Vous êtes sur la page 1sur 8

¶ 90-60-0057

Culture cellulaire et virologie.


Intérêts et applications de la culture
cellulaire en virologie
A. Goffard

L’isolement viral en culture cellulaire est fondé sur l’inoculation de cellules en culture par un échantillon
biologique potentiellement infecté par un virus. La qualité du prélèvement initial conditionne le résultat de
l’isolement en culture cellulaire. Différentes lignées cellulaires sont disponibles pour le diagnostic
virologique : des cellules diploïdes ou hétérodiploïdes, d’origine humaine ou animale. L’isolement d’un
virus en culture cellulaire se fait dans des conditions particulières : milieux de culture appropriés,
supplémentés ou non en sérums animaux, incubation à température variable, en atmosphère humide,
etc. La multiplication virale en culture cellulaire peut se traduire par l’apparition d’un effet
cytopathogène. En l’absence d’effet cytopathogène, d’autres outils biologiques sont utilisés pour
visualiser la présence du virus dans les cellules en culture. L’isolement d’une souche virale peut permettre
le titrage de la souche par différentes méthodes (dilution limite, méthodes des plages). L’isolement viral
en culture cellulaire reste une technique très utile pour le diagnostic des infections virales qui doit être
complémentaire des autres outils à la disposition des virologues.
© 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Isolement ; Lignée cellulaire ; Effet cytopathogène ; Virus

Plan La qualité de l’isolement d’un virus en culture cellulaire


dépend de la qualité de l’échantillon biologique à tester, des
¶ Principe de l’isolement viral en culture cellulaire 1 conditions techniques de la réalisation et du choix des cellules
à inoculer.
¶ Applications des cultures cellulaires à la virologie 3
La qualité des échantillons prélevés détermine le résultat de
¶ Détection et identification des virus sur culture cellulaire 3 l’isolement viral en culture cellulaire. En effet, l’infectiosité du
Détection par recherche de l’effet cytopathogène 3
virus dans le prélèvement doit être préservée, c’est pourquoi
Cas particulier : technique de culture rapide 3
l’échantillon doit être transporté rapidement au laboratoire,
¶ Identification par détection d’antigènes viraux 3 dans des conditions le protégeant de la dessiccation, des
¶ Titrage d’un virus 3 variations de pH et de température et de la prolifération
Méthode des plages 3 bactérienne. Différents milieux de transport sont spécialement
Méthode des dilutions limites 3 adaptés à l’isolement viral en culture cellulaire. L’inoculation
¶ Typage virologique par séroneutralisation de l’effet aux cultures cellulaires doit se faire dans un environnement
cytopathogène 5 spécialement équipé et dans des conditions respectant les règles
Principe 5 de sécurité vis-à-vis du risque infectieux. On peut ainsi être
Application à la recherche d’une immunité anti-coxsackievirus B 5 amené à travailler en laboratoire de niveau de sécurité L2 ou L3.
¶ Analyse phénotypique de la résistance aux antiviraux 6 Pour se multiplier, les cellules en culture ont besoin de condi-
Principe 6 tions physicochimiques particulières [1] . Le support le plus
Définition de la concentration inhibitrice 50 % utilisé actuellement est le plastique. En effet, certaines cellules
et de la concentration inhibitrice 90 % 6 doivent adhérer à leur support pour se multiplier (cellules
¶ Intérêts et inconvénients de l’isolement viral en culture adhérentes) alors que d’autres se multiplient en suspension
cellulaire 6 (lignées lymphocytaires par exemple). Les exigences nutrition-
nelles des cellules sont respectées en utilisant des milieux de
culture standardisés contenant principalement de la glutamine,
des ions indispensables, des sels minéraux, des vitamines et des

■ Principe de l’isolement viral acides aminés. Ces milieux sont tamponnés de façon à mainte-
nir un pH à 7,2. Le milieu peut être supplémenté par des
en culture cellulaire composants biologiques tels que des sérums animaux (veau,
cheval, etc.), des facteurs de croissance ou d’adhésion, etc.
L’isolement viral en culture cellulaire est fondé sur l’inocula- Enfin, des conditions de température strictes sont généralement
tion de cellules en culture par un échantillon biologique requises pour la culture des cellules. L’incubation des cellules se
potentiellement infecté par un virus. L’utilisation de cette fait donc dans des étuves contrôlées avec une température fixe,
méthode de diagnostic doit permettre d’isoler et d’identifier le maintenant une atmosphère humide et enrichie en CO2 le plus
virus initialement présent dans un échantillon. souvent.

