à portée générale le problème est plus délicat parce que tous les
administrés sont tenus au respect des lois et règlements même si cela leur cause des frais
supplémentaires.
L’indemnisation ne sera alors possible que si la mesure atteint l’objet essentiel du
contrat ; ainsi en est-il de l’établissement d’une taxe sur la prestation qui fait l’objet du
contrat, ou bien encore de l’établissement d’un blocage du prix de cette prestation à un
niveau inférieur à celui qui a été fixé par le contrat.
L’indemnisation du cocontractant se justifie sans doute par le souci d’assurer le
respect de l’équilibre financier du contrat, mais aussi par la nécessité d’assurer une
certaine sécurité aux cocontractants des collectivités publiques à défaut de laquelle les
entrepreneurs et fournisseurs se détourneraient des marchés publics.
4. L’imprévision
Entre la force majeure et le fait du prince subsiste une série de situations qui peuvent
bouleverser le contrat et auxquelles les théories ci-dessus analysées ne permettent pas
de faire face. Certains événements d’ordre économique ou juridique peuvent rendre
considérablement plus difficile l’exécution du contrat. Les fluctuations économiques de
grande ampleur dues à des crises internes ou internationales, l’élaboration de législations
502
Les actes de l’administration
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Les actes de l’administration
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– Tout concurrent peut saisir le maître d’ouvrage d’un recours administratif dans des
conditions de délai précisées par le décret et dans trois cas : non respect de l’une des règles
relatives à la passation du marché, présence de clauses discriminatoires ou de conditions
disproportionnées par rapport à l’objet du marché, et enfin contestation des motifs de
l’élimination d’une offre par la commission d’appel d’offres ou par le jury du concours.
Le maître d’ouvrage doit répondre dans un bref délai de cinq jours et si le réclamant
n’est pas satisfait de la réponse, il peut saisir le ministre compétent ou le responsable
de l’établissement public. L’autorité saisie de ce nouveau recours peut alors décider
de suspendre la procédure de passation pour une durée de dix jours, mais il peut aussi
laisser la procédure se poursuivre pour des raisons d’intérêt général ou s’il estime que
l’interruption de cette procédure pourrait porter atteinte aux intérêts des autres concurrents.
Il peut enfin décider de l’annuler. Dans tous ces cas il doit motiver sa décision.
– Il existe deux possibilités de recours à la Commission nationale de la commande
publique. Le concurrent peut s’adresser directement à la Commission dans les trois cas
qui lui ouvrait le recours administratif devant le maître d’ouvrage. Mais il doit le faire
dans de brefs délais. D’autre part il peut également saisir la Commission s’il n’est pas
satisfait de la réponse donnée à sa réclamation par le ministre ou les autorités concernées,
ou en l’absence de réponse de leur part. Ce recours est adressé à la Commission par lettre
recommandée ;le requérant doit en informer le maître d’ouvrage. La Commission examine
la réclamation et émet un avis sur la base de l’argumentation du requérant ; si cet avis est
favorable elle le transmet au ministre ou au responsable de l’établissement public qui lui
donne la suite qu’il estime opportune.
L’arbitrage a pendant longtemps été prohibé par l’article 306-2e du CPC « dans tout
litige concernant des actes ou des biens soumis à un régime de droit public » ; toutefois
il avait été admis partiellement par exemple par le cahier des charges de l’ONCF ;
certains milieux professionnels estimaient qu’il devrait être autorisé car mieux adapté
à la solution des litiges contractuels que le recours au juge. En outre l’article 9 de la
loi du 14 février 2006 sur la délégation de service public l’autorisait pour régler les
litiges entre la collectivité publique et le délégataire. Enfin la loi du 30 novembre 2007
modifiant l’article 306 du CPC autorise désormais le recours à l’arbitrage à l’exception
des litiges mettant en cause les actes unilatéraux de l’Etat, des collectivités territoriales
et des organismes dotés de prérogatives de puissance publique ou bien encore les litiges
mettant en cause l’application de la loi fiscale (28). Des centres de médiation et d’arbitrage
se sont créés ou se sont développés dans les grandes villes marocaines et travaillent en
(28) Y. Gaudemet, « L’arbitrage de droit public au Maroc », REMALD, n° 46, 2002, p. 21. M. Rousset : « La nouvelle
loi 08-05 du 30 novembre 2007, sur l’arbitrage et les collectivités publiques », REMARC, n° 10, 2010, p. 11.
506
Les actes de l’administration
liaison avec les professions judiciaires, les administrations de la justice, les chambres
professionnelles, etc.
(29) Rousset (M.), « L’exception de recours parallèle dans le contentieux administratif au Maroc », Revue J.P.I.C.,
1969, p. 376 et suiv.
507
Droit administratif marocain
le recours pour excès de pouvoir, la formule ayant été reprise par les textes postérieurs et
dernièrement par la loi créant les tribunaux administratifs.
Cependant, préalablement à la formation du contrat de nombreux actes unilatéraux
ont été pris : délibérations des organes des personnes décentralisées décidant la passation
du contrat, décisions des diverses commissions qui jouent un rôle dans cette passation,
décision d’approbation du contrat, etc.
La recevabilité du recours semble admise en vertu de la jurisprudence de la Cour
suprême qui utilise pour ce faire la théorie de l’acte détachable ; dans une décision du
15 juillet 1963, SARL Andalous c/ministre des Habous (R.A.C.A.M., 1964, p. 200, R.,
p. 168), la Haute juridiction déclare recevable le recours pour excès de pouvoir dirigé
contre une décision ministérielle refusant d’organiser une procédure d’adjudication prévue
par la loi. Il n’y a donc aucun obstacle qui s’oppose à ce que cette solution soit généralisée
à l’égard de tous les actes unilatéraux préparant le contrat.
La compétence du juge de l’excès de pouvoir peut-elle s’étendre plus loin et toucher
les litiges relatifs à l’exécution du contrat ? Pendant longtemps la réponse a été négative
pour deux raisons : l’attribution aux tribunaux ordinaires d’une compétence seulement
indemnitaire en matière de litiges contractuels et le fait que la recevabilité du recours en
annulation n’est possible que si le requérant ne dispose pas d’un recours lui permettant
de faire pleinement valoir ses droits. Aussi bien, dans la mesure où l’action contractuelle
donne au requérant la possibilité d’obtenir une pleine reconnaissance de ses droits elle fait
obstacle à la recevabilité du recours en annulation.
L’arrêt Société marocaine d’application hydroélectrique (14 janvier 1963, R.A.C.A.M.,
1964, p. 23, R., p. 103) illustre parfaitement cette analyse. La Cour suprême déclare
irrecevable un recours pour excès de pouvoir intenté par une entreprise titulaire d’un
marché de fournitures la liant à une administration publique, contre une décision de
l’autorité administrative rejetant sa demande de révision de prix ; la Cour justifie sa décision
par l’existence du recours ordinaire de pleine juridiction dont dispose l’entrepreneur sur la
base de l’art. 8 du D.O.J., en vigueur à l’époque.
Toutefois, dans le domaine des contrats de fonction publique la Haute juridiction a
donné une interprétation plus extensive des textes fondant la recevabilité du recours en
annulation pour excès de pouvoir.
Par son arrêt sieur Faure (R.M.D., 1965, p. 48 ; R.A.C.A.M., 1964, p. 51, R., p. 277),
elle permet aux agents contractuels d’utiliser la voie du recours pour excès de pouvoir
pour faire reconnaître leur droit au paiement d’une prestation pécuniaire prévue par un
texte législatif ou réglementaire ou par un contrat de recrutement.
508
Les actes de l’administration
(30) Rousset (M.), « Les incidences du critère organique sur le traitement du contentieux administratif », R.J.P.E.M.
n° 10, 1981, p. 39.
(31) Cf. Renard-Payen (O.), « L’expérience marocaine d’unité de juridiction et de séparation des contentieux »,
L.G.D.J., p. 210 et 240.
509
Droit administratif marocain
510
Les actes de l’administration
511
Droit administratif marocain
Cependant, l’analyse des pouvoirs du juge du contrat devrait subir une modification
sensible dès lors que les nouveaux tribunaux administratifs sont juge de droit commun en
matière administrative ; ils connaissent des recours de pleine juridiction donc des recours
contractuels, mais aussi des recours en annulation pour excès de pouvoir.
L’admission de ce dernier devrait être plus facile bien que l’exception de recours
parallèle soit maintenue ; en effet chaque fois que les deux recours ne lui paraîtront pas
parfaitement équivalents, le tribunal administratif pourra aisément accueillir le recours en
annulation puisque ce faisant il ne portera atteinte ni à la répartition des compétences entre
les juridictions, ni au principe de séparation des autorités judiciaires et administratives
contenus dans l’art. 25-1° du C.P.C. qui ne s’impose plus à lui dans la mesure où il est
désormais juge de l’annulation (33).
Finalement la règle contractuelle fait partie intégrante de la légalité comme c’était déjà
le cas ; mais du fait de la réforme de 1991 c’est le même juge qui est amené à la faire
respecter, soit par la voie de l’action contractuelle de plein contentieux, soit par la voie
du recours en annulation ; ainsi est réalisée l’unité du contentieux contractuel au profit du
juge administratif (34).
(33) Ce n’est peut être pas la solution qui semble retenue si l’on en juge par la décision du TA de Rabat qui rejette un
recours en annulation contre une décision administrative prononçant la résiliation d’un marché en cours d’exécution
en soulevant l’exception de recours parallèle : TA n° 67, 11 avril 1996 (non publiée) cf. J. Amazid, « Réflexions sur la
responsabilité en matière de marchés de travaux publics », REMALD, n° 17, 1996, p. 175, « L’exception de recours
parallèle dans le contentieux administratif », REMALD, coll. Thèmes actuels, n° 6, 1996, p. 259 (en arabe).
(34) Le Conseil d’Etat a accepté le recours en annulation d’un tiers contre le contrat de recrutement d’un agent
municipal, cf. (sect.) 30 octobre 1998, Ville de Lisieux, AJDA, 1998, n° 12, p. 969 ; cela ne concerne certes que les
contrats de recrutement des agents publics, mais l’annotateur relève que cela permet un renforcement du contrôle de
légalité en matière contractuelle.
(35) Dossier : les contrats de partenariat public-privé, REMALD, n° 116, 2014, p.157 et s.
512
Chapitre II
La fonction publique (1) (2)
Les collectivités publiques ont besoin, pour l’accomplissement de leurs tâches, d’un
grand nombre de collaborateurs. Tous ne sont cependant pas soumis au même régime
juridique. On peut distinguer diverses catégories de personnels, parmi lesquels les agents
soumis au droit public occupent une place très importante en raison du particularisme qui,
sur de nombreux points, caractérise leur situation vis-à-vis de la collectivité publique qui
les emploie.
Sans doute, l’agent de droit public est un travailleur ; à ce titre il est naturel que lui
soient garantis les droits qui sont reconnus à tout travailleur : stabilité et sécurité de son
emploi, juste rémunération, liberté syndicale, etc.
L’agent public est aussi le citoyen d’un Etat démocratique qui doit pouvoir réclamer le
bénéfice des grands principes constitutionnels : liberté d’opinion, liberté religieuse, égalité,
etc.
Mais cet agent est au service d’une collectivité publique, dont la raison d’être est la
défense de l’intérêt général qui se concrétise dans le fonctionnement des services publics.
Il est donc tout aussi naturel que le régime juridique auquel il est soumis, tienne compte
de l’intérêt général : la reconnaissance de la liberté d’opinion ne doit pas mettre en danger
l’indispensable neutralité de l’administration ; l’exercice du droit syndical ne doit pas
compromettre le fonctionnement régulier des services publics indispensables à la vie de la
collectivité, etc.
Le régime juridique de la fonction publique est ainsi le résultat de la conciliation de
toutes ces exigences.
(1) L’effectif des personnels civils de l’Etat s’élevait à 534 279 agents en 2013 auxquels il convient d’ajouter environ
140 000 agents des collectivités territoriales et environ 256 000 agents des FAR, 45 000 hommes des Forces auxiliaires
et des forces de police (effectif non communiqué).
(2) Mouddani (O.), « Evaluation du processus d’adaptation de la fonction publique marocaine aux fins de
développement », Coll. de la Faculté des Sciences juridiques, économiques et sociales, Rabat, 1984.
« La fonction publique, 30 ans après, permanence et changement », Revue marocaine de droit et d’économie du
développement, n° 21, p. 1989.
Droit administratif marocain
Dans les faits cette conciliation peut s’avérer d’autant plus difficile à réaliser que le
corps des fonctionnaires est plus jeune et dispose de moins de traditions ; tel est le cas
du Maroc, qui, au lendemain de l’indépendance, fut dans l’obligation de recruter la plus
grande partie du personnel de ses administrations ; celui-ci ne disposait donc pas, comme
cela est le cas dans nombre de fonctions publiques étrangères, de solides traditions qui
auraient pu lui servir de guide (3).
Par ailleurs, les structures de la fonction publique des administrations néo-chérifiennes,
dont héritait le Maroc, étaient caractérisées par une très grande complexité. Leur
formation, souvent empirique, échelonnée dans le temps, avait été réalisée essentiellement
par des emprunts à la fonction publique française, plus fréquemment inspirés par le souci
des agents de voir leur statut aligné sur celui de leurs collègues de la métropole, que par la
préoccupation de construire des cadres de personnels adaptés aux types d’administrations
qui avaient été créées depuis 1913.
Deux problèmes se posaient aux responsables de la fonction publique : l’un, purement
conjoncturel, résultait de la pénurie de personnel qualifié ; l’autre, était un problème de
fond qui était constitué par la nécessité de construire les nouvelles bases juridiques de la
fonction publique.
Le problème conjoncturel a été résolu par l’appel à deux moyens : d’une part, le
recrutement, dans des conditions définies par des textes permettant des dérogations
aux règles statutaires, des personnels indispensables pour lesquels divers systèmes de
formation ou de perfectionnement ont été mis sur pied ; d’autre part, l’appel à l’assistance
technique, spécialement française. La réforme des cadres de 1967 à mis fin au premier
procédé, sauf exception.
Quant au recours à l’assistance technique, il a diminué progressivement jusqu’à sa
disparition après avoir rempli sa mission qui était de pallier l’insuffisance quantitative ou
qualitative du personnel national.
Le recensement des fonctionnaires et agents de l’Etat réalisé par le ministère des Affaires
administratives en juillet 1979 nous apprend qu’à cette date il existait 8 496 coopérants
dont 5 967 coopérants français et 2 529 coopérants d’autres nationalités. Cependant, avec
la politique de formation des personnels administratifs menée par les pouvoirs publics,
l’effectif des agents étrangers en fonction auprès de l’administration marocaine a enregistré
un recul important puisqu’au 15 janvier 1991 il s’élevait à peine à 1 156 agents. C’est
le secteur de l’enseignement qui concentrait le plus grand nombre de personnel étranger
(enseignement supérieur : 141, enseignement secondaire : 503) ; la marocanisation ne
(3) Mouddani (O), Indépendance nationale et système juridique au Maroc : le cas de la Fonction publique marocaine,
PUG et Éd. la Porte, 2000, p. 99.
514
La fonction publique
pouvait en effet se faire dans ce domaine que dans des délais sensiblement plus longs ;
à cet égard la situation de la coopération culturelle en Tunisie et en Algérie a montré un
étroit parallélisme qui résulte des difficultés particulières que rencontre la formation d’un
personnel national dans le domaine de l’enseignement (4). Aujourd’hui ces personnels
étrangers ont évidemment disparu ce qui n’exclut évidemment pas des actions de
coopération ponctuelle ou thématique avec des universités de différents pays.
Le problème permanent constitué par la nécessité de la construction des cadres
juridiques de la fonction publique recouvrait trois aspects particuliers : il s’agissait en effet
de simplifier et d’adapter les structures de la fonction publique ; de former un personnel
compétent et efficace ; enfin, de diffuser au sein de la nouvelle fonction publique un esprit
de service public qui est à l’agent public, ce que l’esprit civique est au citoyen. Il s’agit là,
évidemment, d’une politique de longue haleine, dont la réussite ne dépend d’ailleurs que
très partiellement de la réforme des textes.
Les principes de base ont été posés dès 1958 par le statut général de la fonction
publique (Dh. du 24/2/1958, B.O. 1958, p. 631) qui s’inspire du modèle français, le statut
général des fonctionnaires de 1946. Quant à la réforme des cadres des personnels, sa mise
en œuvre s’est échelonnée sur plusieurs années ce qui ne signifie pas que depuis lors il n’y
ait pas eu, et qu’il n’y aura pas encore, de nombreux aménagements. Ceux-ci sont en effet
nécessaires pour corriger certaines insuffisances originelles de la réforme, ainsi que celles
qui sont apparues au fur et à mesure que le temps a passé. Tout ceci relève naturellement
de ce que l’on peut appeler la politique de la fonction publique ; celle-ci, comme d’ailleurs
la politique de réforme administrative dont elle constitue un aspect, est une politique qui
doit être conduite de façon permanente. C’est compte tenu de cette observation que l’on
présentera les diverses catégories d’agents qui constituent le personnel des administrations
publiques (section I), on étudiera ensuite l’organisation de la fonction publique (section II),
la carrière du fonctionnaire (section III), ses obligations et ses droits (sections IV et V).
Section I
Les diverses catégories d’agents des administrations
Une distinction essentielle doit être faite entre les agents soumis à un régime de droit
public et les agents de droit privé que l’administration emploie dans les conditions du droit
commun.
(4) Cf. Mellouki, « Le statut juridique du coopérant français au Maroc », mémoire de doctorat, Faculté des Sciences
juridiques, économiques et sociales, 1971.
Sekkat (A.), « La politique de l’enseignement au Maroc (1956-1976) », thèse de droit, Grenoble, 1977 (dactyl.).
515
Droit administratif marocain
A. Les fonctionnaires
Le statut général de la fonction publique donne une définition du fonctionnaire dans
son article 2 : « A la qualité de fonctionnaire toute personne nommée dans un emploi
permanent et titularisée dans un grade de la hiérarchie des cadres de l’administration de
l’Etat. »
Cette définition est d’ailleurs reprise par le décret portant statut particulier du personnel
communal (décret du 27/9/1977, B.O. 1977, p. 1068) ; elle s’applique également au
personnel de l’Etat en service dans les préfectures et provinces qui ne sont pas dotées d’un
personnel qui leur soit propre.
D’autre part, elle concerne la totalité des fonctionnaires indépendamment de leur
assujettissement au statut général : on verra en effet que tous les fonctionnaires ne lui sont
pas soumis.
Enfin, on précisera que cette définition est totalement indépendante de celle qu’utilise
l’art. 224 du code pénal pour lequel « sont réputés fonctionnaires publics, pour l’application
de la loi pénale, toutes personnes qui, sous une dénomination et dans une mesure
quelconque, sont investies d’une fonction ou d’un mandat même temporaire, rémunérés
ou gratuits, et concourent à ce titre au service de l’Etat, des administrations publiques, des
municipalités, des établissements publics ou d’un service d’intérêt public ». C’est cette
définition qu’utilisait avant sa suppression la Cour spéciale de justice pour la répression
des infractions relevant de sa compétence (détournement de deniers publics, intéressement
du fonctionnaire à certaines entreprises, concussion et corruption passive) (5).
La définition du fonctionnaire fait donc appel à trois éléments. L’occupation d’un
emploi d’une collectivité publique, la permanence de l’emploi, la titularisation dans la
hiérarchie d’un cadre.
516
La fonction publique
2. La permanence de l’emploi
Cette condition recouvre en réalité deux idées : l’emploi doit être permanent mais, de
plus, il doit être occupé de façon permanente.
Ne seront donc pas fonctionnaires, les agents recrutés pour faire face à des tâches
exceptionnelles : agents temporaires, agents auxiliaires, ou bien encore les requis,
contraints sur la base des textes réglementant le droit de réquisition des personnes,
d’apporter leur concours à l’Etat.
D’autres agents occupent des emplois permanents mais de façon discontinue : agents
électifs des collectivités locales, membres du gouvernement, intérimaires, agents occupant
un emploi supérieur au sens de l’art. 6 du statut général.
3. La titularisation
La titularisation est l’acte par lequel le fonctionnaire est placé à un certain grade d’une
hiérarchie de personnel.
La titularisation confère à l’agent la qualité de fonctionnaire. Ne sont pas fonctionnaires
les stagiaires qui, pendant un certain délai (un an en principe), sont placés dans une situation
provisoire, destinée à permettre la vérification des qualités qu’un mode quelconque de
recrutement ne peut que faire présumer.
517
Droit administratif marocain
Il peut s’agir également des agents des établissements publics à caractère administratif
dont le statut est élaboré soit par l’organisme lui-même, soit par la collectivité de
rattachement. Le personnel de certaines entreprises publiques peut être soumis à un
statut de droit public : tel était le cas du personnel permanent de la Manufacture d’armes
de Meknès : certaines dispositions particulièrement exorbitantes du statut du 17/5/1968
(B.O. 1968, p. 637) permettaient de le déduire. (La Manufacture a été supprimée par un
dahir portant loi du 2/10/1976, B.O. 1976, p. 1139).
(6) Le ministre des Affaires administratives exposant devant la chambre des représentants les principaux aspects de la
réforme administrative le 14/11/1971 (in Bulletin de liaison des anciens élèves de l’E.N.A.P., n° 4, 1972), faisait figurer
parmi les “pratiques abusives”, les «contrats fonctionnels qui sont une véritable hérésie sur le plan des principes et
d’une saine conception de la fonction publique ».
518
La fonction publique
(7) Tous ces personnels sont désormais dotés d’un Régime collectif d’allocation de retraite institué par le dahir portant
loi du 4/10/1977 (B.O. 1977, p. 1246) ; l’affiliation à ce régime est obligatoire sauf si le régime de retraite et de
prévoyance auquel le personnel était antérieurement affilié assure des prestations au moins égales à celles que prévoit
le dahir, et si les modalités techniques et financières de fonctionnement de ce régime sont estimées satisfaisantes.
La limite d’âge des personnels relevant de ce régime a été fixée par la loi 05-89 du 21/12/1989, B.O. 1989, p. 40. Ce
régime a été réorganisé par la loi du 10/9/1993.
519
Droit administratif marocain
Section II
L’organisation de la fonction publique
520
La fonction publique
l’objet d’une interrogation de la part du Premier ministre ; ainsi dans une décision du
4 juin 1997 (B.O. 1997, p. 586) il décide que toute une série de dispositions du décret
royal du 17 mai 1968 fixant la procédure de notation et d’avancement d’échelon et de
grade des fonctionnaires des administrations publiques relèvent du pouvoir réglementaire
dans la mesure où elles ne constituent que des mesures d’application des dispositions
législatives relatives aux garanties fondamentales ; en revanche d’autres dispositions de
ce décret royal relèvent du pouvoir législatif dès lors qu’elles sont étroitement liées à
ces mêmes garanties fondamentales. Cependant, en renforçant la compétence législative
en matière de fonction publique, la Constitution pose un nouveau problème : celui de la
validité des dispositions du statut de 1958 qui permettent des dérogations aux règles qu’il
pose, par voie réglementaire ; en bonne logique on devrait les tenir pour caduques, dans
la mesure où les dispositions de la Constitution de 1996 ne permettaient pas au législateur
de déléguer son pouvoir en dehors des procédures prévues à cet effet par les articles 44
(habilitation législative) et 45 (décrets lois pendant les intersessions).
Aujourd’hui ce problème reste posé car les données constitutionnelles sont les mêmes
compte tenu des dispositions de la constitution de 2011. Le statut général de la fonction
publique comme les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils et
militaires font partie du domaine de la loi (article 71). Le législateur ne peut déléguer
son pouvoir que dans deux cas prévus par les articles 70-3° (habilitation législative) et 81
(décrets lois pendant les intersessions).
Le statut général trace certains traits fondamentaux de la condition juridique du
fonctionnaire (§1), mais il ne régit pas tous les fonctionnaires, d’où la nécessité de préciser
son champ d’application et les modalités de cette application (§2). Enfin, le statut donne
naissance à un certain nombre d’institutions qui forment les structures de la fonction
publique (§3).
521
Droit administratif marocain
1. La situation statutaire
2. La subordination hiérarchique
Le caractère législatif de toutes ces garanties est enfin de nature à mieux assurer la
protection du fonctionnaire à l’égard du pouvoir exécutif dont il dépend, d’autant plus que
depuis 1972 la Constitution place l’ensemble du statut général dans le domaine législatif
ce que maintient naturellement la constitution de 2011
522
La fonction publique
(8) Pour un point de vue comparatif, cf. « La mise en œuvre des statuts de la fonction publique en Afrique et à
Madagascar », Timsit (G.), Bulletin de l’Institut international d’administration publique, 1968, n° 5, p. 33 ; Timsit (G.),
« Le statut de la fonction publique algérienne », Revue algérienne des sciences juridiques et politiques, n° 2, 1967,
p. 203 et suiv. et Sbih (M.), la Fonction publique, Hachette, 1968.
(9) Le ministère des Affaires administratives a publié deux recueils de textes intéressant la fonction publique qui
concernent les textes généraux, les statuts particuliers ainsi que les régimes de retraites et de prévoyance sociale.
(10) Snoussi (B.), la Fonction publique par les textes, Rabat, 1996.
523
Droit administratif marocain
le Dh. du 16/2/1977, B.O. 1977, p. 361 ; Dh. du 27 mai 1958 sur l’état et le recrutement des
officiers des F.A.R., Dh. du 10 mai 2013 formant statut particulier des officiers des Forces
Armées Royales (BO. 2013, p. 1956) et loi du 4 septembre 2012 relative aux garanties
fondamentales accordées aux militaires des FAR (B.O. 2012, p. 2634).
Enfin, il faut rappeler qu’échappe à l’application du statut le personnel des entreprises
et services publics industriels et commerciaux.
524
La fonction publique
525
Droit administratif marocain
Les catégories de fonctionnaires visées par cette disposition font l’objet d’une
énumération limitative ; il s’agit des membres du corps diplomatique et consulaire, du
corps enseignant, de l’Inspection générale des finances, de la police, de l’administration
pénitentiaire et des sapeurs-pompiers, des agents du service actif des douanes et impôts
indirects, des contrôleurs, inspecteurs et gardes maritimes de la marine marchande, des
officiers de port et du personnel des phares, enfin du personnel des eaux et forêts.
Ces statuts dérogatoires posent un certain nombre de problèmes ; il est d’abord évident
que l’art. 4-2e n’autorise pas n’importe quelle dérogation. Peuvent seulement être écartées
les dispositions qui sont réellement incompatibles. La Cour de Cassation devrait accepter
de vérifier l’appréciation de l’autorité réglementaire portant sur l’incompatibilité des
dispositions écartées.
Un deuxième problème naît de ce que la Constitution a placé les garanties fondamentales
des fonctionnaires dans le domaine de la loi. En bonne logique juridique, toute dérogation
à une disposition concernant de telles garanties exige un texte législatif. Or les différents
statuts particuliers intéressant les personnels considérés, et qui sont actuellement élaborés,
sont contenus dans des décrets royaux de nature réglementaire.
Plusieurs explications de ce fait peuvent être envisagées : les statuts particuliers ne
comporteraient aucune dérogation au statut général ou, en tout cas, à aucune garantie
fondamentale. Cette explication ne résiste pas à une analyse même rapide des textes. Il
suffit à titre d’exemple de mentionner les articles 24 et suivants du statut particulier du
personnel diplomatique et consulaire (D.R. du 9/3/1967, B.O. 1967, p. 325) qui soumet le
mariage de ces agents à autorisation administrative, portant ainsi une incontestable atteinte
au moins à la liberté individuelle. De même l’article 37 du statut particulier du personnel
de l’administration pénitentiaire (D.R. du 2/2/1967, B.O. 1967, p. 170) qui interdit à ce
personnel l’exercice du droit syndical, touche à une garantie fondamentale.
Le statut général habilitait sans doute le pouvoir réglementaire à prendre par décret
les textes dérogatoires ; mais cette habilitation donnée avant la promulgation de la
Constitution de 1962, paraissait déjà difficilement compatible avec le fait que les garanties
fondamentales des fonctionnaires avaient été placées par celle-ci dans le domaine de
la loi ; à plus forte raison avec les dispositions de la Constitution qui, depuis 1972,
réservent au législateur l’ensemble du statut général et des garanties fondamentales des
fonctionnaires civils et militaires. La dérogation aux dispositions du statut s’analyse en
une véritable délégation du pouvoir législatif au profit de l’autorité réglementaire ; or
une telle délégation ne semble pas pouvoir emprunter d’autres formes que celles que la
Constitution a elle-même établies dans ses articles 70-3° et 81.
L’appel au pouvoir réglementaire autonome du chef du gouvernement responsable
du fonctionnement des services publics ne permet pas de régler la question ; s’il est vrai
526
La fonction publique
qu’en vertu de la décision de la Cour suprême El Hihi Mohamed (C.S.A. 17/4/1961 R.,
p. 56), le chef du gouvernement peut suppléer le silence de la loi, en prenant par décret,
sur la base des pouvoirs généraux qu’il détient, les règles nécessaires au fonctionnement
des services publics et au maintien de l’ordre public, cette jurisprudence n’est concevable
que s’il s’agit d’établir de façon temporaire une réglementation que le législateur n’est
pas en mesure d’élaborer. La réglementation d’origine gouvernementale ne devrait pas, de
manière permanente, prendre la place de la loi. Enfin, lorsque le pouvoir réglementaire et
le pouvoir législatif sont réunis dans une même main (état d’exception, période transitoire
prévue par les dispositions finales de la Constitution en 1972), il n’existe aucune raison de
ne pas respecter la hiérarchie des textes établie par la Constitution.
Ainsi la légalité de certains statuts particuliers dérogatoires élaborés en 1967 semble
douteuse, dans la mesure où ils touchaient à des garanties fondamentales ; pour l’avenir il
en serait de même si le pouvoir réglementaire dérogeait aux dispositions du statut général
de façon à adapter son contenu aux particularités de certains corps de fonctionnaires. Tel
semble être le cas du décret du 23/12/1975 (B.O. 1975, p. 1593) portant statut particulier du
personnel de la Sûreté nationale principalement en ce qui concerne le régime disciplinaire
(art. 38 et 39) qui déroge aux dispositions correspondantes du statut général (11).
(11) On observera qu’à la différence de pratiquement tous les statuts particuliers qui ont été pris par décret royal,
celui-ci résulte d’un simple décret : les voies de recours juridictionnels restent donc ouvertes contre les mesures
d’application, ce qui peut présenter un intérêt en matière disciplinaire car le décret ne mentionne nullement l’obligation
de provoquer les explications de l’intéressé avant le prononcé de la sanction.
527
Droit administratif marocain
(12) Certaines catégories d’agents ont été dotées de statuts postérieurement en raison de difficultés particulières : il
s’agit du personnel de la Radiodiffusion et Télévision (D. du 16/10/1971, B.O. 1971, p. 1218), des Forces auxiliaires
(Dh. P.L. du 4/4/1973, B.O. 1973, p. 555) et des personnels de la Direction de la sûreté nationale (D. du 23/12/1975,
B.O. 1975, p. 1593) ; auxquels il convient d’ajouter les personnels récemment dotés d’un statut particulier à savoir :
le personnel des services de l’Académie du Royaume du Maroc et ses annexes (Dh. P.L. du 5/10/1984, B.O. 1985,
p. 200) ; le personnel de l’Institut national de la recherche agronomique (D. du 18/1/1985, modifié par D. du 2/1/1987,
B.O. 1987, p. 123) ; le corps des vétérinaires inspecteurs (D. du 3/2/1987, B.O. 1987, p. 124) ; le corps des contrôleurs
de la circulation aérienne (D. du 31/3/1987, B.O. 1987, p. 122) ; le personnel du ministère de l’Equipement, de la
Formation professionnelle et de la Formation des cadres (D. du 28/3/1986, B.O. 1987, p. 119).
La plupart de ces textes ont fait l’objet de diverses modifications depuis leur édiction.
(13) Ces modifications ont concerné les personnels relevant des administrations suivantes : Agriculture, D. du 16/2/1977
(B.O. 1977, p. 359) Travail et Affaires sociales, D. du 16/2/1977 (B.O. 1977, p. 362) ; Santé publique, D. du 14/3/1977
(B.O. 1977, p. 434) et D. du 14/11/1985 (B.O. 1985, p. 405) ; Affaires étrangères, D. du 14/3/1977 (B.O. 1977, p. 434) ;
P.T.T., D. du 14/3/1977 (B.O. 1977, p. 435) abrogé par D. du 18/1/1985 (B.O. 1985, p. 405) ; Finances, D. du 14/3/1977
(B.O. 1977, p. 436) ; Artisanat, D. du 14/3/1977 (B.O. 1977, p. 436) ; Jeunesse et Sports, D. du 14/3/1977 (B.O. 1977, p.
437) ; Intérieur, D du 8/7/1977 (B.O. 1977, p. 864), D. du 2/12/1986 (B.O. 1988, p. 253) et D. du 2/1/1987 (B.O. 1988, p.
254) ; Industrie et Mines, Commerce et Artisanat dont les dispositions statutaires se rapportant au personnel du ministère
chargé du Commerce et de l’Industrie, ont été abrogées par D. du 3/2/1987 (B.O. 1987, p. 127).
528
La fonction publique
Pour tenir compte du développement des techniques et des besoins des diverses
administrations dans le domaine de la construction on a créé deux nouveaux corps
interministériels : celui des ingénieurs et architectes (D. 9 janvier 1985, B.O. 6 février 1985,
p. 94) et celui des techniciens (D. 6 octobre 1987, B.O. 1987, p. 463).
Cette réforme a soulevé deux sortes de difficultés principales :
Simplifier les structures posait le problème de la classification des emplois qu’il fallait
résoudre pour pouvoir les regrouper en des cadres homogènes et moins nombreux.
Il fallait ensuite déterminer les conditions d’intégration des personnels en place, en
tenant compte des intérêts légitimes de ceux-ci, mais aussi de ceux du service auxquels
on pouvait être d’autant plus sensibles que l’homogénéité du recrutement de ces agents
n’avait pu être que très imparfaitement assurée depuis l’indépendance.
D’une façon générale, les mesures d’intégration ont été confiées aux ministres statuant
conformément aux conclusions d’une commission interministérielle : l’autorité chargée de
la fonction publique (le ministre des Affaires administratives), le ministre des Finances,
le chef du département ministériel intéressé (ces différentes autorités pouvant se faire
représenter) ont constitué ces commissions.
En ce qui concerne le personnel titulaire et stagiaire l’intégration est de droit, la
commission n’ayant une certaine latitude qu’à l’égard du classement des agents.
En revanche, les personnels recrutés par contrat ou occupant certains emplois supérieurs
postérieurement au 7 décembre 1955 n’ont eu que la possibilité d’être intégrés sur leur
demande. Les commissions d’intégration pouvaient en outre proposer l’organisation
d’épreuves de sélection professionnelle pour certaines catégories d’agents contractuels.
En pratique, il a été particulièrement délicat d’obtenir des administrations qu’elles
mettent en œuvre la réforme des cadres en respectant son esprit, tant en ce qui concerne
la classification des diverses catégories de personnels sur la base des nouveaux critères
de qualification (titres), qu’en ce qui concerne l’intégration des personnels existant dans
les nouveaux cadres sur la base des mêmes critères ; les administrations ont en effet été
tentées de suivre les revendications des personnels aspirant tous à un classement aussi
favorable que possible et à une intégration fondée sur la seule considération de la situation
administrative occupée avant la réforme.
Le ministre des Affaires administratives avait été obligé de rappeler à leurs obligations
les responsables des divers services, en dénonçant la tendance consistant à surestimer les
petits cadres, à multiplier les propositions de classement dans les échelles supérieures
(échelle onze) aboutissant ainsi « à transmettre purement et simplement sous forme de
projets de décrets, les revendications les plus démesurées des personnels, déplaçant ainsi
sur les services de contrôle finances et fonction publique – la responsabilité éventuelle
529
Droit administratif marocain
A. Les organes
Il en est de deux types : au niveau le plus élevé, un organe placé sous la direction
gouvernementale, est chargé de l’élaboration de la politique de la fonction publique et de
sa mise en œuvre ; d’autres organes sont par ailleurs destinés à associer les fonctionnaires
non seulement à la gestion du personnel fonctionnaire, mais aussi à la définition de cette
politique.
1. L’organisation centrale
Elle est constituée par la Direction de la fonction publique du ministère délégué auprès
du Chef du gouvernement chargé de la fonction publique et de la Modernisation des
secteurs publics (2013).
La Direction de la fonction publique a été créée en 1959 ; ses attributions qui ont à
l’origine été définies par l’art. 8 du statut général de la fonction publique et précisées
par le dahir de création du 14/1/1959 (B.O. 1959, p. 207), découlent actuellement des
dispositions du décret du 24 mai 1994 qui fixe les attributions et l’organisation du
département chargé des affaires administratives auquel a succédé, sous des appellations
diverses, l’administration centrale chargée de la fonction publique et de la modernisation
des secteurs publics.
La direction est chargée d’une façon générale d’une mission d’étude de tous les
problèmes intéressant la fonction publique qu’il s’agisse des personnels de l’Etat, de ceux
530
La fonction publique
des collectivités territoriales ou des établissements publics. Il lui appartient d’élaborer les
textes concernant ces divers personnels en liaison avec les administrations concernées ; de
même elle étudie en liaison avec le ministère des Finances toutes les questions relatives
aux régimes de rémunération et de prévoyance sociale.
La direction doit veiller au respect du statut général de la fonction publique et plus
largement au respect de tous les textes législatifs ou réglementaires qui concernent la
situation des personnels de l’Etat, des collectivités territoriales et des établissements
publics. Elle instruit les recours hiérarchiques et les recours contentieux en matière de
fonction publique
Elle prend part avec les autres administrations concernées à la préparation des
programmes d’assistance technique dont elle suit la mise en œuvre.
Aujourd’hui elle est déchargée des problèmes de la réforme administrative qui ont été
confiés à une direction de la réforme administrative du même département et qui, outre les
problèmes relatifs aux études et recherches administratives, à l’organisation et méthodes et
à l’arabisation, a la responsabilité de la formation administrative.
Le ministre délégué chargé de la fonction publique et de la modernisation des secteurs
publics a donc une compétence qui couvre l’ensemble des problèmes de l’administration
dont les problèmes de la fonction publique, au sens strict du terme, ne constituent qu’une
partie (14).
a. Le Conseil supérieur
Il est prévu par l’art. 10 du statut général modifié par un décret royal du 26/6/1967
(B.O. 1967, p. 1128). Les règles d’application sont contenues dans le décret royal du
5/9/1967 (B.O. 1967, p. 1129). Ce conseil présente deux caractères : il est consultatif et
paritaire.
Toute question touchant la fonction publique peut lui être soumise par le gouvernement ;
le conseil formule alors des avis et propositions.
Le caractère paritaire du conseil procède du désir d’associer les fonctionnaires à l’étude
des questions qui les concernent ; mais les modalités de leur représentation ont évolué.
(14) Les questions concernant le service civil qui a été supprimé en 1997, avaient été confiées à une division.
531
Droit administratif marocain
(15) En réalité, des raisons propres aux différentes organisations syndicales ont fait obstacle à la constitution et au
fonctionnement du Conseil, ce qui paraît expliquer les modifications apportées à sa composition. En tout état de cause,
il n’a jamais été réuni. Cf. Menouni (A.), le Syndicalisme ouvrier au Maroc, Éd. Maghrébines, 1979, p. 295.
532
La fonction publique
(16) La première assemblée plénière du Conseil supérieur de la fonction publique s’est tenue en septembre 2002.
(17) C’est ce que constatait un ancien ministre préoccupé par l’amélioration de l’état d’esprit des agents de son
département, qui déclarait : « Les fonctionnaires, comme tout le monde, demandent qu’on les écoute ! », Maroc-
Hebdo, 17 mai 1991, « La motivation dans l’administration », cf. Rousset, « Pouvoir administratif et participation »,
REMALD, n° 32, 2000, p. 29, et Mélanges Abderrahman Kadiri, Rabat, 1997, p. 123.
533
Droit administratif marocain
Si un cadre est commun à plusieurs ministères, les commissions sont créées par arrêté
de l’autorité gouvernementale qui assure la gestion de ce cadre.
Enfin si l’effectif de fonctionnaires ne permet pas la constitution d’une commission
conformément aux dispositions du décret, il est possible de créer des commissions pour
ce cadre dans deux ou plusieurs provinces ou préfectures, ou des commissions paritaires
de deux ou plusieurs cadres de fonctionnaires dans chaque préfecture ou province ou dans
chaque administration centrale.
Le décret précise toutefois que le nombre maximum de représentants des fonctionnaires,
titulaires et suppléants, ne peut dépasser 1 000 représentants pour l’ensemble des
commissions créées dans chaque ministère.
La composition des commissions est désormais établie selon un barème qui tient
compte de l’importance de l’effectif du cadre : un titulaire et un suppléant pour un effectif
de dix à vingt cadres, deux titulaires et deux suppléants pour un effectif de vingt et un à
cent, trois titulaires et trois suppléants pour un effectif de cent un à mille et au-delà de
mille, quatre titulaires et quatre suppléants.
Pour l’application de ces dispositions le cadre est défini comme l’ensemble des
fonctionnaires qui sont soumis au même statut particulier et ont vocation aux mêmes grades
ou classes par avancement au choix après inscription sur un même tableau d’avancement.
Pour être électeur il faut en outre être en position d’activité.
Les représentants du personnel sont élus « au scrutin de liste à la représentation
proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne sans panachage ni vote
préférentiel » selon des modalités définies par le décret. Toutefois depuis 1997, le vote
direct est complété par un vote par correspondance si l’administration se trouve dans
l’impossibilité de prévoir des bureaux de vote proches du lieu de travail des électeurs.
Les représentants de l’administration sont désignés après les élections parmi les
fonctionnaires des cadres supérieurs du département.
Les commissions sont obligatoirement consultées sur un certain nombre de questions
touchant la situation individuelle des agents : intégration des stagiaires, sanctions
disciplinaires, licenciement pour insuffisance professionnelle, refus de démission, etc.
Toutefois, par dérogation aux dispositions du décret de 1959 relatives aux attributions
de ces commissions, la réforme de 1997 crée des commissions administratives paritaires
centrales issues, par voie d’élection, de l’ensemble des représentants des fonctionnaires
membres des commissions constituées sur une base territoriale ou au sein des services
centraux ; ces commissions administratives paritaires centrales « sont chargées de l’examen
de l’avancement au choix afférent à un grade ou cadre de fonctionnaires » (art. 32 bis).
534
La fonction publique
Le président de ces commissions est désigné par le ministre concerné parmi les
représentants de l’administration.
Si leur compétence est consultative, les avis des commissions siégeant en conseil
de discipline lient le ministre qui ne peut prononcer de sanctions supérieures à celles
proposées par l’avis, qu’avec l’approbation du Premier ministre. A la différence du conseil
supérieur, les commissions paritaires semblent fonctionner de manière satisfaisante.
La Cour de Cassation veille d’ailleurs à ce que l’administration respecte le caractère
paritaire des commissions ; ainsi elle décide qu’est illégale la décision prise après
consultation d’une commission dont la composition ne respectait pas le principe de parité :
C.S.A. n° 195 du 22 juin 1973 : Marrakchi c/ministre des Finances.
1. L’emploi
C’est une notion simple qui résulte de l’analyse des différentes tâches qui doivent être
accomplies dans chaque service, et qu’il faut ainsi confier à un agent déterminé.
C’est aussi une notion budgétaire, chaque administration figurant au budget pour
un montant de crédit correspondant à un certain nombre d’emplois budgétaires. Ainsi
les créations, transformations et suppressions d’emplois ne sont pas laissées à la libre
appréciation de l’autorité responsable du service. Elles doivent être autorisées par une
disposition spéciale de la loi de finances.
535
Droit administratif marocain
2. Le grade
Il caractérise la situation du fonctionnaire dans la hiérarchie du personnel (le cadre) à
laquelle il appartient. Cette hiérarchie est déterminée par les statuts particuliers (art. 31).
Le grade et l’emploi ne sont pas liés de façon absolue. Sans doute, les fonctionnaires
ont-ils vocation à occuper certains emplois correspondant à leur grade, et les emplois
font d’ailleurs l’objet d’une classification fondée sur le niveau d’aptitude et la spécialité
requis pour les occuper. L’art. 38 du statut évoque cette liaison entre le grade et l’emploi,
lorsqu’il précise qu’un « fonctionnaire est réputé en activité lorsque, titularisé dans un
grade, il exerce effectivement les fonctions de l’un des emplois correspondants dans
l’administration où il est affecté ».
Cette vocation n’est cependant pas un droit ; l’art. 30 dispose que « tout fonctionnaire
qui bénéficie d’un avancement de grade est tenu d’accepter l’emploi qui lui est assigné
dans son nouveau grade. En cas de refus, sa promotion est annulée et il peut être radié du
tableau d’avancement ».
Cette non dépendance du grade et de l’emploi, donne ainsi au chef de service une plus
grande latitude dans l’affectation des agents aux divers emplois du service ; par ailleurs,
elle n’entrave pas le déroulement de la carrière des agents qui peut se poursuivre bien
qu’ils restent affectés dans le même emploi.
La distinction du grade et de l’emploi est, par exemple, soigneusement établie dans le
statut particulier des administrateurs du ministère de l’Intérieur : la hiérarchie des cadres
d’administrateurs et les emplois d’agent d’autorité sont nettement séparés.
Une autre illustration de cette distinction apparaît de façon particulièrement nette dans
l’art. 6-3e du statut général relatif aux emplois supérieurs (30 /12/1975, B.O. 1975, p. 9) : la
nomination dans ces emplois est essentiellement révocable qu’il s’agisse de fonctionnaires
ou de non fonctionnaires et elle ne peut jamais entraîner la titularisation dans un grade de
la hiérarchie des cadres.
On sait qu’aujourd’hui les conditions de nomination aux fonctions supérieures en
application des articles 49 et 92 de la Constitution résultent de la loi organique 02-12
du 17 juillet 2012 (B.O. 2012, p. 2487). Cette loi détermine la liste des fonctions
supérieures dont les responsables sont nommés par décret après délibération du conseil
du gouvernement ;elle détermine également les conditions de ces nominations : D’une
part le respect de certains principes : l’égalité des chances,du mérite et de la transparence
dans le processus de nomination. Non discrimination sous toutes ses formes, respect de
la parité hommes-femmes. D’autre part elle pose les critères de nomination : jouissance
des droits civils et politiques, haut niveau d’enseignement et de qualification, intégrité et
probité, expérience professionnelle dans les administrations de l’Etat, dans les collectivités
536
La fonction publique
3. Le cadre
« A l’intérieur d’un même ministère, un cadre est constitué par l’ensemble des emplois
soumis aux mêmes conditions de recrutement et de carrière par le statut particulier »
(art. 23).
Sur la base de cette définition, la réforme de l’organisation des personnels des
administrations publiques, a procédé, ainsi qu’on l’a vu, au regroupement des personnels
propres à chaque ministère et des personnels communs des administrations.
Les statuts particuliers indiquent désormais que le personnel du département considéré
est composé d’un certain nombre de cadres qui semblent correspondre à des types de
fonctions distinctes qu’il est nécessaire d’assurer au sein du service. Ces cadres sont
hiérarchisés et classés dans l’une des onze échelles de rémunération créées par le décret
du 8/7/1963. Par exemple, le personnel de la direction de l’artisanat (D. du 11/3/1974,
B.O. 1974, p. 369, modifié par le D. du 14/3/1977, B.O. 1977, p. 436) comporte cinq
cadres : inspecteur divisionnaire de l’artisanat (échelle n° 11), inspecteur de l’artisanat
(échelle n° 10), inspecteur adjoint (échelle n° 8), contrôleur de l’artisanat (échelle
n° 7) et agents techniques (échelle n° 6). Ces cadres sont le plus souvent séparés parce
qu’ils correspondent à des spécialités différentes. Dans la mesure où des passages sont
techniquement possibles, ils sont subordonnés à la réunion des conditions normales de
recrutement. Par exemple, les agents techniques de la direction de l’artisanat peuvent
accéder au cadre de contrôleur de l’artisanat à la condition d’avoir atteint le quatrième
échelon de leur grade et d’avoir satisfait aux épreuves d’un examen d’aptitude
professionnelle. Mais le plus souvent, il faut pour tous les candidats, même ceux qui sont
issus de l’administration considérée, satisfaire aux conditions générales de recrutement de
ces cadres : recrutement sur titre ou sur concours.
La terminologie des statuts particuliers utilise parfois le terme de “corps” pour désigner
certaines catégories de personnels. Il ne semble pas que ce terme ait un sens technique précis.
Son utilisation paraît résulter soit d’une commodité de langage consistant en une référence
à l’usage courant (par exemple : corps enseignant, corps des médecins, pharmaciens,
chirurgiens-dentistes du ministère de la Santé publique, corps des vétérinaires-inspecteurs du
ministère de l’Agriculture), soit du désir de marquer l’individualité d’une certaine catégorie
de fonctionnaires (corps de l’Inspection générale des finances, corps interministériel des
ingénieurs et adjoints techniques, corps des administrateurs du ministère de l’Intérieur).
En fait, le terme de corps pourrait être remplacé soit par celui de “personnel”, soit par
celui de “cadre”. En effet, le corps enseignant et le corps interministériel des ingénieurs
537
Droit administratif marocain
et adjoints techniques présentent la même structure que celles des personnels des autres
départements ministériels. Ils comprennent une série de cadres distincts auxquels on
accède seulement par les voies normales du recrutement.
Pour l’Inspection générale des finances, l’inspection générale de l’administration
territoriale (D. 16/6/1994, B.O. 1994, p. 359), les administrateurs du ministère de
l’Intérieur, les vétérinaires-inspecteurs du ministère de l’Agriculture et les médecins-
pharmaciens et chirurgiens-dentistes du ministère de la Santé publique, le “corps” est
équivalent au cadre ; chaque corps est divisé en grades, et l’on passe de grade à grade par
avancement au choix, dans des conditions similaires de celles qui permettent l’avancement
à l’intérieur de la hiérarchie des cadres normaux.
Les cadres et corps de fonctionnaires sont répartis en diverses catégories : agents
supérieurs – A –, agents d’application – B –, et une catégorie d’agents subalternes – C –.
Cette classification correspond ainsi au niveau de recrutement et à la nature des fonctions,
et, évidemment aussi, au niveau de rémunération. Les cadres peuvent être divisés en
grades, classes (rarement) et échelons ; c’est en suivant cette filière de façon continue que
le fonctionnaire fait carrière en fonction de divers critères d’avancement.
Certains cadres comportent des “emplois supérieurs” dont l’accès dépend d’un pouvoir
purement discrétionnaire : médecin inspecteur général (Santé publique), ingénieur général
(corps interministériel), administrateur principal, préfet de police, inspecteur général de
l’administration territoriale (intérieur), etc. dont on a vu plus les conditions de nomination.
Cette division des cadres en grades est cependant loin d’être la plus courante ; de très
nombreux cadres (au moins la moitié) sont des cadres à grade unique : l’exemple le plus
caractéristique est celui des cadres du corps enseignant qui ne comportent qu’une division
en échelons.
La multiplication des cadres à grade unique dans toutes les administrations se traduit
par la possibilité donnée aux agents de suivre la totalité de leur carrière au sein du même
grade. Cela peut s’expliquer par la pyramide des âges des personnels recrutés. La jeunesse
des agents situés dans les cadres et grades les plus élevés de la hiérarchie, bloque les
possibilités d’avancement des agents situés au bas de cette hiérarchie. Il est évident
que cette situation n’a pas été étrangère à la décision de mettre en place un mécanisme
d’incitation au départ anticipé à la retraite par le décret du 23 décembre 2004 instituant
à titre exceptionnel une indemnité de départ volontaire pour les fonctionnaires civils
de l’Etat. Deux mécanismes ont été prévus. L’un pour les agent totalisant le nombre
d’annuités nécessaires pour bénéficier du droit à pension de retraite et qui souhaitaient
quitter l’administration avant d’avoir atteint l’âge légal le permettant. L’autre concernait les
agents n’ayant pas les annuités nécessaires pour bénéficier de la pension de retraite ; dans
ce cas ils pouvaient obtenir une indemnité calculée comme pour les agents de la première
538
La fonction publique
catégorie et en outre le remboursement des retenues effectuées sur leur traitement au titre
des cotisations pour pension de retraite. Cette expérience n’a pas eu que des avantages car
si elle a permis de libérer un certain nombre d’emplois elle a aussi entraîné le départ d’un
grand nombre de cadres qualifiés dont il n’est pas certain que l’administration ait pu les
remplacer aisément.
Cependant les conditions exigées pour obtenir un avancement de grade ou un
changement de cadre (concours, examens professionnels, importantes conditions
d’ancienneté) se justifiaient par l’hétérogénéité du recrutement et le désir d’organiser des
carrières incitant les fonctionnaires les plus aptes de chaque niveau à se soumettre à une
sorte de formation permanente que l’on qualifie aujourd’hui de formation continue. Un
décret du 2 décembre 2005 (B.O. 2006, p. 253) a mis en place un dispositif concernant
l’ensemble des fonctionnaires et agents de l’Etat. Ce dispositif poursuit plusieurs buts.
Il s’agit de donner aux agent de l’Etat une qualification grâce à la formation qu’ils
auront suivie et qui leur permettra d’exercer les fonctions correspondantes. Mais il
s’agit aussi de favoriser le perfectionnement de leurs compétences de façon à répondre
« à l’évolution des techniques et aux mutations que connaît l’administration publique ».
Il s’agit enfin d’améliorer la compétence et l’expertise des fonctionnaires et des agents
de l’administration de façon à faciliter la mobilité par le redéploiement vers des
emplois ou des activités professionnelles nouvelles exigeant d’autres qualifications.
La formation continue est aussi destinée aux cadres supérieurs afin « de les préparer à
l’exercice de fonctions de conception,d’encadrement, de gestion et d’’orientation au sein
de l’administration publique ». La modernisation de l’administration et de la fonction
publique a bénéficié d’une aide de l’Union européenne dans le cadre du plan d’Action
Maroc-UE ; cette modernisation est orientée sur des projets de réformes tendant à faire
évoluer la gestion purement juridique de la situation des personnels tout au long de leur
carrière vers un véritable management des ressources humaines (18).
Section III
La carrière du fonctionnaire
(18) A. Mecherfi : « La fonction publique au Maroc : de la gestion des personnels au management des ressources
humaines », REMALD, n° 56, 2004, p. 109.
539
Droit administratif marocain
recrutement (§1), elle se déroule en fonction des possibilités d’avancement (§2) prévues
par les statuts qui ouvrent aux fonctionnaires différents types de positions (§3) ; elle se
termine enfin par la sortie du service (§4).
(18 bis) El Yaâgoubi : « Le statut général de la fonction publique et le principe d’égalité : la problématique du
recrutement », REMALD, n° 124, 2015, p. 25.
(19) A l’occasion de la journée de la femme, le 8 mars 2000, la presse avait relevé que malgré le principe d’égalité
des sexes inscrit dans la loi constitutionnelle et dans le statut général de la fonction publique, l’effectif féminin de
la fonction publique n’atteignait pas la moitié de l’effectif masculin ; en 2013 les femmes représentent 39,40 % des
effectifs de la fonction publique civile, la parité est donc en progrès ; mais y a-t-il eu également des progrès dans
l’accès de femmes aux emplois supérieurs ? Les femmes occupent-elles toujours surtout des postes subalternes ? Dans
540
La fonction publique
une étude publiée il y a quinze ans on relevait que les femmes cadres de la fonction publique (à partir de l’échelle 10)
ne représentaient que 20 % des emplois de ce niveau (le Matin du Sahara, 9 mars 2000, p. 3). Qu’en est-il aujourd’hui ?
541
Droit administratif marocain
L’ouverture du concours ne crée « par elle-même aucun droit au profit des personnes… qui
avaient fait acte de candidature, à ce que ce concours ait lieu à la date indiquée » (C.S.A.
25/6/1959, Puel, R., p. 52). L’autorité compétente peut de la même manière décider de
supprimer le concours ou l’examen.
C’est elle qui arrête la liste des candidats admis à subir les épreuves ; si l’exclusion est
obligatoire s’agissant des candidats qui ne remplissent pas les conditions nécessaires pour
l’accès au cadre considéré, tout candidat exclu est en droit de demander au juge de l’excès
de pouvoir, de vérifier la régularité de la décision d’exclusion qui doit être motivée. Le
recours pour excès de pouvoir permet de faire respecter le principe de l’égal accès aux
emplois publics. Dans le déroulement des épreuves écrites, l’anonymat des candidats et le
secret des sujets doivent être soigneusement observés.
Le jury, composé d’au moins trois personnes, est désigné par l’autorité qui détient le
pouvoir de nomination dans le cadre ; le jury proclame les résultats dans des conditions
précisées par le règlement général. L’autorité investie du pouvoir de nomination arrête
alors, dans la limite des emplois mis au concours, la liste des candidats définitivement
admis.
L’autorité compétente peut, dans certaines conditions, procéder à la nomination par
ordre de mérite de candidats inscrits sur une liste d’attente par le jury en cas de défaillance
des candidats déclarés définitivement admis.
Cette liste doit évidemment être conforme aux résultats de l’examen ou du concours
proclamés par le jury, bien qu’aucun texte ne le dise expressément, et cela sous peine
d’enlever toute signification aux épreuves. Il appartient aux candidats admis de se pourvoir
devant la chambre administrative de la Cour de Cassation contre une décision non
conforme aux résultats proclamés par le jury.
Le système issu des statuts particuliers a multiplié les concours et examens ; il en
existe pour l’accès à la plupart des cadres sans compter ceux qui, à l’intérieur des cadres
qui en comportent, permettent l’avancement de grades. Cette prolifération présente un
danger : celui de la disparité du niveau des concours particuliers donnant accès à des
fonctions similaires. Ce danger est réel, puisque chaque autorité compétente – en pratique
le ministre – fixe séparément les programmes, les types d’épreuves et le type de notation.
En outre, les jury sont tous différents.
Ces inconvénients pourraient cependant disparaître, ou du moins être atténués, par une
harmonisation des règlements particuliers des épreuves de sélection. Cette coordination
peut être le fait de la Direction de la fonction publique, puisque l’autorité gouvernementale
chargée de la fonction publique vise tous les textes réglementaires concernant celle-ci.
542
La fonction publique
(20) En Côte d’Ivoire, tous les concours sont organisés par le ministère de la Fonction publique.
(21) Ghomari (M.), « La fonction publique : la gestion des effectifs », RMDED, n° 21, 1989, p. 15.
543
Droit administratif marocain
celui de l’amélioration de la valeur professionnelle des agents en poste qui se pose de tout
temps quelles que puissent avoir été les conditions du recrutement.
La formation des fonctionnaires est très fréquemment assurée par des écoles
spécialisées créées par l’Etat ; s’agissant de la formation nécessaire à l’exercice de
fonctions purement administratives, la plus importante est l’ancienne Ecole Marocaine
d’Administration. Créée en 1948 et réorganisée en 1950 l’Ecole a subi diverses réformes ;
devenue depuis 1972, Ecole Nationale d’Administration Publique (D. du 24/1/1972, B.O.
1972, p. 95) et depuis 1993, puis Ecole Nationale d’Administration (22) et enfin Ecole
Nationale Supérieure de l’Administration (ENSA) après sa fusion avec l’Institut Supérieur
de l’Administration (23).
L’ENSA est rattachée à l’autorité gouvernementale chargée de la fonction publique.
Bien que la spécialité de leurs fonctions soit proche de celle des carrières purement
administratives, en dépit d’incontestables particularités, les agents d’autorité sont formés
à l’Ecole de perfectionnement des administrateurs et des administrateurs adjoints du
ministère de l’Intérieur de Kénitra. Créée en 1965 sous l’appellation d’Ecole de formation
des cadres du ministère de l’Intérieur elle répond aujourd’hui à une nouvelle appellation :
Institut Royal de l’Administration.
D’autres écoles assurent la formation ou le perfectionnement des spécialistes dont
l’administration a besoin ; une liste de ces établissements de formation des cadres supérieurs
est donnée par un arrêté du ministre des Affaires administratives du 4/1/1977 (B.O. 1977,
p. 246, modifié par A.M. du 5/11/1979, B.O. 1979, p. 902). Nous mentionnerons l’Institut
national de statistique et d’économie appliquée qui alimente les cadres interministériels des
ingénieurs d’application et des adjoints techniques, l’Institut agronomique et vétérinaire
Hassan II, etc. De nouvelles écoles ont d’ailleurs été créées : par exemple l’Institut
supérieur de commerce et d’administration des entreprises, l’Institut national des postes
et télécommunications, ou bien encore l’Institut national d’aménagement et d’urbanisme
destiné à la formation des cadres nécessaires à la nouvelle politique d’aménagement du
territoire, l’Ecole nationale d’informatique, l’Institut national d’administration sanitaire
créé en 1994, etc.
Il faut évidemment rappeler que l’université participe largement au moins à la
formation générale des fonctionnaires, voire à leur perfectionnement.
(22) Leila Mouddani, « Réforme de l’Ecole nationale d’administration », présentation du décret du 10 mai 2000
(B.O. 2000, p. 697) modifiant le décret du 29 octobre 1993 (B.O. 1993, p. 778), REMALD, n° 35, 2000, p. 178.
(23) Compte tenu de la mission de formation et de recherche de l’Ecole et de l’existence de son Centre de recherche,
l’Institut supérieur de l’administration faisait figure de doublon ; il est apparu nécessaire de rationaliser cette organisation
de la formation administrative supérieure ; c’est ce qui a été réalisé avec la fusion de l’ENA et de l’ISA dans l’ENSA.
544
La fonction publique
Cette formation est fréquemment complétée par un stage auquel est astreint le
fonctionnaire nouvellement recruté ; d’une durée d’un an qui peut être prolongée une fois
en cas de résultats insuffisants, le stage est destiné à donner un complément de formation
spécialisée et à vérifier concrètement les aptitudes à la fonction (24). En fait, la valeur du
stage dépend principalement des conditions dans lesquelles il s’effectue, c’est-à-dire de la
capacité des services qui accueillent les stagiaires à les intégrer à la marche du service.
Au cours de la carrière, les problèmes de perfectionnement se posent de façon
permanente ; les statuts particuliers des différents personnels subordonnent le changement
de cadre et même de grade, soit à la réussite à des examens professionnels ou concours,
soit à l’accomplissement de stages de perfectionnement et ceci conformément à l’art. 22 du
statut général qui fait obligation à l’administration de faciliter « aux fonctionnaires ayant
les aptitudes requises l’accès aux catégories hiérarchiques supérieures, soit par concours
ou examens professionnels, soit par inscription à un tableau d’avancement ». Les statuts
particuliers réservent ainsi fréquemment une certaine proportion de postes à pourvoir par
concours ou examens professionnels à des candidats appartenant au département dans son
ensemble, ou au cadre ou grade immédiatement inférieur. Ceci est conforme à l’intérêt des
agents mais aussi à celui du service.
Ainsi, comme on vient de le voir, les agents des cadres classés dans les échelles 8 et 9,
comme les administrateurs adjoints, peuvent accéder aux cadres supérieurs (échelle 10
pour les premiers et échelle 11 pour les seconds) s’ils suivent avec succès les cycles de
formation de l’ENA.
La direction de la formation des cadres administratifs et techniques du ministère de
l’Intérieur est chargée notamment du recyclage et du perfectionnement des agents de ce
département ; elle est également responsable de la formation et du perfectionnement des
agents des collectivités territoriales.
Dans le but de renforcer les possibilités de promotion interne, un décret du
5 janvier 1981 (B.O. 1981, p. 24) a apporté diverses modifications au statut particulier des
cadres d’administration centrale et du personnel commun aux administrations publiques ;
dans un certain nombre de cadres il a été créé un principalat auquel il est possible
d’accéder dans la plupart des cas soit après avoir satisfait aux épreuves d’un examen
d’aptitude professionnelle ouvert aux agents ayant une certaine ancienneté dans le grade
inférieur, soit par inscription sur un tableau d’avancement, cette possibilité étant elle aussi
offerte aux seuls agents du grade inférieur ayant atteint une certaine ancienneté.
(24) Cf. Le statut particulier applicable aux stagiaires des administrations publiques, D.R. du 17/5/1968, B.O. 1968,
p. 524.
545
Droit administratif marocain
Le système de promotion interne est destiné à être généralisé dans les divers statuts
particuliers. Il a d’ores et déjà été mis en application par le décret du 15 janvier 1981
(B.O. 1981, p. 84) pour les administrateurs adjoints du ministère de l’Intérieur, ou bien
encore pour les personnels du ministère de la Santé (D. du 4 avril 1983, B.O. 1983,
p. 252), ceux des juridictions (D. du 4 avril 1983, B.O. 1983, p. 248) et ceux des postes
diplomatiques et consulaires (D. du 4 avril 1983, B.O. 1983, p. 254).
D. La nomination
Ce sont désormais les articles 49 et 92 de la Constitution qui régissent la nomination
aux emplois supérieurs des administrations et établissement publics stratégiques ;sur la
base de ces dispositions, la loi organique du 17 juillet 2012 a défini les principes et les
critères de ces nominations ainsi que les nominations réservées au Roi en Conseil des
ministres et d’autre part les nominations relevant du Chef du gouvernement en Conseil
du gouvernement. Toutefois demeurent en vigueur les dispositions prévues par des
législations particulières à la date de publication de la loi organique dès lors qu’elles ne
sont pas en contradiction avec les dispositions de la loi.
Il faut aussi rappeler que le Roi approuve par dahir la nomination des magistrats par
le Conseil du pouvoir judiciaire (art. 57 de la Constitution) et qu’il nomme aux emplois
militaires et peut déléguer ce droit (art. 53).
Le statut général (art. 7) interdit toute nomination ou promotion de grade qui n’aurait
pas pour objet exclusif de pourvoir à une vacance, cette prohibition vise toute une série
de manifestations possibles de favoritisme : nomination rétroactive, nomination anticipée,
nomination pour ordre.
Exceptionnellement, il peut être procédé à des nominations en surnombre ; mais
elles doivent être expressément autorisées ; dans certains cas le fonctionnaire réintégré
après détachement peut en être bénéficiaire (art. 52 du statut général), par exemple les
fonctionnaires détachés auprès d’une organisation internationale ou d’un Etat étranger,
les fonctionnaires détachés pour exercer les fonctions de membre de cabinet ministériel,
de membre du gouvernement, d’un mandat public ou syndical, ou la présidence
d’une collectivité territoriale ainsi que les fonctionnaires ayant été nommés dans un
emplois supérieurs. Le surnombre doit être résorbé à la prochaine vacance survenant
budgétairement dans le grade considéré.
Les nominations et promotions font l’objet d’une publication au Bulletin officiel
(art. 25 du statut) ; elles doivent évidemment être notifiées. La publication présente un
546
La fonction publique
double intérêt : faire connaître ceux auxquels sont confiées des fonctions publiques ;
permettre de vérifier la régularité de la nomination (25).
L’acte de nomination a pour effet de placer l’agent sous l’empire des règles statutaires ;
il est définitif dès l’instant où il a été pris ; l’autorité qui nomme ne peut le retirer qu’en
observant les règles normales qui gouvernent le retrait des actes administratifs. Le
fonctionnaire a donc un droit acquis à sa nomination. Toutefois, il doit l’accepter : l’art. 24
du statut général précise que le candidat recruté doit « se tenir à la disposition entière
de l’administration pour ses nominations et affectations. En cas de refus, de rejoindre le
poste qui lui a été affecté, il est, après une mise en demeure, rayé de la liste des candidats
recrutés ».
§2. L’avancement
L’avancement des fonctionnaires met en jeu des questions générales qui apparaissent
dans toute organisation de la fonction publique dès l’instant où les agents envisagent d’y
faire carrière, et des problèmes particuliers qui tiennent aux conditions dans lesquelles la
fonction publique marocaine a été constituée.
L’avancement est l’objet d’une réglementation qui résulte des statuts.
(25) C’est pourquoi on ne pouvait que regretter que les décisions de nomination soient souvent publiées avec des retards
considérables pouvant atteindre deux ou trois ans. Il semble que ces délais soient aujourd’hui beaucoup plus courts.
547
Droit administratif marocain
La réglementation de l’avancement doit donc donner des garanties aux agents, et c’est
un des domaines où, dans les fonctions publiques européennes, les revendications et les
luttes des agents ont été les plus opiniâtres.
Au demeurant, le système d’avancement a des répercussions directes sur le recrutement ;
le nombre et la qualité des candidats sont bien souvent fonction des possibilités qu’offre
la carrière.
Outre ces considérations générales dont les statuts de la fonction publique se sont
inspirés, il existe, on l’a vu, des facteurs propres à la fonction publique marocaine dont il
a fallu tenir compte. Ceux-ci sont au nombre de deux : le niveau de formation des agents,
et la situation démographique des cadres de fonctionnaires.
Les conditions historiques de la constitution de ces cadres expliquent l’existence de ces
données particulières. Dans un pays en voie de développement, qui de surcroît en assumait
souverainement la responsabilité, le besoin de cadres était considérable, au moment
même où la formation de ceux-ci était insuffisante pour faire face aux besoins conjugués
du secteur public et du secteur privé. Le niveau du recrutement s’en est ressenti et les
responsables de la fonction publique ont conçu l’organisation de l’avancement de façon
à tenir compte de l’amélioration nécessaire du niveau professionnel. Comme par ailleurs,
la constitution sur une courte période de la totalité des cadres de fonctionnaires a entraîné
un écrasement de la pyramide des âges, ce phénomène a eu pour effet de bloquer les
perspectives normales d’avancement des cadres inférieurs dans la hiérarchie : là encore le
statut général a été obligé de tenir compte de cet état de chose de façon à dégager malgré
tout des possibilités d’avancement.
548
La fonction publique
tenu d’accepter l’emploi qui lui est assigné dans son nouveau grade ou cadre. en cas de
refus sa promotion est annulée. »
De façon à assurer des rythmes d’avancement comparables dans les diverses
administrations, un décret du 8/7/1963 a établi un tableau général de l’ancienneté requise
pour l’avancement d’échelon et a posé certaines règles qui en permettent l’application. En
outre, la coordination de la rédaction des statuts particuliers par la direction de la fonction
publique a permis d’obtenir un résultat semblable pour l’avancement de grade conformément
à l’article 31 du statut modifié en 2011, recommandant de veiller à l’harmonisation des
statuts particuliers en ce qui concerne les modes d’avancement appliqués.
