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Revue Internationale des Sciences Juridiques, Economiques

et Sociales

ISSN : 2665-8364 E-mail : re.in.sjes@gmail.com

La gestion des compétences en tant que nouvelle approche managériale de


la gestion du capital humain dans l’administration publique

Competencies management as a new managerial approach to human


capital management in public administration

Abdellatif RYAHI
Enseignant chercheur
Faculté des Sciences Juridiques, Economiques et Sociales de Settat
Université Hassan Premier
Settat
Maroc
ryahi129@gmail.com
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Résumé :
La gestion des compétences est une nouvelle approche managériale qui a suscité l’intérêt des
administrations publiques marocaines ces dernières années. La revue de la littérature montre
que l’administration publique éprouve de grandes difficultés à gérer ses compétences. C’est la
raison pour laquelle nous avons été amenés à nous demander pourquoi cette dernière ne
parvient-elle pas à gérer efficacement les compétences de ses RH.
Le mode de triangulation choisi nous a permis de croiser trois sources de collecte de données à
savoir : les entretiens semi-directifs, l’observation et l’analyse documentaire. Ce choix
méthodologique s’est avéré nécessaire pour conduire notre recherche qualitative. Le résultat de
l’étude a montré que la notion de compétence est rarement prise en compte dans les pratiques
de GRH dans l’administration. Cette dernière est encore ancrée dans le mode classique de GRH
et éprouve de grandes difficultés à mettre en place une gestion des compétences à même
d’améliorer ses pratiques de GRH.

Mots clés :

Compétence - Gestion des compétences - Administration publique - GRH


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ABSTRACT:

Competencies Management is a new approach which has attracted the interest of the Moroccan
public administrations recently. The review of the literature has revealed that the public
administration face many difficulties in managing the competencies of their employees. For
this reason, the present study seeks to answer the question of why can’t the Moroccan
administrations fully manage the competencies of their human capital. The present study has
adopted a triangulation of research instruments: semi-structured interviews, observations and
document analysis. Adopting the three research instruments is necessary to conduct this
qualitative research. The results of this study revel that the notion of the competence is rarely
adopted in HRM in the administration. The latter is still anchored in the classic HRM mode and
faces huge difficulties in adopting a competency-based approach and in ameliorating the HRM
systems.

KEY WORDS:

Competence - Competence Management - Public Administration – HRM


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INTRODUCTION :

L’administration publique marocaine, à l’égard des entreprises privées, se trouve devant un


contexte particulier caractérisé par un environnement interne et externe contraignant et trop
mouvementé. Ainsi, elle est appelée à faire face à une mondialisation accrue avec des flux
rapides et en continuelle mutation, à de nouvelles aspirations et motivations des personnels, à
des départs massifs à la retraite dans les années à venir, à des exigences pour un service public
de qualité, etc. Pour supporter les défis internes et externes auxquels elle est confrontée,
l’administration marocaine a besoin aujourd'hui de s’orienter vers un management stratégique
des Ressources Humaines (RH), privilégiant la logique compétence dans sa fonctionnalité.

La problématique qu’on se propose de résoudre alors dans cette étude est de savoir comment
l’administration marocaine peut-elle adhérer à une nouvelle conception de Gestion des
Ressources Humaines (GRH) basée sur les compétences dans un contexte général et particulier
très contraignant. Autrement dit, est-il possible de mettre en place une gestion qualitative des
RH privilégiant la logique compétence dans l’administration? Le constat montre que cette
dernière éprouve de grandes difficultés à adhérer à une GRH axée sur les compétences (REC1,
GPEC2). Ces difficultés peuvent être liées, à notre sens, au régime statutaire (SGFP3), ainsi
qu’au mode classique de GRH.

La revue de la littérature ainsi que notre expérience professionnelle dans le terrain d’étude nous
amènent à formuler deux principales hypothèses :

H1 : Le SGFP, actuel, n’est pas assez favorable à la mise en place d’une GRH axée sur les
compétences.

H2 : Le mode de GRH adopté dans l’administration conditionne la réussite de la mise en place


d’une GRH basée sur les compétences.

1
REC : Référentiel des emplois et des compétences
2
GPEC : Gestion prévisionnelle des emplois et des compétences
3
SGFP : Statut général de la fonction publique
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Pour mener à bien notre travail, nous avons choisi un cas pratique à savoir le Ministère de
l’Education Nationale (MEN). Ce choix se justifie par le fait que ce dernier se trouve confronté
à des défis et contraintes tous particuliers :

- Effectif volumineux représentant 51% de l’effectif budgétaire global de l’Etat4.


- Foisonnement des corps des fonctionnaires (enseignants, cadres administratifs,
planificateurs, inspecteurs, orienteurs…) ;
- Profusion des missions exercées (enseignement, orientation, planification, inspection,
etc.) ;
- Diversités des niveaux de responsabilités ;
- Multiplicité des niveaux administratifs pour l’exercice des fonctions : 14 directions
centrales, 12 AREF5, 82 délégations provinciales, 12 CRMEF6, 10200 établissements
scolaires, etc ;
-Ressources humaines en mouvement continu (chaque année le MEN organise des
mouvements national, régional et provincial) ;
- Milieu de travail fortement syndicalisé (plus de 30 syndicats dont 5 plus représentatifs).
Cet article tentera de scruter et d’évaluer la gestion des compétences en tant que nouvelle
approche managériale dans l’administration publique marocaine en général et au sein du MEN
en particulier (II). Mais, avant de ce faire, il nous parait important de mettre la lumière dans un
premier temps sur le concept de compétence ainsi que l’importance de la gestion des
compétences pour l’organisation (I).