Biologie clinique 1
90-60-0057 ¶ Culture cellulaire et virologie. Intérêts et applications de la culture cellulaire en virologie

Tableau 1. Les cellules sont séparées par l’action de la trypsine puis


Principales cellules utilisées pour le diagnostic virologique. cultivées dans des récipients en plastique sur les parois desquels
Espèce Nom Type Sensibilité aux elles se fixent et se multiplient afin de constituer un tapis
virus cellulaire continu monocouche. Arrivées à confluence, les
cellules cessent de se multiplier par inhibition de contact. La
Homme MRC5 Diploïde HSV, CMV, VZV,
VRS, ADV
culture primaire ainsi obtenue peut à son tour être dissociée par
la trypsine et donner naissance à de nouvelles cultures dites
Singe Vero Hétérodiploïde HSV, VZV, VRS,
secondaires qui seront à leur tour entretenues par passages.
Homme Hep2 Hétérodiploïde HSV, ADV, VRS
Cependant, le nombre de passages est limité : deux ou trois
Homme HeLa Hétérodiploïde ADV, VRS pour les cellules épithélioïdes et une cinquantaine pour les
Chien MDCK Hétérodiploïde GA, GB cellules fibroblastiques embryonnaires. Les cellules fibroblasti-
Singe BGM Hétérodiploïde EV, polio ques embryonnaires conservent tous les caractères des cellules
HSV : herpès simplex virus ; CMV : cytomégalovirus ; VZV : virus varicelle normales, elles sont dites diploïdes ou semi-continues. Elles sont
zona ; VRS : virus respiratoire syncytial ; ADV : adénovirus ; GA : grippe A ; GB : obtenues à partir de cellules de reins embryonnaires humaines
grippe B ; EV : entérovirus ; BGM : Buffalo green monkey. (WI-38) ou de fibroblastes embryonnaires humains de poumons
(MRC5) (Fig. 1) [2]. Les cellules fibroblastiques embryonnaires
sont surtout utilisées pour l’isolement des virus herpès simplex
Le choix des cellules à inoculer dépend du virus recherché. (HSV), du cytomégalovirus (CMV), du virus varicelle zona
En effet, il n’existe pas de système cellulaire universel permet- (VZV), des adénovirus et des entérovirus.
tant la réplication de tous les virus. Chaque virus ayant un Les lignées continues sont caractérisées par leurs capacités de
tropisme cellulaire particulier, plusieurs types de cellules sont prolifération infinie. Elles proviennent soit de tumeurs mali-
habituellement entretenues dans les laboratoires de virologie. gnes, soit de la transformation spontanée ou viro-induite de
On distingue classiquement deux catégories de cellules : les cultures primaires ou secondaires. Leur croissance est en général
cultures de cellules issues de tissus normaux et les lignées plus rapide que celle des cellules primaires et leur nombre de
continues (Tableau 1). passages est théoriquement illimité. Le nombre de chromoso-
Les cultures primaires ou secondaires sont constituées de mes des lignées continues est variable d’où le nom de lignées
cellules prélevées sur des organismes adultes ou embryonnaires cellulaires hétérodiploïdes. Les lignées utilisées sont souvent
provenant de tissus normaux d’origine humaine ou animale. dérivées de cellules épithéliales malignes (carcinome laryngé

Figure 1. Exemples de lignées cellulaires utilisées en virologie (reproduit avec l’aimable autorisation du professeur Hober, chef de service du laboratoire de
virologie du centre hospitalier régional universitaire de Lille).
A. Cellules fibroblastiques diploïdes humaines (MRC5).
B. Cellules de carcinome humain du larynx (Hep2).
C. Cellules de carcinome utérin (HeLa).
D. Cellules primaires de rein de singes (Vero).

