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vos problèmes
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Thomas Wedell-Wedellsborg
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PREMIÈRE PARTIE
DEUXIÈME PARTIE
COMMENT RECADRER
Chapitre 9 Avancer
Fermer la boucle
1. Décrire le problème aux parties prenantes
2. Se faire aider par des tiers
3. Imaginer un essai grandeur nature
4. Envisager de « prétotyper » la solution
Réexaminer le problème, c’est important
Quatre moyens pour reconsidérer votre diagnostic
Résumé du chapitre
TROISIÈME PARTIE
Lectures conseillées
Notes
Index
Remerciements
L’auteur
Première partie
Résoudre le bon problème
Introduction
Quel est votre problème ?
Tout d’abord, une question. Répondez-y pour votre équipe, votre entreprise,
votre société, votre famille ou juste pour vous-même :
Que se passerait-il dans votre vie – et pour les gens et les causes que vous
avez à cœur – si tout le monde savait un peu mieux viser la bonne cible ?
Tel est le sujet de ce livre. Il voudrait améliorer la capacité du monde à
résoudre des problèmes. Pour y parvenir, il présente une compétence très
particulière appelée « recadrer le problème » – en bref, le « recadrage ».
Plus de cinquante ans d’études ont montré que le recadrage est une
compétence exceptionnellement puissante – et pas seulement pour résoudre
des problèmes 1. Les gens qui la maîtrisent prennent de meilleures
décisions, trouvent des idées plus originales, mènent souvent une vie plus
épanouissante.
Encore mieux : il n’est pas si difficile de l’acquérir 2. En lisant ce livre,
vous apprendrez à mieux réfléchir et à mieux résoudre les problèmes. Sans
doute éclairerez-vous aussi certaines de vos difficultés actuelles – non pas
dans l’avenir, mais chemin faisant.
Pour comprendre ce qu’est le recadrage, poursuivez votre lecture. Un
ascenseur lent vous attend.
Remarquez avant tout que ce problème ne vous est pas présenté de manière
neutre. Comme la plupart des problèmes que nous rencontrons dans le
monde réel, quelqu’un l’a déjà cadré pour vous : le problème, c’est que
l’ascenseur est lent.
Tout à notre désir de trouver une solution, nous ne remarquons
généralement pas le cadrage du problème. Nous commençons donc à
réfléchir aux moyens d’accélérer l’ascenseur. Pourrions-nous changer le
moteur ? Améliorer l’algorithme ? Faut-il installer un nouvel ascenseur ?
Ces idées s’inscrivent dans un espace de solution, c’est-à-dire un groupe
de solutions ayant en commun des hypothèses sur la nature du problème.
La solution du miroir ne résout pas le problème tel qu’il a été présenté : elle
ne rend pas l’ascenseur plus rapide. Elle propose en revanche une analyse
différente – c’est-à-dire qu’elle recadre le problème.
Voici quelques années, l’une des grandes entreprises très connues qui
composent le palmarès Fortune 500 m’a demandé d’enseigner le recadrage
à 350 de ses collaborateurs. Mon intervention s’inscrivait dans une semaine
de formation au leadership spécialement conçue pour les dirigeants les plus
talentueux de l’entreprise. Pour y être admis, vous deviez faire partie des 2
% les meilleurs parmi vos collègues du même rang.
À la fin de la semaine, nous avons sondé les participants. Nous leur
avons demandé ce qu’ils avaient trouvé de plus utile. Parmi tous les
enseignements de ces cinq journées bien remplies, la séance de deux heures
sur le recadrage venait en tête.
Ce n’était pas la première fois que je constatais une telle réaction. Au
cours des dix dernières années, j’ai enseigné le recadrage à des milliers de
gens dans le monde entier ; presque tous le disent extrêmement utile. Voici
quelques réactions typiques glanées sur les fiches d’évaluation :
« Une nouvelle manière de considérer les choses qui vous ouvre les
yeux. »
« J’ai adoré, m’a absolument ouvert l’esprit sur une autre manière de
raisonner. »
« Recadrer est un concept formidable que j’ignorais jusque-là. J’ai
bien l’intention de l’utiliser avec mon équipe à l’avenir. »
Et, surtout, vous changerez les perspectives des gens et des causes qui
vous tiennent à cœur.
Notez que ce livre est rédigé en vue d’une application immédiate : tout en le
parcourant chapitre par chapitre, vous pouvez commencer à utiliser la
méthode immédiatement pour affronter vos propres problèmes. Voici
comment il est organisé.
Ce qui va suivre
La première partie – Ce qu’est le recadrage – présente rapidement
quelques concepts en même temps qu’un exemple remarquable de
recadrage tiré du monde réel.
La deuxième partie – Comment recadrer – vous guide pas à pas à
travers la méthode du recadrage, en insistant spécialement sur les questions
à poser. Parmi les sujets couverts :
Comment une question simple – quel problème essayons-nous de
résoudre ? – empêche de s’enticher de mauvaises idées
Pourquoi les praticiens experts regardent hors du cadre avant de se
plonger dans les détails
Comment, en repensant ses buts, une équipe parvient à réduire de 80
% sa charge de travail
Comment la recherche et l’examen d’exceptions positives peut
conduire à des bonds en avant immédiats
Pourquoi regarder dans le miroir est essentiel pour résoudre les
conflits entre personnes
Comment deux chefs d’entreprise ont fait appel à la validation de
problème pour détecter en deux semaines une opportunité chiffrable en
millions de dollars
Le canevas du recadrage
Le résultat, inspiré des applis de rencontre pour les humains, a été une appli
ludique intitulée BarkBuddy qui permet d’afficher les profils des chiens
adoptables et de contacter le chenil qui les héberge.
Lancée avec le slogan « Trouvez des célibataires à poil doux près de chez
vous », l’appli BarkBuddy a depuis lors été téléchargée plus de 250 000
fois. Peu après son lancement, elle enregistrait jusqu’à un million de
consultations de fiches par mois. Première appli de rencontre pour chiens,
elle a aussi été présentée par plusieurs émissions de télévision nationales et
dans un célèbre talk-show. Ce qui fait pas mal d’aboiements pour pas cher,
en somme, puisque la création et le lancement de l’appli ont coûté à peu
près 8 000 dollars 13.
C’est là du recadrage classique : en repensant la nature du problème,
Werdelin et son équipe ont trouvé une approche nouvelle et plus efficace.
Néanmoins, vous noterez que, dans une large mesure, ils fonctionnaient
encore à l’intérieur du cadrage originel du problème : comment faire
adopter plus de chiens ? Ce qui n’est pas la seule manière de cadrer le
problème du chenil.
Lori Weise, directrice de Downtown Dog Rescue à Los Angeles, est l’une
des pionnières à avoir lancé le programme d’intervention au chenil 14.
Ce programme ne cherche pas à faire adopter davantage de chiens. Son
action vise à maintenir les chiens au sein de leur première famille, de sorte
qu’ils n’entrent même pas dans le réseau des chenils.
En moyenne, environ 30 % des chiens qui arrivent dans un refuge
viennent de « maîtres démissionnaires » ; ils sont délibérément abandonnés
par leur propriétaire. Dans la communauté des refuges bénévoles, unie par
un profond amour des animaux, ces maîtres sont souvent jugés sévèrement :
Faut-il que vous ayez le cœur sec pour jeter votre chien comme un jouet
cassé ! Pour éviter que les chiens ne se retrouvent chez ces « mauvais »
maîtres, nombre de refuges – malgré leur surpopulation chronique de chiens
sans foyer – imposent aux adoptants potentiels un examen laborieux de
leurs références, ce qui rend l’adoption encore plus difficile.
Lori voyait les choses autrement. « Toute cette histoire de “mauvais
maîtres” ne me convenait pas, m’a-t-elle confié. J’ai rencontré beaucoup de
ces gens dans le cadre de mon travail, et la plupart d’entre eux éprouvent un
profond attachement pour leur chien. Ce ne sont pas de mauvaises gens.
Cette histoire était trop simple. »
Pour en savoir plus, Lori a organisé une expérience élémentaire dans un
chenil du sud de Los Angeles. Chaque fois qu’une famille venait
abandonner son chien, l’un des collaborateurs de Lori lui demandait : « Si
vous en aviez la possibilité, préféreriez-vous garder votre chien ? »
Si la famille disait oui, l’employé du chenil cherchait à savoir pourquoi
la famille se débarrassait de son chien. Si Lori et ses collaborateurs
pouvaient contribuer à régler le problème, ils le faisaient grâce à l’argent de
l’association et à leurs relations professionnelles.
Les statistiques tirées de cette expérience contredisent catégoriquement
le postulat de la profession : 75 % des maîtres affirmaient qu’ils
préféreraient garder leur chien. Beaucoup étaient en larmes au moment de
s’en aller – souvent, ils s’étaient bien occupés de lui pendant des années
avant de se rendre au chenil. Voici ce qu’en dit Lori :
Les deux histoires illustrent la puissance du recadrage. Dans les deux cas,
en trouvant un nouveau problème à résoudre, un petit groupe de gens a
réussi à produire beaucoup plus d’effet. Elles montrent aussi qu’il y a deux
manières de recadrer un problème ; appelons-les explorer le cadre ou briser
le cadre.
Il existe une seconde différence, plus subtile, entre les deux histoires. Celle
de BarkBuddy se présente comme une saga typique de la Silicon Valley :
après avoir détecté un problème ignoré jusque-là, on trouve un meilleur
moyen pour le résoudre grâce aux pouvoirs extraordinaires de la
technologie. L’appli BarkBuddy, en ce sens, est profondément en phase
avec son époque. Elle n’aurait pas été possible sans les smartphones, les
normes d’échange de données et un grand nombre de gens qui ont testé les
sites de rencontre. Ron Adner, professeur à Dartmouth, parle à ce sujet de «
lentille large ». En d’autres termes, pour qu’une innovation réussisse, il faut
qu’elle soit soutenue par un écosystème de technologies et de partenaires
déjà en place 16.
L’invention de Lori n’a absolument rien à voir avec une nouvelle
technologie et ne dépend pas de l’existence d’une vaste population déjà
formée à un nouveau comportement. Elle s’appuie assurément sur un large
écosystème de partenaires, en particulier des vétérinaires et des chenils –
mais tout cela est en place depuis des décennies, avec un mode de
fonctionnement à peu près inchangé.
Ce qui soulève une question intéressante : Pourquoi ces deux solutions
n’ont-elles pas vu le jour plus tôt ? BarkBuddy n’aurait pas pu voir le jour
bien avant. Les conditions n’étaient simplement pas en place. Mais le
programme d’intervention au chenil imaginé par Lori ? En théorie, on aurait
pu l’imaginer il y a vingt ans, peut-être même quarante. La barrière
principale à sa mise en œuvre n’était pas technologique. C’était une
croyance erronée – en l’espèce, la conviction que ceux qui abandonnaient
leur chien étaient tous de mauvais maîtres. Pendant des décennies, une
communauté entière s’est laissé aveugler par ses croyances. Lori a brisé le
cadre en s’emparant d’une information que tout le monde connaissait déjà
et en proposant une nouvelle manière de la comprendre.
C’est là un thème capital des histoires racontées dans ce livre.
Innovateurs et solutionneurs éprouvent une légitime fascination pour les
nouvelles technologies, qu’il s’agisse d’ingénieurs repoussant les limites de
la physique, de médecins mettant au point de nouveaux médicaments ou de
programmeurs faisant des miracles avec des bits et des octets.
Cependant, dans un nombre de cas surprenant – surtout quand ils font
partie de notre vie quotidienne –, la solution des problèmes ne dépend pas
de la technologie mais d’une révélation mentale. En ce sens, résoudre des
problèmes difficiles n’est pas toujours affaire de détails ou n’exige pas
toujours une pensée particulièrement cartésienne. Cela peut aussi consister
à interpréter et donner du sens ; à voir ce qui est déjà là mais en repensant
sa signification. Beaucoup dépend de notre capacité à mettre en question
nos propres croyances et à contester des postulats admis peut-être depuis
très longtemps – sur nos collègues, nos clients, nos amis, notre famille, et
plus encore sur nous-mêmes.
Ces histoires vous auront, je l’espère, donné une idée des résultats qu’un
recadrage peut engendrer. Pour conclure ce chapitre, voici cinq bénéfices
spécifiques – expliqués un peu plus en profondeur – que vous tirerez de la
lecture de ce livre.
Des études ont montré que l’une des choses les plus efficaces que vous
puissez faire quand vous traitez un problème est de générer des options
multiples parmi lesquelles choisir. Paul C. Nutt, professeur à Ohio State
University et maître à penser dans ce domaine, a découvert que les gens qui
ne considèrent qu’une seule véritable option prennent de mauvaises
décisions dans plus de la moitié des cas 17 :
Dois-je faire un MBA ou pas ?
Devons-nous investir dans ce projet ou pas ?
Au niveau personnel, résoudre des problèmes difficiles est l’une des choses
les plus satisfaisantes qui soient. C’est aussi un excellent moyen de faire
progresser les gens et les causes qui vous tiennent à cœur. Qui plus est,
apprendre à recadrer aura aussi des effets tangibles pour votre carrière.
De toute évidence, en apprenant à résoudre plus efficacement les
problèmes, vous vous rendrez immédiatement plus précieux pour votre
entreprise. De plus, comme le recadrage ne vous oblige pas à être un expert
pointu au regard d’un problème donné – comme on le verra plus loin, les
experts peuvent parfois être prisonniers de leur propre savoir – cela signifie
aussi que vous pouvez intervenir dans des domaines hors de votre champ de
compétences, tout comme les conseils en management peuvent se mettre au
service d’industries dans lesquelles ils n’ont pas travaillé eux-mêmes. Cela
peut être utile au cas où vous voudriez un jour vous orienter vers un autre
type de poste.
Ce n’est pas un hasard si la capacité à résoudre des problèmes est aussi
très recherchée sur le marché du travail. Le Forum économique mondial a
publié dans une étude récente une liste des compétences les plus
importantes pour l’avenir 18. Voici les trois premières, qui vous diront sans
doute quelque chose :
1. Résolution de problèmes complexes.
2. Raisonnement critique.
3. Créativité.
Enfin, le recadrage protégera aussi votre future carrière d’une manière très
particulière : vous serez ainsi moins susceptible d’être remplacé par un
ordinateur.
Il se peut que, selon votre métier actuel, cette menace vous semble
lointaine. Mais la plupart des experts vous délivreront un message alarmant
: l’IA et autres formes d’automatisation commencent déjà à s’emparer de
nombreux emplois classiques, y compris chez les cols blancs.
Cependant, diagnostiquer un problème est différent. Par sa nature même,
définir et recadrer un problème est une tâche spécifiquement humaine, qui
requiert une compréhension des nombreuses facettes de la situation, la
faculté d’absorber des informations vagues, difficilement quantifiables, et la
capacité d’interpréter et de repenser la signification des données. Les
ordinateurs ne seront pas capables de faire cela dans un proche avenir * – en
ce sens, parvenir à le faire encore mieux vous servira tout à la fois à
sécuriser votre emploi et à trouver de nouvelles opportunités
professionnelles.
Pour traiter des problèmes, vous vous livrez en boucle, à plusieurs reprises,
à trois activités :
1. Cadrer (et ensuite recadrer) le problème : vous déterminez ce qui
vous préoccupe.
2. Analyser le problème : vous étudiez en profondeur le cadrage du
problème tel que vous l’avez choisi, en tentant de le quantifier et d’en
comprendre les moindres détails.
3. Résoudre le problème : vous prenez les mesures effectives pour le
régler, par exemple l’expérimentation, le prototypage et enfin la mise
en œuvre de la solution complète.
Il y a deux manières différentes de rechercher de nouveaux angles pour
aborder un problème :
1. Explorer le cadre : vous tentez de recadrer le problème en creusant
plus profondément les détails du premier cadrage.
2. Briser le cadre : vous sortez du premier cadrage en abordant le
problème sous un angle entièrement différent.
La plupart des problèmes ont des causes multiples – et peuvent donc avoir
de multiples solutions viables. Ceux qui cherchent le « vrai » problème
risquent de passer à côté de solutions originales car ils s’arrêtent à la
première réponse viable qu’ils trouvent.
Les solutions des problèmes ne sont pas toutes techniques. Parfois, on
peut identifier de nouvelles approches en s’interrogeant sur ce qu’on croit
plutôt qu’en appliquant une nouvelle technologie.
Imaginer des options multiples améliore la qualité de vos décisions – à
condition que ces options soient authentiquement différentes.
Un recadrage peut être bénéfique pour votre carrière, mais aussi pour
l’ensemble de notre société.
Deuxième partie
Comment recadrer
Chapitre 2
Se préparer au recadrage
Le processus
2e étape – Recadrer
3e étape – Avancer
Avec les stratégies incluses à la deuxième étape (Recadrer), vous n’êtes pas
obligé de respecter l’ordre indiqué. Quand vous résolvez des problèmes
dans le cadre d’une conversation rapide sur le lieu de travail, sentez-vous
libre de passer directement à la stratégie qui vous semble la plus
prometteuse compte tenu du problème en présence.
Il y a cependant une exception partielle à ce principe. Elle concerne «
Adopter leur point de vue », c’est-à-dire comprendre les parties prenantes.
Confrontées à un problème, de nombreuses personnes sont tentées de sauter
directement à : Pierre est furieux, dis-tu ? Y a-t-il un problème particulier
avec lui ? Dans mon schéma, pourtant, vous remarquerez que c’est l’une
des dernières étapes. C’est délibéré. Le gros problème, si vous commencez
par l’analyse des parties prenantes, est que vous risquez de vous égarer en
tentant d’embrasser le point de vue du mauvais groupe de personnes.
Clayton Christensen, expert en la matière, a observé que l’innovation
résulte souvent non pas de l’étude de vos clients mais de l’étude des gens
qui ne sont pas vos clients. En fait, comme il l’a souligné dans son travail
sur l’innovation disruptive, les entreprises trop attachées à comprendre et
satisfaire les besoins de leurs clients existants rendent malencontreusement
leurs produits moins utiles pour les non-clients. Elles ouvrent ainsi une
brèche dans laquelle leurs concurrents se glissent. En résumé : commencez
par réfléchir aux objectifs et aux points positifs, et par vous demander s’il
existe d’autres parties prenantes dont il faudrait se soucier (regarder hors du
cadre). Ne vous occupez des parties prenantes qu’une fois que vous êtes
suffisamment sûr d’observer les bonnes personnes.
Encore un détail : dans ce livre, vous trouverez de nombreux exemples
de questions utilisables pour recadrer des problèmes. Mais elles ne sont rien
d’autre que des exemples. Nous ne sommes pas chez Harry Potter : il n’y a
pas de formule magique à mémoriser, puis à psalmodier dans un ordre bien
précis pour réussir.
Je le souligne, car certains schémas de résolution de problème attachent
une grande importance à l’emploi de formules précisément ciselées, telle
l’entrée en matière « comment pourrions-nous… » ou ce conseil rebattu : «
demander cinq fois pourquoi… ». Ce genre de phrases standardisées peut
être très utile dans certains cas. Néanmoins, s’agissant de recadrage, je
préfère ne pas trop me fier aux questions imposées.
Les problèmes du monde réel sont en général bien trop variés pour se
prêter à des questions passe-partout. Même dans des situations où une
question spécifique s’est avérée capitale, il peut arriver que celle-ci nous
obnubile exagérément. L’important, d’après mon expérience, n’est pas la
question elle-même mais plutôt le raisonnement sous-jacent qui a conduit
quelqu’un à la poser.
De plus, les questions à taille unique ne tiennent pas bien compte des
normes de communication culturelles. De toute évidence, c’est vrai si vous
travaillez à l’international. De manière moins évidente, c’est vrai aussi dans
des contextes plus locaux. Une réunion de présentation et une rencontre
professeur-parents d’élèves appellent des formes différentes d’interrogation,
tout comme les tribunaux et le covoiturage, ou encore un conseil
d’administration et une chambre à coucher.
Même une question aussi élémentaire que Sommes-nous en train de
résoudre le bon problème ? devra plutôt être présentée dans certains
contextes sous la forme Nous préoccupons-nous ici des bonnes choses ? Il
m’est arrivé de travailler avec des entreprises dont le personnel préférait
parler de « défis » ou d’« occasions de s’améliorer » plutôt que de «
problèmes », pour avoir l’air moins négatif. Personnellement, j’incline à
appeler un problème un problème – Houston, on a une occasion de
s’améliorer – mais le contexte dans lequel vous vous trouvez peut exiger
une attitude différente.
En fin de compte, le questionnement est important parce qu’il témoigne
d’un esprit de curiosité. Les gens qui posent des questions ont compris que
le monde est plus profond et plus complexe que leurs modèles mentaux
actuels ne le leur disent peut-être. Ils savent qu’ils pourraient se tromper, ce
qui est le premier pas vers la découverte de meilleures réponses. Si vous
vous en tenez avec trop de rigidité à une manière standardisée de poser des
questions, vous risquez de passer à côté de la puissance de cet état d’esprit.
Voilà pourquoi, en lisant ce livre, vous devez chercher à comprendre
l’essence de chaque stratégie : quelle est l’intention derrière les questions
posées ? Attachez-vous à la manière de penser, non à ce qu’il faut dire.
INVITATION
Préparez-vous au recadrage
Avec la plupart des livres, on doit s’imprégner des idées avant de les mettre
en application une fois la lecture achevée. Avec ce livre-ci, vous pouvez les
appliquer à vos propres problèmes pendant votre lecture, en appliquant la
méthode chapitre par chapitre.
J’ai écrit ce livre pour que vous puissiez faire l’un ou l’autre, sachant que
certaines personnes préfèrent s’en tenir aux idées. Toutefois, je conseille
d’essayer d’appliquer la méthode au fil de l’eau. Vous apprendrez à mieux
recadrer tout en acquérant des perspectives nouvelles sur certains de vos
problèmes.
Si vous empruntez cette voie, voici quelques conseils qui vous aideront,
au passage, à en tirer le meilleur parti.
Choisir des problèmes que vous avez déjà tenté de résoudre est aussi une
bonne idée. Si certains d’entre eux ont résisté à plusieurs tentatives
antérieures de les résoudre, c’est un signe qu’un recadrage pourrait leur être
profitable.
Pour le moment, choisissez les problèmes auxquels vous aimeriez
travailler et notez-les individuellement. Je recommande de prendre une
feuille de papier ou un Post-it distinct pour chacun d’eux de manière à
pouvoir y revenir plus tard ; vous pouvez aussi utiliser le canevas de
recadrage (découpez-en un à la fin du livre ou téléchargez-le et imprimez-
le).
À la fin de chaque chapitre, je vous guiderai dans l’application de ses
techniques de recadrage aux problèmes que vous aurez choisis. Et si vous
avez du mal à choisir des problèmes, j’ai prévu de quoi vous inspirer à la
page suivante.
Chapitre 3
Cadrer le problème
D’abord, cadrez le problème
Sur l’écran d’ordinateur du graphiste Matt Perry est collé un Post-it jaune
portant cette simple question :
J’ai ce Post-it en permanence sur mon écran depuis à peu près un an. C’est une
question simple, mais un rappel utile en bien des occasions. C’est pourquoi ce billet-
là reste en place (ha !) sur mon moniteur – alors que d’autres sont moins
intemporels.
Une fois que vous avez devant vous un énoncé du problème, il convient de
le réviser. Pour nous y préparer, nous allons faire un détour rapide vers les
premiers jours des études en cadrage de problèmes afin d’explorer
quelques-unes des différentes manières dont les problèmes se présentent.
Dans les années 1960, une décennie environ après que la créativité est
devenue un domaine de recherche, un éducateur influent, Jacob Getzels, a
fait une observation clé : les problèmes auxquels on nous habitue à l’école
sont souvent très différents de ceux que nous rencontrons dans la vraie vie
28.
Il arrive que les solutions sur lesquelles on se précipite reposent sur une
logique douteuse – Ma femme est trop stressée, nous nous disputons tout le
temps. Avoir un bébé ou cinq apaiserait sûrement la situation. Mais, plus
souvent, la solution semble très rationnelle et aurait pu être efficace en
d’autres circonstances – néanmoins, dans le cas présent, elle ne vise pas le
problème auquel vous êtes confronté en réalité.
Les problèmes peuvent aussi se présenter sous forme d’un objectif difficile
à atteindre 32. La panne de croissance est un cas classique dans les
entreprises : la direction générale a fixé comme cible 20 millions de chiffre
d’affaires, mais les ventes normales nous amènent seulement à 17 millions.
Comment diable trouver trois millions de chiffre d’affaires ? Les énoncés
de mission et les stratégies de croissance du nouveau P-DG recèlent
fréquemment des objectifs de ce genre : Nous voulons devenir leader du
marché X.
Confronté à un souci, vous avez tout de même une sorte de point de
départ à explorer. Face à un objectif, ce n’est pas forcément le cas : il peut
arriver que vous ne sachiez pas du tout par où commencer. Comment
trouver une relation sentimentale stable ? Ma façon de héler des inconnus
dans la rue n’a pas l’air de bien fonctionner.
Tout ce que vous savez, c’est que votre comportement actuel ne suffira
pas. Les objectifs difficiles à atteindre obligent à trouver de nouvelles idées
au lieu de s’en tenir au business as usual. (Ce qui est, bien sûr, une raison
pour que les dirigeants fixent de tels objectifs.)
Dans un contexte de résolution de problème, les problèmes liés à un
objectif se caractérisent d’abord et avant tout par la nécessité de détecter
une opportunité. Bien que ce sujet ait été étudié surtout par les spécialistes
de l’innovation et non par les chercheurs en résolution de problèmes, les
compétences nécessaires se rapportent néanmoins étroitement au recadrage
et à la recherche de problème. Par exemple beaucoup d’innovations
fructueuses viennent d’un réexamen de ce qui compte vraiment pour les
clients, par opposition à ce que les solutions existant sur le marché
apportent.
Le scénario le plus délicat est celui où l’on vous présente une exigence en
guise de solution. Imaginez qu’un client dise à un graphiste : « Il faut mettre
un gros bouton vert sur mon site web. » Un graphiste novice se contentera
de créer le bouton, après quoi il a de bonnes chances de voir le client
revenir se plaindre : « le bouton ne fonctionne pas ! » (ou mieux encore : «
quand je disais bouton vert, vous auriez dû comprendre que je voulais dire
commutateur rouge »). Si vous ne comprenez pas le problème à résoudre,
donner aux gens ce qu’ils demandent est parfois une mauvaise idée.
Dès que vous commencez à y regarder de plus près, vous constatez que
la dynamique de la solution d’abord est partout à l’œuvre . En voici
quelques exemples, dont un que nous retrouverons plus loin dans ce livre :
« Il faudrait développer une appli ! »
« Je rêve de lancer une entreprise qui vend des glaces italiennes. »
« J’ai vu un site web sympa où les salariés peuvent partager leurs
idées. Il nous en faudrait un. »
L’énoncé contient un postulat évident : c’est par ignorance que les gens ne
se nourrissent pas plus sainement 36. Ce cadrage du problème est
contestable. La grande majorité des étudiants en écoles de gestion sait bien
quelle nourriture est saine ou pas. Personne n’affirme : Les frites
contiennent autant de nutriments que les légumes, hein !
De manière analogue, on cadre souvent les problèmes d’une manière qui
oriente vers une solution donnée. Considérez cet énoncé du problème établi
dans une entreprise pour une campagne en faveur de l’égalité de genre à
laquelle j’ai participé.
Problème
Nous n’avons pas donné à su samment de femmes la possibilité de devenir des cas
exemplaires de dirigeantes efficaces et visibles.
C’est un énoncé de souci typique : cinq mois d’essais, zéro succès. Une
situation comme celle-ci est probablement une bonne candidate à un
recadrage. S’il existe une solution, vous avez des chances de la trouver en
repensant le problème plutôt qu’en vous lançant dans cinq mois
supplémentaires d’essais et d’erreurs. Anticipant sur deux des stratégies de
recadrage traitées plus bas, vous pourriez :
Repenser l’objectif. Y a-t-il un meilleur objectif à poursuivre ? Par
exemple, au lieu de prévenir l’attrition, y a-t-il quelque chose à faire pour
récupérer vos anciens salariés partis chez la concurrence ? Y aurait-il
moyen d’obtenir plus des salariés tant qu’ils sont là ? Peut-on repenser les
méthodes de recrutement pour cibler des gens moins susceptibles de s’en
aller ? Si des personnes répondant à un certain profil ont tendance à s’en
aller avant que vous n’ayez récupéré l’argent investi dans leur formation, ne
faudrait-il pas en premier lieu éviter de les recruter ?
