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relatif à l’exposition
« Alarme et
camouflage »
Février 2002
Dossier rédigé par Olivier Decocq, chargé de projet au Centre de
culture scientifique, pour l’exposition « Alarme et camouflage »
couple de zygènes
le citron
Nous remercions M. Jean-Pierre
Verhaeghe pour son aide et sa relecture
attentive.
la salamandre terrestre
Avec le soutien de :
• la Région wallonne – Ministère de l’Emploi et de la Formation professionnelle
• la Communauté Wallonie-Bruxelles
Table des matières
3 L’alarme
3.1 L’apprentissage chez les prédateurs
3.2 Des couleurs qui frappent
3.3 Mimétisme ou pas mimétisme ?
3.4 Le mimétisme mullérien
3.5 Le mimétisme batésien
3.6 Conclusions
4 Effrayer un prédateur
5 Synthèse
Que cela ne rebute pas l’enseignant du Primaire, par exemple, qui ne peut pas compter
sur de tels prérequis chez ses élèves : beaucoup de ces notions peuvent aussi être abordées de
manière intuitive, ludique, ou expérimentale !
À travers tout le cahier pédagogique, le contenu des sujets abordés est présenté sous
forme d’un texte continu, en page de droite ; des exploitations pédagogiques qui leur
correspondent sont proposées en page de gauche et en plus petits caractères.
En fonction de leur nature, les exploitations pédagogiques sont signalées par un sigle :
v activité de groupe : « jeu », mise en situation…
1 activité basée sur l’observation : comparaison entre deux animaux…
article de revue scientifique qui peut être étudié (sous forme de travail personnel, avec
présentation orale…) par les élèves terminant le cycle Secondaire, où l’enseignant trouvera
des exemples ou pourra approfondir un sujet
Le fil conducteur de l’exposition, celui qui unit ses deux thèmes : l’alarme et le
camouflage, c’est la communication animale, et plus particulièrement ici les
communications visuelles (car il existe des signaux d’alarme dans le règne animal qui
utilisent d’autres canaux sensoriels, mais ils ne sont pas traités dans l’exposition).
Autre point commun : ces signaux visuels trouvent tous leur origine dans les
relations qu’entretiennent proies et prédateurs. Ils ont pu se développer grâce au fait
qu’ils apportaient, à l’un ou à l’autre, un bénéfice ; élément déterminant dans le
mécanisme de l’évolution des espèces.
C’est tout ce contexte que nous allons explorer dans ce premier chapitre : en
quoi alarme et camouflage sont-ils des communications ?, comment prédateurs et
proies communiquent-ils ? comment la communication peut-elle évoluer ? Ce sont là
quelques-unes des questions auxquelles nous allons fournir des éléments de réponse.
« Alarme » et « camouflage » : voilà bien deux mots qui évoquent dans l’imaginaire
de l’homme moderne (et notamment de l’élève) de nombreuses réalités de la vie quotidienne.
Il est fondamental de les mettre à plat avant de se lancer dans l’utilisation du même
vocabulaire pour décrire les phénomènes observés dans la nature.
Prenons l’exemple d’un poisson, dont une nageoire s’est transformée pour prendre
l’aspect d’un petit ver, qui gigote, afin d’attirer d’autres poissons, proies du premier.
v Notions intuitives
Demandons à chacun d’écrire sur un bout de papier les premiers mots (ou de traduire en quelques
mots les premières images) qui lui viennent à l’esprit lorsqu’on prononce le mot :
A) alarme : alarme incendie, antivol, appel aux secours… sont les notions qui se présenteront
spontanément ;
B) camouflage : on s’attend ici à recueillir essentiellement le vocabulaire lié aux tenues et matériels
militaires, mais aussi les notions de maquillage, de dissimulation, de tromperie…
Après avoir passé en revue toutes les propositions obtenues, on pourra en dégager que :
A) toutes les alarmes sont constituées de signaux destinés à prévenir, à avertir d’un danger,
d’une menace.
B) les camouflages consistent tous à modifier l’apparence (les signaux) d’un individu ou d’un
objet, mais on pourrait y reconnaître deux objectifs bien différents : le fondre dans son
environnement OU le faire passer pour un autre. Ainsi, pour prendre des exemples
militaires : les tenues kakis classiques dans le premier cas, les faux chars irakiens de la
« guerre du Golfe » dans le second.
Recherche au dictionnaire
La consultation de dictionnaire(s) permettra de confirmer que les concepts d’alarme et de camouflage
qui ont été dégagés intuitivement, sont conformes aux définitions usuelles de ces termes.
Petit Robert (1994)
ALARME : (…) signal avertissant d’un danger ; donner l’alarme : lancer des avertissements
quant à des dangers menaçants
CAMOUFLAGE (au figuré) : le fait de cacher en modifiant les apparences ; CAMOUFLER :
déguiser de façon à rendre méconnaissable ou indécelable
Larousse encyclopédique (1994)
ALARME (it. All’arme !: aux armes !) : appareil, dispositif destiné à prévenir d’un danger ;
donner l’alarme : prévenir d’un danger
CAMOUFLAGE : art de dissimuler du matériel de guerre, des troupes à l’observation ennemie ;
dissimulation, déguisement ; CAMOUFLER (ancien français camouflet : fumée) : rendre
quelque chose méconnaissable ou invisible
Nous utiliserons pour notre part uniquement les termes camouflage et mimétisme
dans leur sens le plus strict, à savoir:
- camouflage : ressemblance entre une espèce et son environnement (ou un élément de
son environnement), tendant à la fondre dans celui-ci
L’imitation porte donc sur des caractéristiques qui sont neutres pour le récepteur (voir plus
bas), prises en général sur un élément inanimé (caillou, ciel…) ou végétal du milieu.
- mimétisme : imitation, par une espèce, d’une autre espèce animale, tendant à assurer
une confusion avec celle-ci
L’imitation porte donc sur des signaux qui permettent au récepteur de reconnaître l’espèce
imitée, de la distinguer de l’environnement neutre pour lui.
Et l’alarme dans tout cela ? Ce terme n’a pas de signification scientifique particulière,
on peut également le définir par sa fonction : avertir d’un danger, par l’utilisation de
signaux de communication particuliers.
Il ne faut pourtant pas perdre de vue qu’avec ce sens très large, l’alarme recouvre des
communications de nature (acoustique, chimique…) et de significations très différentes (voir
3) ; l’exposition « Alarme & camouflage » n’aborde que quelques cas d’alarme visuelle, en
particulier les colorations d’avertissement et les mimétismes qui y sont liés.
Soulignons donc d’emblée que l’alarme peut faire appel à certaines formes de
mimétisme, mais pas nécessairement ; tandis que le camouflage pas, puisque c’est somme
toute la stratégie inverse du mimétisme (tel que nous l’avons défini).
Le vocabulaire scientifique
Comparer les définitions trouvées précédemment avec les définitions scientifiques des mêmes termes.
Rechercher des exemples d’autres termes qui, en biologie, ont un sens plus restreint que leur sens
usuel : veine, fruit…
Quand un animal utilise un signal pour en avertir un autre (l’alarme), quand un animal
supprime les signaux qui permettraient à un autre de le reconnaître et reproduit ceux de son
environnement (le camouflage), on est en plein dans des situations où intervient la
communication.
Ce dernier doit bien sûr être capable de percevoir le signal ; les possibilités de
communication et la nature des signaux utilisés entre deux espèces dépendent donc très
fortement des capacités sensorielles des récepteurs (mais aussi du milieu fréquenté,
influençant la faculté de dispersion du signal…).
Quant à l’émetteur du signal, il se peut très bien qu’il soit incapable de percevoir lui-
même les signaux qu’il émet ! Par exemple, il nous est tout à fait possible de communiquer
avec un chien grâce à des ultrasons, en utilisant un sifflet adapté, alors que nous ne sommes
pas sensibles à ces gammes de fréquence. Et on retrouve de telles situations dans la nature
(voir 1.4).