1. IMPORTANCE DE LA GESTION DES COMPETENCES DANS


L’ADMINISTRATION PUBLIQUE

La compétence est un concept qui a investi le champ du management des ressources humaines
ces dernières années. C’est un concept polysémique et «la difficulté à le définir croît avec le
besoin de l’utiliser ».7 Dans ce qui suit nous allons mettre l’accent sur le concept de compétence,

4
MEF (2020), « Rapport sur les RH, Loi de Finance 2020, synthèse ».
5
AREF: Académie Régionale d’Education et de Formation
6
CRMEF: Centres Régionaux des Métiers de l’Education et de Formation
7Meignant. A (1995), Les compétences de la fonction ressources humaines, diagnostic et action, Editions Liaisons, p.19.
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ses caractéristiques ainsi que l’importance de la gestion des compétences en tant que nouvelle
approche managériale.

1.1. LA COMPETENCE, ANALYSE D’UN CONCEPT.

Selon le dictionnaire Larousse, le mot "compétence" vient du latin "competentia" qui veut dire
« l’aptitude d’une juridiction à instruire et à juger une affaire » ou « l’aptitude d’une autorité à
effectuer certains actes »8 . La revue de la littérature nous a permis de distinguer entre les
compétences individuelles et les compétences collectives. Le capital des compétences d'une
organisation, publique soit-elle ou privée, ne se compose pas uniquement de compétences
individuelles des individus mais également des compétences collectives.

1.1.1. COMPETENCES INDIVIDUELLES


Dans ce cadre on trouve deux types d’auteurs, tout d’abord ceux qui définissent la compétence
sans lien particulier avec le côté pratique (Batal, 1997) et ensuite ceux qui estiment que la
compétence n'a de signification que par rapport à l’acte et l’exercice d’une activité
professionnelle réelle (LeBoterf, Meignant, Leboyer).
Dans la première catégorie, on trouve à titre d’exemple, C.Batal9. Ce dernier différencie entre
deux types de compétences individuelles : celle qui est la plus courante intégrant l’ensemble
des " savoirs, savoir-faire, et savoirs-être", et l’autre qui concerne "les compétences générales,
ou transversales, qui ne sont pas spécifiques à un métier et qui sont utiles dans plusieurs
emplois; les compétences professionnelles propres à une filière de métier particulière ; les
compétences spécifiques propres à une structure qu'on ne retrouve pas ailleurs".
Dans la deuxième catégorie, se trouvent, à titre d’illustration les auteurs suivants :
- C. L-Leboyer10, qui voit les compétences comme «des répertoires de comportements que
certaines personnes maîtrisent mieux que d'autres, ce qui les rend efficaces dans une situation
donnée. Ces comportements sont observables dans la réalité quotidienne du travail et également
dans des situations-test".
- G. Le Boterf11, pour qui, la compétence n'existe que dans les faits à travers des actes réels.
C’est "un savoir agir reconnu" qui suppose le jugement et la reconnaissance d'autrui. Ainsi,
pour lui, il "ne suffit pas qu'une personne possède des connaissances ou des capacités pour
qu'elle soit qualifiée de compétente".

8https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/comp%C3%A9tence/17648, date consultation 12 juin 2020


9Batal.C (1997), La GRH dans le secteur public : l’analyse des métiers, des emplois et des compétences, Ed d’organisation
10 Le Boyer,C. L(1996), La gestion des compétences, Editions d'Organisation, pp. 21-36
11Le Boterf. G(1999), De la compétence, essai sur un attracteur étrange, Editions d’organisation, Paris, pp.15-39
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- A. Meignant12 qui considère la compétence individuelle comme un "savoir-faire opérationnel


validé". Savoir-faire (ce que la personne est capable de réaliser plus que ce qu’elle connaît de
façon académique), opérationnel (mis en œuvre), validé (reconnu par l’organisation et payé
comme tel).
1.1.2. COMPETENCES COLLECTIVES
L’efficacité d’une organisation nécessite en plus des compétences individuelles, la combinaison
de ces dernières sous forme de compétences qualifiées de « collectives ». Parmi les auteurs qui
entre dans cette classification nous citons :
- Meignant13, qui estime que, la compétence collective est "la capacité d'une organisation à
fournir à un client (interne ou externe) une prestation avec le meilleur rapport qualité/coût
possible".
- Le Boterf14 , pour qui "la valeur du capital de compétences d'une entreprise n'est pas faite de
la simple sommation des compétences individuelles mais de leurs combinaisons spécifiques.
Ce sont ces combinaisons qui sont difficiles à copier par les concurrents, et que les entreprises
et organisations ont intérêt à développer car elles leur procurent des avantages concurrentiels".
- Pemartin15, qui considère que "la compétence collective est un savoir combinatoire propre à
un groupe qui résulte de la complémentarité de la mise en synergie de compétences
individuelles dont elle n'est pas la somme".
Pour tous ces auteurs, la compétence collective est obtenue par la combinaison et la qualité des
interactions qui s’établissent entre les compétences individuelles. Nous pouvons donc déduire
que la compétence collective est la capacité du management d’une organisation à mobiliser
l’ensemble de ses compétences individuelles pour produire un résultat collectif durable.

1.2. L’APPROCHE GRH DE LA COMPETENCE

Dans la littérature en GRH, on peut trouver une panoplie de définitions sur la compétence. En
GRH, le « modèle de la compétence » (Zarifian, 2001)16suggère une alternative au mode de
gestion inspiré du taylorisme et porte les espoirs d’un renouveau en profondeur des pratiques
de GRH.

