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« Le vélo peut et doit redevenir rapidement un transport de masse »

Tribune -Publié le 04 mars 2023, Le Monde


Olivier Schneider, président de la Fédération des usagers de la bicyclette, et Jean-Marc Jancovici, président du think tank The
Shift Project, estiment, dans une tribune au « Monde », que la France, en queue de peloton en matière d’investissement dans
les politiques cyclables à l’échelle de l’Europe, doit en faire davantage pour le vélo.
La sobriété, dont peu de gens avaient entendu parler il y a à peine un an, est encore mal distinguée des
renoncements contraints. Pourtant, elle peut correspondre au choix positif d’une solution plus efficiente.
Ainsi, notre mobilité du quotidien concerne, l’essentiel du temps, le transport d’une personne de 70 kg sur un
trajet de moins de vingt kilomètres. Une fraction majoritaire de cette mobilité est effectuée dans un engin
motorisé d’une tonne ou plus, le plus souvent occupé par une seule personne.
Avec une voiture, électrique ou pas, 90 % de l’énergie sert à déplacer le véhicule, comme le démontre le think
tank The Shift Project dans un rapport de 2017. Avec un vélo, 85 % de l’énergie sert à déplacer le cycliste !
L’explication est simple : un vélo est cent fois plus léger qu’une voiture ! Idem pour sa batterie s’il est électrique.
Sa fabrication est donc également significativement plus sobre en matériaux et en énergie. L’incarnation de la
sobriété dans le déplacement du quotidien porte donc un nom : la petite reine !
Ses avantages ne se limitent pas à cela : pédaler fait faire de l’exercice qui augmente l’espérance de vie en bonne
santé, diminue la pollution locale, demande moins d’espace au sol et ne coûte pas cher. Ce n’est ni l’effort –
surtout depuis l’arrivée des vélos électriques – ni le climat qui dissuadent le plus le déplacement à vélo, mais la
cohabitation avec les voitures, là où il n’y a pas de pistes cyclables.
La même étude de The Shift Project montre que, même en dehors des zones très peuplées, notamment dans le
périurbain, les trois quarts des trajets du quotidien seraient réalisables à vélo, si seulement des infrastructures
adaptées existaient.
L’automobile individuelle devenue la norme
En à peine quelques décennies, le vélo est passé d’un mode de déplacement très populaire à quasiment marginal,
l’automobile individuelle étant devenue la norme, même pour un trajet court, réalisé seul.
Ce basculement est le résultat de choix politiques du passé, matérialisés par des investissements massifs en
faveur de la voiture. Cela nous porte aujourd’hui collectivement préjudice. Emissions de gaz à effet de serre
galopantes, tensions sur les matières premières, sédentarité aux conséquences alarmantes : il est grand temps de
sonner la mobilisation collective afin de créer un véritable choc d’offre, en quantité comme en qualité, pour
replacer le vélo au centre du jeu.
Sur les trois dernières années, l’usage du vélo a augmenté de plus de 30 %. C’est encourageant, mais c’est
encore loin du changement de braquet nécessaire.
Des villes européennes comme Copenhague, au Danemark (pourtant assez pluvieux), Amsterdam, aux Pays-Bas
(idem), ou encore Ferrare, en Italie, démontrent que ce n’est pas une utopie : le vélo y est redevenu un transport
de masse, à la faveur de politiques publiques volontaristes (vouloir). Aux Pays-Bas, près d’un trajet sur trois est
réalisé à vélo, tandis que la voiture n’est utilisée que là où elle est véritablement indispensable. En France, c’est
actuellement dix fois moins, alors que l’appétence à pédaler est bien là.
Des pistes cyclables confortables
Quelle est la recette, là où cela fonctionne ? Le vélo a simplement été pris au sérieux, avec des pistes cyclables
confortables, constituant un véritable réseau, continu et lisible, permettant à toute personne, quels que soient son
âge et son état de santé, de circuler en sécurité. Que l’on habite un pavillon à quinze kilomètres de son travail ou
en cœur de ville, prendre son vélo, seul ou combiné aux transports collectifs, est ainsi crédible et devient donc un
réflexe plaisant qui améliore concrètement le quotidien.
Le décrochage de la France, classée 21e pays européen en matière d’investissement de l’Etat dans les politiques
cyclables, est le reflet d’un désinvestissement total dans l’infrastructure cyclable. Quand des pays comme
l’Allemagne ou les Pays-Bas ont investi massivement depuis cinquante ans pour se doter d’un véritable maillage
de pistes cyclables, seules quelques collectivités locales avant-gardistes ont tenté de faire de même en France.
Investir massivement dans les infrastructures cyclables n’est un coût qu’en apparence. Rempart contre la
sédentarité, le vélo permet des bénéfices immédiats de santé publique, générant des économies pour la Sécurité
sociale.
Il y a un bénéfice en matière d’emplois, ensuite. La filière économique du vélo est l’un des moteurs
potentiellement les plus puissants de la transformation de l’économie française. Les nouveaux usages de la petite
reine, le boom du vélo à assistance électrique et le développement d’itinéraires vélotouristiques réinventent une
économie de proximité, bas carbone et vertueuse socialement qui pourrait employer des centaines de milliers de
gens (Plan de transformation de l’économie française, Odile Jacob, 2022).
2,5 milliards d’euros sur cinq ans
Le BTP en bénéficierait aussi : doubler le réseau de pistes cyclables d’ici à 2027 permettrait de remplir
largement le carnet de commandes des aménageurs tout en facilitant la vie de millions de Françaises et de
Français !
Le travail sur ces réseaux vélo repose d’abord sur les épaules des collectivités locales. Recruter et former des
agents, consulter et informer la population, identifier et hiérarchiser les besoins, élaborer des schémas vélo
pertinents, superviser les chantiers et assurer la maintenance des pistes cyclables : nombreuses sont les actions à
réaliser et à financer.
L’implication impérieuse des échelons administratifs locaux ne dispense toutefois pas l’Etat de jouer un rôle
actif. Au contraire, changer d’échelle implique de réorienter radicalement les investissements publics :
l’Allemagne, l’Italie et le Royaume-Uni ont ainsi acté des plans vélo mobilisant des milliards d’euros
d’investissement dans la création de réseaux cyclables.
L’heure des choix est arrivée pour le gouvernement. Refaire du vélo un transport de masse, populaire et bas
carbone est possible, mais demande au moins 2,5 milliards d’euros sur cinq ans. La France a tout à gagner à
rapidement redevenir une véritable nation du vélo. Lançons-nous sans attendre !
Olivier Schneider(Président de la Fédération des usagers de la bicyclette) et Jean-Marc Jancovici(Président de The Shift Project)

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4) Expliquez le temps en rose : pourquoi ?
5) En gris : Etes-vous choqué quand on pense quand on est le pays du tour de France ?

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