Dans la mesure où le système d’avancement des agents doit tenir compte de leurs
mérites professionnels, il faut les prémunir contre une appréciation arbitraire de ceux-ci ;
aussi des dispositions du statut général organisent le pouvoir de notation, l’établissement
des tableaux d’avancement et l’intervention des commissions administratives paritaires.
1. La notation (26)
Si le principe de la notation est simple et son bien-fondé incontestable, sa mise en
œuvre est malaisée. Le chef du service répugnera souvent à porter un jugement sur ses
subordonnés et se bornera à l’exprimer par des formules générales et sans signification
dont l’effet sera l’uniformisation de la manière de noter. Un autre risque est, qu’à travers
la notation, le chef du service traduise une opinion purement subjective sans rapport avec
la valeur professionnelle de l’agent. La valeur de la notation dépend donc de l’autorité
réelle du chef de service, mais aussi de l’existence de critères objectifs de la valeur
professionnelle.
Les modalités de la notation résultent actuellement du décret royal du 17 mai 1968
(B.O. 1968, p. 523), modifié par un décret du 1er février 1999 (B.O. 1999, p. 156).
Tout fonctionnaire doit être noté annuellement par l’autorité investie du pouvoir de
nomination (chef d’administration ou chef de service délégué). La notation consiste dans
l’attribution d’une note chiffrée et dans la formulation d’une appréciation générale sur la
manière de servir du fonctionnaire ; l’une et l’autre sont portées sur une fiche individuelle
versée au dossier de chaque agent. Seule la note chiffrée est communiquée aux intéressés ;
en revanche, les commissions administratives paritaires ont connaissance de l’ensemble
de la notation, y compris de l’appréciation générale. L’établissement de la note chiffrée
résulte de la prise en considération de trois éléments : connaissances professionnelles,
efficacité et rendement, comportement. A chacun de ces éléments est attribuée une note
(26) Cf. M. Saha, « La portée de la notation dans le système de gestion », Revue des affaires administratives, n° 1,
1983, p. 182.
549
Droit administratif marocain
de zéro à trois : mauvais : 0, passable : 1, bon : 2, très bon : 3 ; la note générale résulte de
la moyenne des trois notes. Les agents peuvent être ainsi classés : la note 3 correspond au
rythme d’avancement le plus rapide ; la note 2 au rythme d’avancement moyen, les autres
à l’avancement le plus lent.
L’appréciation générale portée sur le fonctionnaire tient compte de la note chiffrée,
mais aussi de tous les éléments touchant à l’exercice des fonctions que l’établissement
de la note chiffrée ne prend pas en considération et qui sont représentatifs de sa valeur
professionnelle.
Enfin, le chef d’administration doit mentionner les aptitudes particulières de l’agent et
notamment celles qui lui donnent vocation à accéder au grade supérieur.
2. Le tableau d’avancement
Pour bénéficier d’un avancement au choix, l’agent doit nécessairement être inscrit au
tableau : celui-ci ne peut comporter qu’un nombre maximum d’agents fixé en pourcentage
du nombre de vacances à pourvoir ; le tableau est préparé chaque année dans chaque
service ; il est arrêté par l’autorité qui détient le pouvoir de nomination après avoir été
soumis aux commissions administratives paritaires. L’inscription au tableau est déterminée
par les mérites de chaque agent tels qu’ils résultent de la notation et des propositions
motivées du chef de service. L’inscription au tableau se fait par ordre de mérite et
les promotions doivent respecter cet ordre. Le tableau est porté à la connaissance du
personnel, et dans la mesure où il s’analyse en un acte administratif, sa régularité peut être
contestée par la voie du recours pour excès de pouvoir.
550
La fonction publique
4. L’avancement d’échelon
Il revêt une très grande importance en raison de la structure de la majorité des cadres
créés par les statuts particuliers ; dans la mesure, en effet, où ces cadres ne comportent
le plus souvent qu’un unique grade, le seul avancement possible pour les agents qui
les composent est un avancement d’échelon. Le danger de médiocrité qui aurait risqué
d’atteindre des agents assurés de faire carrière à l’ancienneté est partiellement conjuré par
la combinaison de l’ancienneté et de la notation pour l’avancement d’échelon.
A chaque cadre et à chaque grade, lorsque le cadre en comporte plusieurs, est affectée
l’une des onze échelles de rémunération créées par le décret du 8/7/1963 ; ainsi le
personnel administratif des services économiques du ministère de l’Education nationale
comporte trois cadres dont deux à grade unique :
– Intendant : grade unique, échelle n° 10.
– Econome : grade unique, échelle n° 8.
– Secrétaire d’économat principal, échelle n° 6.
– Secrétaire d’économat, échelle n° 5.
Chaque échelle est divisée en dix échelons, sauf les échelles n° 1, 10 et 11 qui
comportent un onzième échelon exceptionnel (les promotions à ces échelons exceptionnels
sont faites au choix après inscription au tableau d’avancement parmi les fonctionnaires
ayant au moins deux ans d’ancienneté au dixième échelon, et dans la limite du dixième de
l’effectif budgétaire du cadre).
En vertu de l’art. 4 du décret, l’avancement d’échelon est prononcé dans chaque grade
suivant trois rythmes correspondant à une ancienneté minimum, moyenne et maximum
dans l’échelon :
Du 1er au 2e échelon 1 an 1 an 1 an
Du 2 au 3 échelon
e e
1 an 1 an et demi 2 ans
Du 5 au 6 échelon
e e
2 ans 2 ans et demi 3 ans et demi
Du 6 au 7 échelon
e e
3 ans 3 ans et demi 4 ans
Du 9 au 10 échelon 4 ans
e e
5 ans 5 ans et demi
Les fonctionnaires les mieux notés seront ainsi promus avec une ancienneté minimum,
tandis que les agents les moins bien notés n’avanceront qu’avec l’ancienneté maximum.
Dans ce cas, l’avancement est alors un droit.
551
Droit administratif marocain
Il apparaît ainsi que les durées minimum et maximum pour parcourir la totalité de
l’échelle sont respectivement de vingt et un ans et de trente et un ans : il y a là un réel
stimulant pour le zèle des agents.
Quant à la multiplication des grades uniques dans lesquels peut se dérouler toute
la carrière, nous avons vu qu’elle était la conséquence de la pyramide des âges dans la
fonction publique ; la jeunesse des agents eut, en effet, rendu difficile la mise en œuvre
d’un système d’avancement dans lequel l’avancement de grade eût occupé une très grande
place, puisque les grades supérieurs, occupés par des fonctionnaires dont la moyenne d’âge
est faible, n’auraient pu être libérés en nombre suffisant pour permettre l’avancement des
titulaires de grades inférieurs.
552
La fonction publique
des inspecteurs divisionnaires en chef du ministère des Finances, ou bien encore des
inspecteurs divisionnaires en chef de l’Artisanat, etc.
En revanche, le principe de l’avancement au choix est, dans les cadres moyens et
subalternes, tempéré par l’examen professionnel (ou le concours dans quelques cas) qui
présente un très grand avantage : en effet, alors que la promotion au choix n’est ouverte
qu’aux agents qui ont atteint le 8e échelon de leur grade, elle est possible dès le 4e échelon
pour ceux qui satisfont aux épreuves de l’examen professionnel. Ainsi, de deux agents
qui seraient également bien notés et méritants, et qui franchiraient – supposons le – les
échelons selon le rythme le plus rapide, l’un, en présentant l’examen professionnel au
4e échelon de son grade, pourra atteindre le grade supérieur sept ans avant l’autre qui
attendra la promotion au choix au 8e échelon. Le système de l’avancement de grade
offre donc une prime très importante à la promotion interne et au perfectionnement des
fonctionnaires, ce qui correspond aux objectifs de la politique de la fonction publique et
aux conditions propres aux différentes catégories de personnel.
On a vu que c’est ce système de promotion interne qui a été amélioré par le décret
du 5 janvier 1981 modifiant le statut particulier des cadres d’administration centrale et
des personnels communs aux administrations publiques dont les diverses administrations
doivent s’inspirer pour améliorer la promotion interne de leurs personnels propres
(cf. supra, p. 500).
A. L’activité
C’est la position normale du fonctionnaire lorsque celui-ci, titulaire d’un grade, exerce
effectivement les fonctions de l’un des emplois correspondant à ce grade (art. 38) ; en
outre, le fonctionnaire est également réputé en activité pendant toute la durée de la mise
à disposition et des congés administratifs, des congés pour raison de santé, des congés de
maternité, des congés sans solde ainsi que de la décharge de service pour l’exercice d’une
activité syndicale auprès de l’une des organisations syndicales les plus représentatives.
553
Droit administratif marocain
Le congé annuel est d’une durée de vingt deux jours ouvrables par année pendant
laquelle le fonctionnaire a exercé ses fonctions, étant précisé que ce n’est qu’au bout d’un
an de service que le fonctionnaire nouvellement recruté peut prétendre à ses premiers
congés ;l’administration peut échelonner les congés annuels et, en fonction de l’intérêt du
service, elle peut s’opposer au fractionnement du congé. La situation familiale est prise
en compte pour le choix de la période des congés annuels ; enfin les congés ne peuvent
être reportés d’une année sur l’autre et le fait de n’avoir pas bénéficié des congés n’ouvre
droit à aucune indemnité. Les congés exceptionnels ou permissions d’absence, qui ne
sont pas déduits du congé annuel, sont attribués notamment aux agents qui sont membres
d’assemblées électives, et aux membres des organismes paritaires de la fonction publique
pour leur permettre d’exercer leur mandat ; la permission d’absence peut également être
accordée pour raisons familiales ; enfin peuvent en bénéficier les fonctionnaires désireux
de se rendre en pèlerinage dans les Lieux Saints, mais dans ce cas elle se substitue au
congé annuel. Le fonctionnaire bénéficie évidemment des jours fériés et chômés dont
la liste est fixée par décret (D. 28/2/1973, B.O. 1973, p. 285, modifié par D. 20/8/1979,
B.O. 1979, p. 508, modifié en 1999, après l’intronisation du Roi Mohamed VI).
L’article 46 quater du Statut a crée la décharge de service qui peut être accordée pour
l’exercice d’une activité syndicale dans l’un des syndicat les plus représentatifs ;l’agent
bénéficiaire de cette décharge de service continue à relever de son cadre dans son
administration d’origine et en y occupant son poste budgétaire ;il conserve ses droits à la
rémunération, à l’avancement et à la retraite.
554
La fonction publique
B. Le service détaché
Cette position permet à un fonctionnaire de servir hors de son cadre d’origine tout
en conservant les avantages qui résultent de l’appartenance à ce cadre. L’utilité du
détachement est ainsi de favoriser l’accomplissement de tâches d’intérêt général qui
relèvent d’une autre administration ou d’une entreprise publique ou même privée. Le
détachement n’est possible qu’à certaines conditions et il entraîne des conséquences
particulières. Ses modalités sont fixées par décret.
555
Droit administratif marocain
556
La fonction publique
n’est pas remplacé et peut être immédiatement réintégré dans son emploi à l’expiration
du détachement. En revanche, dans le second cas le fonctionnaire étant remplacé, un
problème se pose pour sa réintégration. Le statut général indique que le fonctionnaire doit
être réintégré dans son cadre d’origine à la première vacance, et réaffecté à un emploi
correspondant à son grade. S’il ne peut être réintégré en l’absence d’un poste vacant, il
continue à percevoir de l’administration de détachement la rémunération statutaire pendant
l’année budgétaire en cours. Son administration d’origine le prend en charge à compter de
l’année suivante sur un poste budgétaire correspondant.
Une disposition plus favorable est prévue pour la réintégration des agents détachés
auprès d’un Etat étranger ou d’un organisme international : en l’absence de poste vacant
correspondant à leur grade dans leur cadre d’origine ils peuvent être réintégrés en
surnombre, le surnombre devant alors être résorbé à la première vacance (art. 52).
A titre expérimental en vertu de la loi 10-80 du 6 mai 1982 (B.O. 1982, p. 338), il
avait été prévu que les agents détachés depuis au moins cinq ans pourraient demander leur
intégration dans les cadres de l’administration auprès de laquelle ils étaient détachés ; cette
mesure ayant donné satisfaction, il a été décidé de la rendre permanente.
L’article 50 du statut général a donc été modifié en ce sens à plusieurs reprises et
dernièrement par la loi du 2 août 1997.
Les fonctionnaires qui sont en position de détachement auprès d’une administration
publique ou d’une collectivité locale depuis au moins trois ans peuvent, sur leur demande,
être intégrés au sein de l’administration publique ou de la collectivité locale auprès de
laquelle ils sont détachés ; dans ce cas ils sont intégrés dans un cadre correspondant à leur
situation statutaire initiale.
C. La disponibilité
Le lien entre le fonctionnaire et son cadre d’origine est beaucoup plus distendu : placé
en dehors de celui-ci, le fonctionnaire continue sans doute de lui appartenir, mais il cesse
de bénéficier du droit à l’avancement, à la retraite et évidemment au traitement.
La mise en disponibilité, prononcée par arrêté ministériel, peut l’être d’office ou à la
demande de l’intéressé.
La mise en disponibilité d’office peut être prononcée dans le cas où, à l’issue d’un
congé de maladie, le fonctionnaire, sans être reconnu définitivement inapte, ne peut
reprendre son service (art. 56). La durée en est d’un an, et elle peut être renouvelée deux
fois, ainsi qu’une troisième exceptionnellement (art. 57).
557
Droit administratif marocain
D. La mise à disposition
Cette position résulte de la loi du 18 février 2011 qui a ajouté un article 46 ter au statut
général. En vertu de ce texte le fonctionnaire tout en continuant à relever de son cadre
dans son administration d’origine ou d’une collectivité territoriale et y occupant son poste
budgétaire, peut être mis à la disposition d’une administration publique au sein de laquelle
il exerce ses fonctions tout en conservant dans son administration ou sa collectivité
d’origine tous ses droits à la rémunération, à l’avancement et à la retraite.
La mise à disposition suppose l’accord du fonctionnaire ; elle a lieu pour nécessités du
service, pour une durée limitée et une mission déterminée qui doit correspondre à un niveau
558
La fonction publique
hiérarchique similaire à celui des missions qu’il assurait dans son administration d’origine.
Il lui appartient de rédiger un rapport périodique destiné à son administration d’origine
afin de lui permettre de poursuivre son activité. Les modalités d’application de la mise à
disposition sont fixées par décret. Cette position est proposée par exemple aux présidents
des collectivités territoriales par les dispositions des trois lois organiques du 7 juillet 2015.
A. La mise à la retraite
C’est le mode normal de sortie du service lorsque le fonctionnaire atteint la limite
d’âge propre à la catégorie de personnel à laquelle il appartient, les conditions de mise
à la retraite et le régime des pensions civiles et militaires résultent de textes promulgués
en 1971 qui ont pris en compte les particularités de la fonction publique construite depuis
l’indépendance, un grand nombre d’agents appartenant aux mêmes classes d’âge ayant été
recruté en même temps, il s’en est suivi un écrasement de la pyramide des âges, posant de
difficiles problèmes aux responsables de la politique de la fonction publique, préoccupés
par le souci de maintenir un volume suffisant de nouveaux recrutements, sans pour autant
priver l’administration des services d’agents plus anciens.
D’une part, la loi du 30/12/1971 (B.O. 1971, p. 1560) modifiée par la loi du
1er septembre 2014 (B.O. 2014, p. 4140) repousse la limite d’âge de 60 ans à 65 ans pour
tous les fonctionnaires et agents de l’Etat des municipalités et des établissements publics
affiliés au régime des pensions civiles. En revanche et par dérogation à ce texte, les
enseignants peuvent être maintenus en activité eu delà de cette limite lorsque les besoins
du service l’exigent jusqu’à la fin de l’année scolaire ou universitaire.
Dans la mesure où la pratique administrative laissait planer un doute sur la situation
des personnes nommées par dahir à des grades ou à des fonctions ou emplois supérieurs,
un dahir du 7 mai 1992 (B.O. 1992, p. 549) a précisé que ces personnes devaient cesser
leurs fonctions à l’âge de soixante ans sous réserve des dispositions particulières qui
peuvent prévoir une autre limite d’âge ou une possibilité de prorogation au-delà de cette
limite d’âge. Désormais cette limite est donc fixée à soixante cinq ans.
D’une façon générale la mise à la retraite peut être prononcée dans des conditions
variables lorsque l’agent de sexe masculin a effectué 21 ans de service, ou quinze années
559
Droit administratif marocain
pour les agents de sexe féminin, et sans condition de durée au bout de trente années de
service.
A l’inverse, peuvent bénéficier d’une pension, les agents qui ont été rayés des cadres
pour invalidité avant d’avoir effectué les vingt-et-une années de service exigées par la loi
n° 011.71 du 30/12/1971 (B.O. 1971, p. 1555).
Ces textes facilitent donc la sortie de service des agents exerçant leurs fonctions depuis
vingt-et-un ans, mais n’ayant pas encore atteint la limite d’âge : ces derniers peuvent
demander leur mise à la retraite ; mais l’administration peut aussi les y mettre d’office dans
les limites d’un contingent annuel, fixé à un minimum de 15 % de l’effectif budgétaire ; de
plus, après trente ans de service, la mise à la retraite d’office peut être décidée sans aucune
condition.
La gestion des personnels devrait ainsi en être facilitée, sans que les agents supportent
de trop lourdes charges, compte tenu de la révision du régime des pensions que l’on
retrouvera plus loin.
La mise à la retraite peut aussi être prononcée pour d’autres motifs : inaptitude
physique, insuffisance professionnelle, ou encore à titre de sanction. Dans ces deux
derniers cas, elle est toujours prononcée d’office après intervention de la commission
administrative paritaire selon la procédure disciplinaire.
B. Le licenciement
Il peut être prononcé pour insuffisance professionnelle lorsque l’agent ne peut être
employé dans aucun poste correspondant à ses aptitudes et lorsqu’il n’a pas acquis de droit
à pension. Il peut également être prononcé pour suppression d’emploi ; mais la suppression
d’emploi en raison de l’atteinte grave qu’elle porte au droit acquis du fonctionnaire au
maintien de sa nomination, doit être décidée par une mesure législative spéciale qui
prévoit en outre un préavis et des indemnités ; le statut général, art. 80, exige un dahir
spécial ; étant donné que la nomination et le droit acquis qui en découle constituent une
garantie fondamentale du fonctionnaire, la mesure de dégagement des cadres ne peut être
prise que par la loi.
C. La révocation
C’est une sanction disciplinaire que l’on retrouvera en étudiant la responsabilité
disciplinaire du fonctionnaire.
560
La fonction publique
D. La démission
Tout fonctionnaire peut démissionner, mais il doit en faire expressément la demande,
et sa démission doit être acceptée pour produire effet. Une fois acceptée la démission
s’oppose à tout nouveau recrutement dans la fonction publique.
La demande de démission ne se présume pas : la Cour suprême annule une décision de
radiation des cadres qui faisait suite à une demande de mise en disponibilité dans un cas
où le statut particulier de l’agent ne prévoyait pas cette position, parce que cette demande
ne pouvait pas être interprétée comme une demande de démission justifiant une mesure de
radiation des cadres (C.S.A. 12/3/1959, Durand, R., p. 43).
D’autre part, la démission doit être acceptée par l’autorité investie du pouvoir de
nomination qui apprécie si cette démission ne compromet pas l’intérêt du service, et
doit se prononcer dans un délai d’un mois à compter de la réception de la demande. La
démission prend effet du jour de son acceptation ou à la date fixée par l’administration.
Jusque-là, le fonctionnaire démissionnaire doit rester à son poste ; s’il le quitte il commet
une faute disciplinaire grave, l’abandon de poste ; il doit également rester à son poste si
sa démission est refusée. La Cour suprême a jugé que le fonctionnaire qui refusait de
reprendre son poste après le rejet de sa demande de démission, se rendait coupable d’un
abandon de poste entraînant la rupture des liens qui existent entre l’administration et lui ;
l’autorité administrative peut, dans ces conditions, le révoquer sans respecter les garanties
disciplinaires prévues au statut (C.S.A. 22/4/1963, Abdallah Abdelkahar, R, p. 144).
Un décret royal portant loi du 17/12/1968 (B.O. 1968, p. 1734) est en quelque
sorte venu institutionnaliser cette jurisprudence au moment où la Cour suprême voulait
l’abandonner, en ajoutant un article 75 bis au statut général de la fonction publique. Cet
article a été modifié par la loi 10-97 du 2 août 1997 ; si après mise en demeure d’avoir
à reprendre ses fonctions demeurée sans effet au bout d’un délai de sept jours à compter
de la notification de la mise en demeure, l’agent n’a pas repris ses fonctions, il se rend
coupable d’abandon de poste ; il peut alors être sanctionné en dehors des garanties
disciplinaires auxquelles il est censé avoir renoncé. Il peut être révoqué avec ou sans
suspension des droits à pension.
Pour tenir compte de la jurisprudence très exigeante de la Cour suprême en matière
de notification (27), le législateur a prévu que dans le cas où la mise en demeure n’a
pu être notifiée, le chef d’administration peut ordonner la suspension immédiate de la
rémunération de l’agent incriminé ; si dans le délai de soixante jours suivant la date de la
décision de suspension l’agent n’a pas repris ses fonctions, la décision de révocation peut
(27) La Cour suprême est très exigeante en ce qui concerne la preuve de la notification. Cf. C.S.A. Abdelmalek Ami,
26/7/1984, R.M.D., 1987, p. 172, et la note Benabdallah (M.A.)
561
Droit administratif marocain
être prise en dehors des garanties disciplinaires. S’il rejoint son poste dans ce délai, son
dossier est transmis au Conseil de discipline.
Dans tous les cas, la révocation prend effet au jour où l’abandon de poste a été constaté.
En cas de refus de la démission, le seul recours du fonctionnaire est de saisir la commission
administrative paritaire qui émet un avis qu’elle transmet à l’autorité compétente. C’est ce
que confirme le Tribunal administratif de Casablanca dans son jugement Bouhouli du
21 juin 2011 (REMALD, n°104, 2012, p. 209, note M.A. Benabdallah).
Cette disposition, très rigoureuse, qui se justifiait dans un contexte d’extrême pénurie
des cadres administratifs, pourrait être assouplie aujourd’hui, d’autant plus que l’on
peut douter de la valeur des services rendus par l’agent contraint de rester à son poste,
contrainte qui est en outre contraire à la liberté de l’individu d’exercer la profession de
son choix. Il demeure toutefois que l’administration doit pouvoir décider de la date à
laquelle la démission pourra prendre effet et cela afin de lui permettre de prendre les
dispositions nécessaires pour assurer la continuité du service. Fort curieusement la Cour
d’appel de Marrakech semble avoir méconnu ce principe de la continuité du service
et ce que cela implique de la part de l’administration lorsqu’elle doit se prononcer sur
une demande de démission. Dans une affaire Agent judiciaire du Royaume c/Hmidi
26 février 2015, la Cour d’appel a jugé que l’acceptation de la demande de démission
était seulement soumise à l’obligation de la part du demandeur de rembourser les sommes
perçues au titre de la période d’activité de service « et ce abstraction faite du besoin
allégué par l’appelant » qui invoquait le fait que l’intérêt général, c’est à dire l’intérêt
du service, devait permettre à l’administration de disposer d’un pouvoir discrétionnaire
pour prendre la décision d’acceptation ou de refus. Le tribunal administratif et la Cour
d’appel administrative de Marrakech semblent avoir oublié que si l’on a donné aux
responsables de l’administration la possibilité de refuser la démission c’est pour leur
permettre de faire prévaloir l’intérêt du service public si celui-ci était menacé par
l’acceptation de la démission.
En revanche, dans une décision Najlaa Ghalbzouri, (15 octobre 2012, REMALD,
n° 115, 2014, p. 173, note M.A. Benabdallah) le tribunal administratif de Rabat a rejeté un
recours dirigé contre un refus de démission d’un médecin ne s’appuyant sur aucune motif
dont la réalité et le caractère légal aient pu être vérifiés ; le tribunal a justifié sa décision en
invoquant l’intérêt général et les nécessités du service public de la santé en se substituant
ainsi à l’autorité administrative défaillante et fournissant à l’administration un motif
stéréotypé qui pourrait être utilisé dans toutes les situations analogues sans que la réalité
concrète de ces motifs puisse être contrôlée. En statuant de la sorte le juge a simplement
oublié que c’est à la seule administration et non pas au juge, qu’il appartenait de motiver
562
La fonction publique
Section IV
Les obligations des fonctionnaires et leur sanction
563
Droit administratif marocain
déclaration est faite sur l’honneur. (Elle s’applique d’ailleurs également à tous les élus
nationaux ou locaux ainsi qu’aux élus des chambres professionnelles.)
Cette obligation est aujourd’hui une obligation constitutionnelle en vertu de l’article
158 de la Constitution.
(29) Benabdallah (A.), « L’affectation du fonctionnaire dans l’intérêt du service », R.M.D., 1986, n° 5, p. 241 et
C.S.A. El Amari, 18 mai 1984, R.M.D., 1986, n° 5, p. 261 ; C.S.A. Abdelaziz Belkhor c/ministre des Postes et des
Télécommunications, 10/7/1986, R.M.D. n° 12, 1987, p. 119, et note Benabdallah (A.) sur la preuve du détournement
de pouvoir. Pour un bel exemple de détournement de pouvoir dont la preuve résulte objectivement des faits : CSA,
18/3/1993, Kasri, REMALD, n° 9, 1994, p. 67 (en arabe).
564
La fonction publique
outre concilier les nécessités du service avec les intérêts légitimes du fonctionnaire. Le
législateur est d’ailleurs intervenu pour organiser cette mobilité conformément à ces
principes que le juge doit faire respecter ce qui le conduit à un contrôle qui s’approche de
l’opportunité. Mais les décisions des juridictions ne suivent pas toujours la même voie en
ce qui concerne l’intensité du contrôle des décisions de mutation : TA Rabat : 12 avril 2012,
Benfsej, REMALD, n° 116, 2014, p. 223, note M.A. Benabdalah).
Le fonctionnaire peut, à sa demande ou à celle de l’autorité administrative responsable
d’une administration d’Etat ou d’une collectivité locale, faire l’objet d’une réaffectation.
Si la demande émane du chef de l’administration d’Etat ou locale, la commission
paritaire doit être consultée pour avis,et si la réaffectation entraîne changement de
résidence, le fonctionnaire peut se voir attribuer une indemnité spéciale.
La réaffectation doit tenir compte de la situation de famille de l’intéressé « dans toute
la mesure compatible avec l’intérêt du service ».
Si l’avis de la commission paritaire est défavorable à la demande du responsable du
service d’Etat ou de la collectivité locale, l’affaire est soumise au Chef du gouvernement
auquel appartient alors la décision.
Enfin s’il s’agit du transfert d’un service d’une administration à une autre, de la mise en
œuvre d’une action de déconcentration ou de décentralisation d’un service administratif,
les agents sont mutés ou détachés d’office (art. 38 ter).
Il faut aussi souligner le fait que le maintien dans les mêmes fonctions pendant de
trop longues périodes peut entraîner pour les responsables des risques de routine voire de
collusion ; c’est pourquoi, dans un message au Premier ministre (15/11/1993, B.O. 1993,
p. 719), le Roi avait décidé qu’un haut fonctionnaire ne devait pas rester plus de quatre
années dans le même poste. Il semble qu’aujourd’hui le principe soit mis en œuvre.
Le fonctionnaire doit exercer ses attributions : il doit faire respecter l’autorité de l’Etat,
et il est responsable de l’exécution des tâches qui lui sont confiées ainsi que de l’exécution
des ordres qu’il donne à ses subordonnés.
Il doit exercer ses fonctions de façon continue : cette obligation trouve son fondement
dans le principe de continuité du service public qui, nous l’avons vu, serait compromis si
les agents nécessaires à son fonctionnement pouvaient interrompre leur service.
L’application du principe ne soulève aucune difficulté s’agissant de la réglementation
des congés et absences ou de l’abandon de poste (30).
(30) L’abandon de poste est aujourd’hui sanctionné par l’art. 75 bis du Statut général, voir supra : la démission.
565
Droit administratif marocain
(30 bis) L’article 36 de l’ordonnance du 15 juillet 2006 portant statut de la fonction publique algérienne dispose : « Le
fonctionnaire exerce le droit de grève dans le cadre de la législation et de la réglementation en vigueur. »
566
La fonction publique
Dans ces conditions on peut estimer aujourd’hui que la décision précitée de la Cour
suprême, qui a jugé que la grève illicite était une faute disciplinaire particulièrement grave
qui, de la même manière que l’abandon de poste, entraînait la rupture des liens statutaires
unissant le fonctionnaire à l’administration et pouvait être sanctionnée sans avoir à
respecter la procédure disciplinaire prévue par le statut général pourrait plus facilement se
justifier ; à la condition toutefois de respecter le principe général des droits de la défense.
(31) Rousset (M.), « Le pouvoir hiérarchique dans l’administration marocaine : du mauvais usage de l’autorité »,
Maghreb review, 1990, vol. 15, n° 3-4, p. 144, et R.J.P.I.C., n° 4, 1992, p. 399.
567
Droit administratif marocain
A. La discrétion professionnelle
Si certains fonctionnaires seulement sont assujettis au secret professionnel, tous
sont soumis à l’obligation de discrétion professionnelle dont le contenu est défini de
façon particulièrement extensive par l’art. 18 du statut général ; elle touche « tout ce qui
concerne les faits et informations dont il a connaissance dans l’exercice ou à l’occasion
de l’exercice de ses fonctions. Tout détournement, toute communication de pièces ou
documents de service à des tiers sont formellement interdits ». Seul le ministre dont relève
le fonctionnaire peut le délier de cette obligation.
Interprétée à la lettre, cette disposition aboutirait à faire de l’administration un monde
clos, secret, assez peu en accord avec le fait que l’administration publique est l’affaire
de tous les citoyens au service desquels elle se trouve placée ; en outre, l’administration,
comme toute institution, peut et doit être un objet de connaissance scientifique ; enfin,
le nécessaire rapprochement de l’administration et des administrés implique que celle-
ci soit suffisamment ouverte à ces derniers. Toutes ces raisons militent en faveur d’une
interprétation libérale de cette obligation de discrétion d’autant que, par une sorte
d’inclinaison naturelle, les fonctionnaires ont tendance à s’enfermer dans le secret.
Aujourd’hui il semble que l’on soit parfaitement conscient de la nécessité de favoriser la
connaissance et la diffusion de l’information concernant l’administration ; nombreux sont
les hauts fonctionnaires qui mettent à la disposition des chercheurs et des universitaires,
non seulement les connaissances qui résultent de leur propre expérience, mais aussi les
documents indispensables à ceux qui ont pour mission de réfléchir sur les problèmes que
pose l’administration.
La création du Centre national de documentation, CND, par un décret du 18/12/1972
et réorganisé par un décret du 7/4/1999, (BO. 1999, p. 332) illustre parfaitement cette
préoccupation, puisqu’à l’exclusion des documents confidentiels, les administrations et
organismes publics ont l’obligation de lui faire parvenir régulièrement un exemplaire de
tous les travaux intéressant le développement économique et social du royaume (32).
Cette politique d’ouverture et de transparence est également mise en œuvre par
l’administration de la justice ; le ministère de la Justice a ouvert un site Internet
(WWW.Justice.gov.ma) de façon à diffuser de nombreuses informations concernant le
fonctionnement de la justice, la carte judiciaire, le conseil supérieur du pouvoir judiciaire,
les études diverses concernant les principaux problèmes juridiques rencontrés par les
citoyens (mariage, divorce, violences faites aux femmes, etc.).
(32) En France, une loi du 17 juillet 1978 a décidé que les administrés auraient désormais le droit de se faire
communiquer toute une série de documents administratifs : dossiers, rapports, éludes, comptes rendus, statistiques,
directives, etc.
568
La fonction publique
Et dans le même temps la Cour suprême s’est dotée d’un Centre de publication et de
documentation judiciaire (D. du 27/8/1998, B.O. 1998, p. 508) qui diffuse jugements et
arrêts, notes et commentaires, études relatives aux problèmes judiciaires, etc.
Enfin l’article 27 de la Constitution reconnaît aux citoyennes et aux citoyens le droit
d’accéder à l’information détenue par l’administration publique,les institutions élues et les
organismes investis d’une mission de service public. Ce droit ne peut être limité que par
la loi dans des cas ou la défense nationale, la sécurité intérieure ou extérieure de l’Etat
sont en cause ; il en est de même pour assurer la protection de la vie privée des citoyens
ou la protection des sources des informations ou les domaines déterminés avec précision
par la loi. Le Tribunal administratif de Casablanca a eu l’occasion de mettre en œuvre
cette disposition constitutionnelle dans un jugement du 17 avril 2014, Khair Al Janoub c/
L’Office National Interprofessionnel des céréales et des légumineuses, Note M. Rousset et
M.A. Benabdallah, REMALD, n° 125, 2015, p. 251.
569
Droit administratif marocain
qui concerne les rémunérations privées ce qui ne dispense pas le bénéficiaire de ces
rémunérations de les déclarer au titre de ses revenus soumis à l’impôt.
Le fonctionnaire doit déclarer la profession de son conjoint lorsque celui-ci exerce à
titre lucratif une profession libérale ou une activité habituelle relevant du secteur privé ;il lui
est interdit d’avoir directement, ou indirectement, « des intérêts de nature à compromettre
son indépendance, dans une entreprise soumise au contrôle de l’administration ou du
service dont il fait partie, ou en relation avec son administration ou service » (art. 16).
Ces interdictions et obligations pèsent également sur le fonctionnaire en disponibilité, ou
lorsqu’il est sorti de service (art. 83 et 84).
A. La liberté d’opinion
L’égal accès aux fonctions et emplois publics implique déjà la liberté d’opinion inscrite
dans le statut général et réaffirmée dans la Constitution. Aucune mention des opinions
politiques, philosophiques ou religieuses du fonctionnaire ne doit apparaître dans son
dossier (art. 20).
Cependant, il convient de distinguer soigneusement la liberté de pensée, d’avoir des
opinions, qui est totalement reconnue, et la liberté d’exprimer ses opinions qui, elle, est
restreinte.
La liberté d’opinion est totale : cela ne signifie cependant pas que les opinions
hétérodoxes du fonctionnaire n’auront pas d’incidence sur son éventuel accès aux
“emplois supérieurs” à l’égard desquels le pouvoir de nomination est discrétionnaire : la
connaissance réelle ou supposée, des opinions de l’agent pourra s’opposer à ce qu’il soit
nommé dans l’un de ces hauts postes des titulaires desquels on exige souvent un loyalisme
politique et même, plus largement idéologique.
L’expression des opinions peut être soumise à restriction ; il est naturel que le
fonctionnaire ne puisse critiquer publiquement l’action du service auquel il appartient.
Il est naturel aussi que l’expression publique d’opinions tranchées lui soit interdite parce
qu’elles seraient, même exprimées hors du service, de nature à faire douter de la neutralité
de l’administration qui appartient à tous de façon égale.
570
La fonction publique
B. La liberté syndicale
Reconnue par le statut général, constitutionnalisée depuis 1962, la liberté syndicale des
fonctionnaires doit être exercée conformément à la législation en vigueur, et, notamment,
à celles de ses dispositions propres à la fonction publique.
L’appartenance à une organisation syndicale ne doit en aucune manière entraîner de
conséquences « sur la situation des agents soumis au présent statut ». Il reste que la place
faite aux syndicats de fonctionnaires était plus large en 1958 qu’elle ne l’est aujourd’hui.
Le monopole de représentation des fonctionnaires qui leur avait été accordé au sein du
Conseil supérieur de la fonction publique, leur a été enlevé par la modification du statut
général effectuée en 1967.
571
Droit administratif marocain
L’exercice de la liberté syndicale qui peut être réglementé, peut aussi être interdit ;
c’est ce que prévoit l’art. 2-3e du dahir du 16/7/1957 relatif aux syndicats professionnels :
le bénéfice du droit syndical n’est pas reconnu aux agents qui sont chargés d’assurer la
sécurité de l’Etat et la défense de l’ordre public. Les statuts particuliers ont ainsi refusé
le droit syndical à tous les personnels militaires et de police, aux agents représentant
l’autorité de l’Etat : magistrats, administrateurs du ministère de l’Intérieur, ainsi qu’à ceux
qui exercent des fonctions touchant de près l’ordre public : personnel de l’administration
pénitentiaire.
La portée de l’interdiction a d’ailleurs été élargie par le décret royal du 12/10/1966
(B.O. 1966, p. 1163) qui modifie l’art. 4 du décret du 5/5/1958 relatif à l’exercice du droit
syndical des fonctionnaires : désormais ce droit est refusé à toute personne, quelle qu’elle
soit, qui exerce pour le compte d’une collectivité ou d’un organisme public ou pour celui
d’un service d’intérêt public une fonction comportant le droit de porter une arme.
Certains agents peuvent cependant constituer des associations professionnelles
(magistrats, administrateurs du ministère de l’Intérieur) qui sont chargées de la défense des
intérêts moraux et matériels de leurs membres.
Lorsqu’elle est reconnue, la liberté syndicale s’exerce dans les conditions prévues par
le décret du 5/5/1958 (B.O. 1958, p. 636) pris sur la base du dahir régissant les syndicats
professionnels. Les organisations syndicales doivent dans les deux mois de leur formation
être déclarées ; elles doivent aussi déposer leurs statuts et faire connaître la liste des
membres de leur bureau.
Pour remplir leur mission qui est exclusivement la défense des intérêts professionnels,
les syndicats disposent d’une pleine capacité juridique ; ils peuvent ester en justice, et
notamment intenter le recours pour excès de pouvoir contre les actes réglementaires
concernant le statut du personnel et contre les actes individuels portant atteinte aux intérêts
collectifs des fonctionnaires.
572
La fonction publique
(32 bis) Ben Saad (M.), « Contentieux et jurisprudence sur la qualification par l’administration de la faute disciplinaire »,
REMARC, n° 9, 2009, p. 41.
573
Droit administratif marocain
C. La sanction disciplinaire
A la différence des fautes, les sanctions sont énumérées limitativement par
l’art. 66 du statut. La sanction est ainsi identique pour tous les fonctionnaires, et l’autorité
administrative ne peut pas créer de sanctions à sa convenance.
Ces sanctions sont par ordre croissant : l’avertissement, le blâme, la radiation du tableau
d’avancement, l’abaissement d’échelon, la rétrogradation, la révocation sans suspension
du droit à pension, la révocation avec suspension du droit à pension.
574
La fonction publique
575
Droit administratif marocain
D. La procédure disciplinaire
Dans une certaine mesure cette procédure s’inspire de la procédure juridictionnelle qui
constitue une protection du fonctionnaire. Mais l’autorité investie du pouvoir de sanction
conserve tout de même une certaine marge de liberté.
Le principe qui régit la procédure est celui des droits de la défense. Tout fonctionnaire
poursuivi a droit de se défendre. Le statut organise ce droit qui comporte la communication
du dossier et la comparution devant le conseil de discipline ; il faut préciser que dans les cas
les plus graves où la faute entraîne la rupture des liens statutaires unissant le fonctionnaire
à l’administration (abandon de poste, participation à une grève interdite), l’intéressé doit
toujours avoir la possibilité d’être entendu sur les griefs qui lui sont reprochés (C.S.A.
9/7/1960, Driss Ben Abbès Sqali, R., p. 138). Le même droit peut être invoqué par les
576
La fonction publique
agents publics auxquels ne s’appliquent pas les garanties statutaires (C.S.A. 9/7/1959,
Ahmed Ben Youssef, R., p. 62).
1. La communication du dossier
Elle correspond à l’idée de bon sens – et d’équité – selon laquelle celui que l’on veut
punir doit être informé des griefs qui sont articulés contre lui ; en outre, il doit avoir la
certitude que la poursuite est engagée exclusivement sur la base de ces griefs ; si ces deux
conditions sont réunies le fonctionnaire peut alors se défendre en toute connaissance
de cause ; la communication du dossier implique donc le caractère contradictoire de la
procédure.
L’obligation de communiquer le dossier est satisfaisante, dès l’instant où l’administration
donne toute possibilité à l’intéressé d’en prendre connaissance. C’est cependant à ce dernier
qu’il appartient d’en réclamer la communication, et c’est la raison pour laquelle il doit être
prévenu en temps utile de la procédure engagée contre lui.
(33) M. Rousset, « L’obligation de motivation des décisions administratives individuelles au Maroc : une nouvelle
protection pour les administrés », REMALD, coll. Thèmes actuels n° 43, 2003, p. 67.
577
Droit administratif marocain
578
La fonction publique
(34) On sait que la compréhension de la notion de fonctionnaire au sens de l’art. 224 du Code pénal est beaucoup plus
large que celle qui résulte de l’art. 2 du statut général de la fonction publique ; elle peut en effet englober les agents
des organismes publics industriels et commerciaux ainsi que des personnes privées lorsque ces dernières ont reçu du
législateur une mission d’intérêt général.
En se fondant sur l’analyse de la mission confiée par le législateur à la société “Royal Air Maroc”, ou bien encore
au Crédit populaire du Maroc dont relèvent les banques populaires régionales, la Cour de justice avait estimé que
ces organismes assumaient une mission d’intérêt général et que leurs agents pouvaient être considérés comme
fonctionnaires au sens de l’art. 224 du Code pénal : cf. arrêt du 10/7/1975 relatif à la société Royal Air Maroc, et arrêt
du 8/12/1975 relatif au Crédit populaire : arrêts cités dans Ouazzani (A.), la Cour spéciale de justice, Rabat, 1977,
p. 67 et suiv. En sens inverse, la Cour a jugé que la Banque marocaine du commerce extérieur, bien que liée à l’Etat
par une convention permettant de lui confier diverses missions d’intérêt général, conservait la possibilité d’exercer
« les activités qui sont celles de tout établissement bancaire ordinaire ». La Cour doit donc rechercher à quel type
d’activité se rattachent les faits incriminés. Dès lors que ceux-ci entrent dans le cadre des « activités qui sont celles de
579
Droit administratif marocain
supprimée, mais les agents qui se rendraient coupables des incriminations qu’elle réprimait
sont passibles des juridictions pénales de droit commun (35).
Il faut signaler qu’il n’existe pas de responsabilité pécuniaire obligeant les
fonctionnaires à réparer les dommages causés aux collectivités publiques dans l’exercice
de leurs fonctions.
Toutefois cette responsabilité qui n’existait qu’en ce qui concerne les comptables
publics et les ordonnateurs (36) a été réorganisée et étendue par la loi 61-99 du 3 avril 2002
(B.O. 2002, p. 446).
La loi a pour objet de fixer « la responsabilité des ordonnateurs, des contrôleurs et des
comptables publics de l’Etat, des collectivités locales et leurs groupements ainsi que ceux
des établissements et entreprises publics soumis au contrôle financier de l’Etat pour les
actes qu’ils prennent, qu’ils visent ou qu’ils exécutent dans l’exercice de leurs fonctions
respectives » (art. 1er-1°).
En outre l’article 7 de la loi prévoit que les agents qui leur sont subordonnés peuvent
également être personnellement responsables s’il est établi que la faute commise leur est
imputable.
L’article 1er-2° précise que cette responsabilité est « indépendante des responsabilités
disciplinaires, civile ou pénale sans préjudice des sanctions qui peuvent être prises à leur
encontre par la Cour des comptes ou par les cours régionales des comptes ».
tout établissement bancaire ordinaire », l’agent ne peut être considéré comme fonctionnaire au sens de l’art. 224 du
Code pénal et la Cour est incompétente : arrêt du 24/2/1977 relatif à l’Union marocaine des banques et à la Banque
marocaine du commerce extérieur, cf. Ouazzani (A.), la Cour spéciale de justice (publication en langue arabe), 1977,
p. 84 et suiv.
C’est d’ailleurs le même problème qui s’est posé à propos de l’Association professionnelle de la Minoterie :
cette association relevant du droit privé avait à la fois une mission de service public et un objet social de nature
privée, l’organisation corporative de la profession ; la Cour avait l’obligation de rechercher si les faits reprochés
aux responsables de l’association se rattachaient à la première ou au second pour caractériser l’incrimination de
détournement de deniers publics et donc pour justifier légalement sa compétence. Il ne pouvait pas y voir détournement
de deniers publics si les deniers en cause étaient constitués par les cotisations que les minotiers devaient verser à
l’APM. en tant que membres de la profession, quel que soit par ailleurs leur mode de perception. E c’est finalement
contrairement à la décision des premiers juges, ce qu’a reconnu près de vingt ans plus tard (!) la Cour d’appel de
Casablanca dans l’affaire de l’APM et de son président Ghali Sebti le 18 juin 2013 (MHI n° 1030, 21-27 juin 2013).
(35) L’existence de la Cour a été remise en question depuis le discours d’ouverture de l’année judiciaire 2003 par Sa
Majesté Mohammed VI qui, à la suite de la polémique soulevée par les conditions de fonctionnement de la Cour dans
les affaires de la CNCA et du CIH notamment, a estimé qu’il fallait sans doute une juridiction spécialisée dans les
affaires économiques et financières, mais pas de juridiction spéciale ; le ministre de la justice a pour sa part indiqué
que cette juridiction, aujourd’hui inutile et au surplus contraire aux conventions internationales et aux principes
fondamentaux des droits de l’Homme, devrait être soit réformée, pour en faire une juridiction spécialisée dans le
jugement des délits et des crimes économiques et financiers, soit supprimée (la Gazette du Maroc, 17 février 2003).
Cette Cour a été effectivement supprimée en 2004.
(36) Cf. Loze (M.), op. cit., p. 442 s. et 450.
580
La fonction publique
Il faut enfin préciser que les collectivités publiques disposent d’une action récursoire
contre les agents insolvables à la place desquels elles ont été condamnées à indemniser les
victimes de dommages à l’origine desquels se trouve une faute personnelle.
Section V
Les avantages accordés aux fonctionnaires
581
Droit administratif marocain
A. La rémunération
La rémunération comprend le traitement, les prestations familiales et toute autre
indemnité ou prime (art. 26).
1. Généralités
Le traitement présente certains caractères particuliers : son montant n’est pas déterminé
par la quantité de travail fournie ; il résulte de la prise en considération de deux facteurs.
D’une part, le montant du traitement est établi en fonction du fait qu’il doit apparaître
suffisant pour que le fonctionnaire puisse se consacrer à son service en ayant des
conditions d’existence conformes à son grade. D’autre part, la détermination du montant
du traitement est sous l’étroite dépendance des conditions générales qui prévalent en ce qui
concerne la rémunération du travail salarié ; en ce sens, le montant du traitement dépend
de la qualification des différentes catégories de personnels, ainsi que de considérations de
politique économique qui peuvent militer en faveur du maintien d’un niveau moyen des
rémunérations, ou, au contraire, en faveur d’une certaine augmentation de ce niveau ; à
cet égard on signalera que jusqu’aux années soixante-dix, la politique suivie a consisté à
bloquer les salaires de façon à dégager le maximum de ressources pour le développement
économique. Cette politique a été remise en cause pour des raisons de conjoncture
(difficulté de maintenir de basses rémunérations dans un contexte inflationniste), ainsi que
(37) Le ministère des Affaires administratives avait publié en 1980 un deuxième tome du Recueil des textes législatifs
et réglementaires concernant les régimes de retraites et de prévoyance sociale des personnels de l’Etat, des collectivités
locales et de certains établissements publics. Snoussi (B.), la Fonction publique par les textes, Rabat, 1996.
582
La fonction publique
pour des raisons de fond : la politique de bas salaires risquait de compromettre les efforts
de recrutement de personnels de qualité dans toute une série de secteurs “sensibles” de la
fonction publique : enseignement, magistrature, emplois techniques en concurrence directe
avec le secteur para-public et le secteur privé (38).
Mais la poursuite des recrutements pour des raisons sociales (par exemple le recrutement
des diplômés chômeurs) dans de nombreuses administrations et les collectivités locales a
entraîné des sureffectifs sans que les enveloppes budgétaires aient connu une croissance
proportionnelle. Le niveau des rémunérations a été ainsi amenuisé malgré le recours aux
primes et indemnités diverses créées à titre de compensation.
Par ailleurs, les échelles de rémunération et les modalités d’avancement qui remontent
au début des années soixante, ne permettent plus les recrutements et les carrières
convenables pour les agents qualifiés et diplômés dont l’administration a besoin pour
poursuivre dans la voie de la modernisation.
Ce sont ces considérations qui devraient servir de base à toute réflexion critique sur
la réforme administrative et l’adaptation de la fonction publique aux exigences de la
modernité (39).
Le droit au traitement n’est acquis qu’après “service fait”, règle qui domine le droit de
la comptabilité publique ; c’est pourquoi il n’est versé que par douzième à la fin de chaque
mois. Le traitement présente par ailleurs un caractère alimentaire qui explique qu’il soit
partiellement insaisissable et incessible.
(38) Sur les problèmes généraux de la rémunération publique en France, cf. Long (M.) et Blanc (L.), l’Economie de la
fonction publique, coll. sup. « l’Économiste », P.U.F., Paris, 1969, p. 159 et suiv.
(39) M. Birouk, « Quelques réflexions sur la modernisation de l’administration », REMALD, n° 25, 1998, p. 46. Il
n’est pas inutile de souligner le fait que la modicité des rémunérations est sans aucun doute un facteur incitatif de la
corruption.
583
Droit administratif marocain
Pour atteindre ces objectifs, il fut tout d’abord décidé de supprimer tous les avantages
antérieurement accordés à certaines catégories de fonctionnaires qui étaient principalement
constituées par des fonctionnaires français des administrations chérifiennes (notamment la
majoration de traitement de 33 %).
En outre, une profonde réforme réalisée en 1963 eut pour objet l’établissement d’une
grille indiciaire dans laquelle furent classées les différentes catégories d’emplois, chaque
emploi de même niveau de qualification recevant un indice net identique ; c’est ainsi que
les emplois furent répartis entre onze échelles de rémunération, elles-mêmes divisées en
dix échelons (D. du 8/7/1963. B.O. 1963, p. 1212). Ces indices nets représentaient le
classement respectif des différents emplois de la fonction publique : la grille indiciaire
allait ainsi de l’indice 100 à l’indice 650. Enfin, chaque indice net fut assorti d’un indice
brut destiné à permettre le calcul du traitement : cet échelonnement indiciaire allait de
l’indice 100 à l’indice 915 correspondant à la hiérarchie réelle des traitements.
L’indice brut était représenté par un traitement de base permettant la détermination de
l’ensemble des salaires : il avait été fixé à 1 600 dirhams en 1958, somme à laquelle fut
ajouté un supplément de 100 dirhams non hiérarchisé ; le décret du 17 août 1971 avait
porté ce traitement de base à 1 840 dirhams, auxquels continuait à s’ajouter le supplément
de 100 dirhams non hiérarchisé.
Il convient de préciser que certains agents, occupant des emplois supérieurs, avaient
un échelonnement indiciaire spécial, les portant au-delà de la grille indiciaire normale :
ces indices nets et bruts allaient de 650-915 pour les directeurs adjoints d’administration
centrale au premier échelon, aux indices 775-1125 pour les secrétaires généraux à
l’échelon exceptionnel.
La modicité des traitements ainsi établis (le traitement de l’administrateur
d’administration centrale, échelle onze, dixième échelon, indices nets et brut 600-835,
s’élevait à 13 460 dirhams par an), conduisit à la création d’un supplément de traitement ;
la conception de ce supplément de traitement procédait du désir d’augmenter sensiblement
la rémunération des agents afin de tenir compte de l’augmentation du coût de la vie,
sans alourdir de façon excessive la charge budgétaire qui en résulterait ; le supplément
annuel de traitement fut initialement fixé en 1958 à 25 % du traitement indiciaire mais ne
supportant pas de retenue pour pension et ne comptant donc pas pour le calcul de celle-ci.
Un décret du 7/1/1960 (B.O. 1960, p. 121), devait donner un caractère progressif à ce
supplément sur la base d’un barème annexé au décret (1 371 dirhams à l’indice 100, et
7 473 dirhams à l’indice 835). Le même décret fixait à 600 dirhams le montant annuel de
l’indemnité de logement attribuée à tous les fonctionnaires.
Au traitement ainsi calculé, s’ajoutaient des indemnités et primes diverses qui
apparaissaient souvent comme un moyen détourné de relever les rémunérations de
584
La fonction publique
certaines catégories d’agents sans avoir pour autant à modifier le traitement de base
applicable à l’ensemble de la fonction publique (par exemple prime de poste, allocations
de technicité). Ces indemnités et primes n’étaient évidemment pas prises en considération
pour le versement des retenues pour pension, ni pour le calcul du montant de celle-ci.
Enfin, le fonctionnaire percevait des allocations familiales calculées sur la base d’une
somme identique par enfant, sans que le nombre d’enfants à prendre en compte puisse
s’élever au-delà de six.
Le système était ainsi très complexe, et de surcroît injuste, puisque le traitement au
sens strict atteignait à peine la moitié de la rémunération totale, alors qu’il était seul pris
en considération pour le calcul de la pension.
C’est principalement pour faire disparaître ces différentes anomalies qu’a été entreprise
la réforme du régime des rémunérations.
a. Le classement indiciaire
Le système de classement indiciaire comporte d’une part une hiérarchie indiciaire
normale, et d’autre part un classement indiciaire hors hiérarchie, spécifique à diverses
catégories d’emplois ou de cadres ; il conduit au calcul direct du traitement.
585
Droit administratif marocain
échelon exceptionnel), subsiste tel qu’il avait été établi en 1963 ; mais ces échelles et
échelons sont désormais affectés d’un indice réel qui permet ainsi qu’on le verra plus loin,
le calcul direct du traitement.
Les indices réels de ces échelles et échelons figurent dans les tableaux annexés au
décret n° 2.73.722 du 31 décembre 1973.
Ces nouveaux indices ont été établis de façon à ne pas amoindrir la situation
financière des cadres moyens et subalternes, tout en élargissant quelque peu l’éventail des
rémunérations ; le but recherché est de rendre ainsi plus attrayantes les carrières.
Au premier échelon de l’échelle n° 1, l’indice réel est de 107 ; à l’échelon exceptionnel
de l’échelle onze, il est de 704. Cette ouverture de l’éventail indiciaire normal n’a
cependant pas semblé satisfaisante pour répondre aux besoins d’une politique de fonction
publique cherchant à attirer et à retenir dans le service public, des cadres de haut
niveau indispensables pour la conduite d’une action tendant à la modernisation et au
développement dans tous les domaines. C’est pourquoi un certain nombre de cadres, de
grades ou d’emplois, ont été dotés d’un classement indiciaire hors hiérarchie.
(40) Ce décret abroge l’art. 4 du décret n° 2-73-722 du 31/12/1971 qui jusqu’alors fixait les indices des emplois
supérieurs.
586
La fonction publique
échelonnement indiciaire hors hiérarchie : tel est le cas des administrateurs principaux
d’administration centrale (indice 704 au 1er échelon et 812 au 4e), des administrateurs
économes divisionnaires en chef (Santé publique), des inspecteurs divisionnaires en chef
(Finances), des inspecteurs divisionnaires en chef (Artisanat), etc. qui bénéficient du même
échelonnement indiciaire.
• Le calcul du traitement
Dans tous les cas, l’attribution d’un indice réel permet désormais le calcul direct du
traitement ; toutefois le système a été légèrement modifié en 1977 ; il résulte actuellement
du décret du 29 janvier 1981 (B.O. 1981, p. 83).
Le calcul du traitement annuel de l’agent se fait en deux temps. Dans un premier
temps, les choses sont simplifiées dans la mesure où le décret fixe directement la valeur
annuelle du point indiciaire : la première opération consiste donc à multiplier la valeur du
point indiciaire par l’indice réel détenu par l’agent.
Mais à ce produit il convient d’ajouter une majoration instituée en 1977, et réévaluée
périodiquement, dans le but d’améliorer la rémunération des agents des catégories
subalternes ; cette majoration est entrée en vigueur à compter du 1er juillet 1981.
C’est donc à la suite de cette double opération que le traitement annuel de base apparaît.
587
Droit administratif marocain
Même ainsi modifié, le régime de cette indemnité est faiblement incitatif et n’est pas
de nature à encourager les fonctionnaires à occuper des emplois dans des régions éloignées
des grandes villes littorales.
Une réforme de la classification des régions du Royaume devrait être reliée à la
réforme du régime de la rémunération.
Selon le cas l’agent perçoit une allocation de hiérarchie instituée par un décret du
2/2/1977 (B.O. 1977, p. 166) modifié par un décret du 26 janvier 1989 (B.O. 1989,
p. 76) ; cette indemnité est cumulable avec deux nouvelles indemnités de sujétion et
d’encadrement créées par le décret du 21 janvier 1989 (B.O. 1989, p. 77). Il existe par
ailleurs une indemnité de technicité créée, elle aussi, par un décret du 2 février 1977
(B.O. 1977, p. 169).
Des indemnités spécifiques ont été instituées par des textes particuliers pour toute
une série de personnels (magistrats, agents d’autorité, enseignants chercheurs de
l’enseignement supérieur, personnel diplomatique et consulaire en poste à l’étranger, etc.).
Mais ces indemnités spécifiques ne sont pas cumulables avec les précédentes.
Enfin, on doit indiquer qu’il existe un régime indemnitaire propre à l’exercice des
fonctions supérieures dans les départements ministériels (secrétaire général, directeur
d’administration centrale, chef de division, chef de service) ; ce régime résulte du décret
du 19 janvier 1976 (B.O. 1976, p. 149).
Toutes ces indemnités sont en principe destinées à compenser des charges particulières
que les agents assument en raison des fonctions qui leur sont confiées, ou bien à favoriser
un meilleur accomplissement du service.
Il est clair que ces indemnités du fait de leur montant et de leurs conditions
d’établissement ont été considérées comme de véritables suppléments de traitement.
Au fil des années s’est ainsi reconstitué le déséquilibre entre le traitement de base et les
indemnités et, par voie de conséquence, le déséquilibre entre la rémunération d’activité et
le montant de la pension de retraite auxquels les réformes de 1971 et de 1973 consacrées
au régime des pensions et à celui des rémunérations avaient mis un terme. Il a donc été
nécessaire de réexaminer le régime des pensions ainsi qu’on le verra plus loin.
Il reste à indiquer que les textes ont entendu lier la réforme du régime des
rémunérations des personnels des collectivités publiques, à la rémunération des personnels
des entreprises publiques dont on sait qu’en cette matière elles font une vive concurrence
aux administrations classiques ; des décrets particuliers établiront, dans chaque cas, les
mécanismes destinés à maintenir un certain parallélisme sur la base des règles posées par
la réforme du régime des rémunérations de la fonction publique.
588
La fonction publique
En tout état de cause rien n’est changé au régime des allocations familiales qui sont
servies aux agents de la fonction publique sur la base des règles fixées par le décret du
27/11/1958 modifié par le décret du 31/12/1987 (B.O. 1988, p. 52).
B. Les pensions
Le régime des pensions civiles a été instauré par deux dahirs des 1er mars 1930 et
1 mai 1931 qui ont été modifiés par le dahir du 12 mai 1950 (B.O. 1950, p. 679). Ce
er
régime a été transformé par deux lois du 30 décembre 1971 (B.O. 1971, p. 1555) et
modifié par la loi du 21 décembre 1989 (B.O. 1990, p. 40), par la loi 19-97 du 2/8/1997
(B.O. 1997, p. 891) et enfin une loi du 1er septembre 2014 (B.O. 2014, p. 4140).
Par ailleurs, le régime des pensions militaires était lui aussi modernisé par trois lois
promulguées également le 30 décembre 1971 (B.O. 1971, p. 1560) ; une modification du
régime des pensions militaires a été réalisée par la loi du 21 décembre 1989 (n° 07-89,
B.O. 1990, p. 45) et par la loi 21-97 du 2/8/1997 (B.O. 1997, p. 894) (41). Seul nous
retiendra le régime des pensions civiles, le régime des pensions militaires étant fondé
sur les mêmes principes dans toute la mesure où les particularités de la fonction militaire
n’appelaient pas de mesures spécifiques.
(41) Un régime spécial de pensions a été institué pour les victimes des événements de 1971 et 1972 : dahir du 2/1/1974,
B.O. 1974, p. 147.
Une loi du 26/12/2000 (B.O. 2001, p. 182) a créé une rente spéciale pour certains fonctionnaires et agents originaires
des provinces du Sud récupérées.
589
Droit administratif marocain
possibilités qu’offrait le dahir de 1950 (on ajoutera que de nombreuses règles qu’il posait
étaient d’une complexité excessive et appelaient donc une simplification).
(42) Modifiées par les dahirs 1-74-410 et 1-74-411 du 2 octobre 1974, B.O. 1974, p. 1458.
(43) Les fonds de la Caisse marocaine des retraites sont gérés par la Caisse de dépôt et de gestion depuis 1959.
Kafi-Cherrat (R.) et Radi (A.), « La Caisse marocaine des retraites », R.J.P.E.M., n° 5, 1979, p. 37 ; Essakali (Z.), « Le
régime des retraites est au cœur du débat social », in le Matin du Sahara, 28 février 1988.
La Caisse marocaine des retraites a fait l’objet d’une réforme qui s’inscrit dans le cadre général d’une réorganisation
des régimes de prévoyance sociale. La CCR est désormais chargée de gérer les régimes de pensions civiles et militaires,
ainsi que certains régimes particuliers (Forces auxiliaires, résistants) sans oublier le régime collectif d’allocation de
retraite (RCAR) qui concerne notamment les personnels des collectivités locales et de nombreux organismes publics
(loi 43-95, du 7 août 1996, B.O. 1996, p. 751). La loi du 1er septembre 2014 a fixé la limite d’âge des personnels qui
sont affiliés à soixante cinq ans ;elle a également décidé que les enseignants chercheurs, pourraient être maintenus en
activité au delà de la limite d’âge et jusqu’à la fin de l’année universitaire chaque fois que les besoins du service public
l’exigent.
On indiquera que le législateur a organisé un mécanisme de coordination des régimes de prévoyance sociale qui
concerne naturellement les agents de la fonction publique.
590
La fonction publique
a. La pension de retraite
La pension de retraite est unique, mais elle peut être accordée dans des conditions
variables.
En principe, le droit à pension de retraite est constitué lorsque le fonctionnaire atteint
la limite d’âge fixée désormais à 65 ans par la loi du 1er septembre 2014 qui concerne
tous les fonctionnaires et agents de l’Etat, des municipalités et des établissements publics
affiliés au régime des pensions civiles ; l’admission à la retraite des magistrats de la Cour
suprême et des professeurs de l’enseignement supérieur avait déjà été fixée à 65 ans depuis
plusieurs années. La loi du 1er septembre 2014 a prévu que par dérogation les enseignants
chercheurs et les personnels relevant du ministère de l’éducation nationale pourraient
être maintenus dans l’exercice de leurs activités jusqu’à la fin de l’année scolaire ou
universitaire bien qu’ils aient atteint la limite d’âge, chaque fois que les besoins du service
l’exigeraient. Toutefois ces personnels ne peuvent bénéficier de leur droit à la retraite qu’à
la fin de la période pendant laquelle ils ont été maintenus en service.
Cependant, le droit à pension peut être constitué avant la limite d’âge ; aucune condition
de durée des services n’est exigée des agents radiés des cadres pour cause d’invalidité ;
surtout, le droit est constitué après vingt-et-une années de service et quinze années pour les
femmes, ce qui permet à l’agent de demander sa mise à la retraite de façon anticipée ; de
plus l’administration peut mettre d’office à la retraite les agents qui totalisent les vingt-et-
une années requises, dans la limite d’un contingent fixé annuellement à 15 % de l’effectif
budgétaire de chaque cadre, et sans aucune limitation quantitative, dès lors que l’agent
atteint trente années de service.
Le montant de la pension ne peut être inférieur à 600 dirhams (loi du 20 octobre 2008,
B.O. 2008, p. 1637). Il est égal à 2,5 % des émoluments de base par annuité liquidable ; le
nombre maximum de celles-ci est fixé à quarante.
Il est seulement de 2 % pour les agents sortant du service de façon anticipée sur la base
de l’art. 12-2° au bout de 25 ou 15 années.
Le mode calcul de ces émoluments de base a été modifié à deux reprises. Dans les deux
cas la modification de l’article II du texte de base sur les pensions de retraite de 1971 a
eu pour but de rétablir l’équilibre rémunération d’activité-pension de retraite qui avait été
rompu du fait du retour de la pratique des indemnités et primes s’ajoutant au traitement
mais qui n’était pas prises en compte pour le calcul de la pension.
591
Droit administratif marocain
Une loi du 21 décembre 1989 décide que les émoluments de base comporteront désormais
les primes et indemnités à caractère permanent pour la moitié de leur montant. Mais devant
le retour du déséquilibre entre la rémunération d’activité et la pension de retraite, une
nouvelle modification de l’article II est réalisée par la loi 19-97 du 2 août 1997 : désormais
les primes et indemnités permanentes afférentes à la situation statutaire du fonctionnaire
sont intégrées aux émoluments de base pour la totalité de leur montant.
Le montant de la retenue pour pension versée par l’agent été modifié de façon
progressive par le décret du 21 avril 2004 (B.O. 2004, p. 716) ; de 8 % des émoluments de
base à compter du 1er janvier 2004, puis de 9% à compter du 1er janvier 2005, il est enfin
fixé à 10% à compter du 1er janvier 2006. Les émoluments de base comportent désormais
les trois éléments suivants :
– Le traitement de base correspondant à la situation indiciaire de l’agent.
– L’indemnité de résidence correspondant à la zone C.
– Les indemnités et primes à caractère permanent afférentes à la situation statutaire du
fonctionnaire.
Ceci exclut naturellement les indemnités représentatives de frais ainsi que les
prestations familiales.
Les primes et indemnités figurent sur une liste annexée à la loi ; cette liste peut être
modifiée en cas de suppression ou de création de ces primes ou indemnités.
La loi de 1989 et celle de 1997 ont prévu un mécanisme de rattrapage des cotisations
sur l’augmentation des émoluments de base pour les années antérieures à l’entrée en
vigueur de la loi ; mais naturellement cela ne vaut que pour les agents en activité ; c’est
ce qui finalement a donné lieu à l’apparition de trois catégories de retraités, correspondant
aux trois versions de l’article II de la loi sur les pensions.
L’administration a en effet refusé de faire bénéficier des lois plus avantageuses de
1989 et 1997 les agents admis à faire valoir leur droit à pension antérieurement à l’entrée
en vigueur de ces lois ; elle invoquait le fait qu’ils n’avaient pas versé les cotisations
correspondant à l’augmentation des émoluments de base.
Il y a donc désormais un lien entre le système de rémunération établi en 1974, le
régime indemnitaire et le calcul de la pension. La pension est enfin automatiquement
revalorisée en fonction des augmentations qui affectent le traitement de base.
La pension de retraite comporte en outre un montant garanti qui est égal au traitement
de base afférent à l’indice 100 si l’agent a accompli vingt-et-une années de service ; si
le nombre de ses annuités est moindre, le montant de la pension ne peut être inférieur à
« un chiffre calculé à raison de 5 % des émoluments de référence (traitement de base à
l’indice 100) par annuité liquidable ».
592
La fonction publique
La loi de 1997 avait en effet décidé que le montant de la pension de retraite serait
plafonné sans pouvoir dépasser le montant de la dernière rémunération statutaire d’activité,
déduction faite des différents impôts sur les revenus salariaux et assimilés.
Cette position de l’administration a été contestée de façon véhémente par l’Association
marocaine des retraités, ce qui n’est pas étranger à un revirement de l’administration qui
s’est traduit par le vote de la loi du 29 janvier 2002 fixant « les modalités de reliquidation
des pensions servies par la Caisse marocaine des retraites » (B.O. 2002, p. 134).
Le principe de la reliquidation consiste à prendre en compte pour le calcul de la
pension, un certain nombre d’indemnités et de primes fixées par voie réglementaire, et,
d’autre part, à étaler les cotisations exigibles à ce titre sur un nombre d’années tel que le
montant de la pension demeure supérieur à ce qu’il était antérieurement à la reliquidation.
(44) Les agents de droit privé des collectivités et organismes publics, tout en continuant à relever du dahir du
25 juin 1927 sur la réparation des accidents du travail, peuvent éventuellement être affiliés au Régime collectif
d’allocation de retraite créé par le Dh. P.L. du 4/10/1977, B.O. 1977, p. 1246) qui prévoit l’assurance du risque
invalidité décès. Signalons enfin que les collaborateurs bénévoles du service public relèvent également du dahir
de 1927 en vertu du dahir du 31 mars 1961 (B.O. 1961, p. 510) relatif à la réparation des accidents du travail survenus
aux personnes participant à titre bénévole, et non rémunérées, à l’exécution de travaux pour le compte des collectivités
publiques.
593
Droit administratif marocain
(45) C’est vers une solution comparable que s’est orienté le Conseil d’Etat : CE (sect.) Mme Le Bihan-Graf, 29/12/2000,
« Vers une correction de la règle dite du forfait de pension », AJDA, n° 2, 2001, p. 158 ; cf. surtout C.E. (Ass.) :
4/7/2003, Moya Cavelle, AJDA., 2003, 25, p. 1301.
594
La fonction publique
La veuve ou les veuves ont droit, dans certaines conditions concernant la date du
mariage, à la moitié de la pension de retraite de l’agent décédé, augmentée, éventuellement,
de la moitié de la pension d’invalidité.
Les orphelins, enfants légitimes, non mariés ou âgés de moins de 16 ans (ou de moins
de 21 ans s’ils poursuivent des études) ont droit également à la moitié de la pension de
retraite et, le cas échéant, à la moitié de la pension d’invalidité de l’agent. Si ce dernier ne
laisse pas de veuve, ils ont droit à la totalité de ces pensions (la condition d’âge n’est pas
opposable à l’enfant infirme qui est dans l’impossibilité de gagner sa vie).
Le conjoint survivant et les enfants d’une femme fonctionnaire, peuvent dans certaines
conditions bénéficier de pensions d’ayant cause.
Désormais c’est le directeur de la Caisse marocaine des retraites qui est chargé de
liquider et de concéder toutes les pensions dont la gestion a été confiée à la Caisse depuis
la réforme de son statut.