12
Meignant.A(1995), Les compétences de la fonction des ressources humaines, Op cit, p.20.
13
Meignant.A (1995), Les compétences de la fonction des ressources humaines", Ed. Liaison, Paris, p.22.
14
Le Boterf.G (1999), De la compétence, essai sur un attracteur étrange, Edition d’organisation, Paris. P.128.
15
Pemartin.D(1999), Gérer par les compétences ou comment réussir autrement ? Editions Management Société, p.124.
16Zarifian, P. (2001), Le modèle de la compétence, Paris, Editions Liaisons. p. 70
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Zarifian définit la compétence comme « la prise d'initiative et de responsabilité de l'individu


sur des situations professionnelles auxquelles il est confronté... La compétence est une
intelligence pratique des situations qui s'appuie sur des connaissances... la faculté à mobiliser
des réseaux d'acteurs autour des mêmes situations, à partager des enjeux, à assumer des
domaines de responsabilité »17.
Dans le modèle de la compétence, tel que défini par Zarifian, le travail redevient l'expression
directe de la compétence possédée et mise en œuvre par le sujet agissant. Être compétent répond
à la question : « que dois-je faire quand on ne me dit pas comment faire ? ». Nous remarquons
ici que l'initiative, la responsabilité et l'autonomie sont valorisées.
Selon Le Boterf (2001)18, et toujours dans le cadre de l’approche GRH, la compétence est la
combinaison de trois qualités qui évoluent dans une action. Ainsi, on distingue :

- Le savoir-agir qui suppose de savoir combiner et mobiliser des ressources pertinentes


(connaissances, savoir-faire, réseaux…) ;
- Le pouvoir-agir qui renvoie à l’existence d’un environnement, d’une organisation, de choix
de management et de conditions sociales qui rendent possible et légitime la prise de
responsabilités et de risques de l’individu ;
- Le vouloir-agir qui se réfère à la motivation personnelle de l’individu.
Le Boterf remet en cause la définition classique de la compétence qui se réduit à la somme de
savoir, de savoir-faire et de savoir être. Selon lui, cette logique d’addition « tue la compétence»
d’autant plus qu’elle est à l’origine de l’inefficacité des décisions en matière de gestion des
compétences, voire même l’abandon des projets réalisés dans ce domaine.
Suivant la contribution de Le Boterf, la compétence est un « construit », elle est construite à
partir de la combinaison de deux types de ressources à savoir : les ressources incorporées ou les
ressources personnelles et les ressources de l’environnement. Deux nouvelles dimensions se
distinguent : l’environnement pour pouvoir agir qui renvoie à l’organisation, au style de
management, etc, et l’individu pour vouloir agir qui renvoie à la motivation, au sentiment
d’appartenance, à la qualité des relations, etc.
Nous constatons que la définition de la compétence est une notion pluridisciplinaire qui a donné
lieu à une diversité de définitions et de connotations. Toutefois, certaines caractéristiques
communes de la compétence peuvent être dégagées. Ainsi, en se basant sur la littérature, nous

17Zarifian, P. Op.cit p72.

18Leboterf G(2001). « Ingénierie et évaluation des compétences », 3ème édition, Editions d’Organisation,
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pouvons dire que la compétence est un processus ou une construction, de nature contingente,
finalisée et suppose une reconnaissance sociale.
L’importance de plus en plus accordée au concept de compétence à travers le temps a permis
aux théoriciens et praticiens de remettre en cause la conception traditionnelle de la GRH basée
sur le poste pour la remplacer par une logique managériale axée beaucoup plus sur les
compétences. Les travaux récents de certains théoriciens comme Le Boterf, Leboyer, Zarifian,
Batal et autres constituent une référence internationale importante. Ils ont, en effet, beaucoup
fait évoluer la question de la compétence et la fonction GRH. C’est pourquoi on assiste ces
dernières années à l’émergence de la notion de gestion des compétences comme nouvelle
approche managériale dans beaucoup d’organisations.

1.3. LA GESTION DES COMPETENCES, COMME NOUVELLE


APPROCHE MANAGERIALE

En sciences de gestion, la gestion des compétences prend de plus en plus d’importance; pourtant
elle reste un concept flou (Defélix, 2003)19 du fait de l’ambiguïté de la notion de la compétence.
Selon Defélix (2004), gérer les compétences signifie, pour une organisation, chercher à acquérir
les compétences individuelles et collectives dont elle a besoin, mais aussi les stimuler et les
réguler20. Pour Zarifian21, « lorsqu’on parle de management par les compétences, ce qu’il s’agit
de manager, c’est avant tout la mise en œuvre de la stratégie de service et l’atteinte des
performances qui y correspond, en faisant, de la compétence, une ressource centrale pour
assurer cette mise en œuvre avec succès. Nous l’appelons : la politique de la compétence. Elle
est un moyen au service de la stratégie, très fortement imbriquée dans le fonctionnement
organisationnel de la firme ».
Boyé et Ropert (1995)22 définissent la gestion des compétences comme « la capacité à mettre
en œuvre, dans un environnement donné, les connaissances et les comportements nécessaires
aux missions en fonction de la contribution attendue par l’organisation ».
Selon ces auteurs, trois rôles essentiels sont assignés à la gestion des compétences. Il s’agit de
développer les compétences, valoriser les compétences et optimiser les compétences. Le

