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P U B L I C A T I O N S DE
LA S O R B O N N E
" LITTÉRATURES " -13
JEAN-PIERRE G I U S T O
RIMBAUD
CRÉATEUR
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RIMBAUD CRÉATEUR
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PUBLICATIONS DE LA SORBONNE
Série « Littératures » — 13
Université Paris I V
JEAN-PIERRE GIUSTO
Ancien élève de l'Ecole Normale Supérieure
Docteur ès lettres
Professeur à l' Université de Valenciennes
RIMBAUD
CRÉATEUR
P R E S S E S U N I V E R S I T A I R E S DE FRANCE
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A Lepti-Mineille
ISBN 2 13 036358 x
AVANT-PROPOS
Qu'on nous permette de remercier ici tous ceux qui par leur attention
et leurs critiques ont permis que ce travail soit conduit jusqu'en ses
conclusions : MM. Jacques Robichez, Robert Mauzi, Pierre Brunel,
Mme Suzanne Briet, MM. Louis Forestier et Michel Décaudin, et d'adresser
un salut filial à l'initiateur : Jean-Pierre Richard, comme à tous nos
devanciers en rimbalderies.
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PREMIÈRE PARTIE
qui a même fonction grammaticale dans la phrase, pour peu que tous ces
mots aient même valeur sémantique : chacun des termes de la série se
donnant comme équivalent de l'autre. Soit Soleil et Chair :
Kallipyge la blanche et le petit Eros
Effleureront, couverts de la neige des roses,
Les femmes et les fleurs sous leurs beaux pieds écloses
« fleurs » est associé directement à « femme ».
Puisque nous établissions toutes les équivalences apparues dans
l'œuvre pour tel ou tel mot, la question se posait de savoir si nous ne devions
opérer ce travail que dans les séquences où le mot lui-même apparaît, ou si
nous pouvions également tenir compte d'autres contextes où le mot n'est
pas présent, mais se trouve sous-entendu, ou implicitement concerné.
Prenons en exemple le poème Les Premières Communions. La jeune femme
« au matin de la nuit d'amour » dit à son amant :
Et moi, je suis malade : Oh ! je veux qu'on me couche
Parmi les Morts des eaux nocturnes abreuvés !
dans la suite de son discours elle explique aux « hommes » la triste condition
de la femme :
Hommes ! qui songez peu que la plus amoureuse
Est, sous sa conscience aux ignobles terreurs,
La plus prostituée et la plus douloureuse,
Et que tous nos élans vers vous sont des erreurs !
Cette jeune femme parle à son amant au nom des femmes s'adressant
aux hommes. « Morts des eaux nocturnes abreuvés » en renvoyant à cette
jeune femme renvoie donc simultanément aux « femmes ». Cette image
est autant associée à cette amante qu'à la femme, il n'y a donc aucune
raison, lorsqu'on étudie le mot « femme », de n'en pas tenir compte sous
prétexte que le terme lui-même est absent du contexte. Nous avons appelé
ce type d'associations : association médiate : par la médiation de la jeune
femme, l'image « Morts des eaux nocturnes abreuvés » est associée à la
« femme ». L'association médiate nous permet ainsi d'ajouter aux associa-
tions directes l'ensemble des termes que l'œuvre de Rimbaud nous donne
comme équivalents du mot étudié.
Prenons un autre exemple : dans le poème Soleil et Chair nous lisons :
Le soleil, le foyer de tendresse et de vie,
Verse l'amour brûlant à la terre ravie...
et quelques vers plus bas :
Je regrette les temps...
Où, debout sur la plaine, il (Pan) entendait autour
Répondre à son appel la Nature vivante
« Pan » est associé médiatement à « soleil » : la terre ravie répond à
l'amour que lui verse le soleil, de la même façon que la nature vivante fait
écho au « grand hymne d'amour » de Pan.
