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L’ECLAIRAGE NATUREL DANS L’ARCHITECTURE DE LA

PERIODE OTTOMANE EN ALGERIE.

BELAKEHAL Azeddine*, BENSALEM Farid** et TABET AOUL Kheira**

* Laboratoire de Conception et de Modélisation des Formes et des Ambiances Urbaines


et Architecturales (LACOMOFA), Département d’architecture, Université KHIDER
Mohamed Biskra, BP 145 RP, 07000 Biskra, Algérie
Email : belakehal@gmail.com

**Département d’architecture, USTO Oran

Résumé:

L’ensemble des historiens de l’architecture dans les pays islamiques rapporte la notoire

contribution de l’architecture turque ottomane en matière d’éclairage naturel et sa nette

distinction vis-à-vis de l’architecture byzantine dont elle s’est initialement ressourcée.

Cette étude tente de cerner cet apport de l’architecture ottomane en examinant les divers

dispositifs destinés à l’éclairage naturel utilisés dans divers bâtiments datant de la période

ottomane en Algérie. Une lecture conformationnelle est menée sur un corpus constitué

essentiellement de mosquées et d’habitations situées à travers le territoire algérien.

Pour cet examen, il a été question de recourir à des indicateurs typologiques (éclairage

latéral et / ou zénithal), topologiques (définition centrale, périphérique, focalisée…) et

morphologiques (divers rapports entre surfaces des baies et surfaces des parois).

Ainsi, il a été possible de constituer un répertoire de dispositifs architecturaux mettant en

exergue la valorisation de l’éclairage naturel dans l’architecture de la période ottomane

en Algérie. De même, un modèle a été proposé pour définir les relations intrinsèques

régissant ces dispositifs entre eux ainsi que leurs rapports avec les facteurs extrinsèques.
1. INTRODUCTION

Etendu jusqu’en Algérie à partir du début du XVIème siècle, l’empire ottoman, grâce à son

emprise totale sur le territoire, l’espace et la société, a laissé plus d’une empreinte.

L’architecture, celle à laquelle s’intéresse cette recherche, illustre plus que toute autre

empreinte la survie de cet héritage qui fait encore de nos jours la gloire des ottomans en

Algérie. Outre les cités réorganisées et en dehors des forteresses et les édifications

militaires réalisées au cours de la période ottomane en Algérie, un aspect architectural

moins grandiose, moins monumental mais non moins important mérite d’être exploré. Il

s’agit d’une dimension sensible de l’architecture, en l’occurrence l’éclairage naturel, et

où celle ottomane a excellé tel qu’en témoigne les historiens de l’art et de l’architecture.

Les dispositifs architecturaux mis en œuvre pour manifester cette dimension sont

examinés au sein du legs hérité de l’empire ottoman par l’Algérie. Une lecture

conformationnelle est menée sur un corpus constitué essentiellement d’édifices religieux

et de constructions résidentielles à travers le territoire algérien. Fondée sur des

caractérisations typologiques, topologiques et morphologiques, cette recherche stipule

l’existence de dispositifs et de modèles structurels régissant la syntaxe entre ces

dispositifs simultanément fidèles à ceux ottomans originels et subissant les influences du

contexte local.

2. L’ECLAIRAGE NATUREL : SPECIFICITE DE L’ARCHITECTURE

OTTOMANE

Tout en se référant à l’architecture byzantine, les architectes ottomans ont pu

majestueusement s’en démarquer. Reprenant les figures géométriques utilisées dans les

édifices byzantins, parfois même leurs proportions, ils innovèrent cependant en matière
de technique constructive mais également sur le plan de l’éclairage naturel (Stierlin,

1979 ; Vogt-Göknil, 1965). Pour ce dernier, l’architecte ottoman Sinan exemplifia une

manière de capter, d’acheminer et de diffuser la lumière naturelle à l’intérieur de ses

édifices suffisamment expressive d’une foi islamique nouvelle et distincte de celle

chrétienne.

Il opta pour un espace uniformément éclairé au lieu de celui où une lumière mystique se

propage du haut de l’édifice vers ses lieux les plus bas au sol. Ainsi, sur les diverses

surfaces composant le volume intérieur de l’édifice, plus de baies et d’ouvertures est

opéré de manière à la rendre plus transparent et plus léger. Cela s’opposé aux bâtiments

byzantins caractérisés par des surfaces relativement peu percées engendrant l’aspect de

‘grotte creusée dans la masse’ (Stierlin, 1979, p.220).

