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BRÈVE HISTOIRE DE LA FORME EN LITTÉRATURE

William Marx

Gallimard | « Les Temps Modernes »

2013/5 n° 676 | pages 35 à 47


ISSN 0040-3075
ISBN 9782070143313
DOI 10.3917/ltm.676.0035
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-les-temps-modernes-2013-5-page-35.htm
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William Marx

BRÈVE HISTOIRE DE LA FORME


EN LITTÉRATURE
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« On ne peut parler de la forme de façon persuasive qu’à tra-
vers d’autres formes. Il n’existe aucun autre langage dont l’ordre
soit supérieur aux formes, qui puisse les expliquer, les rendre fonc-
tionnelles avec autre chose1. » S’il en est ainsi — et pourquoi non ?
Roberto Calasso met le doigt là où ça fait mal, on ressent soi-même
cette infirmité du langage —, il ne reste plus qu’à se taire, ou bien à
parler à côté. N’essayons donc pas de penser la forme en littéra-
ture. On se contentera de la raconter, autrement dit d’en retracer
l’histoire compliquée, voire contradictoire, à travers les différents
discours critiques qui se sont emparés de ce... De ce quoi, juste-
ment ? Concept serait trop dire. Etiquette suffira pour l’instant, car
il ne s’agit souvent que de cela : une étiquette commode commodé-
ment placée sur un impensable ou un indicible.
Ainsi — premier avertissement — ne faudrait-il pas se laisser
abuser par tous ceux qu’on appelle communément « les formalistes
russes ». On désigne sous ce nom un ensemble composite de cri-
tiques nés pour la plupart dans les années 1890 et arrivés à maturité
pendant la Première Guerre mondiale, qui réussirent à s’établir
dans le système universitaire soviétique grâce aux restructurations
postrévolutionnaires, avant de se voir marginalisés par le régime
stalinien2. Dès l’origine, ce mouvement sans unité réelle fut divisé

1. R. Calasso, La Littérature et les dieux (2001), trad. J.-P.  Man-


ganaro, Gallimard, 2002, p. 160.
2. Voir Peter Steiner, «  Russian Formalism  », dans Raman Selden
(dir.), The Cambridge History of Literary Criticism, vol. 8  : From For-

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en deux centres : le Cercle linguistique de Moscou fondé en 1915


(Pëtr Bogatyrëv, Roman Jakobson et Grigory Vinokur), et la
Société pour l’étude du langage poétique (OPOJAZ) avec Boris
Eichenbaum, Victor Chklovski et Iouri Tynianov.
Or, l’histoire du formalisme dans la critique littéraire ne coïn-
cide pas avec celle des formalistes russes. Ces derniers recon-
nurent, dès les années 1920, qu’il avait existé en Europe occiden-
tale un courant formaliste antérieur au mouvement russe, même si
ce formalisme occidental eut peu d’influence en Russie3. Le mou-
vement formaliste russe lui-même n’exerça aucune influence en
Europe occidentale et aux Etats-Unis avant les années 1950, qui
virent la parution en 1955 du livre de Victor Erlich4. Enfin, il n’est
pas anodin que ces fameux formalistes russes n’aient pas à l’ori-
gine revendiqué l’étiquette « formaliste » : s’il est vrai que parfois
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ils s’intéressèrent explicitement aux problèmes de la forme et du
formalisme, notamment autour de la question de la « méthode for-
melle5  », l’étiquette elle-même leur fut accolée après coup, en
1928, dans l’ouvrage de synthèse de Pavel Medvedev, puis dans
celui de Erlich en 1955.

PROBLÈMES FORMELS DU LANGAGE ET DES ARTS

Il y a de fait dans l’histoire de la critique littéraire une tendance


formaliste qui ne se réduit pas à l’école historiquement connue —
avec les réserves susdites — sous le nom de formalisme. Cette
tendance formaliste se situe à la convergence d’un double mouve-
ment : une méfiance envers le langage comme moyen de commu-
nication, et le développement du concept de forme en histoire de
l’art.

malism to Poststructuralism, Cambridge University Press, 1995, p. 11.