Examiner les points positifs. Au lieu de se demander pourquoi les gens
s’en vont, on pourrait se demander pourquoi ils restent. Si nous considérons
nos meilleurs éléments, qu’y a-t-il dans notre entreprise qui leur fait dire
non à des propositions plus lucratives ou plus séduisantes ? Pourrions-nous
exploiter ces forces au lieu d’essayer de corriger les faiblesses ? Y a-t-il
dans l’entreprise des domaines qui ne sont pas affectés par la même attrition
? Quels enseignements en tirer ? Que dire des gens que nous avons pu
enlever à des concurrents plus « sexy » ? Pourquoi les gens entrent-ils chez
nous ? Pourrions-nous mieux utiliser leur réseau personnel d’anciens
collègues ou en faire d’une manière quelconque des ambassadeurs
informels de notre entreprise ?
L’une des raisons pour lesquelles il vaut mieux décrire votre problème avec
des phrases complètes est que cela vous permet de repérer des détails
minces mais essentiels. L’un d’eux est la présence ou non de mots comme
nous, moi ou eux – des mots qui situent le problème.
Considère-t-on le problème comme entièrement imputable à d’autres ?
L’ennui est que le personnel de l’équipe de nuit a un poil dans la main. Ou
bien le titulaire du problème endosse-t-il aussi une part de responsabilité,
comme faisait l’équipe avec les cas exemplaires féminins ? (« Nous n’avons
pas donné à suffisamment de dirigeants femmes… »)
Le problème est-il cadré d’une manière qui le déplace vers des niveaux
de pouvoir ou de salaire plus élevés, en dégageant commodément la
responsabilité de son titulaire ? Nous ne pouvons innover que si le P-DG y
tient vraiment. Dans le cas le plus grave, on ne trouve aucun intervenant
humain identifiable : Le problème est que la culture de notre entreprise est
trop rigide.
Quand nous en viendrons à la stratégie de recadrage dite « Regarder dans
le miroir », je livrerai quelques conseils sur la manière de trouver des
cadrages plus exploitables, notamment par questionnement de votre propre
rôle dans l’apparition du problème.
liberté de choix, même quand les options proposées laissent de côté d’autres
possibilités bien meilleures.
Dans certaines situations, les gens qui déterminent les options tentent
délibérément de vous orienter vers certains résultats. On connaît la
plaisanterie de Henry Kissinger, fameux homme d’État américain, sur les
bureaucrates qui, aspirant au maintien du statu quo, présentent aux
décideurs trois possibilités : « guerre nucléaire, politique actuelle ou
reddition sans condition » 38.
Plus souvent, cependant, les options qu’on vous présente ne résultent pas
d’une manipulation délibérée. Elles sont plutôt considérées comme de
simples arbitrages soit/soit « naturels » auxquels tout le monde est
confronté. Voulez-vous de la haute qualité ou du prix bas ? Votre appli doit-
elle être simple d’emploi ou très personnalisable ? Voulez-vous une
campagne de marketing qui ratisse large ou qui soit précisément ciblée ?
Roger L. Martin, chercheur en résolution de problèmes, et d’autres ont
montré que les esprits créatifs ont tendance à rejeter ce genre d’arbitrage.
Là où d’autres effectuent une analyse coûts-bénéfices afin de choisir
l’option la moins mauvaise, les solutionneurs experts s’efforcent d’explorer
la question plus en profondeur pour trouver une nouvelle option qui soit
meilleure.
Leur point de départ est l’habitude d’essayer de briser le cadre en
demandant : Comment ce choix est-il cadré ? N’avons-nous vraiment
aucune autre option ? Quel problème tentons-nous de résoudre ?
Voici comment l’une des solutionneuses les plus remarquables qu’il
m’ait été donné de côtoyer traitait un faux arbitrage.
Nourrir les hipsters au Royal Palms
Les deux options qui se présentaient étaient mauvaises. Nous avons donc commencé à
échanger des idées sur un problème différent : Comment obtenir les avantages de la
restauration sans les embêtements qui vont avec ? Pour différentes raisons, aucune
des options existantes, comme les services de coursiers ou un partenariat avec le
service de livraison d’un restaurant voisin, n’aurait fonctionné. Mais nous avons
continué à ressasser le problème et nous avons fini par tomber sur une idée neuve –
quelque chose qui à ma connaissance ne s’était encore jamais fait.
Les sept questions que j’ai posées ici sont généralement utiles, mais elles
sont loin d’être les seules que vous pouvez poser. En devenant plus habile
dans le recadrage, vous enrichirez graduellement votre bibliothèque mentale
d’écueils dans le cadrage de problèmes.
Une fois que vous aurez effectué votre examen initial de l’énoncé du
problème, l’étape Cadrer du processus est achevée (vous vous souvenez de
la boucle : Cadrer, Recadrer, Avancer). Avant de passer à l’étape suivante
(Recadrer), je voudrais indiquer ce qu’il ne faut pas faire à ce stade. Si vous
avez quelque expérience de la fixation d’objectifs, du changement de
comportement ou d’une autre discipline du même genre, vous avez
probablement été tenté de rendre plus précis et concrets certains des
énoncés rapportés ici. « Manger plus sain », est-ce vraiment un objectif,
cela ? C’est bien trop vague ! Il vaudrait mieux dire : « Manger au moins
trois fruits par jour, sans compter les frites. »
L’instinct qui vous porte à clarifier des détails de ce genre est bon.
Comme l’ont montré des décennies de recherches sur le changement des
comportements, les chances de réussite sont meilleures quand les objectifs
sont précis et mesurables, et quand le comportement requis pour les
atteindre est clairement exprimé 40. Le flou est l’ennemi du changement.
À ce stade, cependant, vous laisser aller à votre désir de précision
comporte un piège. Si vous vous jetez trop vite sur ces aspects spécifiques,
vous courez un risque sérieux de vous perdre dans les détails et d’oublier de
remettre en question le cadrage global du problème. Vous devez prendre du
recul avant de plonger : ne fricotez pas avec les aspects spécifiques de
l’énoncé avant d’être suffisamment certain que vous vous penchez sur le
bon problème. C’est ce que nous allons voir en approfondissant la première
des cinq stratégies spécifiques du recadrage.
Résumé du chapitre
Cadrez le problème
Une fois votre réexamen achevé, l’étape n° 1 (Cadrer) est terminée, vous
êtes prêt à recadrer le problème.
Chapitre 4
Regarder hors du cadre
Un défi rapide
L’armateur Bonjour exploite une ligne maritime directe entre New York aux
États-Unis et Le Havre en France, avec un départ quotidien dans chaque
sens. Plus précisément, chaque jour à midi, un navire quitte New York pour
Le Havre et, au même moment, un navire quitte Le Havre pour New York.
La traversée dure exactement sept jours et sept nuits, quel que soit le sens.
Voici la question : si vous quittez New York à bord d’un navire de
Bonjour aujourd’hui, combien d’autres navires de la compagnie
croiserez-vous en mer avant d’arriver au port ? Ne comptez que les navires
de la compagnie et seulement ceux croisés en mer (c’est-à-dire pas dans le
port).
Certaines personnes supputent soit six, soit huit navires. Après mûre
réflexion, cependant, la plupart des gens concluent que la réponse correcte
doit être sept navires – si telle est votre réponse, donc, vous êtes en bonne
compagnie.
Hélas, vous avez tort vous aussi, car la bonne réponse n’est aucune de
celles-là. C’est treize. Oui, treize navires. J’expliquerai le calcul dans une
minute.
En bref, nous n’abordons pas les problèmes avec une vision neutre de la
situation. Au contraire : dans les situations troubles, c’est comme si votre
subconscient traçait immédiatement un cadre autour d’une certaine partie
du problème avant de le transmettre à votre esprit conscient.
Ce premier cadrage entraîne des conséquences majeures. Tout ce qui se
trouve à l’intérieur du cadre est examiné avec soin. En revanche, tout ce qui
se trouve au-dehors n’a droit à aucune attention. En fait, comme le
processus de cadrage est largement inconscient – « automatique », disent les
chercheurs – nous ne nous rendons même pas compte, d’ordinaire, que nous
ne voyons pas le tableau entier 43.
Voici comment cela fonctionne dans le problème de la ligne New York-
Le Havre.
Le calcul est correct, mais incomplet : nous avons oublié les navires qui
ont quitté le port avant notre départ et qui sont déjà en mer au moment où
nous quittons New York. Le cadrage incomplet est figuré sur la page
suivante, suivi par le cadrage correct.
Cette histoire montre aussi pourquoi il est bon de faire intervenir des
éléments extérieurs dans le processus de recadrage. Comme le cours de
l’action paraissait être clairement une question financière, il aurait pu être
tentant de n’inviter aux réunions que des gens de la finance. L’inclusion du
directeur des RH (qui n’était pas expert en finance) a apporté au problème
une lentille davantage orientée vers le personnel, ce qui a permis à l’équipe
de dépasser le cadrage financier.
Néanmoins, le simple fait d’avoir des étrangers dans la salle ne suffit pas
toujours. Encore faut-il les inviter activement à proposer des cadrages
différents. Prendre du recul et demander ce qui manque est une excellente
stratégie pour y parvenir.
Votre fille adolescente rentre tôt de l’école, visiblement irritée. Vous lui demandez ce
qui se passe. Elle explique qu’elle a eu une prise de bec avec son professeur. La
dispute s’est envenimée à tel point qu’elle a quitté la classe en claquant la porte.
Cela ne lui ressemble pas : normalement, elle se tient plutôt bien.
Cette approche peut être exagérée, bien entendu. Remontez trop loin en
arrière, et vous finirez par évaluer des pesanteurs historiques difficiles à
changer. Veillez quand même à vous demander si vous ne cadrez pas le
problème trop étroitement d’un point de vue temporel.
3. Rechercher les influences cachées
Le problème de l’ampoule
Il y a trois ampoules électriques au sous-sol de votre nouvelle maison, mais
il se trouve que les interrupteurs ont été installés au rez-de-chaussée – et
qu’ils ne sont pas étiquetés. Vous avez mal au genou et vous préféreriez
limiter le nombre de trajets dans l’escalier. Voici la question : Combien de
fois devez-vous descendre au sous-sol pour déterminer quel interrupteur
correspond à quelle ampoule ? Sachez que toutes les ampoules
fonctionnent, que chaque interrupteur n’active qu’une ampoule et que les
trois ampoules sont éteintes quand vous commencez.
Si vous voulez essayer de résoudre cette énigme, faites une pause un
instant.
Si vous y avez un peu réfléchi, vous avez probablement réalisé que deux
trajets peuvent suffire. Le troisième n’est pas indispensable puisque, par
élimination, vous connaissez la troisième paire. Jusque-là, très bien.
Mais il existe aussi un moyen de résoudre le problème en un seul trajet.
Trouverez-vous comment ? Là encore, ce n’est pas une question piège, et
elle ne fait appel à aucun stratagème délirant tel que percer des trous,
intervertir les fils électriques ou installer un savant jeu de miroirs. La
solution, simple et réaliste, ne fait appel à aucun objet ou individu qui ne
serait pas mentionné dans l’énoncé du problème.
Essayez, mais soyez averti : ce problème est plus difficile à résoudre. S’il
vous faut un indice, je peux vous dire que la solution à un seul trajet repose
sur une caractéristique non évidente de l’un des objets en cause.
Réfléchissez aux propriétés d’une ampoule, en dehors de l’émission de
lumière.
essentielles.
En soupesant le problème de l’ampoule électrique, par exemple, vous ne
vous êtes probablement pas arrêté pour vous demander quelle est la couleur
du papier peint ou si la scène se passe en été ou en hiver. Ni l’une ni l’autre
de ces considérations ne vous a semblé utile pour résoudre le problème, de
sorte que, très raisonnablement, votre esprit s’est tout simplement abstenu
d’y penser. Il a préféré créer une représentation simplifiée du problème –
c’est-à-dire un modèle mental – avec lequel vous vous êtes ensuite mis à
jouer, en faisant intervenir les interrupteurs et le reste jusqu’à trouver une
solution.
Une fois que vous avez tout passé en revue, essayez d’appliquer les
quatre tactiques décrites dans le chapitre et résumées ci-dessous.
Les problèmes nous apparaissent souvent comme des obstacles : des choses
ennuyeuses qui nous barrent la route et nous empêchent d’atteindre nos
objectifs, comme l’argent, le bonheur ou quelque douce, douce vengeance.
Le modèle du problème-obstacle nous paraît intuitivement juste : il nous
est arrivé à tous d’être freinés par un système bureaucratique, un collègue
de mauvaise volonté ou une litanie stupide de lois anticorruption. Mais cette
façon de penser contient un piège subtil. Avoir les yeux fixés sur l’obstacle
– comment le contourner ? – empêche de remettre en question une chose
plus importante : l’objectif qu’on essaie d’atteindre.
En fait, la plupart des objectifs sont bizarrement à l’abri de toute
investigation. Faites votre choix : Dominer la concurrence. Développer
l’entreprise. Pousser l’innovation. Être promu à un poste d’encadrement.
Toutes ces choses sont machinalement considérées comme des buts
valables, qu’il est bon de poursuivre. Il en va de même, hors du travail, pour
des sujets comme l’éducation, la recherche d’un conjoint ou l’achat d’un
logement. Des objectifs de ce genre sont profondément ancrés dans nos
récits culturels. C’est pourquoi nous oublions souvent de les remettre en
question.
Ce n’est pas que ces choses soient en réalité mauvaises et à éviter à tout
prix. Dans la plupart des cas, elles sont bonnes en réalité. Mais pas toujours.
Quelquefois, la clé d’un progrès radical n’est pas d’analyser l’obstacle
mais de se poser des questions différentes :
Poursuivons-nous le bon objectif ?
Y a-t-il un meilleur objectif à poursuivre ?
Repenser l’objectif, par essence, c’est cela 57. Considérez l’histoire ci-
dessous, celle d’un dirigeant que nous appellerons Mateo.
Notre délai d’exécution n’est pas acceptable. Notre service doit doubler son rythme
de traitement des demandes, ce qui ramènera le délai à une semaine.
Tout le monde travaillait dur pour accélérer le traitement des demandes. Mais était-ce
nécessairement le bon objectif ? En y réfléchissant, j’ai réalisé que l’objectif réel
n’était pas la rapidité du service mais la réduction du temps nécessaire à l’entreprise
pour introduire des modifications dans la base de données. L’ancien objectif
recouvrait un postulat important – tout devait passer par le service et être validé
manuellement. Quand nous avons pris du recul au lieu de nous focaliser sur l’équipe,
il est devenu clair qu’il existait peut-être un autre moyen de progresser : laisser
l’entreprise réaliser directement certaines des modifications les plus simples, sans
nous en occuper.
S’il vous est arrivé de vendre un produit ou service à une grande entreprise,
vous connaissez probablement des expressions comme Net-30, Net-60, et
Net-90 : il s’agit de délais de paiement qui spécifient à quelle échéance
l’entreprise est censée vous payer ce qu’elle vous doit 64.
Pour les grandes entreprises, le Net-90 équivaut à un prêt sans intérêt
pendant trois mois. Il n’est donc pas étonnant qu’elles usent parfois de leur
puissance pour réclamer des délais de paiement prolongés afin de régler
leurs fournisseurs aussi tard que possible. À la base, les responsables
financiers des grandes entreprises ont en tête, pour la plupart, un objectif de
ce genre 65 :
Si vous prenez trois mois pour payer vos factures, vous vous obligez en pratique à ne
travailler qu’avec de grands fournisseurs, les seuls à détenir une trésorerie suffisante
pour récupérer leur argent aussi tard. Les indépendants, souvent bien moins chers,
ne peuvent survivre à de telles conditions de paiement. C’est pourquoi une politique
systématique de paiement à 90 jours peut en fait forcer l’entreprise à n’employer que
les fournisseurs les plus chers.
Avec cette étape en particulier, il peut être utile de faire participer des
étrangers à la discussion. Comme le disait une experte en sense-making,
Anna Ebbesen, de Red Associates :
La ligne de démarcation entre faits et hypothèses peut être ténue. Nos hypothèses sont
parfois si lourdement incorporées à nos raisonnements que nous les prenons pour
des faits objectifs. D’autres fois, l’hypothèse était initialement un fait – puis le monde
a évolué et elle est devenue invalide. Nous avons du mal à prendre conscience de nos
hypothèses les plus fondamentales. Il faut souvent une certaine influence extérieure
pour y parvenir 66.
3. Demander s’il y a d’autres moyens
d’atteindre les objectifs importants
Une fois que vous connaissez les objectifs de niveau supérieur, vous pouvez
explorer une question centrale : l’objectif immédiat est-il le meilleur moyen
pour y parvenir ? Ou bien y a-t-il d’autres moyens d’obtenir le résultat qui
nous importe vraiment ?
Prenez les objectifs personnels évoqués plus haut, relatifs à une
promotion. L’un des buts importants d’une promotion est de percevoir un «
salaire plus élevé », de manière à pouvoir réaliser quelque chose qui vous
importe vraiment, comme de financer les études de vos enfants.
On pourrait observer en premier lieu que le mot salaire est trop restrictif
: il limite notre réflexion en sous-entendant que l’argent doit être versé par
un employeur, alors qu’en réalité il s’agit d’argent en général. (Rappelez-
vous ce que nous disions au chapitre 3 sur les limites simples auto-
imposées.) Un objectif plus utile pourrait être de « mettre de côté X dollars
dans les cinq prochaines années ».
Ce qui, en contrepartie, permet de rechercher d’autres moyens de
parvenir à l’objectif, en dehors d’une promotion. Le schéma suivant montre
quelques moyens différents qui mériteraient peut-être une exploration :
Notre incapacité à mettre en question les objectifs est exacerbée parce que
certains mots n’ont qu’une connotation positive. Prenez authenticité. Quel
individu normal ne voudrait pas être plus authentique ? (« Excellente
présentation Kate – mais pourrais-tu essayer d’avoir l’air un peu plus
empruntée la prochaine fois ? ») Le mot lui-même dit tout ce que vous avez
besoin de savoir sur sa désirabilité.
Et pourtant, l’authenticité peut être, elle aussi, un mauvais objectif.
Songez à l’arrivée à un nouveau poste de dirigeant. Par définition, accéder à
un poste de direction n’est pas naturel pour la plupart des gens. Comme l’a
souligné Herminia Ibarra, professeur à l’INSEAD, s’autoriser à
expérimenter de nouveaux comportements qui risquent au début de ne pas
paraître « authentiques » est en fait une partie essentielle du développement
personnel 70. Adhérer aveuglément à l’objectif d’authenticité risquerait de
vous enfermer dans un moi passé, statique.
Il existe de nombreux autres exemples. Ainsi, l’originalité semble être
une grande qualité. Mais pour les décideurs ennemis du risque, original
signifie qui n’a pas été testé, qui n’a pas fait ses preuves, susceptible de
finir avec pertes et fracas – voyez par exemple la prédilection de l’industrie
cinématographique pour les séries et les remakes. (Vous voulez trouver des
investisseurs pour votre nouveau film ? Ça sera plus facile si vous êtes «
juste assez différent pour éviter les procès ».)
En dehors du travail, songez au bonheur personnel pris comme objectif.
Parvenir à une béatitude maximale au jour le jour, est-ce toujours une bonne
idée ? Le bien-être authentique n’est pas seulement d’éprouver plus
d’émotions positives, soutient Martin Seligman, fondateur du mouvement
de la psychologie positive 71. Une vie vraiment épanouissante suppose aussi
de poursuivre des objectifs difficiles à atteindre et d’avoir un effet positif
sur les autres – ce qui peut signifier un parcours plus malaisé que celui qui
va du réfrigérateur au téléviseur.
5. Examiner aussi les sous-objectifs
* Vous l’aurez peut-être noté, ce qu’on appelle objectif, sous-objectif et objectif de niveau
supérieur est quelque peu arbitraire. Mais ne vous braquez pas trop sur la terminologie : elle
indique seulement à quel niveau hiérarchique vous commencez. L’important est d’explorer vers
le « haut » et vers le « bas » par rapport à l’objectif que vous avez d’abord choisi de considérer.
Résumé du chapitre
Repensez l’objectif
S’il vous faut plus de conseils pour dessiner la carte, essayez d’appliquer
à chacun des objectifs qui y figurent ces questions inspirées des travaux de
Min Basadur :
Faites apparaître les objectifs de niveau supérieur en vous demandant :
Pourquoi voulons-nous atteindre cet objectif ? Quel en est le bénéfice
? Qu’y a-t-il de bien derrière cet objectif ?
Faites apparaître les sous-objectifs en demandant : Qu’est-ce qui nous
empêche d’atteindre cet objectif ?
Recherchez aussi d’autres objectifs en demandant : Qu’y a-t-il encore
d’important ?
Une fois la carte établie, passez-la rapidement en revue pour voir si l’un
ou l’autre des objectifs est défini trop étroitement. (Rappelez-vous
l’exemple de « il me faut un salaire plus élevé » comparé à « il me faut X
dollars dans cinq ans ».) Demandez-vous : Y a-t-il des limites simples auto-
imposées ? Assurez-vous que le cadrage des objectifs n’implique pas une
solution spécifique, à moins que cela ne soit authentiquement nécessaire.
Puis essayez d’appliquer les autres tactiques présentées dans ce chapitre.
Contestez la logique
Y a-t-il des objectifs qui semblent si évidemment bons qu’on ne doit pas les
mettre en question ? Faites-le quand même – et surveillez les mots à
connotation positive comme authenticité, originalité et sécurité.
En bref, pas question d’aborder le moindre sujet grave ou épineux après 10 heures du
soir. Si l’un de nous tente une prise de bec, il suffit à l’autre de dire « 10 heures ! » et
toute chamaillerie doit s’arrêter. Cette règle est notre meilleur outil pour régler les
problèmes, et elle nous vaut un mariage très heureux depuis près de dix ans. :-)
Si vous avez choisi d’entrer en thérapie dans les années 1970, il y a des
chances pour que vous et votre thérapeute ayez continué à vous voir
pendant des années, explorant votre passé séance après séance : Et que
diriez-vous de la mère de votre mère ? Quel était son défaut profond ? Le
thérapeute fonctionnait à la manière d’un spéléologue cherchant à
s’enfoncer peu à peu dans les recoins les plus profonds de votre psyché.
Au début des années 1980, un petit groupe de thérapeutes de Milwaukee
a découvert une approche différente, aujourd’hui appelée thérapie brève
centrée sur la solution 78. Guidé par Steve de Shazer et sa femme, Insoo
Kim Berg, le groupe a fait une remarque étonnante : comme Tania et Brian
lors de leur discussion paisible au petit déjeuner, beaucoup de ses clients
avaient déjà résolu leur problème au moins une fois. Seulement, à la
différence de Tania et Brian, ils ne l’avaient pas vraiment remarqué et n’en
avaient pas retenu la leçon.
Dans ces cas, aucune spéléologie n’était nécessaire. Le thérapeute n’avait
qu’à guider le patient dans la recherche des points positifs, puis à
l’encourager à réitérer ce comportement. Grâce à cette approche, le groupe
de Milwaukee pouvait aider ses patients à repartir du bon pied après
seulement huit séances de thérapie en moyenne.
Comment trouver les points positifs
Dans la recherche des points positifs de votre passé, gardez à l’esprit ces
trois consignes :
Recherchez des exceptions pas exceptionnelles. Si le travail vous stresse
beaucoup, vous souvenir de l’époque où vous preniez quatre mois de
vacances n’est pas terriblement utile. Mieux vaut un point positif plus
proche de la situation dans laquelle le problème se produit. Y a-t-il eu
récemment une journée où votre travail ne vous a pas stressé autant que
d’habitude ? En quoi était-elle différente ?
Examinez aussi les exceptions vraiment positives. Ne recherchez pas
seulement l’absence de problème. Examinez aussi les occasions où les
choses ont été vraiment magnifiques. Y a-t-il eu récemment une journée où
votre travail vous a apporté de l’énergie ? Mieux gérer le stress, par
exemple, ne consiste pas toujours à éviter les causes qui le provoquent. Ce
peut être simplement d’introduire dans votre journée des choses plus
positives qui vous apporteront plus de surplus mental pour affronter les
facteurs de stress 80.
Quand le problème s’est-il produit sans que vous ne lui accordiez pour
autant de l’importance ? L’absence de mauvais effets est aussi un point
positif. Quant au problème de stress, vous pourriez vous demander : Y a-t-il
eu une journée où vous vous êtes senti stressé mais où vous avez réussi à ne
pas en être affecté ? Qu’aviez-vous fait différemment ?
Dans le monde de l’hôtellerie, par exemple, il est bien connu qu’on ne
peut assurer aux clients la perfection à chaque séjour. Des erreurs se
produiront : le repas est servi en retard, les vêtements envoyés au nettoyage
s’égarent, les clés des chambres cessent de fonctionner au plus mauvais
moment possible. Mais les conséquences de ces bourdes ne sont pas
toujours négatives. Voici ce que m’a dit un jour une directrice d’hôtel,
Raquel Rubio Higueras :
Normalement, ce n’est pas l’erreur en soi qui mécontente le client. Ce qui compte
vraiment est la façon dont le personnel de l’hôtel la gère. Dans certains cas, si le
personnel réagit promptement et se met en quatre pour la réparer, l’évaluation portée
par les clients sur leur séjour sera meilleure que si rien ne s’était passé 81.
Que faire en l’absence de point positif dans votre propre passé ? Regarder
s’il y en a dans votre groupe de pairs les plus proches :
Les statistiques de mobilisation de notre personnel sont mauvaises.
Pourtant, une fois de plus, deux de nos dirigeants paraissent très bien
réussir.
Le chiffre d’affaires baisse partout – sauf, il est vrai, dans ce petit
marché où il a progressé de 5 %.
Les relations avec mes parents sont épuisantes ! Mes huit frères et
sœurs ont pourtant l’air de bien s’entendre avec eux.
Il faut commencer par les détails : quels sont les aspects observables essentiels de ce
problème ? Une fois que vous avez fait cela, il faut cependant prendre un peu de
recul par rapport aux détails et conceptualiser le problème, trouver une manière plus
abstraite de l’exprimer. Cela vous permettra de demander : Où avons-nous déjà vu
ce genre de problème 86 ?
Alors qu’il travaillait chez le géant médical Pfizer, Jordan Cohen a créé
avec succès un service interne appelé pfizerWorks 87. Grâce à celui-ci, le
personnel de Pfizer pouvait sous-traiter les parties ennuyeuses de son travail
– comme la vérification de données, la préparation de diapositives ou les
études de marché – à des équipes d’analystes virtuels.
Une partie des analystes auxquels pfizerWorks faisait appel étaient
installés à Chennai, en Inde. Cas exceptionnel pour ce type de service, ils
étaient directement en rapport avec les salariés de Pfizer aux États-Unis et
ailleurs, au lieu de communiquer via un bureau central.
Une salariée de Pfizer à New York adresse à l’équipe de Chennai, par courrier
électronique, une demande concernant un rapport, mais la personne à qui elle
voulait s’adresser n’est pas au bureau. Bon, si vous écrivez à quelqu’un qui est
habitué aux normes de communication occidentales, vous allez recevoir une réponse
poliment tournée : « Chère Kate, merci pour votre message. Je regrette de vous
informer que Santosh, chargé de votre projet, est absent pour le moment, mais je
veillerai à ce qu’il vous réponde au plus vite dès son retour, demain à 8 heures du
matin heure de chez vous. »
Au lieu de cela, Kate recevait cette réponse laconique : Santosh est absent
pour le moment.
Ce genre de réponse suscitait beaucoup d’agacement et de confusion.