3. L’ECLAIRAGE NATUREL DANS L’ARCHITECTURE DE LA PERIODE

OTTOMANE EN ALGERIE

L’émotion suscitée par la lumière naturelle et les dispositifs qui lui sont destinés dans

l’architecture ottomane n’est pas restreinte, à proprement parler, aux édifices construits

sur le sol d’Anatolie. Ce savoir- faire semble se propager sur l’ensemble du territoire de

l’empire ottoman. Le texte d’un voyageur chroniqueur maghrébin décrivant une mosquée

algérienne témoigne de l’excellence aboutie quant à la mise en œuvre de l’éclairage

naturel dans cet édifice.

En effet, la description de la mosquée Ketchaoua à Alger par le voyageur marocain Al-

Ziani en 1796 désigne clairement l’immense coupole surélevée, les différentes

coupolettes qui l’entourent ainsi que les baies ajourées percées dans les murs (Belhamissi,
1981). A toute lumière transmise par chacun de ces dispositifs, le voyageur donne une

qualification particulière qui traduit, hiérarchiquement et subtilement, les effets lumineux

à l’intérieur de l’édifice.

Révélant une particularité architecturale, souvent non mise en relief, cette description et

les éléments qui en sont tirés attirent non seulement l’attention sur l’éclairage naturel

dans l’architecture ottomane en Algérie mais incite à l’investir convenablement et d’en

constituer éventuellement une référence pour la conception de l’éclairage naturel dans le

projet architectural contemporain en Algérie.

3.1. Le Corpus d’Etude

Pour mener à bien cette étude, la sélection d’édifices a du prendre en compte l’étendue

géographique de la domination ottomane sur le territoire algérien. Ainsi, les édifices

choisis se répartissent sur l’ensemble du territoire algérien où il y a eu édification de

bâtiments reconnus comme datant de l’époque ottomane. Cette reconnaissance ne

pouvant être affirmée que par les historiens de l’art et de l’architecture, le choix des

édifices ne pourrait donc être fait en dehors de ceux cités dans la bibliographie relative à

l’architecture ottomane en Algérie.

Les édifices sélectionnés sont finalement situés dans cinq villes algériennes : i) Annaba et

Constantine à l’est, ii) Alger au centre, et iii) Oran, Mostaganem et Tlemcen à l’ouest du

pays. Un ensemble de trente cinq (35) édifices répartis entre quatorze (14) mosquées et

vingt et une (21) habitations constitue le corpus de cette étude. Les données relatives aux

spécimens du corpus ont été collectées à partir des ressources documentaires disponibles.

Ces dernières sont sous forme de texte, graphiques et / ou de vues (photos,


lithographie…). Pour certains spécimens les modifications opérées sur le bâtiment

originel ont poussé à se référer aux informations contenues dans des textes les décrivant

dans leur état avant modifications.

4. METHODOLOGIE

Une analyse à deux niveaux a été appliquée sur les objets du corpus précédemment

défini. Le premier niveau est consacré à l’inventoriage des différents éléments

architecturaux destinés à l’éclairage naturel des diverses constructions constituant le

corpus. Le second niveau de l’analyse est une lecture conformationnelle allouant la

catégorisation de ces dispositifs et de leurs effets en terme d’environnement lumineux

ainsi que leur insertion dans un modèle structurel définissant leur syntaxe.

4.1. Inventorier les Dispositifs d’ Eclairage Naturel

L’inventoriage des dispositifs d’éclairage naturel est accompli au moye n de

l’identification et la catégorisation des éléments contribuant à l’éclairage naturel.

Concernant ce dernier aspect, et parmi les éléments de la conformation qui influent sur la

régulation de la quantité de lumière naturelle pénétrante, ce sont les caractéristiques des

divers percements et de leurs accessoires qui se distinguent de manière notoire

(Belakehal, 2007). En somme, les proportions relatives et les positions des percements

dans la paroi du volume de l’édifice étudié constituent les paramètres retenus pour cette

étude.

4.2. Lecture Conformationnelle

La littérature consacrée à la thématique du langage architectural dévoile certains

indicateurs très applicables à une étude conformationnelle dédiée à l’éclairage naturel.