3. Voir Pavel Medvedev, La Méthode formelle en littérature (For-
mal’nyi metod v literaturovedenii, 1928), trad. B. Vauthier et R. Comtet,
Presses universitaires du Mirail, 2007, pp. 85-88 et 139-158.
4. V.  Erlich, Russian Formalism  : History, Doctrine, préf. René
Wellek, ’S-Gravenhage, Mouton, 1955 (plusieurs rééditions).
5. Voir, par exemple, Ossip Brik, « T. n. “formal ’nyj metod” », Lef,
nº 1, 1923, pp. 213-215 ; ou Nikola Efimov, « Formalizm v russkom lite-
raturovedenii », Smolenskij gosudarstvennyj universitet : Naucnye izves-
tija, vol. V, 3, Smolensk, 1925. Cités par P. Steiner, op. cit.

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Le premier mouvement se pourrait définir comme la perte du
sentiment de la transparence ou de la transitivité du langage, autre-
ment dit de la croyance selon laquelle celui-ci pourrait faire accéder
au réel directement. Comme Michel Foucault le montre dans Les
Mots et les Choses, la constitution progressive des sciences du lan-
gage au cours du xixe siècle alla de pair avec une opacification de
ce même langage : événement épistémologique, mais aussi psycho-
logique et social, qui ne fut pas sans conséquence sur les concep-
tions critiques et littéraires. Car si le lien entre le langage et la réa-
lité est coupé, si la littérature ne peut plus refléter le réel, et si le réel
n’est pas non plus appelé à refléter la littérature (la transitivité du
langage étant à double sens), alors la critique se trouve ipso facto
exilée de ce qui constituait jusque-là ses terrains de prédilection : le
biographisme, le moralisme, l’érudition, qui tous supposent une
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certaine transitivité du langage ; et il lui faut inventer de nouveaux
objets : la forme, par exemple. Tel est, schématiquement résumé, le
processus d’où sortit la critique formaliste.
Dans cette critique des pouvoirs du langage, il convient de
noter deux étapes philosophiques majeures  : l’Essai sur les don-
nées immédiates de la conscience d’Henri Bergson en 1889, et les
Contributions à une critique du langage de Fritz Mauthner qui,
prenant acte en 1901 des insuffisances radicales de l’outil linguis-
tique pour la connaissance du monde, prônait en retour une
approche mystique du réel  : «  Il serait temps, concluait-il, d’ap-
prendre à se taire à nouveau6. » Comment ne pas songer à la phrase
de Wittgenstein dans le Tractatus logico-philosophicus : « Ce dont
on ne peut pas parler, il faut le taire » ?
Au même moment, dans les arts, se développait la notion de
forme. En 1854, dans son traité Du beau dans la musique (Vom
Musikalisch-Schönen), Eduard Hanslick critiquait le caractère des-
criptif des pièces musicales chez certains compositeurs (Wagner,
Liszt, Berlioz, etc.) et considérait la musique comme un « art auto-
nome ». Une telle conception de la musique comme « forme » sus-
cita d’abord chez Nietzsche les plus vives résistances7, mais le phi-

6. F. Mauthner, Beiträge zu einer Kritik der Sprache, Leipzig,


Meiner, 3e éd. : 1923, vol. I, p. 230 (« Zur Sprache und zur Psychologie »,
1901). Je traduis.
7. F. Nietzsche, La Naissance de la tragédie (1872), éd. G. Colli et
M. Montinari, trad. M. Haar et J.-L. Nancy, Gallimard, 1977, p. 364 (frag-
ments posthumes, 9 [8]) : « Hanslick ne trouve que la forme ».