Pour que la communication soit réelle, il faut aussi qu’elle soit codifiée. Chez
l’humain, cela se traduit par le fait que le récepteur « comprend » la signification que
l’émetteur a mise dans le signal. Pour l’animal, par le fait qu’un signal donné :
- est produit par l’émetteur dans une situation donnée (mais de manière
« probabiliste » : ce n’est pas prévisible à 100% car de nombreux facteurs
interfèrent, notamment son « état motivationnel ») ;
- modifie de manière prévisible (toujours de manière probabiliste) le comportement
de l’individu récepteur.
Le comportement d’un animal est en partie sous la dépendance de signaux qui lui
viennent de l’extérieur, en partie aussi sous la dépendance de facteurs endogènes (état
hormonal…) qui déterminent son état motivationnel (qui fait par exemple qu’un serpent repu
ne poursuivra pas la proie potentielle qui passe devant lui). Lorsqu’un stimulus externe peut
provoquer une réponse donnée chez un animal, sous forme d’un acte comportemental, on
l’appelle un stimulus déclencheur.
Les signaux de communication sont donc des stimuli déclencheurs, produits par un
individu pour orienter le comportement d’un autre individu.
* Exemple : texte extrait de FINBERT, E.J., 1957.- Les plus belles histoires d’oiseaux. Fayard.
« Pour contrecarrer les attaques des aigles et en général de tous les oiseaux de proie, les oiseaux de moindre
envergure ont acquis des moyens de défense appropriés. Lorsqu'ils voient un aigle croiser au-dessus d'eux, s'ils
ne peuvent se dissimuler dans les arbres, haies, buissons ou bois, on les voit s'assembler en grand nombre et
poursuivre leur ennemi; ils s'exposent ainsi à un danger certain, mais par leur nombre, les changements
perpétuels de direction de leur vol, ils jettent leur assaillant dans une telle confusion qu'il est bien incapable
d'arriver à ses fins, et après avoir usé de toute sa science et de toute son adresse, il est fréquemment contraint
d'abandonner sa chasse.
Cependant, si farouche et cruel qu'il soit, l'aigle montre néanmoins, en de très rares circonstances, une générosité
qu'on a peine à imaginer.
Un aigle africain ne permettait à aucun grand oiseau de vivre à proximité de son aire. Mais il souffrait que les
petits oiseaux résidassent dans son voisinage, et même qu'ils perchassent sur son nid sans commettre à leur égard
aucune violence. Mieux encore, il les protégeait contre les attaques des autres rapaces… »
petite tortue
Aglais urticae
paon de jour
Inachis io
1.4 Les communications visuelles
Il est vrai que le camouflage fait très largement appel à ceux-ci. N’oublions cependant
pas qu’il peut aussi avoir des aspects acoustiques, chimiques, ou vibratoires, par exemple. En
effet, face à un prédateur ou à une proie sensible à certains sons, « odeurs » (molécules
présentes dans l’air ambiant, ou l’eau), ou vibrations mécaniques du support, il peut s’avérer
tout aussi important de ne pas être repérable de cette manière-là. Cependant, pour de tels
canaux sensoriels, le camouflage consiste surtout à masquer ses propres signaux (ne pas
produire de sons, ou en produire qui ne sont pas localisables facilement… ; ne pas produire
d’odeur ou vibration repérable), plutôt qu’à émettre un signal spécifique qui imite un élément
de l’environnement. Nous verrons au point 5 qu’il existe de nombreux exemples d’imitations
de signaux acoustiques, chimiques et vibratoires, mais il s’agit alors de mimétismes (dans le
but d’attirer une proie ; ou pour un commensal, de vivre au sein du nid d’un hôte…) et non de
camouflages au sens donné ici.
Quant à l’« alarme », elle peut faire appel à des signaux visuels, acoustiques,
chimiques… Ce n’est cependant pas le cas dans les situations qui nous occuperont ici, à savoir
les alarmes proie → prédateur (voir 3.1). Ici encore, il y a prépondérance des signaux visuels.
Comme nous l’avons déjà signalé, la nature des communications utilisées entre deux
animaux dépend fortement des capacités sensorielles du récepteur ; une communication
visuelle ne pourra être destinée qu’à une espèce possédant une vision développée. Alors que
l’émetteur du signal peut, lui, en être dépourvu. C’est bien sûr le cas dans la communication
visuelle entre un végétal et un animal. Nous verrons dans le chapitre consacré au camouflage,
et dans celui consacré aux différents types de mimétismes, que de nombreuses plantes
exhibent des signaux basés sur la forme et la couleur, visuels donc, alors qu’elles ne
perçoivent pas elles-mêmes de tels signaux (les plantes sont bien entendu sensibles à la
lumière, mais pas comme élément de communication).
L’espèce humaine, elle, présente des capacités visuelles étendues : nous distinguons les
formes, les mouvements, les couleurs… de l’environnement et des animaux. Caractéristiques
grâce auxquelles certains nous apparaissent être remarquablement camouflés, et d’autres
particulièrement visibles.
primevères violettes
digitale pourpre
1.5 Les couleurs et leur perception
Nous détaillerons spécialement le cas des couleurs, car elles interviennent beaucoup
dans l’ « alarme » dont il est question ici, et dans le camouflage — spécialement dans le risque
d’anthropocentrisme quand on désire étudier celui-ci.
On sait d’ailleurs que la majorité des mammifères, contrairement à nous, n’ont pas
accès à ce genre de sensations car leur rétine ne comporte qu’un seul type de pigments
récepteurs (pour 3 types principaux chez Homo sapiens). Ils ne voient donc pas « en
couleurs », mais perçoivent visuellement l’environnement comme s’il était composé de
différentes nuances de gris.
Les oiseaux, et certains reptiles au moins, semblent avoir une vision des couleurs
proche de la nôtre : ils ont également 3 types de pigments rétiniens, dont la sensibilité aux
longueurs d’onde est voisine des nôtres. Parmi les poissons, les Téléostéens (soit la majorité)
ont également une vision « en couleurs ». Les crustacés aussi, mais probablement très
différente de la nôtre puisque 10 types de récepteurs ont été mis en évidence chez eux !
Parmi les insectes, c’est l’abeille domestique qui a de loin été la mieux étudiée. Elle
dispose de 3 pigments rétiniens principaux. Son spectre visuel est cependant différent du notre,
par rapport auquel il est décalé vers les courtes
longueurs d’onde : de 300 à 700 nanomètres
environ pour l’abeille, pour 400 à 750 nm
environ dans l’espèce humaine. Elle perçoit
donc des radiations qui nous sont invisibles,
dans les ultraviolets, tandis qu’elle est
incapable de distinguer ce que nous appelons le rouge (qui lui apparaît comme gris foncé ou
noir). L’U.V. est donc pour cet insecte une « couleur » particulière, et c’est même celle qu’elle
perçoit le mieux : c’est la plus claire et la plus éclatante de son spectre. À l’autre bout de son
spectre, sa discrimination des couleurs est beaucoup moins bonne : le rouge-orangé, le jaune et
le vert se ressemblent bien plus pour l’abeille que pour nous. Ses 3 couleurs fondamentales
correspondent au jaune (588 nm), au bleu (440 nm) et à l’U.V. (360 nm) ; comme pour nos
couleurs fondamentales (rouge 700 nm, vert 546 nm, bleu-violet 436 nm), leur mélange donne
un blanc. Comme chez l’homme également, le mélange de deux radiations situées à l’extrême
du spectre génère une couleur nouvelle (homme : violet + rouge = pourpre ; abeille : UV+
jaune = « pourpre des abeilles », que nous ne connaissons pas).