Les indicateurs proposés par C. Norberg-Schulz (1997) et retenus pour la présente

recherche relèvent globalement de la typologie, la topologie et la morphologie.

Le type est, selon le même auteur, une unité figurative qui possède un nom qui le défini et

qui renvoi toujours à la même identité formelle quelque soit la langue dans laquelle il est

énoncé. Cette identification en tant que forme est la condition essentielle de la

reconnaissance d’une figure en tant que type. Ainsi, deux types d’éclairage naturel sont

identifiés selon que l’ouverture, source de lumière naturelle, est située sur les parois

verticales (murs) ou celle horizontale (toiture) de l’enveloppe. On reconnaît et on nomme

communément le premier par éclairage latéral et le second par éclairage zénithal quelque

soit les caractéristiques formelles des ouvertures.

La topologie, quant à elle, est liée entre autres à l’organisation spatiale qu’elle permet

d’analyser qualitativement en termes d’ordre spatial (composition d’éléments ou de zones

spatiales). Pour le cas de cette recherche, la lumière peut indiquer au sein d’une

conformation architecturale des caractéristiques topologiques géométriques (des

polarisations géométriques tel que le centre, l’axe et la périphérie…etc.). Elle peut aussi

spécifier certains lieux ou zones précises de la conformation en respect de leurs

particularités (polarisations non-géométriques : symboliques, fonctionnelles ou autres).

Enfin, la morphologie indique la manière dont sont reliés les éléments entre eux et par

rapport à la totalité de la forme bâtie (leur syntaxe). Les ouvertures assurant la pénétration

et la propagation de la lumière à l’intérieur d’une conformation architecturale

caractérisent sa morphologie à un premier niveau hiérarchique. Viennent ensuite les

dimensions (surface, largeur et hauteur), la forme et le dispositif de protection des


ouvertures, leurs positions l’une vis-à-vis de l’autre. Il s’agira en finalité d’élaborer un

modèle formel (structurel) qui définira les propriétés intrinsèques régissant les divers

percements localisés sur les parois de la conformation étudiée. L’analyse morphologique

est méthodologiquement fondée sur les travaux du laboratoire d’analyse des formes

(LAF) à l’école d’architecture de Lyon (Duprat, 1999 ; Duprat et al, 1995).

5. DISPOSITIFS ARCHITECTURAUX D’ECLAIRAGE NATUREL

Les dispositifs architecturaux pour l’éclairage naturel ont été inventoriés en respect du

genre de l’édifice : i) résidentiel ou ii) religieux. Cette spécification introduit une

caractérisation d’homologie nécessaire pour l’analyse morphologique appliquée au

niveau de la lecture conformationnelle.

5.1. Architecture Résidentielle

Hormis la littérature portant, de près ou de loin, sur l’architecture résidentielle (Ravéreau,

1989 ; Marçais, 1962 ; Burckhardt, 1985), les documents graphiques et photographiques

de maisons, demeures et palais ont été les principales ressources pour établir un

inventaire des dispositifs d’éclairage naturel. La non disponibilité de documentation

relative à l’habitat de la période ottomane dans les villes d’Annaba, d’Oran et de

Mostaganem a été suppléée par des visites sur terrain dans les vieilles cités et

l’élaboration de relevés très schématiques mais révélant les différents dispositifs

d’éclairage naturel qui sont employés dans les habitations de ces cités.

En somme, quatorze constructions résidentielles à Alger, quatre à Constantine, une à

Annaba, une autre à Mostaganem et une dernière à Oran ont formé le corpus de

l’architecture résidentielle pour cette recherche (Tableau 1).