19 Defelix .Ch., « Ce que gérer les compétences veut dire », in SEES et revue économique et sociale. pp. 121-128
20Defelix .Ch., . (2004), « La gestion des compétences au défi de la mesure : des réceptions différenciées de la norme ISO 9001, Version
2000 », Actes du colloque del’AGRH, Montréal, Tome 3, pp. 1507-1525.
21Zarifian P. Extrait de http://perso.wanadoo.fr/philippe.zarifian/page63.htm - Manager par les compétences, manager les compétences. Synthèse des résultats de la
recherche menée dans une unité de services aux clients d'une grande entreprise, p. 63
22
Boyé M.et Ropert G(1995), Gérer les compétences dans les services publics, Editions d’organisation, p.17.
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développement des compétences correspond à la création de nouveaux savoirs individuels et


collectifs, par des actions de formation notamment. La valorisation quant à elle, permet de
mettre en lumière les savoirs issus de l’expérience, du vécu et de l’histoire de la personne. Ces
savoirs peuvent être exploités ou non dans le poste de travail. Enfin, l’optimisation des
compétences consiste à rendre les savoirs plus adaptatifs aux évolutions de l’environnement de
l’organisation.
La valeur ajoutée d’une telle approche basée sur les compétences, est qu’elle met l’individu au
centre des préoccupations des managers des RH. Autrement dit, la RH est la source de succès
ou de l’échec de l’organisation.

2. ÉVALUATION DE LA GESTION DES COMPETENCES DANS


L’ADMINISTRATION

Conscient du rôle que doit jouer l’administration publique dans la conduite des réformes et les
défis à relever, le Maroc, s’est engagé, depuis le milieu des années1990 avec le concours du
PNUD23, et à partir des années 2000 dans le cadre du PARAP24, dans d’importants chantiers
de réforme et de modernisation de son administration.
Dans cette dynamique de réformes, « la modernisation de la GRH demeure un axe stratégique.
En effet, sans une approche innovante de la gestion du capital humain, basée sur le mérite et le
développement des compétences, les divers chantiers de modernisation resterons inachevés et
de faibles impacts. D’ailleurs, la redéfinition des missions de l’administration et de ses modes
de gestion ne peut apporter les résultats escomptés en termes d’optimisation, de cohérence et
d’efficacité des actions, sans être accompagnée par une gestion moderne du capital humain et
sans l’implication et l’engagement des femmes et des hommes de l’administration »25.
L’administration marocaine a besoin, aujourd'hui, d’améliorer ses pratiques de GRH en mettant
en place un management stratégique de ses RH, privilégiant la logique compétences. En effet,
celles-ci se trouvent actuellement au cœur des réflexions menées sur le thème de l’emploi et de
la performance, aussi bien au niveau des organisations qu'à l’échelle macro-économique.
Dans cette deuxième partie, nous allons mettre le point sur l’évaluation de la gestion des
compétences au sein de l’administration publique marocaine en général et le MEN en
particulier.

23
PNUD : Programme des Nations Unies pour le Développement
24
PARAP : Programme d’Appui à la Réforme de l’Administration Publique
25
MFPMA (2013), « Elaboration du référentiel des emplois et des compétences de l’administration (RECA) »,Demos.mai 2013, P3,
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2.1. METHODOLOGIE DE RECHERCHE

Notre travail de recherche s’inscrit dans le cadre de l’approche GRH qui appartient au courant
des recherches en sciences de gestion qui, elles-mêmes, appartiennent à un champ plus vaste,
celui des sciences sociales.

2.1.1. CHOIX DE LA METHODE QUALITATIVE

Pour appréhender notre objet de recherche, nous avons retenu l’approche qualitative comme
méthode de recherche. La méthode qualitative est une méthode de recherche utilisée souvent
en sciences sociales.
Dans le domaine de la GRH, les méthodes qualitatives sont les plus exploitées. Igalens et
Roussel (1998)26pensent que ces dernières favorisent « l’observation dynamique » des
phénomènes et leur compréhension. C’est pourquoi les recherches qualitatives sont souvent
qualifiées de compréhensives dans le sens où elles cherchent à expliquer le phénomène étudié.
Pour nous, le choix de la démarche qualitative se justifie d’une part, parce que l’approche
qualitative est généralement utilisée comme une démarche de recherche pour les études de cas,
et d’autre part, vu la nature des données manipulées dans le cadre de notre recherche puisqu’il
s’agit plutôt des interviews, des perceptions, des avis et des témoignages en général que de
données numériques, quoi que cela n’exclut pas le recours aux chiffres dans notre recherche.
En effet, afin d’appréhender les pratiques de la gestion des compétences dans l’administration
marocaine, nous avons procédé par une étude de cas (le MEN). Il s’agit, pour nous, d’une
recherche exploratoire qui vise à comprendre un phénomène émergent et peu étudié jusqu’à
présent dans la sphère publique. « L’étude exploratoire est orientée vers l’observation de la
réalité en vue de définir les principaux éléments d’un problème, d’une situation ou d’un
comportement. L’objectif est de récolter un très grand nombre de données d’observation sur un
phénomène peu ou mal connu. »27.