Qu’est-ce que c’est que ce message ? Est-ce que personne ne s’occupe de
mon rapport ? Vais-je le recevoir en temps utile ? Dois-je vraiment
répondre, juste pour qu’on me dise s’il aura le message ? Comme l’a
souligné Erving Goffman, sociologue et expert en recadrage, dès les années
1960, les normes culturelles sont à peu près invisibles – jusqu’au moment
où vous les violez 88.
Comment résoudre ce problème ? Rechercher des points positifs au sein
du secteur lui-même était inutile : à l’époque, personne ne permettait aux
analystes de traiter directement avec les utilisateurs. Jordan et Seth ont donc
opté pour un cadrage plus conceptuel :
Seth et Jordan ont trouvé un point positif dans l’industrie hôtelière. Les
grandes chaînes hôtelières internationales implantées en Inde devaient
confier leur réception et leur service de conciergerie à des gens capables de
communiquer aussi bien avec des locaux qu’avec des gens issus de
nombreuses cultures différentes.
Ensuite, Seth et Jordan auraient pu déterminer comment les hôtels
formaient leur personnel au contact des clients puis en faire autant avec
leurs analystes. Ils ont préféré une approche encore plus simple : recruter
du personnel directement dans les hôtels. Comme me l’a expliqué Seth :
Le cas du E-850
Quand vous proclamez un problème, voici trois petits conseils fournis par
Dwayne Spradlin, fondateur d’InnoCentive, site web de résolution de
problèmes 92 :
Évitez le jargon technique. Assurez-vous que les gens sont capables
de comprendre même s’ils ne travaillent pas dans votre secteur.
Décrivez abondamment le contexte. Pourquoi est-il important de
résoudre le problème ? Quelles sont les principales contraintes ?
Qu’avez-vous déjà essayé ?
Ne précisez pas trop la solution. Au lieu d’écrire, par exemple, « il
nous faut un moyen plus simple pour creuser des puits », écrivez «
Nous devons fournir de l’eau potable à 1,2 million de personnes »
(peut-être peut-on faire sans les puits).
Le plus bizarre dans la stratégie des points positifs est qu’elle est nécessaire
dès le départ. Comme nous l’avons vu, beaucoup de points positifs résident
en des lieux que nous connaissons déjà – et certains peuvent être trouvés
dans notre propre passé (cette idée demeure pour moi proprement
ahurissante). D’une manière ou d’une autre, vous pourriez vous dire que
nous saurions mieux les détecter automatiquement.
Pourtant, ce n’est pas le cas. Nous souffrons tous d’un phénomène appelé
biais de négativité, raccourci scientifique d’une idée simple : les gens ont
tendance à faire plus attention aux mauvaises choses qu’aux bonnes 93.
Confrontés à des problèmes, nous sommes câblés de manière à nous
concentrer sur ce qui cloche, ce qui nous empêche de tirer les
enseignements de ce qui marche bien.
La stratégie des points positifs est destinée à remédier à ce travers. En
renversant le scénario et en dirigeant votre attention vers le positif – qu’est-
ce qui fonctionne ? – vous pouvez trouver de nouveaux moyens de
progresser. Reste à l’utiliser.
* Comme pour les autres stratégies de ce livre, je m’appuie ici sur un vaste corpus de travaux
antérieurs. Pour ce chapitre, je veux souligner en particulier ce que je dois à deux excellents
livres de Chip et Dan Heath, Switch, osez le changement et Comment faire les bons choix. Les
lecteurs familiers de leurs œuvres constateront que je fais écho ici à certains de leurs conseils.
* Il s’est trouvé que la solution passait par un recadrage du problème. Je n’entre pas ici dans les
détails, car ils sont un peu techniques, mais si vous êtes un aficionado de la lamination – et qui
ne l’est pas en réalité ? – vous trouverez tous les renseignements dans les notes de fin.
Résumé du chapitre
Examinez les points positifs
Les gens se débattent souvent contre des problèmes qu’ils ont déjà résolus.
Grâce à leur discussion paisible au cours du petit déjeuner, Tania et Brian
ont réalisé que leurs disputes étaient en partie imputables au choix du
moment. Gardant cela à l’esprit, demandez-vous s’il est arrivé – ne serait-ce
qu’une fois :
Que le problème soit absent.
Que le problème soit moins sévère.
Si le problème se posait, qu’il ne produise pourtant pas l’effet négatif
habituel.
Oui, tels sont les graves problèmes existentiels qui composent le monde des
petits humains. (Pour être juste, on pourrait dire que le cas du caillou
convoité réside derrière la plupart des conflits de l’humanité depuis la
guerre du Péloponnèse.)
Et tandis que j’animais la classe avec Stacey, Cate et leurs collègues, il
est apparu clairement que la plupart des enfants – surtout les plus jeunes –
avaient du mal avec le concept de recadrage.
Prenez le cas d’un garçon que j’appellerai Mike. Son frère le frappait
quelquefois quand ils se disputaient. Son énoncé du problème était succinct
:
Mon atelier a fait comprendre à Mike qu’il pourrait avoir avantage à trouver
une autre formule. Après mûre réflexion, il a abouti à :
Ne pas cogner.
En dépit de ses louables efforts, on sentait chez Mike une certaine dérive
systémique vers la première solution. Je soupçonne que le règlement des
disputes entre Mike et son frère est resté régi par la realpolitik plutôt que
par le raisonnement.
Pourtant, il y avait des exceptions. Essayez une seconde de vous
imaginer à la place de la copine de Mike, une fillette de 7 ans que
j’appellerai Isabella, et voyez comment elle a recadré son problème :
Ma sœur Sofia, qui a 5 ans, me demande toujours de monter regarder la télévision
avec elle. C’est très ennuyeux.
Mais je dois vous prévenir : cette stratégie peut être plus douloureuse que
les autres. Regarder hors du cadre ou repenser des objectifs n’est pas trop
pénible, trouver des points positifs peut être carrément réjouissant. En
revanche, un regard prolongé sans indulgence dans le miroir – un constat
loyal de votre propre rôle dans la gestion d’un problème – peut être pénible.
Comme un rendez-vous chez le dentiste, certains feront tout leur possible
pour l’éviter.
Conseil : acceptez le malaise. Être capable d’admettre des vérités
pénibles conduit parfois à certaines des solutions les plus libératrices. En
fait, quelques-uns des meilleurs solutionneurs de problèmes que je
connaisse ne se contentent pas d’accepter la souffrance d’une introspection.
Ils la recherchent activement, car ils savent qu’elle est une promesse
d’amélioration 97.
1. Explorer votre propre contribution
Et puis, il y a les gens « sans prise de tête », qui écrivent dans leur profil
« je ne me prends pas la tête » – ou parfois : « PAS DE PRISE DE TÊTE
!!!!! » Quand vous tombez sur un profil tel que celui-là, surtout la version
en lettres majuscules, vous imaginez une bonne dose de tracas dans leurs
relations passées 99.
Mais pourquoi donc ? Il y a des explications innocentes : ils n’ont pas eu
de chance, ils habitent une région où les faiseurs d’histoires sont
nombreux… Cela étant, on ne peut s’empêcher de soupçonner une
possibilité plus saisissante : ils provoquent eux-mêmes la prise de tête – ou
du moins ils y participent.
Même s’ils ne sont pas à l’origine des ennuis, il est probable qu’ils ont
tendance à choisir des partenaires qui en suscitent – ce qui devrait peut-être
pousser à s’interroger sur les méthodes de filtrage qu’ils utilisent pour
sélectionner leurs rencontres.
Je cite cet exemple parce que notre vie peut contenir quelquefois des
indices du même genre sur le rôle éventuel de notre propre comportement
dans l’apparition d’un problème. Personne ne me parle franchement. En
tout cas, depuis que j’ai viré ce type qui se plaignait tout le temps.
Face à un problème, prenez le temps de vous demander : Est-il possible
que mon (ou notre) propre comportement, à un certain niveau, participe au
problème ?
La DG/Le service juridique/Le contrôle de conformité rejette presque
toutes les idées que nous lui adressons ! Devrions-nous revoir notre
manière de développer ou de présenter nos idées ?
Nos commerciaux sont très négligents. Leurs comptes rendus sont
truffés d’erreurs et transmis en retard. Faudrait-il simplifier les
formulaires de compte rendu ? Pourrions-nous les gérer autrement ?
Nos salariés ont du mal à collaborer les uns avec les autres. Que
faisons-nous, en tant que dirigeants, pour susciter ce comportement ?
Je dois sans cesse demander à mes enfants d’éteindre leurs appareils
électroniques. M’arrive-t-il de le leur demander tout en pianotant sur
mon smartphone ?
Demander « à qui la faute ? » peut être problématique, car cela signifie en réalité Qui
s’est fourvoyé et doit être puni ? Le mot faute suggère que quelqu’un a commis un
acte qui était objectivement « mal » – comme violer une règle ou agir de manière
irresponsable. Contribution ne contient pas ce sousentendu : il se peut qu’une
grande partie de votre contribution ait été parfaitement raisonnable et qu’elle n’aille
quand même pas dans le bon sens. Contribution évoque aussi une perspective
davantage tournée vers l’avenir en suggérant ce qu’il faudrait changer pour faire
mieux la prochaine fois. Et, ce qui est capital, le mot implique que les erreurs
résultent en général de l’action de plus d’une personne. Oui, nous avons raté l’avion
parce que vous avez pris la mauvaise sortie. Toutefois, il est vrai que si j’avais
réservé un horaire plus tardif, nous aurions eu une plus grande marge d’erreur 100.
Si une chose avait mal tourné dans l’atelier, les parties impliquées étaient convoquées
dans mon bureau pour en parler et trouver comment faire mieux. Dans cette
situation, les gens craignent naturellement qu’on leur fasse des reproches et sont
donc un peu sur la défensive – ce qui n’est pas vraiment un bon moyen pour prévenir
des problèmes futurs. C’est pourquoi j’ai pris l’habitude de toujours commencer la
conversation par une requête spécifique : Racontez-moi comment l’entreprise vous a
fait rater 102.
Cette requête avait un effet puissant sur le personnel, qui comprenait que le
patron ne cherchait pas seulement à incriminer quelqu’un. L’esprit d’écoute
de John les incitait à répondre en explorant leurs propres contributions ainsi
que celles qui venaient de l’extérieur. Il en résultait une conversation
productive sur la manière d’éviter que le problème ne se reproduise. En
s’attachant à la contribution plutôt qu’au reproche, et en admettant qu’une
erreur pouvait avoir plusieurs parents, John et ses collaborateurs
réussissaient ensemble à apporter des améliorations significatives à l’usine.
2. Ramener le problème à votre niveau
Songez à la corruption. S’il vous est arrivé de vivre dans un pays qui en
souffre, vous n’ignorez pas que cette pathologie sociale affecte presque tous
les aspects de la société, y compris les normes culturelles – tout le monde le
fait, alors pourquoi pas moi ? – ce qui la rend très difficile à combattre. On
a dit que la corruption était un « méchant problème » 105. Cette expression
n’est pas du parler jeune pour décrire un problème vraiment impressionnant
: elle désigne des défis si complexes qu’ils en sont presque insolubles.
Et pourtant, les gens qui vivent dans un système corrompu trouvent
quelquefois des moyens de faire face à leur niveau. Le cas remarquable du
système de santé ukrainien a été décrit par le journaliste Oliver Bullough.
Les approvisionnements des hôpitaux ukrainiens étaient un foyer de
corruption. Chaque fois que les établissements devaient acheter des
médicaments ou des instruments médicaux, un certain nombre
d’intermédiaires véreux prélevaient leur dîme, ce qui se traduisait par une
envolée des prix et des disparitions d’équipements. Ce serait néfaste dans
n’importe quelle activité. Dans un hôpital, des patients en souffrent
inutilement ; certains en meurent.
La situation s’est brusquement améliorée quand quelques fonctionnaires
du ministère ukrainien de la Santé ont imposé un changement de politique.
Comment ? Ils ont sous-traité l’achat des médicaments à des agences
étrangères dépendant des Nations unies, évinçant ainsi d’un seul coup tous
les intermédiaires corrompus. L’initiative, écrit Bullough, a sauvé des
centaines de vies et permis 222 millions de dollars d’économies 106.
L’Ukraine souffre encore de graves problèmes de corruption. Mais, sur
ce terrain limité, le problème a été en partie résolu parce que des
fonctionnaires, des comptables et des experts de la santé ont décidé de voir
ce qu’ils pourraient faire à leur niveau au lieu d’accepter le statu quo.
Pourriez-vous pareillement recadrer le problème d’une manière qui vous
donne prise sur lui ?
3. Obtenir une vision extérieure de vous-
même
Les deux qualités ne sont pas nécessairement liées, assure Tasha Eurich :
celui qui redescend de sa montagne après six mois de méditation sereine sur
ses valeurs et croyances essentielles peut quand même ignorer
complètement que tout le monde autour de lui le considère comme arrogant
et taciturne *. Pour résoudre les questions de personnes, essayez de devenir
davantage conscient de ce que les autres pensent de vous.
S’il est parfois difficile d’obtenir des avis honnêtes de vos pairs, les obtenir
de vos subordonnés l’est plus encore – et pas uniquement parce que le
déséquilibre du pouvoir risque de nuire à leur sincérité. Adam Galinsky,
psychologue à Columbia University, et ses collègues ont démontré que
détenir du pouvoir amoindrit la capacité à comprendre les points de vue
d’autrui 110.
Pour y remédier et obtenir un point de vue authentique sur un problème
impliquant vos salariés, vous devrez peut-être faire appel à des personnes
extérieures. Voici l’exemple d’une entreprise qui a fait ce choix.
Après en avoir parlé avec ses salariés, le client est venu nous voir dans l’idée qu’il
avait un problème d’ergonomie. Son personnel lui disait des choses comme : La
saisie des informations est trop compliquée. Je n’ai simplement pas le temps de le
faire. Ce cadrage du problème donnait à penser qu’il fallait simplifier le système, et
c’était plus ou moins ce qu’on attendait de nous.
D’après mon expérience, quand des clients me font part d’un problème, quatre fois
sur cinq, il faut y revoir quelque chose. Dans peut-être un de ces quatre cas, le
problème qu’ils s’attachaient à résoudre au départ n’était pas du tout le bon.
C’est pourquoi Chris a commencé par organiser une série de petits ateliers
au cours desquels il a pu explorer le problème avec les salariés, en
l’absence des cadres supérieurs.
Une fois que les salariés ont été libres de parler avec un tiers comme moi, en toute
discrétion, un problème très différent est apparu. En gros, les gens avaient
l’impression que la rétention d’information sécurisait leur emploi. En partageant
leur savoir et leurs contacts, ils craignaient d’être remplacés, sans en tirer le
moindre avantage en termes de carrière.
Ce n’était pas une simple impression, a découvert Chris. Dans l’entreprise,
les récompenses et promotions dépendaient principalement des projets
auxquels les gens avaient participé. Tout le monde se bousculait donc pour
être affecté aux projets gagnants sans être un tant soit peu incité à aider les
autres.
* À ce moment-là, certaines personnes s’écrient : « J’avais un patron comme cela ! » Dans l’esprit de
ce chapitre, vous pourriez aussi vous demander si l’un de vos subordonnés a pu un jour éprouver
le même sentiment.
Résumé du chapitre
Regardez dans le miroir
Enfin, avec ces trois tactiques pour regarder dans le miroir, préparez-
vous à des découvertes déplaisantes. Il faut parfois souffrir un peu pour
trouver le meilleur moyen d’avancer.
Chapitre 8
Adopter leur perspective
Problème : les affiches ont-elles fonctionné
?
Quand je visite des immeubles de bureaux, les ascenseurs ne sont pas seuls
à accrocher mon regard. Je suis également fasciné par les affiches de
communication interne – tous ces avis qu’on placarde dans les couloirs et
les salles de réunion pour informer ses collègues sur ce qui se passe dans
l’entreprise.
Il arrive que des gens fonctionnent bien à l’ancrage, mais pas du tout à
l’ajustement 121. Des études ont montré que des personnes distraites ou
pressées, par exemple, ou simplement pas conscientes de la nécessité de
s’ajuster, risquent davantage de parvenir à de mauvaises conclusions. Elles
ont aussi moins de chances de se rappeler que des groupes de gens peuvent
réagir différemment et non comme une seule entité cohérente.
Le projet pfizerWorks
Quand nous avons lancé pfizerWorks dans un nouveau bureau, nous n’avons
pas commencé par les affiches. Nous avons d’abord prié une ou deux
personnes de ce bureau d’essayer le service. S’il leur plaisait, nous leur
demandions : « Seriez-vous d’accord pour que nous fassions une affiche sur
laquelle vous figureriez, ici même, dans le bureau ? » Ainsi, en passant devant,
les gens réalisaient qu’une de leurs connaissances utilisait déjà le service.
Nous leur demandions aussi de signer les affiches pour les rendre plus
personnelles. Cela a été déterminant pour amener les gens à faire l’essai.
J’ai d’abord envisagé de vendre l’idée comme une mesure de réduction des coûts :
après tout, le potentiel d’économies pour l’entreprise se chiffrait en millions de
dollars. Néanmoins, dans une entreprise comme Pfizer qui fait des milliards de
chiffre d’affaires, cela n’aurait épaté personne. Ce qui comptait vraiment était la
productivité – de sorte que le message qui les sensibilisait était : Nos collaborateurs
les plus talentueux et les mieux payés gaspillent trop de temps en travaux à faible
valeur ajoutée. Imaginez à quel point ils seraient plus productifs si nous les
débarrassions d’une partie de ce travail fastidieux.
3. Recherchez des explications raisonnables
À Copenhague, où je suis né, il y avait des parcmètres alignés dans les rues
à intervalle régulier. Après avoir garé votre voiture, vous deviez aller
jusqu’à l’appareil le plus proche et y glisser de l’argent pour obtenir un
ticket en papier. Vous le preniez et vous retourniez à votre véhicule pour le
placer derrière le pare-brise, afin de repousser les amendes comme une
gousse d’ail repousse les vampires. Dans ma rue, Gothersgade, les appareils
placés des deux côtés de la rue se faisaient face par paires.
Il était clair dès le début que la cliente ne comprenait pas vraiment le fonctionnement
des médias sociaux. Par exemple, elle était obsédée par l’idée d’avoir une vidéo
YouTube qui « devienne virale », ce qui paraît séduisant vu de l’extérieur bien
entendu. Néanmoins, d’après notre expérience, nous savions que la participation
réelle des utilisateurs – plutôt que de simples affichages passifs – était un critère de
succès bien meilleur, et nous avons donc conçu une campagne à cet effet.
Nous avons rassemblé quantité d’exemples et d’études de cas et organisé une réunion
téléphonique avec la cliente afin de lui expliquer pourquoi notre approche était la
bonne. Elle a parfaitement compris et reconnu que nous avions raison – pour
finalement conclure la conversation par : « Et vous allez vous débrouiller pour que
cette vidéo devienne virale, n’est-ce pas ? » C’était extrêmement gênant. Nous nous
arrachions les cheveux devant la stupidité de cette cliente. Elle nous demandait
quelque chose qui ne rimait à rien.
Une fois que nous avons compris la situation, nous avons changé de tactique. Et si
nous achetions un million de vues – pas chères, pas ciblées, uniquement pour qu’elle
touche sa prime – en allouant le reste du budget à des choses que nous savions
importantes ? Elle a accepté, et nous avons finalement obtenu son feu vert pour
lancer la campagne. Sans être idéale, il s’agissait de la meilleure solution possible
étant donné la situation – et la campagne a produit ses résultats.
1. Veillez-y
Vous vous tromperez sur les autres tant que vous ne ferez pas l’effort
sincère de les comprendre. Évitez cet écueil à l’aide d’une carte des parties
prenantes.
Dressez la liste des groupes ou personnes impliqués dans le problème.
N’oubliez pas de rechercher aussi les parties prenantes cachées,
comme nous l’avons noté à propos de la stratégie « Regarder hors du
cadre ».
Pour chaque partie prenante, interrogez-vous sur ses besoins, ses
émotions et son point de vue général. Cette personne, quels sont ses
problèmes ? Ses objectifs ? Ses croyances ? Son contexte ? De quelles
informations dispose-t-elle ?
Les études ont montré que les gens, quand ils essaient de comprendre les autres, sont
trop centrés sur leur propre perspective. Essayez de mettre de côté vos propres
préférences. Attachez-vous seulement à ce que les autres peuvent ressentir et penser.
Toute la journée, où que nous allions, nous n’avons pas trouvé un seul endroit sans un
glacier à proximité. Et quand nous discutions avec le propriétaire, il était clair que
l’affaire n’était pas très rentable : la plupart des boutiques vivotaient en vendant du
café. D’après ces visites, une seule chose était absolument claire : ce n’était pas un
problème qui méritait qu’on le résolve.
C’est bien connu : avant de vous lancer, vous devriez tester votre solution.
Ce qui est moins connu, c’est qu’avant de tester votre solution, il faudrait
veiller à tester votre problème. À l’instar d’un médecin qui effectue
quelques analyses pour confirmer son diagnostic avant d’opérer, les bons
solutionneurs tâchent d’obtenir la confirmation qu’ils ont correctement
cadré le problème avant de revenir en mode solution.
Ce point est central, car le processus de test d’une solution peut vite
devenir à lui seul très chronophage. Dans l’enthousiasme de la création
d’une solution, il n’est que trop facile de se dire : Hum, quel nom vais-je
donner à ma boutique de glaces ? Créer un groupe de focus serait-il utile ?
Quel genre de glaces devrais-je vendre ? Et comment sera le décor – dois-
je demander une maquette à un décorateur ? Pour les solutions techniques,
la tentation est encore plus grande : Pouvons-nous vraiment créer ce gadget
tout à fait formidable dont je rêve ? Enfermons-nous dans le labo
d’ingénierie pendant huit heures pour faire un essai.
Pire encore, tester des solutions risque de susciter une mauvaise forme de
dynamique sans rapport avec l’éventuelle validité du problème. Une fois
que vous avez trouvé le nom idéal pour votre boutique, il devient beaucoup
plus dur de revenir en arrière et de vous demander si, avant toute chose,
c’est une bonne idée d’en ouvrir une.
Il convient donc d’éviter ce genre de situation. Pour ce faire, la dernière
étape du processus de recadrage consiste à prévoir comment vous validerez
le cadrage de votre problème par un essai en situation réelle. Cette
précaution ferme la boucle de recadrage (pour le moment) et ramène les
gens en mode solution. Elle est comparable à la préparation d’une action,
mais avec un but particulier : vérifier que vos efforts sont orientés dans la
bonne direction.
Je vais à présent vous indiquer quatre méthodes spécifiques de validation
du problème :
1. Décrire le problème aux parties prenantes.
2. Se faire aider par des tiers.
3. Imaginer un essai grandeur nature.
4. Envisager de « prétotyper » la solution.
1. Décrire le problème aux parties prenantes
Quand il discute avec des preneurs d’otages armés, Chris Voss, négociateur
au FBI, a recours à une technique simple et pourtant très efficace :
l’étiquetage. Il la décrit ainsi 132 :
Si vous avez trois fugitifs piégés dans un appartement au vingt-septième étage d’un
immeuble de Harlem, vous savez sans qu’ils aient besoin de dire un mot que deux
choses les tracassent : se faire tuer et aller en prison.
Il semblerait que vous ne vouliez pas sortir. On dirait que vous avez peur de vous faire
mitrailler si vous ouvrez la porte. On a l’impression que vous ne voulez pas retourner
en prison.
Réunions de problème
La méthode n’est pas utile seulement aux négociateurs. Si vous devez
valider votre cadrage, l’une des choses les plus efficaces que vous puissez
essayer est tout simplement de décrire le problème aux personnes
impliquées.
Dans le monde des start-up, par exemple, Steve Blank, professeur à
Stanford, plaide pour des « réunions de problème » dans lesquelles vous (en
tant que créateur d’entreprise) allez voir vos prospects pour essayer de leur
décrire leur propre problème. Le cadrage n’est pas destiné à convaincre qui
que ce soit, mais à tester s’il éveille un écho. Comme le dit Blank, « votre
objectif est de faire parler les clients, pas vous » 133.
Startup Cisco
J’ai aussi vu la méthode à l’œuvre dans une grande entreprise, chez Cisco
134, dont trois collaborateurs, Oseas Ramirez, Edgardo Ceballos et Andrew
Africa, ont créé un service interne appelé Startup Cisco destiné à tester des
idées rapidement. Voici ce qu’Oseas m’a rapporté :
Les gens de Cisco imaginent régulièrement des idées et des innovations techniques
étonnantes, mais nous ne parvenions pas toujours bien à tester rapidement les idées
et à voir si elles répondaient réellement à un problème de nos clients. Nous avons
donc commencé à organiser des ateliers dans cette intention.
Une norme culturelle forte interdisait de montrer quoi que ce soit à un client tant que
ça n’était pas impeccable. Alors, les ingénieurs proposaient : Nous pourrions
construire cela, et la validation intervenait en général dans une salle où des cadres
supérieurs disaient : Quelle est notre impression sur cette idée ? Le client entendrait
: Vous allez adorer cela pendant trois ans avant de voir réellement le truc. Puis le
truc apparaissait. Il était parfait, mais le client remarquait : Sans doute, mais
pourquoi est-il incapable de faire ci ou ça ? Puis, voyant qu’il ne se vendait pas, les
gens commentaient : Oh, ces nuls du marketing et du commercial, ils ne l’ont pas
vendu comme il fallait.
Au début, les ateliers de Startup Cisco voyaient se produire un phénomène
analogue. Comme le dit Oseas :
Les gens venaient nous voir avec des idées fortes sur le produit technique qu’ils
voulaient bâtir, et ils décortiquaient efficacement les besoins du client de manière à
justifier leur idée. Après quelques essais, il est devenu clair qu’il fallait retarder la
construction de la solution jusqu’à ce que le problème ait été compris correctement.
Nous allons voir le client et nous lui disons : « Nous étudions cette question. Vous
pose-t-elle vraiment problème ? Pouvezvous m’en dire plus ? » La clé est de
s’attacher à leur problème plutôt qu’à la solution – car c’est ce qui les amène à se
projeter, et c’est la chose essentielle sur laquelle il nous faut des renseignements. Est-
ce que nous comprenons bien leurs problèmes ?
Un ancien de Cisco dénommé Juan Cazila avait un jour proposé une idée
prometteuse concernant les raffineries et les sites d’extraction gazière. Mais
le projet était resté bloqué dans les processus internationaux de Cisco
pendant près d’une année, et Cazila avait rejoint l’atelier de Startup Cisco
pour essayer de le faire avancer :
L’équipe m’a poussé à ignorer les processus habituels et à aller plutôt parler
directement à nos clients. Le deuxième jour de l’atelier, nous avons donc rédigé un
courrier électronique que nous avons envoyé à quinze cadres de haut rang dans des
entreprises comme Exxon, Chevron et Shell.
Ce même après-midi, Cazila prit contact avec trois des clients pour une
discussion à bâtons rompus. Nous nous demandions si vous aviez ce
problème dans vos raffineries. Oui ? Combien cela vous coûte-t-il ?
Il s’avéra que tous trois rencontraient ce problème et auraient bien aimé
le résoudre. Armé de cette information, Cazila contacta le directeur des
services après-vente de Cisco et sollicita des moyens pour faire avancer le
projet. Deux heures plus tard, il reçut une réponse positive, ce qui permit de
lancer le projet. À la date où j’écris, le projet est financé et testé par l’un des
plus gros clients de Cisco en Amérique latine.
2. Se faire aider par des tiers
Munie des résultats des entretiens, Georgina convainquit les conseils qu’ils
ne devraient pas essayer de se positionner comme un prestataire voué
purement à la stratégie et qu’ils feraient mieux de mettre en avant leur
capacité de réalisation – et d’en être fiers. Il en sortit un nouveau
positionnement fort autour du mariage de la stratégie et de l’exécution, bien
accueilli au sein de la firme et chez ses clients, qui favorisa la croissance
continue de l’entreprise.
Georgina a réfléchi au processus :
Il a été intéressant pour moi de voir à quel point les impressions interviennent dans le
travail de définition de vous-même et de la marque de votre entreprise. Beaucoup de
clients viennent me voir un peu honteux de ce qu’ils font, en se disant qu’ils doivent
devenir quelqu’un d’autre pour réussir. Mais souvent, quand je discute avec leurs
propres clients, il s’avère que la chose même dont ils ont honte est en réalité ce qui
fait leur force.