Ressources disponibles Sources
Texte Graphiques Vues
1 Palais des Deys à la Casbah, X X X Golvin (1988) ; Ravéreau
Alger (1989)
2 Dar Aziza, Alger X X X Golvin (1988) ; Ravéreau
(1989) ; Visite personnelle
3 Dar Mustapha Pacha, Alger X X X Golvin (1988) ; Koumas et
Nafa (2003)
4 Dar Bakri, Alger X X X Golvin (1988) ; Ravéreau
(1989) ; Visite personnelle
5 Dar Hassan Pacha (palais X X X Golvin (1988)
d’hiver), Alger
6 Dar El-Hamra, Alger X X X Golvin (1988) ; Ravéreau
(1989) ; Koumas et Nafa
E (2003)
7 Dar Es-Souf, Alger X Koumas et Nafa (2003)
D 8 Pavillon des officiers, Alger X X X Golvin (1988)
I 9 Le Bardo, Alger X X X Golvin (1988) ; Ravéreau
(1989) ; Visite personnelle
F 10 Villa d’été de Hussein Dey, Alger X X Golvin (1988)
I 11 Palais d’été (actuel Palais du X X X Golvin (1988)
Peuple), Alger
C 12 Palais d’été de Mustapha Pacha, X X Golvin (1988) ; Ravéreau
E Alger (1989)
13 Jnan Rais Hamidou, Alger X X Golvin (1988) ; Ravéreau
S (1989)
14 Villa dite Qsub el-Hind, Alger X X Golvin (1988)
15 Maison Anonyme, Constantine X X X Noweir (1987)
16 Maison ben Tchikou, Constantine X X X Bendakir (2004)
17 Maison Ben Charif, Constantine X X X Bendakir (2004)
18 Palais de Ahmed Bey, X X X Bendakir (2004) ;
Constantine Bourouiba (1978) ; M.T.E.
(1988)
19 Maison anonyme, Annaba X Visite personnelle
20 Maison du Caid, Mostaganem X Visite personnelle
21 Palais du Bey, Oran X X Visite personnelle

Tableau 1 : Corpus de l’architecture résidentielle : spécimens, types de ressources documentaires et


sources bibliographiques. (Source : Auteurs).

L’observation des divers documents collectés pour chacune de ces bâtisses a permis

d’identifier quinze dispositifs assurant l’éclairage naturel des divers espaces intérieurs : 1)

cour (ou patio) à ciel ouvert entouré de galeries, 2) cour (ou patio) couvert par une grande

coupole et entouré de galeries, 3) double colonnade pour la galerie limitrophe à un espace

particulier (salle de réception ou Diwan), 4) puit de lumière pour cuisine, 5) puit de

lumière pour driba (grande skifa), 6) porte d’entrée des pièces flanquée de deux fenêtres,

7) claustra de plâtre (souvent au nombre de trois) au dessus de la porte d’entrée des

pièces, 8) claustra en plâtre (souvent au nombre de un) au dessus des fenêtres de part et

d’autre de la porte d’entrée des pièces, 9) petite fenêtre donnant sur l’extérieur éclairant
l’alcôve, 10) petite fenêtre donnant sur l’extérieur éclairant l’escalier, 11) fenêtres de

formes carrée, 12) fenêtres de forme autre que carrée(arc en accolades, en anse de

panier…), 13) petite fenêtre sans claustra au dessus des fenêtres des pièces des terrasses,

14) ouvertures pratiquées dans l’arc même, 15) petite coupole percée d’ouvertures, et 16)

moucharabieh.

Les dispositifs les plus prépondérants, tels que révélés par l’analyse statistique

descriptive, sont (Figure 1) : i) la cour (ou patio) à ciel ouvert et entouré de galeries (95%

des cas étudiés), ii) porte d’entrée des pièces flanquée de deux fenêtres (71%), iii) double

colonnade pour galerie limitrophe à un espace particulier tel que salle de réception ou

Diwan dans un palais (57%), iv) claustra de plâtre au dessus de la porte d’entrée des

pièces (43%), et v) claustra en plâtre au dessus des fenêtres de part et d’autre de la porte

d’entrée des pièces (43%).

Figure 1 : Vues intérieures d’une maison de la casbah d’Alger montrant le patio, la galerie en double
colonnade de la salle de réception, à gauche, et la porte flanquée de deux fenêtres avec des claustras
au-dessus, à droite (Source : Ravéreau, 1989).

5.2. Architecture Religieuse

Les ressources bibliographiques et les visites personnelles sur lieux ont essentiellement

permis de procéder à la collecte d’informations nécessaires à l’inventoriage des

dispositifs architecturaux d’éclairage naturel dans les mosquées datant de l’époque


ottomane en Algérie. Un nombre de sept (07) mosquées à Alger, trois (03) à Constantine,

une (01) à Annaba, deux (02) à Oran et une (01) à Tlemcen forment le corpus des

l’architecture religieuse examiné dans le cadre de cette recherche (Tableau 2). En raison

des modifications connues par certaines mosquées durant la période coloniale, il a été

trouvé plus judicieux de se référer à leur état initial et dont la véracité est confirmée soit

par des documents anciens précis (La mosquée Ketchaoua à Alger par exemple) ou bien

par des plans hypothétiques établis par des spécialistes (le cas de la mosquée Souk El-

Ghezel à Constantine).