2.1.2. VARIABLES DE LA RECHERCHE

Dans son ouvrage le modèle de la compétence, Zarifian (2000)28, constate que l’organisation
qui adopte un mode de gestion par la compétence accorde de l’importance à la politique de

26
Igalens J. et Roussel P(1998). Méthodes de recherche en GRH, Préface de Michel Godet,Editions Economica, 207 p
27
Zagré. A. (2013), Méthodologie de la recherche en sciences sociales, l’Harmattan, 128 p
28
Zarifian.P(2000), Le modèle de la compétence, Edition d’organisation, paris.
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formation, réalise des entretiens d’évaluation périodiques au personnel, responsabilise ses


cadres, et encourage l’autonomie dans le travail.
Pour nous, en s’inspirant de ce modèle et des travaux précédemment cités, notre démarche sera
basée sur l’examen de six axes relevant de la gestion des compétences à savoir : le recrutement,
la formation, l’évaluation, la rémunération, la GPEC et le REC.
2.1.3. Population cible et choix de l’échantillon

Notre recherche s’est focalisée sur l’administration publique marocaine en général et le MEN
en particulier. Le choix du MEN, se justifie par le fait qu’il est un département qui a des
spécificités à part entière en termes de volume de ses effectifs, diversités de ses missions et ses
niveaux hiérarchiques, multiplicité de ses cadres, etc.
Le choix de l’échantillon a porté, au niveau de l’administration centrale du MEN, sur 30 cadres
et responsables appartenant à 6 directions centrales. Dans cet échantillon, presque 50% des
cadres rencontrés exercent dans la DRH étant donné que l’information se concentre en grande
partie à ce niveau.
Comme le montre le tableau ci-dessous, nous avons rencontré, au sein du MEN, 12 cadres
administratifs et 18 responsables répartis entre directeurs centraux, directeurs adjoints, chefs de
divisions et chefs de services.

Par ailleurs, la nature de la recherche nous a obligée de recourir également à d’autres


responsables appartenant à d’autres ministères et surtout au niveau du Ministère de la Fonction
Publique et de la Modernisation de l’Administration (MFPMA) meneur et coordonnateur des
projets de réforme de l’administration, et du Ministère de l’Economie et des Finances (MEF),
considéré comme expérience novatrice en matière de GRH. C’est ainsi que le choix a porté sur
10 responsables des RH exerçant dans d’autres ministères.

Directeurs Directeurs Chefs de Chefs de Cadres Total


centraux adjoints divisions services
MEN 4 3 4 7 12 30
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Autres 10 responsables des RH appartenant à 4 Ministères : 10


départements MFPMA - MEF- M. Emploi - M. Jeunesse et Sport.

Tableau n°1 : Répartition de l’échantillon de l’étude


Source: Construction personnelle
2.1.4. Méthode de collecte et d’analyse des données

Nous avons retenu comme mode de collecte de données trois outils différents mais
complémentaires, que nous considérons essentiels dans les études de cas en GRH. Il s’agit de
l’analyse documentaire, de l’observation directe et de la technique des entretiens. Cette
triangulation des données est centrale dans la stratégie de recherche par étude de cas (Roussel
et Igalens, 1998)29. La recherche documentaire s’est effectuée à travers l’exploitation de la
documentation existante aussi bien au niveau du MEN qu’au sein d’autres départements dont
notamment le MFPMA et le MEF. Le recours à l’observation nous a permis d’identifier des
dysfonctionnements qui n’étaient pas déclarés lors des entretiens. Dans ce cas, l’observation
vient complémenter les résultats des entretiens. L’observation, en tant qu’outil d’investigation,
a été, pour nous, une source importante d’information. Outre l’observation et l’analyse
documentaire nous avons eu recours à la technique des entretiens comme mode principal de
collecte de données. C’est ainsi qu’un guide d’entretien a été conçu en fonction du terrain
d’étude et des objectifs de la recherche. Il nous a permis de rapprocher les différentes facettes
de la problématique. Les variables qui constituent notre cadre conceptuel et figurent dans notre
guide d’entretien, sont empruntées de la revue de la littérature, des entretiens exploratoires et
des travaux empiriques.
Le guide d’entretien a été structuré en deux volets. Le 1ervolet relatif aux informations
générales concernant le terrain d’étude et le 2eme volet concerne des informations relatives aux
différents thèmes constituant l’objet de notre recherche à savoir : la GRH et ses principales
composantes, la gestion des compétences et l’articulation entre les composantes GRH et la
compétence.

2.2. Présentation et analyse des résultats de l’étude

D’après Igalens et Roussel (1998), la triangulation des données consiste à obtenir des informations de sources différentes concernant la
29

même question de recherche. Une réponse homogène a une grande probabilité d’être exacte à l’issus de l’analyse de ces informations.
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Pour confirmer ou infirmer nos hypothèses de départ, nous avons tenté d’évaluer le cadre
juridique régissant les ressources humaines (SGFP) et le mode de GRH pratiqué au sein du
MEN tout en les rapportant à la notion de compétence.
2.2.1. Cadre juridique régissant les RH : Le Statut Général de la Fonction
Publique

Aujourd'hui, 62 ans après l’élaboration du SGFP (1958), de grands changements sont survenus
affectant ainsi son administration et son environnement. Peut-on alors se demander si ce statut
général est toujours valable ; Est-il adapté aux nouveaux besoins des cadres de l'administration
marocaine30? Faut-il le remplacer complètement par un autre statut ou on se contente de
l’améliorer et le réviser ?
Certes, le SGFP a ses atouts. Il offre, en effet, de nombreuses opportunités qu'il est nécessaire
d'exploiter convenablement pour assurer une meilleure GRH. De même, il a fait l’objet de
nombreuses modifications (1958 à 2011) qui ont porté essentiellement sur des domaines
spécifiques (14 textes de loi).31 Néanmoins, en raison des évolutions évoquées précédemment,
certaines dispositions de ce statut se trouvent dépassées et ne cadrent plus avec les besoins d'une
administration moderne et en plein développement, et ce, malgré les quelques
perfectionnements dont il a fait l'objet depuis son adoption en 1958. Nous pouvons limiter les
dysfonctionnements inhérents au cadre juridique régissant les RH dans les lacunes qui entravent
la bonne pratique de GRH, le déséquilibre entre l'unité du cadre et la multiplicité des statuts
particuliers, et les contraintes liées aux rigidités statutaires.