Il convient de préciser que le législateur a posé également un certain nombre de
règles communes à toutes les pensions visant à en accélérer la liquidation et le paiement ;
ce dernier est désormais un paiement bimestriel ; par ailleurs, un régime d’avances sur
pension permet d’éviter que le titulaire de la pension ne pâtisse des retards éventuels que
pourrait subir la liquidation de sa pension.
En ce qui concerne le contentieux des pensions, les textes de 1971 ne précisaient pas
quelle était la juridiction compétente, alors que les textes antérieurs avaient attribué aux
tribunaux ordinaires le soin de trancher tous les litiges soulevés par leur application. La Cour
suprême avait d’ailleurs estimé, suivant en cela une jurisprudence traditionnelle, que le juge
ordinaire exerçait ainsi une compétence de pleine juridiction faisant obstacle à la recevabilité
du recours en annulation pour excès de pouvoir ; le silence des textes de 1971 ne constituait
évidemment pas une raison de modifier des règles de compétence qui avaient le mérite d’être
reconnues et d’avoir jusqu’alors donné satisfaction aux justiciables et à l’administration.
Désormais ce sont les tribunaux administratifs qui sont compétents en cette matière en
raison d’une disposition expresse de la loi ; restera cependant la question de la nature du
recours ; mais il ne devrait y avoir aucune difficulté à admettre que, comme c’était le cas
devant le juge ordinaire, le juge administratif puisse exercer une compétence de pleine
juridiction lui permettant de régler tous les litiges nés de l’application des textes sur les
pensions (cf. infra, L’exception de recours parallèle, 2e partie).
595
Droit administratif marocain
déséquilibre qui s’est peu à peu instauré entre le nombre des agents cotisants au régime
des pensions et le nombre de retraités qui s’est considérablement accru au fil des années
et a ainsi contribué au déséquilibre financier de la Caisse Marocaine des Retraites,
déséquilibre qui ne peut que s’aggraver dans les années à venir compte tenu de l’évolution
prévisible de la pyramide des âges de la fonction publique. La solution est recherchée
dans un allongement de la durée du service au delà de soixante ans, et donc des annuités
de cotisation mais aussi semble-t-il dans un aménagement à la baisse du montant des
pensions ce qui est difficile à faire accepter de la part des organisations syndicales (46).
(46) Le problème se pose en des termes identiques pour le Régime collectif d’allocation de retraite. Achour (O.) :
« Equilibre financier et pérennité des caisses de retraite au Maroc », Revue marocaine des sciences politiques et
sociales, (Hommage à Driss Benali), volume VIII, 2013, p. 165.
596
Chapitre III
Les biens de l’administration (1)
Section I
Le régime juridique des biens de l’administration
Au sens moderne du terme, le régime juridique du domaine a été créé à partir de 1913,
et repose sur la distinction fondamentale, empruntée au droit français, du domaine public
et du domaine privé. Il est donc indispensable de connaître les fondements de cette
distinction et la manière dont elle s’effectue, et d’analyser ensuite les particularités du
régime applicable aux deux catégories de biens.
(1) A. Eddahbi, les Biens publics en droit marocain, éd. Afrique-Orient, 1992. Houem, « La gestion des biens publics
en droit marocain », REMALD, coll. Manuels et travaux universitaires, n° 21, 2001.
En décembre 2015 se sont tenues à Skhirat les Assises nationales de la politique foncière qui ont abouti à la rédaction
d’une cinquantaine de recommandations dont un grand nombre concerne les biens des collectivités publiques.
Outre celles qui concernent la refonte de la législation relative au domaine public et au domaine privé, d’autres
recommandations concernent aussi l’occupation temporaire du domaine public, la législation forestière, la loi sur
l’expropriation, l’urbanisme, etc. Il est également proposé la création de sections spécialisées dans le domaine foncier
au sein des juridictions notamment une chambre foncière à la Cour de cassation afin d’ accélérer le jugement des litiges
fonciers, ou bien encore la création d’une banque de données du domaine public permettant de réaliser un inventaire
fiable des biens qui le composent.
Droit administratif marocain
(2) Cf. A. Bernard, le Maroc, 8e éd., p. 269 ; J. Griguer, « Notes sur le domaine makhzen », G.T.M., 1921, n° 11, 12 et
13 ; G. Lazarev, « Les concessions foncières au Maroc », Annales marocaines de sociologie, 1968, p. 99.
(3) B.O. 1912-1913, p. 6.
598
Les biens de l’administration
599
Droit administratif marocain
Une dernière difficulté apparaît alors qui naît du choix que l’on fait entre la conception
extensive ou restrictive de l’affectation au service public ; si l’on choisit la première, tous
les biens utilisés par le service ou presque, pourront être considérés comme affectés en
fait au service : le risque de discordance entre affectation de fait et affectation formelle
sera très limité ; en revanche, si l’on choisit la conception restrictive, il sera nécessaire
d’apprécier concrètement l’utilité présentée par les divers biens pour le fonctionnement
du service, et il pourra y avoir un hiatus entre ce qu’affirme l’administration (affectation
formelle) et la nécessité de l’utilisation de ce bien par le service (affectation de fait).
600
Les biens de l’administration
(4) Le tribunal de Première instance de Casablanca était, en 1950, plus audacieux que la Cour suprême en 1999 ; cette
dernière a estimé que les responsables des Forces auxiliaires pouvaient expulser de son logement un ancien membre
de ces Forces parce que le logement était situé à l’intérieur de la caserne de Rabat et que les Forces auxiliaires sont
soumises par la loi qui les régit “au régime militaire”. Cf. M. Rousset et M.A. Benabdallah, « De l’inviolabilité du
domicile et de la voie de fait aux yeux de la Cour suprême », REMALD, n° 35, 2000, p. 149 ; note sous C.S.A.
30/12/1999, Inspection générale des Forces auxiliaires c/Bousfir.
(5) Cass. 28/10/1957, R.A.C.A.R., 1958, p. 374. ; G.T.M., 1958, p. 63.
601
Droit administratif marocain
602
Les biens de l’administration
autre décision) soit de la Cour de cassation, soit des tribunaux administratifs dès lors que
le requérant ne disposera pas d’un recours juridictionnel lui permettant de faire pleinement
valoir ses droits.
Cette condition exclut évidemment les détenteurs de droits réels sur le bien incorporé
au domaine public ; mais il reste d’autres requérants possibles, ne serait-ce que les
occupants temporaires de ces biens qui peuvent avoir intérêt à obtenir des juridictions la
vérification de l’existence de l’affectation de fait.
Or il est parfaitement possible à la Haute juridiction d’effectuer cette vérification, mais
aussi aux tribunaux administratifs s’ils sont saisis.
En effet, la Cour de Cassation demeure le régulateur unique de la jurisprudence de
toutes les juridictions tant en ce qui concerne le respect des compétences des juridictions
qu’en ce qui concerne le fond du droit. En effet elle peut être saisie soit directement du
recours en annulation de certaines décisions (décret), soit du recours en cassation contre
les décisions des juridictions administratives statuant en dernier ressort, soit du recours en
cassation des décisions rendues en dernier ressort par les juridictions ordinaires.
Mais l’interrogation que l’on émettait il y a quelques années demeure aujourd’hui ; il
n’est pas certain que la Cour de Cassation s’engage dans cette voie ; en tous cas il n’est pas
possible de faire état d’une autre décision que celle qu’elle a rendue il y a une vingtaine
d’années et dont on ne peut pas tirer une indication certaine : parce qu’elle avait à décider
du point de savoir si un requérant était assujetti au paiement de la taxe d’édilité due par les
riverains des voies publiques, elle a été amenée à dire qu’une voie publique était une voie
« dont les emprises font partie du domaine public, et qui a fait l’objet d’une affectation
actuelle à l’usage du public » (C.S.A., 8/12/1965, ville de Marrakech c/Egret, non publié).
La rédaction défectueuse de cette formule ne permet pas de conclure de façon certaine
que la Haute Juridiction a entendu se référer à l’affectation de fait en faisant mention de
« l’affectation actuelle à l’usage du public ».
Rien ne s’oppose cependant à ce que les tribunaux administratifs en première instance
et en appel,sous le contrôle des Cours d’appel puis de la Cour de Cassation, effectuent
cette vérification, car l’appréciation à laquelle se livre l’administration n’est pas de celle
dont la technicité est telle que le juge doive renoncer à en contrôler le bien-fondé.
Ce contrôle dont l’exercice est possible, est d’autre part souhaitable, afin d’éviter que
le pouvoir discrétionnaire de l’administration ne conduise à ranger dans le domaine public,
et à soumettre à un régime juridique exorbitant, des biens qui n’y auraient pas leur place.
603
Droit administratif marocain
C. La réalisation de l’affectation
L’affectation conditionne l’entrée dans le domaine public, mais elle est réalisée dans
des conditions différentes selon les divers types de biens qui constituent le domaine public.
Enfin, l’affectation n’est pas perpétuelle, elle peut disparaître ou être modifiée.
(6) Cf. D. du 6/3/1973 (B.O. 1973, p. 425) constatant l’assèchement de la Merja Si Ameur (province de Kénitra) qui
« de ce fait, est déclassée du domaine public de l’Etat et incorporée au domaine privé de l’Etat ».
Toutefois, et sans doute afin de tarir toute contestation, la loi sur l’eau du 16 août 1995 (B.O. 1995, p. 627), détermine
de façon très précise ce qu’il advient des fonds concernés lorsqu’un cours d’eau abandonne le lit qu’il empruntait
jusqu’alors (art. 3 et 4).
604
Les biens de l’administration
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Droit administratif marocain
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Les biens de l’administration
(7) Après l’avoir refusée pendant longtemps, la jurisprudence française a finalement reconnu cette possibilité en
admettant qu’un établissement public pouvait posséder un domaine public ; la portée de cette solution est cependant
limitée dans la mesure où elle a été retenue à propos d’un établissement public ayant une assise territoriale : C.E.
(Ass.), 3 mars 1978, sieur Lecoq, A.J.D.A., 1978, p. 581 ; T.A. de Paris 18/9/1979, « Etablissement public pour
l’aménagement de la région de la défense », A.J.D.A., 1979, p. 36, note Y. Gaudemet.
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Droit administratif marocain
(8) Ghailane (K.), « Inventaire du patrimoine de l’Etat par l’Agence foncière nationale », Al Maouil, les Cahiers de
l’A.N.H.I., n° 15-16, 199, p. 37.
(9) C’est un décret du 1er février 1990 (B.O. 1990, p. 244) qui détermine actuellement la consistance et le régime des
voies de communication.
608
Les biens de l’administration
dans le domaine. Mais les biens se répartissent aussi en biens meubles et immeubles ;
enfin, une autre répartition peut être faite entre eux sur la base de la nature de chacun
d’eux ; on distingue ainsi :
• Le domaine public terrestre qui comprend tous les réseaux de communication (10),
les ouvrages de toutes sortes (ouvrages militaires, barrages, etc.) les mines ainsi que les
objets qui sont incorporés au sol ; canalisations, lignes électriques, etc.
• Le domaine public maritime englobe les rivages de la mer, les ports et installations
portuaires.
Le domaine public maritime ne semble pas comprendre la mer territoriale bien que
celle-ci, dont l’étendue a été fixée par le dahir portant loi du 2 mars 1973 (B.O. 1973,
p. 391) à douze mille marins à partir des lignes de base, soit soumise à la souveraineté
de l’Etat qui couvre également les ressources biologiques et plus généralement toutes les
ressources qu’elle est susceptible de contenir.
• Le domaine aquatique : il recouvre l’eau sous toutes ses formes : lacs, étangs, marais,
fleuves, torrents, sources et, plus généralement, « les parcelles qui, sans être recouvertes
d’une façon permanente par les eaux, ne sont pas susceptibles en année ordinaire
d’utilisation agricole » (art. 2 de la loi du 16 août 1995 sur l’eau).
• Le domaine aérien, constitué par l’espace atmosphérique et, par extension, par les
installations qui en permettent l’utilisation (aérodromes, etc.) les fréquences radioélectriques.
609
Droit administratif marocain
Pour les autres cours d’eau ou sections de cours d’eau, les francs bords ne font partie du
domaine public que sur une largeur de deux mètres. D’une façon générale l’article 5 de la loi
sur l’eau dispose que les limites du domaine public hydraulique sont fixées conformément
aux dispositions de l’article 7 du dahir du 1er juillet 1914 sur le domaine public.
Dans la mesure où la loi sur l’eau a réservé les droits que les particuliers pouvaient
avoir acquis sur l’eau, elle a prévu une procédure pour officialiser ces derniers ; cette
procédure de reconnaissance des droits acquis sur le domaine public hydraulique qui
revient à en déterminer la consistance, est fixée par le décret du 14 novembre 2000,
(B.O. 2000, p. 1062). Cette reconnaissance est faite à la suite d’une enquête publique
organisée par le ministère de l’Equipement ; la reconnaissance de ces droits est faite par
décret sur proposition du ministre de l’Equipement et après avis du ministre de l’Intérieur.
En revanche, s’agissant du domaine public artificiel, cette délimitation fait apparaître
une plus grande liberté d’appréciation de la part de l’administration.
La délimitation peut s’effectuer sur la base d’une procédure générale ou sur la base de
procédures spéciales.
1. La procédure générale
Elle est organisée par l’art. 7 du dahir du 1er juillet 1914. Le domaine public est
délimité par décret sur proposition du ministre de l’équipement et après enquête effectuée
contradictoirement par une commission administrative ; une publicité suffisante doit
être donnée à l’enquête afin de permettre aux tiers de faire valoir leurs droits et leurs
observations. Les réclamations peuvent être produites pendant toute la durée de l’enquête
et pendant un délai de six mois après la publication au Bulletin officiel du décret de
délimitation. Si le bien-fondé de la réclamation n’est pas reconnu par l’administration, le
litige doit être porté devant les tribunaux qui sont désormais les tribunaux administratifs.
Cette procédure est énergique puisque le silence des tiers entraîne l’extinction de leurs
droits. La délimitation est définitive et aucune réclamation ne peut être admise.
(11) En vertu de l’art. 11 du D. du 4/4/1983, B.O. 1983, p. 250 qui fixe les attributions et l’organisation du ministère
des Transports.
610
Les biens de l’administration
611
Droit administratif marocain
était de vingt années a été ramenée à dix ans pour les arrêtés d’alignement simple, et à
deux années seulement pour les arrêtés valant cessibilité. Ces arrêtés peuvent faire l’objet
d’une modification en respectant les formes prévues pour leur établissement ; mais en tout
état de cause la durée de validité demeure celle de l’acte initial.
Les terrains visés par les arrêtés d’alignement sont frappés de servitudes : aucune
modification ou restauration des sols ou construction ne peut être effectuée sans
autorisation du président du conseil communal.
Toutefois, s’il s’agit de terrains frappés uniquement d’alignement, ils peuvent faire
l’objet d’une utilisation qui diffère de celle prévue par l’arrêté dès lors qu’elle ne la
compromet pas et que le propriétaire a été autorisé par le président du conseil communal.
Le propriétaire est toujours tenu de remettre le terrain en état au moment de la réalisation
de l’équipement.
Les riverains des voies publiques doivent contribuer gratuitement à la création
de celles-ci selon des modalités fixées par la loi ; ils doivent notamment abandonner
gratuitement une certaine portion du sol nécessaire à la construction de la voie ; si la
portion restante devient inconstructible, il leur est ouvert un droit de réquisition d’emprise
totale ; la collectivité a l’obligation d’acquérir la totalité du terrain.
L’indemnité due finalement au propriétaire, ou la somme dont il peut être redevable
à l’administration, sera calculée comme en matière d’expropriation pour cause d’utilité
publique.
Il faut enfin indiquer que l’établissement d’un plan d’aménagement peut avoir des
effets similaires puisqu’il a pour objet de définir notamment : les limites de la voirie (voies,
places, parkings) à conserver, à modifier ou à créer… mais aussi les limites des espaces
verts publics, les limites des espaces destinés aux activités sportives, les emplacements à
réserver aux équipements publics ; les plans d’aménagement sont établis et approuvés dans
des formes et conditions déterminées par les articles 18 et suiv. du décret du 14/10/1993
(B.O. 1993, p. 576).
Mais préalablement à son approbation, il est soumis à l’examen des conseils communaux
ou, le cas échéant du conseil de l’arrondissement ; il est soumis à enquête publique d’une
durée d’un mois, durée qui semble d’ailleurs bien courte. Le texte d’approbation du plan
d’aménagement vaut déclaration d’utilité publique des opérations d’équipement que nous
avons énumérées, et cela pour une durée de dix ans : à l’expiration de cette période,
l’autorité administrative ne peut prononcer une nouvelle déclaration d’utilité publique
ayant le même objet avant l’expiration d’un délai de dix ans ; en revanche, les propriétaires
qui retrouvent la disposition de leur terrain doivent se conformer à l’affectation qu’il a
reçue dans la zone où il est situé.
612
Les biens de l’administration
613
Droit administratif marocain
aussi sa mise en valeur dans toute la mesure où cela est compatible avec son affectation.
Les autorités administratives disposent ainsi de pouvoirs de police qu’elles exercent pour
assurer le bon usage et la conservation du domaine, et de pouvoirs de gestion de façon
à mettre en œuvre l’exploitation économique du domaine qui apparaît alors comme une
richesse collective dont il convient de tirer des revenus.
Le domaine est donc l’objet de diverses utilisations et les règles applicables varient
selon la nature de celles-ci.
L’utilisation commune des biens affectés à l’usage direct du public est particulièrement
protégée, chaque fois qu’elle est conforme à la destination du bien, c’est-à-dire chaque fois
qu’il s’agit d’une utilisation normale. Mais dès l’instant où l’utilisation apparaît anormale,
l’autorité responsable dispose de plus larges pouvoirs de réglementation ; il en est de
même lorsque l’utilisation du domaine revêt un caractère privatif qui ne correspond pas, le
plus souvent, à la destination du bien ; dans la plupart des cas l’usage anormal et l’usage
privatif se confondent.
1. La liberté de l’utilisation
Il est naturel que l’usage du domaine public soit libre puisque, dans l’hypothèse
envisagée, il s’agit précisément de biens qui sont affectés à l’usage direct du public :
plages, routes, promenades, etc. ; ainsi l’article 29 de la loi relative au littoral (loi 81-12 du
16 juillet 2015, B.O. 2015, p. 3746) dispose que « le libre accès au rivage de la mer et le
passage le long de ce rivage constituent un droit pour le public ». Cependant, il appartient
à l’autorité administrative de veiller par une réglementation de police à ce que cet usage
soit conforme non seulement à la destination du domaine, mais aussi aux nécessités de
l’ordre public. C’est pourquoi le domaine peut être l’objet d’une réglementation de police
qui trouve son fondement soit dans les pouvoirs généraux des autorités de police, soit
dans les pouvoirs spéciaux dont sont investies les autorités relevant de la collectivité
propriétaire ou affectataire du bien ; il peut donc y avoir ici concours des pouvoirs de
police : par exemple, l’exercice du pouvoir de police spéciale que détenait le ministre des
Travaux publics et que détient aujourd’hui le ministre de l’équipement et des Transports (12)
614
Les biens de l’administration
(13) Ces cas ne correspondent d’ailleurs plus aux besoins ; c’est ainsi qu’il a fallu un dahir pour approuver une
convention d’occupation temporaire du domaine public par la société Royal Air Maroc parce que cette convention
dépassait la durée prévue pour les autorisations de cette espèce, par l’art. 6 du dahir de 1918 (cf. Dh. du 30/7/1970,
B.O. 1970, p. 1385).
615
Droit administratif marocain
reconnus aux riverains des voies publiques (art. 8), ce qui est parfaitement explicable en
raison des caractéristiques de ces voies.
3. La gratuité
L’utilisation collective du domaine public doit être gratuite car elle correspond à son
affectation ; on peut d’ailleurs estimer que l’usager, en tant que contribuable, participe
déjà à sa constitution et à son entretien. C’est ce principe qui s’oppose notamment à
l’établissement de redevances de stationnement et qui explique les difficultés qu’ont
connues à cet égard certaines municipalités il y a quelques années et qu’elles connaissent
encore. L’affectation de la voie couvre en effet aussi bien le droit de circuler que le droit
de stationner. Mais les difficultés financières des collectivités locales et l’accroissement de
la circulation ont entraîné, ici comme ailleurs, certaines exceptions au principe. Cependant
seule la loi peut les autoriser à établir une taxe de stationnement sur la voie publique.
Ce qui a conduit le juge à déclarer illégale la délibération de la municipalité de Rabat
instaurant une telle taxe. (L’illégalité de la taxe communale de stationnement, CAA. Rabat,
30 mars 2015, REMALD, n° 124, 2015, p. 315, note M. Rousset et M.A. Benabdallah).
D’ores et déjà la construction d’un réseau autoroutier et les investissements
considérables qu’elle implique, ont conduit les pouvoirs publics à instituer une taxe
parafiscale dénommée « taxe pour le développement du réseau autoroutier » (D. du
6 mars 1991, B.O. 1991, p. 134).
Cette taxe instituée au profit de la Société nationale des autoroutes du Maroc
initialement sur le tronçon Bouznika-Casablanca, est désormais perçue sur tous les
véhicules empruntant le réseau autoroutier au fur et à mesure de son ouverture à la
circulation.
Le principe, valable pour l’usage normal, ne l’est plus en cas d’utilisation anormale ;
l’usager peut alors être astreint au versement d’une redevance qui fait figure de contrepartie
des charges particulières que fait peser cette utilisation anormale sur le domaine public.
616
Les biens de l’administration
textes spéciaux (citons à titre de curiosité le dahir du 13 avril 1916 sur l’exploitation des
bacs et passages sur les cours d’eau, désormais abrogé par l’art. 123 de la loi sur l’eau).
Mais de façon plus moderne le littoral a été doté d’une loi qui a pour objet d’en assurer la
protection tout en organisant sa mise en valeur notamment en réglementant l’autorisation
d’occupation temporaire : Loi 81-12 du 16 juillet 2015 (B.O. 2015, p. 3746).
Le principe posé par le dahir de 1918 est qu’il n’y a aucune raison d’interdire
l’utilisation privative du domaine public chaque fois que celle-ci peut être autorisée « sans
dommage pour l’intérêt public », c’est-à-dire pour autant que l’occupation privative ne
se révèle pas incompatible avec l’affectation du domaine. Les collectivités propriétaires
peuvent trouver ainsi une source de revenus, puisque l’occupation privative a toujours
comme contrepartie le versement d’une redevance.
D’une façon générale, l’occupation privative est subordonnée à la délivrance unilatérale
d’une autorisation, mais certains textes particuliers organisent l’occupation sur la base de
conventions de concession.
617
Droit administratif marocain
Les conditions de l’occupation sont déterminées par l’administration qui peut imposer
à l’occupant certaines obligations ; l’autorisation prévoit les conditions dans lesquelles
prend fin l’occupation, et notamment le sort des ouvrages construits qui peuvent faire
retour gratuitement à l’Etat ou qui doivent être détruits si le domaine doit être remis dans
son état initial.
Parfois la décision d’occupation temporaire peut comporter des conditions qui peuvent
s’analyser comme de véritables obligations de service public imposées au permissionnaire.
L’autorisation est notamment accordée pour dix ans et, exceptionnellement pour vingt
ans ; cependant, dans trois cas l’autorisation peut être délivrée sans limitation de durée, la
situation de l’occupant étant alors plus favorable ; ces cas sont les suivants : aménagement
d’une voie d’accès à une propriété riveraine de la voie publique, construction d’ouvrages
privés d’irrigation se raccordant à des canaux publics, raccordement de parcelles séparées
par des canaux publics (14).
Limitée ou non dans le temps, l’autorisation est toujours accordée à titre précaire et
peut être révoquée dans deux cas et de deux manières : la révocation est prononcée de
plein droit, si l’occupant ne respecte pas l’une des obligations mises à sa charge, elle
est prononcée sans mise en demeure préalable et sans indemnité. Mais la révocation de
l’autorisation peut être prononcée pour « des motifs d’intérêt public dont l’administration
demeurera seule juge » ; l’administration doit alors donner un préavis de trois mois à
l’occupant temporaire. La Cour suprême a jugé qu’il lui appartenait, malgré les termes
du dahir, de contrôler la régularité du but et des motifs du retrait de l’autorisation (C.S.A.
6/7/1961, Sté balnéaire, R., 83). Aujourd’hui l’administration doit motiver sa décision.
L’occupation entraîne le versement d’une redevance dont ne sont exemptés que les
propriétaires de parcelles séparées par des canaux publics ; le montant de la redevance
est fixé par le ministre de l’équipement après consultation de la direction des domaines
du ministère des Finances. L’administration ne peut cependant pas fixer ou modifier le
taux de cette redevance de façon arbitraire ; c’est ce que décide la Cour suprême qui
juge qu’il y a excès de pouvoir lorsque l’administration impose unilatéralement une telle
modification sans faire appel à des “critères objectifs” de nature à justifier l’augmentation
de la redevance : C.S.A. 31 janvier 1985, R.M.D., 1987, n° 12, p. 105.
Il est nécessaire de constater que ce mécanisme de l’autorisation unilatérale peut
conduire à des conséquences désastreuses pour l’investisseur ; en effet aucune limite de
temps n’est imposée à l’administration pour répondre à une demande d’autorisation et
surtout à une demande de renouvellement d’une autorisation qui a expiré : l’exemple le
(14) Cette délégation de pouvoir a été réalisée par une série d’arrêtés du ministre des Travaux publics du 29/12/1967,
B.O. 1968, p. 37 et suiv.
618
Les biens de l’administration
plus flagrant des abus auxquels ces lacunes de la loi de 1918 peuvent conduire, est donné
par l’affaire de la société d’exploitation des plages du Maroc (TA Casablanca, 24/4/1996,
SEPM c/ministre des Travaux publics, note M. Rousset, REMALD, n° 19, 1997, p. 165 et
Réponse à un contradicteur, REMALD, n° 22, 1998, p. 127).
Pour mettre un terme à ces abus, dénoncés par ailleurs par le Premier ministre, il
conviendrait d’imposer à l’administration l’obligation de statuer dans des délais fixes et
brefs, et d’autre part, de respecter l’obligation de motiver de façon précise les décisions
de refus qui n’existait pas à l’époque des faits de l’affaire de la Société d’exploitation des
plages du Maroc mais qui est désormais inscrite dans la loi sur la motivation des décisions
administratives.
Une réforme de l’occupation temporaire du domaine public est en cours.
Des textes particuliers organisent de façon spéciale l’utilisation et l’exploitation du
domaine public, tel est le cas de la loi 33-13 du 1er juillet 2015 relative aux mines qui
font partie du domaine public : L’administration fixe, sous réserve des droits acquis, les
périmètres dans lesquels le droit d’explorer,de rechercher et d’exploiter les produits de
mine est réservé à l’Etat. Les activités d’exploration,de recherche et d’exploitation de
produits de mines sont effectuées en vertu d’un titre minier délivré conformément aux
dispositions légales et réglementaires. Le régime de ces différents titres est variable
compte tenu de leur objet : les permis d’exploration et de recherche sont attribués pour des
durées limitées, deux ans ou trois ans renouvelables, en fonction des résultats, tandis que
le permis d’exploitation est accordé pour une durée plus longue dix ans renouvelable par
périodes successives, jusqu’à l’épuisement de la ressource. Le titulaire de l’autorisation
d’exploitation s’engage à respecter un certain nombre d’obligations : appliquer des
méthodes rationnelles d’exploitation, notamment en matière d’hygiène,de sécurité et de
protection de l’environnement et en se conformant à la législation minière. Le non respect
de ces obligations expose le titulaire de l’autorisation à des sanctions administratives et à
des sanctions pénales.
619
Droit administratif marocain
De la même manière le dahir du 1er août 1925 sur l’eau avait prévu un régime de
concession pour diverses utilisations.
C’est d’ailleurs ce que prévoit aujourd’hui la loi sur l’eau du 16 août 1995 (B.O. 1995,
p. 626) complétée par sept décrets du 4/2/1998 (B.O. 1998, p. 50).
D’après ce texte, notamment son chapitre V section 2 consacré à l’utilisation des eaux,
celle-ci peut résulter soit d’une autorisation unilatérale dont le régime ne présente pas
d’originalité par rapport au régime général, soit d’une concession. Celle-ci a naturellement
un caractère contractuel ; elle peut être employée pour un certain nombre d’utilisations
énumérées par l’article 41 : par exemple l’aménagement des sources minérales ou
thermales (par exemple dans ce dernier cas l’établissement thermal de Moulay Yakoub),
ou bien pour les prises d’eau sur les cours d’eau ou canaux en vue de la production
d’énergie hydro-électrique, etc. La procédure d’octroi des autorisations et des concessions
est organisée par le décret du 4 février 1998 (B.O. 1998, p. 51).
La concession donne naissance à des droits réels de durée limitée qui n’emportent
évidemment aucun droit de propriété sur le domaine public, mais qui ont une grande
stabilité puisque la convention de concession peut fixer une durée qui ne doit pas dépasser
cinquante ans ; mais naturellement rien n’interdit qu’elle soit prolongée à l’issue de la
première période. (Le dahir de 1925 allait jusqu’à 75 ans).
Cette convention fixe les conditions de cette utilisation, les droits et obligations du
concessionnaire, le montant de la redevance, les conditions de rachat, de retrait, et de
déchéance ainsi que le sort des ouvrages et autres installations en fin de concession, etc.
L’autorité normalement compétente pour assurer la gestion des eaux est le ministre
de l’équipement (autrefois des travaux publics). Toutefois ce dernier peut déléguer ses
pouvoirs aux Offices régionaux de mise en valeur agricole pour leur permettre de gérer
les ressources en eau à usage agricole situées dans leur zone d’action et qui leur ont été
affectées par les décrets royaux du 22 octobre 1966 et celui du 29 décembre 1967 (15).
De la même façon, la Société d’aménagement et de développement régional du Rharb
(Dh. portant loi du 11/6/1976, B.O. 1976, p. 717) est bénéficiaire d’une délégation des
pouvoirs conférés au ministre des Travaux publics de l’époque par le dahir fixant le régime
des eaux ; on peut penser que cette délégation de pouvoirs est maintenue dans le cadre de
la nouvelle législation dans toute la mesure où elle ne lui est pas contraire.
La volonté d’attirer les investisseurs dont le développement du Maroc a besoin, rendait
nécessaire la prise en compte de leurs intérêts légitimes en ce qui concerne l’amortissement
de leur apport ; c’est pourquoi le législateur a apporté une modification au texte de base
(15) M.L. Ben Othmane : « Les servitudes administratives en droit marocain », REMALD, n° 61, 2005, p. 61.
620
Les biens de l’administration
de 1918 ; cette réforme attendue depuis de nombreuses années, a consisté dans la création
d’un régime général pour l’occupation temporaire du domaine public par le bénéficiaire
d’une concession de service public, ou d’une concession de construction, d’entretien ou
d’exploitation d’un ouvrage public ; dans ces divers cas, les conditions de l’occupation du
domaine public sont définies par une convention et un cahier des charges qui doivent être
approuvés par décret sur proposition de l’autorité gouvernementale compétente et après
avis du ministre de l’Equipement et du ministre de l’Economie et des Finances (loi du
10 décembre 1999, B.O. 2000, p. 5 et D. du 4 mai 2000, B.O. 2000, p. 330).
La loi ne s’applique ni aux autoroutes, ni aux concessions de prise d’eau qui sont régies,
ainsi qu’ont l’a vu plus haut, par des textes spéciaux. De même des textes particuliers
concernent le domaine public aérien, les fréquences radioélectriques
On voit donc que de cette façon, l’administration dispose d’une très grande latitude
pour négocier, en fonction de la nature de l’objet de la concession, les conditions de cette
occupation, y compris de sa durée ainsi que les conditions d’un éventuel rachat.
Il va de soi qu’une telle négociation exige la plus grande transparence.
Ce système peut ainsi permettre la réalisation d’opérations de très grande ampleur qui
exige la mobilisation de capitaux très importants.
On peut donner à titre d’exemple la construction des grands équipements portuaires ou
aéroportuaires, tel le grand projet de Tanger-Méditerranée dont les travaux ont été engagés
en février 2003.
On sait par ailleurs que la délégation de service public permet au délégataire de
disposer de biens du domaine public dans des conditions déterminées par une convention
assortie d’un cahier des charges où l’on trouve des clauses relatives au versement de
redevances au délégant, au régime juridique des biens mis à la disposition du délégataire
ou construits par lui, etc.
Le tribunal administratif de Rabat dans une décision n° 280 du 3 avril 2003 s’est
reconnu compétent pour statuer sur un litige relatif à la résiliation d’une convention
d’occupation du domaine public. Il a censuré la résiliation de cette convention car
l’administration n’apportait pas la preuve qu’elle avait mis en demeure le titulaire de la
convention alors que l’article 18 de celle-ci disposait que la résiliation de la convention ne
pouvait être prononcée qu’après une mise en demeure restée sans effet.
621
Droit administratif marocain
B. La protection pénale
Elle résulte de divers textes qui établissent une répression pénale à l’encontre de ceux
qui portent atteinte à l’intégrité du domaine public. Il existe des textes généraux, tel le
dahir du 11 décembre 1922, mais aussi des textes particuliers instituant une protection
pénale propre à certaines catégories de biens : dahir du 19 janvier 1953 sur la police de
la conservation des voies publiques, loi sur l’eau du 16 août 1995, ou encore dahir du
28 avril 1961 sur la police des ports maritimes de commerce.
Ces textes, visant à maintenir l’intégrité du domaine public, répriment toutes atteintes
qui lui sont portées, qu’elles aient pour origine un acte intentionnel ou non intentionnel ;
c’est d’ailleurs là un trait dominant de cette protection pénale qui n’implique nullement
l’intention délictueuse ; les infractions sont le plus souvent des infractions objectives,
purement matérielles.
Ces infractions peuvent être constatées par diverses autorités ; ce sont très souvent des
agents assermentés du ministère de l’Equipement et des Transports, des officiers de police
judiciaire, etc.
622
Les biens de l’administration
Les auteurs d’infractions peuvent être frappés de peines d’amende ou même de prison,
mais leur responsabilité civile est toujours engagée ; il est en effet essentiel que la remise
en état des biens détériorés soit assurée. Parfois des sanctions administratives peuvent être
prononcées à l’encontre des contrevenants et s’ajoutent ainsi aux sanctions pénales et civiles.
Par ailleurs, si une construction a été édifiée à tort sur le domaine public, l’autorité
locale peut faire procéder d’office et aux frais du contrevenant, à sa démolition, sans
préjudice des peines encourues du fait de l’infraction constituée (art. 80 de la loi du
17 juin 1992 sur l’urbanisme).
(15 bis) Eddahbi (A.), « Le domaine privé de l’Etat au Maroc », REMALD, n° 34, 2000, p. 41.
(16) Voir également Le régime juridique des forêts d’arganiers : Dh. du 4/3/1952, B.O. 1952, p. 443.
623
Droit administratif marocain
Font également partie du domaine privé les biens qui, quoique affectés à un service
public, n’ont cependant reçu aucun aménagement spécial et ne sont pas essentiels pour
le fonctionnement de ce service. En un mot, font partie du domaine privé tous les biens
appartenant à l’administration et qui n’entrent pas dans le domaine public.
Le fait que le domaine privé n’ait pas une affectation publique explique qu’il échappe
à l’application des règles exorbitantes de la domanialité publique.
Il n’est cependant pas pour autant entièrement soumis aux règles du droit privé. Son
régime juridique est, en effet, constitué par de très nombreuses règles spécifiques, qu’il
s’agisse de l’acquisition des biens qui le composent, de leur délimitation ou de leur
gestion. Toutes ces dérogations par rapport au droit privé sont justifiées en raison du fait
que le domaine privé est un patrimoine public dont l’importance pour la collectivité n’a
cessé de croître. Cette importance peut se révéler si grande que le législateur n’a pas
hésité à édicter des règles parfois aussi exorbitantes que celles de la domanialité publique :
tel est le cas du régime applicable au domaine forestier (Dh. du 10/10/1917, B.O. 1917,
p. 1151, et du 17/4/1959, B.O. 1959, p. 729) qui est beaucoup plus proche de celui du
domaine public que des règles du droit privé (17) ; le domaine privé tend ainsi de plus en
plus à être considéré comme un patrimoine affecté à l’intérêt général, et l’on peut ainsi
penser que la conception selon laquelle sa gestion ne constitue qu’une activité privée des
collectivités publiques devrait être aujourd’hui remise en cause d’autant plus qu’il peut
aussi apparaître comme ce que les juristes anglo-saxons appellent les « commons » c’est à
dire les « communs » qui relèvent d’un usage collectif ce qui évoque le biens communaux
en France ou les terres collectives au Maroc. Cela explique que l’on parle souvent d’une
échelle de domanialité pour désigner le régime juridique qui s’applique aux biens possédés
par les collectivités publiques.
624
Les biens de l’administration
avoir été transférée aux provinces a été confiée à deux sociétés d’Etat ; par ailleurs,
dès 1912 la circulaire du Grand vizir a placé les forêts dans le domaine de l’Etat ;
cependant, si l’Etat possède un domaine forestier celui-ci n’exclut pas l’existence de forêts
privées appartenant soit à des particuliers, soit à des collectivités, toutes étant soumises à
un régime très proche du régime forestier applicable aux forêts publiques.
L’art. 1er du dahir du 21 juillet 1958 portant Code de la recherche et de l’exploitation
des gisements d’hydrocarbures, dispose que les gisements d’hydrocarbures naturels font
partie du domaine de l’Etat, sans que soit précisé s’il s’agit du domaine public ou du
domaine privé.
Entrent dans le domaine privé les terres désertes et incultes les biens vacants et
sans maître, c’est-à-dire les terres mortes, les terres couvertes d’alfa (Dh. du 15/8/1928,
B.O. 1928, p. 2309), les mines dont la liste est donnée par le dahir du 16 avril 1951 (art. 2,
B.O. 1951, p. 772).
Tous les bâtiments appartenant à l’administration, dès lors qu’ils n’ont pas reçu un
aménagement spécial, font partie du domaine privé ; une exception résulte cependant
de l’arrêté viziriel du 6 janvier 1921 autorisant l’acquisition d’un immeuble par l’Office
chérifien des phosphates « en vue de son incorporation au domaine public » ; il y a là une
anomalie, car cet immeuble destiné à l’installation des services de l’office n’avait pas fait
l’objet d’un aménagement spécial (18).
Enfin, le domaine privé comprend de nombreux biens mobiliers, notamment les titres
représentatifs des participations financières des collectivités publiques, principalement
l’Etat.
(18) Pour une application de ce texte cf. C.S.C. 10/9/1959, Lopez Daniel c/municipalité de Fès, R.C., p. 93.
625
Droit administratif marocain
626
Les biens de l’administration
(19) C’est un dahir portant loi du 15/2/1977 qui a officiellement mis fin à ce droit de jouissance à compter du
1er octobre 1972, B.O. 1977, p. 343.
627
Droit administratif marocain
(20) Le Fonds national d’achat et d’équipement des terrains semble avoir remplacé aujourd’hui le Fonds de réemploi
domanial. Par ailleurs, une Agence foncière nationale a été créée par une circulaire du Premier ministre, n° 338-C
du 26 août 1982. Abouhani (A.), « Le foncier urbain, la question de l’opérateur public », Al Maouil, les Cahiers de
l’A.N.H.I., n° 15-16, 1999, p. 21. La réforme de ces institutions a été réalisée il y a quelques années avec la création
de la Holding Al Omran.
(21) Benjelloun (A.), les Limitations de la propriété foncière en droit public marocain, publication de la Faculté des
Sciences juridiques, économiques et sociales, Rabat, 1971, 301 p.
Pour une vue concrète de ces problèmes, cf. Biad (M), « L’expropriation pour cause d’utilité publique comme moyen
de mobilisation du foncier », Al Maouil, les Cahiers de l’ANHI, n° 14, 1999, p. 33.
628
Les biens de l’administration
Si les biens ne sont pas utilisables ils doivent être vendus aux enchères publiques à
l’exception des objets et biens mobiliers de faible valeur ; en outre des dérogations peuvent
être accordées par le ministre des Finances, tandis que des textes particuliers peuvent
prévoir d’autres conditions d’aliénation ; l’aliénation des immeubles doit être réalisée par
voie d’adjudication, sauf si des textes spéciaux ont prévu d’autres modalités d’aliénation ;
l’autorisation d’aliéner est donnée par décret sur proposition du ministre des Finances si le
prix de vente est égal ou supérieur à un million six cent mille dirhams ; elle est en revanche
donnée par arrêté du ministre des Finances si le prix de vente est inférieur à cette somme.
L’aliénation amiable peut également être autorisée soit par décret pris sur proposition du
ministre des Finances (valeur supérieure à vingt mille dirhams), soit par arrêté du ministre
des Finances (art. 82 du D.R. portant règlement général de la comptabilité publique précité).
629
Droit administratif marocain
630
Les biens de l’administration
Section II
L’acquisition forcée des biens par l’administration (22)
L’administration peut se procurer la propriété ou l’usage des biens qui lui sont
nécessaires dans les conditions du droit commun, et elle a souvent recours aux divers
procédés contractuels que celui-ci connaît : location, achat, échange, etc.
Mais les procédés contractuels exigent le consentement du propriétaire ; en cas de refus
de sa part il apparaît indispensable de l’y contraindre parce que la possession de ces biens
par l’administration concerne l’intérêt général.
Les procédés d’acquisition forcée sont donc des prérogatives de puissance publique par
lesquelles les personnes publiques peuvent acquérir soit la propriété des biens immobiliers
(expropriation), soit l’usage de ceux-ci ou même la propriété des biens meubles
(réquisitions) (23).
(22) Boufous (M.) : l’Expropriation pour cause d’utilité publique au Maroc, Éd. Bouregreg, 2004.
(23) Un autre procédé particulièrement utile dans le domaine de l’urbanisme est le droit de préemption qui permet
à la collectivité publique d’acquérir en priorité les biens mis en vente au prix annoncé par le vendeur. Ce droit de
préemption a ainsi le double avantage d’assurer à la collectivité publique la maîtrise des terrains nécessaires au
développement urbain et de lutter contre la spéculation immobilière. C’est cette utilité qui explique que le législateur
ait prévu de le donner aux agences urbaines : art. 12 de la loi du 9 octobre 1984 (B.O. 1984, p. 424) ; mais elle explique
aussi l’hostilité des spéculateurs ; depuis 1984 tous les projets de texte organisant ce droit de préemption se sont heurtés
à l’opposition déterminée du secrétariat général du gouvernement ! Toutefois on voit réapparaître ce droit sous le nom
de « droit de priorité » dans le projet de réforme de la loi sur l’urbanisme de juin 2007.
631
Droit administratif marocain
L’opposition du Conseil des oulémas à une aussi large extension du but d’utilité
publique, devait différer la promulgation de cette réglementation ; l’expropriation fut régie
temporairement par une circulaire du Grand vizir du 1er novembre 1912.
C’est seulement le dahir du 31 août 1914 (B.O. 1914, p. 755) qui devait établir la
réglementation définitive de l’expropriation ; ce texte s’inspirait de l’expérience acquise
en la matière par certains pays étrangers, mais tenait compte aussi des préoccupations
propres à la nouvelle administration ; le dahir de 1914 était, en effet, caractérisé par la
situation particulièrement avantageuse faite à la puissance publique et sa rigueur à l’égard
des propriétaires expropriés. « Un des principes fondamentaux de la loi coranique, affirme
le préambule, est que l’intérêt général prime en toute circonstance l’intérêt particulier. »
L’organisation de la procédure, avec intervention du juge, donnait certes des garanties à la
propriété privée, mais les dispositions du dahir reflétaient surtout le souci du législateur de
favoriser la réalisation des vastes projets d’équipement de l’administration et de protéger
les finances publiques à un moment, il est vrai, où les perspectives financières pouvaient
ne pas apparaître très assurées.
Ce régime est resté en vigueur jusqu’en 1951, date à laquelle une nouvelle
réglementation lui a été substituée par le dahir du 3 avril 1951 (Code foncier, p. 507).
La réforme a eu pour effet d’accélérer la procédure et de diminuer la rigueur du texte
antérieur à l’égard des propriétaires en matière d’indemnisation.
Cette réglementation générale de l’expropriation a été complétée par des procédures
spéciales ; l’une d’elles a été promulguée pour permettre la reconstruction dans les
meilleurs délais de la ville d’Agadir (Dh. du 17/1/1961, B.O. 1961, p. 79). Une autre résulte
du décret royal portant loi du 11 décembre 1965 (B.O. 1966, p. 1769) relatif à la mise en
valeur touristique de la baie de Tanger. Il faut en outre mentionner la loi du 17 juin 1992
qui remplace le dahir du 31 juillet 1952 sur l’urbanisme (B.O. 1992, p. 313), et les textes
portant code des investissements agricoles (dahir du 25/7/1969, B.O. 1969, p. 781, et dahir
du 25/7/1969, B.O. 1969, p. 786 instituant une procédure spéciale d’expropriation pour
l’aménagement des structures foncières et la création de lotissements agricoles).
De même une procédure spéciale a été instituée pour accélérer la mise en valeur
touristique de la zone de Ksar Sghir par le dahir du 7/10/1970 (B.O. 1970, p. 874).
Le dahir portant loi du 21 juin 1976 relatif à la mise en valeur de la baie d’Agadir (B.O.
1976, p. 741) instaure de la même façon une procédure spéciale d’expropriation destinée à
permettre l’appropriation des terrains nécessaires à l’aménagement de la zone touristique.
Enfin, la nécessité de modifier le régime de l’expropriation a été affirmée par tous ceux
que préoccupait le problème de l’adaptation de ce régime aux exigences de la planification
urbaine, de la mise en œuvre de la politique de l’habitat, ou bien encore, et plus largement,
du développement de la politique d’équipement de l’Etat et des autres collectivités publiques.
632
Les biens de l’administration
633
Droit administratif marocain
2. L’objet de l’expropriation
L’expropriation ne peut porter que sur des biens immobiliers, les meubles ne peuvent
jamais être expropriés sauf s’ils sont devenus immeubles par incorporation. L’expropriation
n’est pas limitée au droit de propriété, mais peut d’une manière générale permettre
l’acquisition de tous les droits portant sur les biens immobiliers. Déjà, en 1914 le dahir
sur le domaine public avait prévu l’acquisition des droits d’usage portant sur le domaine
antérieurement à sa publication ; actuellement l’art. 1er de la loi mentionne expressément les
634
Les biens de l’administration
635
Droit administratif marocain
a. L’autorité compétente
Le texte de la loi ne précise pas quelle est l’autorité investie du pouvoir de déclarer
l’utilité publique ; l’art. 6 se borne à indiquer qu’elle est prononcée par un acte administratif.
C’est le décret d’application du 16 avril 1983 qui dispose que l’utilité publique est déclarée
par décret pris sur proposition du ministre intéressé. Mais il va de soi que des textes
particuliers peuvent confier cette compétence à des autorités différentes ; les présidents de
conseil communal peuvent prendre en effet des arrêtés d’alignement qui valent déclaration
d’utilité publique. De même, les plans d’aménagement des villes ou des agglomérations
636
Les biens de l’administration
rurales valent déclaration d’utilité publique, les premiers étant homologués par décret, et
les seconds par arrêté des gouverneurs, approuvés par le ministre de l’Intérieur.
Naturellement, les plans d’aménagement prévus par la loi sur l’urbanisme du 17/6/1992
(B.O. 1992, p. 313) valent également déclaration d’utilité publique des opérations
nécessaires à la réalisation des équipements qu’ils prévoient.
b. Les effets
La déclaration d’utilité publique produit certains effets dont le champ d’application
est défini par les travaux ou opérations prévus par l’acte déclaratif d’utilité publique ;
toute modification de l’utilisation des biens soumis à expropriation exige une nouvelle
déclaration d’utilité publique. Dès la publication de l’acte déclaratif, les biens visés ne
peuvent faire l’objet d’aucune transformation en dehors d’une autorisation de l’expropriant :
les immeubles, ou la zone désignée par l’acte déclaratif d’utilité publique sont ainsi frappés
d’une servitude générale qui s’oppose à toute modification de l’état des lieux.
La durée des effets de la déclaration d’utilité publique est de deux ans (sous l’empire du
dahir de 1914 la validité de la déclaration d’utilité publique était illimitée ; seule la durée
d’application des servitudes était limitée, mais elle pouvait être prorogée). Les textes de
1952 sur l’urbanisme ont cependant affecté à l’effet déclaratif des plans d’aménagement
une validité de plus longue durée ; vingt ans pour les plans d’aménagement urbains, dix
ans pour les plans d’aménagement des agglomérations rurales et vingt ans pour les arrêtés
d’alignement : toutes ces périodes de validité sont renouvelables pour des durées égales.
Mais la loi de 1992 réduit très considérablement ces durées qui ne peuvent d’ailleurs
pas être renouvelées ; elles sont respectivement de dix ans pour les plans d’aménagement
et pour les arrêtés d’alignement, ou de deux ans si ces arrêtés valent actes de cessibilité.
Le caractère particulièrement énergique des effets de l’acte déclaratif d’utilité publique
explique que l’on ait renforcé les exigences de la publicité : cet acte doit en effet faire
l’objet d’une publication intégrale au Bulletin officiel ainsi que de l’insertion d’un avis
dans un ou plusieurs journaux ; cet avis doit comporter la référence au Bulletin officiel ;
il doit par ailleurs être affiché intégralement dans les bureaux de la commune du lieu de
situation de la zone frappée d’expropriation. Ces procédés ne sont d’ailleurs pas exclusifs
du recours à d’autres moyens de publicité qui pourraient apparaître utiles notamment en
raison des caractéristiques socio-culturelles des populations concernées. Le but est en effet
d’éviter la réalisation d’expropriation “par surprise”.
2. L’acte de cessibilité
Lorsque l’acte déclaratif d’utilité publique ne vise qu’une zone, il est nécessaire
d’individualiser de façon précise les parcelles à exproprier : tel est le but de l’acte de
637
Droit administratif marocain
3. L’enquête administrative
L’enquête administrative doit précéder l’acte qui effectue la désignation des parcelles à
exproprier et qui sera, selon le cas, soit l’arrêté de cessibilité, soit l’acte déclaratif d’utilité
publique lui-même. L’enquête s’ouvre par la publication du projet de désignation ; la
publicité de ce projet est largement assurée par la publication au Bulletin officiel et dans
les journaux habilités à publier les annonces légales ainsi que par son dépôt au siège de
la commune du lieu de situation de l’immeuble ; le décret d’application (art. 3) indique
d’ailleurs que l’autorité compétente doit faire connaître ce dépôt par la publication d’un
avis dans les journaux habilités à cet effet ; en revanche, l’obligation de notification aux
« propriétaires présumés, occupants et usagers notoires » qui existait dans le texte de 1951
a désormais disparu (24).
Ce projet doit enfin être déposé à la conservation de la propriété foncière pour
les immeubles immatriculés ou en cours d’immatriculation ; pour les immeubles non
immatriculés, le projet est déposé au greffe du tribunal administratif du lieu de situation de
l’immeuble qui en assure l’inscription sur un registre spécial. Les intéressés qui peuvent
ainsi prendre connaissance du projet, ont un délai de deux mois pour faire état de leurs
(24) Publicité et enquête administrative sont facultatives dès lors qu’il s’agit d’opérations ou travaux intéressant la
défense nationale ; dans ce cas l’acte de cessibilité doit être notifié aux propriétaires présumés.
638
Les biens de l’administration
observations et également pour faire connaître tous ceux auxquels ils auraient consenti des
droits sur les immeubles concernés par le projet. La clôture du délai a des effets énergiques :
sont déchus de leurs droits à l’égard de l’expropriant les intéressés qui ne se sont pas
fait connaître. Ainsi l’enquête permet-elle à la fois de recueillir les objections élevées à
l’encontre de l’utilité publique des travaux et de leurs conditions de réalisation, et de faire
apparaître les titulaires de droits portant sur les immeubles concernés par l’opération (25).
En réalité, il n’est pas du tout certain que l’enquête publique permette d’aboutir à un
tel résultat. La réalisation des grands projets d’aménagement agricole, ou des grandes
opérations d’équipement (barrages) ou d’urbanisme entraîne la dépossession d’un grand
nombre de propriétaires dont la très grande majorité n’a en aucune façon la possibilité
d’émettre une opinion techniquement circonstanciée sur l’opportunité ou les modalités de
l’opération. Dans ces conditions le respect de la procédure d’enquête relève souvent d’un
formalisme qui a perdu une large part de sa signification ; ce reproche que l’on pouvait
articuler à l’encontre du texte de 1951 paraît tout aussi pertinent s’agissant de la nouvelle
procédure.
(25) La publication du projet de décret relatif à la cessibilité des parcelles produit des conséquences remarquables
sur le plan contentieux ; la Cour suprême estime en effet « que ce projet est de nature à porter atteinte aux droits
individuels… que de ce fait le recours (en annulation) est recevable ». Cette décision est intéressante car elle permet
de faire censurer une illégalité commise au cours d’une procédure complexe, sans attendre son achèvement : C.S.A.
n° 212 du 29 juin 1989, Al Mgad Mohamed Ben Hassan c/Premier ministre.
639
Droit administratif marocain
Dans une autre affaire, la Cour d’appel précise que la cession amiable « opère
transfert de propriété, confère à l’expropriant des droits exorbitants de la purge, résilie
les baux, dessaisit le cas échéant les tribunaux et met définitivement fin à la procédure
d’expropriation » (C.A.R. 20/12/1962, Olivier, G.T.M., 1963, p. 34).
Il faut ajouter qu’un accord amiable peut être réalisé à toute époque, au cours de la
procédure d’expropriation.
640
Les biens de l’administration
Quant au fond, le contrôle du juge administratif connaît depuis peu une réelle avancée
dans la mesure où la Cour suprême a accepté de vérifier concrètement l’utilité publique
invoquée par l’administration : CSA 7 mai 1997, Belhaj Nenaïssa Abied ; la Haute
juridiction ouvre ainsi la voie à l’utilisation de la théorie du bilan coût-avantage dans le
domaine du contrôle de l’utilité publique où l’administration jouissait jusqu’alors d’un très
large pouvoir discrétionnaire (26) (M.A. Benabdallah, « L’apparition de la théorie du bilan
dans la jurisprudence de la Cour suprême », REMALD, n° 22, 1998, p. 113).
C. La phase juridictionnelle
Elle comprend trois éléments : la prise de possession, le transfert de propriété et la
fixation de l’indemnité.
1. La prise de possession
L’administration peut toujours prendre possession de l’immeuble avec l’accord du
propriétaire, à la seule condition de verser une indemnité provisionnelle. Mais la prise
de possession est également possible lorsque le propriétaire s’y refuse. L’expropriant
doit alors s’adresser au tribunal administratif statuant en référé. Celui-ci peut autoriser la
prise de possession moyennant le versement ou la consignation de l’indemnité offerte ; le
juge ne peut refuser cette prise de possession que dans le cas où la procédure suivie par
l’administration est entachée de nullité. Le juge des référés exerce donc ici un contrôle
de l’accomplissement des formalités administratives ; cette décision n’est susceptible ni
d’opposition, ni d’appel.
2. Le transfert de propriété
Il s’agit d’une étape essentielle de l’expropriation ; son importance a semblé telle que le
législateur a confié au juge le soin de le prononcer. On peut cependant, estimer que le rôle
du juge était en réalité assez limité à ce niveau, puisqu’il ne pouvait refuser de transférer le
droit de propriété que s’il décelait une irrégularité formelle dans la procédure ; il va de soi
que le tribunal administratif saisi d’un recours en annulation, ne connaîtra plus cette limite ;
et si le juge de la légalité est la Cour suprême (décret), le tribunal administratif devrait
surseoir à statuer en attendant la décision relative à la régularité des actes déclaratifs de
l’utilité publique ou de cessibilité.
(26) En France, le contrôle de l’utilité publique par le juge s’est très considérablement étendu depuis quelques années,
puisque ce dernier vérifie « si les atteintes à la propriété privée, le coût financier et les inconvénients d’ordre social
qu’elles comportent ne sont pas excessifs eu égard à l’intérêt » de l’opération, C.E. 20/11/1972, Sté Sainte Marie de
l’Assomption, Revue du droit public, 1973, p. 843, conclusions Morisot. Cf. G.A.J.A., 13e éd., 2001, p. 623.
641
Droit administratif marocain
3. La fixation de l’indemnité
Elle est réalisée par le jugement qui prononce le transfert de propriété ; son importance
est grande à un double titre : c’est en effet de son montant que dépend en définitive la
véritable garantie du droit de propriété, tandis que celui-ci a des incidences directes sur les
finances publiques.
L’autorité judiciaire est chargée de son évaluation depuis 1914, mais sa liberté est loin
d’être totale ; les textes posent en effet un certain nombre de règles qu’elle doit respecter
dans son évaluation. Le juge peut se faire aider dans sa tâche par des experts, et, en
pratique, il y a recours chaque fois qu’une difficulté d’évaluation se présente. L’avis des
experts présente un intérêt capital dans la mesure où le tribunal sera tenté de le suivre.
L’indemnité est fixée globalement, les titulaires de droits divers pouvant les faire
valoir sur le montant de l’indemnité. Celle-ci ne doit couvrir que le dommage actuel
et certain causé directement par l’expropriation ; le dommage doit en outre résulter de
l’atteinte à une situation juridiquement protégée (C.S.A. 1/7/1958, Secrétaire d’Etat aux
Finances c/Sté agricole du Rharb, R, p. 155). Le juge ne doit calculer l’indemnité que
sur la base de l’utilisation effective du bien, et non sur celle de son utilisation éventuelle
(C.S.A. 1/7/1958, Griscelli, R., p. 157). Il doit la calculer en prenant comme référence la
valeur de l’immeuble au jour de la décision prononçant l’expropriation, en excluant toute
amélioration apportée au bien sans autorisation de l’administration depuis la déclaration
d’utilité publique.
En outre l’indemnité ne peut pas dépasser la valeur atteinte par l’immeuble au jour
de la publication de l’acte de cessibilité, ou, le cas échéant, de la notification de l’acte
déclaratif d’utilité publique qui désigne les propriétés frappées d’expropriation.
642
Les biens de l’administration
Cette valeur doit être appréciée en excluant tout ce qui serait le fait de hausses
spéculatives depuis la déclaration d’utilité publique (C.S.A. 17/6/1963, Service des
domaines c/hadj Abdeslam Naciri, R.A.C.A.M. 1964, p. 54, R, p. 300).
Dans certains cas, le juge peut se placer à la date du dépôt de la dernière requête
tendant à obtenir soit le transfert de propriété et la fixation de l’indemnité, soit la prise de
possession, pour déterminer cette valeur maximum de l’immeuble ; cette règle a pour but
d’inciter l’administration expropriante à faire diligence pour conduire rapidement à son
terme la procédure.
Le juge de l’expropriation doit toujours tenir compte des variations de la valeur des
immeubles restés en la possession du propriétaire lorsque celle-ci a subi des fluctuations
dues à la réalisation de l’opération d’utilité publique.
L’indemnité déterminée selon ces principes doit être versée ou consignée avant l’entrée
en possession de l’administration expropriante.
Les décisions du juge, ordonnance prescrivant l’entrée en possession, jugement
transférant la propriété et fixant l’indemnité, sont notifiées à l’expropriant, aux intéressés
et font l’objet de publication et d’un affichage au siège de la commune lieu de situation
de l’immeuble exproprié. Elles sont également notifiées à la conservation foncière pour
les immeubles concernés par l’immatriculation, et dans le cas contraire au tribunal
administratif pour inscription sur un registre spécial.
En cas de retard dans le versement des sommes dues, l’administration s’expose à payer
des intérêts au taux légal qui courent automatiquement à l’expiration d’un délai d’un mois
à compter de la date de notification ou de publication des décisions d’envoi en possession
ou d’expropriation.
L’appel est ouvert contre le jugement d’expropriation. Toutefois, il est indiqué que
l’appel ne peut viser que la seule partie du jugement qui concerne l’indemnité.
Depuis quelques années, la multiplication des procédures spéciales a semblé mettre en
question les principes essentiels de la procédure normale de l’expropriation notamment
l’intervention du juge.
Il est en effet caractéristique de constater que ces procédures spéciales ont en commun
l’abandon du recours au juge non seulement pour le transfert de propriété, mais aussi pour
la détermination du montant de l’indemnité : c’est l’administration qui le plus souvent
réalise le transfert de propriété par décret et c’est elle aussi qui fixe l’indemnité par
l’intermédiaire de commissions administratives qui statuent définitivement.
643
Droit administratif marocain
Si les textes de 1969 prévoient une procédure d’appel des décisions rendues en
première instance devant une commission administrative supérieure, dans tous les cas les
décisions finales sont déclarées insusceptibles de tout recours.
Sans doute, l’intervention du juge pour le prononcé de l’expropriation ne pouvait
constituer une véritable garantie de la propriété privée compte tenu de la limitation des
pouvoirs du juge.
Mais d’une part, aujourd’hui le contentieux de l’expropriation est confié au tribunal
administratif qui n’est plus limité par les dispositions de l’art. 25 du Code de procédure
civile ; et d’autre part, la fixation par le juge du montant de l’indemnité peut encore
constituer une garantie pour les propriétaires, moins parce qu’il s’agit d’un juge, que parce
que ce juge est un tiers par rapport à l’administration et par rapport aux propriétaires.
Il est vrai que les tribunaux, spécialement ces dernières années, ont été souvent
conduits à entériner les avis des experts et à prononcer des indemnités sans rapport avec
la valeur réelle des biens, imposant ainsi à la collectivité publique de lourdes charges
d’indemnisation.
Mais s’il est légitime que le législateur se préoccupe de mettre un terme à certaines
pratiques abusives, il est nécessaire de dire que ces procédures spéciales ont pour effet de
placer les propriétaires sous l’entière dépendance de l’autorité administrative qui apparaît
alors comme juge et partie dans sa propre cause, puisque les décisions des commissions
administratives d’indemnisation sont insusceptibles de tout recours. Nous avons vu plus
haut que ces textes sont désormais contraires à la Constitution dans son article 118 et
qu’ils pourraient parfaitement faire l’objet de l’exception d’inconstitutionnalité prévue par
l’article 133 de la Constitution.
1. La procédure d’urgence
Dans l’ancienne réglementation il était prévu une procédure d’extrême urgence pour
les travaux militaires ; cette procédure a disparu ; cependant, on a vu que pour de tels
travaux l’administration avait la possibilité de s’affranchir de la publicité de la déclaration
d’utilité publique et de l’enquête administrative, à condition que l’acte déclaratif de
644
Les biens de l’administration
l’utilité publique désigne en même temps l’immeuble à exproprier et qu’il soit notifié aux
propriétaires présumés.
De la même façon, la nouvelle réglementation prévoit une procédure particulière
lorsque « l’urgence rend nécessaire le regroupement au profit de l’Etat de certaines
ressources hydrauliques en vue d’un aménagement d’ensemble ». L’acte déclaratif doit
en outre désigner les droits d’eau qu’il frappe de cessibilité ; il peut autoriser la prise de
possession immédiate de ces droits.
3. La rétrocession
L’administration n’a pas l’obligation de rétrocéder les immeubles expropriés lorsqu’elle
ne les utilise pas. Mais si elle désire procéder à leur aliénation, celle-ci doit être réalisée
par voie d’adjudication au moins pendant un délai de cinq ans à compter de l’expropriation
du bien (ce délai était de dix ans dans l’ancien texte).
Dans ce cas, les anciens propriétaires ont un droit de préemption à la condition de
verser dans le délai de vingt jours un prix correspondant à celui qui a été offert par le plus
fort enchérisseur. Il est clair que cette procédure pénalise les anciens propriétaires qui,
s’ils veulent retrouver leur bien, devront subir toutes les conséquences de la hausse même
spéculative de la valeur de celui-ci.
Cette procédure ne s’applique pas lorsque la destination prévue dans la déclaration
d’utilité publique a été respectée, ou bien encore lorsque l’administration a cédé le bien
à un tiers, à charge pour ce dernier de réaliser cette destination. On peut également
estimer qu’elle ne s’applique pas non plus lorsque la destination d’utilité publique a été
(27) Cette possibilité est également reconnue aux destinataires des arrêtés d’alignement pour la partie restante de leur
terrain après prélèvement de la portion nécessaire à la réalisation de la voie, si cette partie est devenue inconstructible.
645
Droit administratif marocain
régulièrement modifiée par décret sur proposition du ministre intéressé et qu’elle a été
réalisée.
Elle ne s’applique pas enfin aux droits d’eau expropriés.
646
Les biens de l’administration
le dahir de 1931 évoque notamment les différentes calamités naturelles qui peuvent
compromettre la vie de la population, Le Chef du gouvernement et les autorités auxquelles
il délègue ce droit, reçoivent ce pouvoir du dahir de 1918, tandis que les autorités locales
en sont investies directement par le dahir de 1931 et peuvent ainsi agir sans attendre la
délégation prévue par le texte de 1918.
Le champ d’action du pouvoir de réquisition couvre des immeubles ; il peut porter
sur l’usage et la propriété des biens mobiliers ainsi d’ailleurs que sur les services des
personnes et des entreprises. L’exécution de la réquisition peut être obtenue par la force et
des poursuites pénales sont prévues.
Comme pour les réquisitions militaires, l’indemnisation peut résulter d’un accord
amiable ou d’une décision unilatérale de l’administration, et en cas de litige, d’une
décision des tribunaux. On signalera enfin que les réquisitions de logements ont fait l’objet
de textes particuliers, notamment d’un dahir du 1/12/1942 (B.O. 1942, p. 1024).
Section III
Les travaux publics
Les travaux réalisés par les collectivités publiques retiennent tout particulièrement
l’attention en raison de l’importance qu’ils revêtent pour l’intérêt général.
Dès la fin du XIXe siècle, c’est sous cet éclairage qu’apparaissent les travaux publics, au
moment où l’on commence à entrevoir la nécessité vitale d’un équipement moderne du pays.
L’acte général de la Conférence d’Algésiras leur fait une place particulière dans son
chapitre VI qui pose les principes d’une réglementation de l’expropriation destinée à en
permettre la réalisation, et qui impose le recours à l’adjudication pour la passation des
marchés de travaux.
L’ampleur des travaux entrepris après 1912, va donner une importance considérable
aux problèmes juridiques que leur réalisation devait inévitablement soulever.
647
Droit administratif marocain
Pour y faire face, une Direction des travaux publics est créée dès 1912 ; cette direction va
jouer un rôle de premier plan non seulement dans la réalisation matérielle des travaux, mais
aussi dans la détermination de leur régime juridique, notamment par l’élaboration du premier
cahier des clauses et conditions administratives générales applicables aux entrepreneurs de
travaux exécutés pour le compte des administrations publiques du 15 mars 1918 (28).
Par ailleurs, le législateur conscient de ce que les travaux publics constituaient l’une
des tâches les plus importantes de la nouvelle administration, insistait sur la nécessité de
faire bénéficier tout spécialement les travaux publics des privilèges généraux reconnus à
l’administration par la séparation des autorités administratives et judiciaires que l’article 8
du dahir sur l’organisation judiciaire établissait. Estimant, sans doute, que la prohibition
générale faite au juge « d’entraver l’action des administrations publiques » n’était pas assez
précise, il la complétait en lui interdisant d’enjoindre « l’exécution ou la discontinuation
des travaux publics », et de modifier « l’étendue ou le mode d’exécution des dits travaux ».
Aujourd’hui l’importance des travaux publics n’a pas diminué ; elle s’est même accrue
suivant en cela l’expansion continue des besoins de la collectivité et donc de l’intérêt
général. Le particularisme du régime juridique des travaux publics est ainsi directement lié
à leur importance passée et présente. Il se traduit tout d’abord par le fait que les travaux
publics relèvent toujours de la matière administrative ; le juge doit statuer sur les litiges nés
des travaux publics en matière administrative, et cette règle, posée par une jurisprudence
qui ne s’est jamais démentie, n’a jusqu’à une époque récente été fondée sur aucun texte.
Cette règle de compétence se justifie cependant fort bien lorsque l’on sait que les
règles de fond applicables à la solution des litiges nés des travaux publics comportent un
grand nombre de prérogatives, mais aussi de sujétions exorbitantes du droit commun. Ce
particularisme rend nécessaire une définition de la notion de travail public ; on exposera
ensuite les modalités d’exécution des travaux publics, les prérogatives dont dispose
l’administration au cours de leur réalisation, et on indiquera sommairement enfin les règles
qui régissent la responsabilité qui peut naître des dommages causés par les travaux publics.
(28) Celui-ci a été remplacé par le dahir du 18 juin 1936, auquel a été substitué, le cahier du 19 octobre 1965, remplacé
par le C.C.A.G. du 4 mai 2000 (B.O. 2000, p. 418). Voir supra, p. 425.
648
Les biens de l’administration
qui ressort de l’analyse des divers éléments qui la composent, ainsi que du rapprochement
que l’on doit opérer avec une notion voisine, la notion d’ouvrage public.
649
Droit administratif marocain
travaux effectués par des personnes privées, et bien que celles-ci en soient en définitive
les bénéficiaires, parce que ces travaux sont réalisés dans le cadre d’une mission de
service public. C’est ainsi que l’on pourrait analyser les travaux que l’administration
peut imposer aux propriétaires dans un but de défense et de restauration des sols (Dh. du
25/8/1969, B.O. 1969, p. 802). Effectuées par les propriétaires eux-mêmes, mais en cas de
refus l’administration peut y procéder d’office, sur des propriétés privées, ces opérations
contribuent à la réalisation d’un objectif dont l’intérêt général n’est plus à démontrer. Il
est vrai que le dahir du 15 juin 1924 (B.O. 1924, p. 1206) sur les associations syndicales
agricoles indiquait que ces dernières étaient responsables des travaux effectués pour leur
compte pour assurer la défense contre les inondations et l’assèchement des marais ; mais
ce texte est ancien, et la solution qu’il contient ne semble plus conforme à l’évolution qu’a
connue depuis lors la notion de travail public. Il apparaît, en effet, que ce qui importe ce
n’est pas tant le fait que les travaux profitent directement à des personnes privées (29), que
le fait qu’ils s’insèrent dans une politique d’ensemble qui touche étroitement à l’intérêt
général (en l’espèce la mise en valeur des terres).