2 Biologie clinique
Culture cellulaire et virologie. Intérêts et applications de la culture cellulaire en virologie ¶ 90-60-0057

pour les cellules Hep2, carcinome cervical pour les cellules entérovirus, les adénovirus, etc. (Tableau 2). Ces techniques
HeLa, etc.) et possèdent des susceptibilités différentes pour les reposent sur la centrifugation de l’inoculum sur des cellules
virus (Fig. 1). Normalement, elles ne contiennent pas d’agents sensibles au virus recherché. Cette étape favorise les interactions
infectieux contaminants. virus-cellules. Après 24 à 48 heures d’incubation, avant l’appa-
rition d’un effet cytopathogène, la détection d’antigènes viraux
précoces ou très précoces est réalisée sur les cellules par
■ Applications des cultures immunofluorescence ou par une technique immunoenzymati-
que (Fig. 3). Ces techniques rapides permettent dans tous les cas
cellulaires à la virologie de raccourcir les délais de rendu des résultats.

Les cultures primaires ont été largement utilisées pour le


diagnostic virologique. Actuellement, elles le sont beaucoup
moins du fait notamment des délais très longs de préparation ■ Identification par détection
des cellules. Les laboratoires de virologie utilisent le plus
souvent des lignées continues ou semi-continues qu’ils peuvent d’antigènes viraux
conserver dans leurs stocks ou qu’ils peuvent se procurer auprès
de banques de cellules telles que l’European Collection of Cell Les virus qui se développent en culture cellulaire n’induisent
Cultures (ECACC) ou l’American Type Culture Collection pas toujours d’effet cytopathogène. C’est notamment le cas de
(ATCC). nombreux virus respiratoires comme les virus grippaux ou les
Le choix des cellules à ensemencer dépend du virus recher- virus parainfluenza. Dans d’autres cas, quand l’effet cytopatho-
ché [3]. Certains virus sont isolés sur un seul type cellulaire gène est spécifique d’un groupe viral, il peut être important de
comme par exemple le cytomégalovirus sur fibroblastes typer le virus isolé comme dans le cas des adénovirus par
humains diploïdes. D’autres peuvent être isolés sur plusieurs exemple. La recherche d’antigènes viraux se fait grâce à des
types cellulaires comme c’est le cas des herpès simplex par anticorps monoclonaux par immunofluorescence, par des
exemple. C’est pour cela qu’habituellement, les échantillons techniques immunoenzymatiques (enzyme-linked immunoabsor-
biologiques sont inoculés en parallèle sur plusieurs types bent assay – Elisa) ou par agglutination de particules de latex.
cellulaires. Cette recherche peut être réalisée directement sur les cellules en
La conservation des souches virales isolées en culture cellu- culture pour l’immunofluorescence ou sur le surnageant de
laire requiert de nombreuses précautions. Les virus nus se culture pour l’Elisa ou l’agglutination de particules de latex.
conservent bien à – 20 °C alors que les virus enveloppés doivent
être conservés à – 80 °C. Le plus souvent, la conservation des
isolats se fait en azote liquide à – 196 °C. Son utilisation est
délicate, mais donne d’excellents résultats. Cependant, il est ■ Titrage d’un virus
habituel de constater une baisse du titre infectieux au cours de
la conservation, même à très basse température. Le titrage d’une suspension virale évalue la plus petite