La vision des couleurs de l’abeille repose donc sur les mêmes principes que la nôtre,
mais diffère dans les gammes perçues ; par contre sa vision des formes (beaucoup moins
précise que la nôtre) et des mouvements (auxquels elle est très sensible) est différente de nos
perceptions, même dans son principe. Ce qui vient d’être dit pour l’abeille est vrai, dans les
grandes lignes, pour beaucoup d’insectes ; mais peut varier dans le détail (certains perçoivent
bien le rouge…).
L’abeille voit donc le monde d’un autre œil que nous ; et inversement nous ne sommes
pas capables de percevoir toute un série de choses auxquelles elle est sensible. Par exemple,
certains signaux de communication que les plantes entomogames (dont la pollinisation est
assurée par les insectes) émettent, vers les abeilles et autres pollinisateurs. Il s’agit notamment
de taches et de lignes, qui guident les insectes vers la source de nectar au sein de la fleur ;
certains sont visibles pour nos yeux humains (mais différemment de la façon dont l’abeille les
voit ; par exemple, les taches oranges à la base des pétales jaunes de la primevère acaule
Primula acaulis), d’autres pas du tout car ils réfléchissent les U.V. auxquels nous sommes
insensibles. Ainsi, les pétales de l’onagre (Oenothera biennis) ont pour nous une coloration
jaune tout à fait uniforme, tandis que l’abeille y voit des lignes très marquées partant de la
base, et une tache à celle-ci.
Deuxième expérience
Matériel : comme précédemment, plus un papier noir, un blanc, et un assortiment de gris de différentes
intensités, avec un maximum d’intermédiaires possibles
1°idem
2° idem, en disposant autour du carré bleu tous les gris, au hasard
3° observer le comportement de la première abeille qui se présente
4° après son départ, changer la position du papier bleu parmi les gris
5° observer
6° recommencer tout le processus, à un autre endroit, avec le papier jaune au lieu du bleu
Variantes
- Par exemple, mener en parallèle avec 3 groupes d’élèves, placés en 3 endroits éloignés (qui seront
visités par des abeilles différentes), une expérience sur la couleur bleue, une sur le jaune et une sur le
rouge. Dans ce dernier cas, les abeilles viennent aussi survoler le gris foncé ou le noir.
- Il vaut mieux utiliser de l’eau sucrée, qui n’a pas l’odeur forte du miel, le comportement de recherche
de nourriture des abeilles étant fortement influencé par les « odeurs ».
- Placer sur tous les carrés un verre de montre, avec ou sans eau sucrée.
Cette exposition aurait pu être sous-titrée : « Comment les proies se jouent de leurs
prédateurs… et inversement ! ». Les mécanismes qu’elle présente sont effectivement tous
destinés à influencer l’efficacité de la prédation : soit à l’augmenter, au bénéfice du prédateur,
soit à la réduire, au bénéfice des proies. Et c’est la prédation elle-même, puissant facteur de
sélection naturelle, qui constitue un moteur essentiel de leur évolution.
Dans les interactions prédateurs-proies, un point important à souligner est qu’au sein
d’un écosystème, les espèces sont impliquées dans des réseaux trophiques (ensembles de
« chaînes alimentaires ») complexes, et qu’il peut être très réducteur de considérer une espèce
X uniquement comme « un prédateur » ou uniquement comme « une proie ».
Il n’y a que pour les P, les C1 et les D que les choses sont simples : leurs signaux de
camouflage sont toujours dirigés vers les C>1. Les plantes et les décomposeurs parce qu’ils
n’ont pas de « proies » vivantes (sauf les plantes carnivores ; mais celles-ci doivent attirer
leurs proies et non se cacher d’elles : elles utilisent donc beaucoup le mimétisme, et non le
camouflage !), les phytophages parce que leurs « proies », les végétaux, ne sont pas sensibles
aux communications visuelles (ils ne doivent donc pas se cacher d’elles).
Par contre, pour tous les niveaux trophiques supérieurs aux C1, autrement dit pour tous
les prédateurs, il faudra toujours se poser la question de savoir si les signaux de camouflage
s’adressent à (certaines de) leurs proies ou à (certains de) leurs prédateurs, ou aux deux. Alors
seulement on pourra émettre des hypothèses quant à sa fonction, sa valeur adaptative, et
comprendre comment il a pu évoluer.
Des recherches en ce sens ont été menées sur le camouflage des femelles de plusieurs
espèces d’araignées appartenant toutes à la famille des araignées-crabes, les Thomisidae,
et qui ont en commun leur méthode de chasse : elles se tiennent à l’affût dans les fleurs,
immobiles, et attendent qu’un insecte butineur les frôlent pour s’y attaquer.
Sur les fleurs qu’elles choisissent préférentiellement, elles apparaissent pour nous très
bien camouflées par leur couleur : rose pour Thomisus onustus qui se tient dans les fleurs
roses des bruyères, blanc à jaune (possibilité de changer de couleur en quelques jours)
pour Misumena vatia qu’on trouve beaucoup sur les composées et ombellifères de ces
couleurs.
Pour la première espèce, une étude récente (Nature du 10.01.2002) du spectre de
longueurs d’onde renvoyé par l’araignée et par ses supports, et une modélisation de sa
représentation dans les systèmes visuels des insectes et des oiseaux, a montré que ce
camouflage pouvait effectivement fonctionner à la fois vis-à-vis de ses proies et de ses
prédateurs. Des travaux plus anciens avaient montré que d’autres araignées-crabes,
blanches pour nous, étaient par contre très visibles sur des fleurs blanches par les
abeilles.
Il faut donc étudier le camouflage au cas par cas, le replacer dans le contexte des
relations prédateurs-proies : dans la nature, de quoi se nourrit l’espèce considérée, et qui s’en
nourrit ? Et quelles sont les perceptions sensorielles de chacun, en se méfiant de tout
anthropocentrisme.
Les alarmes et les camouflages vont utiliser des signaux, ou masquer des signaux, qui
sont des stimuli déclencheurs intervenant dans les relations prédateurs-proies :
- pour le camouflage proie → prédateur : les stimuli qui attirent un prédateur vers
un élément particulier et lui permettent de l’identifier comme une proie
potentielle ;
- pour le camouflage prédateur → proie : les stimuli qui provoquent la fuite d’une
proie ;
- pour l’alarme proie → prédateur : les stimuli qui poussent un prédateur à éviter
une proie potentielle.
Ces stimuli peuvent être très différents d’un groupe taxonomique à l’autre, toujours en
fonction de leur arsenal sensoriel. On peut retenir comme grande tendance que le mouvement
a beaucoup d’importance chez les invertébrés, dont la vision des formes est peu précise (la
mouche ne craint pas une main immobile, mais s’enfuit dès qu’elle bouge), que les
mammifères utilisent beaucoup leur odorat, par exemple.
Chez les invertébrés, ils ont une forte composante innée ; chez de nombreux vertébrés,
ils ont une base innée mais peuvent être modulés par l’expérience, des apprentissages…
Examinons, par exemple, un type de comportement de recherche de nourriture qu’on retrouve
chez un oiseau plutôt omnivore, comme le geai (Garrulus glandarius).
proie est, à ce moment, intéressante pour lui : si le rapport coût/bénéfice de sa recherche est
avantageux. Si, dans le même temps, les glands sont nombreux, faciles d’accès et fournissent
une nourriture plus riche, le geai ne recherchera pas spécifiquement ces chenilles difficiles à
trouver.
C’est donc le hasard qui est à l’origine d’un caractère nouveau ; s’il apporte un
bénéfice plus élevé que son coût, il pourra être conservé (même s’il est neutre) et se répandre.
Dans ce rapport coûts / bénéfices, on retrouve la notion de sélection naturelle que
Charles Darwin avait mise en évidence. Ce sont les animaux « les plus aptes » à s’adapter aux
conditions du milieu, à trouver de la nourriture, à échapper à leurs prédateurs et parasites, à se
reproduire… qui auront le plus de chances de transmettre leurs gènes à la génération suivante
(on parle d’« aptitude darwinienne »).