Si Dan et Saman en étaient restés là, ils auraient aisément pu se croire sur la
bonne piste et auraient commencé à mettre le service en place. Cependant,
ils savaient d’expérience que ce n’était pas si simple : ce que les clients
disent n’est pas forcément le reflet de ce qu’ils font. À la fin de leur
présentation, ils demandaient donc le versement d’un acompte. C’est
magnifique que vous aimiez notre service ! Nous avons quelques créneaux
qui s’ouvrent dans peu de temps – donc, si vous faites un premier versement
par carte de crédit, vous pouvez réserver l’un d’eux.
« Si positifs soient-ils, ne croyez pas tout ce que les gens vous disent
avant que vous ne leur réclamiez leur carte de crédit, explique Saman.
Quand vous demandez les informations sur leur carte de crédit, alors les
vraies réservations se révèlent. »
Leur prudence était de mise. Une seule des vingt copropriétés approchées
s’abonna au service. Le ménage mal fait était un problème, bien sûr, mais
assurément pas assez important ou pas assez urgent pour décider les clients
à agir.
L’histoire ne s’arrête pas là. Au cours des tests, Dan et Saman
rencontrèrent un gros courtier en immobilier commercial dont la réaction
fut immédiate : « Ce serait excellent dans les bureaux. » Saman poursuit :
Nous avons eu le sentiment que les bureaux pourraient être un bon créneau et nous
avons décidé de modifier un peu notre argumentaire commercial pour essayer.
Quelque chose comme deux semaines après nos réunions décevantes au sujet des
copropriétés résidentielles, nous avons organisé vingt-cinq présentations devant des
gestionnaires d’immeubles commerciaux. Il s’est avéré que dix-huit d’entre eux ont
sorti leur carte de crédit après la première réunion. À ce moment, nous avons su que
nous avions trouvé le bon problème à résoudre.
Ils l’appelèrent Managed by Q – en référence à l’habile armurier des films
de James Bond. Ils allaient en fin de compte attirer plus de 100 millions de
dollars de financement et travailler pour des gestionnaires de bureaux dans
tout le pays. Leur gestion de la main-d’œuvre innovante et humaine leur a
aussi valu des félicitations. Rompant avec le modèle de sous-traitance très
critiqué utilisé par d’autres start-up, les fondateurs ont décidé de salarier
leurs agents de nettoyage à plein temps, de leur distribuer 5 % du capital de
l’entreprise et de créer pour eux de vrais parcours de carrière. Ainsi, pour la
première fois dans l’histoire peutêtre, le nettoyage est devenu autre chose
qu’un cul-de-sac professionnel.
Quatre ans plus tard, Dan, devenu P-DG de l’entreprise, a reçu une
distinction publique pour le compte de celle-ci en reconnaissance de sa
politique sociale de pointe. (Saman est ensuite parti créer une nouvelle
start-up dans le domaine de la santé.) Peu avant que ce livre ne sorte des
presses, Managed by Q a été acquis pour un montant estimé supérieur à 200
millions de dollars 137.
4. Envisager de « prétotyper » la solution
Une idée en a amené une autre, et soudain les gens se sont pris au jeu. Quelqu’un a
sorti un ordinateur portable et dessiné un modèle 3D réaliste d’un bouchon d’aspect
amusant. Un autre a ajouté : Hé, je vais créer un site où vous pourrez l’acheter. Un
troisième a imaginé une annonce pour le produit et lancé quelques campagnes sur
les médias sociaux. À aucun moment, l’un d’eux n’avait eu l’intention de concrétiser
l’idée.
Le dessert venait d’être servi quand l’équipe a vendu son premier bouchon
à un client qui l’avait vu sur Facebook. Henrik a calculé le délai écoulé
entre l’idée et la première vente dans le monde réel : soixantetreize minutes.
Satisfaite d’avoir démontré son habileté commerciale et craignant que
son nouveau monstre ne prenne vie et ne les aspire dans un diagramme de
Venn réputationnel, avec chiens et alcool à la clé, l’équipe s’est empressée
de fermer le site et de rendre son argent au client.
Il n’est pas toujours nécessaire de valider votre problème. Si vous êtes
capable de tester vos idées aussi vite et aussi simplement, ne vous inquiétez
pas trop du diagnostic du problème. Contentez-vous de jeter votre machin
contre le mur – ou l’ordinateur, en l’occurrence – et voyez ce qui reste
collé.
Une fois établi votre plan pour la suite des événements, vous arrivez au
bout du processus de recadrage. Il reste encore une étape, cependant :
préparer votre prochain contrôle de recadrage. À cette fin, considérons un
autre domaine où les contrôles de problème réguliers sont une question de
vie ou de mort.
Réexaminer le problème, c’est important
Quand Scott McGuire arrive sur le lieu d’un accident et découvre un blessé,
il suit une procédure simple appelée ABC 140 :
Airway (voies aériennes) : les voies aériennes de la personne sontelles
libres ?
Breath (respiration) : la personne respire-t-elle normalement ?
Circulation (cardio) : le pouls de la personne est-il régulier ?
Avec ce test, Scott s’assure que le patient n’est pas en danger immédiat.
Il peut alors commencer à traiter ses blessures. S’il est seul sur place, il fait
encore autre chose avant de commencer le traitement : il colle un morceau
de ruban adhésif sur sa jambe et indique l’heure du prochain contrôle ABC.
« Si le patient est dans un état critique, je contrôlerai sans doute ses signes
vitaux toutes les trois à cinq minutes. S’il est plus stable, toutes les dix
minutes. Je note l’heure pour être sûr que ce sera fait même s’il se passe des
tas d’autres choses. »
Depuis qu’il s’est engagé comme bénévole dans une équipe de recherche
et de sauvetage à l’âge de 13 ans, Scott a exercé les fonctions de pompier,
de technicien d’urgence médicale, de guide de brousse, de guide de
montagne et bien d’autres métiers encore. Dans toutes ces professions, des
protocoles d’urgence visent à faire régulièrement le point de la situation :
Cela peut avoir l’air d’un retour en arrière, mais cela révèle souvent des informations
nouvelles. Parfois, ces informations étaient déjà là, mais il faut reconsidérer sa
perspective initiale pour les voir clairement. D’autres fois, la situation évolue. Une
personne qui a des côtes fracturées n’a peut-être pas mal la première fois que vous la
palpez parce que son adrénaline efface sa douleur. Si vous contrôlez son torse à
nouveau dix minutes plus tard, alors vous découvrez le problème.
Le cadrage de problème est analogue aux contrôles ABC en ce sens que
vous ne vous contentez pas d’évaluer le problème une fois – vous devez le
faire à intervalles réguliers.
C’est important en partie parce que les problèmes évoluent dans le
temps. Même si votre diagnostic initial est exact, il serait dangereux de le
tenir pour acquis, de même qu’il serait dangereux pour Scott de considérer
que tout va bien se passer après un unique contrôle ABC. Comme l’écrit
Kees Dorst, expert en design, à propos des organisations 141 :
Des contrôles réguliers sont utiles aussi dans les situations qui comportent
une contrainte de temps. Au lieu de tenter de poser un diagnostic d’emblée,
il vaut mieux, en général, procéder à un recadrage rapide, aller de l’avant,
puis revenir au diagnostic du problème plus tard, une fois que vous avez
plus d’informations.
Quatre moyens pour reconsidérer votre
diagnostic
Ces moyens ne sont pas les seuls pour valider un problème. S’il vous
faut plus d’inspiration, consultez la littérature sur les start-up – mieux
encore, parlez à quelqu’un qui a l’expérience de la création d’entreprise,
comme Kevin l’a fait avec Ashley.
Enfin, avant d’achever la boucle de recadrage et de monter au créneau à
nouveau, assurez-vous que vous avez planifié votre prochain contrôle de
recadrage.
Troisième partie
Vaincre les résistances
Chapitre 10
Trois problèmes tactiques
Les complications et comment les gérer
À présent, vous savez tout ce qu’il vous faut savoir pour vous lancer dans
un recadrage. Vous avez encore à apprendre si vous désirez acquérir une
maîtrise complète de la méthode, mais cet apprentissage viendra en grande
partie de l’expérience pratique acquise en l’appliquant à vos propres
problèmes et à ceux de vos clients, collègues et amis.
J’ai davantage à vous proposer. En travaillant sur des problèmes du
monde réel, vous tomberez un jour ou l’autre sur ce que j’appelle des
complications. Il s’agit des divers obstacles pratiques au recadrage : par
exemple, des personnes qui s’opposent au processus ou un problème donné
dont vous ignorez totalement la cause.
Tel est le sujet de cette partie du livre. Dans le prochain chapitre, je vous
livrerai des conseils sur la manière de surmonter les oppositions au
recadrage. Dans ce chapitre-ci, nous verrons comment résoudre trois
difficultés tactiques courantes :
1. Choisir sur quel cadre se concentrer (quand vous devez jongler avec
trop de cadrages).
2. Déterminer les causes inconnues d’un problème (quand vous n’avez
aucune idée de ce qui se passe).
3. Échapper au raisonnement en silo (quand les gens refusent de faire
intervenir des personnes extérieures).
Cette partie du livre se veut une référence pratique : si vous êtes
impatient de commencer, placez-y un signet et sautez au dernier chapitre, «
Un mot d’adieu ».
1. Choisir sur quel cadre se concentrer
Parmi les gens qui s’essaient au recadrage pour la première fois, certains
exprimeront sans doute un grief spécifique : Quand j’ai commencé, j’avais
un problème. À présent, j’en ai dix. Merci, méthode de recadrage, trèèèèès
utile !
L’irritation n’est pas forcément une mauvaise chose : c’est une part
normale du processus. Au début, il est peut-être pénible de ne plus avoir
une vision « simple » du problème. Cependant, l’avantage de ne pas
résoudre le mauvais problème est en général une contrepartie suffisante.
Tout de même, une question très pratique se pose : si vous êtes confronté
à plusieurs cadrages différents du problème, comment choisir ceux à
explorer et ceux à ignorer 142 ?
Dans certaines situations, quand les problèmes sont très importants,
vitaux, il est raisonnable de s’imposer une analyse méthodique de tous les
cadres en les confrontant un par un avec le réel. En général, pourtant, vous
n’en aurez ni le temps ni les moyens – ni la patience. Vous devrez choisir de
vous concentrer sur un ou deux cadres, au moins jusqu’à l’itération suivante
du processus. Alors, comment vous y prendre au mieux ?
Même si les problèmes sont trop variés pour qu’on leur applique de
façon homogène une recette fixe, il existe trois règles empiriques qui
peuvent vous faciliter la tâche. Quand vous passez en revue les cadrages,
intéressez-vous surtout à ceux qui sont :
Surprenants.
Simples.
Significatifs si exacts.
Quand vous recadrez un problème, vous (ou les gens que vous aidez) serez
parfois surpris par tel ou tel cadrage. Oh ? Je n’avais pas vu ça sous cet
angle ! Dans mes ateliers, des gens me parlent d’une sensation presque
physique – un sentiment viscéral de soulagement en découvrant un nouveau
point de vue sur leur problème.
Le sentiment d’étonnement ne garantit pas que les cadrages en cause
soient finalement viables. Pourtant, il convient d’ordinaire de les explorer.
Le sentiment d’étonnement survient exactement parce que le cadrage rompt
un modèle mental dans lequel le titulaire du problème se trouvait enfermé –
ce qui augmente les chances qu’une nouvelle perspective soit utile.
La priorité à la simplicité est une ligne directrice, pas une loi d’airain.
Certains problèmes ne peuvent en fin de compte être résolus que par des
solutions complexes à plusieurs niveaux. Mais comme l’écrivait Steve de
Shazer au regard de son expérience en matière de thérapie, « peu importe à
quel point la situation est moche et complexe, un petit changement dans le
comportement d’une personne peut aboutir à des différences profondes et
de grande portée dans le comportement de tous les protagonistes » 144.
Enfin, il est parfois raisonnable de tester des cadrages dans lesquels vous ne
croyez pas.
Le recadrage, par nature, consiste à contester vos hypothèses et vos
croyances relatives à un problème. Quelquefois, le simple fait de découvrir
un nouveau point de vue inattendu peut être suffisant pour vous faire
reconsidérer vos croyances antérieures. Mais plus souvent, quand vous
découvrez un cadrage réellement puissant, votre réaction viscérale – ou ce
qu’on appelle plus noblement intuition – peut fort bien être négative. En
matière de recadrage, ne vous fiez à votre intuition que prudemment.
Cela vous paraît peut-être bizarre. Après tout, l’industrie du conseil
personnel vit en grande partie d’un message unique : fiez-vous à votre
instinct. Nous avons tendance à faire confiance à nos sentiments immédiats
sans nous demander d’où ils proviennent. Mais notre « instinct » n’est en
réalité qu’un résumé subconscient de ce qui a fonctionné dans le passé.
Point essentiel : la créativité implique souvent de dépasser votre expérience
passée, en renonçant à au moins un ou deux de vos postulats. Votre intuition
se construit à partir de votre passé. C’est exactement pour cette raison
qu’elle n’est pas toujours un bon guide pour votre avenir.
En d’autres termes, même si un cadrage heurte votre instinct, vous ne
devriez pas l’écarter avant de vous être demandé : Si c’était vrai, ce
cadrage produirait-il beaucoup d’effet ? De tels cadrages peuvent valoir
qu’on s’y intéresse même si vous vous dites que les chances pour qu’ils
soient justes sont minimes – sous réserve qu’ils puissent être testés sans
exiger de moyens excessifs.
Le programme Bolsa Familia. Lula da Silva, homme politique et ancien
président du Brésil, en donne un exemple. Reconnu coupable de corruption,
il est aujourd’hui marqué du sceau de l’infamie. Pourtant, avant cela, il
s’était fait remarquer du monde entier avec la réussite de Bolsa Familia, un
programme de lutte contre la pauvreté 145.
Comme l’expose Jonathan Tepperman dans The Fix, au lieu de dispenser
des services aux familles pauvres, le programme s’est contenté de leur
donner de l’argent. Les familles ont alors pu le consacrer aux biens et
services qu’elles désiraient.
Bien que ce soit plus simple et moins cher – 30 % de moins que les
prestations de services traditionnelles, selon une étude – l’idée de donner de
l’argent à la population était rejetée fermement par les experts locaux et
internationaux. Ils étaient convaincus pour la plupart que les pauvres
gaspilleraient les subsides pour satisfaire des vices et acheter des frivolités.
Lula, qui avait eu une jeunesse pauvre, savait que ces préjugés étaient
inexacts : les pauvres – surtout les mères de famille – dépensent
généralement avec sagesse. Grâce au programme Bolsa Familia et à
d’autres actions, le taux brésilien de pauvreté extrême a été divisé par deux.
Trente-six millions de personnes sont ainsi sorties de la catégorie de
pauvreté la plus extrême et constituent un point positif pour les efforts
d’autres pays tendant à affronter les inégalités de revenus.
La question qui me frappe est celle-ci : l’un des dirigeants précédents
aurait-il pu avoir cette idée malgré ses instincts ? À l’aide de ce test, ils
auraient pu se dire : « Je ne crois pas que les pauvres puissent gérer leur
argent raisonnablement. Mais j’admets qu’il y a une petite chance pour que
j’aie tort sur ce point – auquel cas nous pourrions obtenir des résultats très
différents, car verser de l’argent serait beaucoup plus efficient que de
fournir des biens et services. Dans cet esprit, pourquoi ne pas se livrer à une
petite expérience pour vérifier que j’ai raison ? »
Quelle que soit votre stratégie de sélection, notez que le but du processus
n’est pas de parvenir, au final, à un unique cadrage. Certaines équipes avec
lesquelles j’ai travaillé choisissaient un premier cadre à explorer, puis
désignaient certains de leurs membres pour en explorer un second et un
troisième. Sauf si vous devez vous en tenir à une solution immédiate, des
explorations parallèles peuvent en valoir la peine. Quelquefois, des pistes
de recherche infructueuses se révéleront utiles plus tard, ne serait-ce que
pour dire à l’une des parties prenantes : « Nous avons testé cet angle, et il
n’a pas fonctionné. »
2. Trouver les causes inconnues d’un
problème
Pour utiliser l’appli, vous deviez passer la première fois par un processus
d’inscription – pour ce faire, vous étiez obligé de vous connecter au service de
télévision par câble de la famille. À ce stade-là, la quasi-totalité des enfants
abandonnait le processus.
Nous avons lancé des centaines de tests A/B en essayant différents flux d’inscription
et de nouvelles formulations des instructions. Essayons avec les 12 ans du Midwest –
réagissent-ils mieux si nous inversons les étapes ?
L’équipe avait de bonnes raisons de s’appuyer sur des tests A/B. Depuis
leurs humbles débuts à la fin des années 1980 – la publication du grand
classique de Donald A. Norman, The Design of Everyday Things, ayant
marqué une rupture –, les tests d’utilisabilité sont devenus un outil courant
et puissant pour les entreprises technologiques. On connaît une très grande
entreprise technologique qui a testé plus de quarante nuances de bleu pour
trouver la couleur exacte de sa page de recherche.
Mais comme le dit Miah, « le problème était qu’aucun de nos tests
n’avait fait bouger l’aiguille. Même les meilleurs ne relevaient le taux
d’adhésion que de quelques points de pourcentage tout au plus ».
Pour sortir de l’ornière, Miah décida d’essayer quelque chose de nouveau
:
Nous nous étions attachés à réunir des masses de données en observant de grands
groupes. Quel était le pourcentage de ceux qui glissaient ici ou qui touchaient là ? Et
cela ne nous avait conduits nulle part. J’ai donc eu une idée : au lieu d’étudier des
quantités d’enfants de loin, pourquoi ne pas en inviter quelques-uns dans notre
bureau, accompagnés de leurs parents, afin de nous asseoir à côté d’eux et de
regarder ce qui se passait quand ils essayaient de se connecter ?
Cette décision changea tout. Au contact des enfants, l’équipe de Miah vit
clairement que l’utilisabilité n’était pas en cause. Les enfants n’avaient
aucun mal à comprendre les instructions ou à naviguer dans le processus de
connexion. (De nos jours, la plupart des enfants de dix ans sont capables de
crocheter un coffre-fort en cinq minutes chrono.) Le problème tenait à leurs
émotions : quand on leur demandait le mot de passe de la télévision par
câble familiale, ils craignaient d’avoir des problèmes. Pour un gamin,
réclamer un mot de passe s’apparente à une entrée en territoire interdit.
L’équipe de Miah renonça immédiatement à ses efforts d’amélioration du
processus de connexion. En revanche, elle produisit une courte vidéo
expliquant aux enfants qu’il était normal de demander le mot de passe à
leurs parents. Ne t’inquiète pas, petite sauterelle ! Demander le mot de
passe ne te vaudra aucun ennui ! Résultat : le taux de connexion à l’appli
fut aussitôt multiplié par dix. À partir de ce jour, Miah veilla à ce que les
processus de développement de produits incluent quelques tests auprès des
utilisateurs en plus des tests A/B.
Tests contre expériences d’apprentissage. L’histoire de Miah illustre les
différences entre tester et expérimenter. Quand ses collaborateurs ont
commencé à s’attaquer au problème, ils ne s’en sont pas tenus à la pure
analyse. Ils ont testé des centaines de permutations différentes des flux de
connexion sur des clients réels, en temps réel. Si vous étiez entré dans leur
bureau en disant : « les gars, nous devons faire quelques expériences pour
trouver la réponse », ils vous auraient regardé bizarrement : C’est ce que
nous sommes en train de faire !
La difficulté était que leurs tests étaient centrés sur le mauvais problème.
L’équipe n’a trouvé comment progresser que lorsque Miah a décidé
d’essayer quelque chose de différent. Au lieu de continuer à fignoler les
tests d’utilisabilité – Et si on mettait un bouton un tout petit peu plus bleu ?
– il a pris du recul et demandé : Y a-t-il autre chose que nous puissions faire
pour en apprendre plus sur le problème ? Quelque chose que nous n’avons
pas encore essayé ?
Telle est l’essence des expériences d’apprentissage : quand vous êtes
bloqué, au lieu de persister dans vos modèles actuels, pouvez-vous trouver
un autre type d’expérience qui vous aidera à jeter une lumière nouvelle sur
la situation ?
3. Échapper au raisonnement en silo
La plupart des gens conviennent que les idées en silo sont mauvaises – et
les recherches sur l’innovation et la résolution de problème leur donnent
raison. Face à des problèmes complexes, les équipes diversifiées se
débrouillent mieux que celles dont les membres sont dotés d’un profil
uniforme 152. Avec le recadrage en particulier, obtenir le point de vue d’une
personne extérieure est un excellent raccourci vers la détection de nouveaux
cadrages.
En pratique, cependant, les gens font bien moins appel à des tiers qu’ils
ne devraient. Ils ont beau valider l’idée en théorie, au moment d’agir ils
répondent par exemple :
Les gens de l’extérieur ne comprennent pas notre métier, si bien qu’il
faut une éternité pour leur expliquer le problème. Nous n’avons pas le
temps.
Je suis un expert de premier plan dans mon domaine. À quoi bon faire
intervenir des non-experts ?
J’ai essayé d’interroger des outsiders et ça n’a pas marché. Ils
proposaient des idées inexploitables.
Je travaille ici depuis douze ans. Au cours de cette période, j’ai vu trois directions
générales différentes essayer de lancer de nouveaux cadres d’innovation. Aucun n’a
fonctionné. Je ne pense pas que les gens réagiraient bien si on essayait encore une
fois de les endormir avec des mots ronflants.
Cela faisait à peine un semestre que j’avais pris la tête de l’entreprise et je savais que
Charlotte comprenait bien ce qui s’y passait. Elle était le genre de personne vers qui
nos salariés se tournaient quand ils avaient un problème dont ils ne voulaient pas
parler directement à la direction générale. Je me disais qu’elle pouvait nous aider à
voir au-delà de notre propre point de vue.
Comme vous l’avez sans doute remarqué, Charlotte n’a pas essayé de
proposer une solution au groupe. Elle s’est contentée d’émettre une
observation qui a aidé les dirigeants eux-mêmes à repenser le problème.
Ce schéma est classique. Par définition, les personnes extérieures ne sont
pas des experts de la situation et seront donc rarement capables de résoudre
le problème. Ce n’est pas leur fonction. Elles sont là pour pousser les
titulaires du problème à raisonner autrement. C’est pourquoi, quand vous
faites intervenir des outsiders :
Expliquez pourquoi ils sont invités. Il vaut mieux que tout le monde
comprenne qu’ils sont là pour aider à bousculer des postulats et à
éviter les angles morts.
Préparez les titulaires du problème à écouter. Dites-leur de
rechercher de la matière à réflexion plutôt que d’attendre des solutions.
Demandez expressément aux personnes extérieures de contrarier
les raisonnements du groupe. Dites-leur bien qu’on n’attend pas
nécessairement d’elles qu’elles apportent des solutions.
Comment vous assurer qu’un recadrage a lieu quand l’ordre du jour dépend
de quelqu’un d’autre ? Vous pouvez essayer ce qui suit.
Certains clients détestent qu’on leur dicte leur conduite, quelle que soit la
bienveillance de votre conseil. Il peut alors être bon de raconter des
anecdotes à propos d’autres entreprises ou d’autres personnes, en laissant
les clients établir eux-mêmes le lien avec leur propre situation.
Clayton Christensen, expert en innovation, a notoirement utilisé cette
méthode auprès d’Andy Grove, P-DG d’Intel 158 *. Christensen savait que
les P-DG n’aiment généralement pas qu’on leur dicte leurs actes. C’est
pourquoi il s’est abstenu de donner directement à Grove le conseil sollicité.
Eh bien ! permettez-moi de vous dire ce que j’ai vu dans telle autre
industrie… a-t-il commencé. Avec quelques anecdotes, il a fait passer son
message mieux que s’il avait formulé une recommandation directe. (À
propos, cette méthode peut aussi fonctionner avec des gens qui adoptent
une attitude de déni par rapport au diagnostic.)
Les clients prétendent peut-être qu’ils n’ont pas de temps pour un recadrage
alors qu’en fait ce sont souvent leurs émotions qui sont en jeu. Pour gérer
cette situation, il est bon de connaître ce que les psychologues appellent le
besoin de clôture cognitive, dont le spectre s’étend entre deux extrêmes :
Les gens qui évitent la clôture préfèrent retarder le moment d’agir,
même s’il leur suffit d’un petit pas. Je trouve que ça va bien trop vite.
Il nous faut plus de données avant d’être prêts à agir. S’ils ne
maîtrisent pas ces émotions, ils risquent fort de laisser traîner trop
longtemps la solution du problème 160.
Les gens qui recherchent la clôture ne trouvent pas naturel de devoir
garder en tête plus d’un problème potentiel : Pourquoi en sommes-
nous encore à parler de cela ? Nous avons eu une explication qui
paraît appropriée. Allons-y ! Mal à l’aise devant l’ambiguïté et la
réflexion, ils se précipitent trop vite en mode solution 161.
Quel que soit le type de personnes avec lesquelles vous travaillez, leurs
émotions risquent de perturber le processus. Il peut être utile de leur
expliquer la nature rapide, itérative, du processus de recadrage et en quoi il
est conçu pour gérer la tension entre la pensée et l’action. D’un côté,
l’existence d’un processus de recadrage garantit que les drogués de l’action
ne bloquent pas les questionnements nécessaires. De l’autre, en s’interdisant
de dépasser un délai raisonnable et en achevant toujours le recadrage par un
pas en avant, on limite le risque de paralysie par l’analyse.
Il se peut quand même qu’un mécontentement surgisse. Voici ce que je
dis à mes clients : la frustration fait inévitablement partie de la résolution de
problème, n’essayez pas de la réprimer. Il vaut mieux être mécontent
maintenant qu’après avoir passé la moitié d’une année à vous hâter dans la
mauvaise direction (pour ceux qui recherchent la clôture) ou à ne pas faire
grand-chose (pour ceux qui l’évitent).
Les tactiques ci-dessus supposent qu’on ait ouvertement convaincu le
client de consacrer du temps au recadrage. Si cela s’avère difficile, il existe
d’autres moyens, subtils, pour y parvenir.
Dans mon propre travail de recadrage, j’ai noté ce thème : Nous nous
entichons souvent de cadrages du problème qui nous permettent de ne pas
changer. Si vous pensez que le problème tient à la personnalité inamovible
de votre collègue, à une culture d’entreprise hostile au risque, à l’état de
l’économie mondiale ou aux lois déraisonnablement infrangibles de la
physique, eh bien, vous ne pouvez pas y faire grandchose. Or se trouver
incapable d’agir peut se révéler une situation bien confortable.
Quelquefois, des cadrages plus propices à l’action apparaissent
immédiatement – ou même sautent aux yeux, du moins pour les
observateurs extérieurs. Pourquoi rejetteriez-vous un diagnostic qui, pour
les autres, est clairement correct ? Voici quelques raisons :
Le cadrage vous obligerait à affronter une vérité déplaisante. Nombre
de médecins du xixe siècle rechignaient à admettre l’importance du
lavage des mains. En effet, s’il s’avérait que les maladies étaient
transmises par des germes, ils devraient reconnaître avoir causé par
inadvertance la mort d’un grand nombre de leurs propres patients 162.
Le cadrage tend vers une solution dont vous ne voulez pas.
Quelqu’un qui a un problème de boisson, par exemple, pourrait refuser
le diagnostic afin d’éviter le traitement.
Le cadrage fait obstacle à d’autres incitations en jeu. Un politicien
risque d’aller, consciemment ou non, vers un cadrage incorrect d’un
problème par souci de défendre les intérêts de ses électeurs – ou, ce
qui est plus problématique, de ses soutiens financiers. « Il est difficile
de faire comprendre une chose à un homme quand son salaire dépend
de ce qu’il ne la comprend pas », disait l’écrivain Upton Sinclair 163.
Ces problèmes ne peuvent pas tous être résolus par un recadrage, mais la
méthode peut aider à les mettre en lumière. Et, dans bien des cas, vous
disposez de leviers pour agir. Voici quelques conseils pour le cas où votre
client, dans une attitude de déni, rejetterait votre diagnostic.