C’est semble-t-il ce dont le législateur a été persuadé puisqu’il a créé des associations
d’usagers des eaux agricoles pour assurer « la participation des intéressés à la réalisation
des programmes de travaux, à la gestion et à la conservation des ouvrages d’utilisation des
eaux » (art. 1er de la loi du 21 décembre 1990, B.O. 1991, p. 30) ; ces associations peuvent
d’ailleurs recevoir délégation du droit d’expropriation pour cause d’utilité publique
(art. 15). Enfin, les associations syndicales agricoles créées en vertu du dahir de 1924 sont
automatiquement transformées en associations d’usagers des eaux agricoles dès lors que
leur objet concerne l’utilisation des eaux à des fins agricoles (art. 18).
Cependant, la loi sur l’eau (art. 96) permet à l’Agence de bassin d’imposer aux
propriétaires riverains de cours d’eau des travaux pour protéger leurs biens contre
les débordements : le texte donne cette compétence à l’agence de bassin “si l’intérêt
public l’exige” ; et l’on voit que dans ce cas intérêt public et intérêt des propriétaires
se rejoignent ; il serait logique de considérer que les travaux entrepris sont des travaux
publics. Il appartiendra éventuellement au juge, à défaut du législateur, d’en décider ainsi.
En étendant ainsi la notion de travaux publics, la jurisprudence peut soumettre ces
travaux aux règles du droit public qui, précisément, sont orientées vers la défense de
l’intérêt général (30).
(29) En l’espèce il s’agit des propriétaires membres de l’association syndicale que le texte de 1924 (art. 7) qualifie
cependant d’établissement public. Cf. C.A. Rabat, 13-7-1943, Dame Laurent, R.A.C.A.R., 1943, p. 259.
(30) Une telle jurisprudence irait plus loin que celle qui s’est établie en France avec les décisions Effimief, Tribunal
des conflits, 28/3/1955, et ministre de l’Agriculture c/consorts Grimouard-Conseil d’Etat, 20/4/1956 (G.A.J.A., 12e éd.,
1999, p. 514 et 520). Mais elle aurait une inspiration identique.
650
Les biens de l’administration
651
Droit administratif marocain
leur compétence » ; les conditions de cette participation sont définies par des conventions
passées entre cette société et les administrations intéressées, et il n’est pas impossible de
voir dans ces conventions de véritables contrats de concession de travaux publics (D.R.
portant loi du 26/6/1967, B.O. 1967, p. 777).
C’est dans des conditions identiques que la Société nationale d’aménagement de la
baie d’Agadir a reçu pour mission l’équipement et la mise en valeur de la zone touristique
(Dh. portant loi du 21/6/1976, B.O 1976, p. 741), et c’est dans des conditions voisines que
la Société nationale des autoroutes du Maroc a obtenu la concession d’un certain nombre
de tronçons du réseau autoroutier qu’elle construit, entretient et exploite. Le recours à la
concession pour la réalisation d’ouvrages publics est désormais considéré comme normal ;
ainsi la loi du 10 décembre 1999 qui modifie le dahir de 1918 relatif à l’occupation
temporaire du domaine public, dispose que le bénéficiaire d’une concession de construction,
d’entretien ou d’exploitation d’un ouvrage public, peut occuper des portions du domaine
public dans les conditions fixées par un cahier des charges (voir ci-dessus p. 499).
L’administration peut enfin passer des marchés de travaux : ces marchés ne constituent
qu’un cas particulier des marchés publics dont ils suivent le régime (voir supra : les
marchés publics).
Cependant, le marché de travaux publics présente un certain nombre de particularités
dont les plus importantes sont les suivantes : le marché de travaux publics est toujours
un contrat administratif ; sans doute le CCAG des marchés de travaux ne comporte-t-il
plus d’indication à cet égard contrairement à l’art. 52 de l’ancien texte ; l’art. 73 se borne
à indiquer que « tout litige entre le maître d’ouvrage et l’entrepreneur est soumis aux
tribunaux compétents ». Mais étant donné l’importance des prérogatives dont dispose
l’administration maître d’ouvrage dans la conduite des travaux, il est naturel de voir en ces
travaux des opérations régies par un droit exorbitant, et dans les litiges dont ils peuvent
être l’occasion, des litiges relevant de la compétence du juge administratif.
Par ailleurs, dans la mesure où des personnes privées participent à la réalisation
d’opérations qui peuvent s’analyser en des travaux publics, il serait naturel que cette
compétence des tribunaux soit étendue aux marchés qu’elles sont amenées à passer ; on
ne voit en effet aucune raison de soumettre à un régime juridique différent des travaux
matériellement identiques selon qu’ils font l’objet de marchés passés par l’administration
avec des entreprises privées, ou par une société d’économie mixte et ces mêmes
entreprises. C’est sans aucun doute dans l’exécution des marchés de travaux publics que
les prérogatives de l’administration apparaissent les plus développées : elle est le véritable
maître d’œuvre, et elle exerce la direction des travaux par le procédé des ordres de service.
On peut dire, d’une façon générale, que le régime des marchés de travaux publics joue un
rôle pilote en matière de marchés publics ce qui se traduit par ce que l’on peut appeler le
652
Les biens de l’administration
caractère exemplaire du Cahier des clauses et conditions générales des marchés de travaux
du ministère de l’équipement.
Il faut enfin mentionner l’existence de la loi du 24 décembre 2014 qui a créé le
contrat de partenariat public-privé qui permet à une collectivité publique de confier à un
partenaire privé la réalisation d’opérations dont certaines constituent incontestablement
des travaux publics : telles la conception, le financement de tout ou partie de construction,
réhabilitation, maintenance et/ou exploitation d’un ouvrage ou infrastructure.
A. L’occupation temporaire
Prévue déjà dans le dahir de 1914, maintenue dans le dahir de 1951, la servitude
d’occupation temporaire est organisée par le titre II de la nouvelle réglementation de
l’expropriation.
Le législateur autorise l’administration à prendre provisoirement possession d’une
propriété privée, soit pour effectuer des études ou des travaux préparatoires aux travaux
publics, soit pour la réalisation de ces travaux publics ou l’extraction de matériaux
nécessaires. Comme l’ancienne réglementation, le nouveau texte distingue les deux
hypothèses.
1. La servitude d’occupation temporaire des propriétés privées, lorsqu’elle est
nécessaire aux études et travaux préalables ne peut en aucun cas porter sur les maisons
d’habitation ; elle doit être autorisée par un arrêté du ministre intéressé qui précise la
nature des opérations d’utilité publique qui la justifient, leur localisation ainsi que la date
de leur commencement.
L’occupation n’est pas limitée dans le temps. Lorsqu’elle prend fin, elle donne lieu
à une indemnisation qui peut faire l’objet d’un accord amiable ou bien être réglée par le
juge de l’expropriation ; celui-ci tranche alors dans les mêmes conditions que celles qui
sont fixées pour l’indemnisation due en raison de l’occupation temporaire nécessaire pour
la réalisation des travaux eux-mêmes.
653
Droit administratif marocain
2. L’occupation des propriétés privées pour la réalisation des travaux est soumise à des
règles quelque peu différentes en raison de ce que les inconvénients qu’elle entraîne pour
les propriétaires sont plus importants.
Elle doit également être autorisée par un arrêté du ministre intéressé ; mais elle est
soumise à une double limitation. D’une part, elle ne peut porter ni sur les maisons
d’habitation, ni sur « les cours, vergers, jardins y attenant et entourés de clôtures ainsi que
les édifices à caractère religieux et les cimetières ».
D’autre part, la durée de l’occupation temporaire ne peut se prolonger au-delà de cinq
ans, ce qui constitue d’ailleurs une durée appréciable. Si l’administration se maintient dans
les lieux au delà de cette durée, le propriétaire est en droit d’exiger l’expropriation de son
immeuble (31).
L’acte administratif d’autorisation doit mentionner les opérations qui justifient
l’occupation temporaire, la surface concernée ainsi que la nature et la durée probable de
l’occupation.
Le bénéficiaire de l’occupation doit faire notifier au propriétaire l’achèvement de celle-
ci par le président du conseil communal.
Dans tous les cas, un état des lieux doit être dressé au début de l’occupation : il est établi
contradictoirement soit à l’amiable, soit par voie de justice. Au terme de l’occupation, le
propriétaire a droit à une indemnité dont le montant, à défaut d’accord entre le propriétaire
et l’administration, est calculé par le juge ; l’indemnisation peut aussi être réglée à la
fin de chaque période de travaux, ce qui présente un intérêt pour le propriétaire lorsque
l’occupation couvre la totalité de la période de cinq ans.
Dans le calcul de l’indemnité, le juge doit tenir compte des dommages causés à la
surface des terrains, de la valeur des matériaux qui ont pu être extraits, mais aussi de la
plus-value éventuelle dont le propriétaire occupé a pu bénéficier du fait de l’exécution
des travaux. Il ne doit jamais tenir compte des améliorations qui paraîtraient avoir été
apportées aux propriétés dans le but d’obtenir une augmentation de l’indemnité.
(31) Ces dispositions ont pour but d’éviter que l’administration ne soit tentée d’utiliser la prérogative d’occupation
temporaire pour échapper à l’obligation d’exproprier ; elle pourrait y être d’autant plus incitée que le principe de
l’intangibilité de l’ouvrage public (qui veut que, même irrégulièrement construit, l’ouvrage public ne puisse être
démoli) bien que n’ayant pas à ce jour été officialisé par les tribunaux, aurait toute chance de l’être, s’ils avaient
aujourd’hui à se prononcer sur ce point.
654
Les biens de l’administration
leurs bénéficiaires une partie de la plus-value acquise par les propriétés privées du fait de
la réalisation des travaux publics.
Le fondement de cette récupération réside dans l’idée qu’il apparaît choquant de
voir certains propriétaires réaliser un profit dont l’origine se trouve dans l’effort de la
collectivité, puisque les travaux publics sont financés par les contribuables. Il semble alors
naturel de permettre à la collectivité de récupérer ce qui constitue un enrichissement sans
cause.
Cependant, si le principe est incontestable, sa mise en œuvre n’est pas dépourvue d’une
certaine souplesse de façon à tenir compte du fait que les propriétaires n’ont pas, après
tout, recherché un enrichissement qui, dans l’immédiat, entraînera pour eux des charges
financières nouvelles. C’est pourquoi si la plus-value ne dépasse pas 20 % de la valeur
du bien, il n’y a pas lieu à récupération ; ce n’est qu’au cas où la plus-value dépasse ce
seuil, que le propriétaire est astreint au versement à la collectivité d’une indemnité. Le
montant de la plus-value et celui de l’indemnité peuvent être déterminés amiablement. A
défaut, l’administration peut citer le propriétaire devant le tribunal administratif qui fixe
l’indemnité en tenant compte notamment de la valeur de l’immeuble avant l’annonce ou le
commencement des travaux, et de sa valeur au jour de la requête.
En pratique, ces dispositions sont restées sans application du fait de grandes difficultés
de mise en œuvre tenant notamment au fait que nombre de propriétaires sont dans
l’impossibilité financière d’acquitter le montant de l’indemnité.
(32) La compagnie concessionnaire avait entrepris des travaux en son nom personnel sur une propriété privée ; mais
une procédure d’expropriation ayant été ultérieurement poursuivie le tribunal décide qu’il n’y a pas lieu d’ordonner la
remise des lieux en l’état.
655
Droit administratif marocain
On rappellera enfin que le fait pour les tribunaux de statuer en matière administrative
à l’égard des travaux publics et d’appliquer les règles favorables du droit administratif
constitue également une prérogative générale du régime juridique des travaux publics,
prérogative renforcée par la compétence du tribunal administratif (33).
(33) En France le Conseil d’Etat, tout en confirmant le principe d’intangibilité de l’ouvrage public, lui apporte de
sérieuses limites : C.E. (sect.) 29/1/2003, AJDA, 2003, p. 784 et note P. Sablière.
656
Deuxième partie
Le contentieux administratif *
* M. Rousset, Contentieux administratif marocain, 2e éd., La Porte, 2001. 3e édition, 2014, en collaboration avec
M.A. Benabdallah, REMALD, coll. Manuels et travaux universitaires, n° 103.
Introduction
Pourquoi un contentieux administratif ?
(1) Pour une étude plus approfondie des principaux systèmes, voir Benhalima (El H.), « Autonomie du droit administratif
et spécificité juridictionnelle : réflexion sur les fondements du contentieux administratif », thèse, Strasbourg, 1989.
Droit administratif marocain
que l’on pourrait caractériser par les termes “dualité de juridiction” et “dualité de droit”,
aboutit à l’organisation d’un contentieux administratif totalement autonome, aussi bien en
ce qui concerne la procédure que le fond du droit. Ce système aboutit inévitablement à des
problèmes complexes de répartition des compétences entre les deux ordres de juridictions ;
c’est la raison pour laquelle il existe un Tribunal des conflits.
La solution marocaine était originale en ce sens qu’elle optait pour l’unité de juridiction
avec dualité de droit (2). C’étaient les tribunaux ordinaires qui jugeaient les litiges dans
lesquels l’administration est en cause. Mais ils ne le faisaient pas en appliquant les règles
du droit privé mais bien un droit particulier : le droit administratif. Il existait par conséquent
un contentieux administratif nettement différencié et dans une large mesure autonome.
Les tribunaux saisis d’un litige devaient donc se demander s’ils lui appliquaient le droit
privé ou le droit public. C’est ce système que le législateur a partiellement abandonné en
1991 en créant de nouvelles juridictions : les tribunaux administratifs et les cours d’appel
administratives en 2006.
Cette innovation correspond à la volonté de favoriser le développement du contentieux
administratif en rapprochant le juge du justiciable, spécialement en ce qui concerne le
contrôle de légalité.
Cette réforme consacre ainsi l’autonomie du droit administratif ; en revanche il est clair
qu’elle diminue sensiblement l’unité de juridiction qui ne subsiste qu’au niveau de la Cour
suprême.
On étudiera l’organisation du contentieux administratif dans un titre I avant
l’examen des deux grandes branches de ce contentieux : l’annulation dans le titre II, et
l’indemnisation dans le titre III.
(2) C’est à une solution de même nature que se sont ralliées l’Algérie et la Tunisie ; v. pour la Tunisie : Chapus (P.), le
Contrôle et le contentieux de l’administration en Tunisie, E.N.A.T., Tunis, 1968 ; Mestre (A.), « Conseil d’Etat français
et Tribunal administratif tunisien », Mélanges Marcel Waline, L.G.D.J., Paris, 1974, tome I, p. 59. Voir pour l’Algérie,
Remili (A.), l’Administration algérienne, Berger-Levrault et I.I.A.P., 1973, p. 38 ; Mahiou (A.), Cours de contentieux
administratif, Office des publications universitaires, 2e éd., Alger, l981 ; Bouachba (T.), « L’expérience algérienne
d’unité de juridiction : étude comparative », thèse, Paris, 1978. Toutefois, l’Algérie a abandonné l’unité de juridiction
en créant un Conseil d’Etat et des tribunaux administratifs ; ces derniers ont reçu une compétence “de droit commun
en matière administrative” et jugent à charge d’appel devant le Conseil d’Etat : loi organique du 30 mai 1998 relative
aux compétences, à l’organisation et au fonctionnement du Conseil d’Etat, et loi du 30 mai 1998 relative aux tribunaux
administratifs. Voir ces textes in REMALD, n° 28, 1998, p. 151 et s.
660
Titre premier
L’organisation du contentieux administratif
Section I
L’évolution historique
(1) M. Rousset et M.A. Benabdallah : Contentieux administratif marocain, 3e édition, REMALD, coll. Manuels et
Travaux Universitaires, n° 103, 2014.
Sur l’évolution historique, on peut consulter :
– Berge, la Justice française au Maroc, Leroux, Paris, 1917.
– Michel, Traité du contentieux administratif au Maroc, Paris, Presses universitaires, 1932.
– Monier, le Contentieux administratif au Maroc, Sirey, Paris, 1935.
– Durand, Traité de droit public marocain, L.G.D.J., Paris, 1955.
– Lahbabi (M.), le Gouvernement marocain à l’aube du XXe siècle, coll. des C.E.J.M., Rabat, 1957.
– Renard-Payen, l’Expérience marocaine d’unité de juridiction et de séparation des contentieux, L.G.D.J., Paris, 1964.
– Benhalima (El H.), thèse précitée.
– « La justice au Maroc », Revue maghrébine de droit, Presses Universitaires de Perpignan et de Toulouse n° 9, 2001
(Blanc, F.P., Boujemaa, R., Deveaux, O., Mourji, A. (dir.)
Droit administratif marocain
§2. Le Protectorat
Avec le Protectorat s’établit l’influence de la France qui pratique un droit administratif
autonome distinct du droit privé. Néanmoins, la question se pose rapidement de savoir
s’il est opportun de transposer le système français fondé sur l’existence d’une juridiction
administrative autonome appliquant un droit spécial. Celui-ci est en effet extrêmement
(2) Iraqi (R.), « La protection des administrés en droit public musulman : le cas du Maroc avant le Protectorat »,
mémoire de CES, Casablanca, 1983, p. 167.
C’est d’ailleurs sur la base de ce précédent historique que le Roi a créé un Diwan Al Madhalim, sorte de médiateur
administratif, par le dahir du 9 décembre 2001 (B.O. 2002, p. 3).
Rousset (M.), « La protection des droits de l’Homme au Maroc : de nouveaux progrès », Rev. JPIC, n° 2, 2002, p. 165.
664
Le fondement juridique du contentieux administratif
libéral et établit un contrôle assez strict sur l’activité administrative. Il est donc très
restrictif quant aux possibilités d’action de l’administration. On conçoit que les autorités
nouvelles, soucieuses de mettre sur pied de vastes réformes, ne soient pas désireuses de
voir s’instaurer un système directement copié sur les solutions françaises. C’est la raison
pour laquelle sera écartée l’idée de la création d’une quelconque juridiction homologue
du Conseil d’Etat français. L’idée dominante consistera à essayer de limiter le contentieux
administratif à quelques domaines bien précis où il ne risquera pas de porter ombrage aux
autorités administratives. En fait, on se refusera à tout contrôle de la régularité de l’action
administrative pour admettre seulement quelques recours en indemnité pour les dommages
causés par le fonctionnement des services publics. Dès lors que l’on concevait de manière
aussi restrictive le champ d’application du contentieux administratif il ne paraissait plus
impossible, même pour des esprits formés aux disciplines juridiques françaises, d’admettre
que ce soient les tribunaux ordinaires qui statuent sur ce contentieux. C’est donc autour de
ces idées très simples : contentieux administratif limité, confié aux juridictions ordinaires,
que va se développer l’œuvre du Protectorat en la matière, étant bien entendu, cependant,
et c’est en cela que la tradition française resurgit, qu’en toute hypothèse c’est un droit
spécial : le droit administratif, que les juridictions devront appliquer dans les quelques cas
où elles seront compétentes pour juger l’administration.
Le texte fondamental est l’article 8 du dahir du 12 août 1913 sur l’organisation
judiciaire qui met sur pied des juridictions françaises, ultérieurement appelées juridictions
modernes, qui s’implantent à côté des juridictions marocaines traditionnelles qui subsistent.
Ces juridictions françaises ont des compétences assez vastes dans de nombreux domaines
concernant l’application du droit des obligations, du droit commercial, du droit pénal et
c’est à elles que va être dévolu le soin de statuer sur les litiges concernant l’administration
dans les termes suivants : « En matière administrative, les juridictions françaises instituées
dans notre Empire sont exclusivement compétentes pour connaître de toutes les instances
tendant à faire déclarer débitrices les administrations publiques, soit à raison de l’exécution
des marchés conclus par elles, soit à raison des travaux qu’elles ont ordonnés, soit à raison
de tous actes de leur part ayant porté préjudice à autrui…
Il est interdit aux juridictions civiles d’ordonner accessoirement à une des demandes
ci-dessus, ou principalement, toutes mesures dont l’effet serait d’entraver l’action des
administrations publiques, soit en portant obstacle à l’exécution des règlements pris par
elles, soit en enjoignant l’exécution ou la discontinuation des travaux publics, soit en
modifiant l’étendue ou le mode d’exécution des dits travaux.
Il est également interdit aux juridictions civiles de connaître de toutes demandes
tendant à faire annuler un acte d’une administration publique, sauf le droit pour la partie
intéressée de poursuivre par la voie gracieuse la réformation de l’acte qui fait grief. »
665
Droit administratif marocain
Ce texte fondamental est à la base du système dont les grandes lignes ont subsisté
jusqu’en 1991. Ce sont donc les juridictions ordinaires qui sont chargées de statuer « en
matière administrative ». Mais ces juridictions n’ont qu’une compétence d’attribution
limitée en 1913 à trois hypothèses bien précises se rattachant toutes trois à ce que
l’on convient d’appeler le plein contentieux. Il s’agit essentiellement de condamner
l’administration à verser des sommes d’argent, soit en exécution des marchés qu’elle a
conclus, soit à raison des dommages qu’elle a causés par son fonctionnement spécialement
en matière de travaux publics. En revanche, il n’est pas question d’autoriser ces juridictions
à exercer un contrôle de la régularité de l’action administrative. Il leur est formellement
interdit d’entraver, de quelque manière que ce soit, le fonctionnement de l’administration.
C’est dans le cadre de cette limitation très précise des pouvoirs des tribunaux que l’on
considère comme admissible l’unité de juridiction.
Il n’est cependant pas absolument évident à la lecture de ce texte que l’administration
soit soustraite aux règles du droit commun et le problème va se poser tout de suite de
savoir si cette unité de juridiction n’impliquait pas unité de droit. A dire vrai, la question
n’a guère fait de doute et il a semblé tout naturel pour des esprits formés aux concepts
juridiques français que bien qu’appliqué par des tribunaux ordinaires, ce soit le droit
administratif qui doive régler les rapports entre l’administration et les particuliers. Déjà le
fait que la compétence de ces juridictions soit limitée à trois cas particuliers constituait une
dérogation à leur plénitude de compétence.
D’autre part, le dahir sur la procédure civile de 1913 précise dans son article 17 : 1°. que
les actions intentées contre les agents des administrations publiques pour dommages
causés par leurs dols ou par des fautes lourdes dans l’exercice de leurs fonctions ainsi que
les recours ouverts contre les administrations publiques pour les mêmes dommages en cas
d’insolvabilité des fonctionnaires responsables ; 2°. que les actions intentées contre les
administrations publiques en vertu de l’article 8, paragraphe 1er du dahir sur l’organisation
judiciaire et notamment les actions intentées pour dommages causés directement par le
fonctionnement des administrations publiques et par les fautes de service de leurs agents
seront portées devant les tribunaux de première instance, sauf appel devant la cour. Ce
texte apporte deux particularités pour le contentieux administratif : la compétence du juge
de paix est toujours exclue et l’appel est toujours possible.
Les articles 79 et 80 du dahir formant code des obligations et contrats viennent de
leur côté préciser les conditions de la responsabilité de l’administration et établissent
également un régime particulier (cf. titre III). La pratique et la jurisprudence admettront
donc sans aucune difficulté que les juridictions ordinaires doivent, lorsqu’elles statuent en
matière administrative, appliquer un droit autonome. Unité de juridiction mais dualité de
droit sont donc les principes fondamentaux de ce contentieux administratif.
666
Le fondement juridique du contentieux administratif
Le fait que la compétence du tribunal civil soit limitée à l’octroi d’indemnité dans trois
cas seulement, que la procédure soit différente, que les tribunaux ne puissent pas donner
d’injonction à l’administration, impose donc, au début de chaque procès, de rechercher si
l’on est ou non en matière administrative, la réponse à cette question entraînant, on le voit,
toute une série de conséquences. Il faut donc chercher à définir un critère de la matière
administrative et pratiquement on peut dire que les tribunaux se reportent, pour ce faire,
à la jurisprudence qui, en France, permet de déterminer si une affaire doit être jugée par
les tribunaux civils ou par les juridictions administratives, de sorte qu’un problème qui, en
France, est un problème de détermination des compétences devient au Maroc un problème
de détermination du droit applicable au litige (cf. chapitre II).
Le caractère extrêmement limité du contentieux administratif établi en 1913,
ne manquait pas de susciter quelques protestations et, en particulier, on souhaitait
l’instauration d’un recours pour excès de pouvoir, d’un contrôle de la régularité de l’action
administrative et certains allaient même jusqu’à demander que soit établie une juridiction
administrative autonome. Cette revendication ne sera que très partiellement satisfaite
par un dahir du 1er septembre 1928 ouvrant aux fonctionnaires un recours pour excès de
pouvoir porté devant le Conseil d’Etat français. En dehors de cette hypothèse somme toute
limitée, une seule possibilité restait encore, celle du recours gracieux porté devant les
autorités gouvernementales. Cette situation subsista jusqu’à la fin du Protectorat.
667
Droit administratif marocain
668
Le fondement juridique du contentieux administratif
droit privé dans des instances où l’administration n’a pas été partie » (Cour suprême,
24 mars 1960, Compagnie d’assurances générales, R., p. 207).
Le système ainsi mis sur pied au lendemain de l’indépendance risquait d’être
profondément transformé par la réforme introduite par la loi du 26 janvier 1965 unifiant
les juridictions (3). Ce texte, en effet, met fin à l’existence des juridictions modernes et
les fusionne avec les juridictions traditionnelles en un corps unique. On pouvait donc
se demander si cette disparition des tribunaux plus spécialement chargés du contentieux
administratif ne risquait pas d’avoir des conséquences sur l’organisation même du
système. Mais le décret royal du 3 juillet 1967, portant loi sur l’organisation judiciaire,
reprend les grandes lignes du système antérieur, compte tenu de la nécessaire adaptation
aux transformations résultant de cette unification.
Cette loi fixe la compétence des différents tribunaux et on y retrouve l’expression
désormais traditionnelle : « en matière administrative ». Sont compétents en première
instance : les tribunaux régionaux (article 17) et en appel : les cours d’appel (article 22).
En revanche, est exclue toute compétence des tribunaux du Sadad. L’article 23, consacré
à la Cour suprême, maintient explicitement en vigueur les dispositions du dahir du
27 septembre 1957 et, de ce fait, tant l’existence que la compétence de la chambre
administrative sont confirmées. De toute évidence, ces nouvelles dispositions ne font que
renforcer le principe de l’unité de juridiction et de la compétence des tribunaux de droit
commun pour juger le contentieux administratif. Par ailleurs, l’existence autonome de ce
contentieux est elle-même confirmée par une disposition extrêmement importante qui est
celle de l’article 48 de ce même décret royal : « sont abrogées toutes dispositions contraires
à la présente loi et notamment le dahir du 12 août 1913 sur l’organisation judiciaire à
l’exception des alinéas 1, 3, 4 et 5 de son article 8 ». Seul survit donc, de l’ensemble de la
construction élaborée par le Protectorat, le fameux article 8 du dahir de 1913 sur lequel se
fondait toute la construction du contentieux administratif.
Ainsi, sous réserve des modifications dans l’organisation interne des juridictions, la
situation du contentieux administratif n’a pas été radicalement modifiée par la réforme
de 1967.
(3) « La réforme de la justice au Maroc. La loi d’unification », Sauvel (J.), Annuaire de l’Afrique du Nord, 1965, p. 89
et suiv.
669
Droit administratif marocain
d’un nouveau code de procédure civile (C.P.C.) par le dahir portant loi du 28/9/1974
(B.O. 1974, p. 1305 et suiv.) ont apporté un certain nombre de modifications à la situation
antérieure tout en conservant au système de traitement du contentieux administratif la
physionomie générale qu’il avait acquise au cours de la période précédente.
Le principe de base de la réforme des juridictions consiste à rapprocher la justice
du justiciable ; cet objectif est recherché à travers deux types de mesures : d’une part, la
création de nouvelles juridictions communales et d’arrondissements permet de leur confier
le traitement d’une grande masse de petites affaires en matière civile et pénale ; d’autre
part, l’augmentation du nombre des juridictions de première instance, qui sont substituées
aux tribunaux régionaux, permet de compenser la disparition des tribunaux de Sadad, dont
la compétence est désormais en grande partie exercée par les juridictions communales et
d’arrondissements (4).
S’agissant de la compétence des nouvelles juridictions, on constate d’une part le
maintien des principes qui concernaient le traitement de la matière administrative ; d’autre
part, la détermination de la compétence à l’intérieur de ces principes est effectuée d’une
façon plus rationnelle. C’est ce que l’on apercevra en analysant la compétence respective
des diverses juridictions.
En premier lieu, il faut préciser que les juridictions communales et d’arrondissements
n’avaient qu’une compétence d’attribution déterminée de manière limitative par le
dahir portant loi (n° 1-74-339 du 15/7/1974) en matière civile et en matière pénale ;
toute compétence de leur part en matière administrative était donc écartée. D’une façon
générale ces juridictions étaient incompétentes pour statuer sur toute affaire mettant
en cause l’administration, qu’elle relève ou non de la matière administrative stricto
sensu (5). Elles ont été supprimées et remplacées par des juridictions de proximité par
la loi n°42-10 du 17 août 2011 (modifiée par la loi du 19 février 2015) qui en a fixé
l’organisation et la compétence. Le principe demeure celui qui était à la base de la création
des juridictions communales : faire régler rapidement des litiges de faible importance
grâce à une procédure orale simplifiée mais offrant une garantie que n’offrait pas les
précédentes juridictions communales : ces juridictions fonctionnent avec des magistrats de
carrière et les décisions qu’elles rendent peuvent faire l’objet d’un recours en annulation
devant le tribunal de première instance dans des cas limitativement énumérés par la loi.
Naturellement ces juridictions n’ont aucune qualité pour statuer sur une affaire mettant en
cause une administration
(4) Khaissidi (T.), « Les juridictions communales et d’arrondissement », mémoire CES, Faculté de droit de Casablanca,
1989 (dactyl.). Ces juridictions ont été remplacées par les juridictions de proximité, loi du 17 août 2011, B.O. 2011,
p. 2000.
(5) Cf. Rousset (M.), « Les incidences du critère organique sur le traitement du contentieux administratif », R.J.P.E.M.,
n° 10, 1981, p. 39.
670
Le fondement juridique du contentieux administratif
(6) Leur nombre est passé de 30 en 1974 à 44 en 1980 et à 52 en 1982 (D. 1er février 1982, B.O. 1982, p. 93). Il est de
65 en 1990 (D. 26 juin 1990, B.O. 1990, p. 423) et de 68 en 2000 (D. 2/11/2000, B.O. 2000, p. 967).
(7) Abrogé par l’art. 5 du dahir portant loi du 28 septembre 1974 formant Code de procédure civile.
671
Droit administratif marocain
Une dernière innovation doit être enfin signalée : elle résulte de l’art. 25-2e du
Code de procédure civile : « Il est interdit également aux juridictions de se prononcer
sur la constitutionnalité d’une loi ou d’un décret. » Si l’interdiction d’apprécier la
constitutionnalité d’une loi est conforme à la nature de la compétence des juridictions,
notamment lorsqu’elles statuent en matière administrative, il ne semble pas que ce soit
le cas s’agissant des décrets, actes de l’autorité administrative d’autant que l’article 6
de la Constitution proclame notamment le principe de constitutionnalité et de hiérarchie
des normes. Au nom de quoi le juge se verrait interdire de vérifier la conformité d’un
acte réglementaire par rapport à la norme supérieure qu’est la Constitution ? Jusqu’alors
l’appréciation de validité des actes émanant de l’autorité administrative pouvait en
principe se faire dans des conditions qui avaient, il est vrai, été réduites par la Cour
suprême (cf. infra : l’exception d’illégalité), par rapport à toutes les règles de droit qui leur
étaient supérieures : on relèvera donc ici une limitation de contrôle de régularité par la voie
de l’exception d’illégalité qui ne devrait pas survivre face à l’article 6 de la Constitution.
En outre il faut indiquer, que l’article 133 de la Constitution de 2011 a créé une exception
d’inconstitutionnalité pour le cas où, au cours d’un procès, l’une des parties soutiendrait
que la loi dont dépend l’issue du litige porte atteinte aux droits et libertés garantis par la
Constitution. La Cour constitutionnelle est compétente pour statuer sur cette exception
dont une loi organique doit déterminer les conditions et les modalités de son exercice.
En définitive, il semble possible de dire que le schéma général du traitement contentieux
de la matière administrative demeure fidèle au système créé en 1913 et perfectionné
en 1957 : les réformes de 1974 introduisent dans ces mécanismes des éléments de
simplification et parachèvent la construction entreprise.
Deux catégories de litiges peuvent ainsi être distinguées en matière administrative.
Les litiges concernant le contrôle de la régularité des actes administratifs, c’est-à-dire le
contentieux de l’excès de pouvoir, relèvent directement en premier et dernier ressort de la
Cour suprême (chambre administrative).
Tous autres litiges relèvent désormais des tribunaux de première instance, en première
instance, en appel des cours d’appel, et en cassation de la Cour suprême (chambre
administrative). Le tribunal de première instance n’est donc plus limité comme autrefois
au contentieux indemnitaire en matière de marchés, de travaux publics et de responsabilité,
même si compte tenu de la prohibition de l’article 25 du C.P.C., les litiges portés devant
lui seront en pratique principalement des recours tendant au versement d’une indemnité,
ou relevant de contentieux spécialisés, impôts, pensions, élections, etc.
Ce système appelait deux critiques majeures :
La première concernait le contentieux de l’excès de pouvoir : réserver son règlement
à une seule juridiction pour l’ensemble du pays conduisait à limiter son développement
672
Le fondement juridique du contentieux administratif
Section II
Les réformes de 1991
La création des tribunaux administratifs
Dans un pays où, par la force des choses, l’administration s’est trouvée le moteur du
développement, où ses initiatives se sont multipliées mais aussi ramifiées sur le territoire
par le jeu de la décentralisation et de la déconcentration, le problème de son contrôle se
pose avec acuité.
La loi fixe le cadre de l’action administrative et ses limites et il est de l’intérêt de tous
qu’elle soit appliquée. C’est bien sûr l’intérêt des administrés dont les droits de citoyen,
garantis par les textes, doivent être respectés ; mais c’est aussi celui de l’Etat dont les
directives doivent être mises en œuvre à tous les niveaux. Seul un contrôle juridictionnel
efficace et compétent peut assurer ce respect. L’administré doit savoir que si l’administration
ne respecte pas ses droits, des recours commodes et efficaces lui sont ouverts et
réciproquement l’administration doit savoir que si elle outrepasse ses prérogatives, il y a
des risques sérieux de remise en cause de ses décisions et de condamnation pécuniaire.
Il est apparu que ces objectifs ne pouvaient être atteints que par une remise en cause
profonde du système existant et la création de juridictions spécialisées. Le projet de
loi élaboré par le gouvernement dans le cadre des orientations données par le discours
royal du 8 mai 1990, fit l’objet d’études approfondies en commission, d’amendements
multiples avant d’être voté par la chambre des représentants à la fin de la session, le
12 juillet 1991 (9). Le nouveau texte institue des tribunaux administratifs. Il conforte bien
673
Droit administratif marocain
entendu l’autonomie du droit administratif et donc la dualité de droit déjà reconnue. Met-
il fin à l’unité de juridiction ? Certainement, dans une large mesure, puisque ce ne seront
plus les mêmes magistrats qui, au moins en première instance, jugeront le contentieux
administratif et le contentieux ordinaire. Mais il subsiste encore trois éléments essentiels
de cohérence : l’appartenance à la magistrature des juges des juridictions administratives,
l’application dans une large mesure du code de procédure civile et le rattachement à la
Cour suprême juridiction unique devenu juge de cassation depuis la création des Cours
d’appel administratives. Une étape considérable vers la dualité de juridiction a donc
néanmoins été franchie. La création des Cours administratives d’appel en 2006 a confirmé
la réussite de la réforme ; en effet le développement des recours en matière administrative
en première instance et par voie de conséquence le développement de l’appel, a submergé
la Chambre administrative de la Cour suprême d’un nombre considérable de recours
qu’elle n’était plus en mesure de traiter dans des délais raisonnables .La haute juridiction
devenue juge de cassation des décisions de l’ensemble des juridictions administratives,
peut désormais conserver son rôle de juge suprême veillant au respect des compétences et
en même temps à l’application correcte de la règle droit par les juridictions inférieures tant
administratives que judiciaires. Ce faisant la réforme a rendu inutile la création envisagée
parfois, d’un Conseil d’Etat, création qui ne pourrait que rendre plus complexe et plus
coûteuse la recherche de son juge par le requérant.
674
Le fondement juridique du contentieux administratif
(10) Le statut de la magistrature a été modifié pour tenir compte de ces nouveaux magistrats en ce qui concerne leur
recrutement et leur classement dans la hiérarchie : loi 43-90 du 10/9/1993, B.O. 1993, p. 631 et 5-98 du 22/9/1998,
B.O. 1998, p. 527, par ailleurs un décret du 12/1/1999 (B.O. 1999, p. 108), a déterminé les conditions d’accès au
concours des attachés de justice (programmes, épreuves, notation, examens de fin de stage).
L’Institut national d’études judiciaires a été transformé en établissement public sous le nom « d’Institut supérieur de la
magistrature » par la loi n° 09-01 promulguée par le dahir du 3 octobre 2002, B.O. 2002, p. 1380.
(11) Les statistiques du ministère de la Justice sont éloquentes, 1995, 45 magistrats ; 1996 = 63 ; 1997 = 50. On peut
également citer tel président de tribunal administratif préférant abandonner la filière des tribunaux administratifs
pour un poste de président de Cour d’appel, cf. Faïza Bellasri, « Le statut des magistrats chargés du contentieux
administratif », REMALD, n° 36, 2001, p. 21.
Ce problème présenté au ministre la Justice de l’époque, M. Azzimane, n’a cependant pas retenu son attention !
675
Droit administratif marocain
qui existe devant ces dernières. Deux cours ont été créées, l’une à Rabat et la seconde à
Marrakech.
Ces juridictions sont composées d’un Premier président, de présidents de chambre et de
conseillers parmi lesquels le président désigne pour deux ans un ou plusieurs commissaires
à la loi et au droit. La cour peut comporter plusieurs chambres en fonction de la spécialité
des affaires à juger.
a. Le fonctionnement de ces juridictions est régi par les dispositions de la loi et par
celles du CPC incluant celles de la loi 41-90 créant les tribunaux administratifs sauf
disposition législative contraire. La procédure est de type inquisitorial ;on peut cependant
souhaiter le perfectionnement du recours en référé qui permettrait d’améliorer les
possibilités d’intervention du juge dans les cas d’urgence ;la rapidité de cette intervention
est particulièrement nécessaire pour assurer la protection des droits des individus ou de la
propriété privée menacés par l’irrégularité de l’action administrative.
Les audiences des cours d’appel sont publiques ; les décisions sont rendues
publiquement par trois conseillers dont un président assistés par un greffier.
Le Commissaire Royal à la loi et au droit doit obligatoirement assister à l’audience
au cours de laquelle il lui revient d’exposer en toute indépendance les faits et le droit
applicable au litige. Il peut développer oralement ses conclusions dont les parties peuvent
demander communication ;en revanche il ne prend pas part à la délibération de la formation
de jugement.
L’assistance judiciaire peut être demandée au Premier président dans les conditions
prévues par le dahir portant loi du 1er novembre 1966 relatif à l’assistance judiciaire. La
cour d’appel peut être saisie du refus du Président d’un tribunal administratif d’accorder
l’assistance judiciaire à un requérant. Cette requête doit être déposée dans un délai de
quinze jours à compter de la notification de la décision de refus ;la Chambre du conseil de
la Cour d’appel doit statuer dans un délai de quinze jours à compter de la saisine de la Cour.
C’est le Premier président de la Cour qui exerce le pouvoir de récusation des magistrats
dans les même conditions que celles qui sont prévues par le CPC au profit du Premier
président des cours d’appel.
b. La procédure
La requête en appel doit être déposée dans un délai de trente jours à compter de la
notification du jugement de première instance ; c’est un délai identique qui doit être
respecté pour l’appel des ordonnances du Président du tribunal administratif.
676
Le fondement juridique du contentieux administratif
L’appel est reçu au greffe du tribunal qui a rendu le jugement. La requête écrite doit
être signée par un avocat ; toutefois le recours à l’avocat n’est que facultatif si l’appel est
interjeté par l’Etat ou une administration publique.
La requête et les pièces qui l’accompagnent sont transmises au greffe de la Cour d’appel
compétente dans un délai de quinze jours à compter du dépôt de la requête au greffe du
tribunal administratif. L’affaire est suivie par un conseiller rapporteur désigné par le Premier
président. L’appel est dispensé du paiement de la taxe judiciaire. Les difficultés qui pourraient
apparaître en ce qui concerne la compétence matérielle de la Cour d’appel sont traitées par la
Cour de Cassation qui tranche la question et désigne la juridiction compétente comme elle le
fait en ce qui concerne les questions de compétence des tribunaux administratifs.
L’appel contre les décisions du tribunal administratif ordonnant le sursis à exécution
d’une décision administrative n’a pas d’effet suspensif contrairement à l’effet suspensif
de l’appel contre les jugements rendu en première instance par ce tribunal. Mais la Cour
d’appel administrative doit statuer dans un délai de soixante jours sur la requête d’appel
relative au sursis à exécution d’une décision administrative.
Lorsqu’elles sont rendues par défaut les décisions des Cours d’appel sont susceptibles
d’opposition.
L’exécution des décisions des Cours d’appel administratives relève du tribunal
administratif qui a rendu en première instance la décision dont il a été interjeté appel.
Enfin les décisions rendues en appel peuvent faire l’objet d’un recours en cassation
devant la Cour de Cassation. Il existait toutefois deux exceptions concernant les décisions
rendues en matière électorale et l’appréciation de la légalité d’une décision administrative
par voie d’exception. Ces particularités se justifiaient par la nécessité de trancher
rapidement des litiges relatifs à des situations auxquelles il convenait de trouver une
solution aussi rapidement que possible. Dans le premier cas il fallait que la situation de
l’élu soir réglée rapidement afin qu’il puisse le cas échéant siéger dans le conseil auquel il
avait été élu. Et dans le second il convenait que l’affaire puisse reprendre son cours normal
devant la juridiction saisie au principal. Mais la loi 46-08 du 18 février 2009 a supprimé
l’exception concernant les décisions rendues en matière électorale ;cette suppression peut
sans doute s’expliquer par une raison de fond à savoir que désormais l’existence d’un
troisième degré de juridiction, le recours en cassation,constitue un principe général du
droit. Le recours en cassation est naturellement lui aussi soumis aux dispositions du code
de procédure civile qui régissent ce recours.
Lorsqu’elle prononce la cassation d’un arrêt rendu dans une instance en annulation,la
Cour de Cassation peut évoquer l’affaire et statuer si celle-ci est en état d’être jugée. Dans
le cas contraire elle renvoie devant une autre juridiction de même niveau, ou devant la
même juridiction autrement composée.
677
Droit administratif marocain
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Le fondement juridique du contentieux administratif
A. Le droit commun
Les affaires relevant du contentieux administratif (cf. chapitre II) sont normalement
portées en première instance devant le tribunal administratif. L’art. 8 de la loi instituant les
tribunaux administratifs donne une liste des domaines de compétence de ces juridictions :
recours pour excès de pouvoir, actions en responsabilité, litiges relatifs aux contrats
administratifs, aux pensions, aux élections, aux expropriations, à la fiscalité et à la fonction
publique. Cette liste ne doit pas être considérée comme limitative. Bien qu’elle soit très
complète, elle ne peut être qu’indicative sans quoi on reviendrait sur le caractère de droit
commun de la compétence reconnue auparavant aux tribunaux de première instance
en matière administrative et on admettrait qu’il peut y avoir des secteurs pour lesquels
679
Droit administratif marocain
B. Les exceptions
Cette construction simple se trouve affectée de deux modifications l’une au profit du
tribunal administratif de Rabat, l’autre au profit de la Cour de cassation.
(13) La loi du 24/11/2000 (B.O. 2000, p. 1143) ajoute à cette liste les litiges relatifs au capital décès des personnels et
des fonctionnaires des deux chambres du parlement.
680
Le fondement juridique du contentieux administratif
681
Chapitre II
Le domaine du contentieux administratif
Tous les textes passés utilisaient l’expression “en matière administrative” pour
déterminer les hypothèses de compétence tant des juridictions de droit commun
que de la chambre administrative de la Cour suprême. En présence d’un litige, les
tribunaux devaient donc se demander s’ils étaient ou non en matière administrative,
car cela entraînait une série de conséquences : incompétence du tribunal communal ou
d’arrondissement, limitation de la compétence des tribunaux de première instance qui
ne pouvaient entraver l’action de l’administration ni annuler ses actes, communication
au ministère public, utilisation d’une procédure écrite, et surtout, application d’un droit
particulier : le droit administratif. Il importait donc, au plus haut point, de circonscrire
la matière administrative, de déterminer le domaine de ce contentieux administratif. On
aurait souhaité avoir sur ce point une réponse simple, claire. On aurait aimé dire, par
exemple que l’on est en matière administrative chaque fois que l’administration est partie
au procès et uniquement quand elle l’est. Les choses furent hélas plus compliquées ! La
nationalité des magistrats, dans un premier temps, leur formation ensuite, puis une certaine
logique découlant du système juridique ont fait que la jurisprudence marocaine a admis
dans ses grandes lignes comme critères de la matière administrative ceux qui sont utilisés
en France pour opérer la distinction entre la compétence des tribunaux administratifs et
la compétence des tribunaux judiciaires. A quelques réserves près, en effet, en France,
on peut admettre que se superposent le domaine du droit administratif et le domaine de
la compétence des tribunaux administratifs. Les tribunaux judiciaires appliquent le droit
privé et les juridictions administratives le droit public, de sorte qu’en principe, les règles de
détermination des compétences coïncident avec les règles déterminant le droit applicable.
Par conséquent, les juges chérifiens ont été assez naturellement amenés à transposer au
seul problème qui leur était posé, celui du droit applicable, les règles qui étaient utilisées
en France pour résoudre le double problème de la compétence et du droit applicable.
Ces règles ne sont malheureusement pas simples, on peut même dire qu’elles sont d’une
extrême complexité. Elles ont fait l’objet, dans les ouvrages de droit administratif français,
d’études savantes, ardues, toujours longues et quelquefois contradictoires qui ont d’ailleurs
Droit administratif marocain
nourri les réquisitoires régulièrement argumentés de ceux qui sont hostiles à la dualité de
juridiction.
La création des tribunaux administratifs a bien entendu apporté une dimension nouvelle
à la question sans bouleverser, nous semble-t-il, les règles antérieurement dégagées.
Désormais, le problème du droit applicable et celui de la juridiction compétente
se trouvent, comme dans le modèle français, indissociables. Lorsque les tribunaux
administratifs sont compétents en vertu de l’art. 8 de la loi les instituant, ils appliquent le
droit administratif et réciproquement, lorsqu’il y a lieu à appliquer le droit administratif,
ce sont ces nouvelles juridictions qui sont compétentes. C’est ce qu’entend le législateur
en parlant de compétence « en raison de la matière ».
Sous réserve de quelques points particuliers réglés par les nouveaux textes et des
interprétations qu’ en a donné la Cour suprême, les règles dégagées jusqu’ici par la
jurisprudence ont continué à s’appliquer, la volonté affichée par le législateur semblant
être davantage de les conforter que de les contredire. Le rôle régulateur de la Cour
suprême a d’ailleurs été renforcé par la procédure de répartition des compétences qui
permet de circonscrire le domaine du contentieux administratif.
Section I
La délimitation du domaine du contentieux administratif
684
Le domaine du contentieux administratif
compétence est porté devant la Cour suprême. Enfin, on évoquera qu’une situation un peu
curieuse risque de se produire, en cas de conflit négatif : si appel n’est pas formé d’une
décision d’incompétence rendue par exemple par le tribunal ordinaire, que le litige soit
porté devant le tribunal administratif, que celui-ci se déclare à son tour incompétent, appel
devra être fait de sa décision si l’on veut trouver un juge. La Cour suprême, si elle estime
que c’est la décision de la seconde juridiction qui est la bonne, devra nécessairement
réformer la décision de la première juridiction, dont pourtant elle n’est pas saisie et qui est
devenue définitive. Elle n’hésitera certainement pas à le faire dans le souci d’une bonne
justice car c’est elle qui est chargée de faire respecter le partage des compétences entres
les deux ordres de juridictions. La volonté du législateur est manifestement d’obtenir un
règlement rapide des conflits de compétence et d’accorder tout pouvoir à la Cour suprême
pour jouer son rôle de régulateur. Il s’agit là du dernier aspect subsistant de l’unité de
juridiction qui n’est certainement pas le moindre. Aucune mention n’est faite d’un rôle
particulier de la Chambre administrative et le recours au jugement en chambres réunies
semble particulièrement opportun en la matière.
Sur le fond, on peut penser que la Cour de cassation maintiendra, pour régler ces conflits
de compétence, les lignes directrices suivies jusqu’alors pour déterminer les contours de
la « matière administrative » dans l’état antérieur de l’organisation juridictionnelle et qui
s’articulaient autour de la notion de service public.
Section II
Le critère du service public et ses limites
Après avoir adopté successivement un critère fondé sur l’auteur de l’acte administratif
attaqué, puis sur la distinction des actes d’autorité et des actes de gestion, la jurisprudence
française s’est attachée, depuis l’arrêt Blanco de 1873, au critère dit du service public.
Celui-ci part de la constatation que l’action de l’administration a pour but essentiel
d’assurer le fonctionnement des services publics, c’est-à-dire les activités d’intérêt général
que l’administration a prises en charge en raison de l’insuffisance ou de l’inopportunité
de l’initiative privée. C’est parce qu’elle fait face à ces tâches d’intérêt général que
l’administration doit bénéficier d’un certain nombre de prérogatives et par conséquent
des privilèges que lui reconnaît le droit administratif. Si, au contraire, l’administration
n’agit pas en vue du fonctionnement d’un service public, si elle n’a pas d’activité d’intérêt
général, il n’y a aucune raison de la faire bénéficier des privilèges du droit administratif et
elle sera alors traitée comme un particulier et soumise au droit privé. On admettra donc,
à titre de ligne directrice, que l’on est en matière administrative quand l’administration
agit dans le cadre d’une mission de service public. En présence d’un litige donné, il
685
Droit administratif marocain
686
Le domaine du contentieux administratif
du personnel. Bien entendu, elle n’est pas toujours libre de le faire et nous renvoyons sur
ce point au problème étudié à propos des contrats administratifs. Il n’en reste pas moins
que, très fréquemment, pour éviter la lourdeur des procédures administratives, pour éviter
des engagements trop complexes, les services administratifs auront recours aux techniques
contractuelles plus simples du droit privé. Dans ce cas là, les litiges qui surviendront
à l’occasion de l’exécution de ces contrats seront jugés par les tribunaux ordinaires,
conformément aux règles du droit privé et selon les règles du code de procédure civile
applicables devant ces juridictions.
Les dispositions de l’art. 8 de la loi instituant les tribunaux administratifs qui leur donne
compétence pour trancher les litiges relatifs « aux contrats administratifs » confirment
cette analyse et ne devraient pas modifier la jurisprudence exposée.
Il convient donc, lorsqu’un litige naît à propos de l’exécution d’un contrat conclu
par l’administration de rechercher si celle-ci a entendu se placer sur le terrain du droit
administratif ou sur le terrain du droit privé. On aura, pour cela, recours à une analyse
des termes mêmes du contrat en s’attachant en particulier à la recherche de clauses
exorbitantes manifestant la volonté de l’administration de faire usage de ses privilèges
ou encore on recherchera si le contrat organise la participation directe du cocontractant à
l’exécution du service public auquel cas il aura un caractère essentiel pour la marche de ce
service et on lui reconnaîtra également le caractère administratif. La distinction s’applique
en particulier aux contrats de recrutement du personnel et la jurisprudence de la Cour
suprême est sans équivoque sur ce point (C.S.A., Mamour Belgacem, R., p. 20, ou encore,
C.S.A. 30 avril 1959, Ahmed Cherkaoui, R., p. 45, v. supra, 1ère partie). Il faut cependant
rappeler la jurisprudence de la Cour de cassation qui admet le recours pour excès de
pouvoir contre les décisions unilatérales des autorités administratives (licenciement,
sanction), même si elles s’appliquent à des agents recrutés par contrat de droit privé
(C.S.A. 25 novembre 1966, Abassi Abdelaziz et 26 janvier 1977, Baddaoui Mohamed,
R.J.P.E.M., 1978, n° 4).
On signalera toutefois une décision du tribunal administratif de Rabat qui prend une
orientation différente : il accueille en effet un recours en annulation contre la décision de
mutation d’un agent prise par le directeur général de la Caisse nationale de crédit agricole
en estimant qu’il s’agit d’une décision émanant d’une autorité administrative ; mais il
refuse de statuer sur la régularité de la décision de licenciement prise par la même autorité
pour sanctionner la même personne qui avait refusé de rejoindre son poste, en estimant
qu’elle disposait d’un recours parallèle devant le juge ordinaire « pour réclamer ses droits
dans le cadre du contentieux du travail » (TA Rabat, 19 mars 1998, Dahani, REMALD,
n° 24, 1998, p. 139 note M.A. Benabdallah et note M. Antari, p. 147).
687
Droit administratif marocain
688
Le domaine du contentieux administratif
public, article 79 du D.O.C., et non celles du droit privé, article 88 du même D.O.C. à un
accident causé par un train à un tiers sur un passage à niveau. La Cour se fonde sur le fait
que les chemins de fer constituent un service public sans s’attacher à la gestion privée de
l’ONCF. Il est difficile de préciser la portée de cette jurisprudence qui remet en cause une
des caractéristiques fondamentales des établissements publics industriels et commerciaux.
Ici encore, par conséquent, en cas de litige il y aura lieu de saisir les tribunaux
ordinaires. Ce n’est que très exceptionnellement, si ces services bénéficient pour une
opération déterminée, de prérogatives de puissance publique comme le droit d’exproprier
pour la réalisation de leurs infrastructures, qu’ils seront soumis aux règles du droit
administratif.
Reste naturellement, ici encore, le problème de savoir à quoi on reconnaît qu’un
service est industriel ou commercial et non pas administratif. Sur ce point aussi, les
développements dans les ouvrages de droit administratif français sont suffisamment
abondants et exhaustifs pour qu’il ne soit pas nécessaire de les reprendre, la jurisprudence
marocaine ne présentant pas de singularité sur ce point. Retenons donc seulement que
pour qu’un service soit qualifié d’industriel ou commercial, deux conditions doivent
être remplies : il faut d’abord que son activité soit par elle-même une activité de type
économique, qu’il fournisse des prestations, qu’il vende un produit ou fournisse un service
et il faut, d’autre part, que l’organisation de ce service soit comparable à celle d’une
entreprise privée, c’est-à-dire qu’il ne bénéficie pas de privilèges qui l’en distingueraient
radicalement telle qu’une obligation faite aux administrés d’utiliser ces services ou qu’un
financement direct ou indirect par des deniers publics.
689
Droit administratif marocain
690
Le domaine du contentieux administratif
en revanche les actes qui ne se rattachent pas à la mission de service public demeurent
des actes privés : CSA, Ligue Sud de foot-ball c/Mouloudia club de Marrakech, 5/1/1996
(REMALD, n° 25, 1998, p. 129 et notre note).
On peut aussi indiquer que les ordres professionnels sont également chargés de statuer
en matière disciplinaire et d’infliger des sanctions. On a pendant longtemps estimé que,
dans ce cas, ils se comportaient comme des juridictions administratives spéciales, leurs
actes étant des décisions juridictionnelles susceptibles du recours en cassation.
Cette opinion s’appuyait d’ailleurs sur des décisions de la Cour suprême, elle est
aujourd’hui renversée par les dispositions formelles de création de certains ordres qui
précisent expressément que les décisions disciplinaires prises par les conseils sont
susceptibles d’annulation par la juridiction compétente en matière d’excès de pouvoir (voir
infra, p. 709).
691
Droit administratif marocain
notion de service public, à quoi sert l’idée de service public, puisqu’elle n’implique en
aucune manière le recours au droit administratif. Il reste cependant un îlot de survivance
du droit administratif qui est extrêmement important : c’est le contrat de concession, le
contrat de participation public-privé ou la convention de délégation de service public et le
cahier des charges qui règlent les relations entre l’autorité administrative et le gestionnaire
du service. Ce contrat est nécessairement un contrat administratif et c’est lui qui constitue
en quelque sorte la charte du service, qui prévoit la manière dont le service sera assuré,
la situation des usagers, les tarifs, etc. et tout litige entre l’administration concédante et le
concessionnaire sera nécessairement réglé par les tribunaux administratifs ou par arbitrage
si une disposition expresse le permet. Ainsi donc la vie quotidienne de ces services sera
soumise au droit privé, mais les grands problèmes, les questions majeures relèveront du
droit administratif : C.S.A. Sté Transportes colectivos de Tanger, 22/4/1963, R., p. 263.
Les solutions retenues sont donc ainsi passablement complexes et on est bien loin
de la position que sembleraient suggérer les textes si on les interprétait strictement
et qui amènerait à admettre que l’on est en matière administrative dès l’instant que
l’administration est partie au litige. En réalité, il y a bien des litiges où l’administration
est partie et qui sont, cependant, « en matière civile », et il y a également des litiges « en
matière administrative » bien que l’administration ne soit pas partie. Cela tient au fait
que l’on s’attache essentiellement à l’activité de service public doté de prérogatives de
puissance publique pour déterminer le champ d’application du droit administratif. Mais
cette idée générale souffre elle-même encore des exceptions.
Section III
Les exceptions au critère du service public
692
Le domaine du contentieux administratif
4 décembre 1958, Consorts Félix, R., p. 164). C’est donc un acte qui, bien qu’émanant
de l’administration, est si grossièrement irrégulier qu’il en est dénaturé, qu’il en perd
son caractère administratif (C.A. Rabat, 25/4/1964, Directeur de la marine marchande c/
Antonio Cardenas, R.A.C.A.M., 1965, p. 416). La Cour suprême confirme régulièrement
sa jurisprudence sur ce point (C.S.A. n° 345 du 4 août 1978, en arabe, non publié, rapporté
dans la thèse de Antari M’hamed).
L’intérêt de cette théorie de la voie de fait se situait essentiellement au niveau des
pouvoirs du juge. En présence d’une voie de fait, on considère que l’administration s’étant
placée hors du droit perd l’ensemble de ses privilèges, qu’elle doit être considérée comme
un simple particulier, et que par conséquent, les tribunaux ne devaient plus statuer en
matière administrative mais en matière civile. De ce fait, les restrictions qui s’imposaient
à la juridiction lorsqu’elle jugeait en matière administrative, en particulier l’interdiction
d’entraver l’action de l’administration, l’interdiction de lui donner des injonctions, ne
trouvent plus à s’appliquer et par conséquent, le tribunal pouvait notamment être saisi
par la procédure du référé et ordonner toute mesure qu’il ordonnerait vis-à-vis d’un
particulier (1). Il convient de souligner que malgré l’invitation qui leur était faite par la
Cour suprême dans l’arrêt Consorts Félix précité, les tribunaux ne semblaient pas vouloir
utiliser imprudemment la possibilité qui leur était ainsi offerte (voir C.A. de Rabat,
24/7/1962, ville de Marrakech c/Salah Ben Salek, R.A.C.A.M., 1962, p. 402).
L’existence de la voie de fait suppose la réunion d’un certain nombre d’éléments ; la
voie de fait consiste en une atteinte grave à un droit ou à une liberté fondamentale : droit
de propriété, liberté d’aller et venir, intégrité de la personne, etc. Cette atteinte ne doit pas
pouvoir se fonder sur un des pouvoirs reconnus à l’administration. Dès qu’il existe une
apparence de régularité, un début de procédure, il n’y a plus voie de fait mais seulement
irrégularité et on se retrouve en matière administrative. Il en est de même en période
de circonstances exceptionnelles, il n’y aura donc voie de fait que si l’on se trouve en
présence d’une irrégularité flagrante, manifeste, aisément perceptible même pour un non
initié portant atteinte à la liberté ou à la propriété
Il n’est pas certain que cette notion de voie de fait conserve avec la réforme
du contentieux administratif un très grand intérêt. En effet les nouveaux tribunaux
administratifs aux pouvoirs sensiblement élargis par rapport aux tribunaux ordinaires
statuant en matière administrative, ont la possibilité, s’ils le veulent, de garantir les droits
des administrés aussi bien que le faisaient les tribunaux ordinaires. La Cour suprême a été
(1) Il peut ordonner à l’administration de faire cesser le trouble : T.I. de Casablanca, Veuve Guisez, 9/12/1953, R.M.D.,
1954, p. 82 ; assortir d’une astreinte l’exécution de sa décision : C.A. de Rabat, Messina, 25/3/1949, R.M.D., 1950,
p. 73. Cf. Ouazzani-Chahdi (H.), « La voie de fait administrative et la compétence du juge des référés », R.M.D., 1985,
n° 3, p. 157-176.
693
Droit administratif marocain
bien avisée de faire disparaître cette survivance qui complique inutilement un système déjà
suffisamment complexe, en reconnaissant au tribunal administratif les pouvoirs qu’exerçait
jusqu’alors le juge ordinaire et cela d’autant plus qu’il peut être saisi en référé pour obtenir
la cessation de la voie de fait.
Après quelques hésitations la Haute juridiction a jugé que la loi 41-90 a transféré aux
tribunaux administratifs la compétence en matière de réparation des dommages causés
par les actes et activités des personnes de droit public, y compris les dommages résultant
d’une voie de fait, et qu’elle a également transféré au président de ces juridictions les
attributions du président du tribunal de Première instance en matière de référé ; le président
du tribunal administratif peut donc être saisi en référé d’une demande tendant à faire cesser
le comportement de l’administration constitutif d’une voie de fait après en avoir constaté
l’existence ; enfin le tribunal pourra également réparer les conséquences dommageables de
la voie de fait : CSA, Ammouri Hafid, 20 mai 1996 (2).
Naturellement il faut que le juge accepte de reconnaître l’existence de la voie de fait,
ce qui n’est pas toujours le cas (3).
Le droit français connaît une notion généralement rapprochée de la voie de fait et
dont les conséquences sont voisines sur le plan du droit applicable, celle de l’emprise.
On désigne ainsi les atteintes à la propriété immobilière. La tradition juridique française
veut que les tribunaux judiciaires soient les gardiens de la propriété immobilière et que
par conséquent tous les actes de l’administration qui aboutissent à une dépossession en
matière immobilière relèvent de la compétence de ces tribunaux et par conséquent soient
soumis aux règles du droit civil. C’est là une dérogation qui est fondée sur le fait que la
propriété paraissait comme un des droits essentiels et qu’à l’époque où n’existaient pas de
juridictions administratives mais seulement les tribunaux judiciaires, il était souhaitable
que soit instaurée une protection de cette propriété que seules ces juridictions étaient par
conséquent à même d’assurer. Il a semblé que cette justification n’avait pas de raison d’être
au Maroc du fait même de l’unité de juridiction ; c’est pourquoi la théorie de l’emprise
n’existe pas et c’est là une différence sensible avec le droit français. Par conséquent,
lorsque les actes de l’administration portent atteinte à la propriété immobilière, ils ne
suivent pas un régime différent des autres actes de l’administration et, en particulier, si un
dommage est causé du fait d’une atteinte à la propriété immobilière, le litige qui en résulte
(2) « Consécration et évolution de la notion de voie de fait dans le contentieux administratif marocain », RJPIC, n° 1,
1997, p. 12 ; M.A. Benabdallah, « La voie de fait et le droit », REMALD, n° 14-15, 1996, p. 45 ; P. Jafar Hassoun,
« A propos de la voie de fait », REMALD, n° 16, 1996, p. 69.
(3) Voir par exemple la décision de la Cour suprême, CSA 30-12-19, Inspection générale des Forces auxiliaires c/
Bousfir et la note M. Rousset et M.A. Benabdallah, « De l’inviolabilité du domicile et de la voie de fait aux yeux de
la Cour suprême », REMALD, n° 35, 2000, p. 149.
694
Le domaine du contentieux administratif
est jugé en matière administrative. Ainsi en décide la Cour suprême (4 décembre 1958,
Consorts Félix, précité) :
« Attendu que l’organisation judiciaire du Royaume du Maroc comporte un ordre
unique de juridictions compétentes à la fois en matière civile et en matière administrative ;
que l’article 8, premier alinéa du dahir du 12 août 1913, comprend au nombre des
instances relevant de cette dernière matière celles qui tendent à faire déclarer débitrices
les administrations publiques notamment de tous actes de leur part ayant porté préjudice
à autrui ; que ces dispositions ne comportent aucune exception ni réserve et que dès lors
toute action en responsabilité dirigée contre l’Etat, y compris celle qui serait fondée sur
une emprise, ressortit au contentieux administratif… »
Le tribunal de Casablanca applique le même raisonnement à une action en responsabilité
pour refus de paiement d’une indemnité d’expropriation et considère qu’elle doit être
fondée sur l’art. 79 du D.O.C. et relever ainsi du contentieux administratif bien que
l’expropriation (prononcé du transfert de propriété et fixation de l’indemnité) soit confiée
au juge statuant en matière civile (C.A. Rabat, 20/12/1962, Olivier, G.T.M., 1963, p. 34).
L’intérêt de cette jurisprudence ne s’est évidemment pas trouvé démenti par la création
des tribunaux administratifs puisque l’art. 8 de la loi leur donne expressément compétence
pour connaître des litiges nés à l’occasion de l’application du droit d’exproprier.
La lecture du rapport de la Cour des comptes relatif à l’évaluation de la gestion
du contentieux de l’Etat publié en 2015, ne peut manquer de provoquer plus que de
la surprise, de la stupeur (Synthèse publiée à la REMALD, n° 125, 2015, p. 281). On
apprend en effet « qu’en l’absence de la programmation et de la détermination précise des
besoins de l’Etat en foncier, l’administration procède à la réquisition de propriétés d’autrui
pour l’implantation de ses projets. Or cette mainmise se fait par voie de fait en dehors de
la procédure d’acquisition amiable ou de la procédure d’expropriation prévues par la loi.
Cette pratique engendre de nombreux cas de contentieux et de jugements à l’encontre de
l’Etat portant sur des montants considérables qui pénalisent sa trésorerie ». L’Etat subit
ainsi un préjudice considérable par la faute de ses propres agents faute particulièrement
grave dont on pourrait penser qu’elle constitue une véritable faute personnelle ! L’Etat
serait en droit de mettre en cause la responsabilité personnelle de ces agents.
695
Droit administratif marocain
l’unité de juridiction, les difficultés n’étaient pas trop grandes encore que réelles. Elles
se seraient accrues avec la dualité de juridiction et l’on aurait pu aboutir à des situations
choquantes du fait par exemple d’une meilleure indemnisation du piéton renversé par une
voiture civile que celle du piéton victime d’une automobile de l’administration ou du fait
d’une contrariété de décisions en cas de pluralité de véhicules impliqués dans le même
accident. Il convenait donc de prévenir ces inconvénients.
Le législateur était intervenu déjà pour permettre de joindre l’action civile dirigée
contre l’administration à l’action pénale dirigée contre l’agent devant le tribunal répressif
(art. 9, al. 2 du Code de procédure pénale, rédaction Dh. 18 septembre 1962) (4).
La loi instituant les tribunaux administratifs a exclu de leur compétence les actions
dirigées contre les administrations en réparation des dommages causés par leurs véhicules.
Ceci implique donc la compétence des juridictions de droit commun civiles ou répressives.
Mais cette disposition n’ira pas sans soulever quelques difficultés sur lesquelles la Cour de
Cassation devra prendre position. Tout d’abord, le droit applicable devra être déterminé.
Il apparaît évident que le droit privé devra s’appliquer bien que la loi n’en dise rien, mais
toute autre solution serait aberrante car elle contredirait la spécialisation des juges et irait
à l’encontre de la simplification recherchée. Ce sont donc les règles de la responsabilité
civile qui s’appliquent à l’administration et non celle de la responsabilité administrative.
Dans ces conditions, appliquera-t-on la déchéance quadriennale, les règles du forfait de
pension, si la victime est un agent public ? La notion du “véhicule quelconque” devra
aussi être circonscrite. S’il va de soi qu’elle couvre les automobiles, les camions, les
tracteurs, faut-il l’étendre aux engins de travaux publics, aux remorques, aux brouettes qui
sont aujourd’hui automobiles ? Il semble qu’il faille réserver la qualification de véhicule
aux engins susceptibles de se déplacer de façon autonome. La précision apportée par le
législateur sur le lieu du dommage qui doit avoir été causé sur la voie publique, exclut
les bateaux, avions, ascenseurs, dragues, etc. ainsi que les dommages survenus lors de
manœuvres dans des cours de casernes, terrains de manœuvres, etc.
(4) Pour l’examen de cette situation, cf. nos éditions antérieures, p. 537-538.
696
Le domaine du contentieux administratif
(5) Cf. Bourely (M.), Droit public marocain, Éd. La Porte, Rabat, p. 125 et suiv.
Le dahir portant loi du 10 avril 1973 (B.O. 1973, p. 733) qui permettait dans certains cas la dissolution par décret a été
abrogé par la nouvelle loi, cf. la 5e édition, p. 572.
697
Droit administratif marocain
De même tous les litiges concernant le domaine public font partie de la « matière
administrative », en particulier le problème de savoir si un bien appartenant à
l’administration fait ou non partie du domaine public.
Au total, on le voit, la détermination de la matière administrative ne manque pas d’être
fort complexe. Encore s’est-on volontairement tenu à la simple détermination des règles
très générales et aux indications fournies par la jurisprudence marocaine sur les difficultés
qui présentent quelque originalité par rapport aux solutions françaises ; mais la solution
d’aucun problème tant soit peu complexe ne pourra être trouvée sans avoir recours aux
nombreux développements consacrés à la matière dans les ouvrages français. Mais les
transpositions qui ne sont pas des imitations, doivent toujours se faire avec prudence
compte tenu des caractéristiques de chaque système et de leur évolution séparée.