Si, par ces associations directes et médiates, nous avons regroupé tout
un ensemble de termes autour de notre mot, nous n'avons pas pour autant
organisé un champ associatif tel qu'il puisse éclairer la dynamique qui
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PARAGRAPHE 1
L e mot « F e m m e » et s o n c h a m p a s s o c i a t i f
d a n s l ' œ u v r e de R i m b a u d
g) « Bottom » (« Illuminations »)
Le mot « femme » n'est pas présent dans ce poème en prose de Rimbaud,
nous pouvons, cependant, repérer certaines associations médiates pour
notre terme.
On peut noter, en effet, une similarité de rapport entre le poète et la
« femme » du second rêve des fragments Les Déserts de l'Amour, et celui
du « je » de l'illumination avec Madame. Dans les deux textes le héros
n'arrive pas à posséder la femme qui s'offre : qu'il se traîne sans vigueur
sur un tapis dans un cas, ou qu'il se tienne « gros ours » au pied du lit à
baldaquin de la dame dans l'autre, après avoir traîné l'aile « en gros
oiseau gris bleu... dans les ombres de la soirée ». Même fuite dans les deux
cas après l'échec : dans la nuit ou la neige, ou sous forme d'âne « clairon-
nant et brandissant son grief ». Même chagrin, qu'il s'exprime par des
larmes ou que le poil de l'ours soit « chenu de chagrin ».
Madame de Bottom présente donc la même série sémantique en asso-
ciation indirecte que la femme du second rêve. La liquidité et l'éclat ne
sont d'ailleurs pas absents du décor qui entoure Madame : il est question de
« cristaux », « d'argent » et d' « aquarium ardent » dans la chambre.
Madame est associée directement à « réalité » dans le poème en prose :
« La réalité étant trop épineuse pour mon grand caractère, — je me
trouvai néanmoins chez Madame. » « Néanmoins » établit le rapport entre
« réalité » et « Madame ». « Madame - réalité » a en association indirecte le
« grand caractère » du poète.
Cette association indirecte parait sémantiquement en contradiction
avec l'ensemble que nous avons repéré face à la femme - eau claire. Tous
les termes disaient, en ce lieu, la douleur, la stagnation, la question déses-
pérée. « Grand caractère » (expression qui peut ici être ironique) nous
renvoie plutôt aux associations indirectes de la femme-nuit où nous
voyons le « jeune homme » signifier orgueilleusement son congé à la femme.
Le système défini dans Bottom nous indique donc que nous ne devons
Pas être dupes des séries que nous avons établies. Elles ne fonctionnent pas
isolément les unes par rapport aux autres. Un jeu d'échange apparaît
de l' une à l'autre — ce que nous indiquait déjà l'association médiate
relevée dans Les Premières Communions où l'on voyait la femme-nuit
mêlée à la liquidité sombre qui s'oppose à la femme - eau claire. Nous
remarquons ici que les associations indirectes de la femme - eau claire peu-
vent rencontrer celles de la femme-nuit. Chaque série a un dynamisme qui
lui est propre, mais il existe également un dynamisme d'une série à l'autre.
Le champ associatif du mot « femme » s'organise donc, à travers
ensemble de l'œuvre de Rimbaud, selon trois grandes séries :
1) La série de la « femme-terre » avec en association indirecte le poète sous
l' image du bohémien à la marche amoureuse et conquérante (1870).
2) La série de la «Femme-Nuit »avec en association indirecte un jeune homme
orgueilleux qui lui signifie son congé (série développée surtout en 1871).
3) La série de la « Femme - Eau claire » avec en association indirecte
Rimbaud et son adoration impuissante. Madame, la mère du poète,
froide et noire, se mêle à cette série (1872).
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FEMME
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PARAGRAPHE 2
L e mot « Soleil » et s o n c h a m p a s s o c i a t i f
d a n s l ' œ u v r e de R i m b a u d
Lorsqu'il est noir c'est qu'il est occupé par la nuit : ainsi dans Les Pre-
mières Communions :
La Nuit vient, noir pirate aux cieux d'or débarquant.
