Vous êtes sur la page 1sur 2

17/09/2022 16:29 L’ONU, la meilleure et la pire chose - Le Temps

INCIDENCES

L’ONU, la meilleure et la pire chose


L’ONU fête ses 70 ans. On ne peut que rêver d’une refondation complète de l’organisation, sur la base d’un maître plan correspondant aux
attentes et au besoin des sociétés d’aujourd’hui, estime François Nordmann
François N.
Publié lundi 28 septembre 2015 à 20:08

Incidences

La meilleure et la pire des choses

L’ONU célèbre ses 70 ans dans un climat de sobriété et de modestie. Elle peut se targuer de succès retentissants, notamment dans la coordination de l’aide
humanitaire, la mise au point de normes de droit international, l’aide aux plus démunis, le combat contre l’inégalité, la sensibilisation au changement
climatique. Sur le plan politique, elle peut mettre à son actif quelques opérations militaires réussies pour séparer les combattants ou établir des lignes de
démarcation. Elle a contribué à éviter l’enfer sur terre, à défaut d’apporter le paradis, comme le disait Dag Hammarskjoeld, son second secrétaire général: la
non-prolifération nucléaire et certains instruments en matière de désarmement sont le fruit d’un inlassable combat mené par l’ONU.

Mais elle a échoué à adapter une alliance qui reflétait les valeurs et les intérêts des vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale aux réalités du monde
contemporain. Elle n’a pas su non plus réformer ses pratiques pour les rendre plus efficaces, transparentes et pertinentes, même si elle fait des progrès souvent
millimétriques dans ce sens.

Certes, l’ONU n’est que la somme de ses composantes, elle dépend des contingences politiques et ne peut agir que si elle est portée par la volonté de la majorité
de ses 193 Etats membres. A ce titre, elle est un chantier permanent.

Le même Dag Hammarskjoeld disait que s’il y a des critiques à formuler à l’encontre de l’organisation, elles ne sauraient concerner ses valeurs, puisque celles-
ci sont partagées universellement. Elles visent donc les institutions, qu’il est humainement possible de réformer en tant que besoins.

Mais aujourd’hui, les idéaux au nom desquels l’ONU a été créée sont eux-mêmes contestés. L’universalité des droits de l’homme, la volonté de vivre en paix,
dans l’amitié, et de régler les différends par l’intervention de forces agissant dans le cadre du droit international ne sont plus les facteurs déterminants de la vie
internationale.

Le refus des membres du Conseil de sécurité de revoir la composition de l’organe principal chargé du maintien de la paix et de la sécurité internationale mine
peu à peu sournoisement l’organisation elle-même. Refoulés, les pays émergents cherchent d’autres moyens pour exprimer les nouveaux équilibres du monde.
Le jeu des puissances que le Conseil de sécurité était censé modérer se donne libre cours. Il ne fonctionne que par intermittence, au gré des intérêts et des
calculs des uns et des autres. L’intérêt général de l’organisation, au service de la Charte, n’est guère pris en considération.

https://www.letemps.ch/opinions/lonu-meilleure-pire-chose 1/2
17/09/2022 16:29 L’ONU, la meilleure et la pire chose - Le Temps

Cependant, l’ONU n’est pas menacée de tomber dans l’insignifiance comme sa devancière, la Société des Nations. Elle retapera ce qui doit l’être, juste assez pour
assurer son fonctionnement dans la routine et la répétition. Prenons l’une des créations les plus originales et les plus fécondes de l’organisation – les Casques
bleus, Prix Nobel de la paix. La Charte n’en touche mot, mais depuis 1956, le Conseil de sécurité a pris l’habitude d’envoyer dans des zones de conflit des
contingents en uniforme mis à disposition par leurs gouvernements. Il leur incombe de maintenir une paix souvent précaire. Hier, le président Obama a
convoqué une cinquantaine d’Etats contributeurs de troupes ou de finances pour provoquer la relance de ce type d’opérations. L’action de ces soldats soulève
de plus en plus d’objections tenant à la qualité des troupes déployées, aux mandats impossibles qu’on leur donne et au trop faible financement de leurs
opérations.

De son côté, le secrétaire général a nommé l’an dernier un groupe de personnalités de premier plan chargées de dresser l’état des lieux. Ces sages proposent
entre autres de parler d’«opérations de paix» et d’être moins timides quand il s’agit d’intervenir dans des situations de belligérance, «quand il n’y a pas de paix
à maintenir». Ban Ki-moon doit lui-même présenter ses vues et sa conception desdites opérations.

Ira-t-on vers la professionnalisation des forces armées au service des Nations unies? Parviendra-t-on à renforcer la coordination entre la fonction des envoyés
spéciaux et des médiateurs et celle des généraux commandant les unités en service? Trouvera-t-on les ressources supplémentaires qui font si cruellement
défaut, y compris pour financer la prévention des conflits et la médiation dont la Suisse a fait l’une de ses priorités?

Il est intéressant de voir que les Etats-Unis considèrent que l’action des Casques bleus a pour eux une valeur stratégique qu’ils entendent soutenir encore
davantage.

Mais cela suffira-t-il?

Réexaminer de fond en comble les opérations de paix, ce n’est que l’un des aspects de la nécessaire réforme. Celle-ci sera forcément partielle, lente, délicate et
douloureuse. On ne peut que rêver d’une refondation complète de l’organisation, sur la base d’un maître plan correspondant aux attentes et au besoin des
sociétés d’aujourd’hui. Le Guardian écrivait récemment qu’il était juste de dire que si l’organisation n’existait pas, il faudrait l’inventer.

Mais, ajoutait le grand quotidien britannique, pas comme ça!

L’ONU n’est pas menacée de tomber dans l’insignifiance

Le Temps publie des chroniques et des tribunes – ces dernières sont proposées à des personnalités ou sollicitées par elles. Qu’elles soient écrites par des membres de sa rédaction s’exprimant en leur
nom propre ou par des personnes extérieures, ces opinions reflètent le point de vue de leurs autrices et auteurs. Elles ne représentent nullement la position du titre.

https://www.letemps.ch/opinions/lonu-meilleure-pire-chose 2/2

Vous aimerez peut-être aussi