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losophe n’en finit pas moins par reconnaître à la dimension


esthétique un privilège extra-verbal, et ce dès La Naissance de la
tragédie (1872)8. Il se trouvait alors sous l’influence directe de son
collègue de Bâle, Jacob Burckhardt, lequel développait pour les
arts plastiques une réflexion analogue à celle de Hanslick : ainsi, en
1855 — à la même époque, donc, que le musicologue —, Burck-
hardt s’avouait-il incapable d’exprimer par le langage « la pensée
la plus profonde, l’idée d’une œuvre d’art », car, poursuivait-il, « si
par principe on pouvait rendre cette pensée par des mots, alors l’art
serait superflu et l’œuvre en question aurait pu rester non bâtie, non
sculptée, non peinte9  ». Beaucoup plus tard, en 1929, T.  S.  Eliot
devait formuler un principe semblable : à quelqu’un qui lui deman-
dait ce que signifiait son vers «  Madame, trois léopards blancs
étaient assis sous un genévrier  », il répondit simplement  : «  J’ai
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voulu dire : “Madame, trois léopards blancs étaient assis sous un
genévrier”10. » L’existence de la forme interdit la paraphrase.
Voilà comment dans les arts s’ouvrit de façon négative un
espace indicible que put ensuite recouvrir le concept de forme.
Celui-ci trouva sa formulation positive plus tard, principalement
sous la plume d’Adolf Hildebrand, dans Le Problème de la forme
dans les arts plastiques (Das Problem der Form in der bildenden
Kunst, Strasbourg, 1893), lequel exerça une grande influence sur
les historiens de l’art Wilhelm Worringer et Heinrich Wölfflin : en
1911, Worringer publiait à Munich ses Problèmes formels du
gothique (Formprobleme der Gotik) ; et en 1915, dans ses Prin-
cipes fondamentaux de l’histoire de l’art (Kunstgeschichtliche
Grundbegriffe), Wölfflin entrevoyait la possibilité d’une « histoire

8. A ce sujet, Christian Doumet parle très justement d’une « entre-


prise d’expatriation de la musique hors du pensable » (L’Ile joyeuse : sept
approches de la singularité musicale, Presses universitaires de Vincennes,
1997, p. 123).
9. J. Burckhardt, Der Cicerone  : eine Anleitung zum Genuss der
Kunstwerke Italiens (1855), Leipzig, Seemann, 10e éd., 1909, vol. I, p. vi
(«  Vorrede zur ersten Auflage  »). Cité par Jolanta Bialostocka, «  Intro-
duction au Laocoon  », dans G. E. Lessing, Laocoon, Hermann, 1990,
pp. 22-23.
10. Voir Stephen Spender, « Remembering Eliot », Encounter, nº 24,
avril  1965 [pp. 3-14] ; repris dans T. S. Eliot, Critical Assessments, éd.
G. Clarke, Londres, Christopher Helm, 1990, vol. I, p. 239.

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de l’art sans noms » (Kunstgeschichte ohne Namen11), qui dévelop-
perait une pure histoire des formes indépendamment de celle des
hommes. C’était là déjà une démarche proprement formaliste, dont
Henri Focillon allait s’inspirer en composant sa Vie des formes12.
Elle annonçait, en un décalque presque parfait, la formule d’un
Paul Valéry souhaitant au Collège de France l’avènement d’une
histoire de la littérature qui «  pourrait même se faire sans que le
nom d’un écrivain y fût prononcé13 ». Mais rien moins que vingt-
deux années séparent les deux propositions. C’est dire qu’en ce
domaine la critique des beaux-arts avait plusieurs longueurs
d’avance sur une critique littéraire décidément plus réticente à
accorder un primat aux caractéristiques formelles de son objet : la
part du significatif se laisse sans doute moins facilement oublier
dans le langage que dans la peinture.
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Dans cette généalogie de l’idée de forme en littérature, une
part importante doit être reconnue à la question de l’ornement. En
1871, Nietzsche écrivait : « En tant que forme [la musique] est l’art
le plus proche de l’arabesque14. » Or, c’est précisément autour de
l’arabesque, forme pure, sans signification, qu’on retrouve les pré-
misses du concept. En portant leur attention sur l’ornement dans
les arts décoratifs, les historiens de l’art surent poser, au cœur du
xixe siècle, les bases d’une approche proprement formaliste : dès
1856, dans la série de principes généraux émaillant sa Grammaire
de l’ornement15, Owen Jones affirmait nettement le caractère auto-
nome de l’évolution ornementale à travers le temps, comme un
système largement indépendant des conditions historiques de pro-
duction et obéissant à des règles et à des critères d’ordre essentiel-
lement formel. D’où la possibilité d’élaborer moins une histoire