L'or est la couleur propre du ciel, le noir lui vient d'un autre élément
qui se glisse en lui.
Les qualifications du ciel rimbaldien sont les suivantes :
Le Bateau Ivre :
Glaciers, soleils d'argent, flots nacreux, cieux de braise
Moi qui trouais le ciel rougeoyant...
Quand les juillets faisaient crouler à coups de trique
Les cieux ultramarins aux ardents entonnoirs...
Michel et Christine :
Mais moi, Seigneur, voici que mon Esprit vole,
Après les cieux glacés de rouge...
Villes I :
Sur les passerelles de l'abîme et les toits des auberges l'ardeur
du ciel pavoise les mâts.
Cette similitude des associations directes du mot « ciel » et du mot
« soleil » nous permet de placer « ciel » en association médiate avec le
« soleil ». Nous verrons, en établissant le champ associatif du mot « ciel »,
que ce mot fonctionne pour une part de la même façon que le mot « soleil ».
Nous obtenons donc en première série dans notre constellation :
« Soleil - Corps de feu - Poumons ardents - Dieu de feu - Ciel (associa-
tion médiate).
Envisageons, maintenant, le grand système associatif du mot « soleil »
lorsqu'il est en association indirecte avec le mot « terre ».
a) Associations directes
On lit dans Soleil et Chair :
Le soleil, le foyer de tendresse et de vie,
Verse l'amour brûlant à la terre ravie,
Et, quand on est couché sur la vallée, on sent
Que la terre est nubile et déborde de sang...
Le « Soleil » apparaît donc comme « le foyer de tendresse et de vie », il
porte en lui « l'amour » que reçoit avidement la terre.
L'association du mot « amour » avec « Soleil » n'est pas seulement liée
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b) Associations médiales
On relève un grand nombre d'associations médiates pour le mot
« soleil » dans son rapport avec la terre.
Dans Soleil et Chair :
Je regrette les temps où la sève du monde,
L'eau du fleuve, le sang rose des arbres verts
Dans les veines de Pan mettaient un univers!
Où le sol palpitait, vert, sous ses pieds de chèvre;
Où baisant mollement le clair syrinx, sa lèvre
Modulait sous le ciel le grand hymne d'amour ;
Où debout sur la plaine, il entendait autour
Répondre à son appel la Nature vivante...
Pan frappe du pied le sol qui répond de façon vivante à cette secousse,
il chante l'amour à la Nature qui reprend son chant : il se présente donc
comme un équivalent du soleil qui verse l'amour brûlant à la terre ravie.
Au groupe « Soleil/Terre » répond le groupe « Pan/Nature ».
Il faut donc rapprocher également de notre mot, « Satyres » et «Faunes »,
autres figures de Pan dans le même développement :
Je regrette les temps de l'antique jeunesse,
Des satyres lascifs, des faunes animaux,
Dieux qui mordaient d'amour l'écorce des rameaux
El dans les nénufars baisaient la nymphe blonde !
La morsure et le baiser, l'écorce des rameaux et la nymphe corres-
pondent au sol palpitant sous le pied de Pan, à son chant d'amour qui est
baiser (« baisant mollement le clair syrinx ») et à la nature « vivante »
qui répond à son appel.
Soleil et Chair nous donne une dernière association médiate :
Le grand ciel est ouvert ! Les mystères sont morts
Devant Homme, debout, qui croise ses bras forts
Dans l'immense splendeur de la riche nature !
Il chante... et le bois chante, et le fleuve murmure
Un chant plein de bonheur qui monte vers le jour!...
C'esl la rédemplion ! c'est l'amour! c'est l'amour !...
Cet « homme debout » est une autre image de Pan et du soleil : nous
retrouvons, en effet, ce même chant d'amour repris en chœur par la nature.