Nous avons laissé de côté jusqu’ici les cas d’évolution culturelle. Ils n’entrent pas en
contradiction avec les principes énoncés. Ils naissent par hasard : par exemple, une mésange
en quête de nourriture découvre qu’elle peut percer les capsules des bouteilles de lait et que
de la nourriture se trouve dessous (la crème). D’autres mésanges imitent ce comportement.
Comme il est avantageux (nourriture riche trouvée sans consommer beaucoup de temps ni
d’énergie), rien ne s’oppose à ce qu’il se répande dans la population de mésanges. C’est ce
qui s’est passé en Grande-Bretagne – où les laitiers déposent chaque matin des bouteilles de
lait frais sur le seuil des maisons – il y a quelques années. Mais cela ne veut pas dire pour
autant que ce comportement est passé dans les gènes de l’oiseau ! La transmission se fait ici
uniquement par apprentissage imitatif.
2 Petit manuel de camouflage
Cryptisme est le terme que nous utiliserons ici comme synonyme de camouflage ; il
est bien défini scientifiquement mais aussi connu des dictionnaires courants.
Larousse encyclopédique (1994)
CRYPTIQUE : qui a pour effet de dissimuler un animal lorsqu’il est dans son milieu habituel
On parle aussi de mimèse, terme trop peu usité et que nous ne retiendrons donc pas.
La forme la plus simple d’homochromie est présente chez les animaux dont la couleur
générale rappelle simplement la coloration dominante de leur environnement habituel. C’est
le cas pour de nombreuses espèces généralistes, dont les exigences en termes d’habitat sont
réduites et qui, au sein d’un écosystème donné, peuvent occuper des supports variés.
Certaines d’entre elles sont capables d’adapter dans une certaine mesure,
individuellement, leur couleur à celle de leur support du moment ; elles conservent ainsi une
amplitude d’habitat et de choix du support assez large, tout en améliorant potentiellement
l’efficacité de leur camouflage.
Les exemples les plus célèbres d’animaux capables de changer de couleurs restent les
caméléons, et on ne pourra évoquer la question sans parler d’eux. Une occasion à ne pas rater
d’ailleurs, car elle permettra notamment d’aborder les autres fonctions que peuvent remplir les
colorations dans le règne animal. En effet, les caméléons utilisent également des changements
rapides de couleurs dans le cadre de communications intraspécifiques : pour signaler leurs
« changements d’humeur » à d’autres individus de la même espèce.
Cette faculté est présente chez pas mal d’autres espèces, comme des poissons plats
vivant sur le fond de la mer (sole, plie), des araignées, des insectes, des crustacés, des
céphalopodes… mais vitesse (en quelques heures à quelques jours) et ampleur des variations
de couleur sont très variables.
On voit donc que l’homochromie, si elle présente des avantages certains, peut aussi
avoir un coût pour l’animal : il est contraint de rechercher les supports adéquats, et de s’y
cantonner.
Exemples d’homochromie
http://www.starfish.ch/frogfish/Frogfish.html
Un site Internet de plongeur sous-marin accro aux antennaires passe en revue de façon approfondie la
biologie de ces poissons, présente de nombreux clichés très parlants concernant leurs mimétismes et
leur homochromie, les dessins de l’article ci-dessus… À conseiller mais en anglais (très abordable).
http://www.lesphasmes.free.fr/arthropodia et www.earthlife.net/insects/phasmids.html
Sites consacrés aux phasmes, phyllies, mantes… conseils d’élevage, illustrations, biologie
La ressemblance entre la forme d’un animal et celle d’un élément de son milieu
habituel est appelée homomorphie ; quand homochromie et homomorphie se combinent chez
un même animal, on parle d’homotypie.
Si la gamme d’objets imitables par le règne animal est vaste, il n’est évidemment pas
question pour un insecte de prendre la forme d’un arbre entier. Mais à part cette limite de
taille, on constate que l’évolution a su faire preuve d’une imagination débordante pour donner
à telle ou telle espèce l’aspect d’un élément végétal ou minéral. Tout dépend bien entendu de
l’habitat occupé par l’espèce. Le camouflage dans un désert de sable n’est pas le camouflage
dans un désert de pierres !
Ce sont les feuilles vertes, feuilles mortes, rameaux et brindilles, épines de plantes…
qui constituent, dans la majorité des écosystèmes terrestres, les modèles les plus fréquemment
imités. L’exosquelette chitineux des insectes constitue assurément un avantage pour imiter de
telles structures : il permet de construire des expansions de forme très complexe ; mais on
constate que l’abdomen des araignées, dont le tégument est pourtant habituellement beaucoup
plus mou, est lui aussi capable de s’allonger en pointe, de s’étendre en lobes divers, etc..
L’homotypie peut aussi exister dans le règne végétal, donnons-en l’exemple le plus
célèbre : les Lithops, des plantes typiques de zones rocheuses arides, ont pris une forme (et
aussi des motifs colorés) en caillou arrondi, similaire à celle des pierres érodées qui dominent
leur environnement. Ceci probablement sous la pression sélective des mammifères qui les
recherchent particulièrement pour leur richesse en eau.
Plus curieuse encore à nos yeux humains est l’homotypie (combinant homomorphie,
homochromie et comportement cryptique) consistant à ressembler à… une fiente d’oiseau.
Elle est partagée par d’assez nombreux insectes et araignées se tenant sur le feuillage.
À ce propos, n’oublions pas que nombre d’espèces animales ont opté pour une activité
locomotrice (liée à la nutrition, à la reproduction…) exclusivement crépusculaire ou nocturne
– pas uniquement d’ailleurs pour éviter les prédateurs chassant à vue, mais aussi par exemple
pour limiter leurs pertes en eau (nombreux batraciens, myriapodes, gastéropodes et crustacés
terrestres…). C’est donc durant leur période d’inactivité qu’elles se trouvent exposées à la
prédation à vue, diurne (à de très rares exceptions près : en milieu marin, certains poissons
seraient capables d’utiliser leur bioluminescence pour éclairer et ainsi repérer leurs proies !).
Revenons juste encore un peu sur l’immobilité, pour signaler que les prédateurs, même
ceux qui chassent à l’approche et non à l’affût, utilisent aussi cette forme de camouflage vis-
à-vis de leurs proies.
Qui n’a vu un chat tomber en arrêt au cours de son approche d’un oiseau, dès qu’il se sent repéré ?
dessin d’après
Micha & Noiset
(1984)
L’ombre qu’un objet induit sur son support facilite la perception de son contour et
donc de sa forme, qu’elle souligne fortement ; les ombrages sont aussi déterminants dans la
perception du volume d’un objet.
Pour un animal désirant être camouflé sur une surface bidimensionnelle comme une
écorce, ou désirant qu’on le confonde avec un élément presque plan, comme une feuille
d’arbre, le masquage des ombres est donc fondamental.
L’ombrage porté autour de l’animal posé, et qui souligne son contour, est réduit ou
annulé quand l’animal applique son corps au plus près du support. On observe facilement sur
un papillon de nuit ou une cigale, en position de repos sur un tronc, que les pattes ne sont pas
tendues mais maintiennent en effet le corps tout contre l’écorce… Ce type de masquage des
ombres est donc une adaptation comportementale, une forme simple de comportement
cryptique. Un aplatissement dorso-ventral du corps le rend encore plus efficace.
Plus complexe est le masquage des ombres portées sur le corps de l’animal lui-même,
et qui soulignent son caractère tridimensionnel.
1 Imaginons un animal quelconque (ou un bouchon de liège piqué de 4 cure-dents en
guise de pattes), coloré uniformément avec la même teinte, et vivant sur le sol en position
« habituelle », le ventre tourné vers le bas et le dos vers le haut.