Section IV
Le règlement des situations complexes
Il est fréquent qu’un litige soulève à la fois des questions de droit privé et de droit
public dont la solution est nécessaire au règlement du litige. Ainsi telle personne poursuivie
devant le tribunal répressif pour infraction à un règlement administratif contestera la
légalité du texte qu’on lui oppose. Inversement, à l’occasion d’un litige électoral, le
requérant mettra en doute la nationalité de l’élu. On opposera la notion de plénitude de
juridiction du juge saisi qui lui permettrait de résoudre tous les éléments du litige à celle
de spécialisation qui conduit à faire respecter la compétence des diverses juridictions, y
compris sur des questions incidentes. La première option favorise la solution rapide des
litiges mais risque notamment de paralyser l’application des décisions administratives
si toutes les juridictions peuvent apprécier leur légalité et refuser par conséquent de les
appliquer. La seconde entraîne des renvois et risque de retarder la solution des litiges s’il
faut pour chaque problème interroger le juge normalement compétent.
Les solutions apportées à ce problème ont connu une évolution.
698
Le domaine du contentieux administratif
annulation des décisions administratives, les tribunaux ont estimé que chaque fois que
c’était nécessaire, ils pouvaient apprécier la légalité des actes administratifs. Leur position
était tout à fait générale et fort simple. En effet, il n’existait aucune possibilité de critique
de ces actes administratifs sur le plan contentieux et on considérait comme une garantie
élémentaire que les tribunaux exercent ce contrôle très indirect qu’est le refus d’application
d’un acte illégal. Leur mission est de régler les litiges sur la base du droit et ils ne peuvent
le faire s’ils appliquent des actes dont l’irrégularité est certaine (6).
La création du recours pour excès de pouvoir pouvait renforcer au contraire
l’argumentation tendant à restreindre le pouvoir des tribunaux ordinaires. On pouvait,
en effet, soutenir que le requérant disposant désormais du moyen de faire annuler l’acte
irrégulier par la Cour suprême devait utiliser la technique du recours en annulation et, faute
de l’avoir fait, il ne pouvait ensuite se plaindre à l’occasion d’un autre litige de l’irrégularité
de cette décision. Cette argumentation ne manque pas de poids, mais sur le plan pratique
elle pourrait être considérée comme un peu hypocrite en raison des délais très brefs qui
s’attachent au recours en annulation. On imagine mal un automobiliste constamment en
éveil pour introduire des recours contre tous les arrêtés d’interdiction de stationnement
pris dans toutes les villes du Royaume ; ce n’est en fait que le jour où on tentera de
lui appliquer l’acte, qu’il s’apercevra de son existence et qu’il envisagera peut-être de
critiquer sa régularité. Aussi bien la Cour suprême a-t-elle confirmé, par une série d’arrêts,
les jurisprudences antérieures et le pouvoir d’appréciation des tribunaux ordinaires en ce
qui concerne la légalité des actes administratifs (Cour suprême, 13 avril 1961, Borromet,
R., p. 110 ; 18 mai 1961, Benzaki, R. p. 131 ; 21 décembre 1961, Magro, R.M.D., 1962,
p. 688, R., p. 225). Les termes employés sont sans équivoque : « Si le 5e alinéa du même
art. 8 interdit à ces juridictions de connaître toute demande tendant à faire annuler un acte
d’une administration publique, aucune disposition législative ne s’oppose à ce que ces
juridictions apprécient la légalité d’un tel acte lorsque cette appréciation est nécessaire à
la détermination de la responsabilité de l’Etat ou de l’administration. » Les remarquables
conclusions du procureur général Zarrouck donnent toute leur portée aux termes employés
par la Cour suprême (R., p. 115 et suiv.).
De même, elle a admis, au moins “a contrario”, que l’on puisse exciper de l’illégalité
d’un acte réglementaire devenu définitif à l’occasion de ses applications individuelles :
C.S.A. 21/12/1965, Embarek Ben Brahim, R., p. 14 ; cette possibilité reconnue à l’auteur
d’un recours en annulation, peut évidemment être transposée au recours en indemnité.
La question aurait pu paraître définitivement tranchée si une décision ultérieure n’était
venue restreindre cette jurisprudence en ce qui concerne les tribunaux répressifs. Il s’agit
(6) Laubadère (A. de) « Le contrôle de la légalité des actes administratifs par les tribunaux judiciaires du Maroc »,
G.T.M., 1943, p. 122.
699
Droit administratif marocain
de l’arrêt rendu par la Cour suprême, section pénale, le 25 novembre 1965, dit affaire
Mas (7).
Le Code de la presse prévoit que les périodiques étrangers ne peuvent paraître qu’en
vertu d’une autorisation donnée par décret. Conformément à cette réglementation, le
directeur d’un journal avait sollicité cette autorisation, mais le gouvernement de l’époque,
préférant ne pas prendre position, s’était contenté de lui adresser une simple lettre signée
du président du conseil, l’autorisant provisoirement à faire paraître son journal. A n’en
point douter, cette lettre ne constituait pas un décret, mais les choses en restèrent là et le
décret prévu n’intervint jamais, non plus d’ailleurs, qu’un refus d’autorisation. A la suite
de poursuites engagées sur l’initiative du Syndicat National de la Presse Marocaine, les
juridictions répressives furent saisies et amenées à se prononcer sur l’existence d’une
infraction au code de la presse. Le problème se posait en termes clairs : si le propriétaire
du journal avait l’autorisation requise par les textes, il n’y avait pas d’infraction et s’il ne
l’avait pas, au contraire l’infraction était patente. Or, il ne pouvait présenter que cette lettre
émanant du président du conseil. Les tribunaux pouvaient-ils dire que cette autorisation
était irrégulière ? La jurisprudence antérieure semblait leur accorder ce pouvoir, d’autant
plus que la question ne soulevait pas de bien grandes difficultés. Tel ne fut pas, cependant,
l’avis de la Cour suprême, qui, dépassant même le problème qui lui était posé statue en
termes particulièrement catégoriques :
« Attendu que s’il est constant que le juge saisi d’un procès est compétent pour statuer
sur les moyens soulevés à cette occasion, cette règle ne s’applique pas lorsque se pose au
juge une question préalable qui n’est pas de sa compétence, selon la législation en vigueur.
Attendu que si les dispositions du paragraphe 11 de l’article 609 du Code pénal
permettent au juge répressif d’apprécier la légalité des décrets et des arrêtés pris en matière
contraventionnelle, le champ d’application de ces dispositions ne doit pas excéder les
limites fixées par la loi ; qu’en conséquence, le juge répressif ne peut pas se permettre
d’apprécier la légalité des décrets et arrêtés pris dans des matières non contraventionnelles
qui ne rentrent pas dans les prévisions de l’article 609, paragraphe 11 susvisé. » Et la Cour
estima que les juridictions répressives n’avaient pas le pouvoir de décider que le propriétaire
du journal n’avait pas obtenu l’autorisation préalable par décret en appréciant la portée de
la lettre du président du conseil. La règle posée apparaît donc, au moins en matière pénale,
comme très générale et constitue un revirement sensible. Cependant, d’après l’arrêt lui-
même, la règle comporte une limite : celle des contraventions de deuxième classe prévues
par l’article 609-11e du Code pénal qui punit d’une amende de 5 à 60 dirhams « ceux qui
contreviennent aux décrets et arrêtés légalement pris par l’autorité administrative, lorsque
(7) Cf. Rousset (M.), « Développement récent de l’exception d’illégalité au Maroc », Revue juridique et politique,
indépendance et coopération, juillet-septembre 1966, p. 379 et suiv.
700
Le domaine du contentieux administratif
les infractions à ces textes ne sont pas réprimées par des dispositions spéciales ». Cet
article qui donne une sanction générale aux mesures administratives sous la forme d’une
contravention, indique très précisément que cette sanction ne s’applique que si ces actes
ont été légalement faits. On peut donc considérer qu’il y a là une véritable invitation
faite par le législateur au juge pénal de vérifier la légalité des actes auxquels s’attache
la peine d’amende. Le contrevenant pourra donc toujours invoquer l’illégalité de l’acte
et le juge répressif devra vérifier cette légalité avant de le condamner. Mais en dehors
de cette hypothèse, très limitée, le juge répressif se voyait interdire par la Cour suprême
l’appréciation de la légalité des actes administratifs.
Il convenait donc de distinguer les juridictions non répressives, dont le pouvoir
d’appréciation de la validité des actes administratifs était très large, des juridictions
répressives qui ne possédaient cette compétence qu’en matière de contravention.
Elles ne peuvent statuer sur la légalité d’un acte administratif. Par conséquent, si la
solution de ce problème de légalité conditionne le jugement d’une affaire (par exemple un
litige entre propriétaires voisins où est débattue la régularité d’un permis de construire),
le tribunal ordinaire doit surseoir à statuer et renvoyer la question dite préjudicielle à
la juridiction administrative. C’est celle qui serait compétente pour l’annulation de cet
acte (donc normalement tribunal administratif ou Cour de cassation pour un décret par
exemple) qui devra répondre à la question. Les parties n’auront pas à intervenir, c’est le
tribunal qui saisit lui-même la juridiction de renvoi (art. 44). Il devra attendre la réponse
de la juridiction administrative pour reprendre le cours du procès et statuer sur le fond.
Ces renvois, qui retardent évidemment la solution des litiges, n’ont lieu qu’à la double
condition qu’ils soient nécessaires à la solution du litige principal et que la contestation
soit sérieuse, c’est-à-dire que la légalité de l’acte administratif apparaisse effectivement
douteuse.
701
Droit administratif marocain
702
Chapitre III
La physionomie du contentieux administratif
Section I
Les limites du contentieux administratif
Le contentieux suppose un règlement des litiges par des juridictions. Au sens plein
du mot, il n’y a contentieux que lorsqu’il y a intervention d’un tribunal, même si au
sens courant du terme on a tendance à englober tous les procédés de solution des litiges,
voire tous les litiges, sous le terme de contentieux. Il faut donc soigneusement exclure du
contentieux les procédés non juridictionnels de règlement des litiges, mais il faut aussi
admettre, et c’est plus regrettable, qu’il existe certaines catégories d’affaires qui sont
insusceptibles d’un contentieux parce que la loi ou la tradition l’ont voulu ainsi.
704
La physionomie du contentieux administratif
(1) Cf. M. Rousset, « La protection des droits de l’Homme au Maroc : de nouveaux progrès », RJPIC, 2002, n° 2, p. 165.
705
Droit administratif marocain
la mesure est régulière. Par conséquent, le retrait d’un tel acte serait lui même irrégulier et
pourrait être annulé. Mais si l’acte est illégal, il peut être retiré quand bien même ce retrait
lèse un intérêt individuel, car, ce faisant, l’administration se contente de respecter le droit.
Elle devance, en quelque sorte, le juge et c’est en cela qu’on s’aperçoit bien que le retrait
est un procédé de règlement des litiges. L’administration se comporte comme le ferait le
juge administratif : si son acte est légal elle ne peut pas le retirer, s’il est illégal, elle le
peut. Mais il y a une condition : ce retrait ne peut avoir lieu que pendant le délai du recours
pour excès de pouvoir. Les principes en matière de retrait ont été dégagés par l’arrêt de la
Cour suprême du 9 juillet 1960, Mohammed Alem, R. 57-60, p. 141 :
« Attendu que le principe de l’intangibilité des droits acquis s’oppose à ce que les
autorités administratives rapportent des décisions, prises conformément aux lois et aux
règlements en vigueur à la date où elles sont intervenues, qui ont créé une situation
juridique au profit de leurs bénéficiaires ; que ces situations peuvent seulement, le cas
échéant, être modifiées pour l’avenir eu égard aux circonstances et selon les procédures
prévues par les lois et règlements ; qu’il ne peut être apporté d’exception à ce principe que
dans la mesure où, étant entachée d’une illégalité de nature à entraîner son annulation par
le juge de l’excès de pouvoir, une telle décision serait encore susceptible d’être déférée à
ce dernier ou lui aurait été utilement soumise, et n’aurait par suite pas pris un caractère
définitif. » Le délai pendant lequel un acte illégal peut être retiré a été fixé, compte tenu
des diverses composantes des délais du recours pour excès de pouvoir, à 180 jours, ainsi
que pendant toute la durée de l’instance si le recours pour excès de pouvoir a été introduit.
C. L’arbitrage
Il consiste pour les parties à un litige à choisir, d’un commun accord, par un acte appelé
“compromis”, une personne qui tranchera leur différend de façon définitive. L’art. 306-2e du
C.P.C. excluait expressément la possibilité de recourir à l’arbitrage à propos « des questions
intéressant l’ordre public et notamment les litiges concernant des actes ou des biens
soumis à un régime de droit public ». Il était cependant admis pour les contrats à caractère
international et pour les services à caractère industriel et commercial, ou les contrats conclus
dans les termes du droit commun (2). L’article 9 de la loi du 14 février 2006 relative à la
délégation de service public avait d’ailleurs expressément reconnu la possibilité de recourir
à l’arbitrage pour le règlement des litiges nés de son application.
(2) Il y a quelques années la Fédération des entrepreneurs de transport routier réclamait l’instauration d’une procédure
d’arbitrage comme celle qui existe à l’O.N.C.F.
Ourzik (A.), « Le contentieux des marchés publics », REMALD, n° 13, 1995, p. 27 ; Gaudemet (Y.), « L’arbitrage en
droit public au Maroc », REMALD, n° 46, 2002, p. 21.
706
La physionomie du contentieux administratif
Cette situation était l’objet de nombreuses critiques de la part de tous ceux qui militaient
pour le développement des modes alternatifs de règlement des litiges grâce notamment à
l’arbitrage qui était souhaité par les milieux d’affaires désireux de disposer d’un procédé
rapide et efficace de règlement des litiges au moment ou s’ouvraient de grands chantiers
faisant appel à de grandes entreprise nationales et étrangères. En effet l’intervention des
juridictions n’était souvent pas en mesure de donner satisfaction à ces requérants en raison
de différentes carences : lenteurs du fonctionnement des tribunaux, fiabilité douteuse sur le
plan technique dans des affaires complexes peu familières aux magistrats, faible capacité
juridique de ces derniers à sortir de l’interprétation exégétique des textes au détriment de
l’esprit de la loi et de sa nécessaire adaptation à l’évolution économique et sociale, enfin
fiabilité douteuse aussi en raison des pratiques de corruption.
Le nouvel article 310 du CPC admet désormais le principe du recours à l’arbitrage de
la part des personnes publiques à l’exception des litiges relatifs aux actes unilatéraux de
l’Etat, des collectivités locales ou autres organismes dotés de prérogatives de puissance
publique ;cette exclusion ne concerne toutefois que la remise en cause des décisions ;en
revanche l’arbitrage demeure possible pour toutes les contestations pécuniaires soulevées
par ces actes à l’exception des contestations portant sur l’application de la loi fiscale. Ces
exclusions ont pour but de protéger la fonction régalienne confiée aux autorités publiques ou
exercée par des personnes privées investies du pouvoir de les exercer. Le recours à l’arbitrage
implique la signature de conventions d’arbitrage qui peuvent être des conventions ad hoc
pour une affaire déterminée, ou des conventions pérennes pour toute une catégorie de litiges.
Le législateur a prévu diverses conditions pour la désignation des arbitres de façon à ce que
leur honorabilité et leur compétence soient à l’abri de toute contestation. La compétence
des arbitres issue des conventions d’arbitrage est protégée en ce sens que les juridictions
doivent déclarer irrecevable toute action intentée devant elles en contradiction avec une
convention d’arbitrage. Les arbitres disposent du pouvoir de décider de la procédure qui
sera suivie devant eux à la condition de respecter le principe du contradictoire et les droits
de la défense. Ils peuvent statuer sur les limites de leur compétence selon les termes de
la convention d’arbitrage ;ils disposent d’un pouvoir d’instruction et peuvent entendre des
témoins et,à la demandes des parties, prendre les mesures provisoires ou conservatoires
qu’ils estiment nécessaires ;ils jouent un rôle actif qui est proche de celui du juge dans la
procédure inquisitoire suivie devant les juridictions étatiques.
707
Droit administratif marocain
pouvoir, que ce soit pour obtenir des indemnités du fait des dommages qu’ils ont causés.
La jurisprudence française connaît bien cette catégorie d’actes sous le nom d’actes de
gouvernement (3). La jurisprudence marocaine a rarement eu l’occasion de s’y référer.
L’arrêt de la Cour suprême du 30 avril 1959 (Fédération nationale des syndicats de
transporteurs routiers du Maroc, R., p. 47) y fait allusion d’une manière qui pour être
négative n’en est pas moins caractéristique : « Enfin, cette décision n’est pas au nombre
des actes de la puissance publique qui, en raison des autorités qu’ils mettent en cause,
échappent à toute procédure juridictionnelle ».
Une décision du tribunal administratif de Rabat consacre cette existence positivement
en décidant que l’ouverture d’un bureau israélien à Rabat par une décision du
gouvernement, ne pouvait faire l’objet d’un recours en annulation pour excès de pouvoir
car « de tels actes sont considérés comme actes de gouvernement qui ne sont pas soumis
au contrôle juridictionnel » (TA Rabat, 8 mars 2001, Belouad, et la note M.A. Benabdallah,
« L’inutilité de la théorie des actes de gouvernement dans la jurisprudence marocaine »,
REMALD, n° 41, 2001, p. 133).
Il existe ainsi des actes insusceptibles de tout recours juridictionnel. Entrent certainement
dans cette catégorie, tous les actes faits par le Roi sans contreseing, les actes concernant
les rapports du gouvernement avec le parlement et les actes concernant les rapports avec
les Etats étrangers. Il s’agit donc là d’un ensemble de questions d’ordre nettement plus
constitutionnel qu’administratif ou qui se rattachent aux relations internationales ce qui a
conduit les auteurs à estimer que la notion d’actes de gouvernement était inutile.
Depuis l’arrêt de la Cour suprême “Sté propriété agricole Abdelaziz” (C.S.C.
20 mars 1970, Revue juridique et politique, Indépendance et coopération, n° 3, 1970,
p. 541 et la note), on doit ajouter à cette liste tous les actes du Roi pris en matière
administrative soit en période normale, soit en période exceptionnelle.
Toutefois à la suite de la Constitution de 2011 et de certaines de ses dispositions,
notamment son article 118-2° selon lequel « tout acte de nature réglementaire ou
individuelle pris en matière administrative peut faire l’objet d’un recours en annulation
devant la juridiction administrative compétente », il est permis de penser que désormais
ces actes du roi pris en matière administrative entrent désormais dans la catégorie des actes
qui peuvent faire l’objet d’un recours en annulation pour excès de pouvoir.
On ajoutera enfin qu’en vertu de l’article 114 de la Constitution les décisions
individuelles du Conseil supérieur du Pouvoir Judiciaire sont susceptibles de faire l’objet
(3) Vénézia (J.C.), Eloge de l’acte de gouvernement, Liber Amicorum Jean Waline, Gouverner, administrer, juger,
Dalloz, 2002, p. 723.
708
La physionomie du contentieux administratif
d’un recours pour excès de pouvoir devant la plus haute juridiction du Royaume, c’est à
dire la Cour de Cassation (4).
Section II
Les formes du contentieux administratif
(4) M. Rousset : « L’interprétation des pouvoirs du Roi dans la nouvelle constitution », la Constitution marocaine de
2011, Analyses et commentaires, LGDJ, Paris, 2012, p. 47.
(5) Il existe des contentieux particuliers dont l’étude relève d’autres disciplines, tel le contentieux fiscal, ou qui ont
été examinés dans d’autres parties de l’ouvrage : contentieux électoral (p. 214), pensions (p. 556), contrats (p. 459),
expropriation (p. 603).
709
Droit administratif marocain
710
La physionomie du contentieux administratif
cas particulier, mais il ne se présentera pas comme ayant un droit nettement individualisé.
Il se présente comme demandant que la règle générale soit appliquée à telle situation
qu’il défère au juge. L’opération qu’il demande est une opération de confrontation. Le
requérant ne se présente pas alors comme une véritable partie au procès, il est plutôt
l’instrument d’une dénonciation, un peu comme la personne qui déclenche une action
pénale. Bien entendu, il a un intérêt, mais cet intérêt, est un intérêt objectif. Il est dans
une situation qui est une situation objective. C’est ainsi que, par exemple, l’autorité locale
peut interdire le stationnement ou le limiter à une certaine durée. Que cette situation,
cette interdiction soit irrégulière, n’importe quel administré pourra former un recours pour
demander l’annulation de l’acte qui est contraire à la légalité, et ce faisant, il n’a pas une
situation différente de n’importe quel autre administré qui pourrait faire le même recours.
Le contentieux de l’excès de pouvoir est donc objectif.
Cela dit, il existe tout de même des zones où la distinction est assez malaisée à faire, et
on peut dire que de façon générale l’attitude des plaideurs est très fréquemment d’essayer
d’élargir le champ d’application de l’excès de pouvoir.
L’application de ces directives générales se heurtait cependant, avant 1974, à un grave
inconvénient qui venait de ce que le recours de plein contentieux était limité du fait que,
en vertu de l’article 8, les tribunaux avaient une compétence d’attribution. Ils pouvaient
uniquement condamner l’administration à payer des sommes d’argent et ceci dans
trois hypothèses : les marchés, les travaux publics et la responsabilité. Par conséquent,
l’application rigide du critère aurait eu comme conséquence que les recours relevant
théoriquement du plein contentieux mais n’entrant pas dans ces hypothèses précises
n’auraient pas pu être jugés. Or il est choquant qu’un litige ne trouve pas de juge. Par
conséquent, la Cour suprême a été amenée à infléchir le critère de distinction entre les
deux recours de manière à admettre le recours en annulation pour des litiges qui, certes,
seraient en réalité des recours de plein contentieux mais que la rédaction de l’article 8
interdisait aux tribunaux de juger.
On peut d’ailleurs remarquer que, ce faisant, la Cour suprême s’est bornée à appliquer
strictement la lettre de l’article 360 du CPC qui lui interdisait d’accepter les recours en
annulation quand les recours de plein contentieux sont possibles. Par conséquent, dès lors
que les recours de plein contentieux étaient impossibles, en raison du caractère limitatif
de la compétence des tribunaux, les recours en annulation devenaient possibles, de sorte
qu’en pratique l’opération était finalement plus simple : il suffisait de rechercher si le litige
entrait ou non dans la compétence du tribunal et, en cas de réponse négative, le recours
en annulation était recevable et il suffisait de présenter la demande sous une forme qui
permette à la Cour suprême de statuer sur une demande d’annulation.
711
Droit administratif marocain
Ces pratiques n’ont plus guère de sens aujourd’hui où la compétence des tribunaux
administratifs est générale. Le critère de distinction devrait donc se simplifier et rejoindre
l’orthodoxie. Ainsi en sera-t-il dans deux cas particuliers qu’il convient d’évoquer.
2. Litiges d’ordre pécuniaire mais n’entrant pas dans l’un des cas prévus par l’article 8
Ici encore la Cour suprême fut amenée à admettre la recevabilité du recours pour excès
de pouvoir, bien qu’il s’agisse indirectement de demander le versement d’une somme
d’argent, parce que sans cela le justiciable ne trouverait pas de juge. Le problème s’est
posé assez fréquemment pour des agents publics recrutés par contrat et pour lesquels
n’était pas prévue la compétence des juridictions de droit commun. Il ne s’agissait en effet
pas de marché public et il n’y avait pas, comme pour les contrats de convention culturelle,
une disposition particulière attribuant compétence aux juridictions de droit commun. Par
conséquent, en cas de litige, même d’ordre pécuniaire, ces agents auraient été démunis
de tous recours si la Cour suprême ne leur avait pas ouvert ses portes (Cour suprême,
9 juillet 1959, Ahmed Ben Youssef, R., p. 61 ; 19 décembre 1959, Chevrier, R., p. 78 ;
712
La physionomie du contentieux administratif
10 juin 1960, Skoba, R. 57-60, p. 123). Ces agents furent admis à demander l’annulation
d’une décision leur refusant une indemnité de rapatriement ou une indemnité d’installation
parce qu’ils n’avaient pas la possibilité de former cette demande devant les tribunaux de
droit commun (6).
Cependant, la Cour suprême a été amenée à interpréter largement l’art. 8 du D.O.J. de
façon à unifier les recours juridictionnels ouverts à tous les agents publics ; dans un souci
de simplification elle décida que toute action tendant à la réparation d’un dommage se
rattachant à l’application du statut ou du contrat doit être portée devant le juge du plein
contentieux car il est seul habilité à apprécier l’existence, l’imputabilité et l’évaluation
du préjudice ; en revanche, le recours pour excès de pouvoir est ouvert de façon générale
pour toute action tendant au paiement d’une prestation pécuniaire prévue par un texte
législatif ou réglementaire, ou par le contrat liant l’agent à la collectivité publique (C.S.A.
20/5/1963, sieur Faure c/ville de Casablanca, R.M.D., 1965, p. 48 ; R.A.C.A.M., 1964,
p. 51 ; R., p. 277).
Par ailleurs, animée par le souci d’unifier la situation des agents contractuels de droit
public et celle des agents contractuels de droit privé au regard des recours juridictionnels,
la Cour suprême accueillait désormais le recours en annulation contre les décisions de
licenciement visant un agent lié à l’administration par un contrat de droit privé (C.S.A.
Abassi Abdelaziz, 25/11/1966, jurisprudence de la Cour suprême, n° 2, novembre 1968,
p. 102, en langue arabe). Elle a étendu cette solution aux agents des établissements publics
industriels et commerciaux (C.S.A. 26 janvier 1977, Baddaoui, R.J.P.E.M., 1978, p. 274).
Elle l’a appliquée également à la résiliation unilatérale d’un contrat de prestation de
service expressément régi par le droit privé passé avec un architecte : C.S.A. 13 juin 1985,
Saïd Al Fassi Fihri.
Cette jurisprudence appelle deux remarques :
Tout d’abord, elle permet de noter une différence assez sensible sur le problème
de la distinction des contentieux entre la jurisprudence marocaine et la jurisprudence
française, différence due au fait que le plein contentieux étant nettement moins ouvert dans
l’organisation marocaine que dans l’organisation française, le recours en annulation pour
excès de pouvoir se trouvait, par voie de conséquence nettement plus ouvert.
En deuxième lieu, l’institution des tribunaux administratifs en 1991 qui se traduit par la
réunion des deux contentieux dans le même prétoire et l’élargissement de la compétence
du juge de plein contentieux, amènera sans doute à reconsidérer certaines de ces
(6) Pour une analyse complète de la jurisprudence en la matière, cf. Dominique Maillot, « Le recours pour excès de
pouvoir en matière contractuelle », Revue marocaine de droit, 1963, p. 241. Voir également Rousset (M.), l’Exception
de recours parallèle dans le contentieux administratif au Maroc, op. cit., loc. cit.
713
Droit administratif marocain
(7) Rousset (M.), « Les incidences du critère organique », in Vingt-cinq ans de droit marocain, R.J.P.E.M., n° 10, 1981,
p. 39.
714
Titre II
Le contentieux de l’excès de pouvoir
Le droit administratif marocain connaît le principe selon lequel tous les actes de
l’administration doivent être conformes aux règles de droit qui leur sont supérieures. C’est
le principe de hiérarchie des normes qui est désormais un principe constitutionnel en
vertu de l’article 6-3° de la Constitution Mais ce principe ne peut s’appliquer que s’il est
entouré d’un certain nombre de garanties, que s’il y a un moyen d’obliger l’administration
à le respecter. Le recours pour excès de pouvoir est la technique qui permet au juge
de contrôler l’action de l’administration. C’est le mécanisme juridictionnel qui tend à
l’annulation des actes administratifs irréguliers. Ce recours a été créé au Maroc par le
dahir du 27 septembre 1957 relatif à la Cour suprême.
L’article 1er, alinéa 2, de ce dahir, repris par l’art. 353-2 du Code de procédure civile,
donne en effet compétence à la Cour suprême pour statuer sur « les recours en annulation
pour excès de pouvoir formés contre les décisions émanant des autorités administratives ».
Le législateur, qui par la création de ce recours, donnait satisfaction à une revendication
exprimée depuis longtemps par le monde juridique n’a pas cru devoir fixer dans les
détails les règles applicables à la nouvelle institution. Il laissait ainsi le champ libre à la
sagesse de la Cour suprême et c’est à travers les décisions de celle-ci que s’est dégagée
la physionomie actuelle du recours. Celui-ci étant inspiré dans son principe d’une des
institutions fondamentales du droit français, il était normal qu’il s’en inspirât aussi dans les
modalités. Toutefois, sur certains points, des divergences assez sensibles seront relevées
dues essentiellement au fait que les magistrats de la Cour suprême ont su adapter le
recours aux exigences cumulées du système juridique et de la réalité marocains.
La réforme du contentieux de 1991 a transféré aux nouveaux tribunaux administratifs
le soin de statuer sur les recours pour excès de pouvoir, rapprochant ainsi le juge du
requérant (art. 8) sous réserve de la compétence maintenue directement à la Cour de
cassation (art. 9). Le législateur a saisi cette occasion pour définir, ce qui n’avait pas été
fait jusque là, ce qu’il fallait entendre par excès de pouvoir (art. 20).
Nous essaierons de dégager d’abord la physionomie générale du recours (chapitre I)
avant d’examiner les règles de procédure (chapitre II) et les règles de fond (chapitre III).
Chapitre premier
Les caractères généraux du recours
pour excès de pouvoir
Considéré sous le seul angle des mécanismes juridictionnels, le recours pour excès
de pouvoir apparaît comme un simple moyen de procédure destiné à permettre aux
administrés de saisir le juge pour lui faire annuler les actes irréguliers de l’administration.
Mais en réalité le recours pour excès de pouvoir est beaucoup plus que cela, car
en l’absence d’un code administratif, faute de règles précises destinées à guider
l’administrateur dans ses décisions, la jurisprudence devient une véritable source de droit.
C’est par l’accumulation des décisions d’annulation montrant dans quels cas l’action de
l’administration a été irrégulière et par celles des décisions de rejet montrant dans quels
cas l’action de l’administration a au contraire agi régulièrement que s’est peu à peu
dégagée la théorie de la légalité de l’action administrative. On chercherait vainement
dans des textes, voire dans des exposés doctrinaux un ensemble bien structuré montrant
la manière dont l’administration doit se conduire. On découvre simplement au fil des
décisions une énumération très longue des cas dans lesquels le juge a été amené à déclarer
que l’administration avait bien ou mal agi. C’est parce que dans telle ou telle hypothèse
le juge a annulé l’acte alors que dans telle autre il l’a laissé subsister qu’on est arrivé à
savoir peu à peu ce que l’administration pouvait faire et ce qu’elle ne devait pas faire. Et
le temps n’est pas encore venu où l’on pourrait dissocier complètement les règles du droit
administratif de leur sanction juridictionnelle. De sorte que l’on peut dire que le recours
pour excès de pouvoir est tout à la fois un moyen de création du droit administratif et aussi
un procédé de connaissance de ce droit. Ceci explique l’importance qu’il faut attacher
à ses traits fondamentaux que l’on peut regrouper sous trois rubriques : le recours pour
excès de pouvoir est un recours de droit commun qui existe de plein droit, le recours pour
excès de pouvoir n’est pas suspensif, le recours pour excès de pouvoir est un recours en
annulation.
Droit administratif marocain
Section I
Le recours pour excès de pouvoir
Recours de droit commun
Le recours pour excès de pouvoir est absolument général, c’est une pièce de base
du droit administratif, tous les actes de l’administration doivent pouvoir être soumis
au contrôle du juge. Ceci résultait des termes mêmes de l’article premier du dahir du
27 septembre 1957 : « Il est institué une Cour suprême siégeant à Rabat, chargée de
statuer, sauf si un texte l’exclut expressément sur, 1°. les pourvois en cassation, 2°. les
recours pour excès de pouvoir ». L’art. 8 de la loi instituant les tribunaux administratifs
les charge de juger « les recours en annulation pour excès de pouvoir contre les décisions
des autorités administratives » sans autre précision ou restriction. Le recours pour excès
de pouvoir est donc normalement toujours possible quel que soit l’auteur de l’acte, quelle
que soit sa nature, quel que soit le requérant, pourvu bien entendu qu’on soit situé dans
le cadre du droit administratif et que les conditions de recevabilité (cf. chap. II) soient
remplies. Le recours pour excès de pouvoir ne sera donc écarté que si un texte le prévoit
expressément. L’interprétation de ce terme a donné lieu à quelques difficultés car certains
textes, effectivement, précisent que tout recours est impossible par une formule plus ou
moins claire. En pratique, la Cour suprême a eu à statuer sur deux sortes d’hypothèses,
celles de textes antérieurs à la création du recours pour excès de pouvoir et celles
de textes postérieurs à cette création. Aujourd’hui l’article 118-2° de la Constitution
constitutionnalise son existence à l’égard de tout acte réglementaire ou individuel pris en
matière administrative.
718
Les caractères généraux du recours pour excès de pouvoir
rappeler l’interdiction faite aux diverses juridictions de connaître de toute demande tendant
à faire annuler un acte d’une administration publique, mais qu’une telle disposition ne
saurait s’opposer à ce que les décisions administratives puissent faire l’objet du recours en
annulation que l’article 1er du dahir du 27 septembre 1957 permettait désormais de former
directement devant la Cour suprême contre toutes les décisions émanant des autorités
administratives quel que soit leur objet. Il semble donc qu’on puisse systématiquement
considérer comme sans valeur toutes les formules excluant les recours contre les décisions
de l’administration contenues dans des textes antérieurs à la création du recours pour excès
de pouvoir. Plus délicat est le cas de formules analogues apparaissant dans des textes
postérieurs à 1957.
(1) Le législateur a tenu compte de cette évolution en faisant disparaître dans la nouvelle loi régissant les préfectures
et les provinces du 3 octobre 2002 la disposition litigieuse du dahir du 12/9/1963 qui excluait tout recours contre le
décret de dissolution de l’assemblée provinciale ; bien mieux, le décret de dissolution doit aujourd’hui être motivé ce
qui devrait, le cas échéant, en faciliter le contrôle.
C’est pourquoi il faut conserver cette unité de juridiction au sommet de la hiérarchie des juridictions : M. Rousset :
« Plaidoyer pour la Chambre administrative de la Cour suprême », REMALD, n° 99-100, 2011, p. 13 et Mélanges
Hassan Ouazzani Chahdi, Publisud, 2012, p. 79.
719
Droit administratif marocain
rejette un recours pour excès de pouvoir contre une décision du Conseil de tutelle des
terres collectives au motif que le dahir de 1919, confirmé sur ce point en 1963, excluait
tout recours contre ces décisions. Ce faisant la Cour se déjugeait deux fois : en prenant une
position contraire à l’arrêt William Wall de 1963, et surtout contraire à une décision portant
sur le même objet, les décisions du conseil des terres collectives, par laquelle elle avait
accepté un recours pour excès de pouvoir contre de telles décisions : CSA Aït Aflah et Aït
Lahcen, 8 avril 1966. Cette décision est restée isolée car elle était parfaitement contraire
à l’amélioration de la protection des usagers de l’administration et à la consolidation de
l’Etat de droit. D’ailleurs la Haute juridiction est revenue sur cette décision dans son arrêt
du 7 juin 2006, Agent judiciaire du Royaume c/Aït Mouli, REMALD, n°71, 2006, p. 141
et la note M.Rousset et M.A. Benabdallah, Retour sur une régression jurisprudentielle :
le recours pur excès de pouvoir contre les décisions du conseil de tutelle des terres
collectives.
Section II
Le recours pour excès de pouvoir n’est pas suspensif
Le fait qu’une décision administrative fasse l’objet d’un recours pour excès de pouvoir
n’empêche pas l’administration de procéder à son exécution. Cette règle découlait de
l’article 15 du dahir du 27 septembre 1957, repris par l’art. 361 du C.P.C. L’art. 24 de la
loi créant les tribunaux administratifs dit la même chose, sous une forme différente.
Le dépôt d’un recours n’affecte en rien le fonctionnement de l’administration. Cette
règle est justifiée par le fait que l’action administrative étant en principe inspirée par
l’intérêt général, il est normal que cette action ne soit pas paralysée par le simple dépôt
d’un recours, ce qui permettrait trop facilement aux administrés d’user de procédés
dilatoires qui retarderaient la mise en œuvre des actes administratifs. Il convient cependant
de souligner que l’administration risque d’engager sa responsabilité dans le cas où elle
imposerait l’exécution d’une mesure qui se révélerait par la suite être illégale. Si par
conséquent un dommage était causé à un particulier du fait de cette exécution, une
indemnité pourrait lui être accordée dans le cadre du contentieux de la réparation. C’est
ce qui explique que l’administration sera souvent portée dans le cas où il n’existe pas
d’urgence à différer l’exécution d’une mesure qui fait l’objet d’un recours pour excès
de pouvoir. Cette règle du caractère non suspensif des recours peut dans certains cas
se révéler cependant dangereuse lorsque l’exécution risque d’entraîner des dommages
irréparables qu’une annulation ultérieure, voire des indemnités, ne seraient pas susceptibles
de compenser. Il a donc été prévu par les mêmes textes que le juge pourrait à titre
exceptionnel ordonner le sursis à exécution des décisions des autorités administratives. La
720
Les caractères généraux du recours pour excès de pouvoir
formule montre bien que cette procédure doit être réservée à des cas particuliers et ceci
explique que la Cour suprême n’en ait fait jusqu’ici qu’un usage modéré. Le requérant a
donc la possibilité, après avoir formé son recours, de demander au tribunal administratif
d’ordonner à l’administration de ne pas exécuter provisoirement sa décision.
A quelle condition le juge accorde-t-il le sursis ? Deux décisions permettent de cerner
la jurisprudence de la Cour en la matière. La première est l’arrêt du 13 février 1960,
Société huilière annexe, R, p. 97, dans laquelle la Cour rejette la demande de sursis. La
seconde est la décision précitée du 23 février 1961, Société balnéaire du Maroc, R., p. 38,
dans laquelle la Cour au contraire accorde le sursis à exécution.
La première condition tient au fait que la demande de sursis ne doit pas être formée
isolément. Elle ne peut intervenir que si un recours en annulation a été introduit. Les
moyens développés à l’appui du recours tendant à l’annulation doivent de leur côté
apparaître comme suffisamment sérieux pour que l’on puisse supposer que le recours a de
grandes chances d’être accueilli au fond. C’est là une condition expressément formulée par
la Cour suprême et qui soulève certaines difficultés. En effet, lors de l’examen du sursis à
exécution, le tribunal n’a pas à prendre partie sur le fond, sans quoi il pourrait déjà juger
intégralement l’affaire. Mais il doit cependant procéder à un premier examen sommaire
pour s’assurer qu’il ne s’agit pas d’une requête manifestement vouée à l’insuccès, auquel
cas il serait anormal d’accorder le sursis à exécution puisque de toute façon le requérant
serait débouté par la suite.
La deuxième condition a trait à la recevabilité du recours ;cette recevabilité doit être
examinée de façon approfondie. En effet, la Cour estime qu’on ne peut accorder le sursis à
exécution que dans la mesure où le recours pour excès de pouvoir lui-même est recevable
car la demande de sursis n’est pas autonome ;elle est liée au recours en annulation qui
doit être recevable. Il est donc nécessaire que l’ensemble des conditions de recevabilité
(cf. chapitre II) soit rempli pour que le sursis à exécution puisse être accordé. Il y aura
donc lieu nécessairement à un examen assez détaillé qui conduira à un véritable procès
avec échange de mémoires, ce qui nécessitera évidemment un certain délai et amènera
le tribunal à résoudre parfois des problèmes assez complexes ainsi que le montre l’arrêt
“Société balnéaire” précité. On peut légitimement hésiter sur le bien fondé de cette
exigence qui conduit à retarder l’octroi d’une mesure dont l’urgence est évidente car
pendant tout le temps où se déroule le débat l’administration peut mettre à exécution sa
décision.
Enfin, la dernière condition d’octroi du sursis à exécution concerne le préjudice qui
résulterait pour le requérant de l’application immédiate de la mesure administrative
critiquée. Sur ce point, les décisions de la Cour suprême sont quasi sibyllines et on peut
seulement relever avec le commentateur de l’arrêt “Société huilière annexe”, précité,
721
Droit administratif marocain
que pour la Cour l’octroi du sursis à exécution est une question de pure opportunité. Le
requérant doit convaincre le juge que le dommage qu’il subirait du fait de l’exécution serait
à la fois très grave et difficilement réparable. On doit en effet se souvenir que l’article 361
du C.P.C. précise que le sursis n’est accordé qu’à titre exceptionnel ;il faut donc que les
circonstances de l’affaire paraissent de nature à justifier l’exception au principe général du
caractère non suspensif du recours (2).
Depuis l’entrée en fonctionnement des nouvelles juridictions administratives, les
observateurs constatent un plus grand nombre de décisions accordant le sursis que ce n’était
le cas auparavant ; ils constatent également que dans la plupart des cas le juge n’explicite
pas les raisons qui le conduisent à accorder le sursis, ce qui est regrettable dans la mesure
où cela méconnaît la valeur “pédagogique” de la jurisprudence. Tel est par exemple le cas
dans l’arrêt CSA du 7 mars 1980 dossier 70-449, Jemaa Lejana. En revanche dans une
décision du 16 avril 1992, Sté Briquetterie Louajrii c/Président du conseil communal de
Fès, la Cour accorde le sursis au vu du dommage qui pourrait résulter de la fermeture de
l’entreprise décidée par arrêté du président du conseil municipal, mais sans faire apparaître
l’illégalité de la décision de fermeture, illégalité que l’on peut supposer acquise.
On peut souhaiter que la Cour de cassation encourage cette évolution favorable au
requérant ; mais sa tâche serait naturellement plus aisée si le législateur atténuait la
rigueur de l’actuel article 24 de la loi 41-90 qui n’autorise l’octroi du sursis qu’à titre
exceptionnel (3).
Il convient enfin que le juge saisi d’une demande de sursis, statue avec célérité, et
surtout qu’il examine avec le plus grand soin les arguments que l’administration oppose
au sursis, ce qu’il ne fait pas toujours, même dans des cas particulièrement pendables :
TA Casablanca, 24 avril 1996, Sté d’exploitation des plages du Maroc, REMALD, n° 19,
1997, note M. Rousset, p. 165. La nécessaire célérité de la décision du juge résulte à
l’évidence de l’imminence du dommage qui peut résulter de la décision contestée : par
exemple la mutation d’une mère de famille dans une affectation très éloignée du lieu
de résidence de ses enfants en bas âge (CSA.30 juillet 1998, Agent judiciaire c/Zahara
Mouhtaraf, REMALD, n° 37, 2001, p. 163), ou bien encore lorsqu’il s’agit d’une décision
ordonnant la démolition d’un immeuble (CAA Rabat, 19 novembre 2008, Etat Marocain c/
(2) Les demandes de sursis à exécution ne sont pas très nombreuses, 5 % des recours environ, et ne sont que rarement
couronnées de succès, la Cour suprême tenant à maintenir le caractère exceptionnel de cette procédure. Toutefois,
dans une décision du 7 mars 1980, Jemaâ Lejana, dossier 70.449, la Cour semble s’être montrée peu exigeante et
avoir accordé assez libéralement le sursis. Il y a peut être là le signe d’un assouplissement conforme aux vœux de la
doctrine. (V. en ce sens Mohamed Amine Benabdallah, les Prérogatives de l’Etat dans le recours pour excès de pouvoir,
Rabat, 1981.)
(3) Voir M. El Yaagoubi, « Le juge protecteur de l’administré », in Indépendance nationale et système juridique au
Maroc, PUG, 2000, et éd. La Porte, p. 125 et notamment p. 165.
722
Les caractères généraux du recours pour excès de pouvoir
Charfi et consorts, REMALD n° 93, 2010, p. 137, note M.A. Benabdallah). Mieux encore
la Cour d’appel de Rabat a accordé le sursis dans une affaire qui concernait une décision
académique privant deux lycéennes du droit de se présenter à une session de rattrapage
du baccalauréat : Académie régionale de l’Oriental c/Salama Ahmadi, 16 juillet 2014,
et Académie régionale de l’0riental c/Soumaya Ahmadi, REMALD, n° 120, 2015, note
M. Rousset et M.A. Benabdallah, p. 265.
L’effet du sursis à exécution découle de la nature même de l’institution. Dès lors que la
juridiction s’est prononcée favorablement sur la demande du requérant, l’administration ne
peut plus mettre en œuvre sa décision et elle doit attendre que le tribunal ait statué sur le
fond. Si à ce moment là le recours est admis l’interdiction d’exécuter deviendra définitive,
si au contraire le recours est rejeté, l’administration retrouvera sa liberté d’action et pourra
mettre en œuvre sa décision (4).
La liaison entre le recours pour excès de pouvoir, dont la juridiction doit nécessairement
être saisie, et la demande de sursis a pour conséquence que le tribunal administratif et la
Cour de Cassation sont compétents pour accorder le sursis chacun dans le cadre de sa
compétence (art. 24 pour le tribunal administratif) et article 9 de la loi pour la Cour de
Cassation.
Section III
Le recours pour excès de pouvoir est un recours en annulation
Le but de ce recours est de faire annuler un acte administratif. Le juge, s’il constate
l’irrégularité de l’acte, prononcera son annulation. Si au contraire, il n’a pas été convaincu
par les arguments du requérant et s’il estime que l’acte n’est pas irrégulier il rejettera la
demande. La nature même du recours limite donc les pouvoirs du juge qui ne se voit offrir
que deux solutions, ou annuler l’acte ou refuser de le faire. Il ne peut pas prendre d’autres
mesures, il ne peut pas choisir une autre voie. En particulier, le juge ne peut pas tirer lui-
même les conséquences d’une annulation, il ne peut pas ordonner à l’administration de
prendre telle ou telle mesure. Tout au plus dans certains cas peut-il donner une esquisse
de solution en indiquant ce qu’il aurait été légal de faire. A fortiori, ne peut-il pas refaire
lui-même un acte régulier à la place de l’acte annulé. La seule marge de manœuvre dont
(4) L’intérêt du sursis n’est évident que pour des actes de l’administration donnant un ordre quelconque au particulier
(expulsion d’un étranger par exemple) ou accordant une prérogative à un tiers (nomination). Il serait sans effet sur un
refus de permission ou d’autorisation car il remettrait seulement l’administré en position de demandeur à qui on n’a pas
encore dit non. Le sursis, pas plus d’ailleurs que l’annulation du refus, ne conduirait à accorder l’autorisation sollicitée.
A. Bounite : « Le sursis à exécution des décisions administratives à la lumière de la jurisprudence marocaine »,
mémoire en langue arabe, Faculté des Sciences juridiques économiques et sociales, Rabat-Souissi, 2007.
723
Droit administratif marocain
1. Le requérant
Le succès dans son entreprise entraîne pour lui un certain nombre de conséquences
que l’on peut analyser en partant de l’idée selon laquelle il doit se retrouver dans la même
situation que si l’acte n’avait pas été fait. Le bénéfice sera très différent selon la position
qu’il occupait avant la décision administrative. C’est ainsi que si la décision administrative
portait atteinte à une situation dont il était bénéficiaire, il va automatiquement se retrouver
dans la position antérieure. Le fonctionnaire révoqué sera réintégré, l’automobiliste dont
le permis de conduire aura été illégalement retiré se le verra restitué, ainsi de suite…
Mais lorsque l’administré a sollicité de l’administration une mesure et qu’il s’est heurté
à un refus illégal, l’annulation du refus ne vaudra pas octroi de l’avantage demandé.
Ainsi l’annulation d’un refus illégal de permis de conduire, ne vaut pas délivrance de ce
permis, l’annulation d’un refus illégal d’inscription sur une liste d’aptitude à concourir,
voire l’annulation d’un concours, ne valent en aucune manière inscription sur la liste
ou réussite au concours. On doit simplement admettre que le refus n’a pas été opposé
et par conséquent s’il désire reprendre la procédure, le requérant se trouve à nouveau
724
Les caractères généraux du recours pour excès de pouvoir
dans la situation de postulant sur le sort duquel il n’a pas été statué. Il arrivera donc que
l’administration reprenne la même décision.
Le requérant aura en général dans la mesure où la décision illégale lui a causé un
préjudice, la possibilité d’obtenir une indemnité par la mise en jeu de la responsabilité de
l’administration (cf. titre III).
2. Les tiers
L’effet absolu de la décision d’annulation a pour conséquence qu’elle s’imposera
aussi bien aux tiers qu’aux parties au procès. Les tiers subiront donc les inconvénients
de la disparition de l’acte ou bénéficieront de ses avantages. C’est ainsi que si le recours
était dirigé contre un acte réglementaire, par exemple une interdiction de stationner,
cet acte disparaîtra pour tout le monde et les tiers pourront parfaitement se prévaloir de
l’annulation de l’acte. Il est des cas où cet effet sur les tiers est parfaitement sensible, voire
préjudiciable, et il était logique de leur ouvrir une possibilité de protestation, c’est l’objet
de la tierce opposition, expressément prévue par l’art. 379-C du C.P.C. (5).
Un exemple particulièrement caractéristique montrera l’intérêt de cette voie de recours.
Supposons qu’un fonctionnaire soit révoqué par un décret, son emploi devient vacant et
un successeur est désigné. Contestant son éviction, le premier forme un recours devant
la Cour de Cassation et démontrant l’illégalité de la mesure il obtient son annulation. Sa
réintégration entraînera l’éviction de son successeur, dont on conçoit le mécontentement.
Il aura la possibilité de demander à la Cour d’examiner à nouveau l’affaire et pourra faire
valoir des arguments tendant à démontrer qu’à son sens la révocation de son prédécesseur
n’était pas illégale. Il va de soi que cette possibilité est indispensable sur le plan théorique
mais qu’elle a peu de chances d’aboutir en fait à des résultats pratiques car si la Cour a
annulé la révocation c’est qu’elle a découvert une illégalité et il est peu probable qu’elle
en arrive à changer d’avis et à nier l’existence de cette illégalité qu’elle a précédemment
reconnue.
La loi instituant les tribunaux administratifs ne contient pas de disposition sur la tierce
opposition, mais il convient de leur appliquer les règles du Code de procédure civile en la
(5) Art. 379-C du C.P.C. : « La tierce opposition est admissible contre les arrêts rendus par la Cour suprême sur les
recours en annulation formés contre les décisions des autorités administratives. »
C.S.A. 8/6/1964, Benhaim c/Président du Conseil, R.A.C.A.M., 1964, p. 451. Les membres d’une société coopérative
ne sont pas recevables dans leur tierce opposition contre un arrêt rendu sur recours intenté par la société coopérative
à laquelle ils appartenaient.
C.S.A. Société huilière marocaine, 20/7/1964, non publié : un arrêt de rejet du recours pour excès de pouvoir ne peut
préjudicier à aucun droit appartenant à des tiers ; dès lors la Société huilière marocaine est sans intérêt pour former
tierce opposition.
Les conditions de recevabilité de la tierce opposition sont formulées dans les articles 303 et suiv. du C.P.C.
725
Droit administratif marocain
matière, et notamment celles qui sont suivies devant la Cour de Cassation telles qu’elles
viennent d’être exposées, puisqu’en vertu de l’art. 7 de la loi 41-90, les règles du C.P.C.
sont applicables devant eux.
3. Les tribunaux
La décision annulée ne peut évidemment plus être appliquée par les tribunaux quels
qu’ils soient, qu’il s’agisse des tribunaux administratifs ou des juridictions ordinaires
statuant en matière civile ou pénale. En particulier, un règlement annulé ne peut plus servir
de base à des poursuites. Il faut cependant faire remarquer l’absence de publicité officielle
des décisions d’annulation. Il est sur ce plan tout à fait nécessaire que les décisions des
juridictions administratives notamment d’annulation fassent l’objet d’une publication
systématique analogue à celle dont ont bénéficié les décisions de l’administration. Un
règlement est publié au Bulletin officiel ; lorsqu’il est annulé, un avis devrait paraître au
même bulletin de manière à ce que tout le monde soit informé de la disparition de cet acte.
On peut d’ailleurs estimer que cette obligation découle implicitement de l’article 6 de la
Constitution qui impose la publication des normes juridiques ; leur disparition par voie
d’annulation devrait faire l’objet de la même obligation de publicité.
4. L’administration
L’administration ne peut plus invoquer l’acte annulé, celui-ci est censé n’avoir
jamais existé. Par ailleurs, l’administration a l’obligation de remettre les choses en état,
exactement comme si l’acte attaqué n’était pas intervenu. Dans un certain nombre de cas,
il est évident que cette rétroactivité soulève des difficultés. Ainsi en est-il en particulier
en ce qui concerne la fonction publique. C’est ainsi que lorsqu’un fonctionnaire a été
irrégulièrement révoqué ou licencié, il doit être non seulement réintégré mais on doit
procéder à ce qu’on appelle une reconstitution de carrière (6). L’administration devra
même rétablir le cas échéant les avancements auxquels le fonctionnaire aurait eu droit
pendant qu’il était illégalement écarté de son poste. Elle ne devra cependant pas lui
verser son traitement, faute de service fait, mais simplement une indemnité compensant
le préjudice qu’il aura subi. L’annulation n’entraîne pas nécessairement interdiction pour
l’administration de refaire un acte analogue à celui qui a été annulé, spécialement lorsque
la décision a été annulée pour vice de forme, ou incompétence. L’administration pourra
alors refaire un acte similaire dans son contenu, mais en respectant les formes ou en le
faisant faire cette fois-ci par l’autorité compétente. En réalité, le problème essentiel réside
dans la volonté de l’administration de se soumettre à la décision du juge, ce qui n’est
malheureusement pas toujours le cas.
726
Les caractères généraux du recours pour excès de pouvoir
(7) Un exemple est fourni par un arrêt de la Cour suprême du 24 novembre 1967, Aboukacem Alaoui, dossier
n° 21961, où celle-ci constate qu’une de ses décisions rendue au profit du même requérant le 22 février 1965, est restée
sans effet (cité par Mohamed Amine Benabdallah, op. cit., p. 171).
727
Droit administratif marocain
(8) Cf. C.A. de Rabat, 2/3/1965, G.T.M., 1965, p. 74 : la Cour rappelle que l’absence d’exécution forcée des décisions
judiciaires rendues contre l’administration constitue un privilège qui doit être compensé par « un devoir juridique
d’exécuter sans réserve ni restriction… », « que dès lors le refus d’exécution, ou même le retard dans l’exécution,
constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l’Etat ».
728
Les caractères généraux du recours pour excès de pouvoir
(9) Ordonnance de référé, du 16 décembre 1985, R.M.D., 1986, p. 234, Comagri c/Henri Bonin et la note : Ouazzani-
Chahdi (H.), R.M.D., 1986, n° 4, p. 183.
729
Droit administratif marocain
Cette décision contredit l’arrêt rendu par la Haute juridiction dans l’affaire agent
judiciaire c/héritiers El Achari.
Mais elle méconnaît en outre l’article 7 de la loi 41-90 qui dispose expressément que
les dispositions du CPC sont applicables devant les nouvelles juridictions ; l’article 448 qui
permet le prononcé des astreintes est donc parfaitement utilisable contre l’administration.
Seul le principe “importé” en 1913, de l’impossibilité de contraindre l’administration
à cette exécution, explique la décision de la haute juridiction qui est ainsi dépourvue de
toute base légale et ne repose que sur l’argument d’autorité.
L’ironie des faits veut qu’en France même, d’où vient ce principe, celui-ci est largement
abandonné. Les lois de 1980 et 1995 ainsi qu’un décret de 1990, ont donné aux différentes
juridictions administratives des pouvoirs d’injonction et de prononcé d’astreinte dont on
attend, sinon la disparition complète, du moins la raréfaction des cas de refus d’exécution
par mauvais vouloir de l’administration.
Par ailleurs, le prononcé d’astreinte assortissant l’injonction d’exécuter adressée
à l’administration est possible depuis la loi de 1995 ; ainsi a été mis fin à un tabou :
l’interdiction d’enjoindre à l’administration des obligations de faire ou de ne pas faire (10).
Une réforme du CPC en ce sens est désormais nécessaire si l’on veut qu’à tous les
niveaux de la hiérarchie administrative et juridictionnelle on se pénètre de cette vérité
fondamentale : la méconnaissance du principe de légalité dont le respect de l’autorité de
la chose jugée est un élément essentiel, constitue un comportement subversif de l’Etat de
droit (11).
L’article 126 de la Constitution rappelle enfin que les jugements définitifs s’imposent
à tous et que les autorités publiques sont tenues de prêter leur assistance à l’exécution des
jugements.
(10) Loi du 8 février 1995, R. Debbasch, « Le juge administratif et l’injonction, la fin d’un tabou », Juris classeur
périodique, 1996-1-3924.
(11) M. Rousset et MA Benabdallah, « Du privilège de l’administration de ne pas respecter l’autorité de la chose
jugée », REMALD, n° 31, 2000, p. 127.
730
Les caractères généraux du recours pour excès de pouvoir
peuvent donc leur porter préjudice. Il leur appartient d’attaquer eux-mêmes l’acte qu’ils
désirent voir disparaître (C.S.A. 20/7/1964, Société huilière annexe non publié, précité).
Le rejet ne signifie pas nécessairement que la décision est légale, mais seulement que le
requérant n’a pas su démontrer son illégalité. Ceci a pour conséquence que toute autre
personne pourra former un recours sans qu’on puisse lui opposer la chose jugée. Mais sur
le plan pratique, si le nouveau requérant se contente d’invoquer les mêmes arguments,
son recours n’aura pas plus de chance de succès (12). Il lui faudra développer une autre
argumentation.
(12) Le fait que le rejet du recours pour excès de pouvoir ne constitue pas un brevet de légalité décerné à l’acte
administratif, a comme conséquence que l’exception d’illégalité lorsqu’elle est possible, peut être soulevée devant une
autre juridiction, notamment la juridiction pénale, à l’occasion d’un autre procès au cours duquel serait invoquée la
décision que les juges administratifs ont refusé d’annuler.
731
Chapitre II
Les conditions de recevabilité du recours
pour excès de pouvoir
Pour que le juge saisi d’un recours pour excès de pouvoir puisse se prononcer sur la
régularité d’un acte administratif, il faut que la requête soit conforme à un certain nombre
d’exigences. Le requérant devra donc franchir quelques obstacles préliminaires avant de
voir sa prétention examinée au fond. Il devra démontrer que son recours remplit un certain
nombre de conditions préalables, dites conditions de recevabilité, qui sont énumérées
dans l’article 355 du C.P.C. et par les articles 21 et 23 de la loi créant les tribunaux
administratifs. Il importe de souligner que ces conditions doivent toutes être remplies et
que l’omission d’une seule d’entre elles entraîne irrémédiablement le rejet du recours sans
examen au fond.
Les conditions de recevabilité tiennent soit au requérant, soit à l’acte attaqué, soit à la
procédure, soit à l’absence d’une autre voie de droit.
Section I
Les conditions tenant au requérant
Se pose ici la question de savoir qui peut former un recours pour excès de pouvoir.
S’agissant d’une procédure tendant à faire respecter l’ordre établi, la légalité, il
semblerait que tous doivent pouvoir le former, s’ériger en censeur de l’administration.
On a quelquefois même présenté le requérant comme une sorte d’agent de la conscience
publique dénonçant les irrégularités et obligeant l’administration à se bien conduire.
Une telle conception conduirait à faire du recours pour excès de pouvoir une action
populaire très largement ouverte. Mais des considérations d’ordre pratique s’opposent à
ce que tous les administrés puissent exercer leur sens de la procédure au détriment de
l’administration, ce qui conduirait probablement à un encombrement des tribunaux et
la multiplication d’instances inutiles ou dilatoires. Il a donc paru opportun de réduire le
nombre des requérants tout en sauvegardant les exigences de la justice. Le recours pour
Droit administratif marocain
excès de pouvoir a donc été soumis aux règles générales de la procédure et le requérant
doit démontrer sa capacité et son intérêt (art. 1er du C.P.C.).
La condition de capacité ne soulève guère de difficultés. Elle est la même que pour tous
les actes de la vie juridique ; il va de soi qu’un individu ne pourra pas former un recours
s’il est incapable et qu’un groupement ne le pourra pas davantage s’il ne possède pas la
personnalité morale, c’est-à-dire s’il n’a pas été légalement constitué. Il ne semble pas que
cette condition de capacité ait soulevé jusqu’à présent la moindre difficulté devant la Cour
de cassation (1).
Plus délicate est la condition d’intérêt. C’est là une exigence qui est fondamentale en
procédure et qui se formule habituellement par la maxime “pas d’intérêt, pas d’action”.
On ne conçoit pas qu’une personne qui n’a aucun intérêt dans l’affaire puisse avoir le droit
de faire annuler un acte qui ne la concerne en rien. Aussi exige-t-on du requérant qu’il
démontre que le recours va lui servir à quelque chose. L’intérêt pourrait se définir comme
l’existence d’un lien entre le requérant et l’acte attaqué. Il faut qu’il y ait une relation entre
celui qui forme le recours et la décision qui fait l’objet du recours. Il n’est pas nécessaire
d’invoquer un droit véritable, mais il faut être dans une situation qui fasse que l’on ait
réellement, concrètement, à se plaindre de l’acte. Cette condition est donc envisagée de
manière assez souple. Le requérant doit démontrer qu’à un titre quelconque il subit un
préjudice, une gêne, du fait de l’acte attaqué, ce préjudice pouvant être d’ordre matériel
ou moral.
Lorsque le requérant est un individu, il pourra assez facilement démontrer l’existence
d’un intérêt, chaque fois que l’administration par sa décision l’a touché dans sa fortune,
sa profession, ses biens ou son simple confort. Il pourra même attaquer l’acte qui porte
atteinte à l’exercice de ses libertés, qui le choque dans ses sentiments. Cette exigence qui
a fait l’objet de nombreuses décisions dans la jurisprudence française au moment surtout
où s’est élaborée la théorie du recours pour excès de pouvoir, ne semble pas avoir soulevé
de difficultés jusqu’ici pour la Cour de cassation. La raison principale en est sans doute
que le recours étant plus onéreux qu’en France, les requérants sans intérêt se sont éliminés
d’eux-mêmes.
Plus complexe est le problème des recours formés par un groupement, syndicat ou
association. En effet, les groupes ont de plus en plus tendance à se substituer aux individus
(1) Sur les problèmes des associations non déclarées et des associations dissoutes, voir Antari, « Le contentieux
administratif au Maroc », thèse, Paris, 1980, p. 170 et C.S.A. 14 janvier 1963, Sté hippique et des courses marocaines,
R., p. 106.
Toutefois, la Cour suprême rejette le recours en annulation intenté par la Fédération nationale des syndicats de
transporteurs routiers du Maroc (23/3/1964, non publié) contre des agréments accordés à des entreprises de transport,
en estimant qu’elle « n’a pas qualité pour se substituer aux transporteurs directement intéressés, agissant isolément, ou
par l’intermédiaire de leurs syndicats locaux qui sont regroupés dans cette fédération ».
734
Les conditions de recevabilité du recours pour excès de pouvoir
(2) H. Ouazzani Chahdi : « L’intervention volontaire devant les tribunaux administratifs », REMALD, n° 109-110,
2013, p. 225.
735
Droit administratif marocain
Section II
Les conditions tenant à l’acte attaqué
§1. L’exclusion des actes qui ne constituent pas des actes administratifs
Le recours n’est possible que contre des actes qui sont soumis au droit administratif.
On retrouve ici dans une large mesure des problèmes voisins de ceux qui ont été rencontrés
à propos de la détermination de la « matière administrative ».
736
Les conditions de recevabilité du recours pour excès de pouvoir
Nombreux sont en effet les actes dont la nature est incertaine et qu’on peut hésiter à
classer dans la catégorie des actes législatifs ou dans celle des actes administratifs. C’est
là une question qui relève essentiellement du régime constitutionnel et qui par conséquent
reçoit des réponses différentes selon la période à laquelle on se place et plus précisément
selon qu’il s’agit d’actes élaborés avant la Constitution promulguée le 14 décembre 1962,
sous le régime de cette constitution, sous le régime des pouvoirs spéciaux, ou sous celui
des Constitutions de 1970 et de 1972.
(3) On trouvera un exposé détaillé sur la question dans Lahbabi, le Gouvernement marocain à l’aube du XXe siècle,
Editions techniques nord-africaines, Rabat, 1957, p. 35 ; dans Olivier Renard-Payen, l’Expérience marocaine d’unité
de juridiction et de séparation des contentieux, Paris, L.G.D.J., 1964, p. 210 à 233 et dans Decroux, « Le Souverain du
Maroc, législateur », in Revue de l’Occident musulman et de la Méditerranée, 1967, p. 31.
737
Droit administratif marocain
particulièrement claire que la Cour suprême fut amenée par des formules sans équivoque
à condamner la théorie du dahir-décret (Cour suprême, 18 juin 1960, Abdelhamid Ronda,
R., p. 136). Le requérant avait été suspendu de ses fonctions de cadi par un dahir. C’est
contre cet acte qu’il forme un recours pour excès de pouvoir que la Cour suprême déclare
irrecevable bien qu’il s’agisse d’une mesure individuelle. Elle se refuse ainsi à introduire
toute distinction à l’intérieur de la catégorie dahirs et tout acte pris sous cette forme doit
être considéré comme exclu du champ d’application du recours pour excès de pouvoir. La
Cour suprême rejette de nouveau un recours intenté contre un dahir en affirmant qu’il ne
lui appartient pas en tant que juge de la légalité des décisions des autorités administratives
de connaître d’un acte individuel « émanant du Souverain et pris en forme de dahir »
(C.S.A. 15/7/1963, Bensouda Abdallah, R.A.C.A.M., 1964, p. 206 ; R., p. 173). La Cour se
refuse à introduire à l’intérieur de la catégorie des dahirs une distinction quelconque ; mais
respectueuse des catégories juridiques, elle n’affirme pas pour autant le caractère législatif
de tous les dahirs ; elle se borne à rejeter le recours pour excès de pouvoir en invoquant la
qualité de l’auteur de l’acte, le Souverain, et sa forme, le dahir.
Est-il besoin de préciser que cette décision se fonde sur les bases constitutionnelles du
pouvoir royal, telles qu’elles existaient au moment où le dahir litigieux a été pris, c’est-
à-dire avant la Constitution de 1962 ? On n’en pouvait donc rien déduire juridiquement
quant à ce que serait la position de la Haute juridiction à l’égard des décrets royaux pris
en matière administrative sur la base des dispositions de la Constitution de 1962, ou à
l’égard des dahirs pris en matière administrative depuis janvier 1969, puis sur la base des
Constitutions de 1970 et de 1972.
(4) La question se posait dans les mêmes termes sous l’empire des constitutions antérieures.
738
Les conditions de recevabilité du recours pour excès de pouvoir
739
Droit administratif marocain
d. La période transitoire
Les dispositions finales des constitutions prévoient toujours les conditions d’exercice
des différents pouvoirs au cours de la période nécessaire à la mise en place des institutions
auxquelles elles donnent naissance : tel était le cas en 1962 ; tel est également le cas en
1972. En vertu de l’article 102 de la Constitution, le Roi exerce le pouvoir législatif en
attendant l’élection de la chambre des représentants ; ce pouvoir est exercé par “dahir
portant loi”, l’expression indiquant que l’on se réfère à la distinction du domaine de la loi
établie par la Constitution. Il peut y avoir à cet égard quelque flottement ; en témoignent
les “dahirs” créant ou modifiant des offices ou établissements publics alors que cela
relève du domaine de la loi (6), ou à l’inverse des “dahirs portant loi” modifiant des
décrets royaux (création de la D.C.A.A.P. : D.R. 17/7/1965 ; suppression : Dh. portant loi
du 11/5/1974, B.O. 1974, p. 927), ou portant sur des matières qui relèvent du pouvoir
réglementaire, par exemple l’approbation des plans d’aménagement, le dahir portant loi
du 8/1/1974. B.O. 1974, p. 116, approuvant le plan d’aménagement de Tiflet, et le décret
du 14/8/1974, B.O. 1974, p. 1190, approuvant le plan d’aménagement du secteur Bab Sidi
(5) C’est à une telle distinction que s’est finalement arrêtée en France la jurisprudence du Conseil d’Etat à propos de
l’exercice par le Président de la République des pouvoirs spéciaux institués par l’art. 16 de la Constitution de 1958 :
C.E. Assemblée, 2 mars 1962, Rubin de Servens, Grands arrêts de la jurisprudence administrative, Sirey, 9e éd., 1990,
p. 509.
(6) Par exemple, la création de l’Office des logements militaires par le dahir du 6/4/1972, ou bien encore la
transformation de la R.E.I. en Office national de l’eau potable par le dahir du 3/4/1972.
740
Les conditions de recevabilité du recours pour excès de pouvoir
Boujida à Fès), alors que l’on ne peut pas trouver dans le dahir de 1952 sur l’urbanisme ni
dans la Constitution les bases d’une telle distinction.
e. Une dernière situation s’est présentée lorsque du fait de l’expiration des pouvoirs
de la Chambre des représentants, le pouvoir législatif ne pouvait plus être exercé par le
parlement entre octobre 1983 et octobre 1984 ; c’est sur la base de l’art. l9 de la constitution
qui donne au Souverain la responsabilité de « la pérennité et de la continuité de l’Etat »
que le pouvoir législatif a été exercé par le Roi sous la forme de dahir portant loi.
(7) Rousset (M.), Réflexions sur la compétence administrative du Roi, op. cit. ; Decroux (P.), le Souverain du Maroc,
législateur, op. cit., loc. cit.
(8) Rousset (M.), « De l’indépendance du pouvoir judiciaire au contrôle de l’administration, à propos d’une récente décision
de la Cour suprême du Maroc », Revue juridique et politique, indépendance et coopération, 1970, n° 3, p. 528 et suiv.
M. Rousset : « L’interprétation des pouvoirs du Roi dans la nouvelle constitution de 2011 », in La Constitution
Marocaine de 2011, analyses et commentaires, LGDJ, 2012, p. 47.
(9) Pour une analyse approfondie de cette impossibilité de former un recours contre les actes émanant du Chef de
l’Etat, consulter Mohammed Amine Benabdallah, les Prérogatives de l’Etat dans le recours pour excès de pouvoir,
op. cit., p. 65 à 85 et Benhalima (El H.), thèse précitée, p. 172 et suiv.
741
Droit administratif marocain
ceux qui auraient un caractère législatif et ceux qui auraient un caractère réglementaire
ou administratif a été confirmé avec vigueur par la chambre constitutionnelle dans sa
décision n° 41 du 17 octobre 1980 (B.O. 3552 du 26 novembre 1980), à propos du pouvoir
disciplinaire sur les agents d’autorité.