11. H. Wölfflin, « Pro Domo (1920) : justification de mes Principes


fondamentaux de l’art » (« In eigener Sache »), dans Réflexions sur l’his-
toire de l’art (Gedanken zur Kunstgeschichte) (1941), trad. R. Rochlitz,
Klincksieck, 1982, p. 43.
12. H. Focillon, Vie des formes, Librairie Ernest Leroux, 1934.
13. P.  Valéry, «  L’Enseignement de la poétique au Collège de
France  » (1937), dans Œuvres, éd. J.  Hytier, Gallimard, coll. «  Biblio-
thèque de la Pléiade », 1977, t. I, p. 1439.
14. F. Nietzsche, La Naissance de la tragédie, op. cit., p. 392 (frag-
ment de 1871, 9 [98]).
15. O. Jones, The Grammar of Ornament, Londres, Day and Son,
1856 ; éd. française : Grammaire de l’ornement, Londres, Quaritch, 1865.

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que, proprement, une « grammaire » de l’ornement. Le terme fut


repris d’abondance par la suite, en particulier par Jules Bourgoin
dans sa Grammaire élémentaire de l’ornement16 et Charles Blanc
dans sa Grammaire des arts décoratifs17, avec dans les deux cas
une démarche théorique explicitement inspirée de celle de Jones.
Dans la mesure où l’ornement constitue l’élément plastique le plus
détaché de toute signification et de tout référent, il n’est pas surpre-
nant que par ce biais l’histoire de l’art ait pu assez tôt s’ouvrir au
formalisme. La critique littéraire ne fut pas en reste : Valéry ayant
été dans sa jeunesse un lecteur passionné des ouvrages de Jones,
Blanc et Bourgoin18, il ne faut pas s’étonner s’il utilise justement le
concept d’ornement pour poser, dans son Introduction à la méthode
de Léonard de Vinci (1895), les bases d’une conception formaliste
de la littérature. Il y a dans cette question de l’ornement un chaînon,
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parmi d’autres, expliquant l’apparition de problématiques for-
malistes dans la réflexion littéraire à la charnière des xixe et
xxe siècles, sur le modèle de l’histoire de l’art.
C’est dire qu’on ne doit pas se laisser abuser par l’apparition
tardive du terme de « critique formaliste » dans les années 1950 : il
s’agissait de trouver une désignation commode à une approche
critique qui existait bien antérieurement. Les critiques formalistes
eux-mêmes ne voulurent souvent que le retour à un héritage cri-
tique oublié  : Aristote, les classiques, Coleridge ou Poe, pour ne
citer que ces noms-là.

LA CRITIQUE LITTÉRAIRE FORMALISTE HISTORIQUE

Que désigna donc historiquement en Europe occidentale le


nom de « critique formaliste » ? Il y eut d’abord en 1956 le geste
fort de Paul de Man regroupant sous cette étiquette l’école du New
Criticism anglo-américain (I. A. Richards, William Empson, Allen
Tate, Cleanth Brooks, John Crowe Ransom, William K. Wimsatt,
notamment) et la Nouvelle Critique française en train d’émerger :

16. J. Bourgoin, Grammaire élémentaire de l’ornement, Paris,


Delagrave, 1880.
17. Ch. Blanc, Grammaire des arts décoratifs. Décoration intérieure
de la maison (1882), Paris, Renouard, 1886.
18. Voir Jeannine Jallat, Introduction aux figures valéryennes  :
imaginaire et théorie, Pise, Pacini, 1982, p. 255.

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BRÈVE HISTOIRE DE LA FORME EN LITTÉRATURE 41
le Roland Barthes du Degré zéro de l’écriture (1953), Jean-Pierre
Richard (Littérature et Sensation, 1954 ; Poésie et Profondeur,
1955), Georges Poulet et, plus anciennement, Marcel Raymond et
Albert Béguin19. De Man voulait dresser le bilan désabusé de ce
qu’il nommait « l’impasse de la critique formaliste », l’accusant,
aussi bien en France qu’aux Etats-Unis, de proposer une vision
essentiellement holistique de l’œuvre littéraire, et de la poésie en
particulier, comme un tout cohérent, hermétiquement scellé,
excluant par principe toute possibilité de dysfonctionnement dans
la relation tripartite entre l’auteur, le texte et le monde :