Eclairons notre animal par le haut uniquement. Cette lumière frappe la partie supérieure
de son corps tout en assombrissant du même coup ses parties inférieures par ombrage (et
par contraste avec le dessus plus lumineux). Son volume apparaît alors très clairement à
cause de ce dégradé d’intensité lumineuse.
Gardons le même animal, dans la même position et éclairé de la même manière, mais
peignons-le cette fois en dégradé, dans la même couleur que précédemment : claire sur le
ventre, mais s’assombrissant progressivement vers le dos. Ce dégradé, inversé par rapport
à celui que génère l’éclairage, estompe l’effet de celui-ci, et le volume de l’animal
apparaît moins net.
Ce type de masquage du volume a été bien mis en évidence chez une série de
chenilles, de Sphingidae notamment, prenant par leur homotypie diverses caractéristiques des
feuilles d’arbres (couleur verte, simulation de nervures et d’un pétiole) parmi lesquelles elles
vivent, cramponnées aux rameaux. Leur corps reste néanmoins cylindrique comme celui des
autres chenilles, ce qui s’éloigne bien entendu très fortement de la platitude des feuilles… On
constate que certaines de ces espèces présentent dans leur coloration un dégradé de teintes ;
mais que ce dégradé va du ventre foncé vers le dos clair (à l’opposé de ce qui se rencontre,
par exemple, chez beaucoup d’antilopes de la savane).
http://www.ulb.ac.be/psycho/fr/docs/museum/page.html
Musée virtuel de la perception (ULB, Faculté de Psychologie), pour d’autres explications et illustrations.
La dernière stratégie de camouflage que nous présenterons s’écarte des autres par le
fait qu’elle ne fait appel à aucune ressemblance. C’est ce que l’on appelle les colorations
disruptives, qui n’ont plus pour but d’imiter un élément de l’environnement, mais toujours
bien de fondre l’animal dans celui-ci en abusant les perceptions visuelles des prédateurs.
Elles consistent à rompre l’unité visuelle du corps, et aussi sa symétrie. En effet, les
contours réguliers d’un animal, sa symétrie bilatérale et sa forme équilibrée, homogène, ne
s’accordent pas avec les irrégularités de supports végétaux comme les écorces, ou des rochers,
ou du sol…
Deux types de motifs permettent de contrer ces caractéristiques des animaux, car ils
rendent les contours de l’animal plus difficiles à cerner, rompent sa silhouette pour qu’il ne
soit plus perçu comme un tout mais comme des éléments séparés et désorganisés :
- des taches irrégulières et disposées sans ordre, aux contours bien définis (sombres sur fond
clair…), rendent à une certaine distance la forme globale du corps moins perceptible.
C’est sur le même principe que reposent les tenues de camouflage « para-commandos »
de nombreuses armées.
De nombreux batraciens par exemple portent ce genre de motifs (la crapaud vert Bufo
viridis, absent en Belgique…) ; les taches dispersées du léopard et de nombreux autres
félins comme l’ocelot fonctionnent à peu près de la même manière.
Leur efficacité peut encore être renforcée quand des taches de couleurs vives se mêlent
à ces motifs irréguliers, car elles attirent l’œil de l’observateur qui néglige alors la forme
générale de l’animal.
Avec ces motifs disruptifs, apparaît toute l’importance d’aller étudier l’animal dans
son milieu naturel : dans un zoo ou sur une photo, ces motifs colorés sembleraient plutôt
rendre l’animal très visible, alors que dans son environnement habituel (où les conditions de
luminosité sont très importantes à considérer) elles le camouflent.
Nombre de vertébrés qui utilisent le cryptisme les masquent donc… tout en les gardant
ouverts, pour pouvoir continuer à surveiller les alentours ! Ce qui est réalisé en les incluant
dans une large bande ou tache sombre, où ils sont littéralement noyés. On trouvera de très
nombreux exemples de ceci chez les poissons notamment.
Lorsque deux espèces occupent le même habitat et une niche écologique voisine (se
nourrissent sur la même plante, sont diurnes, ont le même genre de prédateurs…), il se peut
qu’elles aient développé des camouflages voisins sous certains aspects, et donc qu’elles se
ressemblent. Il ne faut pas confondre cette situation avec le mimétisme vrai (une espèce imite
l’autre).
D’une façon générale, la ressemblance entre deux espèces vivantes peut avoir
plusieurs origines qu’il faut bien distinguer :
• elle peut être le fruit d’un pur hasard ;
• elle peut traduire une parenté : les deux espèces ont un ancêtre commun, dont ils
ont conservé certaines caractéristiques ;
• elle peut être la conséquence d’un mimétisme : l’une des espèces imite l’autre, ou
les deux s’imitent mutuellement ;
• elle peut être le fruit d’une convergence évolutive : non apparentées, ces espèces
ont développé indépendamment des adaptations similaires à une même pression de
sélection.
2.9 Conclusion
1 Convergence de camouflages
Comparer les caractéristiques de 3 oiseaux nocturnes (si possible d’après des exemplaires empaillés,
pour les détails) : chouette effraie (= effraie des clochers Tyto alba), moyen-duc et engoulevent.
Le camouflage ne constitue certes pas la seule stratégie utilisable par les proies pour
limiter l’impact de la prédation ; certaines ont développé, entre autres : une carapace
protectrice ou des moyens de défense active (épines… éventuellement associés à des
comportements de « menace ») ;des techniques de fuite : course rapide, repli dans un terrier…
Lorsque l’animal n’est pas solitaire, cette fuite est souvent combinée avec un message
d’alarme, destiné à d’autres individus de la même espèce, dont la signification peut être
traduite par « attention, danger imminent ».
- l’exhibition d’un signal visuel met son émetteur fortement en danger, car il permet aussi au
prédateur qui le verrait de localiser cette proie précisément ; ce qui n’est pas nécessairement le
cas avec des signaux acoustiques ou chimiques ;
Les cris d’alarme des oiseaux ont été bien étudiés de ce point de vue. Ceux émis à
l’approche d’un prédateur terrestre (chat…), courts et terminés brusquement, diffèrent
de ceux produits vis-à-vis d’une menace aérienne (rapace…), longs et s’atténuant
progressivement.
Leurs caractéristiques de fréquence, de tonalité… sont en réalité celles qui minimisent
les possibilités de localisation de la source du cri dans l’espace.
- un signal visuel est peu efficace lorsqu’il s’agit de transmettre un message en un minimum
de temps à plusieurs individus, car il nécessite que tous les récepteurs regardent vers
l’émetteur à ce moment précis.
Il existe quand même quelques exemples de signaux visuels utilisés dans un contexte
d’alarme ; notamment :
• Une antilope s’enfuyant devant un prédateur exhibe un « miroir » de poils blancs très
lumineux situés sur son arrière-train. Ce cas est controversé : s’agit-il d’une alarme dirigée
vers les autres antilopes (« danger ! »), ou vers le prédateur (« vous êtes repéré ! ») ?
• Les attitudes d’inquiétude des individus « sentinelles » d’un groupe, de suricates par
exemple, peuvent attirer l’attention des congénères qui se mettent à leur tour à surveiller
les alentours ; mais le signal d’alarme proprement dit, celui qui provoque la fuite ou le
repli dans un abri… est alors plutôt un cri.
Ces alarmes proie → proie peuvent même éventuellement être interspécifiques : le message
peut être compris par une espèce différente et induire une réponse comportementale analogue.
Hors période de nidification, on observe souvent dans nos régions que les bandes
d’étourneaux sansonnets (Sturnus vulgaris) se mêlent à celles des vanneaux huppés
(Vanellus vanellus) stationnés dans les prairies. Les cris d’alarme des uns peuvent-ils
être « compris » par les autres ?
