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« Messieurs, il nous était dû à tous un bloc un million. Nous avons dépecé notre
clou, les fers, les bois, les cuivres ont donné trois cents mille francs. Nous avons
donc trente pourcents de nos créances. »1
Ces mots de Honoré De Balzac mettant en lumière un sujet très pointu qu'est le
recouvrement des créances par le créancier lorsqu'il est face à son débiteur qui
est soit dans l'incapacité de payer ou de mauvaise foi.
L'institution de la sûreté en général tend à assurer la sécurité des droits du
titulaire d'une créance. Le créancier, en effet, est doublement menacé. Il est
menacé, d'une part, par le fait de son débiteur, dont il subit l'éventuelle
inexécution des obligations. Il est menacé, d'autre part, par les autres créanciers
de ce même débiteur, puisqu'il s'affronte avec eux sur les actifs de ce dernier.
Ainsi, un débiteur peut être tenu envers plusieurs créanciers qui réclament le
paiement de leurs dettes de manière concomitante. Ce qui engendre la notion de
concours entre créanciers.
Mais qu'entendons-nous par « concours entre créanciers ». En matière de
procédure civile, le « concours entre créanciers » apparaît comme la situation
dans laquelle se trouve plusieurs créanciers qui ont procédés à une saisie portant
sur un bien mobilier ou immobilier appartement à leur débiteur commun (1).
En d'autres termes, on parle de concours entre créanciers lorsque plusieurs
saisissent les biens de leur débiteur commun en vue du recouvrement de leur
dette, au cas où celui-ci est insolvable à l'échéance.
Depuis l'institution des articles 225 et 226 de l'acte uniforme révisé portant droit
des sûretés2 du 15 décembre 2010 qui classifie les créanciers, le principe de
l'égalité entre les créanciers est abrogé.
Pour qu'il y ait concours, il faudrait que la dette soit exigible afin de permettre à
ses créanciers de pouvoir agir et qui plus est certains d'entre eux bénéficie de
super privilège, de privilège et d'aucun n'en bénéficie ils sont simplement des
créanciers ordinaires.
Nonobstant il faut reconnaître que le concours entre les créanciers existe aussi
bien en droit civil, dans le cadre des procédures collectives et d'apurement du
passif, dans le cadre du recouvrement et les voies d'exécution et enfin en droit
des sûretés d'où s'inscrit notre sujet le concours entre les créanciers.
1
César Birotteau, Gallimard, 1975, p.356
2
Articles 225 et 226 de l’AUS
1
C’est dans ce contexte d'insécurité pour les créanciers lorsqu’ils ont un débiteur
commun que nous nous posons la question suivante : Comment s'effectue le
paiement en cas concours entre créanciers ?
Ce sujet présente un double intérêt : un intérêt théorique et pratique.
Un intérêt théorique, car il nous permettra d'analyser les différentes options qui
s'offrent créanciers dans l'obtention du paiement de leur dette en cas
d'insolvabilité du débiteur.
Un intérêt pratique, car il nous permet de savoir comment faire la classification
des créanciers dans le regroupement de leur créance.
Dans l’analyse, nous verrons successivement la procédure d'attribution du prix
sur saisie (l), et l'ordre de distribution du prix sur saisie(ll).
2
I. La procédure de distribution du prix de la réalisation du bien du débiteur
entre créanciers en concours
Les créanciers dans le souci de voir leurs créances payées peuvent étant à la
recherche d’une même finalité convenir sans être forcément égalitaire pour
organiser leurs paiements après réalisation du bien du débiteur.
Une telle possibilité est garantie par l’acte uniforme portant sur les
recouvrements et voies d’exécution en son article 325 alinéa 13 qui dispose que :
<< S’il y a plusieurs créanciers en matière mobilière ou, en matière immobilière,
plusieurs créanciers inscrits ou privilégiés, ceux-ci peuvent s’entendre sur une
répartition consensuelle du prix de la vente.>>
Ce consensualisme en revanche doit être sous la forme écrite. Cet écrit doit être
soit un acte sous forme de seing privé ou d’acte authentique. Mais, il convient de
noter que cette possibilité doit respecter, se conformer aux règles prévues par
l’acte uniforme relatif aux sûretés en ses articles 225 et 226.