Si vous avez un rôle de conseil, il est toujours tentant de vous dire que vous
avez raison et que le client a tort. Ils sont contre parce qu’ils sont stupides.
Une telle certitude peut être séduisante – mais, les études le montrent, vous
pouvez vous sentir absolument certain d’une chose et avoir tort quand
même 164.
Avant d’entrer en campagne pour surmonter le déni du client, prenez une
seconde pour vous demander : Se pourrait-il que, dans le cas présent, je me
trompe ? Quelquefois, l’opposition du client dénote un fait essentiel dont il
a connaissance, même s’il n’est pas capable de le formuler.
Quelquefois, les clients rejettent votre point de vue parce qu’ils croient
fermement en un autre cadrage du problème. En ce cas, tentez d’adopter
leur logique – puis voyez si leur raisonnement contient des incohérences
que vous pourriez mettre en avant.
Steve de Shazer (le psychothérapeute partisan de la thérapie brève) en a
décrit un exemple mémorable. L’un de ses clients, un ancien combattant,
avait travaillé pour la CIA en début de carrière. Père de deux enfants, il était
heureux en mariage mais souffrait depuis peu d’une paranoïa croissante : il
était persuadé que la CIA voulait l’assassiner. Deux chocs à l’arrière de sa
voiture, à six semaines d’intervalle, n’étaient pas des accidents selon lui –
c’étaient des tentatives d’assassinat. Il avait aussi démonté le téléviseur
familial à la recherche de micros cachés. Au grand dam de sa femme, il
patrouillait dans leur maison la nuit avec une arme chargée.
Chercher à convaincre cet homme que la CIA n’était pas à ses trousses
aurait été vain, de Shazer le savait. Sa femme essayait sans succès depuis un
an et demi. De Shazer opta donc pour une autre approche :
La première étape est d’accepter les croyances du client pour argent comptant : faites
comme si la CIA complotait contre lui. Puis demandez-vous ce qui cloche dans les
détails du complot tel qu’il le décrit. Ce qui ne colle pas, tout simplement, est que les
deux tentatives visant à attenter à sa vie ont échoué misérablement : la CIA n’avait
même pas été à deux doigts de le tuer. Comment était-ce possible ? Quand la CIA
veut tuer quelqu’un, elle le tue. D’où cette question : Pourquoi la CIA enverrait-elle
des tueurs aussi incompétents ?
On notera que de Shazer ne brandit pas l’assassinat raté comme une massue
: Alors, clairement, vous avez tort ! Au contraire, il se contente de signaler
le problème : N’est-il pas bizarre qu’ils n’aient même pas été à deux doigts
de vous tuer ? Je veux dire, vous avez fait partie de la CIA. Si l’Agence
avait voulu qu’un type meure, il serait mort à l’heure qu’il est, non ? Il
invitait le client à y réfléchir jusqu’à leur séance suivante, puis il changeait
de sujet. Cela, ainsi que d’autres interventions, finit par guérir l’homme de
ses obsessions 166.
L’important, selon de Shazer, est d’introduire le doute à propos du
cadrage actuel plutôt que de rejeter celui-ci d’emblée. Puis de laisser le
client parvenir lui-même à la conclusion évidente.
Quel que soit le coût, cela doit être fait avec le plus grand soin. N’oubliez
jamais que les clients connaissent leurs problèmes mieux que vous, même
s’ils ne sont pas entièrement capables de bien les expliquer.
Si les clients ne veulent pas écouter la voix de la raison, les laisser échouer
peut apporter une petite leçon cuisante qui prépare le terrain à une meilleure
collaboration future. Voici l’expérience d’un chef d’entreprise que nous
appellerons Anthony, cofondateur d’un prospère service de lecture en
continu (streaming).
Il s’est trouvé que, pour élargir le service à une série de nouveaux pays,
Anthony et son cofondateur, Justin, obtinrent un financement de quelques
nouveaux actionnaires. Ils comptaient que ces derniers resteraient plutôt
passifs. Mais, alors qu’ils se préparaient à lancer le service dans un nouveau
pays, les investisseurs commencèrent à s’impliquer dans les décisions et les
préparatifs de lancement. Voici ce que m’a relaté Anthony 167 :
Nous savions d’expérience qu’il n’était pas possible de lancer notre service « tel quel
» dans un nouveau pays. Il fallait d’abord l’adapter aux contenus et aux préférences
de consommation locaux. Dans cette optique, il nous fallait un budget afin
d’embaucher des spécialistes locaux qui nous aideraient, ainsi que suffisamment de
temps pour les tests et l’assurance qualité.
Néanmoins, nos actionnaires n’ont rien voulu savoir. Ils trouvaient que c’était lent et
superflu. Ils ont donc fait pression pour que nous nous contentions de lancer le
service en l’état. Comme ils avaient réussi dans d’autres activités et qu’ils étaient
très compétents, ils avaient tendance à nous regarder de haut : Nous allons montrer
à ces lambins comment faire.
Ce n’était pas le bon choix, Anthony le savait – mais il était conscient par
ailleurs qu’un bras de fer aurait pu aigrir leur relation. Surtout, s’il faisait
comme il l’entendait, rien ne prouverait que les actionnaires avaient tort.
Délibérément, il les laissa donc essayer.
Le lancement dans ce pays n’était pas une affaire de vie ou de mort : s’il ne
réussissait pas du premier coup, nous pourrions réessayer plus tard. J’ai donc
simplement laissé les actionnaires agir à leur guise. Et bien sûr, le lancement a
échoué. Ces gens étaient habiles, mais en l’occurrence ils étaient trop sûrs d’eux et
l’échec les a aidés à en prendre conscience.
Après cela, les actionnaires ont approuvé les budgets nécessaires pour
entrer sur de nouveaux marchés de la bonne manière. Et, c’est tout aussi
important, ils ont éprouvé plus de respect pour l’expérience acquise
durement par Anthony et Justin, ce qui a rendu leur équipe plus solide.
De toute évidence, cette tactique a ses limites : si le premier échec doit
coûter très cher ou provoquer des dégâts, vous ne pouvez pas vous
permettre de le traiter comme une expérience enrichissante. Mais si un
échec n’est pas trop coûteux, il peut être bon d’en payer le prix, en le
considérant comme un investissement dans une meilleure relation.
Certaines personnes ont juste besoin d’aller dans le mur une fois ou deux
avant d’accepter que vous leur montriez la porte.
En Corée, on n’aimait pas du tout prendre des risques pour essayer des idées
disruptives. Alors, au lieu d’insister lourdement, nous nous sommes mis à leur
fournir des idées bien plus sûres, qui ont produit moins d’effet mais qui ont été
bonnes pour leur carrière. Ils ont fini par nous faire assez confiance pour que nous
leur vendions des idées de plus en plus ambitieuses, ce qui nous a permis de réussir
dans notre mission.
En tant que professionnels, nous voudrions naturellement avoir raison à
tous les coups. Il arrive cependant que le bon choix consiste à accepter la
défaite et à regarder au-delà, en instaurant une relation de confiance avec le
client jusqu’à ce que votre avis acquière davantage de poids pour lui.
* Clayton Christensen est généralement considéré comme l’un des penseurs fondamentaux dans le
domaine du management. Il est à l’origine du paradigme de l’innovation disruptive et a cocréé
l’approche des « jobs-to-be-done » (travaux à accomplir), un schéma largement utilisé pour
mieux comprendre et recadrer les besoins des clients.
Résumé du chapitre
Les opposants au recadrage
Opposition au processus
Affronter le déni
L’esprit s’attarde avec plaisir sur les faits qui s’inscrivent heureusement dans le
champ de la théorie et éprouve une froideur naturelle envers ceux qui paraissent
réfractaires. D’instinct, il y a une recherche spéciale du phénomène qui le soutient,
car l’esprit est dirigé par ses désirs.
Thomas Wedell-Wedellsborg
New York City
Annexe
Lectures conseillées
Références et formations
Le recadrage en médecine
Every Patient Tells a Story: Medical Mysteries and the Art of Diagnosis,
de Lisa Sanders (New York, Broadway Books, 2009), est rédigé pour les
non-spécialistes et ouvre une fenêtre fascinante sur le monde du diagnostic
médical.
Le recadrage en politique
The Righteous Mind: Why Good People Are Divided by Politics and
Religion, de Jonathan Haidt (New York, Pantheon, 2012), offre un regard
riche sur les différences de cadrage des problèmes entre électeurs
conservateurs et progressistes.
Le recadrage en design
Autres sujets
Questionnement
Formulation de problèmes
Avant de recadrer les problèmes, vous devez les cadrer – c’est-à-dire créer
un énoncé du problème. On trouvera des conseils détaillés sur la
formulation des problèmes (par distinction avec leur recadrage) dans les
deux articles suivants :
« Are You Solving the Right Problem? », de Dwayne Spradlin,
Harvard Business Review, septembre 2012, qui fournit certains conseils
utiles sur la manière de créer des énoncés du problème permettant à des
personnes extérieures de proposer des informations ou des solutions.
« The Most Underrated Skill in Management », de Nelson P.
Repenning, Don Kieffer et Todd Astor, MIT Sloan Management Review,
printemps 2017, qui livre des conseils utiles en particulier sur la manière de
clarifier les objectifs.
Tactiques d’influence
Si votre principal problème est d’influencer autrui – par exemple s’il vous
faut décider une équipe à considérer votre point de vue – lisez le petit livre
de Phil M. Jones, Exactly What to Say: The Magic Words to Influence and
Impact (Box of Tricks Publishing, 2017), qui contient des conseils très
tactiques sur les phrases à utiliser.
Autre lecture classique, Influence et manipulation : comprendre et
maîtriser les techniques de persuasion, de Robert Cialdini (Paris, First
Éditions, 2004), ou si possible l’édition révisée Influence: The Psychology
of Persuasion (HarperBusiness, 2006).
L’art de l’observation
Diversité
Mon livre favori sur la diversité est celui de Scott Page, The Diversity
Bonus: How Great Teams Pay Off in the Knowledge Economy (Princeton,
NJ, Princeton University Press, 2017), qui présente à la fois la preuve des
avantages de la diversité et quelques schémas utiles pour utiliser celle-ci au
mieux.
1. Ce que j’appelle « recadrage » dans ce livre est traité dans les travaux universitaires sous
différents noms : « recherche de problème », « découverte de problème », « formulation de
problème », « construction de problème », etc. Les travaux scientifiques sur le recadrage étaient
surtout consacrés, à l’origine, au domaine des études de créativité, avec les explorations
empiriques de Jacob Getzels et Mihaly Csikszentmihalyi en 1971 puis les contributions de
savants comme Michael Mumford, Mark Runco, Robert Sternberg, Roni Reiter-Palmon et
beaucoup d’autres.
L’histoire du recadrage est cependant beaucoup plus large. Le diagnostic de problème occupe
une place centrale dans la quasi-totalité des disciplines théoriques ou pratiques. Par conséquent,
vous trouverez des penseurs du recadrage dans tous les domaines – ou presque – de l’activité
humaine. Une chronologie non exhaustive des premiers penseurs du recadrage, avec leur
discipline, comprendrait la géologie (Chamberlin, 1890), l’éducation (Dewey, 1910), la
psychologie (Duncker, 1935), la physique (Einstein et Infeld, 1938), les mathématiques (Polya,
1945), la gestion opérationnelle (Ackoff, 1960), la philosophie (Kuhn, 1962), la théorie critique
(Foucault, 1966), la sociologie (Goffman, 1974), l’économie comportementale (Kahneman et
Tversky, 1974) et, notoirement, la science du management (Drucker, 1954 ; Levitt, 1960 ;
Argyris, 1977). Ajoutons les apports essentiels de praticiens de disciplines comme la création
d’entreprise, le coaching, les négociations, la stratégie d’entreprise, le design comportemental,
la résolution des conflits et, en particulier, le design thinking.
Si vous désirez approfondir l’histoire du recadrage, consultez le site web de ce livre
(www.howtoreframe.com). Vous y trouverez un survol plus complet des observations
scientifiques qui appuient le concept, avec les références complètes des penseurs du recadrage
mentionnés dans cette note.
2. L’idée que le recadrage est une compétence pouvant être enseignée (et pas seulement un talent
inné) s’appuie sur mes propres recherches. Une méta-étude (c’est-à-dire une revue de toutes les
recherches disponibles) de 2004 a montré que la formation à la recherche de problème était l’un
des moyens les plus efficaces pour développer la créativité ; voir Ginamarie Scott, Lyle E.
Leritz et Michael D. Mumford, « The Effectiveness of Creativity Training: A Quantitative
Review », Creativity Research Journal 16, n° 4 (2004), p. 361.
3. L’histoire de l’ascenseur est une anecdote classique dont l’origine – s’il en est une – se perd
dans la nuit des temps. À ma connaissance, sa première citation académique remonte à un
article publié en 1960 par le fameux chercheur en gestion opérationnelle Russell L. Ackoff, où
elle illustrait l’utilité des équipes de résolution de problème interdisciplinaires ; voir Russell L.
Ackoff, « Systems, Organizations, and Interdisplinary Research », General Systems 5 (1960).
Ackofflui-même a dit dans ses écrits ultérieurs que cette histoire était anecdotique. Merci à
Arundhita Bhanjdeo ainsi qu’à Elizabeth Webb et Silvia Bellezza, de Columbia Business
School, de m’avoir signalé l’article original d’Ackoff.
4. Notez que la solution du miroir n’est pas censée être « la » réponse au problème de l’ascenseur
lent. (Des miroirs sont inutiles, par exemple, si le problème est que les gens arrivent en retard à
leurs réunions.) C’est simplement un exemple d’une idée de base facile à retenir : recadrer un
problème permet parfois de trouver des solutions bien meilleures que celles issues des formes
plus traditionnelles d’analyse du problème.
5. Albert Einstein et Leopold Infeld écrivaient en 1938 : « La formulation d’un problème est
souvent plus essentielle que sa solution, qui peut être simplement une affaire de compétence
mathématique ou expérimentale. Soulever de nouvelles questions, de nouvelles possibilités,
considérer les vieux problèmes sous un angle neuf, requiert de l’imagination créatrice et marque
une vraie avancée de la science. » (Voir Einstein et Infeld, The Evolution of Physics
[Cambridge, Cambridge University Press, 1938]. Le passage figure p. 92 de l’édition de 2007.
C’est moi qui souligne. Édition française : L’Évolution des idées en physique [Paris,
Flammarion, 1951].) L’idée sous-jacente, résoudre le bon problème, est antérieure. Parmi les
premiers à la formuler figurent Thomas C. Chamberlin (1890) et John Dewey (1910). Le terme
« framing » (cadrage) tel que je l’utilise ici a été introduit en 1974 par le sociologue Erving
Goffman dans son livre Frame Analysis: An Essay on the Organization of Experience (Boston,
Harvard University Press, 1974) ; édition française : Les Cadres de l’expérience (Paris, Éditions
de Minuit, 1991). Goffman considérait les cadres comme les modèles mentaux que nous
utilisons pour organiser et interpréter nos expériences – c’est-à-dire comme un outil destiné à
faire sens.
6. Les données proviennent de trois enquêtes que j’ai menées en 2015 auprès de 106 cadres
supérieurs ayant participé à l’une de mes séances de formation. Les profils de réponses ont été
homogènes dans les trois enquêtes. Moins d’une personne sur dix disait que son entreprise ne
rencontrait pas de difficulté particulière dans le diagnostic de problème.
7. On trouvera deux exemples contemporains dans les travaux de Roger L. Martin sur la pensée
intégrative et dans ceux de Hal Gregersen sur les compétences de questionnement, mentionnés
parmi les lectures recommandées.
8. J’exprime ma reconnaissance à Alexander Osterwalder et Yves Pigneur pour avoir préparé le
terrain à une nouvelle présentation des livres d’économie d’entreprise et pour avoir en partie
inspiré la création de mon canevas de recadrage.
9. À la suite des travaux du psychologue Albert Bandura, un corpus important de recherches a été
consacré à ce que les savants appellent l’autoefficacité – c’est-à-dire la conviction que « je peux
le faire » ; voir Albert Bandura, « Self-Efficacy in Human Agency », American Psychologist
37, n° 2 (1982), p. 122-147. Fait intéressant, l’autoefficacité n’est pas strictement le résultat
d’une expérience ou d’un comportement appris. Il semble bien que ce soit principalement un
trait héritable ; voir Trine Waaktaar et Svenn Torgersen, « Self-Efficacy Is Mainly Genetic, Not
Learned: A Multiple-Rater Twin Study on the Causal Structure of General Self-Efficacy in
Young People », Twin Research and Human Genetics 16, n° 3 (2013), p. 651-660. De plus,
l’autoefficacité ne mesure que votre conviction de pouvoir réussir – pas nécessairement
l’efficacité réelle (c’est-à-dire les résultats du monde réel). Pour en savoir plus, voir aussi les
notes suivantes.
10. Les études sur la création d’entreprise donnent un exemple de la manière dont la confiance en
soi peut conduire à une impasse. Dans une étude passionnante, Thomas Astebro et Samir
Elhedhli se sont penchés sur des chefs d’entreprise dont une association appelée Canadian
Innovation Centre avait considéré que leurs business plans avaient très peu de chances de
réussir. La moitié d’entre eux avaient ignoré cet avis et lancé leur entreprise malgré tout. Et tous
avaient échoué comme prédit ; voir Thomas Astebro et Samir Elhedhli, « The Effectiveness of
Simple Decision Heuristics: Forecasting Commercial Success for Early-Stage Ventures »,
Management Science 52, n° 3 (2006). Je suis reconnaissant à Tasha Eurich, psychologue des
organisations, de m’avoir fait connaître cet étude via son livre Insight: The Surprising Truth
about How Others See Us, How We See Ourselves, and Why the Answers Matter More Than We
Think (New York, Currency, 2017).
11. Les statistiques fournies ici proviennent du site web de l’ASPCA. En comparaison des
recensements humains, le décompte des animaux familiers est imprécis. C’est pourquoi vous
trouverez des données très différentes selon les sources.
12. Conversation de l’auteur avec Henrik Werdelin et Stacie Grissom, en 2016.
13. Quel a été l’effet de BarkBuddy sur les adoptions dans les chenils ? Comme les coordonnées
des chenils figuraient directement sur les profils des animaux, BarkBox n’était pas en mesure
de suivre les adoptions réalisées via l’appli. Cependant, on peut évaluer son effet en comparant
les 8 000 dollars qu’a coûtés la réalisation de l’appli au scénario dans lequel l’équipe BarkBox
aurait simplement fait don de 8 000 dollars à un chenil ou à une association de protection des
animaux. Si l’on considère que sauver un chien d’un chenil coûte en moyenne 85 dollars (vous
retrouverez ce montant plus bas), on peut dire que BarkBuddy aurait eu un effet dès lors qu’une
centaine de personnes environ aurait adopté un chien dans un refuge via cette application. Un
million de pages ayant été vues chaque mois dans la période suivant son lancement, il semble
hautement probable qu’elle a eu un effet largement positif sur les adoptions.
14. Le récit de ce qu’a fait Lori repose sur plusieurs entretiens qu’elle a accordés entre 2016 et
2018, ainsi que sur son livre First Home, Forever Home: How to Start and Run a Shelter
Intervention Program (CreateSpace Publishing, 2015), qui décrit son histoire et explique
comment gérer un programme similaire. Des parties de ce récit ont initialement été publiées
dans mon article « Are You Solving the Right Problems? » paru dans la Harvard Business
Review en janvier-févier 2017. Je suis reconnaissant à Suzanna Schumacher de m’avoir fait
connaître l’histoire de Lori.
15. Ces dernières années, les taux d’adoption, d’accueil en chenil et d’euthanasie ont évolué de
manière extrêmement positive. Entre 2011 et 2017, en comptant à la fois les chiens et les chats,
les adoptions sont passées de 2,7 millions à 3,2 millions et les euthanasies ont reculé de 2,6
millions à 1,5 million. Les programmes d’intervention en chenil – également appelés filets de
sécurité – en sont pour une part la cause, mais bien d’autres initiatives y ont aussi contribué. Le
secteur est trop complexe pour que je puisse le décrire ici. Si vous désirez approfondir le sujet,
je vous conseille de commencer par consulter le site web de l’ASPCA (www.aspca.com), où de
nombreux documents sont disponibles. Les statistiques d’amélioration citées plus haut
proviennent d’un communiqué de l’ASPCA publié le 1er mars 2017.
16. Voir The Wide Lens: What Successful Innovators See That Others Miss, de Ron Adner (New
York, Portfolion/Penguin, 2012). À propos, en dépit de tout cela, l’appli BarkBuddy n’aurait pu
voir le jour sans la création préalable par PetFinder.com d’une base de données où les chenils
peuvent inscrire leurs chiens disponibles, et dont elle tire ses données.
17. Comme l’écrit Nutt, « les options écartées ne sont pas perdues. Elles vous aident à confirmer
l’intérêt de la ligne de conduite choisie et vous proposent souvent des moyens pour l’améliorer
». Nutt a résumé ses recherches dans Why Decisions Fail: Avoiding the Blunders and Traps
That Lead to Debacles (San Francisco, Berrett-Koehler, 2002). La citation ci-dessus se trouve
p. 264.
18. Extrait du « Future of Jobs Report 2016 » du Forum économique mondial.
19. Le cas auquel je fais allusion est celui des accords de Camp David en 1978. Pour une
présentation approfondie des effets du cadrage sur les choix politiques, voir le travail de Carol
Bacchi sur son schéma WPR. Pour un exposé encore plus approfondi (voire dense), voir Donald
A. Schön et Martin Rein, Frame Reflection: Toward the Resolution of Intractable Policy
Controversies (New York, Basic Books, 1994).
20. La manière dont le cadrage peut servir à influencer l’opinion est étudiée depuis les débuts de ce
que la science politique appelle agenda-setting (choix des priorités). Les premiers écrits dans ce
domaine s’attachaient surtout à la manière dont la hiérarchie et la fréquence des informations
d’actualité sur une question affectaient les opinions du public à son sujet. Puis les recherches
ont commencé à examiner comment différents cadrages d’un sujet affectaient les sentiments et
les pensées des gens à son égard.
Si vous vous intéressez à la politique américaine, le livre de George Lakoff, La Guerre des
mots, ou comment contrer le discours des conservateurs (Neuilly, Les Petits matins, 2015) est
un guide intéressant. Lakoff est l’un des penseurs de référence concernant les effets du cadrage
et leurs rapports avec le langage et les métaphores. Notez cependant que Lakoff est un
progressiste déclaré et fier de l’être. Plus équilibré politiquement est le livre de Jonathan Haidt,
The Righteous Mind: Why Good People Are Divided by Politics and Religion (New York,
Pantheon, 2012).
Une autre contribution majeure aux recherches portant sur les effets du cadrage est l’étude
fondatrice de Daniel Kahneman et Amos Tversky sur la manière dont il nous conduit à des
conclusions extrêmement différentes selon que – par exemple – nous percevons un changement
comme une perte ou un gain. Voir l’exposé approfondi de Kahneman dans Système 1, Système
2, les deux vitesses de la pensée (Paris, Flammarion, 2012). On trouvera une présentation plus
brève mais impeccablement écrite dans le livre de Michael Lewis, The Undoing Project: A
Friendship That Changed Our Minds (New York, W.W. Norton & Company, 2017). Pour
trouver un exposé encore plus cursif, entrez dans n’importe quelle librairie, lancez une fléchette
sur le rayon de vulgarisation psychologique et lisez le livre dans lequel elle se plantera, quel
qu’il soit.
21. L’expression a été inventée par Adelaide Richardson, la fille de Sheila Heen, écrivaine et
experte en négociation rencontrée au chapitre 7, « Regarder dans le miroir ».
22. Entretien personnel avec Christoffer Lorenzen, cadre dirigeant d’un laboratoire
pharmaceutique, autour d’un latte, en 2010.
23. La « citation d’Einstein » est parue pour la première fois dans un article de 1966 où elle était
attribuée non à Einstein, mais à un professeur anonyme de Yale University. Ses nombreuses
péripéties sont relatées par l’excellent site web de Garson O’Toole, QuoteInvestigator.com.
J’admire la manière dont l’idée la plus douteuse devient inaccessible aux critiques dès lors que
vous l’attribuez à Einstein ou à quelque autre sommité. À propos, voici une autre citation
attribuée (par moi) à Einstein, Gandhi, Steve Jobs, Mère Theresa et S.M. Élisabeth Ire : « Vous
devriez conseiller Cernez vos problèmes pour mieux les résoudre à toute personne de votre
connaissance. »
24. L’un des premiers savants à étudier comment ces experts fonctionnent réellement, Donald
Schön, professeur au MIT, évoquait l’idée de « réflexion-en-action ». Voir son livre The
Reflective Practitioner: How Professionals Think in Action (New York, Basic Books, 1983). Il
désignait par là le fait que des gens tels que des enseignants, architectes ou professionnels de la
santé avaient tendance à réfléchir à leurs propres méthodes et à les remettre en question au
cours de leur travail et non par une réflexion théorique distincte et plus formelle. (Son
collaborateur Chris Argyris a appliqué des idées analogues au management dans ses travaux sur
l’apprentissage dit en double boucle.) Quantité d’autres experts ont évoqué la nécessité
d’introduire de petites habitudes de réflexion dans votre vie quotidienne. J’aime
personnellement un concept des théoriciens du management Ronald Heifetz et Marty Linsky, «
se mettre au balcon », exposé dans leur livre Leadership on the Line: Staying Alive through the
Dangers of Leading (Boston, Harvard Business Press, 2002). Pour ceux qui aiment les
métaphores sportives (sinon les sports eux-mêmes), la boucle de recadrage est comparable aux
arrêts brefs et spécialisés pratiqués dans de nombreux sports : arrêts de jeu pour le basket,
caucus pour le football américain ou ravitaillements en Formule 1.
25. Stephen Kosslyn, ex-doyen des sciences sociales à Harvard University, parle des habitudes de
l’esprit dans Building the International University: Minerva and the Future of Higher
Education (Cambridge, MA, Massachusetts Institute of Technology, 2017), qu’il a codirigé
avec Ben Nelson.
26. La citation provient d’un article de Gregersen, « Better Brainstorming », Harvard Business
Review, mars-avril 2018, qui décrit aussi la méthode de la « rafale de questions ».
27. On peut se représenter le recadrage comme un processus actif et passif à la fois. Le processus
est actif quand vous utilisez le schéma. La partie passive se produit en arrière-plan, hors du
processus formel, quand vous progressez dans l’analyse et la solution du problème. La version
passive présente une forte similarité avec le processus d’« incubation », composante clé de la
plupart des modèles de créativité depuis que le concept a été présenté par l’un des premiers
chercheurs en créativité, Graham Wallas, en 1926. D’après mon expérience, une première
manche active de recadrage peut être très utile pour mettre les gens « en éveil » afin qu’ils
relèvent des anomalies et autres signes susceptibles de faciliter la partie suivante, plus passive,
de diagnostic du problème.
28. On considère que l’étude scientifique de la créativité a été fondée officiellement en 1950 lors
d’une conférence du psychologue J.P. Guilford. Getzels a été le premier à traiter des deux types
de problèmes au chapitre 3 d’un livre de 1962, Creativity and Intelligence: Explorations with
Gifted Students (Londres, New York, Wiley), corédigé avec Philip W. Jackson. (Getzels se
réfère aux apports de deux penseurs antérieurs, le psychologue Max Wertheimer et le
mathématicien Jacques Hadamard.) On considère aujourd’hui que le domaine de la recherche et
du recadrage des problèmes a été fondé par un travail ultérieur de Getzels et de son collègue
psychologue Mihaly Csikszentmihalyi.
29. Selon Getzels, un problème présenté est clairement exprimé. Il existe une méthode connue pour
le résoudre, et l’on sait clairement quand il est résolu (comme en mathématiques, la question de
Pythagore). Un problème découvert, en revanche, est mal défini et peut même n’être pas balisé.