D’autres animaux ne fuient jamais devant leurs prédateurs potentiels car ils ont
développé une « défense passive » : ils sont toxiques, peu comestibles en raison de leur goût,
ou potentiellement dangereux car capables de piquer ou mordre en injectant ou non du
venin…
Examinons le cas d’animaux bien connus : les bourdons, munis d’un aiguillon et
parfaitement capables d’infliger une piqûre douloureuse, si on les saisit ou les agresse. Rien,
dans le comportement de ces insectes actifs durant la journée, n’indique qu’ils cherchent à
passer inaperçus aux yeux de prédateurs éventuels. Pourtant, ils en ont !
Examinons d’abord le cas de quelques prédateurs spécialistes ; parmi nos oiseaux, par
exemple : la bondrée apivore (Pernis apivorus) est un rapace qui déterre les nids
d’hyménoptères sauvages pour en manger le couvain, son visage est couvert de petites plumes
très serrées qui lui confèrent une protection contre les piqûres de guêpes adultes ; le guêpier
d’Europe (Merops apiaster) se nourrit quant à lui d’hyménoptères adultes qu’il arrive à
capturer sans se faire piquer, et qui se débarrasse de leur aiguillon en frottant la guêpe ou le
bourdon à plusieurs reprises sur une branche… Ces prédateurs spécialisés se sont donc
adaptés aux mécanismes de défense de leurs proies.
On peut souligner le fait qu’aucun mécanisme d’évitement de la prédation n’est
efficace à 100% : il y aura toujours des prédateurs (ou des parasites, qui sont souvent
plus spécifiques) capables de déjouer les camouflages, ou de détoxifier tel ou tel
poison, etc..
Et puis il y a toute une série de prédateurs généralistes, comme certains oiseaux
insectivores, des batraciens. On a pu montrer que ces derniers ne se méfiaient pas
instinctivement des bourdons ; ce n’est qu’après une expérience malheureuse avec l’un de
ceux-ci qu’ils éviteront de capturer tout ce qui, pour eux, ressemble à un bourdon.
L’expérience est très simple dans son principe : on élève un crapaud dès le stade œuf, en le
nourrissant avec, par exemple, des vers de farine, de sorte qu’arrivé à l’âge adulte il n’ait
encore jamais rencontré de bourdon. On le fait jeûner quelques jours puis on lui présente un
bourdon vivant : il tente de le capturer, se fait piquer et le recrache. On continue à nourrir le
crapaud de vers de farine : il les accepte. Après un jeûne de quelques jours on lui présente à
nouveau un bourdon : il le refuse. De même avec un insecte qui ressemble très fort au bourdon
mais ne lui est pas apparenté : la volucelle bourdon (Volucella bombylans ; Diptère Syrphidae).
Ces expériences ne sont pas facilement reproductibles dans un contexte scolaire : elles
demandent beaucoup de temps, les animaux testés ne doivent pas être soumis à un stress
exagéré… mais on peut faire le parallèle avec des comportements que chacun aura pu
observer : un jeune chat (ou enfant) qui s’est fait piquer par une guêpe évitera par la suite non
seulement les guêpes mais tout ce qui leur ressemble…
Les plus fréquentes sont (avec un exemple d’insecte fréquent de nos régions, toxique
ou désagréable au goût ) :
- les associations jaune + noir (la coccinelle à 22 points Tytthaspis (= Thea)
vigintiduopunctata) et rouge + noir (la punaise rayée Graphosoma italicum), ou d’autres
taches claires (blanc, jaune, orange) sur fond sombre ; grâce à ce contraste très marqué, le
signal serait même perceptible pour un prédateur ayant une vision en noir et blanc ;
- le rouge vif (le cardinal, coléoptère du genre Pyrrochroa) ou l’orange vif
(coléoptères Cantharidae du genre Rhagonycha, très communs sur les ombellifères) ;
- et diverses autres couleurs lorsqu’elles sont associées à un éclat métallique (de
nombreux coléoptères Chrysomelidae).
Mais ces signaux d’avertissement ne peuvent être efficaces sur les prédateurs
incapables de les apprendre, soit parce qu’ils ne les perçoivent pas, soit parce que leurs
facultés cognitives d’apprentissage sont trop limitées. Les épeires (araignées Araneidae) si
fréquentes dans nos jardins sont probablement dans ces deux cas : chassant à l’aide de toiles-
pièges où elles repèrent leurs proies à l’aide de signaux vibratoires, elles ont des capacités
visuelles médiocres ; et leurs comportements de prédation essentiellement instinctifs ne
laissent que peu ou pas de place à l’apprentissage. On trouve d’ailleurs fréquemment à la fin
de l’été et en automne de nombreuses guêpes ou autres animaux aux colorations
aposématiques (coccinelles…) dans leurs toiles !
Rappelons aussi que contraste coloré n’est pas nécessairement synonyme de coloration
aposématique. L’association blanc + noir qu’on retrouve sur les ailes de nombreux papillons,
les écailles (Arctiidae) par exemple, est au contraire un camouflage par motifs disruptifs ! Et
nous avons déjà précisé plus haut que l’homochromie pouvait parfois consister en couleurs
très vives (orange vif de poissons ressemblant à des éponges encroûtées…).
Comme le camouflage, l’alarme devrait avant toute chose être étudiée dans le milieu
naturel de l’animal, pour déterminer si sa couleur tranche réellement avec celle de son
environnement habituel. Ainsi, la coccinelle à 22 points se nourrit de microchampignons,
surtout sur les feuilles de berce et de renoncules, qui sont vertes ; la punaise rayée vit sur des
ombellifères à fleurs blanches (ou jaunes) comme la carotte sauvage, ainsi que les
Rhagonycha. Pour un œil humain au moins, cela les rend effectivement très visibles.
1 Comparaison et lien avec des notions intuitives. Objectif : souligner le caractère frappant de
certains contrastes de couleurs, et leur rôle de communication.
« Quels sont les points communs entre certains feux de signalisation de la Région flamande et une
guêpe ? »
• Tous deux alternent les bandes jaunes et noires, ce qui les rend bien visibles, attire
l’attention et permet de les reconnaître de loin.
• Dans les deux cas, ces couleurs sont associées à un danger pour l’observateur :
l’approche d’un carrefour, un animal qui pique ; ce sont des signaux d’alarme.
Ailleurs dans le pays, les feux sont peints en rouge et blanc, autres couleurs contrastées (mais moins
que jaune + noir).
v Mise en situation. Objectif : mettre en évidence le caractère plus visible de certains contrastes de
couleurs :
1) On dispose aléatoirement dans un environnement « naturel » (parc…) des couples de blocs colorés,
style Lego, avec des combinaisons de couleurs différentes, toutes présentes en même quantité. Les
élèves sont des prédateurs qui pénètrent par groupes de deux sur ce terrain et doivent retrouver chacun
un maximum de blocs de couleurs données, dans un certain laps de temps. Redisposer les blocs
différemment après chaque groupe.
2) Version « intérieur » : scanner une image de décor végétal naturel ; y ajouter grâce à un logiciel de
traitement d’image de petits carrés allant par paires : en nombres égaux, des paires jaune+noir et
rouge+bleu par exemple. Distribuer la même image à toute la classe ; l’élève de gauche de chaque
banc devra « chasser » (pointer) le plus vite possible les objets jaune+noir, celui de droite les paires
rouge+bleu, en un laps de temps donné.
Discuter de la méthodologie pour aiguiser le sens critique nécessaire à la démarche expérimentale.
Ainsi, pour l’exemple proposé ci-dessus, il faudrait reproduire l’expérience une seconde fois, mais
avec les élèves de gauche comptant cette fois les rouge+bleu… Pour la même expérience, diviser la
classe en deux d’une autre manière : la moitié avant / la moitié arrière, n’est pas une bonne méthode :
les résultats pourraient alors plutôt traduire le fait que les élèves des premiers bancs ont une moins
bonne vue que ceux de derrière, ou que le fond de la classe est moins bien éclairé (ou peuplé d’élèves
plus dissipés…). On peut demander aux élèves d’imaginer leur propre expérience et la discuter de
même.