Ces articles donnent l’ordre de distribution des prix selon chaque créancier
respectivement en matière mobilière et matière immobilière. Ce principe de base
est consacré par l’article 2244 qui dispose que : << La procédure de distribution
du prix sur saisie est fixée par les règles régissant les voies d’exécution sous
réserve des dispositions qui suivent concernant l’ordre de distribution.>>
Cet article nous laisse entendre que la distribution des prix entre créanciers est
organisée par les règles relatives aux voies d’exécution et le respect de l’ordre
des créanciers dans les articles cités ci-dessus est incontournable dans la
faisabilité dudit partage.
En outre, l’acte conventionnel, une fois passé est transféré à l’auxiliaire de
justice indiquée à l’article précité ; et ce dans un laps de temps déterminé qui est
3
Article 325 de l’AURVE
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Article 224 de l’AUS
3
de 15 jours.
Ce mécanisme fut prévu par le législateur communautaire dans l’intérêt des
créanciers. Il évite à ceux-ci déjà en conflit d’intérêts de recourir à la voix
judiciaire de prime abord.
Cette procédure est énoncée dans l'acte uniforme portant organisation des
procédures simplifiées de recouvrement et voies d'exécution en ses articles 326
et suivants.
En effet selon l'article 3265 : <<Si dans le délai d'un mois qui suit le versement
du prix de la vente par l'adjudicataire, les créanciers n'ont pu parvenir à un
accord unanime, le plus diligent d'entre eux saisi le Président de la juridiction du
lieu de la vente ou le magistrat délégué par lui afin de l'entendre statuer sur la
répartition des prix >>
Suivant cet article cette procédure intervient lorsque dans un délai d'un mois, les
créanciers n'ont pu par accord commun, parvenir à s'entendre sur la répartition
du prix de la vente. Dans ce cas de figure, le plus diligent saisi le Président du
Tribunal du lieu où la vente du bien saisi du débiteur s'est fait ou le magistrat
délégué afin qu'il soit statué sur la répartition.
Dans ce même ordre, l'article 3276 et suivants indiquent quant à eux la marche à
suivre lorsque la juridiction est saisie.
Dans cette hypothèse l'acte de saisine contenant entre autres la date de l'audience
est signifié au saisi et sommation est faite aux créanciers afin que ceux-ci
indiquent la part qu'il leur est dû, leur rang ainsi que toutes les pièces
justificatives et cela, au greffe de la juridiction compétente.
Lorsque dans un délai de 20 jours les créanciers n'ont toujours pas pu produire et
apporter leurs pièces sont justificatives l'expiration du délai emporte de plein
5
Article 326 de l’AURVE
6
Article 327 de l’AURVE
4
droit déchéance contre les créanciers non produisant. Notons également que
l'audience ne peut avoir lieu moins de 40 jours avant la dernière signification.
II- L’ordre de distribution après la réalisation d’un bien entre les créanciers
en concours
Ensuite, la règle énonce les créanciers de salaires super privilégiés qui viennent
en priorité à défaut de créanciers de frais de justice selon l’article 180 alinéa 3
du fait du caractère alimentaire du salaire et de la contribution du travailleur au
maintien et à l’accroissement du patrimoine de l’employeur. Ceci revient à dire
que dans le règlement de la créance, les super privilégiés de salaire seront les
premiers à recouvrer leur créance si les autres créanciers sont autres que ceux de
frais de justice.
Également le code du travail ivoirien en ses articles 33.27 et 33.38 rappelle le
privilège des salaires en spécifiant que les créanciers de salaires, primes,
commissions, prestations diverses et indemnités de toute nature priment sur
toutes les créances privilégiées de l’employeur.
En outre la loi soulève le cas des créanciers titulaires d’une hypothèque
conventionnelle ou forcée et aux créanciers séparatistes inscrits dans le délai
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Article 33.2 du code du travail ivoirien
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Article 33.3 du code du travail ivoirien
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légal, en les privilégiant du fait de leur droit de préférence qui naît de cette
créance comme l’affirme l’article 1979 de l’AUS.