Que ce soit [...] en France ou aux Etats-Unis, la caractéristique


première de la critique contemporaine est cette tendance d’attendre
de la poésie une réconciliation, de voir en elle une démarche qui
permettra de combler l’abîme qui déchire l’Etre20.
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A cette «  orthodoxie formaliste21  » du New Criticism anglo-
saxon et de la Nouvelle Critique française, cherchant à se prémunir
contre tout risque de fêlure en accordant de concert un primat aux
valeurs de cohérence, de Man reprochait un positivisme latent,
qu’à bien des égards attestaient en effet les premiers écrits de
I.  A.  Richards22. De Man posait par là les bases d’une approche
complémentaire, la déconstruction (quoique non encore nommée
comme telle), dont il retrouvait les prémices dans le fameux traité
d’Empson sur les Sept types d’ambiguïté (Seven Types of Ambi-
guity, 1930) et, en particulier, dans l’idée selon laquelle toute
poésie contiendrait en elle-même sa propre contestation.
Or, si de Man décrit assez bien la position de pouvoir universi-
taire dans laquelle se trouvaient alors les New Critics aux Etats-
Unis, il oublie — ou fait semblant d’oublier — que la critique for-

19. P. de Man, « Impasse de la critique formaliste », Critique, 10e année,


vol. XIV, nº 109, juin 1956, pp. 483-500. L’article, traduit par W. Godzich,
fut repris sous le titre « The Dead-End of Formalist Criticism », dans P. de
Man, Blindness and Insight  : Essays in the Rhetoric of Contemporary
Criticism, University of Minnesota Press, 2e éd., 1983, pp. 229-245.
20. P. de Man, « Impasse de la critique formaliste », op. cit., p. 500.
21. Ibid., p. 485.
22. Sur le positivisme du premier Richards, voir Ronald Shusterman,
Critique et Poésie selon I.  A.  Richards  : de la confiance positiviste au
relativisme naissant, Presses universitaires de Bordeaux, 1988.

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maliste avait été elle-même à ses débuts une critique d’insurrection,


révolutionnaire, au propre comme au figuré — songeons seulement
aux formalistes russes, dont le mouvement intellectuel accom-
pagna les premiers assauts du bolchevisme. Là, nul blindage
conceptuel contre les déchirures de l’Etre, nulle armature théorique
destinée à verrouiller la littérature de manière étanche, mais au
contraire le dynamisme nihiliste d’une avant-garde intellectuelle
bien déterminée à contester les autorités critiques de l’époque, à
ébranler les certitudes héritées du xixe siècle, à remettre en ques-
tion l’idéologie romantique qui imprégnait encore généralement
les pratiques critiques. La critique formaliste fut à ses débuts une
critique de rupture et de déchirure, bien éloignée du conformisme
stigmatisé par de Man en 1956.
Les écoles formalistes historiques ne cherchèrent d’abord qu’à
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remettre en question les présupposés de la critique littéraire. Et
c’est bien en ce mouvement que réside la particularité du forma-
lisme  : la forme, c’est ce qui reste quand a été nié tout ce qui
paraissait accessoire ou secondaire dans la littérature — l’auteur, le
message, l’intention, la morale, etc. Ce mouvement négatif est
essentiel : la critique formaliste historique est d’abord une métacri-
tique, née d’une interrogation explicite sur les objets et les fins de
la critique littéraire.
Est-il pour autant possible d’exprimer de façon plus positive
cette forme tellement célébrée ? Sans doute peut-on distinguer
quelques principes autour desquels se retrouveraient les forma-
listes historiques, des principes en rapport, respectivement, avec
les trois termes de la triade auteur-texte-lecteur :
— l’impersonnalité : l’œuvre d’art est absolument distincte de
son auteur ;
— l’autorégulation  : la littérature est conçue comme un sys-
tème au fonctionnement autonome ;
— la littérarité  : il y a une spécificité du texte littéraire, au
niveau de l’acte créateur comme à celui de la réponse du lecteur.
Or, ces principes ne constituent que l’envers d’une critique des
critiques préexistant au formalisme  : l’impersonnalité répond à la
critique biographique d’un Sainte-Beuve, l’autorégulation à la cri-
tique historique et sociologique de Taine, la littérarité à la critique
impressionniste d’un Jules Lemaître. Et l’on pourrait retrouver sépa-
rément les prémices de chacun de ces trois principes chez des cri-
tiques bien antérieurs au mouvement formaliste : le souci de l’imper-