À partir du moment où une espèce est évitée par les prédateurs en réponse à sa
coloration aposématique, il peut être intéressant pour une autre espèce, victime des mêmes
prédateurs, d’imiter ce signal de communication, car elle pourra dès lors bénéficier de la
même protection. On a alors affaire à une imitation entre deux espèces animales, autrement
dit à du mimétisme vrai. L’espèce imitée est appelée le modèle, et l’espèce qui imite est le
mime.
Lorsque le mime n’est pas lui-même toxique, désagréable au goût, vulnérant, etc., en
un mot, lorsqu’il ferait une proie tout à fait convenable, on parle de mimétisme batésien. Si les
deux (ou plus de 2) espèces de proies impliquées dans l’imitation sont non comestibles ou
dangereuses, on parle de mimétisme mullérien.
Mais attention : toutes les ressemblances, même si elles concernent des couleurs
aposématiques, ne sont pas nécessairement le reflet d’un mimétisme !
Nous avons déjà évoqué plus haut les différentes sources possibles de ressemblance
entre deux espèces : le pur hasard, la parenté, la convergence, et l’imitation. Chacune de ces
causes peut être à l’origine du fait que deux espèces portent la même coloration
d’avertissement.
La condition sine qua non pour qu’une imitation ait bel et bien pu se développer grâce
à la sélection naturelle, c’est qu’elle doit apporter un bénéfice au mime. Ce bénéfice consiste
ici en une diminution de la prédation par les prédateurs qui ont déjà eu une expérience
malheureuse avec le modèle. Mimétismes batésien et mullérien n’existent donc qu’entre
espèces qui ont une partie au moins de leurs prédateurs en commun !
Pour des espèces non apparentées, la probabilité d’avoir affaire à du vrai mimétisme
augmente quand il s’agit d’une ressemblance détaillée, portant sur de nombreuses
caractéristiques différentes (morphologiques, comportementales), et pour lesquelles on a du
mal à trouver d’autre fonction que celle d’accentuer la ressemblance avec une autre espèce.
Vespula germanica et Vespula vulgaris sont deux guêpes qui se ressemblent étroitement ; même si
l’origine de cette ressemblance ne doit pas être recherchée dans une imitation, le mimétisme mullérien
pourrait quand même jouer entre elles, et contribuer à ce qu’elles conservent un aspect très voisin.
3.4 Le mimétisme mullérien
Décrit pour la première fois par un certain Müller, il consiste donc en une
ressemblance étroite entre deux ou plus de deux espèces (on parle alors de « système
mullérien »), toutes protégées par leur caractère dangereux (toxicité, dard…) ou
immangeable.
Dans les mimétismes mullériens les plus aboutis (notamment chez des Coléoptères et
Lépidoptères tropicaux), mimes et modèles sont visuellement quasi impossibles à distinguer.
On constate aussi qu’il s’agit alors d’espèces monotypiques : dont la variabilité géographique
est faible.
Mais il faut souligner qu’il existe une gradation entre mimétismes batésien et
mullérien : dans de nombreux cas, le mime n’est pas aussi toxique que le modèle, ce qui a des
conséquences importantes sur la façon dont le système peut évoluer.
Décrit pour la première fois par H. W. Bates, il consiste donc en une ressemblance
étroite entre deux espèces, le modèle protégé par son caractère dangereux (toxicité, dard…)
ou immangeable, et le mime qui est parfaitement comestible.
Il peut porter sur les couleurs aposématiques bien sûr, mais aussi sur les formes de
l’animal, son comportement, voire même les sons qu’il produit (bourdonnement des ailes des
guêpes…).
S’il l’on ne tient compte que de ces facteurs-là, le mimétisme batésien ne pourrait
donc se développer que pour les espèces mimes qui sont plus rares (et capables d’évoluer plus
vite) que leurs modèles : le mimétisme batésien est dépendant de la densité.
3.6 Conclusions
Pour une espèce qui dispose d’une « défense passive », il peut donc être avantageux de
s’afficher par des colorations très voyantes. Cette exposition aux regards a cependant aussi un
coût : une partie des individus succombera sous la dent des prédateurs « naïfs » (qui n’ont pas
encore appris leur toxicité), ou incapables de percevoir leurs signaux d’avertissement, ou trop
affamés pour en tenir compte.
On trouve ceci chez divers batraciens notamment, comme les sonneurs (genre
Bombina) au dos gris ou brun homochrome de la terre du bord des mares où ils vivent, mais au
ventre jaune ou rouge + noir, coloration aposématique typique associée au caractère toxique de
leurs sécrétions cutanées (avec la salamandre, ce sont les amphibiens les plus répugnants de
nos régions pour les prédateurs). Inquiété par un prédateur ou par l’homme, un sonneur
commencera par replier ses pattes et cambrer son dos pour exposer le dessous de ses membres
au regard, si on insiste il peut aller jusqu’à se retourner sur le dos complètement.
« jeu » 1
les élèves travaillent en x groupes ; il faut donc disposer de x ensembles de cartes ;
on les distribue mélangées à chaque groupe
1° former des paires de cartes en rassemblant les animaux apparentés, les aligner verticalement
2° placer à gauche les espèces comestibles, à droite les autres
Quel est le point commun entre tous les animaux placés à droite ? Les couleurs contrastées.
Exemple de résultat :
Æ 1
contient du cyanure
Classe : Insectes Classe : Insectes
Ordre : Hyménoptères Ordre : Coléoptères
guêpe
mouche à scie
1
Æ piqûre gênante ou
dangereuse
« jeu » 2
distribuer à chaque paire d’élèves une paire de fiches (non illustrées)
1° chaque élève recherche dans les ouvrages à disposition les couleurs dominantes de l’animal qu’il
représente
2° il choisit des vêtements, ou une casquette, une écharpe… de couleurs correspondantes (mais il est
difficile d’en réunir suffisamment !; cela peut être aussi des blocs de construction pour enfants style
Lego)
Que constate-t-on ? Au sein de chaque paire d’animaux, il y en a un très coloré ; c’est toujours le non
comestible.
4 EFFRAYER UN PREDATEUR
À côté de la stratégie utilisant des colorations d’avertissement, il en est une autre qui
utilise aussi un signal visuel et qui ressemble à une alarme, mais qui fonctionne sur un autre
principe et avec un objectif différent.
Mais il est normalement caché lorsque l’animal est en position de repos (chez les
papillons, il est situé sur la 2e paire d’ailes, cachée sous la première) ; ce n’est que lorsqu’un
prédateur approche et se fait trop menaçant que la proie l’exhibe, très soudainement. Ce qui
provoque un effet de surprise chez le prédateur, qui peut suffire pour que la proie s’échappe.
Dans certains cas, le prédateur saisi reculera même, ou ira jusqu’à s’enfuir. Cela a été constaté
avec des oiseaux au moins.
L’effet que ces ocelles provoquent reposerait sur la crainte instinctive que beaucoup
d’animaux éprouvent lorsqu’un regard est braqué sur eux. Des expériences ont en tout cas
montré que les cercles concentriques sont plus efficaces que tout autre dessin, et que plus la
forme des ocelles imite de détails typiques des yeux, plus ils sont efficaces.
Cependant, le prédateur ne s’y laisse pas prendre longtemps : s’il peut observer le
signal durant un temps suffisant, celui-ci perd sa signification et la proie est capturée sans
hésitation ! Il est donc caché la plupart du temps et, si le prédateur n’a pas fui immédiatement
lorsqu’il a été produit, la proie est mise en péril.
Ces situations rappellent aussi fortement les comportements de menace, qui sont
également basés sur une communication de la proie vers le prédateur.