Par contre, Selon l’article 18011 de l’AUS : « Sont privilégiés, sans publicité
et dans l’ordre qui suit : les frais d’inhumation, les frais de la dernière maladie
du débiteur ayant précédé la saisie des biens ; Les fournitures de subsistance
faites au débiteur pendant la dernière année ayant précédé son décès, la saisie
des biens ou la décision judiciaire d’ouverture d’une procédure collective ;
Les sommes dues aux travailleurs et apprentis pour exécution et résiliation de
leur contrat durant la dernière année ayant précédé le décès du débiteur, la saisie
des biens ou la décision judiciaire d’ouverture d’une procédure collective ;
les sommes dues aux auteurs d’œuvres intellectuelles, littéraires et artistiques
pour les trois dernières années ayant précédé le décès du débiteur, la saisie des
biens ou la décision judiciaire d’ouverture d’une procédure collective ; dans la
limite de la somme fixée légalement pour l’exécution provisoire des décisions
judiciaires, les sommes dues aux organismes de sécurité et de prévoyance
sociales ; dans la limite de la somme fixée légalement pour l’exécution
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Article 197 de l’AUS
10
Article 181 de l’AUS
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Article 180 de l’AUS
6
provisoire des décisions judiciaires, les sommes dont le débiteur est redevable au
titre des créances fiscales et douanières. », ces créances ne gardent leur privilège
qu’en cas d’inscription au RCCM dans les six mois suivant leur exigibilité.
Lorsque lesdits créanciers sont en concours avec les chirographaires, ils
recouvrent en premier le montant de leur créance.
Enfin les créanciers chirographaires, ceux sont des créanciers « simples » ils ne
bénéficient d’aucun privilège.
L’article 225 alinéa 6 de l’acte uniforme portant droit des sûretés dispose que :
« Aux créanciers chirographaires munis d'un titre exécutoire lorsqu'ils sont
intervenus par voie de saisie ou d'opposition à la procédure. Ainsi en cas de
concours entre les créanciers disposant d’un titre exécutoire et les autres, les
créances chirographaires disposant du titre exécutoire seront privilégiés dans
réalisation. »
Notons aussi qu'en cas d'insuffisance de deniers pour désintéresser les
créanciers désignés aux 1°), 2°), 5°) et 6°) du présent article venant à rang égal,
ceux-ci concourent à la distribution dans la proportion, au marc le franc.
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De plus, le super privilège des salaires basé sur l’article 180 alinéa 3 est
également reconduit en matière mobilière et demeure prioritaire dans le
concours face aux sûretés restantes.
Aussi, la règle met au même niveau les créanciers garantis par un privilège
général soumis à publicité, un gage ou un nantissement, chacun est rangé en
fonction de la date de son opposabilité aux tiers lorsqu’ils sont en concours.
Particulièrement, au sujet de gage l’article 10713 de l’AUS indique que lorsqu’un
même bien fait l’objet d’une suite de gage sans dépossession, le prioritaire est
celui qui s’est fait inscrit en premier.
Lorsqu’il y’a gage sans dépossession qui est suivi d’un gage avec dépossession,
le créancier gagiste antérieur est prioritaire sur le créancier gagiste avec
dépossession à condition d’avoir régulièrement publié son droit de préférence,
aussi lorsqu’un gage avec dépossession est suivi d’un gage sans dépossession, le
créancier gagiste antérieur est prioritaire tant qu’il n’a pas recouvert l’intégralité
de sa créance.
Quant au nantissement dont le droit de préférence est spécifié par l’article 14414,
les créanciers en concours disposant d’un nantissement sur le bien, seront rangés
en fonction de l’ordre d’inscription de leur nantissement.
Une autre singularité dans la réalisation du meuble, l’intervention des privilèges
spéciaux qui sont essentiellement mobiliers et portent sur un meuble déterminé
de l’actif du débiteur de l’acte du débiteur.
Le régime des créanciers munis de privilège spécial est prévu par l’art 18215 de
l’acte uniforme relatif aux sûretés.
À cet effet il dispose : « les créanciers titulaires des privilèges spéciaux ont sur
les meubles qui leur sont affectés comme assiette par la loi un droit de
préférence qu’ils exercent après saisie ».
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Article 107 de l’AUS
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Article 144 de l’AUS
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Article 182 de l’AUS
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Outre les créanciers munis de privilèges des frais de conservation, les autres
créanciers munis de privilèges spéciaux sont préférés aux créanciers
chirographaires lorsqu’ils sont en concours.
Les privilèges spéciaux ne posent pas de problème de classement puisque
chacun s’exerce sur un bien déterminé. Ils viennent en concours cependant avec
d’autres sûretés.
De même, il peut arriver que certains créanciers soient en concours lorsque leur
privilège spécial s’exerce sur un même bien. Dans ce cas notons que, la
préférence est donnée au premier saisissant.
Et enfin dans le concours entre créanciers garantis de privilèges non soumis à
publicité et créanciers chirographaires, les premiers demeurent prioritaires.