Mais aujourd’hui la Constitution de 2011 a modifié un certain nombre de données
sur la base desquelles étaient fondées les décisions de la Cour suprême ou du Conseil
constitutionnel Au vu de celle-ci on peut estimer que la solution du problème de l’immunité
juridictionnelle des décisions royales pourrait être envisagé d’une manière différente.
L’article 19 des constitutions antérieures a disparu et les pouvoirs religieux du Roi Amir
Al Moumnin et ceux qu’il détient en tant que chef d’Etat sont désormais bien distincts
et répartis entre les articles 41 et 42 de la Constitution. On a déjà cité l’article 118-2°
de la Constitution qui dispose de façon absolument générale que « tout acte de nature
réglementaire ou individuelle pris en matière administrative peut faire l’objet de recours
devant la juridiction administrative compétente ». En outre l’article 114 dispose que les
décisions individuelles du Conseil supérieur du Pouvoir judiciaire sont susceptibles de
faire l’objet d’un tel recours devant la plus haute juridiction du Royaume c’est à dire la
Cour de Cassation ce qui concerne également les décisions relatives aux magistrats. Enfin,
et surplombant en quelque sorte toutes ces dispositions particulières, l’article 6 affirme la
primauté de la loi « expression suprême de la volonté de la Nation » en vertu de laquelle
« tous, personnes physiques ou morales y compris les pouvoirs publics, sont égaux devant
elle et tenus de s’y soumettre ». La Constitution ne dit nulle part expressément ce qu’il
faut entendre par pouvoirs publics mais le sens commun est tenté de faire entrer dans cette
catégorie tous ceux qui au sein de l’Etat se partagent les pouvoirs législatif, exécutif et
judiciaire. Reste évidemment à décider si le Roi fait partie ou non des pouvoirs publics.
(10) Ce recours en cassation a un caractère absolument général et s’applique en l’absence de texte ou même quand
un texte prévoit que la juridiction du fond statue en dernier ressort et que ses décisions ne sont susceptibles d’aucun
recours (C.S. 18/3/1977, arrêt n° 62, Kadiri Abdelhafid, non publié). Aujourd’hui une disposition législative excluant
expressément le recours en cassation serait sans doute inconstitutionnelle.
742
Les conditions de recevabilité du recours pour excès de pouvoir
743
Droit administratif marocain
par une loi. L’article 71 de la Constitution range dans les matières qui sont du domaine de
la loi « l’organisation judiciaire et la création de nouvelles catégories de juridictions ». On
ne saurait donc reconnaître le caractère de juridiction à un organisme que s’il appartient à
une catégorie créée par la loi et non pas à un organisme qui a été créé par un texte d’ordre
administratif.
Au total, on utilise donc pour savoir si un organisme est une juridiction ou non
un ensemble de critères, ce qui ne rend pas la solution de la question plus facile. On
peut souvent être hésitant légitimement sur le résultat (11) (12) par exemple pour les
commissions locales et nationales créées par la loi instituant la TVA (B.O. 1986, p. 2),
ou pour les commissions locales de taxation et la Commission nationale du recours fiscal
(article 226 du code général des impôts).
C’est sans doute pour couper court à toute hésitation que le législateur a inséré dans
les textes créant un certain nombre d’ordres professionnels, des dispositions précisant
expressément que les décisions des conseils statuant en matière disciplinaire sont susceptibles
d’annulation devant la juridiction compétente pour juger les recours pour excès de pouvoir
(ordre des architectes, art. 80 de la loi du 10/9/1993, ordre des vétérinaires, art. 76 du dahir
portant loi du 6/10/1993, ordre des experts comptables, art. 77 de la loi du 8/1/1993).
La création des juridictions administratives amènera à se poser la question de savoir
quels sont les actes administratifs se rapportant à l’organisation de la justice qui sont
susceptibles de recours pour excès de pouvoir parce qu’ils sont séparables de l’activité
juridictionnelle et ceux qui ne le sont pas parce qu’il serait impossible de les examiner
sans mettre en cause l’indépendance de la justice.
Tant que le recours relevait de la Cour suprême directement, la question était sans
importance théorique puisque c’était le juge suprême d’un système juridictionnel unique
qui statuait.
Désormais, il conviendra de distinguer les actes organisant le service public de la justice
(décision d’ouverture d’un tribunal, de création d’emplois de magistrats ou de greffiers,
(11) Voir à propos des commissions de taxation : note Gourdon sous C.S.A., 12/7/1963, Sté. X… c/commissions de
taxation, R.M.D., 1963, p. 200 ; R., p. 66. Nasri (Y.), « Le recours devant les commissions fiscales », RMDC, n° 5/6,
2007, p. 113.
(12) Une illustration de ce problème peut être trouvée dans la commission spéciale et la commission d’appel chargées
de régler les différends qui pourraient s’élever à propos de l’application des textes créant le régime collectif d’allocation
de retraite (Dh. P.L. du 4/10/1977, art. 56 et D. du 4/10/1977, art. 46 et suiv., B.O. 1977, p. 1246 et 1251) ; ce régime
est institué en faveur du personnel contractuel de droit commun temporaire, journalier et occasionnel de l’Etat et des
collectivités locales, ainsi qu’en faveur des personnels des offices, établissements publics, sociétés concessionnaires
ainsi que des sociétés et organismes bénéficiant du concours de l’Etat et des collectivités publiques.
Le RACAR a fait l’objet d’une réforme, mais les commissions spéciales et d’appel subsistent, art. 57 et s. du décret
du 7/1/1993, B.O. 1993, p. 67.
744
Les conditions de recevabilité du recours pour excès de pouvoir
etc.) vis-à-vis desquels le recours sera recevable, et les actes relatifs au fonctionnement de
la justice (décision de poursuivre, remise de peine, exécution des jugements, etc.) contre
lesquels ne seront ouvertes que les voies de recours propres à chaque juridiction.
Un bon exemple de ce type de problèmes est donné par l’arrêt de la Cour suprême
n° 15 du 25 février 1983 (R.J.P.E.M., 1984, p. 103), par lequel la décision d’un Premier
président de cour d’appel s’opposant à ce que le dossier d’une affaire soit transmis au
Tribunal de première instance pour exécution a fait l’objet d’une annulation par la voie du
recours pour excès de pouvoir.
Il en est de même avec la décision du tribunal de Rabat qui annule la décision de
délégation d’un magistrat prise par le ministre de la Justice dans un cas où, contrairement
à l’art. 57 du statut de la magistrature, il n’y avait pas nécessité de pourvoir à un poste
vacant de la juridiction concernée, TA Rabat, 19/1/1995, El Ayadi, REMALD, n° 11, 1995,
note M.A. Benabdallah, p. 9.
L’application de ces lignes directrices supposera la solution de nombreux cas limites
de ce genre pour lesquels il pourra être utile de consulter l’abondante (et complexe !)
jurisprudence française.
§2. L’exclusion des actes administratifs qui ne constituent pas des décisions
L’acte doit constituer une décision (articles 21 et 23 de la loi de 1991).
Le recours pour excès de pouvoir est limité aux actes administratifs susceptibles
d’entraîner des effets. Il y a là une exigence qui est tout à fait comparable à celle
précédemment rencontrée à propos de l’intérêt du requérant. Il n’est pas normal de faire
des recours contre des actes qui n’ont par eux-mêmes aucune conséquence, contre de
simples velléités ou des éventualités. On dira que la décision n’est susceptible de recours
que si elle fait grief. Le recours ne sera donc pas recevable contre les actes préparatoires
tels que l’avis d’une commission ou un avertissement. C’est ainsi que dans un arrêt du
15 décembre 1960 (Ingarao Plinio, R., p. 24) la Cour suprême a considéré que lorsque le
Conseil national provisoire de la pharmacie propose une sanction contre un pharmacien au
secrétaire général du gouvernement, cette proposition ne constitue qu’un acte préparatoire,
un simple avis, qui ne peut pas faire l’objet d’un recours devant la Cour suprême, car
« seules les décisions qui ont par elles-mêmes une valeur exécutoire peuvent faire l’objet
d’un recours devant la Cour suprême ». Il en est de même d’un acte constituant un simple
rappel de la réglementation applicable : C.S.A. 19/6/1962, Ali ou Mimoun, R., p. 59.
De même dans l’arrêt du 22/2/1961, Sté coopérative agricole vinicole d’Oujda,
(R., p. 34), la Cour est amenée à décider qu’une mise en demeure, simple acte préparatoire
à une décision de retrait d’autorisation, n’est pas par elle-même au nombre des décisions
745
Droit administratif marocain
administratives faisant grief, seules susceptibles d’être déférées à la Cour suprême par la
voie du recours en annulation pour excès de pouvoir. En revanche, la Cour suprême décide
qu’en faisant notifier à l’intéressé l’avis émis par une commission consultative, l’autorité
administrative lui a donné la force d’une décision faisant grief (Roubinet, 20 mai 1963,
R., p. 146).
Le point de savoir si un acte administratif constitue ou non une décision sera souvent
une question de fait. Il faudra examiner les termes dans lesquels l’administration s’est
prononcée pour savoir si l’administration avait ou non l’intention de prendre une position
définitive. C’est ainsi que dans un arrêt du 12 mars 1959, Caillères (R., p. 40), la Cour
fut amenée à analyser les termes d’une lettre du gouverneur de Marrakech « demandant »
à un chirurgien-dentiste de fermer son cabinet secondaire et estima qu’il s’agissait là
d’un véritable ordre, qui par conséquent était susceptible de recours. Cf. également Cour
suprême 15 juillet 1963, S.A.R.L. Andalou c/ministère des Habous, R.A.C.A.M., 1964,
p. 200 ; R., p. 168.
De même, à propos d’un projet de décret, la Cour estime que le fait qu’il ait été
publié au Bulletin officiel et qu’il constitue ainsi le point de départ d’un délai pour les
propriétaires concernés par une éventuelle expropriation, lui donne le caractère d’une
décision susceptible de recours : C.S.A., n° 212 du 29 juin 1989, Al Majad Mohamed Ben
Hassan.
Une difficulté importante existe en ce qui concerne les circulaires. Toutes les
administrations connaissent la pratique des circulaires qui, juridiquement, ne sont que de
simples guides adressés par les chefs de service à leurs subordonnés et qui n’ont donc
pas ainsi de force obligatoire vis-à-vis des administrés. Dans la hiérarchie des actes
juridiques, la circulaire n’a pas de place en tant que règle de droit. Il suffit cependant
de fréquenter un peu les administrations pour se rendre compte que la circulaire est en
fait, au contraire, un procédé très important d’élaboration de la réglementation. Pour le
fonctionnaire, la circulaire est la règle de base et il applique rarement un texte s’il n’a pas
reçu une circulaire l’informant de l’existence du texte, précisant son contenu et donnant
des indications concernant son application. En sens inverse, d’ailleurs, l’administration
appliquera scrupuleusement une circulaire même si elle est contraire à un texte légal
ou réglementaire. Il en résulte que l’administration entend généralement appliquer les
circulaires aux administrés, lesquels les ignorent très souvent, tout comme ils ignorent
qu’elles n’ont pas de valeur juridique. Dans ces conditions, on conçoit qu’une difficulté
existe sur le plan contentieux, du fait de ce divorce entre le droit et la réalité. A raisonner
sur le plan strictement juridique, le recours contre les circulaires ne doit pas être recevable
puisqu’il s’agit d’actes qui sont sans portée pratique. Mais on conçoit qu’il serait utile de
faire annuler de tels textes s’ils imposent des obligations aux administrés.
746
Les conditions de recevabilité du recours pour excès de pouvoir
Un arrêt du 24 mars 1960, Azoulay, (R., p. 100), avait indiqué de façon incidente qu’une
circulaire n’a pas le caractère législatif, ce qui est une évidence. Puis dans une décision du
9 juillet 1960, Mohamed Alem (R., p. 141), la Haute juridiction affirme qu’un recours eût
été possible contre les opérations d’un concours organisé par une circulaire : elle semblait
ainsi s’orienter vers la solution retenue par le Conseil d’Etat en France et consistant à
distinguer à l’intérieur des circulaires celles qui modifient l’état de droit existant et ont
ainsi le caractère réglementaire de celles qui sont de simples mesures d’ordre intérieur
(C.E. 23/12/1959, U.N.E.F., Sirey, 1960, p. 227).
C’est cette solution que la Cour a adoptée de manière expresse dans deux décisions
relatives à des circulaires de l’Office des changes (C.S.A., 25/5/1968, Barbatos, R.,
1966-70, p. 145 ; Sté Electras maroquies, 29/1/1969, R., 1966-70, p. 223, cités in « La
délégation de pouvoir au Maroc », P. Decroux, Rev. juridique et politique, indépendance
et coopération, 1969, p. 357).
La Cour estime d’une part, que l’Office des changes n’ayant pas reçu de la loi un
pouvoir réglementaire, il « n’est pas fondé à rejeter une demande en opposant uniquement
des moyens de non-recevabilité tirés de ses notes ou avis » et, d’autre part et de
façon symétriquement inverse, qu’il « n’est pas tenu de les appliquer (ses circulaires)
automatiquement pour chaque demande ». Sur la base de ce raisonnement, le recours pour
excès de pouvoir est déclaré recevable contre la décision de l’Office faisant application
d’une circulaire ayant à tort une portée réglementaire, il est en revanche rejeté contre le
refus de l’Office d’appliquer dans tous les cas ses propres circulaires puisque celles-ci ne
peuvent avoir de caractère réglementaire.
La nature de ces circulaires et directives n’est pas toujours évidente (M.A. Benabdallah :
De la nature juridique de la circulaire, CSA. 5 juin 2003, Commune urbaine d’Aïn Sebaâ
c/Moussadik Habiba, REMALD, n° 60, 2005, p. 70) ; tel est le cas « des directives et
circulaires générales et individuelles » que le gouverneur de Bank Al Maghrib était
habilité à prendre pour déterminer les modalités d’application de la loi du 6/7/1993
(B.O. 1993, p. 333) relative à l’activité des établissements de crédit et à leur contrôle. Or
compte tenu du texte de l’article 15 de la loi, il semble bien qu’il s’agissait de véritables
décisions administratives. Mais pour en décider il fallait naturellement en analyser le
contenu. L’article 24 de la nouvelle loi sur les établissements de crédit et organismes
financiers du 24 décembre 2014 (B.O. 2015, p. 978) dispose que « les circulaires du wali
de Bank Al Maghrib prises en application de la présente loi et des dispositions législatives
et réglementaires en vigueur sont publiées au Bulletin Officiel après homologation par
arrêtés du ministre chargé des finances ».
De même l’Autorité Marocaine des Marchés de Capitaux peut « édicter des circulaires
qui s’appliquent aux organismes et aux personnes soumises à son contrôle ainsi qu’à
747
Droit administratif marocain
leurs dirigeants et aux membres de leur personnel. Ces circulaires ne peuvent être
contraires aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur, les modifier ou les
abroger directement ou indirectement ». Ces circulaires édictent des règles de pratiques
professionnelles, des règles déontologiques, et des modalités techniques ou pratiques
d’application des dispositions législatives ou réglementaires qui leur sont applicables ;ces
circulaires élaborées selon des modalités prévues par un règlement général, sont
homologuées par l’administration et publiées au Bulletin Officiel (art. 6, 7 et 21 de la loi
43-12 du 13 mars 2013 (BO. 2013, p. 1749).
Il ne fait aucun doute que la plupart de ces circulaires ont, malgré leur nom de
circulaire, le caractère de véritables décisions administratives. Pour s’en persuader il
faudra naturellement analyser leur contenu.
Section III
Les conditions de procédure
Bien que le législateur n’ait prévu qu’un formalisme limité un recours pour excès de
pouvoir ne peut être mené à bonne fin sans que soient scrupuleusement respectées un
certain nombre de règles. Le requérant a la faculté de former un recours administratif
préalable, il doit respecter certains délais ; il lui faut enfin s’insérer dans un certain
formalisme.
748
Les conditions de recevabilité du recours pour excès de pouvoir
faciliter le règlement des litiges sans avoir appel au juge dont on craignait en 1957 qu’il
ne fût débordé par l’afflux des recours en annulation. La Cour faisait évidemment une
application stricte de cette règle en décidant que le recours administratif avait un caractère
d’ordre public et que son omission devait être soulevée d’office : C.S.A. Chevrier,
19/12/1959, R., p. 78.
Cette obligation a été supprimée par l’article 360-2e du Code de procédure civile qui
dispose : « Toutefois, les intéressés ont la faculté de saisir, avant l’expiration du délai du
recours contentieux, l’auteur de la décision d’un recours gracieux ou de porter devant
l’autorité administrative supérieure un recours hiérarchique. Dans ce cas, le recours à la
Cour suprême peut être valablement présenté dans le délai de soixante jours à compter
de la notification de la décision expresse de rejet total ou partiel du recours administratif
préalable. »
Désormais, le recours administratif est donc une simple faculté dont le requérant
usera selon l’appréciation de son opportunité. On peut penser que cette modification a été
inspirée par la pratique suivie depuis 1957 et notamment par le nombre limité de recours
en annulation portés devant la Cour.
Ces dispositions restent valables pour les recours portés directement devant la Cour
suprême.
Pour ceux qui relèvent maintenant des tribunaux administratifs, en règle générale, des
dispositions analogues ont été retenues par l’art. 23, alinéas 2, 3 et 4 de la loi.
La similitude des textes fait que la jurisprudence antérieure reste certainement valable.
On relèvera quelques décisions qui sont venues préciser certains points.
Le recours doit apparaître réellement comme « une demande expresse et précise »
à défaut de laquelle le juge pourra estimer qu’il n’y a pas eu véritablement recours
administratif de nature à conserver les délais du recours contentieux (C.S.A. Entreprise
Quilmes, 20/5/1963, R., p. 153).
Par ailleurs, si la réglementation a créé un recours administratif spécial contre certaines
décisions, l’article 360-4e du C.P.C., qui reprend une disposition identique contenue
jusqu’alors dans l’art. 14-5e du dahir de 1957, précise que « le recours en annulation n’est
recevable qu’à l’expiration de la dite procédure ». La Cour suprême a fait application de
cette disposition dans un arrêt du 19/6/1962, Ali ou Mimoun, R., p. 59.
Le refus de l’autorité administrative d’accepter de recevoir un recours administratif
vaut décision de rejet du recours ; le requérant doit donc intenter le recours en annulation
sans attendre l’expiration du délai qui est normalement laissé à l’administration pour lui
permettre de répondre : C.S.A. 26/11/1962, Abderrahmane Ben Mohamed el Khaoui, R.,
p. 75.
749
Droit administratif marocain
Enfin, la Cour précise que la lettre par laquelle l’autorité administrative se borne à
accuser réception du recours administratif sans comporter aucun élément de nature à la
faire apparaître comme une décision, ne peut constituer un rejet explicite du recours ; le
requérant doit donc dans ce cas attendre l’expiration du délai imparti à l’administration :
C.S.A. 22/6/1964, Ahmed Ouakrim, R., p. 204.
L’existence d’une autorité administrative hiérarchiquement supérieure pose quelquefois
un problème. Il en a été ainsi en particulier pour les ministres. On considère en général que
les ministres sont les chefs de l’administration, chacun dans le secteur qui lui est attribué.
Nombreuses sont de ce fait les décisions qui émanent des ministres et on s’est demandé
si, lorsqu’on voulait former un recours pour excès de pouvoir contre une de ces décisions,
il fallait le faire précéder d’un recours gracieux adressé au ministre lui-même, ce qui
est le cas si l’on considère qu’il n’a point de supérieur, ou au contraire le faire précéder
d’un recours hiérarchique adressé au Président du Conseil ou au Premier ministre suivant
l’époque à laquelle on se place. Dans une décision du 23 février 1961, Société balnéaire
du Maroc (R., p. 40) tout comme dans un arrêt du 18 mai 1964 (Madelaine, R., p. 63), la
Cour a été amenée à affirmer que « le Président du Conseil des ministres ne constitue pas
sur le plan administratif le supérieur hiérarchique des ministres composant ledit Conseil ».
Par conséquent, le recours administratif doit être adressé, lorsque la décision a été prise
par un ministre, à ce ministre lui même et non au Président du Conseil (C.S.A. 18/7/1963,
Vitalis, R., p. 180 : même solution). Naturellement cette solution vaut aujourd’hui pour le
Chef du gouvernement.
On doit ici signaler une exigence des lois organiques du 7 novembre 2015 relatives à
la commune (article 265), à la préfecture et à la province(article 209) ainsi qu’à la région
(article 239) qui sont rédigés de manière identiques ; « Aucune action pour excès de pouvoir
ne peut être intentée contre (la collectivité) ou contre la décision de son organe exécutif
sous peine d’irrecevabilité de la part des juridictions compétentes, que si le demandeur a
préalablement informé le président (de la collectivité) et adressé au gouverneur (ou Wali)
un mémoire exposant l’objet et les motifs de sa réclamation. Un récépissé est délivré
immédiatement au demandeur ». Sont exclus de cette obligation les actions possessoires et
le recours en référé. Mais cette obligation tombe si au bout de quinze jours le demandeur
n’a pas obtenu le récépissé ! Ou si au bout de trente jours les deux parties ne sont pas
parvenues à un accord amiable. Un agent judiciaire des collectivités territoriales a été
créé pour aider les collectivités dans la conduite des actions en justice ; cet agent peut être
mandaté pour représenter les collectivités et leurs groupements dans toutes actions les
concernant dans des conditions définies par convention.
Dans tous les cas, le dépôt du mémoire interrompt toute prescription ou déchéance s’il
est suivi de la demande en justice dans le délai de trois mois.
750
Les conditions de recevabilité du recours pour excès de pouvoir
1. Décision expresse
Dans ce cas l’administré souhaite attaquer une décision dont l’initiative appartient à
l’administration qu’elle l’ait prise spontanément, ou sur demande de l’administré. S’il
s’agit d’une mesure à portée générale, un règlement par exemple, le point de départ du
délai sera la publication ; s’il s’agit d’une décision individuelle, le point de départ sera
la notification. Par conséquent, ce n’est pas la date qui figure sur la décision qui doit
être retenue, mais la date à laquelle elle a été portée officiellement à la connaissance des
intéressés et qui peut être dans certains cas notablement postérieure. C’est là une nécessité
car s’il n’en était pas ainsi il suffirait que l’administration conserve secrète sa décision
pendant un certain temps pour qu’elle soit ensuite à l’abri de tout recours (13).
2. Décision tacite
Il s’agit cette fois de l’hypothèse où l’initiative vient du particulier qui sollicite une
décision de la part de l’administration. Il demandera par exemple un permis de construire ou
il fera acte de candidature à un emploi. Si l’administration répond de façon catégorique, nous
retombons dans l’hypothèse précédente. Si l’administration ne répond pas, un moyen a été
imaginé pour éviter que son silence et sa passivité ne la mettent à l’abri de tout recours. Le
dahir du 4 mars 1958 avait prévu que le silence de l’administration à propos d’une demande
(13) Dans une décision du 17 juin 1977, n° 256, en arabe, non publiée, rapportée par M’hamed Antari dans sa thèse,
p. 19, la Cour suprême admet que la connaissance acquise fait fonction de notification et fait courir les délais si le
requérant a été en possession de tous les éléments lui permettant d’être certain de l’existence de la décision. En France
le Conseil d’Etat ne l’admet plus : CE (sect.), 29/12/2002, Treyssac, R., p. 651.
751
Droit administratif marocain
adressée par un administré vaudrait décision de rejet à l’expiration d’un délai de trois mois
à compter de la date de dépôt de ladite demande. Cette règle est conservée par l’article 360,
alinéas 3 et 5 du Code de procédure civile et par l’art. 23-5e de la loi ; toutefois, le délai est
réduit à soixante jours. Le silence gardé pendant soixante jours équivaut donc à une décision
de rejet et le point de départ du délai sera le jour où se seront écoulés les soixante jours à
compter de la demande adressée à l’administration. Si la décision appartient à une assemblée
délibérante, un conseil communal par exemple, le délai de 60 jours est prolongé, le cas
échéant, jusqu’à la fin de la première session légale qui suit le dépôt du recours. Il convient
donc que le requérant se ménage la preuve de la date à laquelle il a saisi l’administration de
sa demande (lettre recommandée, avec accusé de réception, par exemple). C’est donc à la
décision ainsi entendue (notification ou publication d’une décision expresse, ou écoulement
du délai permettant d’obtenir une décision tacite) que s’appliqueront les délais.
En cas de contestation sur le point de départ du délai, spécialement en ce qui concerne
la date du dépôt du recours administratif, la jurisprudence de la Cour suprême est assez
bienveillante (cf. Cour suprême 18 mai 1961, Consorts Madelaine, R., p. 63). Elle exige
notamment que l’administration fasse la preuve de la notification de ses décisions, ce qui évite
au requérant d’être forclos à la suite d’une notification équivoque ou purement imaginaire
(Cour suprême, 21 mai 1960, Ahmed Ben Ghabrit, R., p. 110 : « L’administration n’établit
pas que cette dernière décision ait été notifiée. » Cour suprême, 18 juin 1960, Dame veuve
Thaoomal Dhaloomal, R., p. 132 : « Bien que le ministre soutienne avoir rejeté le recours
hiérarchique, il n’établit pas que la requérante ait reçu notification de sa décision. ») Seule la
date à laquelle le recours parvient à l’administration importe pour apprécier la tardiveté du
recours et non pas celle du cachet de la poste : C.S.A. 17/6/1963, Ohayon, R., p. 160.
Il faut également signaler les exigences particulières des articles 4 à 7 de la loi du
23 juillet 2002 (B.O. 2002, p. 882) sur la motivation des décisions administratives
individuelles qui prévoient des délais particuliers lorsque le destinataire d’une mesure
non motivée demande à son auteur communication de ces motifs ; les délais prévus pour
que l’administration réponde expressément ou tacitement à cette demande, prolongent les
délais de recours de l’article 360-5° du CPC. et ceux de l’article 23 de la loi 41-90 créant
les tribunaux administratifs.
752
Les conditions de recevabilité du recours pour excès de pouvoir
753
Droit administratif marocain
elle-même suivie d’un recours administratif qui demeurera également sans réponse. En
revanche, si l’on se trouve devant une décision initiale, expresse ou tacite de l’administration,
le délai maximum en cas de recours administratif sera de cent quatre-vingts jours. C’est cette
durée qui est retenue par la Cour suprême comme limite de la période pendant laquelle
l’administration peut retirer un acte illégal lorsqu’aucun recours contentieux n’a été intenté.
Si dans les premières années de pratique du recours pour excès de pouvoir, le respect des
délais a posé des problèmes aux requérants et entraîné des rejets nombreux, il n’en est plus
de même aujourd’hui et rares sont les décisions déclarant un recours irrecevable pour cette
raison. C’est là le signe d’une meilleure connaissance des règles de procédure de la part des
administrés et de leurs conseils.
754
Les conditions de recevabilité du recours pour excès de pouvoir
pièces peuvent évidemment être remplacées par les documents prouvant qu’un délai de
60 jours s’est écoulé depuis la demande adressée à l’administration. La requête est enrôlée
gratuitement, sans taxe judiciaire, ce qui est une dérogation à la règle générale.
La requête est généralement très sommaire et les parties se réservent souvent la
possibilité de déposer ensuite un mémoire ampliatif développant leurs arguments. La
mention de cette éventualité doit être expressément faite dans la requête. Elle a pour but
de compenser dans une certaine mesure la brièveté du délai qui souvent ne permet pas
une étude approfondie de l’affaire. On dépose donc le recours à temps et on peut ensuite
développer ses arguments à loisir dans le mémoire. Mais bien entendu celui-ci ne peut pas
contenir des moyens juridiques qui ne seraient pas déjà formulés dans la requête.
Le Président de la juridiction désigne un magistrat rapporteur qui sera chargé de suivre la
procédure et en particulier de faire respecter les délais prévus par le Code de procédure pour
la production des mémoires des parties. Le dossier est également transmis au commissaire
royal de la loi et du droit (tribunal administratif) ou au ministère public (Cour de Cassation)
qui présenteront leurs conclusions à l’audience. Rappelons qu’ils n’ont pas pour tâche de
défendre l’administration qui peut, si elle le souhaite, avoir recours à un avocat, mais de
dire le droit comme une sorte de consultant officiel, impartial et indépendant.
Les plaideurs nécessiteux peuvent obtenir le bénéfice de l’assistance judiciaire (D.R.
portant loi n° 514.65 du 1er novembre 1965). Cf. C.S.A. 19/2/1962, El Idrissi El Hassan,
R., p. 32 ; cf. art. 3-3e de la loi de 1991 sur les tribunaux administratifs.
Section IV
La condition tenant à l’absence de recours parallèle (14)
Le recours pour excès de pouvoir n’est pas recevable lorsque le requérant dispose d’une
autre voie de droit lui permettant d’obtenir un résultat analogue ; l’article 360-6e du C.P.C.
reprenant les termes de l’ancien art. 14-6e du dahir du 27/9/1957, dispose en effet : « Le
recours pour excès de pouvoir n’est pas recevable contre les décisions administratives,
lorsque les intéressés disposent pour faire valoir leur droit du recours ordinaire de pleine
juridiction. » Cette règle est reprise pour les tribunaux administratifs au dernier alinéa de
l’art. 23 de la loi qui les institue. La règle selon laquelle le recours pour excès de pouvoir
n’est pas recevable si le requérant pouvait former un recours ordinaire de plein contentieux
(14) Cf. Rousset (M.), « L’exception du recours parallèle dans le contentieux administratif au Maroc », Revue juridique
et politique, indépendance et coopération, 1969, n° 3, p. 367.
M. Amzid, « La condition d’absence de recours parallèle », REMALD, coll. Thèmes actuels, n° 6, 1996, p. 259, en
arabe.
755
Droit administratif marocain
n’est donc que la sanction sur le plan de la procédure de la distinction des recours
précédemment étudiée et à laquelle il convient de se reporter si l’on veut déterminer les
hypothèses dans lesquelles est susceptible de s’appliquer cette fin de non-recevoir.
On ne peut donc pas considérer qu’il y ait là, à proprement parler, une condition
très originale. Elle n’est que le rappel du nécessaire respect des compétences dans la
mesure où depuis le dahir de 1913 les juridictions civiles sont compétentes en matière
administrative pour statuer sur les recours de plein contentieux ; il était donc tout à fait
normal que le recours pour excès de pouvoir ne puisse pas être substitué à ce recours de
plein contentieux. Il est certain que cette interdiction perd beaucoup de sa portée dès lors
que c’est le même juge qui statue sur les deux recours. Seules les différences de procédure,
telle la dispense de paiement de la taxe judiciaire ou la compétence spécifique du Tribunal
administratif de Rabat ou de la Cour suprême pour certains litiges, justifient son maintien.
Il en va de même pour des contentieux spécifiques comme le contentieux fiscal ou celui
des pensions qui, bien sûr, excluent le recours pour excès de pouvoir. Certes l’application
de cette règle soulève bien des difficultés mais qui sont celles qui ont été rencontrées lors
de la distinction de l’excès de pouvoir et du plein contentieux.
On trouvera une application de l’exception dans une décision du TA de Rabat, n° 67,
du 11/4/1996 qui rejette un recours en annulation dirigé contre une décision administrative
prononçant la résiliation d’un contrat en cours d’exécution (citée par J. Amazid,
« Réflexions sur la responsabilité en matière de marchés de travaux publics », REMALD,
n° 17, 1996, p. 175).
Le tribunal rejette également un recours en annulation d’une décision de licenciement
prise par le directeur d’un office (la Caisse nationale de crédit agricole) en estimant que la
requérante dispose d’un recours devant la juridiction ordinaire « pour réclamer ses droits
dans le cadre du contentieux du travail » (TA Rabat, 19/3/1998, Dahani, REMALD, n° 24,
1998, p. 139, note M.A. Benabdallah, et p. 147 note M. Antari).
Dans cette curieuse affaire le juge s’abrite derrière l’exception de recours parallèle dans
un cas où, au fond, il était incompétent (15).
Mais il n’a pas osé aller jusqu’au bout de la logique en rompant avec une jurisprudence
traditionnelle qui considère que les décisions prises par les directeurs des établissements
publics sont des décisions émanant d’autorités administratives (critère organique) contre
(15) Il en est de même par exemple en ce qui concerne les décisions de délimitation du domaine forestier qui entrent
dans le cadre d’une gestion purement patrimoniale du domaine privé ; la décision de délimitation ne peut faire l’objet
d’un recours en annulation pour excès de pouvoir car le requérant dispose d’un recours devant le juge ordinaire lui
permettant de faire pleinement valoir son droit, M. Blal, « Le contentieux judiciaire de la délimitation administrative
du domaine forestier », REMALD, n° 22, 1998, p. 93.
756
Les conditions de recevabilité du recours pour excès de pouvoir
757
Chapitre III
Les cas d’ouverture du recours
pour excès de pouvoir
Les diverses hypothèses dans lesquelles le juge annulera l’acte attaqué sont connues
sous le nom de cas d’ouverture ou causes d’annulation. C’est donc un véritable catalogue
des illégalités qu’il convient de dresser, ce qui permettra d’établir en négatif en quelque
sorte les conditions de régularité des actes administratifs. Comme on l’a déjà fait
remarquer, le droit administratif en est encore davantage à la phase de la description des
vices qui sont susceptibles d’affecter les décisions de l’administration qu’à celle de la
description des qualités qu’elles doivent avoir.
Les irrégularités sont en fait susceptibles d’atteindre les différents éléments de l’acte
administratif (1). Aussi n’est-il pas inutile de procéder à une analyse mettant en valeur
les éléments de l’acte administratif, analyse qui permettra de mieux situer les différentes
hypothèses possibles d’irrégularités.. La première question qui se pose est celle de savoir
quelle est l’autorité compétente pour prendre la décision. S’il s’agit d’une question de
stationnement par exemple ce sera le président du Conseil municipal qui exerce dans les
limites du périmètre urbain les fonctions d’autorité de police générale (2). Dans la plupart
des cas il n’existe qu’une autorité susceptible de prendre une décision déterminée.
On se demandera ensuite sous quelle forme devra intervenir la décision et en suivant
quelle procédure. Le droit administratif n’est généralement pas solennel, mais il y a tout
de même un certain nombre d’exigences. S’il s’agit d’une mesure générale prise sous la
forme d’un décret ou d’un arrêté celui-ci devra faire l’objet d’une publication destinée à
le porter à la connaissance du public. On conçoit très bien que ces exigences de forme
généralement protectrices des individus doivent être respectées.
Par la mesure qu’elle va prendre, l’autorité administrative cherche à atteindre un but.
Elle agit en vue d’un certain résultat. Elle est poussée par un mobile psychologique. On
conçoit que ce but ne puisse être que l’intérêt général et plus particulièrement une certaine
forme d’intérêt général adaptée à chaque cas particulier. Par exemple l’interdiction
de stationnement sur certains voies ne peut avoir d’autre but que l’amélioration de la
circulation et non par exemple de favoriser telle catégorie d’usagers par exemple les
riverains de la voie considérée.
Par ailleurs, et là nous touchons un élément tout à fait spécifique de l’acte administratif,
celui-ci doit avoir un motif. Ce terme a ici une signification particulière très précise. Le
motif est un ensemble de faits antérieurs à la décision et qui la justifient. C’est donc une
situation matérielle objective que l’on peut constater et qui est au fond la raison pour
laquelle l’acte est pris. La fantaisie n’a évidemment aucune place dans le droit administratif.
Aucune autorité ne peut prendre une décision parce que tel est son bon plaisir ; elle doit
toujours avoir une réponse à fournir à qui lui demanderait le pourquoi de sa décision et
bien entendu on ne saurait considérer n’importe quelle réponse comme satisfaisante. Ainsi,
l’interdiction de stationner ne pourra être motivée que par les difficultés constatées dans la
circulation, les encombrements, la gêne pour l’accès aux propriétés, etc. Il y aura le plus
souvent un lien évident entre le motif et le but ; c’est parce que l’autorité a constaté une
certaine situation (motif) qu’elle prendra une mesure pour la faire cesser (but). Mais les
deux éléments ne peuvent pas être confondus. L’un, le motif, antérieur à l’acte est d’ordre
purement objectif, l’autre, le but, constitue au contraire la fin de cet acte, le résultat qu’il
doit permettre d’atteindre. Cette distinction est d’autant plus importante que les autorités
administratives ont aujourd’hui l’obligation de motiver un grand nombre de décisions
qu’elles prennent.
Enfin, la décision a un contenu, un objet ; dans notre exemple, l’interdiction de
stationner. C’est la décision elle-même. Et bien entendu, le contenu, l’effet juridique
que cette décision va produire ne doit pas être contraire à une règle de droit. Si un
texte proclamait la liberté du stationnement, il est évident que la mesure envisagée ne
pourrait pas être prise. Il convient donc pour chaque décision de voir si elle n’est pas en
contradiction avec quelque réglementation supérieure.
On peut donc admettre qu’un acte administratif réunit cinq éléments : un auteur,
une expression formelle, un but, un motif et un contenu. Chacun peut isolément être
l’objet de vices susceptibles de donner ouverture à un recours pour excès de pouvoir.
Cette présentation a reçu une consécration législative par l’art. 20 de la loi créant
les tribunaux administratifs qui, pour la première fois, donne une définition globale
de l’excès de pouvoir. On peut donc distinguer cinq cas d’ouverture étudiés en cinq
sections différentes.
760
Les cas d’ouverture du recours pour excès de pouvoir
Section I
L’incompétence ou vice tenant à l’auteur de l’acte (2 bis)
(2 bis) M. El Yaâgoubi : « Le vice d’incompétence dans le contentieux de la légalité au Maroc », REMALD, n° 109-110,
2013, p. 9.
(3) La réglementation sur la comptabilité publique met en application cette théorie à propos des comptables de fait :
l’art. 16 du Dh. du 21/4/1967 (B.O. 1967, p. 452) dispose que « toute personne qui effectue, sans titre, des opérations
de recettes, de dépenses ou de maniement de valeurs intéressant un organisme public est constituée comptable de fait.
Le comptable de fait est soumis aux mêmes obligations et assume les mêmes responsabilités qu’un comptable public ».
761
Droit administratif marocain
La loi du 13/6/2002 (B.O. 2002, p. 785) sur les juridictions financières comporte une section 3 sur la gestion de fait ;
la Cour des comptes juge les comptes des comptables de fait (art. 41).
762
Les cas d’ouverture du recours pour excès de pouvoir
l’a longuement rappelé dans un arrêt rendu le 1er juin 1970 (jurisprudence de la Cour
suprême, 1973, p. 48).
Parfois l’empiétement de compétence est si grave que le juge pour le censurer
utilise une formule particulièrement énergique évoquant celle que l’on trouve dans la
jurisprudence du Conseil d’Etat en France : « est nulle et non avenue » la décision du
ministre de l’Agriculture prononçant la dissolution d’une association alors qu’une telle
mesure est exclusivement confiée à l’autorité judiciaire par le dahir sur les associations
(Sté hippique et des courses marocaines, 14/1/1963, R., p. 106). Cette décision est
importante dans la mesure où elle semble accueillir la notion d’acte inexistant, c’est-à-dire
d’un acte qui en raison de l’énormité de l’irrégularité juridique qui l’entache, est réputé
n’avoir jamais eu aucune existence juridique. A cette qualification on peut rattacher des
conséquences importantes : un tel acte ne devient jamais définitif ; il ne fait jamais acquérir
de droit et peut être retiré ou attaqué par la voie du recours pour excès de pouvoir à toute
époque (4).
Les administrateurs pensent souvent se prémunir contre une éventuelle accusation
d’incompétence par le jeu des délégations. Il est très fréquent qu’un supérieur délègue
ses pouvoirs à un subordonné pour se décharger d’une partie de sa tâche et éviter d’avoir
à multiplier de fastidieuses séances de signature. Cette pratique n’est régulière et par
conséquent l’autorité délégataire n’est compétente que dans la mesure où un texte de
portée générale l’a autorisée. C’est ainsi que l’article 90 de la Constitution dispose : « Le
Chef du gouvernement exerce le pouvoir réglementaire et peut déléguer certains de ses
pouvoirs aux ministres. » De ce fait, les actes faits par les ministres sur délégation du
Chef du gouvernement seront réguliers. Mais une délégation accordée en dehors d’un
texte l’autorisant ne donne pas de pouvoir à son bénéficiaire et il reste incompétent. Cette
règle est justifiée par la raison que l’on invoque toujours quand on parle d’incompétence,
à savoir que si un pouvoir a été donné à une personne déterminée, c’est parce qu’elle
semble plus apte qu’une autre à l’exercer et par conséquent elle n’a pas à en disposer à
son gré et à le confier à une personne qui ne présente peut-être pas les mêmes garanties.
Le jeu des délégations pourrait d’ailleurs conduire de degré en degré à faire prendre les
décisions par des fonctionnaires tout à fait subalternes (C.S.A. n° 90 du 16 mai 1985,
Bouchta Makhchan).
(4) En vertu du Dh. P.L. du 10/4/1973 modifiant l’art. 7 du Dh. du 15/11/1958, la dissolution de toutes les associations
pouvait être prononcée par décret ; un arrêté ministériel de dissolution n’aurait constitué qu’une simple illégalité par
méconnaissance de la répartition des compétences à l’intérieur de la hiérarchie administrative. Mais ce texte a été
abrogé par la loi 75-00 du 23/7/2002.
Le moyen d’inexistence a été invoqué par le requérant dans l’affaire Sté Medi-Trust c/Etat marocain, T.A. de Rabat,
20/12/2000, mais a été rejeté par le juge des référés, cf. Antari (M.), « L’intérêt de la théorie des actes inexistants pour
la protection des droits et libertés », REMALD, n° 36, 2001, p. 125.
763
Droit administratif marocain
Section II
Le vice de forme
764
Les cas d’ouverture du recours pour excès de pouvoir
(5) Cette procédure a été modifiée par une loi 10-97 du 2 août 1997 ; cf. supra, la démission.
765
Droit administratif marocain
(6) Le législateur prend soin, lorsqu’il prévoit des sanctions, de mettre également en place un mécanisme protecteur
des droits de la personne sanctionnée : par exemple la loi sur la poste et les télécommunications du 7/8/1997,
M. Rousset, « La nouvelle réglementation de la poste et des télécommunications : du monopole à l’activité partagée »,
RJPIC, n° 1, 1998, p. 67.
766
Les cas d’ouverture du recours pour excès de pouvoir
lui a été adressée. Le recours à la décision implicite positive est désormais fréquent afin de
lutter contre l’inertie ou le mauvais vouloir de l’administration, ainsi l’art. 9 de la loi 19-94
du 26/1/1995 (B.O. 1995, p. 117) relative aux zones franches d’exportation, prévoit que
les plans d’aménagement des zones franches doivent être autorisés ; mais que l’autorité
compétente doit statuer dans le délai de soixante jours ; passé ce délai ils sont considérés
comme approuvés. De même l’art. 12 de la même loi dispose qu’au bout de trente jours
à compter du récépissé de dépôt de la demande d’autorisation par l’entreprise, celle-ci est
réputée accordée.
Un dernier exemple résulte de l’art. 80 de la loi sur l’eau du 20/9/1995, l’autorisation
d’usage de l’eau à des fins d’irrigation des propriétés agricoles est réputée accordée à
l’expiration d’un délai de soixante jours à compter de la délivrance du récépissé du dépôt
de la demande auprès de l’agence de bassin compétente. Deux points méritent cependant
quelques précisions, c’est la question de l’énoncé des motifs dans la décision et celle de
la publicité.
La décision administrative doit-elle comporter l’indication des motifs qui ont amené
l’administration à intervenir ? Le problème qui se pose ici n’est pas de savoir si l’acte doit
avoir un motif car en toute hypothèse il doit en comporter un, mais de savoir si ce motif
doit être expressément formulé. L’intérêt que comporte une telle indication est double :
d’une part, l’administré peut ainsi connaître les raisons qui ont poussé l’administration
à agir ; d’autre part, le juge pourra plus facilement vérifier le bien-fondé de ces motifs.
Pendant longtemps il ne semble pas que la Cour suprême ait cru devoir imposer à
l’administration d’indiquer les motifs de ses actes, sauf dans deux hypothèses, lorsqu’un
texte le prévoit ou lorsque la décision constitue une sanction. Dans ce cas, en effet,
l’indication des motifs coïncide avec le respect des droits de la défense. L’administré qui
subit de la part de l’administration une sanction a le droit de savoir pour quelle raison cette
décision a été prise. Ce sont donc en pratique les mêmes actes qui entraînent l’application
du respect des droits de la défense et qui doivent être motivés de manière expresse. Dans
ces deux hypothèses et celles-là seules, le défaut d’indication des motifs constitue un
vice de forme (C.S.A. n° 206, 20 novembre 1986, Société marocaine de transport rural et
C.S.A. n° 277, 15 décembre 1988, M’hamed Hamou Ben Belkacem). Cependant, l’auteur
de l’acte devra communiquer ses motifs au juge administratif, dans le cas d’un recours,
pour qu’il puisse exercer un contrôle (même décision) et s’il ne le fait pas ce dernier
767
Droit administratif marocain
considérera qu’ils n’existent pas (C.S.A. n° 80, 1er mars 1990, Jamila Sadiki) et annulera
pour défaut de motifs (cf. section IV) (7).
Même solution dans une décision du Tribunal administratif de Casablanca du
21 juin 2011, Bouhouli, REMALD, n° 104, 2012, p. 214, note M.A. Benabdallah.
Afin de faire échec à l’arbitraire ou à l’inattention de l’autorité administrative, le
législateur exigeait de façon quasiment systématique que les décisions négatives soient
motivées ce que l’on peut vérifier par exemple avec la loi sur l’eau, la loi sur les zones
franches d’exportation, la loi sur la liberté des prix et de la concurrence ou encore la loi
relative à la poste et aux télécommunications.
Cette obligation de motivation facilite évidemment le contrôle de la régularité des
motifs par le juge.
Enfin, aboutissement de cette évolution, la loi 03-01 du 23 juillet 2002 (B.O. 2002,
p. 882) a imposé à peine d’illégalité de la décision administrative individuelle défavorable,
l’obligation de motivation expresse par l’énoncé des considérations de droit et de fait qui
constituent le fondement de la décision. Cette obligation concerne les administrations
publiques de l’Etat, des collectivités territoriales et des établissements publics.
B. La publicité
L’acte administratif doit faire l’objet d’une certaine publicité car on ne pourrait
évidemment pas reprocher aux administrés d’ignorer un acte, de ne pas se conformer à
une décision de l’administration, s’ils n’en ont pas connaissance. Le principe de publicité
est si important qu’il a reçu une consécration constitutionnelle dans l’article 6-3° de la
Constitution qui dispose que « sont affirmés les principes constitutionnels… d’obligation
de publication des normes juridiques ».
Cette publicité se fait de manière différente selon qu’il s’agit d’un acte à portée générale
ou d’un acte individuel. L’acte à portée générale doit être publié, c’est-à-dire qu’il doit faire
l’objet d’une mesure d’information aussi générale que possible dont d’ailleurs les procédés
ne sont pas imposés de manière rigoureuse. Il y aura donc publication au Bulletin Officiel,
éventuellement par la voie de la presse, et aussi par affichage, voire par la voie d’annonces
publiques et aujourd’hui de plus en plus souvent sur le portail des administrations, tel le
Portail des marchés publics. Tous les procédés sont utilisables, il n’y a pas de formalité
(7) Cf. pour un refus de délivrer un passeport, C.S.A., 11 juillet 1985, Mohamed Echemlal, R.M.D., 1986, n° 4, p. 124
et le commentaire de Benabdellah (A.).
Le silence obstiné opposé par l’administration aux mises en demeure du juge fait penser à celui-ci que ses motifs
sont inavouables. La jurisprudence de la Cour suprême sur cette question du passeport a été confirmée par un arrêt du
13 décembre 1990, n° 405, Faez Amrou Mimoun.
768
Les cas d’ouverture du recours pour excès de pouvoir
particulière. Pour certains actes, toutefois, il existe des procédés spéciaux. C’est ainsi que
les mesures concernant la circulation sont portées à la connaissance des automobilistes
par des panneaux, par des signaux conventionnels : interdiction de stationner, sens interdit,
etc., parce qu’évidemment on ne peut pas demander à un automobiliste d’emporter avec
lui les règlements municipaux de l’ensemble des communes qu’il va traverser pendant
son trajet. Mais cette publicité n’est nécessaire que dans la mesure où il s’agit d’une
prescription spéciale à la localité ou au lieu déterminé. C’est ainsi que le code de la route
prévoyant qu’il est interdit de stationner en haut des côtes ou dans les virages, il n’est pas
nécessaire de mettre un panneau d’interdiction au sommet de chaque côte ou à l’entrée de
chaque virage. En revanche, il faut en mettre un dans chaque rue où le stationnement est
interdit. Si le stationnement est unilatéral alterné dans certaines rues seulement, il faut que
des panneaux l’indiquent dans chacune de ces rues. Si, au contraire, le stationnement est
unilatéral alterné sur l’ensemble de la ville, il suffira de mettre une signalisation apparente
à l’entrée de l’agglomération indiquant le stationnement unilatéral alterné sur l’ensemble
du territoire de la ville. En bref, les mesures de publicité varient beaucoup et doivent être
conçues de manière à réaliser l’information correcte des intéressés.
Pour les mesures individuelles, il faut une notification, c’est-à-dire une information
donnée directement à l’intéressé. Mais là encore cette notification n’est pas enfermée dans
un formalisme rigoureux. Elle pourra être faite par voie administrative, elle pourra être
faite par voie postale, elle pourra même être faite oralement si elle n’est pas équivoque (8).
La Cour suprême a admis qu’une notification faite par radio à un policier pouvait être
considérée comme régulière (26 novembre 1962, Driss Ben Abdenbi, R., p. 90). Il faut
accepter avec prudence la théorie parfois défendue par l’administration, qui est celle de la
connaissance acquise, consistant à dire que telle personne savait que la décision avait été
prise bien qu’elle ne lui ait pas été notifiée. Il est fréquent en effet qu’un administré soit au
courant de telle ou telle mesure, ce que la jurisprudence accepte parfois par exemple pour
le policier prévenu par radio d’une mesure le concernant (CSA. 26 novembre 1962, Badri
Driss Ben Abdenbi, R. 90) ou bien le candidat qui se présente aux épreuves d’un concours
ne peut pas se plaindre de ce que l’avis d’ouverture de ce concours n’ait pas été publié.
(CSA. 5 juillet 1972, Amrani c/Ministre de l’enseignement supérieur, R. 276). Il demeure
que le principe est celui de la notification.
(8) C.S.A. Ohayon, 17/6/1963, R.A.C.A.M., 1964, p. 64 ; R. p. 160 : constitue une notification régulière, la
communication verbale informant complètement et exactement l’intéressé de la mesure le concernant.
769
Droit administratif marocain
A. L’omission de la publicité
En ce qui concerne les formalités de publicité, l’omission n’entraîne pas la nullité
de l’acte, elle entraîne simplement l’inopposabilité. L’acte existe, mais il est dépourvu
d’effet. Il ne peut pas être appliqué tant que les formalités de publicité ne sont pas
accomplies, on ignore l’acte, on ne peut pas s’en prévaloir ni du côté de l’administration,
ni du côté de l’administré. C’est là une situation qui est temporaire et le jour où les
formalités sont accomplies l’acte prend son plein effet. En particulier, c’est la mesure de
publicité qui, nous l’avons vu, fait courir les délais en matière de recours administratif
ou de recours contentieux. L’arrêt compagnie fermière des sources minérales Oulmès-
Etat fait application de ces principes en déclarant sans effet un décret non publié (C.S.A.
10/11/1960, R., p. 146).
770
Les cas d’ouverture du recours pour excès de pouvoir
généralement de même en ce qui concerne des délais qui sont fréquemment impartis à
l’administration pour prendre une décision. Les textes de loi prévoient parfois qu’ils seront
complétés par des décrets qui devront être faits dans certains délais,dans les trois mois ou
dans les six mois. Or il arrive fréquemment qu’il ne soit pas possible d’élaborer ces textes
dans le laps de temps qui a été imparti ; ces actes édictés hors délai ne seront pas nuls pour
autant. La situation serait d’ailleurs inextricable si on refusait de les valider compte tenu
d’une certaine inertie de la machine administrative qui engendre souvent des retards dans
la publication par exemple des mesures réglementaires d’application des lois.
Section III
Le détournement de pouvoir (9)
(9) M. El Yaâgoubi, « Le détournement de pouvoir dans la jurisprudence administrative au Maroc », in Quarante ans
d’administration, 1956-1996, REMALD, coll. Thèmes actuels, n° 6, 1996, p. 181.
771
Droit administratif marocain
dossier ne vient à appui du moyen invoqué par le sieur Courtille selon lequel la mesure
attaquée aurait été prise pour des fins étrangères à l’intérêt du service. » Cette décision est
tout à fait caractéristique. Le moyen ne manquerait pas d’être accueilli par la Cour si on
lui fournissait des preuves, mais celles-ci sont extrêmement difficiles à rassembler. Même
situation dans un arrêt du 9 janvier 1960, Loc (R., p. 95) : « La commission ne saurait
être regardée comme ayant usé de ses pouvoirs pour des fins autres que celles en vue
desquelles ils lui ont été conférés. » En revanche la Cour suprême a reconnu l’existence
du détournement de pouvoir dans la mutation d’un fonctionnaire dans l’intérêt du service,
alors qu’il ne s’agissait en fait que d’infliger une sanction déguisée pour plaire à un
syndicat ; C.S.A. 10 juillet 1986, Abdelaziz Belkhor, R.M.D., n° 12, 1987, p. 119 et note
Benabdallah (M.A.), p. 124.
Le juge annule également des décisions de mutation dans l’intérêt du service qui
apparaissent en fait comme poursuivant un tout autre but, CSA, Kasri, 18/3/1993,
REMALD, n° 9, 1994, p. 67 et TA de Meknès, Maria Tahiri, 22/6/1995, REMALD, n° 12,
1995, p. 71, note M.A. Benabdallah.
B. Le détournement de pouvoir se manifestera parfois dans l’utilisation du pouvoir
dans un but d’intérêt général, mais qui n’est pas celui pour lequel le pouvoir a été créé.
Par exemple, les autorités locales ont le pouvoir de régler la circulation, de limiter la
vitesse, limiter le stationnement, dans le but d’éviter les accidents, de maintenir l’ordre
public. Mais si elles interdisent la circulation ou simplement limitent la vitesse pour éviter
qu’on use la route, le but est certainement très louable, mais il n’est pas celui pour lequel
le pouvoir de police a été donné. Il y a donc là un détournement de pouvoir dans un
but d’intérêt général. Chacun des pouvoirs confiés à l’administration ne doit être utilisé
que dans un certain but, ce qui explique que des détournements de pouvoir puissent être
commis quelquefois avec les meilleures intentions. Un exemple tout à fait caractéristique
est fourni par l’arrêt du 21 mai 1960, Lahcen Ben Abdelmalek Soussi (R., p. 105). Le
caïd de Khémisset avait ordonné la fermeture d’un café et d’un restaurant pour mettre
fin à un litige qui opposait l’un des propriétaires à la veuve de son ex-associé. Le but du
caïd était certainement très louable en l’occurrence, il voulait éviter qu’un différend né
à la suite du décès d’un des associés ne se prolonge et ne risque d’être défavorable à la
veuve et aux enfants mineurs du défunt. Mais il est certain que ce genre de litiges doit être
réglé par les tribunaux et qu’il n’appartient pas à l’autorité administrative de prendre des
mesures destinées à trancher les contestations entre particuliers (10). Tant que les parties
(10) Un cas très voisin se présente dans l’affaire jugée par la Cour suprême qui annule une décision de suspension
des travaux de construction ordonnée par le président d’un conseil communal non pas pour infraction aux règles
d’urbanisme et de construction, mais en raison d’une contestation privée sur la propriété du terrain, CSA 14/1/1988,
RMD, 1988, p. 105 (en l’espèce il y avait également absence de motif de droit de la décision d’interruption des
travaux).
772
Les cas d’ouverture du recours pour excès de pouvoir
en présence ne troublaient pas l’ordre public, l’autorité de police n’avait pas à intervenir.
La Cour relève ainsi que : « Attendu que la décision attaquée a été prise au sujet d’un
litige entre particuliers, qui était du ressort exclusif de l’autorité judiciaire devant laquelle
il a du reste été porté par la suite ; qu’il ne résulte pas de l’instruction que dans la ville de
Khémisset, au moment où est intervenue cette décision, un motif tiré de la nécessité de
maintenir l’ordre et la tranquillité publique pouvait être invoqué par le caïd pour intervenir
à titre provisoire dans un tel litige ; qu’il est au contraire établi par les pièces produites par
l’administration que cette décision a été dictée par des considérations étrangères à l’objet
en vue duquel des pouvoirs de police ont été conférés au caïd ; qu’ainsi cette décision est
entachée d’excès de pouvoir. »
Un cas très voisin s’est présenté dans une affaire ou la suspension des travaux de
construction ordonnée par le président d’un conseil communal n’était pas justifiée par une
infraction aux règles d’urbanisme mais par une contestation privée portant sur la propriété
du terrain ;dans ce cas outre le détournement de pouvoir il y avait aussi absence de motif
de droit (CSA. 14 janvier 1988, RMD 1988, p. 105).
C. Constitueront également des détournements de pouvoir ce que l’on appelle le
détournement de procédure c’est à dire une action administrative consistant à utiliser une
procédure pour obtenir un résultat sinon identique du moins voisin de celui que permettrait
d’obtenir une autre procédure plus complexe. On voit ainsi des autorités hésitant à utiliser la
procédure de la révocation, qui comporte de nombreuses garanties pour l’intéressé, choisir
celle de la suspension de nature essentiellement provisoire mais dont le renouvellement à
intervalles réguliers permet en fait l’élimination de l’agent indésirable. Une telle solution
est évidemment inadmissible dans la mesure où elle prive l’intéressé de l’ensemble des
garanties qui sont attachées aux mesures définitives et qui n’existent pas pour les mesures
provisoires, alors qu’en fait la succession de celles-ci aboutit à un résultat identique.
La Cour suprême a sanctionné l’utilisation d’une procédure administrative à la place
d’une procédure judiciaire dans un arrêt du 30 janvier 1970, Mohamed Frej, J.C.S. en
arabe, 1970, p. 101. La décision de sanction du gouverneur de Fès pour hausse illégale
des prix est illégale parce qu’elle se fonde sur un texte relatif à la répression des fraudes
et non pas la réglementation des prix, ces deux textes prévoyant des procédures différentes
notamment en ce qui concerne les garanties données aux intéressés.
D. Mais dans toutes ces hypothèses, il est clair que la preuve sera très difficile à
fournir (11). Le détournement du pouvoir est apparemment un cas assez séduisant
d’ouverture du recours pour excès de pouvoir. On a même dit quelquefois qu’il servait
(11) Benabdallah (M.A.), « La preuve dans le détournement de pouvoir », R.M.D., 1987, n° 12, p. 124. « Contrôle des
motifs et détournement de pouvoir en matière de mutation de fonctionnaires », note sous CAA Rabat, 9 mars 2011,
Agence Maghreb Presse, c/ Harrak, REMALD, n° 97-98, 201, p. 215, M. Rousset et M.A. Benabdallah.
773
Droit administratif marocain
774
Les cas d’ouverture du recours pour excès de pouvoir
Il peut arriver enfin, bien que cela soit rare, que la preuve du détournement de pouvoir
résulte objectivement des faits eux-mêmes ; c’est ce que l’on constate dans l’affaire qui a
donné lieu à la décision Kasri (CSA 18/3/1993, REMALD, n° 9, 1994, p. 67, en arabe).
La Cour annule une décision de mutation faisant suite à trois autres décisions qui s’étaient
succédées en trois ans ; au surplus l’administration avait proposé à l’agent soit d’accepter
sa mutation, soit de conserver son affectation mais sans aucune des responsabilités ni
aucun des avantages qui lui étaient attachés ; la Cour y voit une sorte de persécution et
de harcèlement qui démontre objectivement l’absence de tout intérêt du service dans la
décision de mutation.
Il est bon enfin de signaler que le détournement de pouvoir, même s’il est prouvé,
n’entraînera pas toujours obligatoirement l’annulation. Il en est de même d’ailleurs pour
les deux cas d’ouverture précédents, vice de forme et incompétence. Ces moyens seront
dits inopérants dans la mesure où l’administration était obligée de prendre sa décision, où
elle n’avait aucune possibilité de choix. C’est le cas par exemple lorsqu’un fonctionnaire
atteint la limite d’âge, il doit alors être mis à la retraite et il n’est pas possible de faire
autrement. C’est une décision que l’administration ne peut pas ne pas prendre. Par
conséquent, même si elle est atteinte d’une des irrégularités qui viennent d’être mises en
lumière, cela n’a finalement aucune importance puisque, en toute hypothèse, la mesure doit
être prise. Si par conséquent le fonctionnaire vient démontrer que son chef de service s’est
réjoui outre mesure de sa mise à la retraite, qu’il a vu là l’occasion de nommer à sa place
quelqu’un d’autre à qui il porte une estime particulière, cela n’aura aucune importance,
le moyen sera considéré comme inopérant, car au fond ce n’est pas la cause de sa mise à
la retraite, ce n’est qu’une conséquence. Il faut donc se garder de toute automaticité dans
l’application de ces cas d’ouverture. La jurisprudence est en fait plus subtile, plus nuancée
car elle est davantage attachée au sens des réalités qu’à la recherche systématique de
l’application d’une théorie.
Section IV
Le vice des motifs
775
Droit administratif marocain
service, que le fait est inexact et que par conséquent le motif n’existe pas. C’est l’erreur
de fait. Il peut aussi contester que ce genre de motif puisse servir de base à une mesure de
mise à la retraite. Il soutiendra qu’une faute disciplinaire n’est pas au nombre des motifs
susceptibles de justifier une telle décision et que par conséquent l’administration a commis
une erreur de droit. Se plaçant enfin sur le plan de l’appréciation des faits, il niera que
fumer pendant le service soit constitutif d’une faute. Il soutiendra que l’administration a
procédé à une appréciation erronée des faits et qu’en les baptisant faute elle a commis une
erreur de qualification.
Pendant longtemps le contrôle des motifs s’est heurté à la difficulté de les connaître du
fait de l’absence pour l’autorité administrative d’une obligation de motiver ses décisions.
Sans doute le législateur établissait assez fréquemment à la dernière époque, des
obligations spéciales de motivation ainsi qu’on peut le constater dans les lois relatives
à l’eau, aux postes et télécommunications ou à la liberté des prix et de la concurrence ;
de même le juge, ainsi qu’on va le voir, a-t-il exigé de l’administration qu’elle lui
communique les motifs de ses décisions chaque fois que celles-ci touchaient aux droits et
libertés, ou lorsque cela était indispensable pour lui permettre d’exercer son contrôle de la
légalité des motifs.
Mais aujourd’hui sa tâche va être facilitée du fait de la promulgation de la loi 03-01 du
23 juillet 2002 (B.O. 2002, p. 882) qui donne naissance à l’obligation de motivation des
décisions administratives individuelles défavorables émanant des administrations de l’Etat,
des collectivités locales, des établissements publics et des personnes chargées de la gestion
d’un service public.
On présentera d’abord ce texte (§1) avant d’indiquer dans quelles conditions les juges
administratifs ont contrôlé l’erreur de fait (§2), l’erreur de droit (§3) et enfin l’erreur de
qualification(§4).
776
Les cas d’ouverture du recours pour excès de pouvoir
Certes la loi donne une liste des décisions qui doivent être motivées mais la longueur
de cette liste donne à penser que, sans être absolument générale, l’obligation permet
désormais aux intéressés de connaître les raisons des décisions qui les concernent, et aux
juges d’exercer plus aisément leur contrôle.
L’article 2 comporte la liste de ces décisions : les décisions qui sont liées à l’exercice
d’une liberté publique ou à un pouvoir de police administrative ; les décisions de sanctions
disciplinaires ou administratives ; celles qui subordonnent à des conditions restrictives
particulières l’octroi d’une autorisation, d’une attestation ou de tout autre document
administratif, ou qui imposent des sujétions non prévues par les lois et règlements ; celles
qui retirent ou abrogent une décision créatrice de droit, qui opposent une prescription,
une forclusion ou une déchéance de droit ; enfin celles qui refusent un avantage dont
l’attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions pour
l’obtenir.
Le législateur a également prévu le cas des décisions tacites qui de plus en plus
fréquemment sont prévues de façon à surmonter le mauvais vouloir ou l’inertie de
l’administration : dans ce cas l’administré n’est pas désarmé ; il peut dans un délai de trente
jours suivant l’expiration du délai légal de recours, demander communication des motifs
de la décision tacite. Le responsable de celle-ci doit donner suite à cette demande dans le
délai de quinze jours à compter de la demande (art. 5).
La loi tient toutefois compte des nécessités de l’action administrative.
Tout d’abord l’article 3 exclut l’obligation de motiver s’il s’agit des « décisions
administratives relatives à la sûreté intérieure et extérieure de l’Etat » ; il reste que
l’administration ne devrait pas demeurer seule juge de la qualification de ces décisions et
que, dans le cadre de son contrôle de l’excès d’appréciation, le juge administratif devrait
vérifier qu’il existe bien une mise en cause de la sûreté intérieure ou extérieure de l’Etat,
et qu’il ne s’agit pas seulement d’un moyen utilisé par l’autorité pour échapper à son
obligation de motiver.
Une deuxième situation est celle où il y a nécessité ou circonstances exceptionnelles
(art. 4) empêchant la motivation.
Dans ce cas le destinataire de la décision peut, dans le délai de trente jours à compter
de la notification de la décision, adresser à son auteur une demande tendant à obtenir
communication des motifs de cette dernière. L’administration est alors tenue de répondre
dans le délai de quinze jours à compter de la réception de cette demande.
Toutefois l’administration ne peut invoquer cette situation de la nécessité si la décision
oppose une prescription, une forclusion ou une déchéance de droit, ou si elle comporte une
sanction administrative ou disciplinaire.
777
Droit administratif marocain
Une garantie est enfin instituée qui consiste en ce que les délais qui s’ouvrent lorsque
l’administré adresse une demande de communication des motifs à l’administration
(décision tacite, décisions en cas de nécessité ou de circonstances exceptionnelles),
prolongent les délais de recours devant les juridictions administratives.
Le législateur répond ainsi à l’exigence de transparence dans l’exercice du pouvoir
administratif qui est une condition essentielle pour la protection des administrés et la
modernisation de l’administration.
Désormais le juge est en mesure de remplir plus aisément et plus rigoureusement sa
mission de contrôle de la légalité, mission qui a connu un véritable renouveau depuis la
création des tribunaux administratifs (12).
Il lui appartient désormais d’appliquer ce texte en veillant à ce que l’administration
ne se borne pas à invoquer des motifs stéréotypés sans pertinence au regard du contenu
de la décision. Mais compte tenu de la façon dont il exerce actuellement son contrôle on
peut être assuré qu’il saura faire respecter pleinement l’obligation de motivation que le
législateur vient d’instituer.
(12) Rousset (M.), « La justice administrative marocaine : propos sur une greffe réussie », in Carrefour des droits,
Mélanges Dubouis, Dalloz 2002, p. 133 ; Rousset (M.), « L’obligation de motivation des décisions administratives
individuelles : une nouvelle protection pour les administrés », REMALD, coll. Thèmes actuels, n° 43, 2003, p. 67.
Ce renouveau n’exclut naturellement pas quelques décisions erratiques, telle la décision du Tribunal administratif de
Rabat, Larbi Saâdi du 13 mai 2003, note M. Rousset, « De l’inégalité des Marocains devant les emplois publics », la
Gazette du Maroc, 17 février 2003, p. 9. El Yaagoubi (M.), « La motivation des décisions administratives au Maroc,
(loi 03-01) », Rabat, 2011.
778
Les cas d’ouverture du recours pour excès de pouvoir
1958, Mohamed Benchekroun, R., p. 28). Le requérant avait été rayé des cadres du
ministère de l’Instruction publique parce qu’il avait eu, disait l’administration, pendant la
période précédant l’indépendance, un comportement incompatible avec son maintien, après
la proclamation de l’indépendance, dans les cadres de l’Enseignement supérieur islamique.
La Cour fait remarquer : « qu’à l’appui de cette allégation, il n’est articulé aucun fait qui
soit de nature à la justifier et dont l’exactitude matérielle puisse être vérifiée ». Il en résulte
que la mesure est dépourvue de base légale et doit être annulée. Cette décision est d’autre
part extrêmement importante en ce qu’elle est la première à affirmer que si l’administration
n’est pas tenue, comme nous l’avons vu avec le vice de forme, d’indiquer dans sa décision
les motifs sur lesquels elle se fonde, elle est néanmoins obligée de les indiquer au juge
pour qu’il puisse exercer son contrôle. Comme le fait remarquer le commentateur de la
décision, lorsqu’une décision non motivée fait l’objet d’un recours en annulation pour
excès de pouvoir, le ministre doit, dans son mémoire en réponse à la communication qui
lui est faite du recours, faire connaître les motifs de la décision attaquée et le cas échéant
produire à l’appui tous documents utiles. Ainsi le requérant pourra-t-il, après avoir pris
connaissance du mémoire en réponse de l’administration, développer en toute connaissance
de cause ses moyens contre l’acte attaqué. On peut remarquer aussi comme le souligne le
même commentaire que cette jurisprudence complète la disposition de l’article 21 du dahir
du 27 septembre 1957, d’après laquelle, dans le cas d’un recours en annulation, lorsque le
représentant de l’administration n’a pas observé la mise en demeure faite par le conseiller
rapporteur de présenter son mémoire en réponse dans le délai imparti, il est réputé avoir
acquiescé aux faits exposés dans la requête. Cette disposition figure aujourd’hui dans
l’article 366-2e du C.P.C.