quantité de virus qui peut produire une manifestation donnée
chez l’hôte sensible. Cette quantité est l’unité infectieuse (UI) et
■ Détection et identification le titre est le nombre d’unités internationales (UI) par unité de
volume. Il existe deux méthodes de titrage :
des virus sur culture cellulaire • apparition de lésions spécifiques dont on évalue le nombre
qui varie proportionnellement à la concentration de l’inocu-
Détection par recherche de l’effet lum (méthode des plages). Le titrage est donné en nombre
cytopathogène d’unité formatrice de plages/ml (PFU/ml) ;
• apparition de lésions indépendamment de leur intensité
La multiplication d’un virus dans des cellules peut entraîner (méthode des dilutions limites). Cette méthode permet de
des modifications morphologiques caractéristiques appelées effet calculer la dose infectieuse 50 % (DI50 % /ml) à savoir la
cytopathogène (ECP). Après ensemencement de la suspension dilution virale nécessaire pour que 50 % des cellules soient
virale à identifier sur une lignée cellulaire, l’ECP est recherché infectées.
au microscope inversé, tous les 2 ou 3 jours. Cet ECP est
souvent évocateur d’un virus ou d’une famille de virus (Fig. 2).
Les anomalies cytologiques peuvent être observées à l’état frais Méthode des plages
ou après fixation et coloration. On peut observer la formation
de syncytium (cellules plurinucléée), des arrondissements Cette méthode suppose qu’il existe une relation linéaire entre
cellulaires, la réfringence des cellules, l’agrégation de cellules la concentration relative de l’inoculum et le nombre de plages
infectées, la présence de vacuoles, une modification de la observées.
chromatine etc. Les cultures cellulaires sont inoculées en nappes par un
Le délai d’apparition d’un ECP varie en fonction du type de volume donné de dilutions croissantes de suspension virale.
virus et de l’inoculum initial (Tableau 2). L’ECP du cytoméga- Ensuite, un milieu gélifié empêchant la diffusion des virus est
lovirus apparaît au bout de 3 à 21 jours de culture alors que coulé sur les cultures cellulaires. Il apparaît ainsi des plages de
l’ECP des poliovirus est visible en 24 à 48 heures. Lorsque l’ECP lyse observables macroscopiquement. On détermine le nombre
est discret ou peu caractéristique, la réalisation d’un ou de d’unités formant plages (PFU).
plusieurs passages peut favoriser l’apparition de l’ECP. Le
passage se fait par trypsination ou grattage des cellules de la
culture initiale puis inoculation à une culture fraîche. Cette Méthode des dilutions limites
méthode apporte un délai supplémentaire au rendu de résultats.
Des dilutions successives d’une suspension virale sont
Cas particulier : technique de culture rapide inoculées sur des cultures cellulaires en tubes ou en micropla-
que. On recherche la dilution à laquelle la moitié des tubes ou
Après inoculation des prélèvements sur les cellules en culture, des puits présente un effet cytopathogène. Les résultats sont
le délai de rendu des résultats est très variable. Afin de raccour- exprimés en DI50/ml (Dose infectieuse), le calcul de la DI50 est
cir ces délais, des techniques de culture rapides ont été dévelop- donné soit par la méthode de Reed-Muench soit par la méthode
pées initialement pour le cytomégalovirus mais aussi pour les de Kärber.