En dehors du système liant le soleil à la terre, on trouve d'ailleurs dans
Le Forgeron l'homme « fier et fort » en association avec le soleil :
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Image du faune, image solaire, le « fils de Pan » porte sur ses joues les
marques de la vigueur : « lies brunes », et ses crocs luisent comme les dents
blanches éclatantes du faune de Tête de Faune. La notation nouvelle est
celle du double sexe, et l'on apprend ensuite qu'il s'agit, comme dans Ma
Bohème, d'une promenade nocturne : « Promène-toi, la nuit, en mouvant
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a) « Le Dormeur du Val »
En association directe avec l'eau claire — le soleil et l'eau claire ont
a même fonction grammaticale dans la phrase —, le soleil s'oppose au
dormeur du val étendu mort dans l'herbe :
C'est un trou de verdure où chante une rivière
Accrochant follement aux herbes des haillons
D'argent, où le soleil, de la montagne fière,
Luit; c'est un petit val qui mousse de rayons.
Le soleil resplendissant accompagné de l'eau claire ivre de mouvement
s'opeosoppose au soldat mort, définitivement immobile. Cette liaison entre le
soleil et l'eau claire se retrouve dans Mémoire : l'eau claire est associée tout
d abord à « l'ébat des anges », puis le soleil assimilé à « milles anges blancs ».
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b) « Mémoire »
Dans la première strophe du poème le « soleil » est en rapport avec
l'eau claire, dans la suite il l'est avec l'eau sombre.
— Rapport avec l'eau claire :
Le mot « Soleil » est en association indirecte avec « blancheurs des corps
de femme », expression associée directement à « eau claire ».
L'eau claire; comme le sel des larmes d'enfance,
L'assaut au soleil des blancheurs des corps de femmes
Cette relation de l'eau claire au soleil est dynamique : il y a assaut de
la femme et de l'eau claire vers le soleil. Assaut présent encore dans le
poème L'Eternité, il ne s'agit plus là de l'eau claire mais de la mer :
Elle est retrouvée
Quoi ? — L'Eternité.
C'est la mer allée
Avec le soleil.
L'eau claire, signe de vie dans Le Dormeur du Val, comme le soleil,
se trouve donc appelée par celui-ci. J. P. Richard a remarqué le dynamisme
de bas en haut du déluge dans l'œuvre de Rimbaud :
Eaux et tristesses, montez et relevez les déluges
lit-on dans l'illumination Après le Déluge et dans Enfance I il est question
du déluge qui « sourd des prés ». Ce déluge est d'eau claire : « clair déluge »
est-il dit dans cette dernière illumination. Ce rapport de l'eau claire avec
le soleil n'est pas sans rappeler celui de la terre avec l'astre : la terre
frémit en recevant l'amour du soleil. Une nuance cependant : l'eau claire
est animée d'un dynamisme plus puissant, il s'agit d'un véritable jaillis-
sement vers le soleil. On peut noter que le passage de l'élément terre à
l'élément eau est un passage à l'eau claire dans cette poésie : dans Qu'est-ce
pour nous mon cœur...
O malheur ! je me sens frémir, la vieille terre,
Sur moi de plus en plus à vous ! la terre fond.
la terre devient eau à la fin d'un poème de révolte où Rimbaud souhaite
la fin de notre monde misérable. Cette liquéfaction est à rapprocher du
déluge invoqué dans Après le Déluge pour détruire notre civilisation — et il
s'agit d'eau claire.
L'illumination Marine mêle de façon continue la terre et la mer :
Les chars d'argent et de cuivre —
Les proues d'acier et d'argent —
Battent l'écume, —
Soulèvent les souches des ronces...
Cette eau associée sans cesse à la terre est assimilée à des « tourbillons
de lumière ».
Il y a donc un rapport entre la terre et l'eau claire chez Rimbaud. Ces
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22403440/ 2/ 80
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