Ressources disponibles Sources


Texte Graphiques Vues
1 Ketchaoua, Alger X X X Koumas et Nafa (2003) ; Golvin
(1988) ; OREF-GAM (1984) ;
Belhamissi (1981) ; Dokali (1974) ;
MIC (1974).
2 Sidi Abderahmane, X X X Koumas et Nafa (2003) ; Dokali
Alger (1974) ; MIC (1974).
3 La pêcherie, Alger X X X Koumas et Nafa (2003) ; Dokali
(1974) ; MIC (1974).
4 Ali Betchin, Alger X X X Ravéreau (1989) ; Dokali (1974) ;
M IC (1974).
5 Safir, Alger X X X Dokali (1974) ; MIC (1974).
E 6 Extérieure de la X X X Dokali (1974) ; MIC (1974).
Casbah, Alger
D 7 Intérieure de la X X X Dokali (1974) ; MIC (1974).
I 8
Casbah, Alger
El-Kettany, X X X Bourouiba (1986) ; Bourouiba
F Constantine (1978) ; MIC (1974) ; Bendakir
(2004) ; visite personnelle.
I 9 Sidi Lakhdar, X X X Bourouiba (1986) ; Bourouiba
C Constantine (1978) ; MIC (1974) ; visite
personnelle.
E 10 Souk El-Ghezel, X X X Bourouiba (1986) ; Bourouiba
S Constantine (1978) ; MIC (1974) ; Bendakir
(2004) ; visite personnelle. .
11 Salah Bey, Annaba X X X Bourouiba (1986) ; visite personnelle
12 Pacha, Oran X X X Bourouiba (1986) ; visite personnelle

13 Bey Mohamed El- X X X Bourouiba (1986) ; visite personnelle.


Kebir, Oran
14 Sidi Brahim, Tlemcen X X X Koumas et Nafa (2003)

Tableau 2 : Corpus de l’architecture religieuse : spécimens, types de ressources documentaires et


sources bibliographiques. (Source : Auteurs).
Les dispositifs d’éclairage naturel relevés pour les mosquées du corpus de l’étude sont: 1)

cour (sur laquelle s’ouvre la salle de prière), 2) jardin, 3) coupole, 4) coupolette, 5)

double de fenêtres (haute et basse), 6) rangée basse de fenêtres, 7) rangée haute de


fenêtres, 8) tympan, et 9) pignon voûté. Parmi ceux- là, la coupole représente un dispositif

des plus omniprésents (64 % des cas) en plus des fenêtres surélevées (71%) (Figures 2, 3,

4 et 5). Celles-ci sont situées dans la moitié des spécimens du corpus au-dessus du

mihrab. Par ailleurs, la présence de la cour et de la double rangée de fenêtres demeure

quand même bien assez remarquable (respectivement 36% et 29% des cas étudiés).

Figure 2 : Coupe montrant la coupole de la mosquée Figure 3 : Vue de la cour de la mosquée du


Ketchaoua à Alger dans son état originel Pacha à Oran (Source : Auteurs).
(Source : Koumas et Nafa, 2003).

Figure 4 : Vue extérieure de la mosquée Sidi Lakhdar à Figure 5 : Vue intérieure de la mosquée du
Constantine montrant les fenêtres surélevées au-dessus du Pacha à Oran montrant les fenêtres
Mihrab, à droite, et la double rangée de fenêtres à gauche surélevées au-dessus du Mihrab
(Source : Auteurs). (Source : Auteurs).
6. LECTURE CONFORMATIONNELLE

Les résultats de la lecture conformationnelle sont présentés dans ce qui suit pour chacun

des deux genres d’architecture, religieuse et résidentielle, et selon les caractéristiques

typologiques, topologiques et morphologiques.