Biologie clinique 3
90-60-0057 ¶ Culture cellulaire et virologie. Intérêts et applications de la culture cellulaire en virologie

Figure 2. Effets cytopathogènes observés à l’état frais (reproduit avec l’aimable autorisation du professeur Hober, chef de service du laboratoire de virologie
du centre hospitalier régional universitaire de Lille).
A. Adénovirus : sur cellules Vero, rétraction du cytoplasme des cellules induisant un maillage du tapis cellulaire (aspect en filet de pêcheur).
B. Virus de l’herpès : sur cellules Vero, déformation des cellules infectées contenant plusieurs noyaux. Cellules réfringentes groupées en amas se détachant du
tapis cellulaire (aspect en grappe de raisin).
C. Cytomégalovirus : sur cellules Vero, foyer de cellules réfringentes allongées ou arrondies (aspect en banc de poissons).
D. Virus respiratoire syncytial : sur cellules Hep2, formation de syncytia.
E. Virus de la varicelle et du zona : sur cellules MRC5, cellules arrondies, réfringentes (aspect en tache de bougie).
F. Virus de l’immunodéficience acquise [4] : sur lymphocytes en culture, formation d’un syncytium.

4 Biologie clinique
Culture cellulaire et virologie. Intérêts et applications de la culture cellulaire en virologie ¶ 90-60-0057

Tableau 2.
Exemple de cellules couramment utilisées en fonction du virus recherché [3, 5, 6]. Les cellules de recours présentées peuvent être utilisées quand les cellules
favorables à l’isolement manquent.
Virus recherché Cellules favorables à l’isolement Délai d’apparition Examens complémentaires
(cellules de recours) d’un ECP et remarques
Influenza A et B MDCK Absence d’ECP Détection d’antigènes viraux par IF
pour révélation et typage

VRS Hep2, HeLa 2 à 4 jours Détection d’antigènes viraux par IF


(Vero, MRC5)

hMPV LLC-MK2 15 à 21 jours Culture très délicate [7], préférer les méthodes
(Vero) moléculaires

HSV1, HSV2 MRC5 3 à 7 jours (jusqu’à 21 jours) Culture rapide


(Vero, Hep2) Détection d’antigènes viraux par IF
pour typage

Cytomégalovirus MRC5 3 à 7 jours (jusqu’à 21 jours) Culture rapide

VZV MRC5 2 à 7 jours Culture rapide


(Vero) Virus fragile, préférer l’IF ou les méthodes
moléculaires

Entérovirus Poliovirus BGM, Vero 5 à 10 jours Détection d’antigènes viraux par IF


(Hep2, MRC5) ou neutralisation pour typage
Coxsackievirus B BGM, Vero, Hep2
(LLC-MK2)
Échovirus MRC5, BGM
(Vero, Hep2)
Rhinovirus MRC5 ECP non spécifique, préférer les méthodes
(A549) moléculaires

Adénovirus Hep2, HeLa 8 à 12 jours Détection d’antigènes viraux par IF


(MRC5, A549) pour typage

VRS : virus respiratoire syncytial ; ECP : effet cytopathogène ; IF : immunofluorescence ; VZV : virus varicelle zona ; hMPV : métapneumovirus humain ; HSV : herpès
simplex virus.

■ Typage virologique
par séroneutralisation de l’effet
cytopathogène
Principe
Chez les sujets infectés, les virus induisent la production
d’anticorps capables de neutraliser le pouvoir infectieux viral, ce
sont des anticorps neutralisants. La séroneutralisation consiste à
inhiber le pouvoir pathogène d’un virus en culture cellulaire en
le mettant en présence d’un sérum contenant des anticorps
neutralisants spécifiques.

Application à la recherche d’une immunité


anti-coxsackievirus B
Il existe six sérotypes de virus coxsackie du groupe B. La Figure 3. Détection d’antigènes précoces du cytomégalovirus par
recherche d’une immunité protectrice vis-à-vis d’un des six méthode immunocytochimique après mise en culture rapide. Après
sérotypes se fait par séroneutralisation de l’ECP. inoculation de l’échantillon sur des cellules MRC5, les cellules en culture
Une souche de virus coxsackie d’un sérotype donné est mise sont centrifugées. Des antigènes viraux précoces sont détectés grâce à un
en présence du sérum d’un patient chez lequel une immunité anticorps monoclonal couplé à l’immunopéroxydase au bout de 48 heu-
anticoxsackievirus est recherchée. Les anticorps neutralisants res d’incubation (reproduit avec l’aimable autorisation du professeur
contenus dans le sérum se fixent sur les particules virales Didier Hober, chef de service du laboratoire de virologie du centre
entraînant leur neutralisation (Fig. 4). Après une période hospitalier régional universitaire de Lille).
d’incubation, le mélange [virus-sérum] est déposé sur des
cellules permissives pour les virus coxsackies B. Les virus
neutralisés par les anticorps présents dans le sérum ne pourront
pas entrer dans les cellules et s’y multiplier : il y a neutralisation dilution de sérum qui neutralise l’ECP. On détermine ainsi un
de l’ECP. En revanche, les virus non neutralisés s’y multiplieront titre d’anticorps neutralisants. Pour les virus coxsackies B, on
et un ECP sera observé. Les sérums des patients sont testés à considère qu’un titre d’anticorps supérieur à 256 assure une
différentes dilutions de façon à déterminer la plus grande immunité protectrice.

Biologie clinique 5
90-60-0057 ¶ Culture cellulaire et virologie. Intérêts et applications de la culture cellulaire en virologie

Figure 4. Principe de la séroneutralisation.


A. Incubation de la suspension virale à identifier avec des anticorps spécifiques d’un sérotype.
B. Fixation des anticorps sur les récepteurs viraux présents à la surface de la particule virale.
C. Inhibition de l’entrée des particules virales dans les cellules.