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BRÈVE HISTOIRE DE LA FORME EN LITTÉRATURE 43
sonnalité fit partie des ressorts de l’art classique, Coleridge fut l’un
des premiers à tenter une définition de la littérarité et, sous le mode
d’une « évolution des genres », Brunetière sut énoncer à sa manière
une loi d’autorégulation de la littérature, même s’il ne parvint pas
absolument à en tirer toutes les conséquences dans sa propre pra-
tique. Le formalisme historique se fonda sur la réunion de ces trois
principes, qui peuvent par ailleurs exister de façon séparée.

LES AMBIGUÏTÉS DE LA FORME

Or, trois principes, si clairs fussent-ils, ne font pas un concept


— un concept de forme, il s’entend. La forme en tant que telle est
le point aveugle ou le centre indicible de la critique littéraire for-
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maliste. Qu’on en juge, par exemple, par ces propos du New Critic
Wimsatt écrivant en 1957, en conclusion de son histoire de la cri-
tique littéraire, que «  la “forme”, en fait, embrasse et pénètre le
“message” de façon à constituer une signification [meaning] plus
profonde et plus substantielle que ne le feraient, chacun de son
côté, un message abstrait ou un ornement séparable23  ». Rien là,
semble-t-il, de très orthodoxe  : même les plus puristes parmi les
formalistes interprètent volontiers l’œuvre d’art comme la résul-
tante indissociable d’une forme et d’une matière. Plus embarras-
sante, en revanche, est l’assimilation de l’effet du poème à une
« signification », plus proche du contenu que de la forme. Plus loin,
Wimsatt ajoute que «  la poésie consiste en une vérité de
“cohérence”24 ». Là encore, la notion de « vérité » (truth) a plus à
voir avec le « message » qu’avec la « forme » verbale de l’œuvre.
En somme, tout se passe comme si la nécessité coleridgienne de
sauvegarder l’unité de l’œuvre, en insistant sur la totalité consti-
tuée par la forme et le contenu, venait contrebalancer les effets de
la séparation des concepts imposée par le formalisme le plus
radical et parasiter l’échelle formaliste des valeurs, qui accorde en
théorie le primat à la forme : maintenant, c’est le contenu qui paraît
l’emporter.
Or, cette contradiction est constitutive du concept de forme : il

23. W. K. Wimsatt, C. Brooks, Literary Criticism : A Short History,


New York, Knopf, 1957, p. 748 (je traduis).
24. Ibidem.

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s’y retrouve une ambiguïté historique déjà sensible dans le mot