6.1. Architecture Résidentielle

6.1.1. Typologie

Simples maisons, demeures, villas ou palais puisent toutes la lumière naturelle depuis le

patio (pour celles situées dans la cité) et aussi de l’extérieur (pour celles en campagne) au

moyen d’ouvertures percées dans les parois verticales (murs). Les dispositifs d’éclairage

naturel dans l’architecture résidentielle de l’époque ottomane sont donc essentiellement

du type latéral. Cela n’empêche que certains dispositifs du type zénithal sont employés

pour éclairer certains lieux. C’est le cas par exemple de la coupole pour le hammam privé

et le puit de lumière pour la driba (Figure 6).

Figure 6: Coupe montrant


l’éclairage zénithal de la Driba dans
une maison de la Casbah d’Alger
(Source : Koumas et Nafa, 2003).

6.1.2. Topologie

La cour à ciel ouvert introduit la centralité géométrique lumineuse comme caractéristique

topologique au sein des résidences algériennes de l’époque ottomane. A partir du patio,

source de lumière naturelle située au centre de la maison, et en allant vers l’intérieur des

pièces périphériques après avoir traversé les galeries, l’environnement lumineux accuse
un dégradé visuellement perceptible. Cet environnement se compose de séries d’anneaux

radioconcentriques aux intensités décroissantes (Figure 7).

Egalement, la porte flanquée de deux ouvertures sur les côtés avec des claustras au-

dessus implique une axialité transversale dans les pièces périphériques donnant sur le

patio. A partir de l’axe formé par la porte d’entrée et le fond de la pièce matérialisé par le

mur défoncé (K’bou ou Bahù), il est facile de constater que la lumière s’affaiblit en

quantité dans la direction des parties latérales de la même pièce (Figure 8).

Figure 7 : Schéma représentant la composition en Figure 8 : Représentation schématique de la


plan de l’environnement lumineux dans composition en plan de l’environnement lumineux
l’architecture résidentielle : une série d’anneaux des pièces de l’habitation : une adjacence de zones
radioconcentriques de niveaux d’éclairement de niveaux d’éclairement lumineux décroissants en
lumineux décroissants en allant du patio vers les allant de l’axe, formé par la porte et l’alcôve, vers
pièces périphériques (Source : Auteurs). les côtés (Source : Auteurs).

Par ailleurs, il est à noter que certaines polarisations non- géométriques sont révélées par

des dispositifs comme le puit de lumière pour la driba ou la coupole pour le hammam

(caractérisation fonctionnelle et symbolique).

6.1.3. Morphologie

L'examen des propriétés intrinsèques régissant les dispositifs d'éclairage naturel à travers

tous les objets du corpus de l'architecture résidentielle laisse suggérer l’existence d'un

modèle formel (structurel). Hypothétiquement, le modèle est composé d'un volume


construit évidé en son centre et paré d'ouvertures sur son enveloppe extérieure. Le vide

central est entouré, sur toute sa périphérie, d'un espace couvert mais latéralement ouvert

sur lui (vide central). Ensuite, une série d'espaces clos et couverts s'ouvre sur l'espace

intermédiaire (clos et ouvert) au moyen d'une composition symétrique organisant une

porte et deux fenêtres de part et d'autre.

La validation du modèle formel ainsi que les variations dont seront issus les types et

variantes a été effectuée au moyen de tests statistiques en l'occurrence l'analyse des

correspondances multiples (ACM). Ce test a été appliqué aux dispositifs les plus

prépondérants au niveau de l’architecture résidentielle tel que l’a montré l’analyse

statistique descriptive.

Le nuage issu de cette ACM obtenu par l’utilisation du logiciel Statistica révèle la

centralité du dispositif cour à ciel ouvert et sa distance presque égale avec les autres

dispositifs (Figure 9). Cela explique l’indépendance de la présence de ce dispositif de

celle de tous les autres. Par contre deux dépendances sont fournies par ce graphique : i)

celle entre claustras au-dessus de la porte d’entrée des pièces principales et claustras au-

dessus des fenêtres qui cadrent cette porte, et à un degré moindre i) celle de la porte

flanquée par deux fenêtres et la présence de claustras. D’un autre côté, le nuage montre

que la présence d’une double colonnade est indépendante du fait que la cour soit à ciel

ouvert ou non. Toutefois, sa position, dans le nuage, par rapport à la présence ou non de

la couverture de la cour montre que ce dispositif est beaucoup plus présent lorsque la cour

est découverte que dans le cas contraire.