L’analyse de la sensibilité d’une souche virale aux antiviraux


par les méthodes de culture cellulaire est longue et fastidieuse
puisqu’elle impose de disposer d’un stock de virus infectieux
avant de tester sa résistance aux antiviraux. Cette technique ne
s’applique qu’aux virus capables de se développer sur cultures
cellulaires. De ce fait, ces techniques restent réservées aux
laboratoires spécialisées ou aux laboratoires de référence.
Cependant, l’analyse phénotypique de la sensibilité aux antivi-
raux est utile pour étudier l’évolution de la résistance des virus
aux antiviraux, notamment chez les patients immunodéprimés.
Ces techniques servent aussi de référence pour étudier le
déterminisme génétique de la résistance et mettre au point des
techniques telles que la recherche de mutations spécifiques.
D’autres techniques existent pour évaluer l’efficacité des
Figure 5. Inhibition de la réplication virale en fonction de la concen- antiviraux : séquençage du gène UL97 du CMV pour rechercher
tration en antiviral. Le pourcentage d’inhibition de la réplication virale est une résistance au ganciclovir, séquençage des gènes de la
présenté en abscisses, les concentrations d’antiviral testées en ordonnées. protéase et de la transcriptase inverse ou de l’intégrase du VIH
CI : concentration inhibitrice. pour rechercher des résistances aux antirétroviraux, etc.

■ Analyse phénotypique ■ Intérêts et inconvénients


de la résistance aux antiviraux de l’isolement viral en culture
cellulaire
Principe L’isolement viral en culture cellulaire repose sur la multipli-
cation des virus dans les cellules. Il présente pourtant de
La multiplication d’un virus en culture cellulaire peut nombreux avantages qui ne doivent pas être négligés. En
permettre de tester sa sensibilité à des antiviraux, définissant inoculant différentes lignées cellulaires à partir d’un même
ainsi son phénotype de sensibilité. Le plus souvent, les tests échantillon et du fait de la sensibilité des cellules à plusieurs
phénotypiques sont réalisés après titrage de la souche virale. Un virus, il est possible d’isoler une souche virale sans que sa
inoculum de titre connu est mis en présence de différentes présence ne soit suspectée initialement. Cet outil biologique
concentrations d’antiviral. La culture du même inoculum en permet donc de réaliser des diagnostics non orientés. En outre,
l’absence d’antiviral sert de référence pour le calcul des concen- l’isolement viral en culture cellulaire peut être un outil efficace
trations. L’inhibition de la multiplication virale par la substance pour rechercher des infections virales mixtes. En effet, dans ce
est mesurée au bout de quelques jours d’incubation par des cas, l’inoculation sur des lignées permissives pour différents
techniques variées (quantification des ECP, réduction des plages virus permet de constater l’apparition d’ECP différents et donc
de lyse, immunofluorescence, etc.). de mettre en évidence des infections mixtes qui n’étaient pas
suspectées initialement.
L’isolement viral en culture cellulaire est la seule technique
Définition de la concentration inhibitrice qui permet la production de virus infectieux, éventuellement en
50 % et de la concentration inhibitrice grande quantité. La constitution de stocks viraux permet ensuite
90 % d’étudier les capacités réplicatives des virus (fitness), de tester la
sensibilité de la souche virale aux antiviraux, d’étudier le
La concentration inhibitrice d’antiviral qui inhibe 50 % de la déterminisme génétique d’une résistance ou de proposer de
multiplication virale définit la concentration inhibitrice 50 % nouvelles cibles thérapeutiques. Enfin, l’identification d’un
(CI50 %). La concentration inhibitrice qui réduit de 90 % la nouvel agent viral passe très souvent par l’isolement en culture
multiplication virale (CI90 %) reflète la proportion de virus cellulaire comme ce fut le cas pour le virus du syndrome
résistants dans une population hétérogène. La CI90 % s’élève respiratoire aigu sévère (SRAS-CoV) [8].
plus vite que la CI50 %. La Figure 5 présente le pourcentage Cependant, l’isolement d’un virus en culture cellulaire
d’inhibition de la multiplication virale en fonction de la dépend de la qualité du prélèvement, des cultures et milieux de
concentration d’antiviral. cultures utilisés, du caractère cultivable ou non des virus et du