Il n’existe aucune méthode connue pour le résoudre, et l’on peut même ne pas bien savoir
quand il peut être considéré comme résolu. Getzels ne considérait pas ces deux possibilités
comme exclusives l’une de l’autre. Il a plutôt présenté les concepts comme les extrémités
opposées d’un spectre. Pour en savoir plus sur le travail de Getzels, voir le chapitre 4 de
Perspectives in Creativity (New York, Transaction Publishers, 1975), dirigé par Iving A. Taylor
et Jacob W. Getzels.
30. La typologie utilisée ici combine des schémas existants. La partie principale provient de ce qui
est peut-être la définition la plus courante de résolution de problème, c’est-à-dire que quelqu’un
a un objectif mais ne sait pas comment l’atteindre. On trouvera un résumé chez Richard E.
Mayer, Thinking, Problem Solving, Cognition, 2e édition (New York, Worth Publishers, 1991).
J’ai ajouté le « point douloureux » pour souligner la différence entre problèmes bien définis et
problèmes mal définis, en m’appuyant sur les travaux de Getzels et ceux de plusieurs autres
penseurs – comme l’idée des « désordres » de Russell Ackoff, spécialiste de l’opérationnel, les
travaux ultérieurs de Donald J. Treffinger et Scott G. Isaksen sur la recherche de désordres,
enfin, et ce n’est pas le moindre, les réflexions d’un chercheur en éducation plus ancien, John
Dewey, sur l’idée d’une « difficulté ressentie », qui datent de 1910.
31. Voir l’exposé fait par de Shazer page 9 de son livre Keys to Solution in Brief Therapy (New
York, W.W. Norton & Company, 1985). Le calcul vient d’une étude effectuée par de Shazer lui-
même auprès de ses collègues praticiens sur ce qu’on appelle la thérapie brève centrée sur la
solution. (Il sera davantage question de cette méthode au chapitre 6, « Examiner les points
positifs ».) J’ai constaté lors de conversations informelles avec des psychologues que ceux-ci
situent en général le nombre entre 30 % et 60 %, ce qui suggère en partie que le concept même
de « problème » pourrait aussi être flou.
32. Les premières publications sur la résolution de problème, surtout dans la science des opérations,
s’attachaient essentiellement aux déviations négatives par rapport à la norme – par exemple en
cas de rupture d’une ligne de production. Plus tard, le centre d’intérêt a été élargi à ce que
j’appelle ici les problèmes dus à un objectif – c’est-à-dire les situations dans lesquelles les gens
ne sont pas nécessairement mécontents de leur situation actuelle mais recherchent néanmoins
une amélioration. Pour une présentation des différents types d’« écarts » qui guident le travail
de résolution de problème, voir Min Basadur, S.J. Ellspermann et G.W. Evans, « A New
Methodology for Formulating Ill-Structured Problems », Omega 22, n° 6 (1994), p. 627.
Au passage, le basculement détecté par Basadur a aussi eu lieu dans la psychologie quand
Martin Seligman et d’autres ont introduit le concept de psychologie positive. À la différence de
la psychologie traditionnelle, qui s’intéresse surtout au traitement des pathologies (c’est-à-dire,
encore une fois, aux déviations négatives par rapport à la norme), la psychologie positive
s’attache à la manière d’améliorer la vie des gens qui vont déjà bien.
33. En toute honnêteté, faire quelque chose de nouveau peut certainement être intéressant à
l’occasion, même si le but n’est pas de résoudre un problème spécifique. Dans l’innovation des
entreprises, on établit souvent une distinction entre innovation centrée sur le problème et
innovation centrée sur l’idée (le terme utilisé varie). L’innovation centrée sur le problème a
tendance à être plus fructueuse, à en juger par son ratio succès/échec. L’innovation centrée sur
l’idée, c’est-à-dire lancée sans souci de répondre à un besoin ou problème existant, est
généralement considérée comme plus risquée – mais le peu d’idées qui réussissent à décoller
ont souvent, en fin de compte, un effet disproportionné. Pour les innovateurs et les
investisseurs, le compromis peut être intéressant en fonction de leurs objectifs et de leur
tolérance au risque. Dans le contexte de la résolution d’un problème pratique au travail,
cependant, en supposant que vous occupiez un emploi stable, je vous suggérerais de vous
orienter vers le ciblage de problèmes connus plutôt que de pointer vers un ciel immaculé.
34. Ce principe a été formalisé, entre autres, dans l’enseignement par Dan Rothstein et Luz
Santana, fondateurs du Right Question Institute. Leur schéma enseigne aux enfants à « ouvrir »
une question : « Pourquoi mon papa est-il si strict ? » (question fermée) devient « Mon papa
est-il vraiment strict ? » (question ouverte).
35. J’ai relaté cette histoire pour la première fois dans un article corédigé avec Paddy Miller, « The
Case for Stealth Innovation », Harvard Business Review, mars 2013.
36. Il est concevable que le cadrage du problème par les étudiants ait obéi (consciemment ou non) à
un souci de commodité : il est assez facile de monter et de lancer une campagne de
communication, tandis qu’une tentative pour, mettons, changer les options du menu ou
réorganiser l’aménagement de la cafétéria pourrait être plus exigeante. Nous sommes souvent
tentés de cadrer les problèmes de manière à les orienter en direction de nos solutions favorites
(ou mieux, de l’absence de changement).
37. En science du management, le principal penseur contemporain sur le cadrage des choix
stratégiques est sans doute Roger L. Martin, ex-doyen de Rotman School of Management.
Martin a consacré plusieurs livres à ce qu’il appelle la « pensée intégrative » – c’est-à-dire la
capacité à générer de meilleures options en intégrant des options apparemment disparates. Mon
travail s’appuie sur plusieurs idées que lui et ses coauteurs ont émises. Si vous désirez vous y
immerger, je vous conseille de commencer par Creating Great Choices: A Leader’s Guide to
Integrative Thinking (Boston, Harvard Business Review Press, 2017), corédigé avec sa
collaboratrice de longue date, Jennifer Riel.
38. Voir les mémoires de Henry Kissinger, White House Years (New York, Little, Brown and Co.,
1979) – l’anecdote se trouve à la page 418 de la version brochée de 2011 chez Simon &
Schuster ; version française : À la Maison blanche 1968-1973 (Paris, Fayard, 1979).
Remerciements à Chip et Dan Heath pour avoir mis en valeur cette citation dans Comment faire
les bons choix (Paris, Flammarion, 2017).
39. J’observe la carrière de chef d’entreprise d’Ashley depuis plusieurs années. Les citations
proviennent d’un entretien que nous avons eu en 2018.
40. On trouvera une excellente introduction à ce sujet dans le livre de Chip et Dan Heath, Switch:
How to Change Things When Change Is Hard (New York, Broadway Books, 2010) ; traduction
française : Switch, osez le changement (Paris, Leduc.s, 2012). Vous pouvez également consulter
les travaux académiques d’Edwin Locke et Gary Latham.
41. Je ne peux m’empêcher de me dire qu’à l’instant même, quelque part, un lecteur vient de
plonger mon livre dans du jus de citron. Je salue votre initiative et votre salutaire mépris de
l’autorité tout en m’excusant de n’avoir pas prévu de récompense secrète. Dans la prochaine
édition peut-être. Et puis, les experts en cryptographie savent sans doute qu’un trempage dans le
jus de citron ne révèle rien. Le secret est d’écrire le message avec du jus de citron, puis de le
faire apparaître en chauffant la page – de préférence sans y mettre le feu.
42. L’anecdote originale est relatée dans le manuel Initiation mathématique, de Charles-Ange
Laisant, publié par Hachette en 1915. Je l’ai trouvée dans le délicieux livre d’Alex Bellos sur
les énigmes, Can You Solve My Problems? Ingenious, Perplexing, and Totally Satisfying Math
and Logic Puzzles (Norwich, G.B., Guardian Books, 2016). Par souci de clarté, j’ai révisé le
vocabulaire de la devinette. À propos, Édouard Lucas est aussi l’inventeur de l’énigme dite « de
la tour de Hanoï », classique de la littérature sur la résolution de problème.
43. Bien que le cadrage soit un processus largement subconscient, des recherches ont montré que
vous pouvez apprendre à en devenir davantage conscient – et partant plus créatif. Voir par
exemple Michael Mumford, Roni Reiter-Palmon et M.R. Redmond, « Problem Construction
and Cognition: Applying Problem Representations in Ill-Defined Domains », dans Mark A.
Runco (dir.), Problem Finding, Problem Solving, and Creativity (Westport, CT, Ablex, 1994).
44. Si votre réponse à l’énigme du nombre de navires était mauvaise, comment avez-vous réagi ?
Certains réagissent avec curiosité. D’autres, je l’ai noté, épluchent immédiatement l’énigme
afin d’en donner une interprétation originale qui leur permet de prétendre qu’ils avaient en fait
raison. (« Eh bien, je pensais que ta question portait sur le premier jour d’activité de
l’entreprise ! ») Si c’est votre cas, voici une pensée : Celui qui n’acceptera jamais de se dire : «
Je me suis trompé » n’apprendra jamais. Il peut y avoir de la force à admettre une erreur – pas
nécessairement en public (ce n’est pas toujours une bonne idée), mais au moins en votre for
intérieur, afin d’en tirer une leçon avantageuse.
45. Voir Kees Dorst, « The Core of ‘Design Thinking’ and Its Application » ; Design Studies 32, n°
6 (2011), p. 521.
46. Dans Every Patient Tells a Story: Medical Mysteries and the Art of Diagnosis (New York,
Broadway Books, 2009), Lisa Sanders propose de stimulantes réflexions sur le diagnostic. (Elle
tient une rubrique intitulée Diagnosis dans le New York Times.) How Doctors Think (Boston,
Houghton Mifflin, 2007), de Jerome Groopman, est aussi une lecture classique sur le sujet.
Ainsi que la quasi-totalité des écrits d’Atul Gawande.
47. La distinction entre causes immédiates (proximales) et causes systémiques (distales ou ultimes)
est un aspect clé de la plupart des schémas de résolution de problème en science des opérations,
comme Six Sigma et le Toyota Production System. On attribue souvent à Peter Senge,
chercheur en systèmes, l’introduction de la pensée systémique (et de nombreuses idées
associées) dans le management moderne avec The Fifth Discipline: The Art and Practice of the
Learning Organization (New York, Currency, 1990) ; édition française, La Cinquième
Discipline – levier des organisations apprenantes (Paris, Eyrolles, 2015).
48. La citation provient de la page 28 de The Conduct of Inquiry: Methodology for Behavioral
Science, d’Abraham Kaplan (San Francisco, Chandler Publishing Company, 1964). Un autre
Abraham, Abraham Maslow, celui de la célèbre hiérarchie des besoins, est souvent cité dans
une veine similaire : « Je suppose qu’il est tentant, si vous n’avez pas d’autre outil qu’un
marteau, de tout traiter comme si c’était un clou. » Cette remarque figure à la page 15 de son
livre The Psychology of Science: A Reconnaissance (New York, Harper & Row, 1966).
49. J’ai raconté cette histoire dans « Are You Solving the Right Problems? », Harvard Business
Review, janvier-février 2017. Certaines parties sont reprises ici à l’identique.
50. Encore une citation souvent attribuée à tort à Albert Einstein. Michael Becker, rédacteur en chef
au Bozeman Daily Chronicle, a exploré l’origine de cette citation dans un billet de son blog, «
Einstein on Misattribution: “I probably Didn’t Say That” »
(http://www.news.hypercrit.net/2012/11/13/einstein-on-misattribution-i-probably-didnt-say-
that/). Comme l’indique Becker, une version de la citation figure dans un texte des Narcotics
Anonymous antérieur à Sudden Death de Rita Mae Brown (1983). Ce qui, à mon avis, fait
moins chic sur une affiche de motivation que l’attribution à Einstein.
51. Des données américaines sur ce sujet sont disponibles dans les travaux de la campagne No Kids
Hungry (www.nokidshungry.org). Pour un exemple d’application réelle, voir Jake J. Protivnak,
Lauren M. Mechling et Richard M. Smrek, « The Experience of At-Risk Male High School
Students Participating in Academic Focused School Counseling Sessions », Journal of
Counselor Practice 7, n° 1 (2016), p. 41-60. Je remercie Erin Gorski, professeur à Montclair
State University, de m’avoir indiqué cet exemple.
Les adultes sont aussi concernés. Une étude bien connue a montré que les chances d’un
prisonnier d’obtenir une remise en liberté conditionnelle étaient très différentes selon que son
audition avait lieu avant ou après le déjeuner du comité de libération conditionnelle. Voir Shai
Danziger, Jonathan Levav et Liora Avnaim-Pesso, « Extraneous Factors in Judicial Decisions »,
Proceedings of the National Academy of Sciences 108, n° 17 (2011).
52. Voir l’article original de Yuichi Shoda, Walter Mischel et Philip K. Peake, « Predicting
Adolescent Cognitive and Self-Regulatory Competencies from Preschool Delay of
Gratification: Identifying Diagnostic Conditions », Developmental Psychology 26, n° 6 (1990),
p. 978. Pour la nouvelle étude, voir Tyler W. Watts, Greg J. Duncan et Haonan Quan, «
Revisiting the Marshmallow Test: A Conceptual Replication Investigating Links Between Early
Delay of Gratification and Later Outcomes », Psychological Science 29, n° 7 (2018), p. 1159.
Jessica McCrory Calarco en fait une présentation rapide dans son article « Why Rich Kids Are
So Good at the Marshmallow Test », Atlantic, publié en ligne le 1er juin 2018.
53. Et s’il s’agissait d’ampoules à LED et non d’ampoules à l’ancienne ? La solution à un seul
déplacement fonctionne tout de même : bien que le verre d’une ampoule à LED demeure froid,
sa base chauffe quand même au bout d’une minute ou deux. Mais les personnes qui ont grandi
avec des ampoules à LED auront probablement plus de mal à trouver la solution car ces
ampoules sont perçues comme ne chauffant pas : la science cognitive dirait sans doute qu’il leur
sera plus difficile d’activer en esprit la propriété « chaleur ».
Le problème de l’ampoule me plaît aussi pour une autre raison : il souligne notre dépendance
aux métaphores visuelles. Notez la fréquence des métaphores basées sur la vision dans le
recadrage : vision d’ensemble, reculer d’un pas, adopter un point de vue à 180 degrés, se mettre
au balcon et bien entendu « voir » les choses autrement. Faire appel à une métaphore visuelle
est en général un raccourci utile – comme toutes les métaphores, elle peut cependant vous
égarer ou (jeu de mots délibéré) vous aveugler sur certains aspects de la situation, comme le
démontre bien le problème de l’ampoule électrique.
54. Le concept a été dégagé en 1984 par Susan Fiske et Shelley Taylor. Voir Fiske et Taylor, Social
Cognition: From Brains to Culture (New York, McGraw-Hill, 1991). On peut le comparer au
concept de pensée du Système 1 selon Daniel Kahneman. Voir Kahneman, Système 1, Système
2, les deux vitesses de la pensée (Paris, Flammarion, 2012).
55. Le concept de fixité fonctionnelle est associé à Karl Duncker, chercheur influent aux premiers
temps de la résolution de problème créative. Son apport le plus connu est celui du « test de la
bougie », dans lequel des participants doivent fixer une bougie à un mur à l’aide d’une boîte de
punaises et de quelques autres objets. La solution canonique consiste à utiliser la boîte vide
comme un support pour la bougie – c’est-à-dire en faire un usage qui n’est pas sa fonction
normale. Voir K. Duncker, « On Problem Solving », Psychological Monographs 58, n° 5
(1945), p. i-113.
56. Adapté d’après l’article de Jeff Gray, « Lessons in Management: What Would Walt Disney Do?
», Globe and Mail, 15 juillet 2012.
57. Repenser vos objectifs est une notion explorée aussi par la philosophie. Il est spécialement
intéressant de la rapprocher du concept d’« instrumentalisme linéaire » présenté par le
philosophe Langdon Winner. Le concept couvre l’idée – douteuse selon Winner – que nos
objectifs existent et sont formés indépendamment des outils que nous employons pour les
atteindre. Selon Winner, nos outils contribuent à moduler nos objectifs ainsi que nos valeurs ;
voir « Do Artifacts Have Politics? », Daedalus 109, n° 1 (1980), p. 121-136. Pour les
solutionneurs de problèmes, c’est un rappel supplémentaire que la relation entre nos objectifs,
nos problèmes et nos outils et solutions est à examiner continuellement. Merci à mon associé de
Prehype, Amit Lubling, de m’avoir fait connaître l’œuvre de Winner.
58. Fait inhabituel pour une discipline universitaire qui se respecte, ce qu’est un objectif fait en
réalité l’objet d’un large accord. « Un objectif est l’objet ou le but d’une action », disent Edwin
Locke et Gary Latham ; voir « Building a Practically Useful Theory of Goal Setting and Task
Motivation: A 35-Year Odyssey », American Psychologist 57, n° 9 (2002), p. 705-717. Richard
E. Mayer décrit « l’état désiré ou final » d’un problème en soulignant que les états d’un objectif
peuvent être plus ou moins flous ; voir Thinking, Problem Solving, and Cognition, 2e édition
(New York, W.H. Freeman and Company, 1992), p. 5-6. En pratique, cependant, des mots
comme objectif ou problème ne sont pas utilisés de manière homogène. Quand l’un dira : « Le
problème est que les ventes ont chuté », l’autre pourra dire : « Notre objectif est d’améliorer les
ventes ». Une partie du travail de recadrage consiste donc à clarifier en fin de compte les
objectifs importants – ceux qui sont particulièrement saillants quand vous travaillez avec des
clients, car ils constituent en même temps un « butoir » indiquant à quel moment le travail est
achevé. Merci à Martin Reeves, du Boston Consulting Group, d’avoir souligné ce point.
59. L’idée des objectifs hiérarchiques a été explorée par de nombreux théoriciens et praticiens
différents. Parmi eux, le chercheur et enseignant Min Basadur mérite une mention spéciale pour
son travail sur la méthode « Why-What’s Stopping », publiée en 1994, dont ce chapitre
s’inspire en partie ; voir Min Basadur, S.J. Ellspermann et G.W. Evans, « A New Methodology
for Formulating Ill-Structured Problems », Omega 22, n° 6 (1994). On trouve d’autres
incarnations de cette démarche dans l’industrie automobile, comme dans la technique d’«
échelonnage » chez Ford ou dans l’idée d’un « arbre des emplois » qui intervient dans le
schéma des travaux à accomplir.
60. L’histoire est décrite dans Getting to Yes: Negotiating Agreement Without Giving In, de Roger
Fisher, William Ury et Bruce Patton (Boston, Houghton Mifflin, 1981). Les auteurs invitent à se
« concentrer sur les intérêts et non sur les positions », qui est devenu depuis lors un principe de
base des recherches sur les négociations. L’idée originelle est due à l’une des premières
théoriciennes du management, Mary Parker Follett, qui l’a décrite en 1925 dans un article
intitulé « Constructive Conflit » ; voir Pauline Graham (dir.), Mary Parker Follett – Prophet of
Management (Boston, Harvard Business School Publishing, 1995), p. 69. Dans le vocabulaire
que j’emploie ici, positions équivaut aux objectifs déclarés et intérêts aux objectifs de plus haut
niveau, éventuellement non déclarés.
61. La citation provient de la page 9 de Keys to Solution in Brief Therapy (New York, W.W. Norton
& Company, 1985) de Steve de Shazer.
62. On trouvera une bonne présentation du sujet dans Creating Great Choices: A Leader’s Guide to
Integrative Thinking (Boston, Harvard Business Review Press, 2017) de Jennifer Riel et Roger
L. Martin.
63. Sur le sujet du conseil d’orientation professionnelle, quelqu’un demandait un jour au célèbre
comédien Bo Burnham ce qu’il conseillerait aux jeunes gens rêvant de faire la même chose que
lui. « Abandonnez tout de suite, répondit-il avant d’expliquer [j’ai légèrement modifié ses
propos] : Ne demandez pas conseil à des gens comme moi, qui ont eu beaucoup de chance. Nos
avis sont très subjectifs. Une superstar qui vous dit de croire à vos rêves est comme un gagnant
à la loterie qui vous dit : “Vendez tous vos biens. Achetez des billets de loto. Ça marche !” »
Burnham s’exprimait au cours d’une émission d’entretiens, Conan, animée par Conan O’Brien,
diffusée le 28 juin 2016. Pour voir la vidéo en ligne, sous réserve de la possibilité d’accès
depuis votre pays, faites une recherche sur « Bo Burnham inspirational advice ».
64. Entretien personnel avec Henrik Werdelin, en 2018. Werdelin est le cofondateur de BarkBox,
rencontré au début de ce livre.
65. Pour en savoir plus sur la mauvaise conception fréquente des objectifs de performance, et sur la
manière de les redresser, voir Steve Kerr, Reward Systems: Does Yours Measure Up? (Boston,
Harvard Business School Publishing, 2009), ou son article classique, « On the Folly of
Rewarding A, While Hoping for B », Academy of Management Journal 18, n° 4 (1975), p. 769.
L’un de mes propres exemples est celui d’une responsable de l’innovation à qui son patron avait
promis une prime si elle mettait en œuvre au moins 5 % des idées présentées. L’objectif aurait
été excellent si 5 % des idées avaient été bonnes. Hélas, ce n’était pas le cas, et elle se trouvait
obligée de mettre en pratique un certain nombre de mauvaises idées, en sachant qu’elle perdait
son temps.
66. Entretien personnel avec Anna Ebbesen, en mai 2019. Anna Ebbesen travaille chez Red
Associates, cabinet de conseil stratégique qui fait appel aux méthodes des sciences sociales (par
exemple recherche de sens et recherche ethnographique) pour donner aux clients une vision
extérieure de leur entreprise.
67. Robert J. Sternberg emploie l’expression redéfinir les problèmes, première des vingt et une
stratégies fondées sur la recherche qu’il propose pour accroître votre créativité. L’anecdote est
décrite dans son livre Wisdom, Intelligence, and Creativity Synthetized (New York, Cambridge
University Press, 2003), p. 110 de l’édition brochée 2011. La théorie de l’investissement en
créativité, selon Sternberg, vaut aussi d’être consultée si le sujet vous intéresse. Elle considère
que s’engager dans l’innovation n’est pas seulement une capacité mais aussi un choix
individuel qui dénote la nécessité de considérer le rapport coût/bénéfice de l’innovation, très
important à mes yeux. J’en ai dit plus sur ce sujet au chapitre 7 de mon premier livre,
Innovation as Usual: How to Help Your People Bring Great Ideas to Life (Boston, Harvard
Business Review Press, 2013), coécrit avec Paddy Miller. On pourrait dire que l’idée s’applique
aussi au recadrage et à la résolution de problème en général.
68. Joao Medeiros décrit le travail bénévole d’Intel pour Hawking dans « How Intel Gave Stephen
Hawking a Voice », Wired, janvier 2015. Des détails supplémentaires sont disponibles à la
rubrique « Presse » du site web d’Intel. Beaucoup de gens ont travaillé sur le fauteuil roulant de
Hawking. Dans ses communiqués de presse, Intel évoque en particulier le travail de ses
ingénieurs Pete Denman, Travis Bonifield, Rob Weatherly et Lama Nachman. Les détails
supplémentaires proviennent de mes entretiens avec Chris Dame, ancien designer chez Intel, en
2019.
69. Pour en savoir plus à ce sujet, voir le chapitre 7 « Day 7 » de The Little Book of Innovation:
How It Works, How to Do It (Boston, Harvard Business School Publishing, 2012).
70. Le travail d’Ibarra sur le leadership mérite la lecture : consultez son livre Act Like a Leader,
Think Like a Leader (Harvard Business Review Press, 2015).
71. Voir le livre de Seligman, Flourish: A Visionary New Understanding of Happiness and Well-
Being (New York, Free Press, 2011) ou googler son schéma « PERMA ».
72. Les recherches de Benjamin Todd et Will MacAskill sont détaillées sur leur site web
(80000hours.org). Le livre de MacAskill sur l’altruisme efficace, Doing Good Better: How
Effective Altruism Can Help You Make a Difference (New York, Avery, 2015) est aussi une
lecture intéressante et contient plusieurs exemples de recadrage (par exemple comment utiliser
au mieux votre temps et votre argent pour faire le bien). De plus le « flux » est un concept bien
connu dans les recherches sur le bonheur : cela consiste à faire quelque chose de tellement
captivant que vous vous oubliez dans l’activité. Le terme est dû à Mihaly Csikszentmihalyi, qui
se trouve être aussi l’un des personnages clés des études sur le recadrage. Googlez « flow
psychology » pour en savoir plus.
73. Tania Luna m’a raconté cette histoire en 2018 lors d’un entretien personnel et par courrier
électronique. Il se trouve que l’histoire de Tania et Brian montre aussi le lien entre la résolution
de problème au travail et chez soi. De toute évidence, si vous vous disputez avec votre conjoint
jusqu’à minuit, vous avez peu de chances d’être au maximum de vos capacités le lendemain au
bureau. Surtout, les cadrages et les solutions appris chez soi sont souvent utilisables au travail,
et vice versa. Il m’est arrivé par exemple de discuter avec une équipe d’innovation qui se
réunissait régulièrement pour choisir les projets à abandonner. Tous ses membres redoutaient
ces réunions tendues et psychologiquement épuisantes. Quand avaient-elles lieu ? En fin
d’après-midi, quand le surplus mental de tout le monde était à son plus bas.
74. J’emprunte le terme points positifs au livre de Chip et Dan Heath, Switch: How to Change
Things When Change Is Hard (New York, Broadway Books, 2010) ; traduction française :
Switch, osez le changement (Paris, Leduc.s, 2012). Cet ouvrage est fortement conseillé, de
même que leur Decisive: How to Make Better Choices in Life and Work (New York, Crown
Business, 2013) ; traduction française : Comment faire les bons choix (Paris, Flammarion, 2017)
[dans cette version, « bright spots » est traduit par « éléments prometteurs » et non par « points
positifs » – NdT]. Ce livre apporte des conseils supplémentaires sur la résolution de problème,
la prise de décision et le changement comportemental.
De plus, parmi les stratégies que je propose ici, la démarche des points positifs est particulière
en ce qu’elle ne vous aide pas seulement à recadrer un problème. Quelquefois, elle vous
conduira directement à une solution viable, sans qu’il soit nécessaire de recadrer (ou même de
comprendre) le problème – par exemple quand la méthode fait simplement émerger une
solution existante que vous ne connaissiez pas. Hormis les puristes du recadrage, tout le monde
s’en félicitera : seul le résultat compte.
75. À titre d’exemple, lire l’histoire d’Amy Hsia décrite au chapitre 1 du livre de Lisa Sanders,
Every Patient Tells a Story: Medical Mysteries and the Art of Diagnosis (New York, Broadway
Books, 2009).
76. L’analyse des causes premières a plusieurs fondateurs, mais The Rational Manager: A
Systematic Approach to Problem Solving and Decision-Making (New York, McGraw-Hill,
1965), de Kepner et Tregoe, est généralement considéré comme l’ouvrage fondamental dans ce
domaine. La question des points positifs (où le problème n’est-il pas ?) fait partie de leur
schéma central. Bien que Kepner et Tregoe aient centré leurs premiers travaux sur l’analyse de
problème plutôt que sur le cadrage de problème, ils se sont de plus en plus intéressés au
recadrage par la suite, en particulier dans The New Rational Manager (Princeton, NJ, Princeton
Research Press, 1981).
77. Le biomimétisme, qui recherche des solutions dans la nature, est une version intéressante de la
stratégie des points positifs. Je ne le traite pas dans mon texte principal, car il n’est sans doute
pas très utilisable pour les problèmes « quotidiens », mais il a permis d’excellents résultats en
R&D. L’invention du Velcro, inspiré par la bardane, en est un exemple bien connu.
Un autre cas de points positifs est bien sûr l’idée des « bonnes pratiques » (best practices).
Celles-ci peuvent être utiles et ont été codifiées dans certaines industries, souvent par des
consultants. On en trouve une version intéressante dans l’ingénierie, où le schéma TRIZ
développé par l’ingénieur soviétique Genrikh Altshuller propose une série de bonnes pratiques
pour résoudre des problèmes d’ingénierie classiques. La méthode TRIZ a été décrite pour la
première fois dans un article d’Altshuller et R.B. Shapiro, « On the Psychology of Inventive
Creation », publié en 1956 dans le journal soviétique Voprosi Psichologii. (TRIZ, pour les
amateurs de linguistique, est l’acronyme de « teoriya resheniya izobretatelskikh zadatch », soit
littéralement « théorie de la résolution des tâches en rapport avec l’invention ». On l’appelle
aussi « théorie de la résolution de problème inventive ».)