latin forma. Forma traduit, en effet, trois termes grecs qui ne sont
pas totalement superposables. D’une part, idea ou eidos, c’est-à-
dire proprement l’idée platonicienne ou aristotélicienne, la forme
intelligible qui donne au monde un ordre et dont pour Platon les
réalités qui nous entourent ne procurent qu’une pâle copie. Chez
Aristote, cette forme-là est complémentaire de la matière (hulê) :
il s’agit de la forme entendue grosso modo comme essence.
D’autre part, forma traduit aussi le grec morphê, à savoir la confi-
guration extérieure d’une chose, son apparence, sa figure. C’est
ainsi que forma en est venu à désigner par exemple les figures de
rhétorique (skhêmata). Or, cette forma de l’apparence est à bien
des égards plus proche de la matière (hulê) que de l’intelligibilité
pure (idea).
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La question est la suivante : dans un objet de langage, à quelle
forme a-t-on affaire ? Le malheur est qu’Aristote soit de peu d’uti-
lité pour répondre à la question : dans la Poétique, morphê se rap-
porte toujours à l’apparence extérieure d’un objet matériel ou d’un
être humain, jamais à celle d’un objet de langage ; quant aux termes
eidos ou idea, ils désignent des catégories de mots, des genres ou
des espèces de discours. Il s’agit donc plutôt d’objets intelligibles,
mais est-ce pour autant à cette intelligibilité-là que s’intéressent les
critiques formalistes modernes ? Oui, lorsqu’un Gérard Genette
s’attache à classer les différentes catégories dont relèvent les textes
littéraires : la taxinomie s’attache à la forme intelligible et généra-
lisable. Non, lorsqu’on songe à la boutade de Eliot citée plus haut :
pour lui, la forme c’est ce qui rend chaque texte unique, et non
superposable à aucun autre.
L’histoire moderne de l’idée de forme dans la critique littéraire
reflète également cette ambiguïté du terme forma. Il faudrait faire
ici une place aux poétiques de la Renaissance, et en particulier à
Scaliger qui joua un rôle considérable pour la transmission et l’ac-
climatation de la Poétique d’Aristote dans les littératures modernes.
Mais on se contentera ici de l’utilisation du concept de forme dans
le romantisme allemand et chez ses héritiers, car elle en dit long
sur les malentendus dont nous sommes encore parfois les victimes.
En pleine efflorescence de la Nouvelle Critique, dans leur ouvrage
fondamental L’Absolu littéraire (1978 : la date dit tout), Philippe
Lacoue-Labarthe et Jean-Luc Nancy voulurent trouver dans le
romantisme allemand les prémices du formalisme historique du

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BRÈVE HISTOIRE DE LA FORME EN LITTÉRATURE 45
xxe  siècle. Or, la réalité est sans doute plus complexe. Ainsi,
lorsque Schlegel ou Novalis parlent du langage poétique comme
langage de lui-même (Selbstsprache), c’est-à-dire comme parole
autotélique, ils ne renvoient pas d’abord à l’idée de forme ou de
matérialité du langage, mais au contraire à celle d’intelligibilité
pure. Selon eux, la poésie serait l’expression la plus pure de la
conscience25, et le langage s’identifierait à l’idée pure, tout à l’op-
posé de cette opacité linguistique dont l’évidence se développa
dans la seconde moitié du xixe siècle ; tout à l’opposé également
du concept de forme qui émergea en conséquence. La forme pré-
cieuse que voulurent travailler les Parnassiens ou bien Baudelaire,
c’était la morphê : l’apparence brillante d’un objet de langage, et
c’est surtout cette forme matérielle qui inspira plus tard les écoles
formalistes historiques.
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Walter Benjamin décrit parfaitement cette singularité du
concept de forme dans le romantisme quand il explique que «  la
théorie romantique de l’œuvre d’art est la théorie de sa forme
[Form]26 ». Cette Form, qui n’a rien à voir avec la critique forma-
liste du xxe siècle, se distingue de la Gestalt (la figure) et se rap-
proche beaucoup de l’idée. De même, poser que «  l’Idée de la
poésie est la prose27 », c’est montrer que l’époque romantique était
du côté eidos plutôt que du côté hulê. Or, il se produisit au cours
du xixe siècle un véritable renversement du concept de forme, qui
finit par ne désigner plus l’eidos, mais la hulê — bouleversement
d’où sortirent les critiques littéraires formalistes.
Bien sûr, ces deux côtés communiquent, comme chez Proust le
côté de chez Swann avec celui de Guermantes. Valéry en propose
un cas typique, lui qui oppose systématiquement le son et le sens,
le formel et le significatif, et définit la poésie comme l’évocation
réciproque de l’un par l’autre : c’est la fameuse image du pendule
qui oscille entre l’un et l’autre pôle, avec la résonance harmonique

25. Voir A. W. Schlegel, Leçons sur l’art et la littérature, 23, dans


Ph. Lacoue-Labarthe et J.-L.  Nancy, L’Absolu littéraire. Théorie de la
littérature du romantisme allemand, Le Seuil, 1978, pp. 348-349.
26. W. Benjamin, Le Concept de critique esthétique dans le roman-
tisme allemand (1919), trad. fr. Ph. Lacoue-Labarthe et A.-M.  Lang,
Flammarion, 2002, p. 117.
27. Ibid., p. 150.