6 Biologie clinique
Culture cellulaire et virologie. Intérêts et applications de la culture cellulaire en virologie ¶ 90-60-0057

Tableau 3.
Place de l’isolement viral en culture cellulaire par rapport aux différents outils de diagnostic utilisés en virologie [5]. Les méthodes d’immunofluorescence et
d’immunochromatographie mentionnées permettent la recherche d’antigènes viraux directement sur l’échantillon initial, sans isolement viral en culture
cellulaire préalable.
Méthodes de diagnostic Exemples d’applications Inconvénients Apports de l’isolement viral en
culture cellulaire
Recherche d’antigènes viraux par IF
Délais de rendu de résultats Recherche de virus respiratoires, notamment Moindre sensibilité pour certains Augmente la sensibilité des tests
rapides VRS, surtout sur des échantillons pédiatriques virus (HSV1 et 2) Permet la détection de virus autres
Recherche du cytomégalovirus par antigénémie Nombre d’antigènes viraux testés que ceux détectés par les tests
pp65 limité Obtention de stocks viraux
Recherche du VZV Nombre de tests permettant les permettant d’autres tests (titrage,
Méthode quantitative Recherche du cytomégalovirus par antigénémie recherches directes sur les sensibilité aux antiviraux, fitness,
pp65 échantillons limités etc.)
Détection de virus difficilement Recherche du VZV, hMPV Ne différencie pas les virus
ou non cultivables infectieux des non infectieux

Immunochromatographie
Délais de rendu de résultats Recherche de virus respiratoires, notamment Faible sensibilité Augmente la sensibilité des tests
rapides VRS, surtout sur des échantillons pédiatriques Nombre d’antigènes viraux testés Permet la détection de virus autres
limité que ceux détectés par les tests
Nombre de tests permettant les Obtention de stocks viraux
Détection de virus difficilement Recherche du VZV recherches directes sur les permettant d’autres tests (titrage,
ou non cultivables échantillons limité sensibilité aux antiviraux, fitness,
Ne différencie pas les virus etc.)
infectieux des virus non infectieux

Méthodes de biologie moléculaire


Délais de rendu de résultats Recherche et typage des virus grippaux Accessibilité aux technologies Détection de virus émergents
rapides Recherche de virus responsables de méningites limitée aux laboratoires spécialisés (SRAS, virus grippaux, etc.)
et méningoencéphalites, etc. Absence de standardisation des Détection d’infections mixtes
Sensibilité élevée Recherche de virus neurotropes, notamment tests Détection de virus autres que ceux
sur des échantillons de LCR Ne différencie pas les virus recherchés par les tests
Détection de virus difficilement Détection des papillomavirus infectieux des non infectieux Obtention de stocks viraux
ou non cultivables Recherche des virus des hépatites, des virus Risques de contaminations permettant d’autres tests (titrage,
respiratoires, du VIH, etc. sensibilité aux antiviraux, fitness,
etc.)
Méthodes quantitatives Détermination des charges virales VIH, virus
des hépatites, etc.
VRS : virus respiratoire syncytial ; VZV : virus varicelle zona ; LCR : liquide céphalorachidien ; HSV : herpès simplex virus ; IF : immunofluorescence ; SRAS : syndrome
respiratoire aigu sévère ; VIH : virus de l’immunodéficience humaine ; hMPV : métapneumovirus humain.

niveau d’expérience du personnel manipulateur. L’isolement


viral n’est possible que si les cellules inoculées sont permissives
au virus recherché et il est à noter que certains virus ne sont pas
cultivables tels que les papillomavirus, les virus des hépatites ou
“ Mise au point
ceux des diarrhées. Enfin, la culture cellulaire appliquée à la Pour l’anecdote
virologie reste une technique laborieuse et chronophage. Malgré La lignée cellulaire Vero a été isolée à partir de cellules de
l’amélioration des techniques de détection des antigènes viraux singes verts africains, Cercopithaecus ætiopis, en 1962. Son
grâce à l’utilisation d’anticorps monoclonaux notamment et nom vient de l’abréviation de Verda qui signifie vert en
l’essor récent des techniques de biologie moléculaire, la culture espéranto et Reno qui signifie rein.
cellulaire reste un outil indispensable pour le diagnostic des La lignée cellulaire HeLa est une lignée cellulaire qui
infections virales (Tableau 3). En effet, l’isolement viral en provient d’un prélèvement effectué chez une patiente
culture cellulaire est la seule méthode permettant de mettre en atteinte d’un cancer du col de l’utérus et décédée en
évidence des virus infectieux et de constituer des stocks viraux 1951, Henrietta Lacks (d’où le nom HeLa).
afin de compléter l’étude d’une souche virale (titrage de la
souche, étude de sa sensibilité aux antiviraux, etc.). Les labora-
toires de virologie proposent donc la combinaison de différents
tests pour aboutir à un diagnostic d’infections virales rapide,
sensible et fiable.