2.2.1.1. Lacunes de gestion des ressources humaines

En dépit de ses atouts, dont on a parlé auparavant, les diagnostics que nous avons réalisés
montrent que le SGFP comporte des lacunes sur plusieurs aspects constituant ainsi un frein à la
mise en place d’une gestion des compétences moderne et professionnalisante. Ainsi, dans un
premier temps, nous remarquons que les notions de compétences et de métiers ne sont pas
inscrites du tout dans les articles stipulés dans le SGFP. En 2ème lieu, nous trouvons qu’un même
grade permet d'exercer différents métiers et un métier peut être occupé par différents grades.
Chaque emploi correspond à un ensemble de compétences ; il n'est pas précisément défini, étant

30
Il est à noter qu’un projet pour la refonte du statut est en en discussion depuis quelques années par le
MFPMA
31
MFPMA (2013), la réforme du SGFP : Séminaire organisé par le CAFRAD sur « la réforme, l’innovation, et
modernisation de l’administration publique et des statuts généraux de la fonction publique », Direction de la
fonction publique, Tanger, 7-9 Octobre 2013.
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donné que la définition fonctionnelle des emplois n’est pas encore explicitée dans un répertoire
des emplois vu le manque d’une GPEC ou la difficulté de son application pour la plupart des
administrations. Au niveau du MEN, objet de notre recherche, la GPEC n’est pas encore mise
en place.
De même, le dispositif statutaire en matière d'évaluation du personnel est très limité. Aucun
entretien d’évaluation n'est prévu par le statut et les critères d’appréciation des fonctionnaires
ne se fondent sur aucun élément objectif.
A côté du SGFP et les dysfonctionnements qui en découlent, nous trouvons également une
pléthore de statuts particuliers.
2.2.1.2. La multiplicité des statuts particuliers

En principe, le statut général devait constituer une œuvre d’harmonisation et de rationalisation


en unifiant les règles de carrière établies par les textes réglementaires. En réalité, la conception
d'un cadre unique, destiné à régir la situation d’un effectif pléthorique (plus de 800.000
fonctionnaires)32, n'a pas permis d'appréhender la diversité des situations qu'il recouvre. Les
statuts particuliers devaient pallier cette rigidité mais leur inflation s'est avérée tout aussi
nuisible à la modernisation de la GRH. Les dizaines de statuts particuliers (presque 68 statuts33)
sont difficiles à gérer et constituent donc une source de blocage et de dysfonctionnement pour
une GRH efficace et équitable (mobilité, redéploiement, rémunération, etc.). De leur côté, les
cadres et responsables interrogés au niveau du MEN pensent que le SGFP favorise le
cloisonnement des fonctions et entrave le développement de la polyvalence et la bonne gestion
de la grille de rémunération.
Les esprits de corps ont généré une multiplicité de statuts et des systèmes de rémunération
variables favorisant une hyper spécialisation qui prive souvent le service public d’une vue
globale et de démarche intégrée. Ce corporatisme a fait perdre à la grille des rémunérations de
la fonction publique toute sa logique. L’exemple du corps des ingénieurs et celui des
administrateurs au niveau du MEN, ou ailleurs, est plus apparent. En effet, le premier corps est
plus rémunéré et favorisé alors que le deuxième est moins rémunéré et délaissé même s’il
représente une part importante de cadres dans l’administration publique. Cette situation a
engendré une sorte de démotivation au niveau des cadres administratifs appartenant au corps
des administrateurs. Et c’est la raison pour laquelle ces derniers ont constitué tout récemment

32
En 2016, le secteur public employait un effectif de personnel d’environ 860253 dont 583071 fonctionnaires civils de l’Etat (Cours des
comptes, système de la fonction publique, synthèse, octobre 2017)
33
Ce nombre a été réduit récemment à 48 statuts
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l’Union Nationale des Administrateurs du Maroc (UNAM) comme organisation pour


revendiquer leurs droits et défendre leurs intérêts.

2.2.1.3. Difficultés liées aux rigidités statutaires

Les rigidités du SGFP sont matérialisées par la centralisation de la GRH, et par les mécanismes
comptables et budgétaires en vigueur.
Bref, les résultats auxquels nous sommes arrivés à propos de la corrélation du SGFP avec une
GRH axée sur les compétences, se résument dans le tableau ci-dessous indiqué.

Le SGFP constitue-t-il un obstacle à la mise en place


Ministères
d’une GRH moderne axée sur les compétences ?
MEN OUI
MEF OUI/NON
MFPMA OUI
M. de l’emploi OUI
M. Jeunesse et Sport OUI
Tableau n°2 : Perception des responsables RH concernant le lien entre SGFP et
modernisation GRH
Source: Construction personnelle selon les résultats des entretiens
En effet, selon un certain nombre de responsables des RH que nous avons rencontrés lors de
nos entretiens, appartenant à des administrations différentes, le SGFP actuel constitue vraiment
un obstacle à la mise en place d’une GRH moderne axée sur les compétences et le mérite. Ce
qui justifie alors notre première hypothèse de départ. Selon ces mêmes responsables des RH,
une refonte du statut actuel s’impose avant toute réflexion permettant de migrer d’une gestion
classique, bureaucratique des RH vers une gestion moderne des RH basée sur les compétences
et la performance. En plus du régime juridique régissant les RH, le mode de gestion et les
pratiques RH jouent un rôle déterminent dans la réussite ou l’échec de la mise en place d’une
gestion axée sur les compétences.