5 SYNTHESE
Dans le camouflage (tel que défini au départ) par contre : au sein d’une interaction
prédateur-proie donnée, le signal
• peut être émis par le prédateur ou par la proie ;
• peut être destiné à la proie ou au prédateur ;
• peut être traduit par « je suis un élément du milieu, pas une proie potentielle ou un
prédateur » ;
• peut avoir pour fonction d’augmenter l’efficacité de la prédation (au bénéfice du
prédateur), ou de diminuer la prédation sur la proie.
6 DE MULTIPLES AUTRES MIMETISMES
Cette stratégie est brièvement évoquée sur les panneaux de l’exposition. Elle est
utilisée par des animaux (insectes mais aussi poissons) qui présentent de faux yeux,
éventuellement associés à d’autres structures comme des expansions du corps qui rappellent
des antennes, des pièces buccales, voire même la forme d’une tête entière.
Face à ces signaux, fréquemment plus visibles que la véritable tête, le prédateur peut
diriger son attaque vers le leurre, épargnant du même coup la vraie tête qui est plus vitale à
l’animal. Chez les papillons par exemple, la fausse tête est visible à l’extrémité postérieure
des ailes, lorsque celles-ci sont fermées ; dans nos régions, on trouve beaucoup de ces
papillons (théclas notamment), en fin de saison, dont cette partie des ailes est abîmée, portant
des traces possibles des attaques manquées des prédateurs… qui ne l’ont pas empêché de se
reproduire ! Chez les poissons, les faux yeux sont généralement à la base de la queue.
Des comportements particuliers des proies sont souvent associés à ces imitations :
poisson nageant « en marche arrière », papillon remuant les ailes à l’approche du prédateur…
sont des artifices susceptibles d’augmenter encore la confusion sur la localisation de la tête.
Notons que l’on s’éloigne de la définition du mimétisme que nous avons adoptée,
puisqu’il n’est pas question ici d’une ressemblance avec une autre espèce ! De même pour
certains oiseaux nichant au sol, comme les pluviers et gravelots qui, à l’approche d’un
prédateur (renard, homme), s’éloignent de leur nid en criant et simulant une blessure (aile
pendante, démarche boitillante) : le but est d’attirer l’attention du prédateur par ces signaux et
de le détourner de leur progéniture. Il y a imitation de signaux par lesquels les prédateurs
repèrent leurs proies, mais pas d’une autre espèce animale en particulier !
6.2 Attirer une proie
Cette stratégie, appelée mimétisme peckhanien, n’est pas évoquée dans l’exposition.
1) Les antennaires, des poissons par ailleurs camouflés, ont une nageoire transformée
qui imite la forme et les mouvements d’un ver, d’un poisson, d’un crustacé (suivant l’espèce
d’antennaire considérée), ce qui leur permet d’attirer leurs propres proies : différentes espèces
de poissons qui consomment vers, petits poissons ou crustacés… ;
3) Chez les poissons : la blennie dévoreuse (Aspidontus taeniatus) est très semblable
en forme et en coloration au labre nettoyeur Labroides dimidiatus, qui a développé des
relations de commensalisme avec divers poissons : quand le labre nettoyeur adopte certaines
positions particulières, ces poissons s’en approchent et laissent le labre les débarrasser de
leurs parasites externes (jusqu’à l’intérieur de la cavité branchiale). La blennie imite forme et
comportements du labre nettoyeur… mais mord les poissons qu’elle a attirés !
4) Chez les vers luisants (Coléoptères Lampyridae), la femelle au sol émet des
signaux lumineux aux caractéristiques spécifiques (fréquence, durée des flashes, heure…),
destinés à attirer les mâles volants de la même espèce. Certains vers luisants américains
(Photuris versicolor) sont capables d’imiter les signaux produits par diverses autres espèces,
pour en attirer les mâles… aux fins de les dévorer !
Essayer sur différents types de toiles : horizontales en nappe, verticales en roue de vélo, etc.. Certaines
espèces répondent très bien, d’autres pas du tout…
Nous avons déjà parlé de certaines communications visuelles que les végétaux
entomogames ont développées vis-à-vis des insectes.
D’autres font appel à du mimétisme, qui peut être visuel et/ou chimique ; deux cas
célèbres :
- les ophrys (cf. exposition): certaines espèces d’orchidées imitent par la forme de leur
labelle (pétale transformé, en forme de « langue »), ses couleurs mais aussi les odeurs
produites, les femelles de diverses espèces d’insectes, surtout des hyménoptères (abeilles
solitaires, bourdons, guêpes solitaires). Au printemps, les mâles sont d’autant plus attirés par
ces signaux qu’ils émergent de leur diapause hivernale en moyenne avant les femelles ; en
l’absence de celles-ci, ils se posent sur le labelle de l’orchidée et tentent une copulation ; les
pollinies, sortes de sacs contenant le pollen de l’orchidée, viennent alors se coller sur le corps
de l’insecte, qui les véhiculera jusqu’à une autre fleur, assurant ainsi la pollinisation croisée
de la plante.
- le gouet tacheté (Arum maculatum) : cette plante très commune chez nous attire de
petites mouches (Diptères) grâce à son odeur qui imite celle de la nourriture de l’insecte :
charognes… La plante piège alors les mouches et les séquestre, jusqu’à maturité de ses
organes mâles ; lorsque les diptères peuvent quitter la prison végétale, ils sont couverts de
pollen…
Ce mimétisme sort donc du cadre prédateur-proie dans lequel nous avons analysé les
autres.
structures imitées
tête avec antennes
thorax avec ailes ou pattes
abdomen
Pour la science novembre 1987
Le mimétisme chez les plantes
C’est ce que l’on appelle le mimétisme wasmannien ; il n’est pas évoqué dans
l’exposition.
Noter la différence avec un camouflage : il ne s’agit pas ici d’imiter des signaux qui
appartiennent à un environnement qui est neutre pour la fourmi, mais bien d’être reconnues
par elles comme une autre fourmi.
L’individu 3 n’est pas une fourmi (il n’a d’ailleurs pas les caractéristiques d’un insecte) mais une
araignée qui imite une fourmi.
Annexe
N’achetez pas d’animaux exotiques !
La tentation sera souvent forte de présenter aux élèves des espèces exotiques en
captivité. Il faudrait pourtant l’éviter, pour des raisons scientifiques autant que pédagogiques.
• Il ne s’agit en rien d’animaux « domestiques ». Les rapports que l’on peut entretenir
avec un batracien ou un reptile, comme avec un insecte, sont essentiellement des
rapports de possession. Il ne faut espérer d’eux ni affection, ni gratitude, ni aucun des
sentiments que l’on projette habituellement sur le chien ou le chat.
Allons donc observer la grenouille ou le lézard dans leur milieu naturel ! La faune
belge est riche (15 espèces de batraciens, 3 de lézards et 3 de serpents), et il n’est pas si
difficile de partir à sa découverte.
BOUVET, J.-F., 2000.- La stratégie du caméléon : de la simulation dans le monde vivant. Seuil,
Paris. 187 p. ISBN 2-02-035942-1
LHONORÉ, J., 1986.- Des insectes et des fleurs. Ed. Le Rocher, collection Science et
Découvertes. 124 p. ISBN 2-268-00505-4
MORRIS, D., 1990.- Les animaux révélés. Calmann-Lévy. 256 p. ISBN 2-7021-1907-7
PASTEUR G., 1972. Le mimétisme. PUF, coll. Que sais-je ? , Paris. 124 p.
TORT, P. & BOULARD, M.,1996. Dictionnaire du Darwinisme et de l’évolution, Tome 2. PUF, Paris.
VON FRISCH, K., 1974.- Vie et moeurs des abeilles. J’ai lu Documents (n° D 34), Paris. 250 p.
WICKSTEN, M., 1980. Le camouflage chez les crabes. Pour la science 30 : 92-99.