Interaction entre les dispositifs prépondérants dans
l'architecture résidentielle de l'époque ottomane en Algérie
1,5

Dimension 2; Valeur Propre : ,23206 (23,21 % d'Inertie)


1,0
Dispositif 3:Oui

0,5 Dispositif 8:Oui


7:Oui
Dispositif 6:Non Dispositif 1:Oui
0,0 Dispositif 6:Oui
Dispositif 8:Non
7:Non

-0,5

Dispositif 3:Non
-1,0

-1,5

-2,0 Dispositif 1:Non

-2,5
-2,0 -1,5 -1,0 -0,5 0,0 0,5 1,0 1,5 2,0 2,5

Figure 9 : Graphique montrant les groupes de correspondances entre les dispositifs d’éclairage naturel dans
l’architecture résidentielle de l’époque ottomane en Algérie (Source : Auteurs).

6.2. Architecture Religieuse

6.2.1. Typologie

L’éclairage naturel zénithal obtenu au moyen des coupoles et des coupolettes peut être

considéré comme l’un des grands apports des ottomans à l’architecture religieuse en

Algérie. Cependant, la rangée double de fenêtres (haute et basse) apporte un trait de

distinction à l’architecture ottomane en matière d’éclairage naturel latéral. La

composition de la double rangée offre des variations de taille ou de la disposition des

fenêtres les unes par rapport aux autres. A l’intérieur de la salle de prière, un autre

dispositif rencontré dans la mosquée de Souk El-Ghezel, à Constantine, atteste d’une

différence avec l’architecture religieuse des périodes antérieures. Il s’agit du tympan,

percement dans les parois des nefs des salles hypostyles qui est localisé au-dessus du

sommet des arcs de la mosquée constantinoise alors que ailleurs il est situe entre les arcs

(Belakehal et al, 2004).

6.2.2. Topologie

La grande coupole couvrant le plus souvent le centre de la salle de prière participe à une

focalisation centrée de l’environnement lumineux. Toutefois, cette polarisation est


généralement concurrencée par les coupolettes et la double rangée de fenêtres dans un

objectif d’uniformisation des niveaux d’éclairements lumineux à l’intérieur de la salle de

prière. Dans les salles de prière bénéficiant d’un éclairage latéral uniquement, c’est le

mur du Mihrab qui est toujours garni de fenêtres. Une définition lumineuse périphérique

est donc prononcée indiquant la direction de la quibla. Il est également facile de

constater l’existence de cette définition lumineuse périphérique dans les moquées à

coupole. Une polarisation non-géométrique a été rencontrée pour le cas d’une mosquée

sans coupole centrale se manifestant par un éclairage zénithal au-dessus du Mihrab, par

exemple la mosquée de Sidi Brahim à Tlemcen, ou mettant de plus en relief nefs et

transept comme dans le cas de la Mosquée de Souk El- Ghezel à Constantine.

6.2.3. Morphologie

Similairement à l’architecture résidentielle, cette étude suppose que les dispositifs

d’éclairage naturel dans la mosquée de la période ottomane en Algérie sont soumis à un

modèle qui fixe leurs interrelations et leurs variations. Un quadrilatère percé la téralement

de fenêtres, surplombé d’une coupole entourée de coupolettes et adjacent à une cour à

ciel ouvert est considéré comme le modèle structurel pour le cas de l’architecture

religieuse. Les résultats d’une ACM appliquée aux données du corpus autorisent à

dégager certaines propriétés intrinsèques régissant les divers dispositifs d’éclairage

naturel dans l’architecture religieuse (Figure 10). Ainsi, coupole, cour et rangée basse de

fenêtres forment ensemble une règle pour ce genre d’architecture. De plus, le nuage

confirme cette règle en montrant que l’absence de la cour correspond à l’absence de la

rangée basse de fenêtres. Egalement, l’existence ou non des coupolettes affecte celles des

rangées hautes ou double de fenêtres. En effet, lorsque les coupolettes éclairent


partiellement, de manière zénithale, la salle de prière, les fenêtres l’éclairent latéralement

en rangée basse uniquement.