78. Le travail du groupe de Milwaukee est décrit dans les livres de Steve de Shazer ; voir Keys to
Solutions in Brief Therapy (New York, W.W. Norton & Company, 1985) et Clues: Investigating
Solutions in Brief Therapy (New York, W.W. Norton & Company, 1988). Aujourd’hui, la
plupart des psychologues vous diront que certains problèmes imposent d’explorer des questions
de personnalité plus profondes, mais la méthode du groupe de Milwaukee est à présent un outil
important et largement reconnu dans la trousse à outils du thérapeute. On peut noter que Tania
Luna dit expressément s’être intéressée de plus près aux points positifs grâce à un membre du
groupe, en l’occurrence l’auteure et thérapeute Michele Weiner-Davis, qui préconise de « faire
davantage de ce qui marche ».
79. À partir des travaux du psychologue gestalt Karl Duncker, un large corps de recherche s’est
constitué sur le sujet du transfert analogique, terme scientifique pour exprimer l’idée qu’on
peut quelquefois résoudre un problème nouveau en se demandant : Ai-je déjà vu des problèmes
comparables à celui-ci ? Comme avec la stratégie des points positifs en général, tout devient
différent quand vous recherchez activement de tels parallèles. Il est bien plus rare qu’ils sautent
à l’esprit si vous ne cherchez pas à faire le lien. Lors d’une expérience fameuse, Mary L. Gick
et Keith J. Holyoak ont demandé à des gens de résoudre un problème – mais avant de dévoiler
celui-ci, ils les avaient invités à lire quelques courts récits, dont l’un contenait quelques indices
plutôt probants sur la solution. Ainsi, 92 % des participants ont résolu le problème – mais
uniquement après qu’on leur a dit que les récits qu’ils venaient de lire contenaient un indice.
Sans cette précision, seuls 20 % d’entre eux parvenaient à résoudre le problème. L’étude est
décrite dans deux articles : « Analogical Problem Solving », Cognitive Psychology 12, n° 3
(1980), p. 306, et « Schema Induction and Analogical Transfer », Cognitive Psychology 15, n° 1
(1983), p. 1. Pour une présentation approfondie des recherches de Duncker et des travaux
ultérieurs, voir le livre de Richard E. Mayer, Thinking, Problem Solving, Cognition, 2e édition
(New York, Worth Publishers, 1991), p. 50-53 et 415-430.
80. Merete Wedell-Wedellsborg, psychologue des organisations qui est aussi ma remarquable belle-
sœur, a décrit combien il est important de comprendre vos « superchargeurs psychologiques ».
Il s’agit de choses spéciales (et souvent singulières) qui vous inspirent une énergie
disproportionnée. L’une de ses patientes, par exemple, trouvait très réparateur de parcourir des
cours de formation de dirigeants auxquels elle pourrait éventuellement s’inscrire, et décrivait
ces explorations comme des vacances intellectuelles. Voir Merete Wedell-Wedellsborg, « How
Women at the Top Can Renew Their Mental Energy », Harvard Business Review en ligne, 16
avril 2018.
81. L’exemple de l’hôtel provient d’un entretien personnel avec Raquel Rubio Higueras, en 2018.
82. J’ai relaté une version de cette histoire dans mon article « Are You Solving the Right Problems?
», Harvard Business Review, janvier-février 2017.
83. L’histoire des Misiones est racontée au chapitre 4 de Richard Pascale, Jerry Sternin et Monique
Sternin, The Power of Positive Deviance: How Unlikely Innovators Solve the World’s Toughest
Problems (Boston, Harvard Business Press, 2010). Fondé sur une grande expérience du travail
de terrain, le livre fournit de solides conseils pratiques sur l’application de la démarche de
déviance positive. La citation sur le recadrage provient de la page 155 de l’édition reliée de
2010, sous une présentation légèrement modifiée dans un but de clarification.
84. J’ai un peu simplifié cette histoire. La version complète mérite d’être lue en particulier pour les
détails sur la manière dont les consultants peuvent travailler au mieux avec des groupes, afin de
déployer l’approche de la déviance positive. Une idée centrale (que les auteurs traitent en
profondeur) est qu’il faut demander aux gens de découvrir et de formuler les idées eux-mêmes
au lieu de laisser les consultants recadrer le problème pour eux. Il est bon de noter aussi que,
bien que l’intervention ait remporté un succès incontestable et qu’elle ait été incroyablement
peu coûteuse (à peu près 20 000 dollars) en comparaison d’autres projets, le ministère argentin
de l’Éducation n’a pas soutenu sa mise en œuvre plus large. Pourquoi ? Selon les auteurs, les
responsables publics craignaient que la méthode ne remplace certains des projets existants à
plusieurs millions de dollars qui avaient donné lieu à des détournements de fonds.
Paradoxalement, si la méthode avait coûté cent fois plus cher, elle aurait eu plus de chances
d’être soutenue par l’État.
85. Douglas Hofstadter évoque le sujet dans le livre qu’il a coécrit avec Emmanuel Sander,
Surfaces and Essences: Analogy as the Fuel and Fire of Thinking (New York, Basic Books,
2013). Ce livre explore en profondeur les questions de la fabrication d’analogie et de la
catégorisation, deux opérations mentales intimement liées au recadrage.
86. Entretien personnel avec Martin Reeves, en 2019.
87. L’histoire de pfizerWorks est détaillée dans une étude de cas rédigée par Paddy Miller et moi-
même, « Jordan Cohen at pfizerWorks: Building the Office of the Future », cas DPO-187-E
(Barcelone, IESE Publishing, 2009). J’ai modifié les citations pour clarifier. Quelques détails
supplémentaires proviennent de mes entretiens personnels avec Jordan Cohen, Tanya Carr-
Waldron et Seth Appel entre 2009 et 2018.
88. Goffman a traité de l’invisibilité des normes culturelles dans Behavior in Public Places (New
York, The Free Press, 1963). Elle a depuis lors été largement étudiée par la littérature
sociologique. Voir par exemple les travaux de Pierre Bourdieu, Harold Garfinkel et Stanley
Milgram.
89. L’idée de diffuser les problèmes a été décrite dans un excellent article de Karim R. Lakhani et
Lars Bo Jeppesen, « Getting Unusual Suspects to Solve R&D Puzzles », Harvard Business
Review, mai 2007. Lakhani et Jeppesen ont étudié ce qui se passait quand des entreprises
diffusaient leurs problèmes sur la plateforme de résolution de problèmes InnoCentive : « Dans
la proportion remarquable de 30 % des cas, des non-salariés venaient à bout de problèmes que
les bureaux d’études expérimentés des entreprises n’avaient pu résoudre. »
90. Une partie de cette histoire provient de Innovation as Usual: How to Help Your People Bring
Great Ideas to Life (Boston, Harvard Business Review Press, 2013), que j’ai corédigé avec
Paddy Miller. Les diapositives elles-mêmes ont été téléchargées sur Slideshare.com le 8 octobre
2009 par Erik Pras, le chargé d’affaires de DSM qui a géré le processus d’externalisation.
L’équipe a réussi un essai commercial en décembre 2009. Elle a chargé la seconde série de
diapositives (annonçant les gagnants) le 10 février 2010. Vous pouvez voir les diaporamas
complets en recherchant « DSM slideshare Erik Pras » (Pras, 2009). Voir la note suivante au
sujet de l’enduction.
91. La colle E-850, respectueuse de l’environnement, était à base d’eau. Celle-ci provoquait un
gauchissement du bois lors du séchage des laminés après enduction, de sorte que le laminé
s’effrangeait sous contrainte. Au début, les chercheurs cadraient ainsi le problème : « Comment
durcir la colle pour qu’elle supporte la contrainte du gauchissement ? » Mais la solution a été
trouvée en répondant à un problème différent – à savoir comment empêcher le bois d’absorber
de l’eau afin de prévenir le gauchissement. (Erik Pras, « DSM NeoResins Adhesive Challenge
», 29 octobre 2009, https://dsmneoresinschallenge.wordpress.com/2009/10/20/hello-world/).
92. Si vous comptez essayer la tactique d’une large diffusion de votre problème, je vous conseille
de vous procurer l’article « Are You Solving the Right Problem? », Harvard Business Review,
septembre 2012, dans lequel Spradlin livre plusieurs conseils utiles sur la meilleure manière de
s’y prendre. Autre lecture utile : Nelson P. Repenning, Don Kieffer et Todd Astor, « The Most
Underrated Skill in Management », MIT Sloan Management Review, printemps 2017.
93. Ce biais a été décrit pour la première fois dans l’article « Negativity in Evaluation » ; voir
David E. Kanouse, et L. Reid Hanson, Attribution:Perceiving the Causes of Behaviors, sous la
direction d’Edward E. Jones et al. (Morristown, NJ, General Learning Press, 1972). Un article
plus récent vaut aussi d’être lu car il élargit sensiblement le concept : Paul Rozin et Edward B.
Royzman, « Negativity Bias, Negativity Dominance, and Contagion », Personality and Social
Psychology Review 5, n° 4 (2001), p. 296.
94. L’effet est très répandu. C’est seulement quand sont évoqués nos propres comportements
condamnables que nous envisageons avec bienveillance la possibilité qu’ils soient dus à des
circonstances spéciales plutôt qu’à de profondes failles de caractère. L’erreur d’attribution
fondamentale a été décrite pour la première fois dans une étude de 1967 par les
psychosociologues Edward E. Jones et Victor Harris : voir « The Attribution of Attitudes »,
Journal of Experimental Social Psychology 3, n° 1 (1967), p. 1-24. L’expression elle-même a
été forgée plus tard par un autre psychosociologue, Lee Ross ; voir « The Intuitive Psychologist
and His Shortcomings: Distorsions in the Attribution Process », dans L. Berkowitz, Advances in
Experimental Social Psychology 10 (New York, Academic Press, 1977), p. 173-220.
95. Pour les psychologues, le phénomène s’appelle « égocentrisme » (self-serving bias) et a un
rapport avec l’erreur fondamentale d’attribution. Les recherches sont bien présentées par W.
Keith Campbell et Constantine Sedikides, « Self-Treat Magnifies the Self-Serving Bias. A
Meta-Analytic Integration », Review of General Psychology 3, n° 1, (1999), p. 23-43.
96. Les citations proviendraient d’un article paru le 26 juillet 1977 dans le Toronto News et
figureraient dans plusieurs livres, dont un manuel de psychologie. Cependant, je n’ai pas réussi
à retrouver l’article d’origine, ni même la trace d’un journal appelé Toronto News en 1977, ni
d’ailleurs la preuve de l’existence d’une ville appelée Toronto (OK, là, j’exagère). Aussi,
malgré leur aspect authentique, les citations sont probablement contestables, ce qui en langage
académique signifie « fiction pure et simple ».
97. Je n’ai pas pour habitude de conseiller des livres de développement personnel. Ils reposent trop
souvent sur de piètres connaissances et un raisonnement magique (c’est-à-dire inepte), et il est
probable que leurs conseils font parfois plus de mal que de bien. En voici un, pourtant, qui
mérite à mon avis d’être lu : La Méthode Tools, les outils pour transformer ses difficultés en
confiance en soi, joie de vivre et force intérieure, par Phil Stutz et Barry Michels (Paris, Robert
Laffont, 2013). Le premier outil, éviter de souffrir, explique le concept d’une manière que j’ai
trouvée à la fois mémorable et utile personnellement. Au fait, les dessins très simples qui
illustrent ses idées clés m’ont inspiré les croquis de ce livre.
98. Si le sujet du comportement humain sur les applis de rencontre vous intéresse, vous pouvez
consulter le livre de Christian Rudder, Dataclysm: Love, Sex, Race and Identity – What Our
Online Lives Tell Us about Our Offline Selves (New York, Crown, 2014). Cofondateur du site
de rencontre OKCupid, Rudder révèle quantité de données – parfois consternantes, parfois
hilarantes – sur les tactiques de drague inavouées.
99. Meg Joray, amie et collègue experte en parole publique, propose un autre cadrage probable : «
Ces gens s’attendent peut-être à ce que leurs batifolages soient comme une comédie
sentimentale, moins les malentendus et les heurts qui assombrissent toujours la rencontre idéale.
» Sur ce sujet, lire l’excellent article de Laura Hilgers, « The Ridiculous Fantasy of a No Drama
Relationship », The New York Times, 20 juillet 2019. Cette auteure est aussi d’avis que certaines
personnes nourrissent des attentes follement irréalistes quant aux relations humaines véritables.
100. La citation de Sheila Heen provient d’un entretien personnel de 2018. Le sujet du contraste
entre contribution et reproche est davantage expliqué par Douglas Stone, Bruce Patton et Sheila
Heen dans Comment mener les discussions difficiles. Avec votre patron, votre femme, votre
mari, vos enfants (Paris, Le Seuil, 2008).
101. La citation provient de la page 207 de Factfulness: Ten Reasons We’re Wrong About The World
– And Why Things Are Better Than You Think (New York, Flatiron Books, 2018), coécrit par
Hans Rosling, son fils Ola Rosling et sa belle-fille, Anna Rosling Rönnlund. La lecture de ce
livre est très recommandée, non seulement pour ses enseignements mais aussi pour le talent de
conteur de Hans Rosling à propos de sa vie et de celle des autres.
102. John m’a raconté cette histoire lors d’une conversation personnelle en 2018.
103. Si vous avez des ambitions créatrices et que l’exemple d’écriture touche une corde sensible en
vous, lisez Steven Pressfield, The War of Art: Break Through the Blocks and Win Your Inner
Creative Battles (Londres, Orion, 2003). Lisez aussi le poème de Charles Bukowski, « Air and
Light and Time and Space », de préférence sur les rives d’un lac italien.
104. Citation tirée de son éditorial du 7 juin 2018 dans le New York Times, « The Problem With
Wokeness ».
105. L’expression « méchant problème » (wicked problem) a été imaginée par Horst Rittel en 1967 et
décrite plus formellement dans Horst W.J. Rittel et Melvin M. Webber, « Dilemmas in a
General Theory of Planning », Policy Sciences 4, n° 2 (1973), p. 155. Personnellement, elle
m’inspire des sentiments mitigés. Certains problèmes relèvent en effet d’une catégorie spéciale,
et l’article apporte des idées et distinctions importantes (dont certaines reflètent le travail de
Jacob Getzels sur les problèmes découverts). En même temps, qualifier un problème de «
méchant » peut presque paraître comme une manière de fétichiser sa complexité, en le déclarant
implicitement insoluble (un peu comme le faisait David Brooks dans la citation reproduite ci-
dessus). Les étudiants en histoire savent que nous avons résolu des problèmes assez ardus au
cours des âges, dont certains avaient sans doute été considérés comme insolubles par nos
prédécesseurs.
106. Voir Oliver Bullough, « How Ukraine Is Fighting Corruption One Heart Stent at a Time », The
New York Times, 3 septembre 2018.
107. Voir Tasha Eurich, Insight: The Surprising Truth About How Others See Us, How We See
Ourselves, and Why the Answers Matter More Than We Think(New York, Currency, 2017).
108. Heidi Grant m’a fait part de ce conseil lors d’une conversation personnelle en 2018.
109. Pour une introduction rapide à ce sujet, avec quelques conseils d’exercices plus approfondis,
voir Adam Grant, « A Better Way to Discover Your Strengths », Huffpost, 2 juillet 2013. Pour
approfondir, voir Douglas Stone et Sheila Heen, Thanks for the Feedback: The Science and Art
of Receiving Feedback Well (New York, Viking, 2014). Dans ce livre, vous trouverez quantité
de conseils utiles sur la manière d’utiliser (ou de rejeter) les avis d’autrui.
110. À propos des bases scientifiques de l’aveuglement du pouvoir (l’expression est de moi, pas
d’eux), voir Adam D. Galinsky et al., « Power and Perspectives Not Taken », Psychological
Science 17, n° 12 (2006), p. 1068. Et puis, à ce stade, je ne peux m’empêcher de dérober une
citation de Douglas Adams reproduite par Heidi Grant à la page 85 de son livre No One
Understands You and What to Do About It (Boston, Harvard Business Review Press, 2015). La
citation concerne les chevaux. La voici : « Ils ont toujours compris bien plus qu’ils ne le laissent
voir. Il est difficile de porter d’autres créatures sur son dos tous les jours sans se faire une
opinion sur elles. En revanche, il est parfaitement possible de s’asseoir tous les jours sur le dos
d’une autre créature sans y réfléchir le moindrement. » Cet extrait est paru initialement dans un
livre d’Adams, Dirk Gently’s Holistic Detective Agency (New York, Pocket Books, 1987).
111. Citations et observations issues d’une conversation personnelle avec Chris Dame, en 2018.
112. Pour découvrir ces recherches, voir Sharon Parker et Carolyn Axtell, « Seeing Another
Viewpoint: Antecedents and Outcomes of Employee Perspective Taking », Academy of
Management Journal 14, n° 6 (2001), p. 1085.
113. Des études ont montré que, en pratiquant la prise de perspective, des groupes comme les
équipes de développement de produit ou les chercheurs universitaires parviennent à des
résultats plus utiles. Voir la présentation de Adam M. Grant et James W. Berry, « The Necessity
of Others is the Mother of Invention: Intrinsic and Prosocial Motivations, Perspective Taking,
and Creativity », Academy of Management Journal 54, n° 1 (2011), p. 73. Outre un résumé utile
des recherches, Grant et Berry établissent aussi un lien intéressant entre motivation intrinsèque,
prise de perspective et motivation prosociale, toutes trois influençant positivement l’utilité (et la
nouveauté) du résultat.
114. Certains considèrent la prise de perspective et l’empathie à la fois comme des processus
cognitifs et des actions comportementales – à savoir sortir de chez soi et frayer avec des gens.
(Une troisième tradition, non abordée ici, voit l’empathie comme une disposition ou un trait de
caractère.) Comme ce livre s’attache à la prise de perspective en tant que partie d’un processus
de recadrage, j’ai choisi de n’utiliser l’expression qu’à propos des processus cognitifs. Le
chapitre 9, « Avancer », aborde des moyens plus actifs pour découvrir les perspectives des gens.
Les deux choses sont liées, bien entendu, et la frontière entre penser et faire n’est pas toujours
aussi nette qu’on pourrait le croire. Si le sujet vous intéresse, voir le livre de George Lakoff et
Mark Johnson sur la cognition incarnée, Philosophy in the Flesh (New York, Basic Books,
1999) ou l’article d’Andy Clark et David Chalmers sur l’hypothèse de l’esprit élargi, « The
Extended Mind », Analysis 58, n° 1 (1998), p. 7-19.
115. Citation issue de N. Epley et E.M. Caruso, « Perspective Taking: Misstepping into Others’
Shoes », dans K.D. Markman, W.M.P. Klein et J.A. Suhr (dir.), Handbook of Imagination and
Mental Simulation (New York, Psychology Press, 2009), p. 295-309. La métaphore de
l’interrupteur électrique qui active le simulateur d’autrui provient du même article.
116. Voir Yechiel Klar et Eilath E. Giladi, « Are Most People Happier Than Their Peers, or Are They
Just Happy? », Personality and Social Psychology Bulletin 25, n° 5 (1999), p. 586.
117. Voir Robert B. Cialdini, Influence et manipulation – Comprendre et maîtriser les mécanismes et
les techniques de persuasion (Paris, First Éditions, 2004). Beaucoup d’autres chercheurs ont
exploré l’effet de la preuve sociale sur l’adoption. L’un des premiers exemples est fourni par
Everett M. Rogers dans son classique Diffusion of Innovations (New York, The Free Press,
1962).
118. Il existe un cadre plus utile et plus structuré pour y parvenir, la méthode « Jobs-to-Be-Done »
popularisée par les experts en innovation Clayton Christensen et Michael Raynor dans The
Innovator’s Solutions: Creating and Sustaining Successful Growth (Boston, Harvard Business
Press, 2003). On peut également se référer à la distinction effectuée par Daniel Kahneman entre
la pensée de Système 1 et la pensée de Système 2. Le Système 1 est rapide, sans effort et
souvent imprécis. Le Système 2 est lent, pénible et plus précis. Comprendre les parties
prenantes est toujours une tâche pour le Système 2 – une approche plus lente et plus délibérée.
119. Les premiers à noter les deux étapes de ce processus ont été Daniel Kahneman et Amos
Tversky dans « Judgment under Uncertainty: Heuristics and Biases », Science 185, n° 4157
(1974), p. 1124.
120. Mon collègue Tom Hughes l’a bien montré dans une conversation personnelle en 2019 : « Les
P-DG passent six mois à soupeser l’intérêt d’une réorganisation – puis ils la lancent en
comptant que leurs salariés vont accepter le changement après une heure de réunion générale du
personnel. »
121. Voir par exemple Nicholas Epley et al., « Perspective Taking as Egocentric Anchoring and
Adjustment », Journal of Personality and Social Psychology 87, n° 3 (2004), p. 327.
122. L’ouvrage fondateur sur ce sujet est Diffusion of Innovation, de Rogers (déjà mentionné plus
haut).
123. Il est intéressant de se demander si la familiarité et la proximité peuvent quelquefois nuire à la
prise de perspective. Si vous vivez loin d’une personne, il y a des chances pour que vous
réalisiez que vous ne la comprenez pas (et que cela vous pousse à faire un effort pour y
parvenir). Inversement, si vous partagez un bureau (ou votre domicile) avec une personne, vous
pouvez beaucoup plus facilement vous convaincre que vous la comprenez déjà bien, et donc
vous sentir moins enclin à une prise de perspective active.
124. Les entretiens de départ sont un bon exemple. Selon Jannice Koors, conseil en rémunération et
directrice de région chez Pearl Meyer, « les gens disent à leur employeur qu’ils s’en vont parce
qu’on leur offre mieux ailleurs – ce qui paraît plausible. Mais presque toujours l’argent n’est
pas seul en cause. Cherchez à en savoir plus ». (Entretien personnel avec Jannice Koors en
octobre 2018.) La citation de Nicholas Epley provient de « Perspective Taking as Egocentric
Anchoring and Adjustment » (déjà mentionné plus haut).
125. Voir Johannes D. Hattula et al., « Managerial Empathy Facilitates Egocentric Predictions of
Consumer Preferences », Journal of Marketing Research 52, n° 2 (2015), p. 235. La partie de
l’étude qui a constaté qu’on obtenait un effet positif en avertissant explicitement les gens a été
réalisée auprès de 93 cadres âgés en moyenne de 46 ans, c’est-à-dire de professionnels
expérimentés. La formulation exacte utilisée dans l’étude était : « Des recherches récentes ont
montré que lorsqu’ils adoptent la perspective des consommateurs, les cadres, souvent, ne
parviennent pas à faire abstraction de leurs propres préférences, besoins, et attitudes de
consommateurs. Veuillez donc en faire abstraction quand vous prenez la perspective du
consommateur, et concentrez-vous seulement sur les préférences, besoins et attitudes du
consommateur cible. »
126. Entretien personnel avec Jordan, en 2010.
127. Le sujet est longuement évoqué dans un livre influent de Richard Thaler et Cass Sunstein,
Nudge : la méthode douce pour inspirer la bonne décision (Paris, Vuibert, 2012). Les auteurs
utilisent l’expression paternalisme libertarien quand les règles suggèrent un (bon)
comportement par défaut tout en laissant une marge de liberté aux individus qui en préféreraient
une autre. Bien entendu, d’autres règles comme les limitations de vitesse ne laissent
volontairement aucune latitude.
128. L’une des premières études sur le rôle d’une mauvaise communication dans les scénarios
collaboratifs a été conduite par Robert Axelrod, grand nom de la théorie des jeux et auteur de
The Evolution of Cooperation (New York, Basic Books, 1984). À l’aide de jeux de
collaboration simulée comme le « dilemme itératif du prisonnier », Axelrod a démontré que s’il
y a du bruit dans le modèle (c’est-à-dire un potentiel d’incompréhension), on réussit mieux en
choisissant une stratégie de « pardon », c’est-à-dire en acceptant que des erreurs surviennent et
en ne sanctionnant votre adversaire qu’après des infractions répétées. Les modèles purs de «
coup pour coup », en comparaison, seraient souvent enfermés dans des cycles négatifs à cause
d’une mauvaise compréhension initiale.
129. C’est l’un des apports essentiels de ce que la science politique appelle la théorie du choix
public. Cette théorie est née dans les années 1950 quand les chercheurs ont commencé à
appliquer les principes économiques – y compris les analyses coûtsbénéfices au niveau
individuel – pour expliquer comment les États et autres institutions prennent leurs décisions.
Elle montrait en particulier que les décideurs individuels étaient quelquefois confrontés à des
incitations fonctionnant contre les intérêts du système dans son ensemble.
130. Toutes les citations proviennent de mes entretiens personnels avec Rosie Yakob en 2018.
131. Entretiens personnels avec Ashley Albert, en 2018 et 2019. Après avoir ruiné les rêves de
glacier de son ami Kevin, Ashley s’est associée à lui pour lancer une autre entreprise vendant
des matzos (pains azymes traditionnellement consommés lors de la fête juive de Pessa’h). «
Depuis 90 ans, m’a-t-elle dit, le marché des matzos est dominé par deux acteurs et à mon avis
on pourrait créer un type de matzo plus appétissant. » Pour avancer, Ashley et Kevin ont mis au
point un moyen simple pour tester leur idée : ils ont préparé une fournée de matzos, ont imaginé
un emballage séduisant et décalé, et ont essayé de les vendre à quatre commerçants du quartier.
Les boîtes de matzos ont été rapidement écoulées et les commerçants ont demandé : « Pouvez-
vous m’en vendre quatre caisses la semaine prochaine ? » S’ensuivirent une exposition
d’aliments artisanaux et des mentions dans la presse. Au bout d’une année, les boîtes de matzos
avaient été présentées deux fois dans la « liste des choses favorites » d’Oprah Winfrey, et le
produit est vendu à cette date dans plus de huit cents magasins aux États-Unis. Il est également
présent au Royaume-Uni, au Canada, en Espagne et au Japon. Si Ashley n’avait pas insisté pour
valider le problème, Kevin serait sans doute en train de vendre du café dans une boutique de
glacier déserte.
132. La méthode est décrite au chapitre 3 du livre de Voss, Never Split the Difference: Negotiating as
if Your Life Depended on It (New York, HarperCollins, 2016).
133. La méthode est décrite au chapitre 5 du livre de Steve Blank et Bob Dorf, The Startup Owner’s
Manual: The Step-By-Step Guide for Building a Great Company (Pescadero, CA, K&S Ranch
Publishing, 2012). Si vous créez une start-up, munissez-vous de ce livre.
134. Le cas de Cisco repose sur Paddy Miller et Thomas Wedell-Wedellsborg, « Start-up Cisco:
Deploying Start-up Methods in a Giant Company », Cas DPO-426-E (Barcelone, IESE
Publishing, mai 2018) ; des modifications de forme mineures ont été apportées pour plus de
clarté. Les citations supplémentaires d’Oseas proviennent d’un entretien personnel avec Oseas
Ramirez Assad en 2019.
135. Entretien personnel avec Georgina de Rocquigny en 2017.
136. Je connais Saman et Dan à travers Prehype, l’entreprise où ils se sont rencontrés et où je suis
conseiller. Sans être impliqué personnellement dans l’histoire de Managed by Q, j’ai suivi leur
parcours depuis leur lancement dans leur premier bureau. Les citations proviennent d’un cas
non publié que j’ai rédigé après avoir interrogé Saman en janvier 2016. Des passages du récit
ont aussi été présentés dans plusieurs livres, en particulier celui de Zeynep Ton, The Good Jobs
Strategy: How the Smartest Companies Invest in Employees to Lower Costs and Boost Profits
(Boston, New Harvest, 2014).
137. Le chiffre d’affaires n’a pas été publié, mais d’après la société de données financières
Pitchbook, Managed by Q était valorisé 249 millions de dollars quelques mois avant
l’acquisition.