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qui s’ensuit28. Or, l’obligation faite au texte poétique de résonner


harmoniquement ne constitue-t-elle pas, sur un autre plan, la forme
même de la poésie ? On peut donc, à partir d’une même définition
formaliste de la poésie, définir deux formes apparemment sans
commune mesure l’une avec l’autre : d’une part, une forme Gestalt
purement verbale et matérielle (le son) ; d’autre part, une forme
essence (Form) de la poésie, à savoir l’harmonie du son et du
sens29. Mais ce passage n’est possible pour Valéry que parce que,
pour lui comme pour tous les héritiers du symbolisme, l’essence
de la poésie et, par extension, de la littérature en général consiste
pour une bonne part dans le primat accordé au matériau verbal.
En poésie, le formel et le significatif intervertissent les positions
qu’ils occupent dans le langage ordinaire : le premier devient pro-
fond et le second superficiel30 ; la morphê l’emporte sur l’eidos. Tel
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est le système paradoxal de la littérature dans un âge formaliste.

Dans ces conditions, faute d’une définition univoque et


transhistorique de la forme, il serait illusoire de vouloir faire du
formalisme une sorte de nec plus ultra de la critique littéraire.
D’abord, parce qu’il y eut du formalisme à toute époque ou
presque : on vient de le voir. Ensuite, parce qu’aucun formalisme
n’est définitif  : l’école néo-aristotélicienne de Chicago (Ronald
Salmon Crane, Wayne C. Booth...) reprocha au New Criticism de
n’être pas assez formaliste et de proposer une théorie simpliste du
rapport du lecteur avec l’œuvre ; il fallait faire intervenir le genre,
l’œuvre complète de l’auteur, etc. L’eidos prit ainsi sa revanche
sur la morphê — la morale étant qu’on trouve toujours plus forma-
liste que soi.
Peut-être la question relève-t-elle moins de l’epistêmê que de
l’idéologie : l’apparition des écoles de critique littéraire formaliste

28. P. Valéry, Œuvres complètes, op. cit., t. I, pp. 1332-1333 (« Poésie


et pensée abstraite », 1937).
29. Valéry attend ainsi des écrivains qu’ils aient le «  sens formel  »,
c’est-à-dire « la notion vive ou vivante en eux de la double — nécessairement
double — (au moins) valeur des éléments de l’art » et celle de la structure
de l’œuvre (Cahiers, éd. J. Robinson-Valéry, Gallimard, coll. « Bibliothèque
de la Pléiade », 1973-1974, t. II, p. 968).
30. Ibid., t. I, p. 359.

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au sens strict du terme, c’est-à-dire revendiquant ou acceptant cette
dénomination, coïncida avec un moment historique particulier où
la définition la plus communément acceptée de la littérature repo-
sait sur un certain primat du matériau verbal. La critique formaliste
eut beau se donner pour l’aboutissement d’une longue quête de
l’essence de la littérature, point d’orgue indépassable du progrès
de la science critique, elle pourrait bien n’être en vérité qu’un
simple produit des vicissitudes de l’histoire, étroitement lié aux
croyances entourant son objet d’étude. Sa validité ou sa pertinence
sont suspendues à une certaine définition de la littérature et si le
crédit accordé à la conception formaliste venait un jour à s’effon-
drer, la critique littéraire du même nom n’aurait plus lieu d’être.
De fait, partie du symbolisme, la période formaliste s’est
étendue jusqu’à la fin du xxe  siècle. Est-elle encore d’actualité ?
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Rien n’est moins sûr, sans que pour autant l’idée de forme en litté-
rature soit condamnée à une obsolescence complète : ici ou là, les
paramètres formels continueront d’être pris en compte de façon
partielle, comme ils le furent toujours de bien des manières. Seule
différence, mais de taille : ils ne seront plus mis au premier plan, ni
considérés comme les plus déterminants. La critique formaliste
aura fait son temps — jusqu’à ce qu’intervienne un nouveau chan-
gement de paradigme31.

William Marx

31. Sur l’invention de la critique formaliste, voir W. Marx, Naissance


de la critique moderne : la littérature selon Eliot et Valéry (1889-1945),
Artois Presses Université, 2002.

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