Interaction coupole, coupolette et position des fenêtres
1,4

Coupole:Non
1,2
Dimension 2; Valeur Propre : ,23382 (23,38 % d'Inertie)

1,0

0,8 Rangée haute de fenêtres:Non

0,6
Coupolette:Oui
0,4
Double rangée de fenêtres:Non
Rangée basse de fenêtres:Non
0,2 Cour:Non

0,0

-0,2 Coupolette:Non Cour:Oui


Rangée haute de fenêtres:Oui

-0,4
Double rangée de fenêtres:Oui
-0,6 Coupole:Oui
Rangée basse de fenêtres:Oui

-0,8

-1,0
-1,5 -1,0 -0,5 0,0 0,5 1,0 1,5 2,0

Figure 10 : Correspondances entre coupole, coupolettes et position des fenêtres dans


l’architecture religieuse de la période ottomane en Algérie (Source: Auteurs).

7. MODELES, PERMANENCES ET ALTERATIONS

Les modèles élaborés pour les deux genres architecturaux de l’époque ottomane en

Algérie attestent de certains traits permanents de même que certaines variations. Ces

altérations relèvent probablement d’influences exogènes au style ottoman originel d’où la

possibilité de parler de facteurs extrinsèques auxquels sont confrontés les modèles

structurels. La taille des ouvertures localisées dans les parois extérieures des

constructions résidentielles est par exemple bel et bien dépendante du site. Le nuage issu

de l’ACM montre que les ouvertures sont plus grandes lorsque l’habitation est en

campagne alors qu’elles sont petites pour le cas de celles situées dans la cité. Cette

caractéristique est cependant indépendante de la région (Figure 11).


Toutefois, la région influence la présence ou non de la coupole dans les édifices religieux.

Les mosquées situées sur le littoral sont pourvues de coupole tandis que celles se trouvant

dans des villes de l’intérieur en sont dépourvues (Figure 12). Ceci pourra aussi relever

vraisemblablement de l’architecte concepteur de l’édifice ou bien de l’important poids

des traditions stylistiques antérieures à celles ottomanes. A défaut d’informations pouvant

confirmer ces affirmations, il serait plus objectif de les considérer comme de simples

constats à vérifier dans le cadre de recherches plus poussées.

Influence du site sur les dimensions des percements Influence de la région sur la présence de la coupole et de la coupolette
1,5 1,0

Région:hautes plaines
0,8
1,0
Dimension 2; Valeur Propre : ,34259 (25,69 % d'Inertie)

Dimension 2; Valeur Propre : ,34527 (34,53 % d'Inertie)


Coupolette:Non
Cour:Non
0,6
0,5
Région:littoral 0,4
Site:Campagne taille des fenêtres:petites
0,0 Site:Cité
taille des fenêtres:grandes 0,2 Région:Littoral
Coupole:Oui Coupole:Non
0,0
-0,5

-0,2 Région:Hautes plaines


-1,0
-0,4

-1,5
-0,6

-2,0 -0,8
Région:litttoral
-1,0 Cour:Oui
-2,5 Coupolette:Oui
-1,2
-3,0
-2,0 -1,5 -1,0 -0,5 0,0 0,5 1,0 1,5 -1,4
-1,0 -0,5 0,0 0,5 1,0 1,5 2,0

Figure 11 : Graphique montrant la Figure 12 : Le nuage issu de l’ACM confirme


correspondance entre taille des fenêtres d’une l’influence régionale sur l’architecture : la
construction résidentielle et son site et coupole est un dispositif d’éclairage naturel
l’absence de relation avec la région où elle est rencontré essentiellement dans les mosquées du
localisé (Source: Auteurs). littoral (Source: Auteurs).

8. CONCLUSION

L’architecture de la période ottomane en Algérie a fait l’objet d’une étude focalisée sur

les dispositifs d’éclairage naturel qu’elle englobe. Différents édifices religieux et diverses

constructions résidentielles du territoire algérien ont formé le corpus examiné dans le

cadre de cette recherche. Il y a été montré que ces dispositifs ont largement contribué à

l’enrichissement du répertoire architectural algérien. Ceci est aussi le cas des relations

tissées entre eux telles que les modèles structurels élaborés le démontrent. Ces modèles

ont également confirmé que les apports ottomans ont subi les influences du contexte local

et appellent à approfondir la part des uns et des autres.


Enfin, il serait utile d’affirmer que les dispositifs autant que les syntaxes les régissant sont

favorables à une réutilisation contemporaine capable de répondre aux exigences actuelles.

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