2.3. Le mode de GRH au sein du MEN

En matière de GRH, le recrutement, la formation, la rémunération, et l'évaluation constituent


les principaux leviers de motivation, d’adaptation et de gestion des compétences. Ces
composantes constituent les variables clés de notre étude. Aussi, des techniques de gestion
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prévisionnelle des RH, comme le REC et la GPEC, leur présence dans l’administration et leur
intégration dans les composantes de la GRH préalablement citées dans le cadre d’une logique
compétence, pourra aboutir à une GRH moderne, efficace et efficiente. (Hypothèse 2).

2.3.1. Le système de recrutement

Les diagnostics que nous avons effectués au sein du MEN ont révélé l’existence de
dysfonctionnements majeurs au niveau des modes et techniques de recrutement, des plans de
RH, de l’identification des besoins et de la lourdeur de la charge administrative et financière
des recrutements. Dans tout le processus de recrutement, c’est généralement le diplôme qui
prime au détriment de la compétence.

2.3.2. Le système de formation continue

Concernant le système de formation au sein du MEN, l’analyse des données recueillies nous a
permis de constater que ce système de formation est inefficace, faiblement lié à une logique
compétence et peu intégré dans le système global de GRH.

2.3.3. Le système de notation et d’évaluation

Malgré les avantages du nouveau système d’évaluation mis en vigueur en 2006 34, le MEN
éprouve beaucoup de difficultés à mettre en place le système d’évaluation. Il en est de même
pour beaucoup de départements ministériels « les administrations font face à des difficultés
réelles pour mettre en application le dispositif de notation et d’évaluation résultant du décret de
2005.... C’est que la plupart des administrations ne semblent pas encore être en mesure
d’assigner des objectifs précis à leur personnel, ce qui en dit long sur les chances d’introduction
dans l’administration du système de gestion fondé sur les résultats »35.
Au niveau du MEN, qui regroupe 48,6% de l’effectif budgétaire global de l’Etat36, l’évaluation
du personnel en tant que telle n’est pas du tout pratiquée. Les responsables au niveau des
administrations centrales se limitent à la notation et à l'appréciation générale prévues par le
statut. On en déduit donc que le système d’évaluation tel que pratiqué au sein du MEN est
déconnecté des autres composantes de la GRH (recrutement, formation, rémunération,). Il s’agit
d’une simple formalité administrative servant pour la promotion sur la base de l’ancienneté. De

34
Voir décret de 2 décembre 2005
35
Note de cadrage, Rencontre d’experts GRH sur le Thème : Regards croisés sur le système de notation et d’évaluation dans l’administration
: atouts et limites, Organisée en partenariat entre l’Observatoire marocain de l’administration publique (OMAP) et l’Ecole Nationale
d’Administration (ENA). 4 juin 2014 à l’ENA, Rabat.
36
Ministère de l’économie et des finances, synthèse du Rapport sur les RH , PLF, 2020 Rabat, Maroc
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même le système tel que conçu et pratiqué n’est pas corrélé à la logique compétence et la notion
de mérite. C’est l’ancienneté et le diplôme qui priment au détriment des compétences.

2.3.4. Le système de rémunération

La rémunération des fonctionnaires dans la fonction publique marocaine est régie par des
dispositions législatives et réglementaires qui trouvent leur fondement dans le SGFP et dans
divers statuts particuliers régissant le personnel de l’Etat.
Le diagnostic que nous avons réalisé au sein de l’administration publique en général et au MEN
en particulier a révélé que le système de rémunération tel que pratiqué actuellement souffre de
dysfonctionnements majeurs et ne répond pas aux objectifs d’une administration moderne,
efficace et équitable. Il se caractérise, en effet, par les principales insuffisances suivantes : une
structure de rémunération déséquilibrée, une rémunération non attractive pour les cadres et
cadres supérieurs, la non-corrélation des rémunérations salariales et non salariales aux
compétences.

2.3.5. Gestion des Emplois et des Compétences

La GPEC constitue le noyau dur de toute gestion stratégique des RH. Or, le diagnostic effectué
au sein du MEN montre des lacunes importantes à ce niveau. Si certains ministères arrivent à
mettre en place une GPEC quoi que modeste, (MEF, M. Emploi, MFPRA), d’autres
départements, comme le MEN sont encore loin de là. Les responsables des RH sont préoccupés
la plupart du temps par la gestion administrative courante et n'ont pas encore une connaissance
assez mure en gestion stratégique et qualitative des RH.

2.3.5.1. La gestion prévisionnelle des ressources humaines (GPRH)

S'inspirant des méthodes qui ont fait leurs preuves dans le monde de l'entreprise,
l'administration marocaine s’est engagée dans un vaste programme visant le
développement, voire la réhabilitation, de ses effectifs. « Le caractère pléthorique des
effectifs qui plombe la masse salariale, leur mauvaise répartition, la multiplicité des
statuts, un système de carrière essentiellement basé sur l'ancienneté, un système de
notation et de promotion peu transparent, l'absence de toute gestion prospective
concernant la carrière des fonctionnaires, autant de dysfonctionnements sources de
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démotivation des fonctionnaires, de baisse de leur rendement et, plus généralement, de


déficit d'image de l'administration »37.

Pour remédier à cette situation, une attention remarquable a été accordée à la


composante RH, et plus particulièrement à la gestion des compétences, en tant que
nécessité et choix stratégique comme stipulé par les responsables des RH représentant
divers départements ministériels (voir tableau suivant).