Une décision du 9 juillet 1959 (Ahmed Ben Youssef, R., p. 61) s’exprime en des termes
voisins : « Attendu qu’il ressort de l’examen des pièces versées au dossier que les griefs
formulés contre le requérant pour justifier son licenciement, insuffisance professionnelle,
opposition systématique à ses supérieurs, entrave à la bonne marche du service, reposent
sur des faits qui ne sont pas matériellement inexacts. »
Cour suprême 9 janvier 1960, Loc, (R., p. 97) : « Attendu qu’il résulte des pièces du
dossier soumis à la Cour suprême que l’omission du sieur Loc de la liste des experts a
été motivée par la circonstance que dans une affaire, pour laquelle il avait été commis par
le tribunal de paix d’Agadir, il avait reçu directement de l’une des parties le versement
d’une avance sur ses frais et vacations, contrairement aux prescriptions impératives
de l’article 80 du Code de procédure civile, qu’en raison de ce fait non contesté par
le requérant, la commission ne saurait être regardée comme s’étant fondée sur un fait
matériellement inexact. »
Formule voisine encore dans l’arrêt du 21 mai 1960, Ahmed Ben Ghabrit, (R.,
p. 110) : « Des pièces figurant au dossier il résulte que, loin d’avoir cessé toute fonction,
779
Droit administratif marocain
le requérant a continué à accomplir une mission pour le compte des autorités marocaines
jusque dans le courant de l’année 1957, qu’ainsi le motif tiré de la rupture du lien du
requérant avec le service manque en fait. » (C.S.A. 22/1/1962, Kabbbaj Mohamed, R.,
p. 21, même solution). Cependant, si l’un des motifs invoqués se révèle inexact, il n’y aura
pas nécessairement annulation dans la mesure où l’existence d’un autre motif réel celui-là,
sera de nature à justifier la décision : le motif inexact matériellement sera considéré comme
un motif surabondant : C.S.A. 9/3/1964, Kanouni Driss, R., p. 196.
On peut donc ainsi admettre que le juge contrôle systématiquement l’exactitude
matérielle des faits et que le défaut d’indication des motifs dans la décision n’est pas
un obstacle à ce contrôle, puisque le juge peut demander toute précision nécessaire à
l’administration.
C’est d’ailleurs ce qu’il fait dans l’affaire Sté de transport rural c/gouverneur de Fès
(CSA arrêt n° 206, 20/11/1986) la Cour annule la décision de sanction parce que l’autorité
administrative ne lui a communiqué aucun élément lui permettant d’exercer son contrôle
sur la réalité des faits constitutifs de l’infraction imputée à la société.
Le juge peut d’ailleurs utiliser les différents procédés que lui offre le CPC (enquêtes,
expertises, visites des lieux) pour vérifier l’existence matérielle des faits.
Elle annule également si la décision ne repose pas “sur des faits détaillés et précis”,
l’auteur de la décision se bornant à invoquer “des généralités insuffisantes pour incriminer
le requérant”, CSA n° 310, Saâd Ben Haj Saigh c/Féd. royale marocaine de Foot-ball,
31/10/1991.
Et enfin l’on a vu que l’obligation légale imposée désormais à l’administration de
motiver ses décisions facilite grandement le contrôle du juge. Naturellement ce qui vaut
pour l’erreur de fait vaut tout autant pour l’erreur de droit (13).
(13) Lorsqu’il est saisi d’un recours en indemnité fondé sur la faute juridique constituée par une décision administrative,
le juge recherche aussi l’erreur de fait ou de droit : ainsi le tribunal administratif de Rabat constate qu’une décision
d’interdiction de la tenue d’une réunion publique qui n’est fondée sur aucun motif est donc irrégulière et constitue ainsi
une faute de service, 15/10/1998, Secrétariat général du PAGDS, REMALD, n° 26, 1999, p. 84.
780
Les cas d’ouverture du recours pour excès de pouvoir
781
Droit administratif marocain
sur le domaine public, qu’un engagement de cette nature ne peut être regardé comme étant
au nombre des motifs d’intérêt public qui permettent à l’administration de prononcer le
retrait des autorisations d’occuper le domaine public. »
La Cour, non contente de sa démonstration négative, fait une démonstration positive et
souligne que le motif réel de la décision administrative n’est pas un de ceux qui permettaient
de la prendre. Et par voie de conséquence, elle annule le retrait de l’autorisation.
La Cour vérifie de même que les refus d’agréments, ou l’octroi de ceux-ci à des
entreprises de transports ont été décidés conformément à la réglementation des transports
qui prévoit, de façon relativement précise, les motifs sur la base desquels de telles
décisions peuvent être prises (expérience professionnelle, utilité du service projeté pour
l’intérêt général appréciée en fonction des agréments déjà accordés rapportés aux besoins,
nécessité de veiller au maintien d’une concurrence loyale et d’éviter le suréquipement) :
C.S.A. 23/3/1964, Hadi Lyoubi, R., p. 200.
Une difficulté très réelle vient de ce que souvent les textes n’indiquent pas avec précision
les motifs dont doit s’inspirer l’administration. Ce phénomène est particulièrement accusé
dans le domaine des pouvoirs d’intervention économique de l’administration dans
l’exercice desquels l’autorité administrative dispose d’une très grande marge d’appréciation
des motifs de ses décisions. Le contrôle du juge en est évidemment rendu plus difficile ;
mais il ne doit pas renoncer pour autant à exercer son contrôle ; en premier lieu, il peut
encourager l’administration à faire connaître publiquement par voie de directives les
critères objectifs sur la base desquels elle apprécie l’opportunité de sa décision de façon
à éviter des discriminations qui ne seraient pas justifiées par la différence de situation des
intéressés.
En outre, la Cour développe son contrôle sur les motifs invoqués, comme elle l’a fait
dans l’arrêt Sté. balnéaire (précité). Alors même que les textes semblaient relativement
favorables à l’administration, puisqu’ils indiquaient qu’elle pourrait retirer les autorisations
pour des motifs d’intérêt public dont elle resterait seule juge (art. 6 du dahir du
30/11/1918). La Cour n’en a pas moins estimé que certains motifs étaient de toute manière
insusceptibles de justifier une décision de retrait. De la même façon, la Cour contrôle le
motif invoqué à l’appui d’une décision de retrait de licence de taxi de façon à s’assurer
que ce pouvoir de retrait donné à l’autorité administrative pour lui permettre notamment
d’assurer « une bonne gestion du domaine public municipal », a été exercé effectivement
sur la base de motifs conformes à cette finalité très largement définie : C.S.A. 21/12/1961,
ville de Casablanca c/Magro, R., p. 225.
Un fait dénié par une décision juridictionnelle passée en force de chose jugée ne peut
plus servir de fondement légal à une sanction disciplinaire, CSA n° 161, Kabiri Seddik c/
Directeur général des douanes et impôts indirects, 8/8/1985.
782
Les cas d’ouverture du recours pour excès de pouvoir
783
Droit administratif marocain
action incontestable de la part d’un fonctionnaire pourra ainsi être qualifiée de faute et
permettra d’appliquer une sanction.
En sens inverse, si le juge contrôle la qualification, il va être amené à toute une série
d’appréciations techniques et il se substituera à l’administration dans des cas toujours plus
nombreux. A l’extrême, il sera appelé à relire les compositions dans les examens pour voir
si les notes sont justifiées ou non, si la composition a été bien appréciée. Il sera obligé
d’aller s’asseoir à côté des examinateurs du permis de conduire pour voir si leur refus
est justifié ou non. Ces exemples extrêmes montrent qu’il y a certainement un équilibre
à tenir. C’est ce à quoi s’efforce la Cour suprême dans sa jurisprudence. Elle admet le
principe d’un contrôle de la qualification des faits tout en laissant à l’administration une
certaine marge de liberté.
En matière disciplinaire, elle admet très largement la possibilité de contrôler la
qualification. Les exemples en sont nombreux dans la jurisprudence. Dans l’arrêt Courtille
précité, la Cour emploie expressément le terme de qualification, en relevant que lorsque
le directeur des services de sécurité dit que le sieur Courtille s’est rendu coupable d’une
très grave faute professionnelle, il s’est référé aux griefs mentionnés tout au long de la
procédure disciplinaire, auxquels il n’a pas donné une qualification inexacte.
Dans l’arrêt du 9 juillet 1959, Ahmed Ben Youssef, la Cour le dit plus brièvement,
mais de façon non équivoque : « Ces faits sont en outre de nature à être considérés comme
constituant une faute grave. » Il est hors de doute que la Cour a bien procédé ici à la
vérification de la qualification donnée aux faits par l’administration et elle estime que
cette qualification est correcte. Et le fait qu’elle emploie des formules quelquefois très
elliptiques ne doit pas être considéré comme remettant en cause cette règle.
Ainsi en est-il dans l’arrêt du 19 décembre 1959, Moulay Lyazid El Alaoui (R.,
p. 92) : « Attendu qu’aux termes de sa requête, Moulay Lyazid El Alaoui reconnaît avoir
au cours de l’examen dont il subissait les épreuves le 26 juin 1958 consulté le cahier de
cours dont il était porteur ; que ce fait était par lui-même de nature à justifier légalement
son exclusion. ». Le dernier membre de phrase dit beaucoup de choses en peu de mots.
Le fait non contesté de consulter le cahier de cours constitue une faute (contrôle de
la qualification), cette faute est de nature à justifier une sanction (contrôle de l’erreur
de droit) et cette sanction peut être l’exclusion (application de la règle précédemment
formulée selon laquelle n’importe quelle faute peut entraîner n’importe quelle sanction).
Dans la décision du 10 juin 1960, Dame Brun (R., p. 113), la Cour procède à une
analyse très minutieuse des faits et gestes de la requérante, pendant toute une période, pour
arriver à la constatation que « dans ces conditions, le ministre de l’Education nationale a
pu, sans excès de pouvoir, considérer que le refus persistant de la Dame Brun d’évacuer
784
Les cas d’ouverture du recours pour excès de pouvoir
son logement de fonction avait le caractère d’une faute professionnelle grave, au sens de
l’article 7 de la Convention culturelle entre le Maroc et la France ».
En sens inverse, il est des domaines dans lesquels la Cour refuse de se livrer à
l’appréciation des faits et de substituer sa conception à celle de l’administration. L’arrêt
du 9 janvier 1960, Loc, (R., p. 95) en est un bon exemple. Le tableau des experts près
des cours et tribunaux est arrêté chaque année par une commission chargée d’apprécier
les capacités et les mérites des candidats à ces fonctions. Saisie d’un recours contre un
refus d’inscription, la Cour fut amenée à préciser sa position vis-à-vis de cette sorte
d’acte. Elle le fit dans les termes suivants : « En l’absence de toute disposition fixant les
limites à l’exercice par la dite commission du pouvoir qui lui a été ainsi conféré, celle-ci
dispose pour l’établissement de la liste annuelle d’une entière liberté d’appréciation, sans
qu’aucun des intéressés inscrits sur une liste d’une année déterminée puisse invoquer un
droit quelconque à être porté sur la liste de l’année suivante. »
La Cour en tire comme conséquence qu’elle contrôlera bien l’exactitude matérielle
des faits invoqués, le cas échéant, qu’elle vérifiera si le motif est bien au nombre de
ceux qui peuvent être invoqués pour accepter ou refuser l’inscription (il est certain par
exemple qu’elle annulera un refus d’inscription qui serait fondé sur les opinions politiques
du candidat), mais qu’elle n’acceptera pas de vérifier l’appréciation qui est faite par la
commission des mérites professionnels du candidat.
Il semble que conformément à la jurisprudence instaurée en France en la matière
on puisse généraliser cette décision et admettre que chaque fois que l’appréciation est
faite par une autorité ou un organisme spécialisé, technique, le juge ne contrôlera pas
cette appréciation, car il n’est pas compétent au sens courant du terme, en tous cas pas
autant que les spécialistes qui ont été chargés de cet examen. La Cour n’acceptera pas de
recorriger les compositions de biologie de la faculté de médecine, non plus que d’examiner
les mérites des candidats au permis de conduire. Il y a des spécialistes qui ont été choisis
pour cela en raison de leur aptitude et il faut bien, à un certain moment, faire confiance à
ceux qui ont capacité. Mais si l’auteur de la décision est un administrateur à compétence
générale, un caïd, un gouverneur, un chef de service, si la question est d’ordre purement
administratif, alors le contrôle pourra avoir lieu, parce que le juge de l’excès de pouvoir
est tout aussi apte à avoir une opinion que l’administrateur à vocation générale. C’est ce
qui explique son attitude en matière disciplinaire ou en matière de police.
Toutefois il est intéressant de relever que les juridictions administratives se sont
engagées depuis quelques années dans la voie du contrôle de l’adaptation de la décision
à ses motifs dans des domaines où il fallait assurer une protection renforcée à des intérêts
particulièrement légitimes ; pour ce faire elles utilisent une notion voisine de l’erreur
manifeste d’appréciation: l’excès d’appréciation.
785
Droit administratif marocain
Section V
Le vice de l’objet de l’acte ou violation de la loi
L’hypothèse est cette fois-ci celle d’un acte dont les dispositions, le contenu, la portée
sont en contradiction avec une règle de droit supérieure dans la hiérarchie des normes. Les
exemples sont très simples, il sont multiples : tel ministre décide que les employés de ses
services travailleront sept jours par semaine, alors que la loi prévoit le repos hebdomadaire,
tel caïd prévoit que les phares des automobiles devront être blancs alors que le code de la
route prévoit qu’ils doivent être jaunes.
En pratique, les contradictions seront moins évidentes et elles seront le plus
souvent involontaires. Elles résultent en général de la complexité, de l’obscurité de la
réglementation qui fait que parfois les administrateurs ignorent purement et simplement
qu’il existe une règle supérieure en contradiction avec la mesure qu’ils viennent de
prendre. La seule difficulté réelle consiste à dresser l’inventaire des règles qui doivent être
respectées par les agents de l’administration.
En fait, d’ailleurs, ce nombre s’accroît très régulièrement au fur et à mesure que l’on
descend dans la hiérarchie. Au niveau du Chef du gouvernement, il n’existe qu’un nombre
restreint de textes à respecter, la Constitution, la loi, les conventions internationales. La
suppression par la loi instituant les tribunaux administratifs de l’interdiction faite aux
juges par l’art. 25-2e du C.P.C., de contrôler la constitutionnalité des décrets met fin
à une anomalie et rétablit le principe de la hiérarchie des normes lequel est d’ailleurs
consacré par l’article 6-3° de la Constitution. Mais, au niveau de l’autorité locale, il y a
toute la masse des réglementations élaborées par toutes les instances supérieures, ce qui
peut constituer un ensemble extrêmement important. Ce cas d’ouverture ne contribue en
fait qu’à obtenir le respect du principe de la hiérarchie des règles de droit, chaque acte
devant être conforme à l’ensemble de ceux qui lui sont supérieurs. On trouvera donc
(13 bis) Benabdallah (M.A.): « L’apparition de la théorie du bilan dans la jurisprudence de la Cour suprême »,
REMALD, n° 22, 1998, p. 113.
786
Les cas d’ouverture du recours pour excès de pouvoir
787
Droit administratif marocain
788
Les cas d’ouverture du recours pour excès de pouvoir
que pourraient être ces circonstances exceptionnelles et les conséquences exactes qu’elles
auraient. On peut penser que si elle avait à le faire elle pourrait s’inspirer de la théorie qui
a été dégagée sur ce point par la jurisprudence française.
Il demeure que l’obligation d’exécuter la décision de justice doit être sévèrement
sanctionnée si l’on veut que l’administration s’incline devant la décision du juge ; les
tribunaux administratifs l’ont bien compris qui utilisent les ressources qu’offre le code de
procédure civile pour parvenir à l’exécution de leurs décisions et notamment le procédé de
l’astreinte ; il conviendrait que la Cour de cassation appuie fermement cette jurisprudence
ce qui na pas toujours été le cas.
On rappellera que parmi les principes généraux du droit figure celui qui a été rencontré
à propos des règles de procédure, à savoir le respect des droits de la défense imposé
chaque fois que l’administration se propose de prendre une sanction.
Ces principes généraux du droit doivent être considérés comme se situant au même
niveau que la loi et par conséquent comme s’imposant à toutes les autorités administratives
quelle que soit leur place dans la hiérarchie, y compris le Chef du gouvernement et le
Roi puisque le principe de légalité qui trouve sa source dans l’art. 6 de la Constitution,
s’applique à toutes les autorités publiques, spécialement lorsqu’elles prennent à quelque
titre que ce soit, des décisions en matière administrative lesquelles doivent pouvoir être
déférées au juge administratif compétent.
Section VI
Appréciation sur le recours pour l’excès de pouvoir
789
Droit administratif marocain
effacée ; d’une part, le recours administratif est devenu facultatif ; d’autre part, le délai
pour le former est porté à soixante jours, tandis que l’administration ne dispose plus
que de soixante jours au lieu de trois mois pour faire connaître sa réponse ; il est certain
que le requérant dispose ainsi d’une marge de temps plus satisfaisante, sans que cela
puisse apporter à l’administration une gêne véritable dans la mesure où elle est dotée de
services juridiques qui sont en mesure de réagir rapidement et utilement, pour peu qu’ils
le veuillent, dans le délai de soixante jours qui leur est imparti.
D’autre part, la Cour de suprême, unique juge du recours pour excès de pouvoir, était trop
lointaine pour que le contrôle se développe efficacement. C’est une des raisons essentielles de
la réforme de 1991 qui, en rapprochant le juge du justiciable, a favorisé l’accès à la justice et
c’est à l’avenir du contentieux de l’excès de pouvoir qu’il convient maintenant de s’attacher.
La technique du recours pour excès de pouvoir apparaît, à quelques détails près, assez
perfectionnée. Mais les recours contentieux ne sont que des instruments, des outils, dont
la valeur n’est pas seulement le fruit de leurs qualités intrinsèques mais aussi, et peut être
surtout, des conditions de leur utilisation.
A cet égard le développement du contentieux administratif, spécialement celui de
l’excès de pouvoir, s’est pendant longtemps heurté à un obstacle d’ordre sociologique qui,
même atténué, “a pas totalement disparu ; il s’agit du faible niveau socio-culturel de la
population et la persistance de ce que l’on peut appeler les “structures d’autorité”.
Cette constatation est d’importance car il s’agit de faire aboutir une politique de
“réhabilitation de la justice”, comme l’écrivait excellemment Omar Azziman (14) ; il ne suffit
pas en effet de regarder du “côté du droit des codes et du bulletin officiel” pour être assuré
que l’on se trouve dans un Etat de droit ; la certitude ne peut pas non plus venir de l’examen
de la jurisprudence dont on doit, hélas, déplorer parfois des régressions que des décisions
récentes de la plus haute juridiction du Royaume ont malheureusement illustrées (15).
Il faut en effet être persuadé, à la lumière de l’expérience accumulée depuis les
décennies qui se sont écoulées depuis l’indépendance, que l’on doit compter avec une
certaine inertie sociale résultant de l’analphabétisme d’une grande partie de la population
et des conséquences des pesanteurs sociologiques : réflexes clientélistes, répugnance à
heurter de front l’autorité, préférence pour les procédures de médiation, voire pour les
procédés de corruption dont on attend la levée de l’obstacle.
790
Les cas d’ouverture du recours pour excès de pouvoir
(16) La chambre administrative de la Cour suprême s’est prononcée durant la décennie 1980-1989 sur un total de
687 recours en annulation pour excès de pouvoir contre des décisions émanant des différentes autorités administratives
ce qui manifestait le peu de succès de ce recours malgré ses qualités techniques. Aujourd’hui le nombre de recours
a considérablement augmenté ce qui témoigne de la réussite des tribunaux administratifs créés en 1991 et réforme
complétée par la création des cours d’appel administratives en 2006.
(17) Le Dh. du 7/10/1970 (B.O. 1971, p. 874), instituant une procédure spéciale d’expropriation pour la mise en
valeur touristique de la zone de Ksar Seghir, dispose (art. 5) que les indemnités fixées par une commission entièrement
administrative « s’imposeront aux intéressés sans ouvrir droit à aucun recours d’aucune sorte » ; la formule se fait encore
plus précise dans l’art. 29 du Dh. P.L. du 29/12/1972 (B.O. 1972, p. 1631) relatif à l’attribution à des agriculteurs de
terres agricoles faisant partie du domaine privé de l’Etat : « Les décisions prises par l’administration ou des organismes
administratifs en vertu des dispositions du présent dahir et des textes pris pour son application sont insusceptibles
de recours contentieux» ; la leçon de l’arrêt William Wall a sans aucun doute été bien assimilée par les auteurs du
texte, mais ce n’est sûrement pas pour le bien du contentieux administratif !Aujourd’hui textes sont parfaitement
inconstitutionnels en raison de l’article 118-2° de la Constitution. En outre l’exception d’inconstitutionnalité prévue
par l’article 133 devrait permettre de les neutraliser.
791
Droit administratif marocain
792
Les cas d’ouverture du recours pour excès de pouvoir
(18) Cf. Deprez (J.), « Réflexions sur la connaissance du phénomène juridique », Revue juridique, politique et
économique du Maroc, n° 1, 1976, p. 42 ; Rousset (M.), Réflexions sur quelques aspects du système administratif du
Maroc, ibid., p. 129.
(19) Les tribunaux administratifs, un appui fondamental de l’édification de l’Etat de droit, journées d’études des
5-7 mars 1999 organisées par le TA de Casablanca et l’ordre des avocats du barreau de Casablanca.
M. Rousset, « La justice administrative marocaine : propos sur une greffe réussie », Mélanges Louis Dubouis, Dalloz,
2001, p. 133.
793
Droit administratif marocain
ci-dessus, il s’agit d’une jurisprudence libérale qui approfondit et développe celle dont la
Cour suprême a été l’initiatrice et que poursuit la Cour de Cassation malgré la régression
dont peuvent témoigner parfois certaines décisions ; mais cela n’empêche pas de penser
que la Haute juridiction et l’ensemble des juridictions administratives sauront conduire une
politique jurisprudentielle qui permettra de relever le défi que constitue l’achèvement de
l’Etat de droit.
794
Titre III
Le recours en indemnité *
Le législateur de 1913 avait limité le plein contentieux aux instances tendant à faire
déclarer débitrices les administrations publiques à raison des marchés conclus par elles, à
raison des travaux qu’elles ont ordonnés ou à raison de tous actes de leur part ayant porté
préjudice à autrui.
Aujourd’hui la compétence du tribunal administratif est définie en termes plus généraux ;
mais il est évident que les principaux domaines dans lesquels prennent naissance les litiges
qui donneront lieu à des recours de plein contentieux demeurent les contrats, les travaux
publics et surtout les actes qui causent un préjudice. Il ne semble cependant pas judicieux
d’aborder le problème du recours en indemnité en suivant l’ordre des domaines de l’action
administrative dans lesquels il peut trouver sa source. S’agissant en effet du contentieux
contractuel une étude d’ensemble en a été présentée à l’occasion de l’analyse des contrats
administratifs. Une remarque analogue peut être faite à propos des travaux publics : le
contentieux des travaux publics se ramène soit à un contentieux contractuel, les litiges
concernant l’exécution des marchés de travaux publics, soit à un contentieux d’indemnité
du fait des dommages que l’exécution de ces travaux peut causer aux particuliers.
C’est donc dans une perspective générale que sera présenté le contentieux de l’indemnité
qui permet d’obtenir réparation des dommages causés par tous actes de l’administration.
* Serhane (El H.), « Le contentieux administratif de pleine juridiction en droit public marocain », thèse de droit,
Bordeaux, 1989 ; Ouazzani-Chahdi (H), « Les articles 79 et 80 du D.O.C. et l’évolution de la jurisprudence »,
R.M.D.E.D., n° 7, 1984, p. 163 ; Harsi (A.), « La responsabilité administrative en droit marocain », thèse de droit, Fès,
1993 (dactyl.).
Chapitre premier
Les caractères généraux de la responsabilité
en matière administrative
Section I
L’opportunité de l’existence
d’une responsabilité de l’administration
Il est peu douteux que le fonctionnement des services publics peut aboutir à créer des
dommages : on ne fait pas circuler des véhicules administratifs sans qu’un jour ou l’autre
ils aient des accidents, on ne construit pas des routes sans qu’à un moment ou à l’autre
les riverains ne subissent un dommage : inondation, effondrement… et il peut même
arriver que des policiers blessent des paisibles passants. L’existence de préjudices de cette
sorte pose tout d’abord le problème de savoir si on doit les réparer et qui doit réparer ;le
législateur a apporté certaines réponses à ces questions.
était que le Roi ou l’Etat ne peut mal faire. Dans la mesure même où des théories plus
modernes font de la responsabilité la contrepartie du profit, la transposition n’est pas
davantage possible. L’Etat fonctionne pour le bien commun, il ne fait pas de profits, il ne
les recherche pas ; on ne peut donc le rendre responsable des dommages qu’il cause. Il fait
pour le mieux et si son activité est dommageable pour les particuliers on considère que c’est
là une charge qu’ils doivent supporter au nom de l’intérêt général. A la veille du Protectorat
il existait un vizir Achikayat qui accueillait les réclamations de toutes sortes contre les
agissements des agents du Makhzen y compris des réclamations tendant à obtenir réparation
pour un dommage causé par ceux-ci. Mais il s’agissait d’un recours administratif gracieux et
non pas de la mise en œuvre d’une action fondée sur un droit à réparation vis à vis de l’Etat.
Une telle position pouvait être tolérable lorsque les activités de l’Etat demeuraient
restreintes. Mais avec le développement constant de ses interventions, les victimes se
sont, elles aussi, multipliées et l’injustice qui présidait à la situation qui leur était faite est
apparue de moins en moins tolérable.
Les transformations de l’administration à l’époque contemporaine au moment ou
s’installe le Protectorat et où son action se développe autant dans le domaine juridique
que dans le domaine matériel, il apparaissait insupportable que le particulier victime d’un
accident causé par l’administration ne soit pas indemnisé alors que s’il était victime d’un
accident causé par une personne privée, il pouvait bénéficier d’une large possibilité de
réparation. L’analyse juridique s’est ainsi de plus en plus placée du point de vue de la
victime et non pas du point de vue de l’Etat, auteur du préjudice. Partant de la nécessité
d’assurer une réparation équitable, on a été amené à avancer des idées nouvelles fondées
sur la théorie de l’égalité des citoyens devant les charges publiques. Tous doivent
supporter les servitudes qui résultent de l’action administrative, mais il n’est pas normal
que certains supportent une charge considérablement plus importante que les autres du
fait du préjudice dont ils sont victimes,et le rétablissement de l’égalité suppose que l’on
compense par une indemnité les charges anormales dues au fonctionnement des services
publics. A une époque où par la politique de sécurité sociale et d’assurance obligatoire on
tend à prémunir les individus contre les coups du sort, il serait inadmissible qu’ils soient
exposés encore à ne pas être indemnisés sous prétexte que les dommages qu’ils subissent
sont dus à l’activité de l’Etat souverain et de ses administrations. On évolue donc de plus
en plus vers l’admission d’un principe assez général de réparation, ce qui amène à se poser
un deuxième problème, celui de savoir qui va supporter la charge de cette réparation.
798
Les caractères généraux de la responsabilité en matière administrative
peut être le fonctionnaire qui, sur ses ressources personnelles, versera l’indemnité due à
la victime de l’accident qu’il a causé. Les deux solutions présentent des avantages et des
inconvénients sur le plan de l’équité et de l’efficacité. Le risque d’insolvabilité est un
argument qui est fréquemment avancé pour écarter la responsabilité du fonctionnaire. Il est
évident que les dommages d’une importance considérable pourront difficilement la plupart
du temps être réparés sur les deniers personnels du fonctionnaire. L’administration au
contraire, elle, est toujours solvable et les victimes seront certaines d’être indemnisées si la
condamnation vise la puissance publique et non pas l’agent. L’intérêt de la victime est donc
que soit organisée une responsabilité de l’administration. Il est cependant facile de faire
disparaître cette difficulté par un système d’assurance responsabilité des fonctionnaires,
mais cela reviendrait à diminuer leur traitement en les obligeant à verser des cotisations
à une caisse quelconque d’assurances. Sous l’angle de la justice, il apparaît difficile de
rendre le fonctionnaire pécuniairement responsable des dommages qu’il cause lorsqu’il
agit uniquement dans l’intérêt du service ; il ne bénéficie pas directement du résultat de
ses efforts, il serait anormal qu’il supporte les conséquences des erreurs possibles qu’il
pourrait commettre. La victime trouve un avantage supplémentaire à la responsabilité de
l’administration, celui d’une sorte de garantie pour le cas où l’on ne découvre pas quel est
l’agent auquel peut être reproché l’acte qui a causé le dommage, hypothèse très fréquente
en raison de la complexité de la machine administrative.
Ces considérations d’équité rejoignent d’ailleurs des considérations concernant
l’efficacité de l’action administrative. Si le fonctionnaire craint de devoir payer des
indemnités, ne va-t-il pas être conduit à mesurer son activité, à éviter de prendre des
risques. On reproche assez souvent aux agents publics une certaine passivité que l’on
explique par le fait qu’ils n’ont pas l’aiguillon du profit. Ce reproche ne sera-t-il pas
encore davantage fondé s’il s’y ajoute le frein d’une possible responsabilité ? Ici encore
la possibilité d’une assurance rend cette argumentation en partie erronée. Le nombre des
accidents ne risque-t-il pas, inversement, de s’accroître si le fonctionnaire n’est jamais
responsable, si c’est toujours l’administration qui indemnise. L’agent dispose alors d’une
véritable assurance tous risques et les négligences et les manques de précautions risquent
de se multiplier. Les victimes seront bien sûr indemnisées, mais elles risquent d’être plus
nombreuses et la généralisation de l’assurance en matière automobile montre que ce n’est
pas là un danger négligeable. La question se pose de savoir s’il vaut mieux peu de victimes
mal indemnisées ou beaucoup de victimes bien indemnisées. Un exemple caractéristique
est celui d’un problème qui se pose dans la plupart des pays en ce qui concerne les services
de police : ou bien on assure à la force publique une protection et elle accepte d’agir et de
prendre des risques au détriment quelquefois des honnêtes gens, ou bien on ne lui assure
pas cette protection totale et la prudence qui en résulte risque de bénéficier au malfaiteur.
Entre le risque d’inattention du fonctionnaire et celui de sa passivité, il faut trouver des
solutions qui assurent un certain équilibre.
799
Droit administratif marocain
Section II
Le régime de la responsabilité administrative
La brièveté des textes des articles 79 et 80 du D.O.C., le fait qu’ils soient inclus dans
un document qui est tout entier consacré à des problèmes de droit privé ne manquent pas
de soulever un certain nombre de difficultés qui ont fait, depuis l’époque de la parution de
ces textes en 1913, l’objet d’un certain nombre d’études (1).
(1) L’ensemble a été repris dans l’ouvrage de M. Renard-Payen, l’Expérience marocaine d’unité de juridiction et de
séparation des contentieux, L.G.D.J., Paris, 1964, p. 45 et suiv., et par Jean Prat, la Responsabilité de la puissance
publique au Maroc, 1963, p. 91 et s.
800
Les caractères généraux de la responsabilité en matière administrative
Le fait que la responsabilité de l’administration ait été proclamée dans un texte inséré
au milieu du Code des obligations et contrats destiné à régir les rapports de droit privé
et qui, par ailleurs, contient de nombreuses dispositions en matière de responsabilité,
dont en particulier l’article 77 qui établit le principe général de la responsabilité pour
faute, pourrait permettre de penser que l’on entendait soumettre la responsabilité de
l’administration aux règles du droit commun. En sens inverse, on ne manquait pas
de faire valoir que si l’on avait inséré une disposition particulière pour statuer sur la
responsabilité de l’administration, c’est qu’elle n’était pas soumise aux mêmes règles que
les particuliers. Rien de tout cela n’est, à vrai dire, bien convaincant. C’est plutôt autour
de l’idée d’autonomie du droit administratif qu’il faut chercher. C’est parce que la matière
administrative est soumise à des règles spéciales, c’est parce que l’article 8 de l’ancien
dahir sur l’organisation judiciaire précise que les tribunaux ordinaires sont compétents
pour condamner l’administration à verser des indemnités pour les dommages qu’elle a
causés, c’est parce que l’on admet que l’administration est soumise à un droit spécial que
l’on peut soutenir que les autres dispositions du dahir sur les obligations et contrats ne
sont pas applicables à la responsabilité administrative et l’on voit par là combien le second
problème est lié au premier.
Si la responsabilité de l’administration dont le principe est posé par l’article 79 obéit
aux règles édictées par le D.O.C., on se reportera pour en déterminer le régime aux
autres articles de ce texte, essentiellement l’article 77 sur la responsabilité pour faute et
l’article 88 sur la responsabilité du fait des choses que l’on a sous sa garde. Les contours
et la physionomie de la responsabilité administrative seront ainsi clairement fixés par
l’ensemble des textes existants.
Si au contraire, on admet que la responsabilité de l’administration échappe aux règles
du droit civil, si l’on considère qu’il y a un régime autonome de responsabilité, l’article 79
devient alors à lui seul le siège de la matière, c’est dans ses dispositions et uniquement
dans ses dispositions qu’il faut trouver les éléments qui permettent de déterminer le
régime de la responsabilité administrative et sa brièveté laisse évidemment le champ
libre à pas mal de suppositions. L’analyse littérale de l’article 79 a conduit bon nombre
d’interprètes à admettre que ce texte établissait une responsabilité purement objective quasi
automatique de l’administration. Dès l’instant qu’un dommage serait causé directement
par le fonctionnement des services publics, il devrait être réparé. On peut faire remarquer
à l’appui de cette thèse également que l’article 8 de l’ancien dahir sur l’organisation
judiciaire ne fait pas non plus allusion à l’idée de faute. Il donne compétence aux
juridictions ordinaires pour connaître des instances tendant à faire déclarer débitrices les
administrations publiques à raison de tous actes de leur part ayant porté préjudice à autrui.
Enfin, un argument de droit comparé est fort important : c’est la différence de rédaction
qui existe entre l’article 79 du D.O.C. et l’article correspondant du décret tunisien de 1888.
801
Droit administratif marocain
On sait que le texte marocain a été largement inspiré du texte tunisien, établi lui aussi
sous le Protectorat français. Or, le texte du décret tunisien du 27 novembre 1888 prévoit
la responsabilité de l’Etat et des municipalités à raison de tout acte ayant sans droit porté
préjudice à autrui. On remarque immédiatement que les termes “sans droit” ne figurent pas
dans le texte marocain. On aurait donc voulu créer un régime plus libéral, plus moderne,
au Maroc qu’en Tunisie ; ce qui se comprendrait compte tenu de la différence de date entre
les deux textes. L’existence du préjudice serait donc « la condition nécessaire et suffisante
obligeant l’Etat à réparer ».
Cette opinion semblait largement répandue dans la doctrine ainsi que le montrent les
citations et la bibliographie rassemblées par M. Renard-Payen sur ce sujet. Un article du
professer André de Laubadère (2) vint présenter un point de vue différent qui fit désormais
autorité et suscita l’adhésion générale. Sa thèse est fort simple : l’article 79 ne prend pas
parti sur les conditions de la responsabilité administrative ; il se contente d’en fixer le
principe. Ce texte modifie l’état de droit antérieur qui n’admettait pas que la puissance
publique puisse être condamnée à des indemnités ; il ouvre une voie nouvelle mais il n’en
trace pas les contours. Il laisse, comme en France, à la sagesse des tribunaux le soin de
déterminer les cas dans lesquels l’administration est responsable. Le législateur français
n’a jamais cru nécessaire d’intervenir pour établir un système de responsabilité de la
puissance publique ; c’est la jurisprudence du Conseil d’Etat qui, peu à peu, l’a mise sur
pied. Au Maroc on se contente de faire un texte de base indiquant que cette responsabilité
est possible, mais il y a là tout au plus une ligne directrice qui est tracée et, semble-t-il,
une invitation à reprendre, comme en matière de détermination du champ d’application du
droit administratif, les principes dégagés par la jurisprudence française.
A l’appui de sa thèse, M. de Laubadère invoque quelques arguments de bon sens. Il est
bien peu vraisemblable, dit-il, alors qu’en France on n’a pas encore admis le principe d’une
responsabilité générale et absolue de l’Etat, qu’on accepte une telle solution au Maroc
avec tous les dangers qu’elle comporte pour les finances publiques et pour l’efficacité de
l’action administrative. Par ailleurs, le texte de l’article 79 a été rédigé par un membre
du Conseil d’Etat, le commissaire du gouvernement Tessier, et les observations qu’il a
présentées sur les articles 79 et 80, en tête du code, ne laissent guère de doute sur le désir
général qu’il avait de se rapprocher des solutions adoptées en France dans la mesure où
elles n’étaient pas en contradiction avec les données de base du système marocain. Il ne
fait donc pas de doute pour M. de Laubadère que la responsabilité de l’administration
ne dépend pas des règles du droit civil applicables à la responsabilité des particuliers et
(2) « Le fondement de la responsabilité des collectivités publiques : la faute ou le risque », Gazette des tribunaux du
Maroc, 9 avril 1943.
802
Les caractères généraux de la responsabilité en matière administrative
qu’elle n’est pas non plus figée dans un automatisme quelconque ; il appartient simplement
aux tribunaux d’en dessiner les contours et la jurisprudence n’a pas démenti cette thèse.
Le débat a été de nouveau ouvert par le Premier président de la Cour suprême,
M. Bahnini, dans le discours prononcé lors de l’ouverture solennelle de l’année judiciaire
le 7 octobre 1968 (3). Il opte résolument pour un système excluant toute référence à
la faute et conduisant à une responsabilité quasi automatique. Cependant il est peu
vraisemblable que le législateur de 1913 ait voulu compenser l’absence de contentieux de
la légalité par un régime particulièrement libéral de responsabilité fondé sur la réparation
automatique des dommages compte tenu de la date du D.O.C., de la personnalité de ceux
qui l’ont rédigé, des possibilités financières de l’Etat à l’époque considérée, et enfin de la
rigueur dont le même législateur faisait preuve à la même époque à l’égard du problème
de l’indemnisation des propriétaires expropriés (cf. A. Benjelloun, op. cit., et le préambule
du dahir de 1951 modifiant le texte de 1914 sur l’expropriation).
Enfin, l’argument tiré de l’idée de justice et d’équité, qui apparaît fondamental en une
telle matière ne tient nullement compte du problème de savoir si la conséquence que l’on
souhaite en tirer, la réparation automatique des dommages, est compatible avec les réalités
financières et administratives.
Si l’on se penche sur les possibilités financières des collectivités publiques et sur
la conception que se fait de nos jours l’administration de sa propre responsabilité, on
est amené à craindre que pour l’administration, le fait d’être automatiquement déclarée
responsable de tous les dommages causés par son action ne conduise à une tension entre
elle et le juge, celui-ci étant implicitement accusé de méconnaître les exigences propres au
fonctionnement des services publics et les difficultés auxquelles ils ont à faire face.
L’administration ne risquerait-elle pas alors de manifester son hostilité par un
accroissement du nombre des refus d’exécution des décisions de condamnation qui
annulerait, et au-delà, le bénéfice que les victimes pourraient retirer d’un si considérable
revirement de jurisprudence sans équivalent, à notre connaissance, dans aucun autre pays ?
803
Droit administratif marocain
soumise à un droit particulier, tout entier contenu dans l’article 79 du D.O.C. ; à travers
ces décisions les juges considèrent que cet article édicte un système de responsabilité
automatique, de responsabilité sans faute : « La législation du Protectorat consacre une
responsabilité objective, sans faute, pour tout acte administratif causant un dommage
à autrui » (Cour de Rabat, 8 décembre 1939, Marie, R.A.C.A.R., p. 473). On pouvait
cependant relever également des décisions qui déchargeaient l’Etat de sa responsabilité,
la preuve d’une faute n’étant pas rapportée (Cour de Rabat, 24 février 1939, Société
Magnascot, R.A.C.A.R., p. 121).
Finalement c’est la thèse de M. de Laubadère qui allait entraîner une adhésion sans
réticence de la part des juridictions marocaines :
« Attendu que l’article 79 n’énonce pas le principe de la responsabilité objective
des administrations publiques, principe selon lequel l’Etat et les municipalités seraient
automatiquement responsables du dommage que leur fonctionnement peut causer aux
particuliers et qui serait l’application de la théorie du risque sans même que cette
application soit limitée au risque anormal et exceptionnel ;
Qu’il indique seulement qu’il existe au Maroc, à côté de la responsabilité des
particuliers, une responsabilité des collectivités publiques sans préciser si le fondement
de cette responsabilité est l’idée de faute ou celle de risque » (Cour de Rabat,
9 décembre 1947, Lanepaban, Sirey, 1949, II-24) ou encore : « Attendu que le fondement
de la responsabilité administrative ne peut être recherché dans l’article 79 du D.O.C. dont
le seul but a été de proclamer l’existence de la responsabilité des collectivités publiques ;
qu’en omettant volontairement les mots “sans droit” dans l’article 8 du D.O.J. qui est à
cela près, la reproduction textuelle de l’article 1er du décret tunisien du 27 novembre 1888,
comme aussi en s’abstenant de faire allusion dans l’article 79 du D.O.C. à l’idée de faute,
le législateur n’en a pas pour autant entendu écarter la nécessité d’une faute et faire de la
responsabilité administrative une responsabilité objective pour risque ;
« Qu’il a simplement entendu, comme le législateur français, laisser au juge qu’il
chargeait du contentieux administratif toute liberté pour donner à la responsabilité
administrative un fondement jurisprudentiel préférable en cette matière au fondement
législatif. » (Cour de Rabat, 13 mars 1951, Succession Pichon, R.A.C.A.R., 53-54, p. 34
et R.M.D., 1951, p. 415.)
Une fois ainsi posé le principe de la liberté du juge dans la détermination du régime
de la responsabilité administrative, subsiste la question de l’usage qui va être fait de cette
liberté. Appelé à mettre sur pied une construction de la responsabilité de la puissance
publique indépendante des règles du droit privé, le juge marocain va tout naturellement
s’inspirer de ce qui a été fait précédemment par la juridiction administrative française et
il s’explique très clairement sur ce point en plusieurs occasions : « Attendu enfin que la
804
Les caractères généraux de la responsabilité en matière administrative
jurisprudence du Conseil d’Etat français est nettement orientée en ce sens… que si cette
jurisprudence ne lie pas les tribunaux du Maroc statuant en matière administrative, elle
n’en constitue pas moins une indication précieuse. » (Cour de Rabat, 24 juillet 1957, cité
par J. Prat : la Responsabilité de la puissance publique au Maroc, op. cit.), ou encore :
« Attendu qu’en édictant des dispositions spéciales pour régir la responsabilité des
administrations publiques, le législateur marocain a implicitement mais nécessairement
entendu écarter l’application à ses administrations des règles ordinaires de la responsabilité
civile ; que ne sauraient donc leur être appliquées les dispositions du droit privé contenues
dans l’article 88 relatif à la responsabilité du fait des choses, dès lors que se trouve en
cause le fonctionnement d’un service public ou la faute de l’agent ;
« Attendu que, statuant en matière administrative, la Cour est fondée à s’inspirer de la
jurisprudence du Conseil d’Etat ; selon cette jurisprudence, les règles de la responsabilité
administrative varient suivant les besoins du service en cause et la nécessité de concilier
les droits de la puissance publique avec les droits des particuliers et permettent au juge du
contentieux administratif de déterminer librement, selon les circonstances, le fondement
de la responsabilité… » (Cour de Rabat, 19 mai 1953, Benhamou, R.A.C.A.R., p. 673).
L’instauration, à partir de 1957, d’un recours en cassation porté devant la Chambre
administrative de la Cour suprême, n’a pas modifié ces positions de principe. Dans une
jurisprudence relativement peu abondante en la matière, la Cour suprême a toujours
confirmé l’inapplicabilité des règles du droit civil (Cour suprême, 16 juillet 1959, ville
de Tanger, R., p. 190) et l’absence d’automaticité de la responsabilité de l’administration
(Cour suprême, 7 mai 1960, Etat marocain contre Dejoie, R., p. 218).
On a pu se demander si la Cour suprême ne penchait pas, à partir de 1974, pour un
système de responsabilité automatique, quand du moins on ne pouvait identifier aucun
agent auteur d’une faute de service (C.S.A. 26 novembre 1979, Zouind Hamou). L’étude
complète et documentée consacrée par M. Serhane El Houssaine (thèse précitée), montre
qu’il n’en est rien et que la présence d’une faute reste, sauf cas particulier, la condition de
la mise en œuvre de la responsabilité des administrations (5).
Les nouvelles dispositions sur les tribunaux administratifs ne touchent pas le fond
du droit, l’art. 8 de la loi se contentant d’affirmer que les tribunaux administratifs sont
compétents pour juger « les actions en réparation des dommages causés par les actes ou
les activités des personnes publiques ». La conséquence évidente est que les tribunaux
ordinaires cessent d’être compétents en la matière, mais les règles applicables n’en sont
pas affectées.
(5) Ce que confirme A. Harsi, « La responsabilité administrative », in Indépendance nationale et système juridique au
Maroc, PUG et Éd. la Porte, 2000, p. 201.
805
Droit administratif marocain
806
Chapitre II
Les cas de responsabilité de l’administration
Les tribunaux du Maroc appelés, sur la seule base de l’article 79 du D.O.C., à mettre
sur pied un régime de responsabilité administrative ayant écarté l’hypothèse primitivement
envisagée d’une responsabilité automatique, ont posé à titre de principe général que la
responsabilité de l’administration ne pouvait être engagée que dans la mesure où elle
avait commis une faute. Ce faisant, la jurisprudence marocaine s’inspire de la règle
posée par l’arrêt Blanco rendu par le tribunal des conflits en France le 8 février 1873 :
« Considérant que la responsabilité qui peut incomber à l’Etat pour des dommages causés
à des particuliers par le fait des personnes qu’il emploie dans le service public ne peut être
régie par les principes qui sont établis par le Code civil pour les rapports de particuliers à
particuliers ; considérant que cette responsabilité n’est ni générale, ni absolue, qu’elle a ses
règles spéciales qui varient selon les besoins du service et selon la nécessité de concilier
les droits de l’Etat et ceux des particuliers… » (Dalloz, 1873-III-17 et Sirey 1873-III-
153, et GAJA 18° ed. 2011, n° 1, p. 1). Cependant, si la responsabilité pour faute reste
le régime normal, une place de plus en plus importante est faite à une responsabilité sans
faute, mais qui reste tout de même cantonnée à des cas nettement déterminés, de sorte que
l’on peut distinguer à l’heure actuelle, dans la jurisprudence marocaine, deux grands types
de cas de responsabilités : la responsabilité pour faute, régime normal et la responsabilité
sans faute, régime d’exception.
Section I
La responsabilité pour faute
808
Les cas de responsabilité de l’administration
d’exemples d’application d’une telle exception à vrai dire elle-même très limitée dans la
jurisprudence française et il n’est pas sûr que même si le cas se présentait, les juridictions
marocaines transposeraient la jurisprudence française dont les conditions d’application sont
si restrictives qu’elle ne remet pas, véritablement en cause le principe de l’irresponsabilité
pour l’exercice de la fonction législative (1).
(1) L’irresponsabilité du législateur ne s’étend pas aux dommages causés par les services de la chambre des
représentants qui suivent le régime normal de la responsabilité administrative. Ainsi en est-il des accidents causés
par les véhicules utilisés par cet organisme (C.S.A. 2 arrêts du 24/1/1975 en arabe, non publiés). Il en ira de même
aujourd’hui pour la Chambre des conseillers.
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Droit administratif marocain
810
Les cas de responsabilité de l’administration
(3) L’arrêt dit “coup de canon des Oudaias” peut dans une certaine mesure se rattacher à la théorie de la responsabilité
pour les actes insusceptibles de recours, mais une autre explication est également possible qui fait appel à la notion de
risque anormal de voisinage.
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Droit administratif marocain
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Les cas de responsabilité de l’administration
Section II
La notion de faute de l’administration
813
Droit administratif marocain
dans le cadre de ses pouvoirs, on ne peut pas lui reprocher de commettre une faute, mais
inversement, lorsqu’elle excède ses pouvoirs, lorsqu’elle se rend coupable d’une illégalité,
elle commet normalement une faute. En pratique, cette affirmation doit être quelque peu
nuancée et elle soulève d’autre part un problème de technique juridique.
Les nuances doivent venir du fait que la règle n’est pas tout à fait absolue. Il est certes,
très rare que l’on puisse affirmer que l’administration commet une faute en prenant une
décision qu’elle a légitimement le droit de prendre. Il faut alors faire appel à l’idée d’abus
de droit et prouver que la décision de l’administration, bien que légale, n’était inspirée
par aucune nécessité et qu’elle gênait inutilement les administrés. A vrai dire lorsque
les tribunaux souhaitent, pour des motifs d’équité, condamner l’administration dans des
situations analogues, ils font plus volontiers appel à l’idée de responsabilité sans faute,
de rupture du principe d’égalité qu’à la notion de faute. C’est la raison pour laquelle la
jurisprudence marocaine inventoriée ne fournit pas d’exemple où une décision légale ait
été reconnue fautive.
En sens inverse, au contraire, il arrive assez fréquemment qu’une mesure considérée
comme illégale ne soit pas pour autant automatiquement déclarée fautive et génératrice
de responsabilité. On a vu avec l’étude du recours pour excès de pouvoir que, assez
fréquemment, des décisions peuvent être illégales pour des causes que l’on peut hésiter à
considérer comme graves. Telle incompétence ou tel vice de forme entraînera l’irrégularité
de la mesure, mais ne sera pas considéré comme une véritable faute de nature à engager
la responsabilité de l’administration. Ainsi en est-il en particulier, quand la mesure devait
nécessairement être prise.
La difficulté de procédure vient de ce que, dans la plupart des cas, le tribunal, saisi
d’une demande d’indemnité fondée sur la faute qu’aurait commise l’administration en
prenant une décision illégale, devra statuer sur le point de savoir si la décision est illégale.
La constatation de l’illégalité constituera le préalable nécessaire, l’étape indispensable
dans la recherche de la faute. La jurisprudence traditionnelle, confirmée par la Cour
suprême dans l’arrêt du 13 avril 1961, Borromet, R., p. 110, affirme que : « si le 5e alinéa
de l’article 8 interdit aux juridictions ordinaires de connaître toute demande tendant à faire
annuler un acte d’une administration publique, aucune disposition législative ne s’oppose
à ce que ces juridictions apprécient la légalité d’un tel acte lorsque cette appréciation est
nécessaire à la détermination de la responsabilité de l’Etat ou de l’administration ». Il est
évident que la création des tribunaux administratifs, compétents aussi bien pour statuer sur
les recours pour excès de pouvoir que sur les actions en responsabilité, a fait disparaître
cette difficulté en règle générale, même si l’action en responsabilité arrive de la sorte à
mettre en cause un acte administratif, alors que les délais pour l’attaquer sont écoulés. Le
maintien de la jurisprudence traditionnelle est tout à fait souhaitable, si l’on veut conserver
le champ d’application de la responsabilité administrative ; par ailleurs il serait inutilement
814
Les cas de responsabilité de l’administration
lourd d’imposer aux justiciables de commencer toujours par un recours pour excès de
pouvoir destiné à faire annuler l’acte administratif avant de poursuivre l’indemnisation du
dommage causé par cet acte irrégulier devant la juridiction ordinaire. Naturellement cela
n’exclut pas que le requérant souhaite également la disparition de l’acte illégal et qu’à ce
titre il puisse intenter une action en ce sens préalablement ou parallèlement à son action
en indemnité. Certes si la victime de l’acte illégal en a obtenu l’annulation, le recours en
indemnité en sera facilité comme ce fut le cas dans l’affaire Lahcen Abdelmalek Soussi
(CSA 8/11/1965, n° 18004, non publié, cité par Serhane, op. cit., p. 187). Mais la victime
qui ne cherche que l’indemnisation peut saisir directement le juge : le TA de Rabat saisi
d’un tel recours en réparation du préjudice causé par le refus de la tenue d’une réunion
publique constate que ce refus n’est fondé sur aucun motif, qu’il est donc irrégulier et
constitue une faute de service 15/10/1998, Secrétariat général du PAGDS, REMALD,
n° 26, 1999, p. 84.
Il convient enfin de souligner que la faute pourra résulter tout aussi bien du refus de
prendre une décision que de la décision elle-même. Chaque fois que l’administration
a l’obligation de prendre une mesure, le refus de le faire pourra constituer une faute
engageant la responsabilité de la puissance publique.
(4) Un exemple intéressant de mauvais fonctionnement est constitué par le fait pour l’administration de donner des
renseignements erronés : C.S.A., Caisse marocaine des marchés c/ville de Casablanca, 17/1/1963, R.M.D., 1963, p. 17 ;
R., p. 392.
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Droit administratif marocain
(5) Le tribunal administratif de Fès a estimé que lors des émeutes qui se sont produites en décembre 1990, il y avait eu
faute lourde de la part des forces de l’ordre du fait de la tardiveté de leur intervention et de l’inadaptation des moyens
mis en œuvre 31/7/1996, Sté Maroc Modis, n° 94-II.
(6) Pour de nombreux exemples de fautes tirés de la jurisprudence, cf. Jean Prat, la Responsabilité de la puissance
publique au Maroc, 1963, et Serhane El Houssaine, thèse précitée. Voir également : Yaâgoubi (M. El), op. cit., loc. cit.,
notamment, p. 164.
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Les cas de responsabilité de l’administration
M.A. Benabdallah, REMALD, n° 83, 2008, p. 153. En revanche dans la décision rendue
sur le recours d’un requérant qui réclamait une indemnisation pour le préjudice subi
lors des émeutes de Fès en décembre 1990, le tribunal administratif de Fès accède à sa
demande en jugeant qu’il y avait eu faute lourde de la part des forces de maintien de
l’ordre du fait de la tardiveté de leur intervention et de l’inadaptation des moyens mis en
œuvre : TA., Fès, 31 juillet 1996, Sté Maroc Modis.
Il y a des agissements administratifs qui peuvent être constitutifs de faute : par exemple
le fait de donner des renseignements erronés : CSA. 17 janvier 1963, Caisse marocaine
des marchés, c /ville de Casablanca, R. p. 292. L’abstention de l’administration alors
qu’elle à l’obligation d’agir est également constitutive d’une faute : TA. de Marrakech,
24 décembre 1997, Bouzzhra (6 bis).
La délivrance d’autorisation de construire dans des zones inconstructibles comme ce fut le
cas en 2012 dans la préfecture d’Agadir constitue certainement une faute de nature à engager
la responsabilité de la collectivité publique. En revanche la démolition de constructions
illégalement édifiées ne pourrait servir de fondement à une action en indemnité que si le
requérant parvenait à démontrer sa bonne foi dans l’obtention du permis de construire illégal.
Enfin le fait de refuser de communiquer des documents au requérant constitue une
illégalité qui serait certainement considérée comme fautive en raison de la violation du
droit à l’information consacré par l’article 27 de la Constitution : TA de Casablanca,
17 avril 2014, Khair Al Janoub c/ Office National Interprofessionnel des Céréales et des
légumineuse, REMALD, n° p. Note M. Rousset et M.A. Benabdallah.
C. La preuve de la faute
La subordination de la responsabilité de l’administration à l’existence d’une faute
implique nécessairement que soit faite la preuve de cette faute. En application des règles
normales de procédure, c’est au demandeur qu’il appartient de rapporter cette preuve.
C’est donc normalement le requérant victime du dommage dont il entend demander à
l’administration réparation, qui devra faire la démonstration du mauvais fonctionnement
de l’administration. En pratique, cette preuve sera parfois difficile à apporter, car le
plaideur n’a pas accès facilement aux actes et aux documents de l’administration et il
arrivera assez fréquemment que la victime ne pourra pas se faire indemniser simplement
parce qu’elle n’aura pas pu faire la démonstration de la carence du service. Aussi, est-il
bon de souligner quelques solutions qui tempèrent les rigueurs de la charge de la preuve.
La Cour suprême a tout d’abord consacré la règle de la liberté des modes de preuves :
(6 bis) Cité par M. Antari, « Les dommages causés par le silence de l’administration peuvent-t-ils être réparés ? »
REMALD, n° 33, 2000, p. 137.
817
Droit administratif marocain
les parties peuvent utiliser pour entraîner la conviction des juges tous les moyens qu’ils
jugent utiles : « Attendu que pour asseoir sa conviction sur ces divers points, la Cour s’est
fondée tant sur un constat et une enquête de gendarmerie que sur des attestations versées
au dossier et dont l’administration a pu contester les énonciations ; qu’en pareille matière,
les juges du fond ont le libre choix des modes de preuves des faits dont se prévalent les
parties… » (Cour suprême, 7 mai 1960, Etat contre Dejoie, R., p. 218.)
A cet égard, la procédure du référé est susceptible de faciliter grandement la
conservation des preuves surtout quand il s’agit d’éléments de faits susceptibles de
disparaître ; c’est même là sa principale utilité en matière administrative. En effet, le juge
ne peut pas, comme en matière civile, donner des ordres à l’administration ou lui défendre
d’agir, mais il peut désigner un expert, faire procéder à des constatations, sans, bien
entendu, que cela implique en aucune manière un jugement sur le fond.
Dans certains cas, la jurisprudence va encore plus loin et pour éviter au plaideur les
inconvénients de la recherche de la preuve, elle procède à un renversement de la charge de
cette preuve. C’est ainsi qu’en matière de travaux publics, en ce qui concerne les dommages
subis par les usagers des ouvrages publics tels les automobilistes qui circulent sur les routes,
les tribunaux considèrent que c’est l’administration qui doit démontrer le bon entretien
de l’ouvrage : « L’administration ne peut s’exonérer de la responsabilité qui lui incombe
qu’en démontrant que eu égard aux circonstances de temps et de lieu et aux moyens dont
elle disposait, la situation dommageable invoquée ne procède pas d’un manquement de sa
part à l’obligation d’entretien normal dont elle est tenue… » (Cour suprême, 7 mai 1960,
Etat c/Dejoie, précité). Une telle solution est évidemment beaucoup plus favorable pour les
victimes puisque c’est l’administration, cette fois, qui devra prouver que son comportement
n’est pas fautif. Chaque fois où les circonstances ne seront pas précises, où les faits ne seront
pas clairement établis, la responsabilité sera engagée, alors que si la victime devait prouver
la faute, elle ne serait pas indemnisée (7). Ces solutions sont déjà, dans une certaine mesure,
une étape vers les systèmes de responsabilité sans faute.
Section III
La responsabilité sans faute
La différence fondamentale avec le système général est que l’on supprime la nécessité
d’une faute pour engager la responsabilité de l’administration. Il suffit donc alors à la
victime de démontrer qu’il existe un lien de causalité entre l’activité de l’administration
(7) Dans un arrêt du 13 avril 1977, O.N.C.F. c/Kbira Bent Kacem, R.J.P.E.M., 1979, p. 173, la Cour affirme « qu’il est
suffisant pour que sa responsabilité soit dégagée que le service prouve qu’il a fait ce qu’il devait faire conformément
à la loi et aux normes judiciaires ».
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Les cas de responsabilité de l’administration
et le dommage pour qu’elle obtienne réparation. Il faut, mais il suffit, que soit prouvée
l’existence d’un préjudice causé par le fonctionnement des services publics. Mais ce
régime de responsabilité sans faute est un régime d’exception. Il ne s’applique que dans
des cas limités. On peut cependant souligner que ces cas sont de plus en plus nombreux,
ce qui favorise les victimes, sans que l’on soit encore arrivé à la solution que préconisaient
les premiers interprètes de l’article 79 du D.O.C. et le Président Bahnini : la généralisation
de la responsabilité sans faute.
Certains cas s’expliquent par la répugnance des juges à rechercher l’existence
d’une possible faute, recherches qui les conduiraient à porter des appréciations sur le
fonctionnement de l’administration dans des domaines où ils ne souhaitent pas le faire.
D’autres cas se justifient par le fait que la preuve de la faute serait absolument impossible
et que, subordonner l’indemnisation à l’existence de cette faute reviendrait à nier purement
et simplement toute possibilité de réparation. Certaines hypothèses enfin ont pour raison
d’être l’idée de risque anormal créé par l’activité administrative, mais toutes sont plus
ou moins indirectement inspirées par l’idée fondamentale de rétablissement de l’égalité
des citoyens en face des charges publiques. Les cas dans lesquels les tribunaux du
Maroc ont reconnu la possibilité d’une responsabilité sans faute de l’administration sont
très généralement inspirés de la jurisprudence du Conseil d’Etat français. La liste n’est
cependant pas exactement la même et l’inventaire des décisions jurisprudentielles fait
apparaître quelques différences en moins du côté marocain. Il ne semble pas qu’il y ait
là la conséquence d’une position de principe, mais tout simplement le fait que certains
problèmes ne se sont pas posés aux juges marocains dans les mêmes termes qu’ils se
posaient aux juges français. Compte tenu de la diversité des applications du régime de
responsabilité sans faute, il apparaît préférable de se livrer à une simple énumération plutôt
qu’à un classement plus ou moins arbitraire qui conduirait à regrouper sous une même
dénomination des hypothèses n’ayant pas forcément de grands rapports entre elles.
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Droit administratif marocain
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Les cas de responsabilité de l’administration
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Droit administratif marocain
Dans une décision non publiée (8/11/1965, ministre des Travaux publics c/Langare
Mohamed), la Cour suprême fait preuve d’une certaine sévérité dans l’appréciation de la
faute de l’administration ce qui évidemment favorise la victime : « … Connaissant l’effet
des pluies torrentielles sur les routes du Sud d’une part, l’état du chemin tertiaire qui n’était
pas empierré et sur lequel des travaux de revêtements n’avaient pas été effectués d’autre
part, les agents des travaux publics auraient dû prendre toutes les précautions nécessaires
pour que la circulation des véhicules, puisqu’ils l’autorisaient, puisse se faire sans danger
pour les usagers en quelque point du parcours que ce soit, et notamment au passage
litigieux… » La difficulté sera quelquefois de distinguer clairement les tiers des usagers.
Si la victime n’utilise à aucun moment un ouvrage public, il n’y aura pas de difficulté à
prouver sa qualité de tiers, mais il arrive que la victime utilise un ouvrage au moment où
un autre ouvrage public lui cause un dommage : par exemple, un piéton circule dans une
rue quand une cheminée appartenant à un bâtiment public tombe, sous l’effet du vent, et le
blesse, ou encore un automobiliste circule sur une route et un canal d’irrigation se répand
sur cette route occasionnant une plaque de boue sur laquelle il dérape. La victime est alors
bien usager d’un ouvrage public, mais pas de celui qui est la cause véritable du dommage.
Il convient donc de rechercher si l’ouvrage générateur du dommage est ou non incorporé
à celui dont la victime est l’utilisateur. Dans les deux exemples cités, la victime utilise la
rue mais non le bâtiment ou le canal d’irrigation ; elle doit donc être considérée comme un
tiers et bénéficier à ce titre du régime de la responsabilité sans faute et l’administration ne
pourra pas s’exonérer en démontrant qu’elle a correctement entretenu la cheminée ou le
canal d’irrigation (C.S.A., 18/5/1961, Etat c/Mayent, R., p. 137).
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Les cas de responsabilité de l’administration
La juridiction se garde bien de porter une appréciation sur les nouvelles méthodes de
soins ou de rééducation ; mais elle estime qu’en les mettant en œuvre, en organisant de
tels établissements, l’administration fait courir un risque anormal aux tiers, et que ceux qui
subissent un dommage dans leur personne ou dans leurs biens ont droit à une indemnité
qui compense ainsi la rupture de l’égalité devant les charges publiques (8).
Sans aller aussi loin dans l’application du système, les juridictions marocaines ont
admis également le principe d’une responsabilité sans faute à l’occasion du risque anormal
de voisinage. Le petit nombre des décisions rendues en la matière s’expliquant sans doute
par le fait qu’il s’agit tout de même en pratique de cas relativement rares. Deux arrêts
de la Cour de Rabat (29 décembre 1943, R.A.C.A.R., 1944, p. 337 et 26 mars 1946,
R.A.C.A.R., 1946, p. 484), fixent clairement l’étendue de cette jurisprudence. Pendant
la période de la guerre, l’administration avait été amenée à supprimer les autorisations
de destruction des animaux nuisibles, il en était résulté une multiplication excessive des
sangliers dans les forêts domaniales et des dommages importants aux cultures pour les
agriculteurs du voisinage.
Saisie d’une demande d’indemnité, la cour rappelle que l’administration a pu prendre
ces mesures de restriction sous l’empire de la nécessité politique, mais qu’il n’en résulte
pas moins une aggravation du risque que fait normalement courir le voisinage des forêts
domaniales, que par conséquent le respect de l’égalité devant les charges publiques
impose que l’on indemnise les victimes de ces préjudices anormaux ; de ce fait, bien que
l’administration n’ait commis aucune faute, elle doit néanmoins verser des indemnités
compensant au moins en partie les dommages occasionnés par les sangliers. Mais quelques
années plus tard, alors qu’a été rétablie la possibilité de détruire les animaux nuisibles, la
cour se refuse à toute indemnité, car il n’existe plus alors que le risque normal découlant
du voisinage des forêts dont, dit-elle, il est de l’essence de contenir un certain nombre de
rongeurs et de bêtes sauvages. La présence de ces animaux constitue une sorte de servitude
naturelle dont les inconvénients ne peuvent donner lieu à des dommages et intérêts qu’en
cas de faute caractérisée. Dès l’instant donc où le risque n’est plus anormal, on revient au
système habituel de la faute.
Bien que la formulation ne soit pas extrêmement précise, on peut également faire entrer
dans cette catégorie, la décision rendue par la Cour d’appel de Rabat dans une affaire assez
célèbre connue sous le nom d’arrêt du coup de canon des Oudaias (Cour d’appel de Rabat,
21 janvier 1928, R.A.C.A.R., p. 330). Conformément à une vieille coutume, chaque jour à
midi un coup de canon annonçait l’heure dans le quartier des Oudaias à Rabat. Mais cette
pratique avait le malencontreux effet de briser très régulièrement les vitres des immeubles
voisins et les propriétaires s’en plaignaient à juste titre. La Cour d’appel de Rabat a accordé
(8) Voir cette jurisprudence commentée in G.A.J.A., 18e éd., 2011, n° 34, p. 207 et s.
823
Droit administratif marocain
une réparation tout en précisant que cet acte en lui-même constituait « un acte de puissance
publique qui ne saurait être soumis à la censure des tribunaux ». La cour se ralliait donc en
l’occurrence à la responsabilité sans faute, puisqu’elle se refusait à critiquer cette décision
qu’elle considérait, à tort, comme un acte de gouvernement. Elle écartait donc toute
possibilité de responsabilité pour faute, mais indemnisait sur une base qui ne pouvait être
que celle du risque anormal de voisinage. M. de Laubadère, dans son article précité sur le
fondement de la responsabilité des collectivités publiques au Maroc, a pu critiquer cette
décision, car dit-il : « Le fait brutal est qu’un service public qui a pour but d’annoncer midi
à coup de canon et qui démolit les vitres est un service qui fonctionne défectueusement.
Exactement comme le rond-point mal éclairé où choit le cycliste. » On pouvait parfaitement
faire appel ici à la notion de faute, sans remettre en cause la décision de faire tirer le canon.
La défectuosité ne vient pas de la décision, mais de la manière dont elle est exécutée. Il
n’en reste pas moins qu’il y a là une idée intéressante de risque anormal.
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Les cas de responsabilité de l’administration
où les personnels de police font usage d’armes ou d’engins comportant des risques
exceptionnels pour les personnes et les biens. Cette jurisprudence est confirmée par de
nombreuses décisions. Cour de Rabat, 15/3/1960, et tribunal de Rabat, 10/5/1961 cité
par J. Prat, la Responsabilité de la puissance publique au Maroc, p. 144 : « Attendu qu’il
est de règle bien établie qu’en matière d’opérations touchant au maintien de l’ordre par
les services de police, le principe que l’administration ne répond que de sa faute lourde
fait place à une présomption de responsabilité trouvant sa source en l’idée de risque
lorsque les forces de police font usage d’armes et d’engins dangereux et que la victime
est étrangère à l’opération de police. » On trouve ici l’idée qui existe déjà en matière de
dommages de travaux publics, d’une distinction entre deux catégories de victimes : les
tiers qui bénéficient de la responsabilité sans faute et ceux que l’on n’ose pas ici appeler
les usagers, c’est-à-dire les délinquants, les poursuivis, les personnes qui font l’objet de
l’opération de police, pour lesquels c’est la responsabilité pour faute qui s’applique.
Le régime de faveur de la responsabilité sans faute ne peut en effet bénéficier qu’aux
personnes qui ne sont pas mêlées à l’opération. Pour les autres, cependant, on se contentera
de la démonstration d’une faute simple, alors que la règle en matière de service de police
est que la responsabilité n’est engagée qu’en présence d’une faute lourde. On estime que
l’utilisation de ces engins dangereux nécessite une particulière circonspection. La Cour
suprême a d’ailleurs confirmé cette jurisprudence dans une décision du 23 novembre 1964,
Agent judiciaire c/M’hamed Ben Abdesslem Doukkali (R.A.C.A.M., 1966, p. 457). La
victime, blessée par une arme à feu alors qu’elle était poursuivie par des gendarmes, est
cependant indemnisée partiellement : la condamnation de l’Etat est fondée sur la faute
simple commise par les agents de l’ordre qui, plutôt que d’utiliser le véhicule équipé d’un
phare dont ils disposaient pour rattraper le fuyard, ont préféré faire usage de leurs armes.
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Droit administratif marocain
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Les cas de responsabilité de l’administration
date (B.O. 1971, p. 1555 et suiv.). Ce sont donc des dispositions législatives (9) qui
fixent, à l’heure actuelle, le régime des indemnisations dues aux agents de l’administration
pour les dommages qu’ils subissent en collaborant au service public. Échappent à ces
dispositions les collaborateurs bénévoles des collectivités publiques auxquels le dahir du
31 mars 1961 (B.O. 1961, p. 510) a étendu le bénéfice de la législation de 1927 sur la
réparation des accidents du travail. Toutefois le juge administratif a décidé que dans la
mesure où l’activité du bénévole se rattachait à la mise en œuvre d’une activité d’intérêt
général organisée par une commune, cette dernière devait indemniser même sans qu’il y
ait faute de sa part le collaborateur victime d’un accident qui résultait de ce que l’activité
considérée créait un risque pour ceux qui avait accepté bénévolement d’y participer ;en
l’espèce il s’agissait d’une fantasia dont le juge estime que « par leur nature elles revêtent
un caractère de gravité compte tenu de l’usage des chevaux et de la poudre à canon ». La
responsabilité de la commune est ainsi fondée sur le risque créé à l’égard d’un cavalier
blessé par l’explosion de son fusil : TA. de Casablanca, 2 décembre 2010, Hamsi, Note
M. Rousset et M.A. Benabdallah, REMALD, n° 105-106, 2012, p. 279.
Le contentieux des pensions posait des problèmes depuis 1971 dans la mesure où la loi
intervenue à cette époque ne comportait aucune disposition sur le règlement des litiges,
à la différence du texte antérieur qui donnait plénitude de compétence aux tribunaux de
droit commun (10). La question est maintenant réglée par l’art. 8-2e de la loi instituant les
tribunaux administratifs qui les charge de régler ces litiges.