138. Pour en savoir plus sur le prétotypage, voir le livre d’Alberto Savoia, The Right It: Why So
Many Ideas Fail and How to Make Sure Yours Succeed (New York, HarperOne, 2019).
139. Entretien personnel avec Henrik Werdelin, en 2019. L’équipe était composée de Matt Meeker,
Carly Strife, Mikkel Holm Jensen, Suzanne McDonnell, Christina Donnelly, Becky Segal,
Michael Novotny, Jeffrey Awong, Melissa Seligmann et John Toth.
140. Entretien personnel avec Scott McGuire, en novembre 2018.
141. La citation de Kees Dorst provient du chapitre 1 de son livre Frame Innovation: Create New
Thinking by Design (Cambridge, MA, Massachusetts Institute of Technology, 2015).
142. Après un débat sur le recadrage, un associé de Prehype, Tom Le Bree m’a envoyé la note
suivante : « Si vous cherchez encore des titres de livres, j’aimerais proposer I’ve Got 99
Problems, but I Only Started with 1 (j’ai 99 problèmes mais j’ai commencé avec un seul). »
143. Oui, on écrit « rasoir d’Occam » alors que le moine s’appelait Guillaume d’Ockham. J’affirme
qu’Ockham s’en est bien sorti. Moi qui m’appelle Wedell-Wedellsborg, si l’on se souvient le
moindrement de moi, ce sera comme « euh… le type du recadrage ».
144. La citation provient de la page 16 du livre de Steve de Shazer, Keys to Solution in Brief
Therapy (New York, W.W. Norton & Company, 1985). Malgré la formulation de la citation, de
Shazer ne prétend pas que ce soit toujours vrai, simplement que c’est souvent vrai. Le sujet
s’inscrit dans sa remarque plus large sur l’attitude des psychologues traditionnels qui croient
trop souvent que les problèmes « complexes » doivent avoir des solutions également
complexes, au lieu d’essayer d’abord des approches plus simples.
145. Ce programme est maintenant bien connu. Il suffit d’une recherche Google simple pour en
connaître les bases. Si vous désirez plus de détails, je vous conseille de lire le chapitre 1 du livre
de Jonathan Tepperman, The Fix: How Countries Use Crises to Solve the World’s Worst
Problems (New York, Tim Duggan Books, 2016). Les études et les chiffres que je mentionne
proviennent des pages 39 à 41 du livre de Tepperman.
146. Entretiens personnels avec Mark Ramadan et Scott Norton, 2014.
147. L’emploi des méthodes ethnographiques en profondeur pour détecter de nouvelles sources de
croissance est bien exploré dans The Moment of Clarity: Using the Human Sciences to Solve
Your Toughest Business Problems, de Christian Madsbjerg et Mikkel B. Rasmussen (Boston,
Harvard Business Review Press, 2014). Les auteurs donnent aussi quelques exemples
intéressants sur le travail de cadrage. L’un d’eux est celui du fabricant de jeux LEGO, où la
question « Quels jouets les enfants veulentils » est recadrée en « Quel est le rôle à jouer ? »
(voir chapitre 5 de leur livre). Si vous êtes un cadre dirigeant, Discovery-Driven Growth: A
Breakthrough Processus to Reduce Risk and Seize Opportunity (Boston, Harvard Business
Review Press, 2009), de Rita Gunther McGrath et Ian C. MacMillan, est une lecture
intéressante ; les auteurs y livrent de nombreux conseils utiles sur la structuration des
organisations à fins de découverte.
148. Le livre de Schein, L’Art de poser humblement des questions (Bruxelles, Ixelles Éditions, 2015)
est une bonne introduction, et relativement brève, à l’art de poser de meilleures questions. Voir
aussi les contributions récentes de Warren Berger et Hal Gregersen.
149. Pour une présentation rapide, voir le livre d’Amy Edmondson, The Fearless Organization
(Hoboken, NJ, Wiley, 2019), ou googler l’expression « sécurité psychologique ».
150. Ces recherches sont résumées dans un article de Gregersen, « Bursting the CEO Bubble »,
Harvard Business Review, mars-avril 2017.
151. Des parties de ce récit figurent dans mon article « Are You Solving the Right Problems? »,
Harvard Business Review, janvier-février 2017.
152. Les recherches sur le rôle de la diversité et de l’inclusion dans la résolution de problèmes sont
nombreuses. Si vous désirez approfondir le sujet, je conseille le livre de Scott Page, The
Diversity Bonus: How Great Teams Pay Off in the Knowledge Economy (Princeton, NJ,
Princeton University Press, 2017), qui procure une bonne présentation nuancée du sujet, y
compris sur ce qu’est réellement la diversité (par exemple diversité sociale ou diversité
cognitive), à quels types de problèmes la diversité est le plus utile (travail de connaissance non
routinier), etc. Remerciements à Susanne Justesen, de Copenhagen Business School, pour
m’avoir signalé les travaux de Scott Page.
153. Cette histoire vient d’une mission accomplie pour un client quand j’ai commencé mes
recherches sur l’innovation. Le cas est décrit partiellement dans mon premier livre, Innovation
as Usual: How to Help Your People Bring Great Ideas to Life, ainsi que dans mon article « Are
You Solving the Right Problems? », Harvard Business Review, janvier-février 2017.
154. En voici un exemple qui date de 1714. Le Parlement britannique avait besoin d’aide pour
trouver comment les navires pourraient déterminer leur longitude en mer. La solution a été
fournie par un horloger du Yorkshire, John Harrison. Sur les capacités des étrangers absolus,
lire l’article de Karim Lakhani et Lars Bo Jeppesen, « Getting Unusual Suspects to Solve R&D
Puzzles », Harvard Business Review, mai 2007.
155. Cette expression est due à Michael Tushman. Voir Michael L. Tushman, « Special Boundary
Roles in the Innovation Process », Administrative Science Quarterly 22, n° 4 (1977), p. 587-
605. L’idée sous-jacente date des débuts des recherches sur l’innovation.
156. Pour une présentation utile, avec un exemple, voir l’article de Dwayne Spradlin « Are You
Solving the Right Problem? », Harvard Business Review, septembre 2012.
157. Un modèle théorique utile distingue trois types de confiance : confiance dans l’honnêteté (Si
j’oubliais mon portefeuille, me le retourneriez-vous ?), confiance dans la compétence (Êtes-
vous capable de venir à bout du travail ?) et confiance des gens dans vos intentions à leur
égard (Si quelque chose se passe mal, aurez-vous mon soutien ?). Même un expert du plus haut
niveau avec un historique d’intégrité parfaite peut perdre la confiance des gens qui se diraient
qu’ils ne comptent pas pour lui. Voir Roger C. Mayer, James H. Davis et F. David Schoorman, «
An Integrative Model of Organizational Trust », Academy of Management Review 20, n° 3
(1995), p. 709-734, pour le modèle en trois parties ci-dessus, ou Rachel Botsman Who Can You
Trust?: How Technology Brought Us Together and Why It Might Drive Us Apart (New York,
Public Affairs, 2017) pour une présentation grand public plus récente.
158. Clayton Christensen a présenté cette histoire au cours d’une manifestation à laquelle je
participais à Londres, le 10 septembre 2013.
159. Pour en savoir plus sur la priorité promotion/prévention, lire Heidi Grant et E. Tory Higgins, «
Do You Play to Win or to Not Lose? », Harvard Business Review, mars 2013. Voir également
l’article de Higgins « Promotion and Prevention: Regulatory Focus as a Motivational Principle
», Advances in Experimental Social Psychology 30 (1998), p. 1.
160. Le concept, initialement développé par Arie W. Kruglanski, Donna M. Webster et Adena Klera
dans « Motivated Resistance and Openness to Persuasion in the Presence or Absence of Prior
Information », Journal of Personality and Social Psychology 65, n° 5 (1993), p. 861, a depuis
lors été étendu par d’autres chercheurs.
161. Voir un exemple des recherches sur l’ambiguïté et son rapport avec la résolution de problème
créative dans Michael D. Mumford et al., « Personality Variables and Problem-Construction
Activities: An Exploratory Investigation », Creativiiy Research Journal 6, n° 4 (1993), p. 365.
Le théoricien du management Roger L. Martin a aussi exploré le sujet en profondeur et a
raconté comment les experts en solution de problèmes travaillent avec l’ambiguïté. Voir son
livre The Opposable Mind: How Successful Leaders Win Through Integrative Thinking (Boston,
Harvard Business Review Press, 2009).
162. Un exemple poignant en est donné par Charles Delucena Meigs, auguste médecin qui, en 1854,
a rejeté avec assurance la toute nouvelle théorie microbienne par ces mots immortels – en même
temps que littéralement mortels : « Les médecins sont des gentlemen et les gentlemen ont les
mains propres » ; voir C.D. Meigs, On the Nature, Signs, and Treatment of Childbed Fevers
(Philadelphie, Blanchard and Lea, 1854), p. 104. J’ai traité de la lenteur avec laquelle le lavage
des mains a été adopté par les médecins au chapitre 5 d’Innovation as Usual. Pour une courte
introduction, googlez « Ignace Semmelweis », du nom d’un médecin dont l’histoire tragique
offre des leçons sur l’innovation dans le monde médical.
163. La citation est de Sinclair, I, Candidate for Governor: And How I Got Licked, publié par
l’auteur en 1934 et réédité en 1994 par University of California Press. La citation se trouve
page 109 de la version de 1994.
164. Sur l’état de la science à ce sujet, voir Robert A. Burton, On Being Certain: Believing You Are
Right Even When You’re Not (New York, St. Martin’s Press, 2008).
165. Entretien personnel avec Chris Dame, en 2019, au Royal Palms Shuffleboard Club.
166. Le récit se trouve pages 109 à 113 du livre de de Shazer Clues: Investigating Solutions in Brief
Therapy (New York, W.W. Norton & Company, 1988).
167. Entretien personnel avec le cofondateur en octobre 2018.
168. Entretien personnel avec Luke Mansfield, en 2013. L’histoire complète est relatée par Paddy
Miller et Thomas Wedell-Wedellsborg, « Samsung’s European Innovation Team », Cas DPO-
0307-E (Barcelone, IESE Publishing, 2014).
169. Les citations, ainsi que les informations reproduites ici, proviennent de Chamberlin, « The
Method of Multiple Working Hypotheses », Science 15 (1890), p. 92. L’article reste
éminemment lisible et ouvre une fenêtre fascinante sur l’esprit d’un contemporain de Charles
Darwin, Marie Curie et William James. Vous pouvez le trouver à l’aide d’une recherche sur son
nom et le titre de l’article. Mon attention a été attirée sur l’œuvre de Chamberlin par un livre de
Roger Martin, The Opposable mind: How Successful Leaders Win Through Integrative
Thinking (Boston, Harvard Business Review Press, 2009).
170. On en trouve un excellent exemple – qui aurait pu inspirer la réflexion de Chamberlin – chez
Louis Menand, The Metaphysical Club: A Story of Ideas in America (New York, Farrar, Straus
and Giroux, 2001), qui s’intéresse en particulier au personnage de Louis Agassiz. Agassiz était
un savant naturaliste doué et charismatique qui cultivait un anglais « délicieusement imparfait »
et quelques idées complètement saugrenues à propos de la science. Confronté à l’accumulation
des preuves de la fausseté de sa grandiose théorie, il rejetait énergiquement toutes les autres
théories (y compris celle d’un certain Charles Darwin) et organisa un voyage de plusieurs mois
au Brésil pour rechercher des confirmations de ses propres thèses. Il ne les trouva pas, et
pendant qu’il avait le dos tourné, à peu près tout le monde s’empressa de convenir qu’il avait
tort et que Darwin avait raison. (Son histoire est relatée à partir de la page 97 de l’édition
brochée de 2002.)
171. Rebondissant sur la comparaison avec l’amour de Chamberlin, je ne peux m’empêcher de
remarquer que si l’on remplace explication par conjoint, la liste peut aussi apparaître comme
une assez bonne description de certaines pratiques de flirt contemporaines.
Index
Symboles
80,000 Hours 116
A
Ackoff, Russell 265, 266, 270
action
biais en faveur de l’ 27
drogués de l’ 237
mode 42
personnelle 147
trop rapide 38
Adner, Ron 25, 268
affiches de communication interne 164
Africa, Andrew 192
agiles, méthodes 203
ajustement 171, 172, 174
Albert, Ashley 70, 188
analyse
coûts-bénéfices 70
du problème 18
temps nécessaire 45
ancrage 56, 170, 171, 172, 173
Appel, Seth 134, 175
applis de rencontre 20
apprentissage d’ 220, 223
arbitrages 69
faux 62, 69
naturels 70
Argyris, Chris 265, 269
ascenseur lent, problème de l’ 5, 63, 234, 247
Astor, Todd 261
attrition 67
authenticité 114
avis extérieurs 155, 156, 227
B
Bandura, Albert 266
BarkBox 20, 24, 267, 276
BarkBuddy 20, 21, 25, 26, 267, 268
Basadur, Min 104, 271, 275
base de données 101
bénéfices
d’un énoncé du problème écrit 56
du recadrage 27
Berger, Warren 260
Berg, Insoo Kim 125
biais
de confirmation 250, 252
de négativité 138
en faveur de l’action 27
Blank, Steve 191, 258, 286
Bolsa Familia, programme 214, 215
bonheur personnel 115
bonnes intentions 128, 179, 180
Boston Consulting Group 132, 133
boucle de recadrage 40
répétée 40
brainstorming 41
bright spots. Voir points positifs Brooks, David 153, 282
Brown, Rita Mae 85, 273
Bullough, Oliver 154
Bungay Stanier, Michael 258
buts
distaux 105
proximaux 105
C
cadrage 64
automatique 79
briser le 70
différent selon les publics 176
d’un problème 40
écueils 73
enfance 122
étroit 79, 87
exploitable 68
improductif 65
incomplet 80
initial 25, 41
multiple 211, 215, 251
niveau du 152
par le client 242
prioritaire 212
propice à l’action 238
restreint 83
surprenant 212
valeurs 122
validation 195
cadre
explorer ou briser 24
regarder hors du 240
Camp David, accords de 106, 268
canevas de recadrage 14, 41, 43, 51, 170, 233, 266
carrière 29
Carr-Waldron, Tania 175
Carter, Jimmy 106
Caruso, Eugene 168
causalité 88, 107
facteurs de 89, 90
causes systémiques 82, 273
Cazila, Juan 193
Ceballos, Edgardo 191
cerveau, avare cognitif 92
Chamberlin, Thomas C. 250, 251, 252, 253, 254, 266, 289, 290
changement des comportements 73
check-lists 43
chenil
problème du 19
programme d’intervention au 22, 23, 26
Christensen, Clayton 47, 235, 259, 284, 288
Cialdini, Robert 169, 261, 284
Cisco 10, 191, 193
clôture cognitive, besoin de 236
Cohen, Jordan 133, 175
communication interne 164
compétences analytiques et culturelles 135
complications 210
comportement 73
personnel 150
compréhension d’autrui 166
amélioration 166
conflits, résolution de 31
Conn, Charles 260
conscience de soi 155, 156, 161
contraintes 64
contribution 150, 151, 152
conversations 219
orientées découverte 216
corrélation 87
corruption 153, 154, 160, 214
Coyne, Kevin 259
créativité 30
croyances 26, 214
acceptées 242
Csikszentmihalyi, Mihaly 265, 270, 277
culture 59
curiosité 48, 272
D
Dame, Chris 113, 156, 241
da Silva, Lula 214
défense mentale 31
délais de paiement 108, 109
de Rocquigny, Georgina 194
de Shazer, Steve 58, 107, 125, 213, 242, 243, 270, 275, 278, 287
détails 73, 81, 82, 132
essentiels 68
visibles 86
Dewey, John 265, 266, 270
diagnostic 42, 58, 200, 238
initial 225
médical 82
difficultés 58
Dillon, Karen 259
distance mentale 56
données 30, 241
essentielles 93
Dorf, Bob 258
Dorst, Kees 82, 202, 256, 273, 287
doute 243
Downtown Dog Rescue 22
Drucker, Peter 7
DSM 137
Duncan, David S. 259
Duncan, Greg 88
Dye, Renée 259
E
E-850 137, 280
Ebbesen, Anna 110, 276
échec instructif 244, 245
écosystème 25, 26
écoute 152
Edmondson, Amy 219, 287
Einstein, Albert 7, 39, 266, 269, 273
éléments extérieurs 84
émetteur d’un message 169
émotions 62, 146, 222, 236
mots chargés d’ 69
empathie 167
enfants
initiation au recadrage 144
engagement 225
énoncé du problème 41, 55, 62, 65, 145, 238, 261
examen initial 73
formulation neutre 68
insuffisance 81
modification 56
par écrit 56, 57
phrases complètes 67
révision 57
sans problème 66
vérification 63
entreprises
culture 158
panne de croissance 60
trop soucieuses de leurs clients 47
entretiens d’embauche 89
Epley, Nicholas 168, 174, 284, 285
erreur fondamentale d’attribution 146, 178
espace de solution 6
étrangers absolus 227
Eurich, Tasha 155, 158, 262
exception positive 122
exigence 61
expérience 214
d’apprentissage 220, 223
et recadrage 46
explication
innocente 179
raisonnable 178, 179
explorer le cadre 24
F
faute 150
Fisher, Roger 106, 257, 275
fixité fonctionnelle 93, 274
flou 73
Fogler, H. Scott 257
Forum économique mondial 30, 268
Freud, Sigmund 122
frustration 237
G
Galinsky, Adam 156, 283
Getzels, Jacob 57, 58, 265, 270, 282
Giladi, Eilath E. 168, 284
Goffman, Erving 134, 266, 280
Gorman Clifford, Patricia 259
Grant, Heidi 155, 158, 262, 283, 288
Gray, Jeff 94, 274
Gregersen, Hal 46, 220, 260, 266, 269, 288
groupe 150
Grove, Andy 235
Gunther McGrath, Rita 259
H
habitudes de l’esprit 45
Haidt, Jonathan 256, 268
Hall, Taddy 259
Han, Cate 144
Hattula, Johannes 174, 285
Hawking, Stephen 113, 156
Heath, Chip et Dan 124, 255, 272
Heen, Sheila 151, 160, 257, 269, 282, 283
Heifetz, Ronald 269
Herman, Amy E. 262
Higgins, E. Tory 235, 288
Higueras, Raquel Rubio 127
hors du cadre 47
Hosftadter, Douglas 132
hypothèses
clés 109
prise de conscience 110
prises pour des faits 110
hypothèses de travail 250, 251
multiples 251
I
Ibarra, Herminia 114, 277
incapacité d’agir 238
inconfort 220
Infeld, Leopold 266
InnoCentive 138
innovation 7, 25, 47, 60, 64, 173, 223, 235, 245, 276, 284
cadres d’ 224
disruptive 235
formation à l’ 224
instrument, loi de l’. Voir Kaplan, loi de Intel 113, 235
intérêts des parties 106
intuition 44, 214
Isaksen, Scott G. 270
J
Johnson, Mark 263
Jones, Phil M. 261
K
Kahneman, Daniel 170, 268, 274, 284
Kaplan, Abraham 83, 273
loi de 83, 85
Kepner, Charles 124, 278
Kerr, Steve 259
Kieffer, Don 261
Kissinger, Henry 69
Klar, Yechiel 168, 284
Kosslyn, Stephen 44, 269
L
Lakoff, George 263, 268
LeBlanc, Steven E. 257
Leritz, Lyle E. 265
Lewis, Michael 268
liens de causalité 107
Liguori, Steve 192
limites auto-imposées 62, 63, 64
Linsky, Marty 269
logique
contestable 108
dérapage 109
du client 242
Lucas, Édouard 78, 272
M
MacAskill, Will 116, 277
MacMillan, Ian C. 259
Madsbjerg, Christian 259
Mansfield, Luke 245, 289
marque 194
marshmallow, test du 88
Martin, Roger L. 70, 256, 266, 271, 276, 289
Mayer, Richard E. 270
McGuire, Scott 200
McLean, Robert 260
Michalewicz, Zbigniew 258
Miller, Paddy 159
miroir 42
Mischel, Walter 88, 274
mise en œuvre 103
modèle
du fonctionnement du monde 107, 108, 115
établi 64
mental 93, 212, 229
monde réel 5, 10, 12, 19, 62, 167, 200, 267
problèmes du 47, 49
multitâche 113
Mumford, Michael 265, 272, 289
N
négativité 138
non-clients 47
Norman, Donald A. 221
Norton, Scott 217, 287
Nutt, Paul C. 28, 268
O
objectifs 100, 102, 104
ambitieux 102
authenticité 114
autres moyens d’y parvenir 111
bonheur personnel 115
carte d’ 107
compréhension 107
de niveau supérieur 104, 105, 106, 107, 110
difficiles à atteindre 60 étapes intermédiaries 115
exprimés 109
incompatibles 106
modèle d’ 109
non discutés 100
précis 73
présentés comme un problème 66
obstacle 100
Ockham, Guillaume d’ 213, 287
opinions 251
opportunité 60
optimisme 18
options
différentes 29
multiples 28, 69
originalité 114
P
Page, Scott 262
panne de croissance 60
paralysie
par l’analyse 39, 237
par pur fatalisme 153
parties prenantes 47, 170, 196, 216
analyse des 47
carte des 55
nécessité d’un accord 241
Pascale, Richard 260
passeurs de frontière 226, 227
Patton, Bruce 106, 151, 257, 275, 282
Perry, Matt 54
perspective. Voir aussi prise de perspective perspectives 56
changer de 66
différentes 194
nouvelles 49
pesanteurs historiques 87
petit déjeuner 86
peurs 190
Pfizer 10, 133, 174, 175
pfizerWorks 133, 134, 174, 175, 176, 191
pic de demande 28
plateforme logicielle 156
Poelmans, Steven 69
point de départ 60
point de vue 42, 46, 146, 174, 214, 251, 261, 274
authentique 156
d’autrui 146
des autres 166, 174
différents 252
égocentrique 170
extérieur 223
nouveau 212
rejeté 242
points positifs 42, 47, 67, 94, 124, 128, 130, 132, 133, 136, 148, 270, 278
absence 134
école 131
hôtellerie 135
ingénierie 124
médecine 124
recherche des 125, 126, 131
stratégie des 138, 139
postulats 26, 102, 214
Pras, Erik 137, 280
précision, piège de la 73
prétotypage 199
preuve sociale 176
négative 169
prévention
priorité à la 235
prise de perspective 167, 168, 170, 173, 175, 283
efficace 170
et empathie 167
primaire 181
problèmes
à l’école 57
cadrage contestable 65
cadrage des 40, 57, 62
comme obstacles 100
communication interculturelle 136
contestation 214
contribution personnelle aux 146, 150
défini trop étroitement 64
dégonfler les 153
déjà abordés 51
de l’ampoule électrique 91
de l’ascenseur lent 5, 18, 42
de pauvreté 23
diagnostic de 38
difficiles 26
et oppositions 233 évaluations 201
évolution dans le temps 201
exploration des 157
exposés par écrit 55
flous 50
imputé à d’autres 68, 69
inconnus 85
interculturels 133
les plus dérangeants 50
liés à un objectif 60
ligne New York-Le Havre 78, 80
mal compris 27
mauvais 223
méchants 153
meilleurs 28
parking de Disneyland 94
partage du 43
personnels 49, 50
personnes présentes 150
pièces essentielles 93
présentés 57
proclamation 136, 138, 216
racine des 28
réexamen 202
relatifs à des personnes 50
résolution 29
révision des 157
systémiques 179
visibles 81
promotion
priorité à la 235
promotions 158
puits de gravité psychologique 173
Q
Quan, Haonan 88, 274
questionnement, humble 219
questions
choix des 7
rafales de 46
standardisées 47
R
Rahmanian, Saman 196
raisonnement
critique 30
en silo 210, 223
systémique 82
Ramadan, Mark 217, 287
Ramirez, Oseas 191, 286
Rasmussen, Mikkel B. 259
rasoir d’Occam 213
recadrage 4, 8
bénéfices 27
but 18
canevas de. Voir canevas de recadrage cas typiques de 62
comme contestation 214
comme état d’esprit 203
compétence fondamentale 9
complications 210
comprendre les autres 166
cycle 202
éléments extérieurs 84
enfants 146
en groupe 219
et intuition 214
et opposants 233
étude du 13
formalisé 233
improvisé 44
informel 233
itératif 238
niveaux d’abstraction 107
oppositions 210
options différentes 29
outils 43
partagé 253
positionnement du besoin 235
première séance de 46
puissance du 7
rapide 9
simple 213
structuré 44
temps nécessaire 45
récompenses 158
recrutement 67
Reeves, Martin 132
Rein, Martin 268
Reiter-Palmon, Roni 265, 272
Repenning, Nelson P. 261
repenser l’objectif 42, 67, 100, 101, 104
reproche 152
résolution de problèmes 7, 39, 40, 47, 60, 90, 132, 223, 233, 260, 262, 265, 270, 272, 273, 274
complexes 30
et frustration 237
plateformes en ligne 136
processus 133
trajet de 40
responsabilité
dégagée 68
révélation mentale 26
Riel, Jennifer 256
Ries, Eric 258
Rizzo, Benjamin 257
Rodriguez, Kevin 188
Rosling, Hans 151, 282
Rothstein, Dan 257
routine, contrôles de 203
Runco, Mark 265, 272
S
Samsung 245
Sanders, Lisa 82, 256
Santana, Luz 257
Savoia, Alberto 199, 286
Schein, Edgar H. 219, 260
Schnapp, Jonathan 71
Schön, Donald A. 268, 269
science des opérations 82, 273
scores de satisfaction au travail 226
Scott, Ginamarie 265
sécurité psychologique 219, 287
Seligman, Martin 115, 271, 277
Seltzer, Stacey 144
sense-making 110
simplicité 213
Sinclair, Upton 239, 289
solutionneurs 25, 70, 81, 124, 136, 148, 189, 275
optimistes 18
solutions
créatives 28
de rechange 243
mauvaises 62
multiples 33
non évidentes 90
nouvelles 31
originales 33, 106
par défaut 83, 85
possibilités 29
précipitées 27
prématurées 56, 59, 61
réclamées par le client 243
révolutionnaires 212
satisfaisantes 29
simples et bonnes 212
simulées 199
stériles 27
soucis mal définis 58
sous-objectifs 115
Spradlin, Dwayne 138, 261, 281, 288
Startup Cisco 192, 193
Sternberg, Robert 111, 112, 119, 265, 276
Sternin, Jerry 129, 130, 260, 279
Stone, Douglas 151, 257, 282, 283
stratégies
de recadrage 67
ordre des 46
subconscient 79, 92, 214, 272
sympathie 167
système
corrompu 154
de récompense 259
d’incitation 158
T
taux d’adhésion 169
Taylor, Irving A. 270
Tepperman, Jonathan 214, 287
Teran, Dan 197
test
A/B 221, 222
d’utilisabilité 221
en situation réelle 42
grandeur nature 196
titulaire du problème 68, 212
client 233
Todd, Benjamin 116
Treffinger, Donald J. 270
Tregoe, Benjamin 124, 278
Tushman, Michael 227
Tversky, Amos 170, 268, 284
U
Ury, William 106, 257, 275
utilisabilité 221, 222, 223
test d’ 221
utilisateur 178
participation de l’ 180
perspective de l’ 176
test 222
V
validation
par des tiers 194
rapide 192
variable confusionnelle 88
vérification 42, 102
service de 101
Verweerden, Theo 137
vision extérieure de vous-même 155
voies d’amélioration 151
Voss, Chris 190, 257
W
Wallas, Graham 270
Watts, Tyler 88
Wedell-Wedellsborg, Gregers 63
Weise, Lori 22, 23, 212
Werdelin, Henrik 20, 21, 108, 109, 199, 276, 286
Y
Yakob, Rosie 180, 240
Z
Zinn, Jeremiah \« Miah \» 220
Zwerink, Steven 137
Remerciements
Cadrer le problème
Quel est le problème ? Qui est concerné ?
Repenser l’objectif
Y a-t-il un meilleur objectif à poursuivre ?
Avancer
Comment maintenir la dynamique ?