Ministèr M.
Départements MEN MMSP e de Jeunesse MEF
Questionnements l’Emploi et sport
Engagement dans la Oui Oui Oui Oui Oui
démarche 2006 2006 2006 2006 2006
Quelle Année ? B. B. B. B. B.
Bureau d’étude ou non d’étude d’étude d’étude d’étude d’étude
Mode ou nécessité ? nécessité nécessité nécessité nécessité nécessité
Démarche achevée REC O/N O O O O
Démarche achevée GPEC N O O N O
Mise en application N N O/N N O/N
Facilité d’application N N N N N
Implication des cadres N Oui 30% N Oui
Le SGFP est-il un obstacle
à la mise en place de la Oui Oui Oui Oui O/N
GC ?
Tableau n°3 : Evolution de la Gestion des Compétences dans quelques
départements ministériels
Source: Construction personnelle, suite aux entretiens effectués
La lecture de ce tableau montre que tous les départements ont été conscients de la nécessité
d’adopter une démarche compétence. Généralement, c’est en 2006 que les différents

37
ZEIDGUY R, (2007) « Les nouvelles approches de la gestion des ressources humaines dans la fonction publique au Maroc » dans un
séminaire sur « les administrations publiques dans les pays arabes méditerranéens », Conférence du Groupe Européen d'Administration
Publique, INAP, Madrid 19-22 septembre 2007.
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départements ministériels ont commencé à mettre en œuvre une GPRH axée sur la compétence,
à travers l'élaboration de leurs REC et la mise en place de la GPEC. Ces derniers constituent,
certes, un préalable nécessaire et une véritable clé de succès de toute politique moderne de GRH
axée sur les compétences.

Aujourd’hui tous ces départements ont finalisé plus ou moins leur REC. De même certains
d’entre eux, comme le MFPMA, le Ministère de l’emploi et le MEF, ont mis en place l’outil de
GPEC. Mais le problème réside dans la mise en pratique de ces outils en liaison avec le système
de GRH. Presque tous les responsables interviewés ont éprouvé de grandes difficultés pour
mettre en pratique les outils de la GPRH. Les raisons diffèrent selon chaque département
(manque d’engagement, non implication des acteurs, manque de RH compétentes, etc.). Au
niveau du MEN, le projet GPEC a été lancé avec un bureau d’étude comme le cas, d’ailleurs,
des autres départements mais il n’a pas abouti.

2.3.5.2. Le problème de l’adéquation Compétence-Emploi

La question de l’inadéquation entre les compétences des individus et les emplois qu'ils occupent
n'est pas propre au MEN. Pratiquement, toutes les organisations la subissent en raison,
notamment, de l’accélération du changement et les conséquences qui en découlent sur les
métiers, et de l'évolution des technologies de l'information. Toutefois, compte tenu de
l'importance de ses effectifs, de l'évolution de ses missions et de la priorité accordée aux
garanties juridiques énoncées dans le SGFP, l'administration se trouve confrontée à des
contraintes particulières. En effet, le système de carrière de la FPM offre un cadre de gestion
ambivalent. Ainsi, la grande stabilité des personnels et l'évolution rapide des métiers créent un
risque d'inadéquation entre les compétences des individus et les contenus des postes.
Les techniques de collecte des données à travers la démarche qualitative que nous avons adoptée
dont notamment l’observation directe et les entretiens effectués à la fois avec des responsables
et des cadres au sein de l’administration centrale du MEN, nous a permis de constater que la
question de l'inadéquation entre les compétences et les emplois trouve son origine dans les
pratiques de GRH et surtout au niveau des activités de recrutement, formation, affectation,
évaluation, etc.
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Conclusion
Le diagnostic que nous avons effectué, au sein de l’administration publique en général et du
MEN en particulier, a montré que la notion de compétence est rarement prise en compte dans
les pratiques de GRH. Le MEN est encore ancré dans le mode classique de GRH. La corrélation
entre les variables de la recherche (recrutement, formation, évaluation, rémunération) et la
compétence est pratiquement faible en raison de l’absence des outils modernes de GRH (REC-
GPEC).

Par ailleurs, la gestion statutaire qui a prévalu jusqu'à présent relève d'une logique basée
essentiellement sur les aspects réglementaires, juridiques et quantitatifs, écartant la prise en
compte des compétences du personnel. Ainsi, le SGFP constitue pour l’administration moderne
une source de blocage pour la mise en place d’une GRH moderne axée sur les compétences.
Des résultats présentés, analysés et discutés, nous pouvons déduire que le MEN éprouve de
grandes difficultés à mettre en place une gestion des compétences à même d’améliorer ses
pratiques de GRH. Tout d’abord, le SGFP, à l’état actuel, constitue un premier blocage pour la
mise en œuvre d’une GRH axée sur la compétence (Validation H1). Ensuite, le mode de GRH,
ancré dans une approche classique, n’est pas favorable pour une GRH qualitative, basée sur la
compétence (validation H2).
Pour pallier aux insuffisances et aux limites qui freinent encore la fonction GRH et pour faire
de celle-ci un levier de modernisation de l’administration, il est nécessaire pour l’administration
d’adopter une politique consistant à rénover ses modes de GRH. La mise en place d'une GRH
dynamique et efficace axée sur les compétences nécessite, à notre sens, de la part des
responsables au niveau de la fonction publique, de créer un environnement favorable à
l'exploitation effective des outils existants, en faisant de la GRH un axe stratégique de l'action
administrative (révision du SGFP), et de la part des responsables du MEN, de moderniser et de
professionnaliser les pratiques de GRH à travers la mise en place d’une GPRH permettant
l'articulation et l'orientation des outils existants.
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