(9) Cependant, la Cour suprême a effectué un revirement de jurisprudence (dans un arrêt, C.S.A., 8/7/1968, Veuve
Aboud, G.T.M., 1968, n° 5) en autorisant les fonctionnaires victimes d’accident ou de maladie imputables au service, à
choisir entre la réparation forfaitaire prévue par la législation sur les pensions, et l’action en réparation de l’art. 79 du
D.O.C. et même à cumuler les deux réparations.
La Cour se fonde sur une obligation de sécurité que l’administration assumerait à l’égard de ses agents, et sur l’absence
de disposition interdisant ce choix dans la législation sur les pensions. Depuis 1975, elle admet le cumul des deux
régimes.
Le Conseil d’Etat s’oriente vers une solution comparable. C.E. (sect.), deux arrêts du 15/12/2000, Bernard et Castanet,
« Vers une correction des effets de la règle dite du forfait de pension », AJDA, n° 2, 2001, p. 158.
(10) Pour plus de précisions, voir les éditions antérieures de cet ouvrage.
(11) « Le refus d’exécution des décisions de justice par l’autorité administrative », A. Filali, R.M.D., 1961, p. 97.
827
Droit administratif marocain
C’est ainsi que, lorsqu’un propriétaire a obtenu une décision d’expulsion envers un
locataire qui, par exemple, ne paye pas son loyer, ou fait du tapage, il doit solliciter le
concours de la force publique pour obtenir cette expulsion. Un refus opposé par l’autorité
administrative est normalement constitutif d’un excès de pouvoir fautif qui engage la
responsabilité de la puissance publique et l’oblige à indemniser le bénéficiaire de la
décision de justice qui la voit ainsi rendue inefficace. Toutefois, en certaines circonstances,
l’autorité administrative qui est également chargée d’assurer le maintien de l’ordre public,
peut craindre que l’exécution de la décision n’entraîne des troubles : par exemple un
groupement de locataires, une association quelconque prendra fait et cause pour l’expulsé.
L’autorité publique peut être alors bien inspirée de différer l’exécution jusqu’à une
période où le calme sera revenu et où des troubles ne seront plus à craindre. Mais le
propriétaire subit alors un dommage du fait qu’il ne lui est pas possible de reprendre
possession de son bien et qu’il doit continuer à supporter un occupant sans droit ni
titre. Dans ce cas on peut néanmoins estimer que l’administration n’a pas commis une
faute, qu’elle a au contraire agi sagement et conformément à l’intérêt public. Il se trouve
seulement que c’est le bénéficiaire de la décision qui fait seul les frais de ce maintien
de la paix publique. Il et donc normal qu’il soit indemnisé et les tribunaux ont admis
le versement d’une indemnité destinée à rétablir, ici encore, l’égalité devant les charges
publiques indépendamment de toute idée de faute imputable à l’administration. Ainsi en
a jugé le tribunal de Casablanca dans deux décisions du 16 avril 1951 et 18 juin 1951,
Gazette des tribunaux du Maroc, 1951, p. 144. Le tribunal se refuse à apprécier le bien-
fondé d’une décision prise par le chef de région refusant l’expulsion d’un occupant sans
droit ni titre alors que le propriétaire avait un jugement autorisant cette expulsion, mais il
constate que le propriétaire a subi un dommage spécial résultant de la privation du droit
qu’il avait à l’exécution de la décision judiciaire et lui accorde une indemnité sans faire
appel à l’idée de faute de l’administration. Cette position ne s’éloigne pas de celle adoptée
par le Conseil d’Etat en France pour des problèmes analogues.
Naturellement aujourd’hui le juge contrôle la décision de refus ou d’octroi de l’aide
de la force publique qu’il considère comme une décision administrative susceptible
d’être contestée par la voie du recours pour excès de pouvoir, TA d’Oujda, n° 774-97 du
1/10/1997, AJ, n° 16, mai 1999, p. XXVI.
Le tribunal administratif de Casablanca juge quant à lui, que le « refus de l’octroi
de la force publique pour l’exécution d’un arrêt d’appel au motif que les circonstances
opportunes ne sont pas réunies sans pour autant les expliciter, est entaché d’excès de
pouvoir pour absence de motivation » (dossier n° 44-97 du 10/2/1997).
Dans ces deux cas le recours en indemnité est recevable ; mais il doit être fondé sur la
faute de service que constitue l’illégalité du refus.
828
Les cas de responsabilité de l’administration
En revanche si le refus est considéré comme justifié par des circonstances dûment
explicitées, le recours en indemnité sera fondé sur la rupture du principe d’égalité devant
les charges publiques.
On signalera toutefois à titre de curiosité – du moins il faut l’espérer – une décision de
la Cour d’appel de Casablanca, déjà ancienne il est vrai, par laquelle après avoir estimé
régulier le refus de l’octroi de la force publique pour l’exécution d’un jugement définitif,
la Cour refuse également l’indemnisation du préjudice subi par le requérant bénéficiaire
du jugement non exécuté, Bouchaïb c/Premier ministre, 10/4/1973 (cité par Serhane El H.,
op. cit., p. 263). Dans cette affaire il s’agissait du refus d’exécuter une décision ordonnant
la fermeture d’une école coranique concurrente d’une autre école existant dans le quartier ;
le requérant s’adresse alors au tribunal pour obtenir une indemnité en raison du préjudice
que lui causait le refus de l’administration d’exécuter la décisions de fermeture. Le
tribunal lui accorde cette indemnité mais en appel cette décision est infirmée : au motif que
« si l’administration est responsable au cas où elle refuse de prêter main forte à l’exécution
d’une décision de justice, le refus est cependant légitime s’il est basé sur des raisons
légales... Or nul ne peut se permettre d’obtenir l’aide pour fermer une école coranique…
et cela même sur la base d’une décision judiciaire ». Sans discuter le point de vue du juge
sur le refus de fermeture d’une école coranique,encore que l’on puisse défendre une autre
opinion si le local est insalubre ou s’il présente un danger pour la sécurité des enfants, on
doit s’étonner que le juge n’ait pas compris qu’il était cependant possible d’indemniser
le propriétaire de l’école déjà ouverte du préjudice qu’il subissait du fait de ce refus
d’exécution en laissant subsister la décision de refus d’exécuter. En décidant de la sorte
la Cour d’appel a légitimé le refus d’indemniser le bénéficiaire d’une décision de justice
définitive et qui de ce fait ne pouvait être remise en cause.
829
Droit administratif marocain
830
Les cas de responsabilité de l’administration
(13) On rappellera que jusqu’en 1986 il existait une responsabilité sans faute pour les dommages causés par les
émeutes à laquelle il a été mis fin par un décret royal portant loi du 24 octobre 1966 (B.O. 1966, p. 1177), cf. les
précédentes éditions.
831
Droit administratif marocain
sens cette décision est favorable aux victimes dans la recherche d’une indemnisation dont
malheureusement il est à craindre que cet exemple ne soit pas un cas isolé (TA. Rabat,
19 novembre 2004, Ayant droit de Couibas Garcia, et CSA. Chambres administrative et
commerciale réunies, 14 décembre 2005, Agent judiciaire c/ Couibas Garcia, REMALD,
n° 68, 2006, 129, Note M. Rousset et M.A. Benabdallah, p. 129). Aujourd’hui, le
législateur a mis en place un mécanisme de réparation des conséquences des catastrophes
d’origine naturelle ou humaine, c’est-à-dire du terrorisme (14).
(14) Rousset (M.), « De la responsabilité sans faute à la solidarité nationale », Commentaire de la loi n° 110-14 du
25 août 2016 (BO n° 2016, page 1527), Remald n° 131 p. 9.
832
Chapitre III
La mise en œuvre de la responsabilité
de l’administration
Une fois admis le principe de la responsabilité soit par la démonstration d’une faute de
l’administration, soit par l’application d’un cas de responsabilité sans faute, tout n’est pas
terminé pour autant. Il subsiste deux problèmes essentiels : celui de la réparation et de ses
modalités et celui de la procédure à suivre pour obtenir satisfaction en cas de résistance
de l’administration.
Section I
La réparation du dommage
§1. L’imputabilité
Aucune réparation n’est envisageable, si n’est établi de façon formelle un lien de cause
à effet, entre l’activité d’une personne publique déterminée et l’existence du dommage.
Quel que soit le système retenu : responsabilité pour faute ou responsabilité sans faute, il
est absolument nécessaire que soit établi que c’est bien l’activité de l’administration qui est
à l’origine du dommage mais aussi quel est, parmi l’ensemble des services administratifs,
celui qui doit supporter la charge de la réparation. C’est là le double problème des causes
d’exonération et de la détermination du patrimoine responsable.
Droit administratif marocain
(1) C.S.A. : 2/5/1962, Etat et Mallorga c/Ali ou Omar ou Acha. R., p. 231 : panneau de signalisation déplacé par un
tiers.
834
La mise en œuvre de la responsabilité de l’administration
B. Le comportement de la victime
Lorsque la victime a commis elle-même une faute, la responsabilité de l’administration
peut être diminuée ou parfois supprimée. En pratique, en matière de responsabilité
administrative, on tient très largement compte de la situation de la victime. Nous avons
déjà eu l’occasion de souligner dans un certain nombre d’hypothèses que l’on distinguait
selon qu’il s’agissait d’un tiers ou d’un usager, d’un poursuivi ou d’un spectateur. En toute
hypothèse, les tribunaux recherchent si le dommage n’a pas été causé exclusivement par
la faute de la victime et en tous cas s’il n’a pas été aggravé par celle-ci. La responsabilité
est alors partagée proportionnellement à la gravité des fautes respectives. La Cour suprême
ne manque pas de le rappeler dans chaque décision consacrée à la responsabilité : « Ces
déformations (de la chaussée) avaient été la cause dudit accident à l’exclusion de toute
faute de la victime ayant pu consister dans un excès de vitesse de sa part… » (Cour
suprême, 7 mai 1960, Dejoie, R., p. 218). Il est évidemment assez difficile de déterminer
dans quelles proportions la faute de l’administration et celle de la victime ont concouru
835
Droit administratif marocain
836
La mise en œuvre de la responsabilité de l’administration
(3) Le problème est plus délicat lorsqu’une même activité met en cause deux personnes morales : par exemple, la
police communale est une affaire qui touche aux intérêts de la commune, mais elle est entièrement entre les mains
d’autorités dépendant de l’Etat .
837
Droit administratif marocain
838
La mise en œuvre de la responsabilité de l’administration
Section II
La procédure à suivre
La victime d’un dommage causé par l’administration n’est pas tenue d’adresser une
requête préalable à l’autorité administrative avant de saisir les tribunaux à la différence
de ce qui se passait avant 1974 dans le recours pour excès de pouvoir et à la différence
également de ce qui se passe en France dans des cas analogues. Il est donc possible de
saisir directement la juridiction. Il n’en reste pas moins qu’il est évidemment préférable
de tenter une indemnisation amiable avant de s’adresser aux tribunaux. Aucun recours
administratif n’étant donc nécessaire, la juridiction peut être immédiatement saisie et elle
le sera également en cas de refus de l’administration ou de silence si l’on a jugé bon de la
saisir préalablement.
Toutefois, si l’action est dirigée contre une commune (article 267), une préfecture
ou province (article 211) ou une région(article 241), et tend à faire déclarer débitrice la
collectivité ou à obtenir réparation, les lois organiques du 7 novembre 2015 font obligation
au demandeur d’adresser Gouverneur ou au wali selon le cas, sous peine d’irrecevabilité
par les juridictions compétentes, un mémoire exposant l’objet et les motifs de sa
réclamation ;l’autorité étudie la réclamation dans le délai de trente jours de sa saisine ;à
défaut de réponse dans ce délai, ou si la réponse ne le satisfait pas, le demandeur peut
saisir le ministre de l’intérieur qui étudie la réclamation dans le délai de trente jours ; mais
il peut aussi saisir directement la juridiction compétente. La présentation du mémoire
interrompt toute prescription ou déchéance si elle est suivie d’une action en justice dans le
délai de trois mois. L’action doit être portée devant les tribunaux administratifs et en appel
devant la cour d’appel administrative. Dans ces actions l’Agent judiciaire des collectivités
839
Droit administratif marocain
territoriales doit être appelé en la cause sous peine d’irrecevabilité. Cet agent peut aussi
être mandaté par les collectivités et leurs groupements pour les représenter en justice et
suivre la procédure sur la base d’une convention.
Le délai dans lequel l’action doit être introduite n’est pas établi de manière très
claire du moins en jurisprudence. Certaines décisions (Cour de Rabat, 27 juin 1957,
Lordel cité par Prat, la Responsabilité de la puissance publique au Maroc, p. 203) optent
pour la prescription de droit commun de 15 ans, d’autres choisissent la prescription de
l’article 106 du D.O.C. concernant les délits et quasi-délits et fixée à 5 ans (Cour de
Rabat, 13 mars 1951, Pichon, R.M.D., 1951, p. 415). La Cour suprême semble avoir
définitivement pris parti pour le délai de l’art. 106 du D.O.C. en déclarant que l’action
en indemnité se prescrit par cinq années sauf prescription spéciale prévue par un texte
particulier (C.S.A. n° 57 du 25 février 1977, Agent judiciaire c/Ahmed Thami Ben Hamou,
R.J.P.E.M., n° 4, 1978, p. 275).
Mais il nous semble qu’en toute hypothèse, une règle propre au droit public doit
l’emporter, celle de la déchéance quadriennale établie aujourd’hui par la loi 56-03 du
21 avril 2004 (BO. 2004, p. 664) : « Sont prescrites et définitivement éteintes au profit
de l’Etat et des collectivités locales toutes les créances qui n’ont pu être liquidées,
ordonnancées et payées dans un délai de quatre années à partir du premier jour de l’année
budgétaire au cours de laquelle les droits ont été acquis pour les créanciers domiciliés
au Maroc et dans un délai de cinq ans pour les créanciers résidant hors du territoire
national. » Cette règle est absolument impérative et s’applique à toutes les dettes des
personnes publiques. Cette déchéance ne peut être interrompue que par suite d’actions
judiciaires ou par le fait de l’administration. Les ordonnateurs ne peuvent renoncer à
opposer cette prescription. Si le retard de l’ordonnancement ou du paiement est du au fait
de l’administration, l’ordonnateur peut établir un certificat de relèvement de prescription
qui doit être visé par le ministre chargé des finances. Il est donc indispensable que l’ action
en responsabilité soit intentée moins de quatre ans après l’apparition du dommage.
L’action doit être dirigée contre un représentant dûment qualifié de l’administration.
Cette règle est impérative et toute action dirigée contre une personne qui n’aurait pas
qualité pour engager l’administration serait rejetée. Pour l’Etat, c’était normalement
le président du conseil ou son successeur le Premier ministre et c’est aujourd’hui le
Chef du gouvernement qui doit être cité si l’on se réfère à l’arrêt de la Cour suprême
du 19 décembre 1959, Etat marocain c/Calendini, R., p. 195 : « il en résulte que sauf
attribution de pouvoirs à une autre autorité en vertu des dispositions législatives spéciales,
c’est au président du conseil qu’il convient de signifier les divers actes de procédures dans
les instances où l’Etat est partie ». En fait, en vertu de l’article 90 de la Constitution, le
Chef du gouvernement peut déléguer certains de ses pouvoirs aux ministres et il semble
qu’il doive normalement le faire en la matière.
840
La mise en œuvre de la responsabilité de l’administration
(5) Le dahir précité opère le transfert à l’Office national des transports de l’ensemble des services qu’assurait
l’O.N.E.P. héritier de la R.E.I. en matière de gestion du parc automobile de l’Etat, ainsi que de crédit et d’assurance
pour les véhicules acquis par les fonctionnaires pour les besoins du service. Aujourd’hui c’est donc la Société nationale
du transport et de la logistique qui a hérité de ces attributions.
(6) Rappelons que les litiges relatifs aux dommages causés par les véhicules administratifs restent de la compétence
des tribunaux ordinaires.
841
Droit administratif marocain
vie civile, administrative et judiciaire. Enfin s’agissant des établissements publics c’est le
directeur qui est investi de cette compétence (art. 515 du CPC).
L’agent judiciaire du Maroc joue un rôle particulier et extrêmement important dans la
procédure de mise en œuvre de la responsabilité de l’administration. L’article 1er du dahir
du 2 mars 1953 dont le contenu est aujourd’hui repris par l’art. 514 du C.P.C. dispose :
« Chaque fois que l’action engagée devant les tribunaux a pour objet de faire déclarer
l’Etat débiteur, une administration publique, un office ou un établissement public de l’Etat,
dans une matière étrangère à l’impôt et aux domaines, l’agent judiciaire du trésor doit être
appelé en cause à peine d’irrecevabilité de la requête. »
Ainsi donc ce fonctionnaire placé sous l’autorité du ministre des Finances doit être cité
dans toutes les instances tendant à faire condamner l’administration pour les dommages
qu’elle a causés. L’agent judiciaire viendra donc à côté du représentant normal de
l’administration, l’aider à défendre les deniers publics. Il ne sera pas partie au procès mais
il aura le droit de se manifester, de conseiller le représentant de l’administration, cependant
il ne peut pas lui même soulever des moyens, déposer des conclusions.
Cet appel en cause est absolument obligatoire et il s’agit là d’une règle d’ordre public
que la Cour de cassation fait respecter de façon scrupuleuse : « Attendu qu’aux termes de
l’article 1er, dernier alinéa du dahir du 2 mars 1953, l’Agent judiciaire doit être appelé
en cause à peine d’irrecevabilité de la requête, que ces dispositions, qui ont pour objet
d’assurer la sauvegarde des intérêts dont l’Etat à la charge, ont un caractère d’ordre
public qui ne permet à aucune autorité administrative ou judiciaire d’acquiescer à leur
méconnaissance ; qu’ainsi la circonstance qu’elle n’a pas été invoquée par le représentant
de l’Etat devant les juges du fond ne fait pas obstacle à son examen au besoin d’office par
la juridiction de cassation ; qu’ainsi l’Etat est fondé à soutenir que, faute de l’appel en cause
de l’Agent judiciaire, la requête par les Consorts Bertin, devant le Tribunal de première
instance de Fès, en tant qu’elle tendait à faire déclarer l’Etat débiteur d’une indemnité
réparatrice de dommages de travaux publics, était irrecevable ; que cette irrecevabilité n’a
pu être couverte et qu’elle entache de nullité toute la procédure suivie contre l’Etat tant
en première instance qu’en appel ; qu’il suit de là que l’arrêt attaqué qui a prononcé la
condamnation de l’Etat au mépris de cette prescription impérative de la loi encourt sur ce
point l’annulation » (Cour suprême, 4 décembre 1958, Bertin, R., p. 171) (7).
En revanche, la Cour suprême n’exige pas que l’Agent judiciaire du trésor soit mis
en cause devant elle dès l’instant où il a bien figuré en première instance et en appel.
Elle estime que le recours en cassation n’est pas une instance relative à une demande
en indemnité dirigée contre l’Etat (Cour suprême, 13 avril 1961, Borromet, R., p. 110).
842
La mise en œuvre de la responsabilité de l’administration
La Cour de Rabat, de son côté, estime que la présence de l’Agent judiciaire n’est
pas nécessaire dans les instances introduites contre les communes qui constituent des
personnes morales distinctes de l’Etat chérifien et de ses administrations (Cour de Rabat,
21 juillet 1960, Magro, Gazette des tribunaux du Maroc, 1961, p. 21). En revanche l’Agent
judiciaire des collectivités territoriales doit être mis en cause.
Le rôle de l’Agent judiciaire est quelquefois accru lorsque les administrations
le prennent comme mandataire. Il est en effet possible qu’il soit chargé d’assurer la
représentation de l’Etat en justice par une décision spéciale pour tel ou tel procès. Il
sera alors évidemment pleinement partie au litige, mais il faut qu’il ait alors reçu une
instruction spéciale l’habilitant à ce rôle. Il en est de même pour l’Agent judiciaire des
collectivités territoriales
Sous ces réserves, la procédure suivie en matière administrative ne diffère pas
notablement de celle qui est applicable en matière civile (8). L’art. 7 de la loi instaurant
les tribunaux administratifs dispose en effet : « Les règles du code de procédure civile sont
applicables devant les tribunaux administratifs, sauf dispositions contraires prévues par la
loi. » Parmi les particularités, on mentionnera évidemment l’intervention du commissaire
royal de la loi et du droit (9).
(8) Cf. Default (G.), « Le rôle du juge rapporteur dans la procédure marocaine », Revue trimestrielle de droit civil,
1968, n° 1, p. 25 et suiv.
(9) M. Rousset, et M.A. Benabdallah : Contentieux administratif marocain, 3e éd., REMALD, coll. Manuels et travaux
universitaires, n° 103, 2014, p. 85 et suiv.
843
Chapitre IV
La responsabilité personnelle des agents de l’administration
Section I
La détermination de la faute personnelle
(1) Toutefois le Dh. du 12/8/1913 sur l’immatriculation des immeubles, institue une responsabilité personnelle du
conservateur de la propriété foncière pour les préjudices résultant des erreurs commises dans les inscriptions au livre
foncier : cf. C.S.A., 22/12/1965, Roger Sanguin de Livry, R., p. 313.
Droit administratif marocain
La première catégorie renferme tous les actes qui sont dépourvus de tous liens avec
le service, c’est-à-dire ce qui relève de la vie personnelle de l’agent, agissant comme un
simple particulier. Il va sans dire que, dans sa vie privée, le fonctionnaire est un homme
comme les autres et que si son chien mord un passant, si ses enfants s’amusant avec leur
bicyclette renversent un paisible promeneur, si lui-même, avec sa voiture personnelle,
heurte un véhicule alors qu’il se promène avec toute sa famille un jour de congé, il n’est
pas question de rechercher la responsabilité de l’administration, c’est l’agent et c’est
l’agent seul qui sera responsable. Cela est évident et ne mérite guère de commentaire, alors
que les actes dommageables qui se sont produits dans le service ou à l’occasion du service
présentent eux au contraire un certain nombre de difficultés comme le montrent les deux
hypothèses suivantes.
La deuxième catégorie recouvre les actes que le D.O.C. range sous l’appellation
générale de “dols” c’est-à-dire les actes qui impliquent chez l’agent une intention
mauvaise, dénotent la malveillance, même si ces actes interviennent dans le service : ce
sont tous les dommages volontaires, tous les méfaits causés par l’intention de nuire. L’agent
ne doit pas utiliser le service pour assouvir ses rancœurs, satisfaire ses passions, réaliser
ses vengeances et s’il le fait, il engage sa responsabilité personnelle. Quelques difficultés
peuvent être soulevées à propos de cette deuxième catégorie de fautes personnelles.
Tout d’abord, on peut se demander si un acte constitutif d’un délit pénal est toujours
nécessairement une faute personnelle. En règle générale, il en est certes ainsi puisque le
délit pénal suppose normalement l’intention. Mais on sait qu’il existe un certain nombre de
délits d’imprudence qui sont exclusifs de toute volonté délibérée de nuire. Dans ce cas là,
un fonctionnaire peut parfaitement être condamné pénalement et engager en même temps
la responsabilité de l’administration et non pas la sienne. Nombreuses sont les décisions
en ce sens confirmées par la chambre administrative de la Cour suprême, 2 mai 1962,
Mallorga, R.M.D., 1962, p. 868 ; R., p. 230 : « La condamnation prononcée par le juge
pénal n’implique pas à elle seule que l’agent incriminé ait commis une faute détachable
Cette solution anachronique est absolument indéfendable ; la conservation foncière est un service public ; le conservateur
est un agent de l’Etat qui doit garantir la propriété privée ; mais en pratique, avec ce système, elle ne l’est pas !
Cette solution est expressément maintenue en vigueur par l’article 4 de la loi du 13 juin 2002 créant l’Agence nationale
de la conservation foncière, du cadastre et de la cartographie (B.O. 2002, p. 904). On ne peut que le déplorer car elle
aboutit en fait le plus souvent à priver les propriétaires de leurs droits malgré le fait que la Constitution garantit le
droit de propriété.
La conservation foncière est un service public de l’Etat ; le conservateur est un fonctionnaire ; il serait parfaitement
possible de lui appliquer un système voisin de celui que met en œuvre le code pénal pour réprimer les atteintes
commises par des personnes réputées fonctionnaires à l’encontre des libertés individuelles et des droits civiques ;
l’article 230 du code pénal prévoit que leurs auteurs sont civilement et personnellement responsables et que la
responsabilité de l’Etat peut également être mise en cause sauf son recours à l’encontre de l’agent à l’origine de
l’atteinte. La multiplication des cas de spoliation foncière ces dernières années a mis en lumière les déficiences de
fonctionnement des services de la conservation foncière et milite en faveur de cette solution.
846
La responsabilité personnelle des agents de l’administration
847
Droit administratif marocain
On peut, au sujet de la faute lourde, parfois assez difficile à cerner il faut bien le dire,
se demander si l’ordre d’un supérieur exonère l’agent de sa responsabilité personnelle.
On peut l’admettre, en effet, en règle générale et considérer que l’agent qui obéit ne
court pas le risque de se voir condamné pour faute lourde. Il convient cependant que
cet ordre ne soit pas manifestement illégal, car le devoir d’obéissance du fonctionnaire
n’est pas aveugle et le subordonné doit désobéir s’il lui apparaît évident que la décision
qu’on lui impose est contraire à toute règle juridique. Un exemple tout à fait intéressant
à cet égard est celui de la pratique administrative systématique consistant à s’emparer
du bien d’autrui en procédant à la réquisition des propriétés « Or cette mainmise se
fait par voie de fait en dehors de la procédure d’acquisition amiable ou de la procédure
d’expropriation prévues par la loi ». Cette pratique à un coût exorbitant pour les finances
publiques et l’on peut se demander si ces agissements des fonctionnaires de l’Etat ne
constituent pas des fautes personnelles dont l’Etat devrait demander compte à ses agents.
(Synthèse du rapport de la Cour des comptes sur le gestion du contentieux de l’Etat,
REMALD, n° 125, 2015, p. 281).
Dans tous ces cas, à vrai dire, il s’agit d’apprécier chaque situation concrètement et
non pas en fonction de règles trop abstraites. C’est aux tribunaux qu’il appartient en fin
de compte de rechercher si l’agent a véritablement ou non commis un acte qui n’a aucun
rapport avec l’exercice normal de ses fonctions.
Cette analyse importe quand même pour le demandeur victime du dommage, car selon
qu’il estimera que l’acte de l’agent s’analyse en une faute personnelle ou une faute de
service, il devra diriger son action contre cet agent ou contre l’administration et par voie
de conséquence, la porter devant la juridiction ordinaire ou devant le tribunal administratif.
Ceux-ci pourront évidemment décliner leur compétence selon qu’ils estimeront être ou
non en présence d’une faute personnelle.
On se trouvera alors dans la situation réglée par l’art. 13 de la loi instituant les
tribunaux administratifs (appel devant la Cour de cassation qui doit statuer dans les
30 jours) et étudiée ci-dessus au chapitre I, section II. Il y a là une difficulté nouvelle qui
n’existait pas avec l’unité de juridiction puisque, l’action contre l’administration et l’action
contre l’agent étaient portées devant le même tribunal qui, en fonction de son appréciation
des circonstances, choisissait le responsable. Il faut souhaiter qu’il n’en résulte pas de
trop grandes difficultés pour les victimes. On remarquera que la détermination de la
compétence par la Cour de cassation dépendra essentiellement de l’examen des faits de
l’espèce et préjugera largement du fond puisqu’elle sera amenée à dire s’il y a faute de
service ou faute personnelle pour désigner le tribunal compétent.
848
La responsabilité personnelle des agents de l’administration
Section II
Les rapports entre la responsabilité personnelle de l’agent
et la responsabilité de l’administration
849
Droit administratif marocain
que l’on reviendra à une conception rigoureuse de la séparation des responsabilités qui,
comme le prévoit l’art. 80 littéralement interprété, s’excluent réciproquement.
850
La responsabilité personnelle des agents de l’administration
celle-ci sera vérifiée. La victime devra d’abord essayer d’obtenir l’exécution contre
le fonctionnaire et ce n’est que si celle-ci se révèle impossible qu’elle demandera à
l’administration de payer à sa place (2).
Avec l’instauration de la dualité de juridiction, le système de cumul des responsabilités
pourrait avoir un intérêt pratique qu’il n’avait pas jusqu’alors, celui d’éviter au demandeur
d’avoir à qualifier la faute pour trouver le bon juge. Il conviendra dans les années à venir,
de se poser la question de son introduction notamment quand le service a été l’occasion
de la faute personnelle.
Le système de responsabilité de l’administration ainsi mis sur pied par le concours de la
loi et de la jurisprudence apparaît dans l’ensemble assez satisfaisant. Mais une fois encore,
il faut se demander si la pratique justifie l’appréciation favorable que l’on peut porter à la
suite de l’examen théorique. En d’autres termes, il faut se poser avec lucidité la question
de savoir si les décisions rendues par les tribunaux et condamnant l’administration à verser
des indemnités sont ou non exécutées. Quelques idées très simples président à ce problème.
Nul ne conteste que les décisions des tribunaux aient l’autorité de la chose jugée vis-à-vis
de l’administration, qu’elle ait l’obligation de les exécuter, mais il est non moins évident
qu’il n’existe aucun moyen de la forcer à le faire. C’est l’administration qui détient le
monopole de la force et ce n’est évidemment pas contre elle que l’on peut utiliser les armes
qui sont les siennes. Ce qui revient à dire que l’on est conduit à attendre le bon vouloir de
l’administration. Il faut admettre que l’Etat paie spontanément ses dettes, mais l’admettre
n’est pas le démontrer et il arrive, la chose n’est pas douteuse, que l’administration mette,
c’est le moins qu’on puisse dire, une certaine mauvaise volonté dans l’exécution des
condamnations auxquelles elle est soumise. Chaque fois que l’occasion luien a été donnée,
la Cour suprême n’a pas manqué pas de critiquer avec la plus grande vigueur de tels
errements qui ouvrent droit à de nouvelles indemnités : « Attendu que la méconnaissance,
par l’autorité administrative, des jugements et arrêts passés en force de choses jugées et
revêtus de la formule exécutoire, constitue, sauf circonstance tout à fait exceptionnelle,
un excès de pouvoir par violation des lois fondamentales d’organisation et de procédure
judiciaire au respect desquelles l’ordre public est au premier chef attaché ; qu’une telle
méconnaissance peut servir de fondement tant à un recours en annulation qu’à une action
en indemnité selon les règles propres à l’un et à l’autre. » (Cour suprême, 9 juillet 1959,
Guerra, R., p. 58). Au Maroc les lois organiques relatives aux collectivités territoriales
considèrent les sommes correspondant aux condamnations prononcées contre ces
collectivités comme des dépenses obligatoires que les collectivités sont tenues d’inscrire
à leur budget et qu’elles doivent payer même lorsque leur budget n’est pas adopté
(2) Pour une critique de cette solution et une défense de l’application au Maroc du système du cumul des
responsabilités, cf. Renard-Payen, l’Expérience marocaine d’unité de juridiction et de séparation des contentieux,
Paris, 1964, p. 76 à 81 ; cf. également Serhane (El H.), thèse précitée, p. 222 et suiv.
851
Droit administratif marocain
définitivement. Mais évidemment il n’y a rien de tel pour l’Etat. Toutefois, il semble que
les cas d’inexécution ne soient pas très nombreux. M. Antari (thèse précitée) l’explique par
la séparation des ordonnateurs et des comptables d’une part et par le fait que nombre de
dommages soient couverts par des assurances d’autre part. Il suggère aussi que l’on adopte
la solution algérienne qui consiste en la création par une donnance du 17 juin 1975 d’une
procédure d’exécution des condamnations pécuniaires prononcées contre les organismes
publics : le montant de la condamnation est prélevé sur un compte d’affectation spécial du
trésor intitulé “exécution des décisions de justice rendues au profit des particuliers portant
condamnation de l’Etat et de certains organismes”. Les sommes ainsi versées sont ensuite
récupérées sur le budget de la personne publique défaillante (3). Naturellement, le recours
à la mise en cause de la responsabilité personnelle de l’agent qui refuse d’exécuter la
décision est également envisageable comme en matière d’excès de pouvoir.
(3) Cf. Mahiou (A.), Cours de contentieux administratif, 2e éd., O.P.U., Alger, 1981, p. 234. En France le paiement de
l’indemnité peut être obtenu, à défaut d’un versement volontaire, par une procédure automatique, le jugement valant
ordre de paiement si l’ordonnancement et le mandatement ne sont pas intervenus dans un délai de deux mois à compter
de la notification du jugement.
Harsi (A.), « Le problème de l’exécution des décisions de justice condamnant l’administration au paiement
d’indemnités », Revue marocaine de droit et d’économie comparés, 1994, n° 21, p. 49 (colloque de Marrakech :
« tribunaux administratifs et Etat de droit »).
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La responsabilité personnelle des agents de l’administration
(4) Serhane (El H.), « La problématique de la faute personnelle des agents publics en droit administratif marocain »
(Colloque tribunaux administratifs et Etat de droit), Revue marocaine d’économie et de droit comparé (Marrakech),
n° 21, 1994, p. 145, spécialement p. 160-161 note 43.
(5) Serhane (El H.), op. cit., loc. cit., p. 149, et surtout note 56, p. 171.
853
Droit administratif marocain
qu’elle doit occuper non seulement vis-à-vis des usagers victimes, mais aussi vis-à-vis
de la collectivité publique (6) surtout au moment où la Constitution et les plus hautes
autorités du Royaume mettent en avant les exigences de la bonne gouvernance.
(6) La jurisprudence dispose d’un réel pouvoir créateur illustré notamment, par la fameuse décision Dame veuve Aboud
commentée par le président Bahnini ; celui-ci faisait valoir que le principe d’équité militait en faveur de la réparation
intégrale du préjudice à laquelle faisait obstacle la loi sur les pensions qui prévoyait une réparation forfaitaire du
dommage subi en service par les agents publics ; c’est la raison pour laquelle la Cour suprême a décidé que, malgré le
texte de 1921, la victime pourrait réclamer à l’Etat réparation complète de son préjudice en se fondant sur l’article 79
du DOC. Il serait ainsi tout à fait logique que l’on abandonne l’interprétation exégétique des textes rédigés en 1913
et fondés souvent sur des principes que la France a abandonné depuis un demi siècle grâce à la jurisprudence du
Conseil d’Etat, et que l’on admette une action récursoire que rien n’interdit, et qu’en outre les exigences d’une bonne
administration recommandent.
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874
Index alphabétique
Les chiffres renvoient aux pages
A
Acomptes et avances (marchés publics) : 498.
Acte d’Algésiras : 383, 631, 634, 647, 664.
Acte détachable : 508.
Actes de gouvernement : 64, 76, 708, 808, 811.
Actes de l’administration : 7, 435, 436, 510, 602, 694, 707, 715, 718, 723, 795.
Actes juridictionnels : 742, 809.
Actes législatifs : 299, 300, 736, 737, 739, 740.
Actes unilatéraux : 321, 436, 437, 446, 450, 506, 508, 707.
Action d’office : Voir Exécution de l’acte administratif.
Action récursoire : 581, 853, 854.
Adjudication : 385, 481, 488, 508, 629, 645, 647, 664.
Administrations centrales
• depuis l’indépendance : 35, 61, 73, 93, 108, 406, 429, 518, 529, 559, 583, 589, 790,
864.
• du Makhzen : 48, 52, 54, 213.
• du Protectorat : 26, 35, 47, 52, 53, 54, 56, 58, 84, 85, 100, 183, 213, 241, 243, 359,
364, 382, 383, 396, 527, 583, 598, 605, 651, 663, 664, 665, 667, 668, 669, 691,
737, 798, 802, 804, 811, 857.
Administrations néo-chérifiennes : 53, 514.
Affectation du domaine public : 604.
Agence de développement régional : 186.
Agence foncière nationale : 608, 628.
Agent d’autorité : 109, 128, 143, 148, 149, 150, 343, 355, 536, 668, 836, 860, 871.
Agent judiciaire du trésor : 842.
Alignement : 316, 462, 610, 611, 612, 613, 636, 637, 645.
Al Omrane : 394, 395.
Aménagement régional : Voir Régionalisation.
Appel d’offres : 401, 483, 484, 485, 486, 487, 488, 495, 506.
Appréciation de la légalité des actes administratifs : Voir Exception d’illégalité.
Droit administratif marocain
Arbitrage : 49, 78, 105, 392, 401, 505, 506, 692, 706, 707, 862.
Arrondissement : 138, 150, 187, 218, 246, 247, 261, 273, 274, 275, 276, 277, 278, 279,
280, 344, 345, 348, 445, 612, 670, 683, 759, 861, 862.
Assemblée provinciale : 158, 240, 719.
Assemblée régionale : 132.
Assistance technique : 150, 262, 418, 514, 531.
Association : 25, 45, 126, 133, 157, 161, 172, 201, 204, 229, 238, 264, 265, 351, 355,
367, 394, 396, 399, 412, 471, 556, 580, 650, 690, 734, 735, 763, 787, 788, 828, 871.
Astreinte : 693, 728, 729, 730, 789, 863.
Attachés de justice : 675.
B
Bled Makhzen, Bled siba : 50.
C
Cabinet ministériel : 66, 99, 113, 546.
Cabinet royal : 66, 67, 92, 352, 704.
Cadi : 738.
Cahiers des charges des marchés : 388, 465, 466, 473, 481, 492, 493, 494, 499, 500, 503.
Caïd : 56, 142, 144, 146, 147, 150, 151, 344, 356, 359, 772, 773, 785, 786, 788.
Caisse marocaine des marchés - FINEA : 498, 499, 815, 817.
Caisse marocaine des retraites : 317, 590, 593, 595.
Carrières : 140, 145, 347, 443, 456, 530, 535, 539, 540, 543, 544, 583, 585, 586.
Centralisation : 37, 38, 39, 47, 48, 52, 54, 791.
Centres dotés d’une commission d’intérêt local : 56.
Centres régionaux des investissements : 177, 429.
Chambres professionnelles : 98, 158, 187, 284, 304, 309, 400, 412, 424, 425, 507, 564.
Chef de cercle : 142, 144, 146, 151.
Chef du gouvernement : 77, 87, 88, 89, 90, 91, 92, 93, 94, 95, 96, 97, 98, 99, 100, 102,
105, 111, 113, 115, 122, 125, 139, 144, 162, 169, 174, 177, 178, 308, 309, 310, 323,
324, 331, 342, 343, 346, 347, 348, 360, 414, 440, 471, 473, 474, 476, 477, 478, 479,
488, 489, 491, 495, 530, 532, 533, 546, 556, 565, 566, 578, 622, 630, 640, 646, 647,
681, 705, 750, 762, 763, 786, 789, 840, 841.
Cheikh : 150.
Circonstances exceptionnelles : 347, 352, 370, 372, 453, 486, 487, 500, 693, 728, 777,
778, 788, 789.
Circulaires : 110, 112, 115, 155, 316, 450, 746, 747, 748.
Collaborateurs bénévoles du service public : 593.
876
Index alphabétique
Collectivités territoriales : 14, 44, 46, 54, 106, 107, 130, 132, 136, 145, 152, 153, 156,
173, 178, 179, 180, 181, 182, 183, 186, 187, 193, 197, 199, 202, 204, 207, 209, 210,
211, 216, 222, 225, 227, 230, 235, 237, 238, 241, 245, 247, 250, 254, 257, 258, 260,
262, 265, 268, 269, 274, 282, 284, 285, 286, 290, 292, 294, 297, 301, 302, 308, 322,
327, 365, 370, 371, 379, 391, 441, 462, 464, 490, 506, 513, 523, 531, 532, 533, 536,
545, 554, 559, 606, 608, 628, 635, 705, 750, 768, 839, 841, 843, 851.
Commission des marchés : 84.
Commission nationale de la commande publique : 393, 401, 455, 465, 470, 471, 474, 489,
495, 505, 506, 704.
Commission nationale des comptes : 326, 386.
Commissions administratives paritaires : 524, 531, 532, 533, 534, 549, 550.
Commissions locales de taxation : 744.
Communautés urbaines : 136, 137, 138, 243, 273.
Commune : 56, 77, 136, 138, 149, 167, 170, 171, 179, 182, 207, 213, 240, 242, 243, 244,
245, 246, 247, 248, 250, 251, 252, 253, 254, 255, 256, 257, 258, 259, 260, 261, 262,
263, 264, 265, 266, 267, 268, 269, 270, 271, 272, 273, 274, 275, 276, 277, 278, 279,
280, 281, 282, 283, 284, 287, 288, 289, 290, 343, 344, 345, 346, 347, 348, 364, 377,
445, 501, 606, 614, 627, 637, 638, 643, 729, 750, 827, 836, 837, 839, 841, 855, 856,
857, 860.
Concession de service public : 58, 365, 382, 393, 468, 494, 503, 621.
Conseil communal : 158, 244, 245, 250, 256, 261, 264, 285, 290, 300, 344, 345, 354, 442,
446, 452, 611, 612, 613, 636, 654, 722, 752, 772, 773, 774, 836.
Conseil consultatif des droits de l’Homme : 69.
Conseil de gouvernement : 87, 91, 122, 324, 429.
Conseil des ministres : 69, 71, 76, 79, 89, 90, 97, 168, 323, 428.
Conseil supérieur de la fonction publique : 524, 533, 571.
Conseil supérieur de l’aménagement du territoire : 430.
Conseil supérieur de la promotion nationale et du plan : 70, 420.
Consultation : 76, 89, 126, 207, 280, 347, 429, 444, 445, 471, 476, 477, 484, 490, 532,
533, 535, 558, 569, 579, 618, 634, 765, 865.
Contentieux contractuel : 510, 511, 512, 656, 795.
Contentieux électoral
• Communal : 246.
• Provincial : 187.
Contentieux fiscal : 697, 709, 756, 841.
Contrat administratif : 457, 458, 459, 460, 461, 491, 507, 628, 652, 692, 863.
Contrat de développement : 332, 333, 372, 388.
Contrat de fonction publique : 468.
Contrat de partenariat public-privé : 393, 400, 653.
877
Droit administratif marocain
D
Dahir : 9, 23, 49, 50, 53, 61, 65, 66, 68, 69, 70, 71, 72, 73, 74, 78, 80, 81, 82, 83, 84, 88,
89, 93, 94, 95, 96, 102, 105, 110, 112, 113, 114, 118, 122, 124, 125, 127, 131, 133,
134, 135, 136, 139, 140, 141, 142, 143, 144, 145, 148, 149, 150, 152, 153, 158, 159,
172, 173, 177, 214, 242, 297, 298, 299, 300, 306, 308, 309, 310, 315, 316, 317, 318,
321, 323, 326, 330, 340, 341, 342, 343, 345, 349, 353, 359, 360, 373, 374, 386, 399,
400, 410, 411, 417, 424, 425, 427, 429, 439, 440, 441, 443, 444, 445, 446, 448, 452,
453, 456, 457, 462, 478, 496, 498, 507, 518, 519, 520, 530, 546, 559, 560, 571, 572,
579, 581, 589, 590, 593, 594, 598, 602, 604, 606, 607, 608, 609, 610, 611, 615, 616,
617, 618, 620, 622, 623, 625, 626, 627, 632, 633, 634, 636, 637, 640, 646, 647, 648,
650, 651, 652, 653, 664, 665, 666, 667, 668, 669, 670, 671, 675, 676, 680, 681, 690,
695, 697, 704, 705, 712, 715, 718, 719, 720, 737, 738, 739, 740, 741, 744, 748, 749,
751, 752, 753, 754, 755, 756, 762, 763, 764, 766, 779, 782, 787, 791, 800, 801, 803,
821, 826, 827, 829, 841, 842, 853, 862, 863.
878
Index alphabétique
Décentralisation
• communale : 13, 241, 244, 284.
Notions générales : 39.
• par services : 46, 52, 328.
• provinciale : 238, 239.
Déchéance quadriennale des dettes de l’Etat : 696, 840.
Décision implicite : 320, 705, 767.
Déconcentration : 13, 38, 39, 54, 55, 106, 119, 132, 134, 135, 136, 154, 155, 163, 170,
175, 177, 180, 183, 184, 185, 210, 214, 329, 384, 426, 430, 565, 673, 868, 869.
Décret : 64, 65, 67, 71, 72, 74, 81, 82, 83, 84, 85, 86, 94, 96, 97, 111, 112, 113, 115, 117,
118, 119, 120, 121, 122, 123, 124, 129, 130, 131, 134, 136, 137, 141, 142, 143, 144, 148,
149, 151, 159, 160, 162, 168, 174, 175, 177, 182, 183, 185, 186, 187, 193, 206, 207, 215,
216, 217, 222, 232, 233, 243, 245, 246, 254, 259, 262, 263, 264, 267, 269, 270, 271, 273,
278, 298, 300, 309, 310, 311, 313, 315, 316, 319, 321, 323, 324, 325, 326, 327, 343, 344,
347, 353, 354, 360, 373, 384, 385, 389, 390, 393, 395, 400, 401, 407, 408, 409, 412, 421,
422, 423, 424, 425, 426, 430, 448, 452, 458, 461, 462, 463, 464, 465, 466, 467, 468, 469,
470, 471, 472, 474, 475, 476, 477, 478, 479, 480, 482, 483, 485, 488, 489, 490, 491, 495,
497, 500, 504, 505, 506, 512, 516, 518, 521, 523, 524, 526, 527, 530, 531, 532, 533, 534,
536, 537, 538, 539, 541, 544, 545, 546, 549, 551, 553, 554, 555, 556, 559, 561, 566, 568,
572, 584, 586, 587, 588, 589, 590, 592, 593, 603, 608, 610, 611, 612, 613, 619, 620, 621,
626, 627, 629, 630, 632, 633, 634, 636, 637, 638, 639, 640, 641, 643, 646, 669, 672, 674,
675, 681, 697, 700, 701, 704, 719, 725, 730, 737, 738, 739, 740, 741, 744, 746, 759, 763,
764, 766, 770, 787, 788, 802, 804, 831, 863.
Décret loi : 263, 390, 395, 408.
Décret Royal : 72, 74, 81, 86, 94, 96, 112, 141, 142, 298, 310, 311, 316, 323, 324, 462,
466, 521, 527, 531, 549, 561, 572, 627, 632, 669, 740, 741, 831.
Délégation
• de pouvoirs : 109, 620.
• de signature : 64, 65, 112, 117, 122, 155, 199, 228, 261, 262, 439, 440, 446.
Délimitation
• du domaine privé : 626.
• du domaine public : 602, 609.
Désaffectation du domaine public : 625, 629.
Détachement : 114, 193, 222, 254, 316, 318, 525, 546, 555, 556, 557, 571.
Détournement de pouvoir : 356, 564, 771, 772, 773, 774, 775, 863.
Direction de la fonction publique : 86, 530, 542.
District : 146, 338.
Division administrative du Royaume : 136, 170, 213, 242.
Diwan Al Madhalim : 177, 664, 704, 705.
879
Droit administratif marocain
E
E-administration : 14, 174, 504.
Ecole Nationale d’administration : 381.
Economie mixte : 112, 332, 385, 388, 389, 394, 405, 517, 635, 651, 652.
Emplois supérieurs : 64, 70, 88, 110, 122, 145, 315, 529, 536, 538, 540, 546, 548, 556,
559, 570, 584, 586.
Emprise : 23, 44, 262, 380, 612, 645, 694, 695.
Entente directe : 488.
Entreprise publique : Voir Etablissement public et économie mixte.
Etablissement public : 607, 608.
Etat de siège : 89, 337, 341, 342.
Etat d’exception : 64, 65, 341.
Exception d’illégalité : 75, 76, 358, 672, 700, 731, 737, 867.
F
Fait du prince (la théorie du) : 386, 500, 502, 503, 510.
Faute
• de service : 358, 398, 581, 726, 780, 805, 813, 815, 828, 845, 847, 848, 849, 850, 853.
• détachable : 846.
• disciplinaire : 561, 567, 573, 574, 575, 776, 781, 783.
• pénale : 574.
• personnelle : 579, 581, 695, 728, 813, 845, 846, 847, 848, 849, 850, 851, 853, 870.
880
Index alphabétique
G
Gouverneur : 106, 107, 133, 134, 135, 142, 143, 144, 146, 147, 150, 151, 152, 153, 154,
155, 156, 158, 159, 162, 179, 180, 217, 218, 219, 220, 221, 222, 223, 224, 225, 230,
232, 233, 235, 236, 237, 238, 240, 241, 247, 248, 249, 250, 251, 252, 253, 254, 255,
256, 257, 261, 262, 265, 269, 270, 271, 272, 274, 275, 276, 277, 280, 281, 283, 285,
333, 339, 343, 344, 345, 346, 347, 348, 350, 353, 356, 359, 360, 361, 424, 442, 444,
576, 604, 607, 746, 747, 750, 773, 780, 783, 785, 836.
H
Habous : 53, 69, 71, 102, 109, 508, 746.
Haute Autorité de la Communication Audiovisuelle : 10, 164, 395.
Hauts commissariats : 95.
Hiérarchie : 14, 25, 51, 104, 121, 123, 173, 342, 351, 375, 440, 516, 517, 522, 527, 528,
536, 538, 548, 563, 567, 584, 585, 586, 587, 588, 672, 675, 715, 719, 730, 746, 762,
763, 786, 787, 789.
I
Imprévision : 372, 386, 500, 502, 503, 510.
Inaliénabilité du domaine public : 622.
Incompétence : 25, 438, 683, 684, 685, 726, 761, 762, 763, 764, 775, 814.
Initiative Nationale pour le Développement Humain (INDH) : 99.
Institut national d’aménagement : 168, 426, 544.
Institut supérieur de la magistrature : 118, 675.
Instructions de service : Voir Circulaires.
Intérim : 78, 91, 441.
881
Droit administratif marocain
J
Juridictions communales et d’arrondissement : 670, 861.
Juridictions de proximité : 118, 127, 150, 670.
L
Légalité (principe de) : 21, 351, 365, 728, 729, 754, 789.
Législation cadre : 404, 409.
Loi (domaine de la) : 25, 73, 79, 80, 89, 130, 299, 300, 520, 521, 524, 526, 738, 739, 740,
744, 764 : Voir aussi Actes législatifs.
M
Makhzen : 48, 50, 52, 53, 54, 213, 598, 862, 865.
Marché cadre : 470, 497.
Marché public : Voir Contrat administratif.
Marchés à tranches conditionnelles : 469, 470, 497.
Marchés d’étude et de définition : 471, 488.
Marchés sur bons de commande : 466, 483, 489.
Médiateur : 69, 178, 401, 664, 704.
Mesures d’ordre intérieur : 450, 747.
Ministère
• de l’Agriculture : 105, 107, 108, 118, 120, 133, 159, 537, 538.
• de l’Intérieur : 72, 73, 83, 101, 104, 105, 106, 107, 108, 109, 136, 139, 140, 141,
142, 143, 144, 155, 156, 160, 343, 382, 425, 490, 523, 527, 528, 536, 537, 538,
544, 545, 546, 552, 564, 566, 572, 862, 868, 869, 871, 872.
• de l’Urbanisme, de l’Habitat et de l’Environnement : 101.
• des Affaires administratives : 67, 86, 101, 115, 121, 168, 169, 176, 316, 514, 523,
582, 872.
• du Plan et du Développement économique : 101, 104, 871, 872.
Ministre : 64, 65, 66, 67, 68, 69, 70, 71, 72, 73, 74, 75, 76, 77, 78, 79, 80, 81, 82, 83, 84,
86, 89, 90, 92, 93, 94, 95, 97, 98, 99, 100, 101, 102, 103, 104, 109, 110, 111, 112, 113,
114, 115, 116, 117, 118, 119, 121, 122, 123, 125, 128, 130, 131, 134, 138, 139, 142,
143, 144, 146, 147, 148, 150, 154, 155, 158, 159, 165, 168, 176, 177, 182, 187, 188,
189, 193, 194, 195, 196, 201, 203, 204, 205, 206, 207, 208, 209, 211, 218, 222, 223,
224, 230, 231, 232, 233, 236, 237, 245, 246, 248, 256, 259, 262, 263, 264, 265, 266,
267, 269, 270, 271, 273, 278, 281, 282, 287, 288, 289, 291, 298, 308, 310, 312, 316,
317, 321, 323, 324, 325, 326, 330, 331, 332, 341, 343, 344, 346, 347, 348, 349, 350,
355, 359, 360, 390, 391, 399, 400, 407, 410, 416, 419, 421, 423, 424, 429, 430, 439,
440, 441, 442, 444, 445, 448, 462, 464, 465, 467, 470, 473, 474, 475, 477, 478, 479,
480, 482, 489, 490, 491, 493, 494, 495, 496, 504, 506, 508, 509, 518, 521, 529, 530,
882
Index alphabétique
531, 532, 533, 535, 542, 543, 544, 556, 563, 564, 565, 568, 575, 579, 580, 586, 604,
610, 611, 614, 618, 619, 620, 621, 626, 628, 629, 635, 636, 637, 638, 639, 646, 650,
653, 654, 675, 681, 719, 738, 740, 745, 747, 750, 752, 762, 763, 779, 784, 786, 787,
821, 822, 829, 839, 840, 841, 842, 870, 871.
Modification unilatérale du contrat : 500, 502.
Mohtassib : 49, 50, 347.
Monopole : 58, 81, 172, 296, 363, 364, 367, 383, 386, 390, 394, 405, 408, 409, 411, 451,
481, 571, 735, 739, 766, 851, 868.
Moqqadem : 150.
Municipalité : 57, 81, 142, 143, 152, 243, 321, 343, 384, 516, 528, 559, 591, 606, 608,
616, 625, 800, 802, 804, 821, 845, 850.
N
Nantissement : 498.
O
Occupation temporaire du domaine public : 413, 597, 615, 619, 621, 652.
Officier de police judiciaire : 153, 338, 340, 581.
Ordres professionnels : 84, 112, 679, 690, 691, 744.
Organisation judiciaire : 79, 319, 457, 602, 648, 665, 666, 667, 668, 669, 695, 744, 801.
Organismes autonomes de régulation et de bonne gouvernance : 164.
Oumanas : 49, 347.
P
Pacha : Voir Caïd.
Pension
• d’ayant cause : 594.
• de retraite : 538, 539, 588, 590, 591, 592, 593, 595.
• d’invalidité : 591, 593, 594, 595.
• Régime collectif d’allocation de retraite : 317, 590, 744, 862.
• Spéciale : 589.
Personnel des établissements publics : 307, 315, 319, 519.
Plan d’aménagement : 106, 258, 605, 611, 612, 613, 634, 636, 637, 740, 767.
Planification : 23, 78, 103, 120, 132, 163, 214, 215, 257, 310, 416, 417, 418, 419, 421,
422, 423, 425, 426, 427, 428, 429, 610, 611, 632.
Police administrative : 7, 149, 152, 261, 262, 276, 335, 336, 337, 338, 339, 342, 343, 344,
345, 355, 777.
Police communale : 345, 354, 837.
Police du domaine public : 341.
Police judiciaire : 150, 153, 337, 338, 339, 340, 348, 581, 622, 810, 865.
883
Droit administratif marocain
Pouvoir discrétionnaire : 413, 416, 548, 562, 573, 575, 599, 603, 641, 786.
Pouvoir lié : 609.
Pouvoir réglementaire
• des ministres : 111, 139.
• Domaine du : 65.
• du Premier ministre : 111, 738.
• du Roi : 65, 70, 71, 72.
• Roi : 64.
Préfecture : Voir Province.
Premier ministre : 64, 65, 66, 67, 68, 69, 70, 71, 72, 73, 74, 75, 76, 77, 78, 79, 80, 81,
82, 83, 84, 86, 94, 95, 101, 103, 104, 111, 113, 114, 121, 128, 131, 134, 158, 159, 168,
176, 308, 323, 324, 330, 331, 332, 346, 347, 348, 349, 416, 419, 421, 423, 424, 430,
440, 441, 448, 462, 475, 482, 521, 532, 535, 565, 619, 628, 639, 738, 740, 750, 762,
829, 840.
Prérogatives de puissance publique : 178, 297, 321, 386, 397, 506, 631, 686, 688, 689,
690, 692, 705, 707.
Prescription : 211, 235, 237, 282, 607, 750, 769, 777, 839, 840, 842.
Président de l’assemblée provinciale : 240.
Président du conseil communal : 244, 256, 290, 344, 345, 354, 446, 452, 611, 612, 613,
654, 722, 836.
Président du conseil régional : 182, 426, 427.
Principe général
• d’égalité de traitement : 230, 377, 400, 415, 463, 522, 788.
• d’égalité devant les charges publiques : 375, 813, 823, 829, 831.
• de l’autorité de la chose jugée : 730, 788.
• de “non bis in idem” : 575, 788.
• de non rétroactivité : 441, 448, 449.
• des droits acquis : 706, 788.
• des droits de la défense : 494, 567.
• du parallélisme des formes : 72, 444, 766.
Principes généraux du droit : 575, 765, 788, 789.
Prise à partie : 339, 340, 581, 810.
Privatisation : 100, 108, 296, 302, 313, 325, 333, 380, 385, 390, 394, 406, 407, 409, 411.
Procédure non contentieuse : 442, 444.
Promotion nationale : 70, 73, 99, 106, 107, 156, 158, 160, 161, 420, 424, 428, 429, 861.
Province : 109, 128, 133, 134, 135, 136, 138, 142, 143, 144, 145, 146, 149, 152, 153, 155,
156, 158, 161, 179, 187, 214, 215, 216, 217, 219, 221, 222, 223, 224, 225, 226, 227,
228, 229, 230, 231, 232, 233, 234, 235, 236, 237, 238, 239, 240, 241, 258, 284, 287,
343, 344, 345, 347, 353, 361, 533, 534, 576, 604, 607, 704, 750, 836, 839.
884
Index alphabétique
R
Reconnaissance des voies publiques : 610, 611.
Recours
• de pleine juridiction : 507, 512, 578.
• en annulation pour excès de pouvoir : 74, 75, 328, 448, 508, 512, 595, 640, 671, 679,
708, 713, 715, 718, 741, 746, 748, 756, 779, 791, 793.
• en appréciation de légalité : Voir Exception d’illégalité.
• en cassation : 14, 601, 603, 668, 671, 675, 677, 679, 691, 742, 754, 805, 809, 835,
842.
• Parallèle : 320, 369, 507, 512, 595, 640, 687, 713, 755, 756, 868.
Recours administratifs
• Gracieux : 51, 75, 667, 703, 748, 749, 750.
• Hiérarchiques : 531, 704.
Recours juridictionnels
• des fonctionnaires : 578.
Réformes administratives : 52, 100, 115, 119, 169, 173, 175, 176, 177, 378, 515, 518,
531, 583.
Régie
• Directe : 49, 380.
• Intéressée : 393.
Régime collectif d’allocation de retraite : Voir Pension.
Régionalisation : 13, 54, 127, 130, 131, 132, 133, 135, 137, 181, 182, 184, 185, 186, 210,
211, 212, 239, 305, 416, 426, 428, 429, 430, 868, 869.
Réquisitions : 631, 646, 647.
Responsabilité
• Contractuelle : 500, 501, 510.
• des agents de l’administration : 845, 849, 852.
• des comptables publics : 580, 852.
• des conservateurs de la propriété foncière : 845.
• des ordonnateurs : 580, 852.
• disciplinaire des agents publics : 563, 572.
• Disciplinaire des agents publics : 560, 579, 580, 852.
• Disciplinaires des agents publics : 573.
• du fait des règlements : 830.
• Pour faute : 801, 807, 808, 816, 821, 824, 825, 826, 833, 836.
• Pour risque : 804, 808, 816.
885
Droit administratif marocain
Responsabilité de l’administration : 8, 24, 510, 666, 697, 725, 797, 799, 801, 802, 805,
806, 807, 808, 809, 810, 812, 813, 814, 815, 816, 817, 818, 834, 835, 836, 837, 842,
845, 846, 849, 850, 851.
Retrait des actes administratifs : 547, 705, 748.
Roi : 14, 15, 22, 27, 62, 63, 64, 65, 66, 67, 68, 69, 70, 71, 72, 73, 74, 75, 76, 77, 80, 81,
82, 84, 87, 88, 89, 90, 91, 92, 95, 99, 105, 109, 132, 145, 146, 148, 153, 158, 177, 179,
184, 185, 210, 298, 310, 327, 339, 341, 342, 345, 359, 360, 376, 380, 413, 419, 424,
425, 440, 479, 546, 554, 565, 664, 667, 708, 709, 728, 737, 739, 740, 741, 742, 789,
798, 812, 869, 874.
S
Sanctions administratives : 353, 452, 619, 623, 625, 764.
Schéma
• d’armature rurale : 427.
• de développement et d’aménagement régional : 170, 427, 428.
• de structures et d’orientations régionales : 427.
• Directeur : 278, 427, 611.
Science administrative : 29, 437, 855.
Secrétaire d’Etat : 296, 642.
Secrétaire général : 84, 85, 86, 116, 117, 122, 133, 142, 143, 144, 146, 153, 156, 324,
331, 476, 477, 586, 588, 745, 838.
Secrétaire général du gouvernement : 85, 86, 476, 477, 745.
Séparation des autorités administratives et judiciaires : 510, 648, 671.
Service civil : 129, 531.
Service de législation : Voir Direction des études législatives.
Service public
• Critère du : 685, 690, 692.
• et personnes privées : 20, 304, 335, 365, 367, 382, 383, 396, 457, 499, 516, 579, 633,
635, 649, 650, 651, 652, 707, 776, 845.
• industriels et commerciaux : 19, 318, 381, 389, 396, 405, 461, 464, 519, 524, 689,
691.
Services extérieurs : 49, 54, 55, 106, 108, 115, 122, 126, 127, 128, 129, 132, 133, 134,
135, 142, 143, 145, 149, 153, 154, 163, 170, 175, 359, 381, 426, 441, 523, 533, 564,
576, 705.
Services provinciaux : 133, 155, 219.
Servitudes administratives : 322, 620, 623.
Statut
• Dérogatoire : 360.
886
Index alphabétique
• général de la fonction publique : 143, 154, 265, 318, 360, 460, 515, 516, 519, 520,
521, 523, 530, 531, 532, 540, 555, 561, 578, 579, 594, 852.
• particulier : 73, 124, 139, 141, 142, 143, 144, 145, 156, 202, 230, 265, 284, 316,
318, 359, 360, 516, 523, 524, 525, 526, 527, 528, 534, 535, 536, 537, 541, 545,
553, 561, 564, 567.
• Spécial : 523, 527.
Statut des membres du gouvernement : 98.
Sultan : 48, 49, 50, 51, 52, 53, 61, 297, 598, 631, 634, 664.
Sursis à exécution des actes administratifs : 450, 564, 617, 677, 720, 721, 722, 723.
Syndicats de fonctionnaires : 571.
T
Tierce opposition : 725, 730.
Travaux publics
• Dommages de : 651, 656, 819, 821, 825, 842.
• marchés de : 493, 505, 510, 512, 652, 697, 756, 795.
Tribunaux administratifs : 14, 24, 320, 339, 456, 458, 459, 460, 507, 508, 509, 512, 595,
600, 603, 610, 640, 660, 661, 673, 674, 675, 676, 677, 678, 679, 680, 683, 684, 687,
692, 693, 694, 695, 696, 697, 701, 702, 709, 712, 713, 715, 718, 720, 725, 726, 733,
735, 749, 752, 755, 760, 778, 786, 789, 790, 791, 793, 805, 814, 827, 830, 835, 839,
843, 848, 852, 853, 868.
Tribunaux de première instance : 319, 666, 668, 671, 672, 673, 674, 679, 683, 697, 847.
Tribunaux du Sadad : 127, 669.
Tribunaux français : 668.
Tribunaux modernes : 668.
Tribunaux régionaux : 669, 670, 671.
Tutelle administrative
• notions générales : 41.
U
Unité de juridiction : 14, 339, 509, 659, 660, 663, 666, 668, 669, 674, 678, 685, 694, 696,
698, 702, 719, 737, 757, 787, 800, 834, 848, 851, 858, 868, 872.
Urbanisme : 23, 27, 30, 83, 101, 105, 106, 115, 121, 168, 171, 257, 258, 260, 261, 272,
274, 276, 349, 380, 422, 425, 426, 427, 430, 443, 452, 486, 544, 597, 609, 610, 611,
613, 623, 631, 632, 637, 639, 741, 772, 773, 857, 861, 865, 869.
Utilité publique : 286, 447, 448, 490, 556, 602, 611, 612, 613, 628, 631, 632, 633, 634,
636, 637, 638, 639, 640, 641, 642, 643, 644, 645, 649, 650, 653, 697, 765, 786, 856,
866.
887
Droit administratif marocain
V
Vice de forme : 726, 764, 767, 775, 779, 814.
Violation de la loi : 219, 272, 786, 787.
Vizir : 51, 53, 82, 346, 598, 625, 632, 762, 798.
Vizir des réclamations : 51.
Voie de fait : 449, 454, 601, 692, 693, 694, 695, 790, 847, 848, 853, 863, 866, 870.
W
Wali : 132, 133, 152, 153, 190, 192, 194, 196, 203, 204, 206, 207, 208, 210, 211, 212,
294, 344, 360, 747, 839.
Wilaya : 50, 129, 132, 133, 137, 145, 215, 216, 873.
888
Table des matières
Avant-propos . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
o Introduction générale. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
890
Table des matières
891
Droit administratif marocain
892
Table des matières
893
Droit administratif marocain
894
Table des matières
895
Droit administratif marocain
896
Table des matières
897
Droit administratif marocain
898
Table des matières
899
Droit administratif marocain
900
Table des matières
901
Droit administratif marocain
902
Table des matières
903
Droit administratif marocain
904
Table des matières
905
Droit administratif marocain
906
Table des matières
907
Droit administratif marocain
Section II. Les réformes de 1991. La création des tribunaux administratifs. . . . . 673
§1. Les juridictions administratives . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 674
A. Les tribunaux administratifs. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 674
B. Les Cours d’appel administratives. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 675
C. La Cour suprême-Cour de Cassation. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 678
D. Les juridictions administratives spécialisées. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 678
§2. La répartition des compétences entre les juridictions administratives. . . . . . . 679
A. Le droit commun. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 679
B. Les exceptions. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 680
908
Table des matières
909
Droit administratif marocain
Section II. Le recours pour excès de pouvoir n’est pas suspensif. . . . . . . . . . . . . 720
Section III. Le recours pour excès de pouvoir est un recours en annulation. . . 723
§1. Les effets de l’annulation de l’acte administratif. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 724
A. Analyse théorique des effets de l’annulation. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 724
1. Le requérant. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 724
2. Les tiers. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 725
3. Les tribunaux. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 726
4. L’administration . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 726
B. Les effets de l’annulation sur le plan pratique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 727
§2. Les effets du rejet du recours. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 730
910
Table des matières
Chapitre III. — Les cas d’ouverture du recours pour excès de pouvoir. . . . 759
Section I. L’incompétence ou vice tenant à l’auteur de l’acte. . . . . . . . . . . . . . . . 761
§1. L’usurpation de pouvoir. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 761
§2. L’incompétence ratione materiae. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 762
§3. L’incompétence ratione temporis. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 764
911
Droit administratif marocain
912
Table des matières
Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 855
913
C’est en 1970 que parut la première édition du Droit administratif marocain qui mettait à la
disposition de ceux qui s’intéressaient au droit de l’administration publique un instrument en
c o l l e c t i o n
langue française que nous pensions utile à sa connaissance et à la réflexion sur son évolution.
Cet objectif a été atteint car, à travers ses éditions successives, cet ouvrage a enregistré toutes les THÈMES ACTUELS
réformes qui, depuis bientôt cinq décennies, ont transformé le système administratif parallèlement
au développement des institutions universitaires et des enseignements du droit administratif et
de la science administrative ainsi qu’à celui des publications, ouvrages, thèses et revues traitant
de l’administration et de son droit.
Revue Marocaine d'Administration Locale et de Développement
L’adaptation des institutions administratives s’est poursuivie sous l’action conjuguée du législateur,
du juge et de l’administration elle-même, favorisée à la dernière époque par trois événements
importants : le changement politique de l’alternance en 1998, l’avènement de Sa Majesté le
Roi Mohammed VI et la nouvelle Constitution du 29 juillet 2011. Celle-ci a ouvert de nouvelles
perspectives d’évolution dans de nombreux domaines du système politique et administratif du
pays, que ce soit au niveau national ou au niveau territorial, notamment avec la régionalisation
avancée ; et l’on aura garde d’oublier l’importance du nouveau principe constitutionnel de la bonne
gouvernance pour le fonctionnement de l’ensemble des administrations et de la justice.
Droit administratif
des cours d’appel administratives, est désormais placée sous le contrôle de la Cour de
cassation – Chambre administrative – qui, au plus haut niveau, veille au respect de l’ordre des
compétences et de l’application de la règle de droit.
Sans doute ne suffit-il pas de proclamer des principes et de créer des institutions pour atteindre le but
marocain
recherché par le constituant, le respect de l’Etat de droit et, plus modestement, le respect du principe
de légalité. Il faut aussi que, dans leur action quotidienne, tous ceux qui ont reçu de la collectivité
une parcelle de pouvoir l’exercent dans l’intérêt exclusif de celle-ci, ce qui correspond totalement
à ce que signifie « la nouvelle conception de l’autorité » dont Sa Majesté le Roi Mohammed VI a
rappelé au tout début de son règne l’impérieuse nécessité. Contribuer à ce que cet objectif soit
atteint constitue aussi l’ambition de cet ouvrage.
99
ISBN : 978-9954-626-64-1
170 Dh 2017
99 2017
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