Remerciements : l’auteur remercie P. Lekeux pour son aide technique qui a


■ Références
permis la réalisation des photos de cellules et d’effets cytopathogènes et le [1] Ovaguimian O. Le point sur la culture cellulaire. Rev Fr Lab 2004;360:
Pr. D. Hober pour la relecture du manuscrit. 66-7.
[2] Jacobs JP, Jones CM, Baille JP. Characteristics of a human diploid cell
designated MRC-5. Nature 1970;227:168-70.
[3] Thouvenot D, Billaud G, Morfin F. Actualité de la culture cellulaire et
Cet article a fait l’objet d’une prépublication en ligne : l’année du copyright de son application au diagnostic des infections virales. Virologie 2004;
peut donc être antérieure à celle de la mise à jour à laquelle il est intégré.
4:297-309.

Biologie clinique 7
90-60-0057 ¶ Culture cellulaire et virologie. Intérêts et applications de la culture cellulaire en virologie

[4] Barré-Sinoussi F, Chermann JC, Rey F, Nugeyre MT, Chamaret S, Pour en savoir plus
Gruest J, et al. Isolation of a T-lymphotropic retrovirus from a patient at
risk for acquired immune deficiency syndrome (AIDS). Science 1983; Rôle de la culture cellulaire dans le diagnostic viral, des Bactériologie-
220:868-71. Virologie-Hygiène de Lyon : http://umr5558-mq1.univ-lyon1.fr/
[5] Leland DS, Ginocchio CC. Role of cell culture for virus detection in the deslyon/
age of technology. Clin Microbiol Rev 2007;20:49-78. Reina J, Fernandez-Baca V, Blanco I, Munar M. Comparison of Madin-Darby
[6] Révir. référentiel en virologie médicale, Groupe Révir de la Société canine kidney cells (MDCK) with a green monkey continuous cell line
Française de microbiologie. Paris: Vivactis Plus éditions; 2007. (Vero) and human lung embryonated cells (MRC-5) in the isolation of
[7] Freymuth F, Vabret A, Legrand L, Dina J, Gouarin S, Cuvillon- influenza A virus from nasopharyngeal aspirates by shell vial culture.
Nimal D, et al. Human metapneumovirus. Pathol Biol 2009;57:133-41. J Clin Microbiol 1997;35:1900-5.
[8] Drosten C, Günther S, Preiser W, van der Werf S, Brodt HR, Becker S, Clavijo A, Tresnan DB, Jolie R, Zhou EM. Comparison of embryonated
et al. Identification of a novel coronavirus in patients with severe acute chicken eggs with MDCK cell culture for the isolation of swine
respiratory syndrome. N Engl J Med 2003;348:1967-76. influenza virus. Can J Vet Res 2002;66:117-21.

A. Goffard, Maître de conférences en virologie (anne.goffard@univ-lille2.fr).


Laboratoire de virologie/EA3610, Faculté de médecine, Université Lille Nord de France, centre hospitalier régional universitaire de Lille, 59037 Lille cedex,
France.
Laboratoire de microbiologie, Faculté des sciences pharmaceutiques et biologiques, Université Lille Nord de France, BP 83, 3, rue du Professeur-Laguesse,
59006 Lille cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Goffard A. Culture cellulaire et virologie. Intérêts et applications de la culture cellulaire en virologie.
EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Biologie clinique, 90-60-0057, 2011.

Disponibles sur www.em-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos / Documents Information Informations Auto- Cas
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

8 Biologie clinique

Vous aimerez peut-être aussi