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Choderlos de Laclos, Les Liaisons dangereuses, 1782.

Pistes pour une analyse linéaire :

Piste de lecture : Nous allons voir comment cette lettre met en évidence une conception
libertine de l’amour.
● 3 mouvements.
o 1ère: de «Hé bien ! petite » à «mais on le rend bien » : deux conceptions de l’amour
opposées
o 2ème: de «Voyez donc » à «le regard plus modeste »: un éloge du libertinage
o 3ème: de «Malgré les louanges » à « être enfant comme vous l’êtes ?» : une critique
ironique de la moralité

Commentaire composé.

Plan proposé.

I. Une vision libre de l’amour


A. Une incitation à l’immoralité
B. … en succombant au libertinage…
C. … et en fuyant la vertu !

II. Une critique ironique de la moralité


A. Une jeune fille naïve
B. Un amour romanesque illusoire
C. Une société hypocrite

Rédaction de l’introduction, de la première partie et de la conclusion. La 2e partie n’est pas


rédigée entièrement. Vous trouverez cependant des éléments d’analyse.

Dans un siècle encore fortement marqué par une morale catholique, l’œuvre de
Choderlos de Laclos apparait résolument moderne. Publiée au XVIII, dans un siècle marqué par
les idées des Lumières, l’œuvre raconte, à travers un échange de correspondances, les
manipulations perverses de la marquise de Merteuil et Valmont, deux libertins qui se jouent de
tous. Ainsi, la Marquise, pour se venger de son amant Gercourt, demande à Valmont de séduire
la jeune Cécile de Volanges qui cède à ses avances. Rongée par le remord la jeune fille s’en
ouvre à la Marquise. L’extrait que nous allons étudier correspond à la réponse que fait Mme de
Merteuil à la jeune fille. Mais quelle conception de l’amour le ton adopté par la marquise dans
cette lettre met-il en évidence ? Nous verrons tout d’abord que la Marquise de Merteuil
propose dans cette lettre une vision libre de l’amour et dans un second temps, nous exposerons
sa critique ironique d’une moralité feinte par la société.
Dès le début de la lettre la marquise de Merteuil feint d’éprouver de la compassion pour
Cécile de Volanges, mais il s’agit bien d’une incitation à l’immoralité auquel se livre la marquise.
L’utilisation de l’interjection dès l’ouverture « Hé bien ! » et les multiples phrases exclamatives
qui suivent montrent une moquerie très marquée vis-à-vis de la pudibonderie de la jeune fille.
La question oratoire « ce Monsieur de Valmont est un méchant homme, n’est-ce pas ? » vient
accentuer l’ironie de la marquise qui, utilisant un langage enfantin fait semblant de partager les
réactions outrées de Cécile de Volanges. Or, la marquise en montrant les plaisirs que l’on peut
trouver dans cette liberté (« vous traiter comme la femme qu’il aimerait le mieux ») présente la
relation hors mariage sous son meilleur jour. Enfin, par l’utilisation des impératifs « Allez »,
« Croyez-moi » ou les formules « En vérité », « A la vérité », « à coup sûr » la marquise tente de
pousser la jeune fille à succomber à l’immoralité.
Aussi la Mme de Merteuil essaie alors de convaincre Cécile du bien-fondé du libertinage.
L’oxymore « de contrariants plaisirs », montre bien l’opposition qui peut exister entre la morale
affichée et les bonheurs de ce que certains nommerait « débauche ». Mais c’est bien le terme
« plaisirs » qui est mis en évidence par la marquise : « vous ne chérissez de l’amour que les
peines, et non les plaisirs ! ». Cette opposition marquée par une double négation montre à
Melle de Volanges qu’il faut profiter du plaisir que peut apporter un amant ! D’ailleurs, Valmont
est présenté sous son meilleur jour : « tous les hommes ne sont pas des Valmont. » et la
marquise ne manque pas de rappeler à la jeune fille qu’elle a beau afficher sa pudeur, elle n’en
est pas moins curieuse des plaisirs sensuels : « Il vous apprend ce que vous mouriez d’envie de
savoir ! ». Ainsi, il s’agit bien d’un plaidoyer pour le libertinage auquel se livre la marquise qui
invite Cécile de Volanges à céder sans honte.
Finalement, la vertu est présentée comme un danger auquel il ne vaut mieux ne pas
succomber… En lui rappelant les risques encourus en cas d’aveu, la marquise dresse un portrait
bien sombre de ce qui attend la jeune fille vertueuse et honnête. Le champ lexical de la solitude
et de la douleur « cloîtrée », « désolée », « douleur », présente le couvent comme la pire des
punitions pour une jeune fille pleine de vie. De plus, la vertu est source d’un ennui très profond ;
en opposant « les plaisirs » au « peine », la marquise souligne une fois de plus ironiquement
qu’il vaut mieux succomber. Les formules mélioratives « Rien de mieux », « Que de belles
choses ! », « ce brillant cortège » sont rapidement démontées : « on s’ennuie quelquefois à la
vérité ». Ainsi, la vertu n’apportant aucun plaisir, il faut se retourner vers le libertinage.

II. Une critique ironique de la moralité

A. Une jeune fille naïve


o La marquise utilise le champ lexical de l’enfance « petite », « enfant » à 2 reprises
o Imite le parler d’une enfant « ce Monsieur de Valmont est un méchant homme », « vous
voilà bien fâchée, bien honteuse », « tout dire à votre maman » alors qu’elle a déjà 15
ans (pas si jeune pour cette époque !)
o Réaction enfantine puisque Cécile n’a pas assumé et a failli tout avouer à sa mère.
« tendre mère », souligne lien jeune enfant/mère. Cécile de Volanges a peur de se faire
gronder et craint qu’on ne voie ce qu’elle a fait sans ses yeux : « Et puis, ne plus oser
lever ces yeux-là ! »
o La conclusion sous forme de question oratoire : « Sérieusement peut-on, à quinze ans
passés, être enfant comme vous l’êtes ? » montre que la Marquise veut la faire réagir

B. Un amour romanesque illusoire


o « vous figurerez à merveille dans un roman » : la marquise se moque de la conception
de l’amour que l’on retrouve dans les romans où on ne représente que les désordres des
relations amoureuses.
o « De la passion, de l’infortune, de la vertu par-dessus tout, que de belles choses ! » :
phrase nominale, énumération et gradation qui présente une fois de plus un tableau
fort ironique des histoires d’amour présentées dans les romans qui ne mettent en avant
que les déplaisirs « vous ne chérissez de l’amour que les peines, et non les plaisirs ! ».

C. Une société hypocrite


o Hypocrisie tout d’abord de Cécile qui déjà promise en mariage n’en est pas moins
amoureuse d’un autre homme : « Et vous, de votre côté, vous voulez garder votre
sagesse pour votre amant (qui n’en abuse pas) ». Opposition entre « sagesse » et
« amant » : 2 termes ici incompatibles !
o Hypocrisie de tous ensuite : « cependant, s’il en était ainsi, nos femmes et même nos
demoiselles auraient le regard plus modeste » : montre que cette « faute est partagée
par tous et qu’il ne faut pas en avoir honte !
o Le conditionnel « auraient » + complément circonstanciel d’hypothèse « s’il en étaient
ainsi » double hypothèse qui souligne cette vérité : toutes s’adonnent au libertinage !
o Faute partagée par toutes « femmes » et « demoiselles » : pas d’âge !

Conclusion :
Ainsi, la marquise présente une vision libre de l’amour à la jeune Cécile qui n’assume pas d’avoir
fauté avec Valmont. Elle lui montre qu’il n’y a aucun mal à succomber et que libertinage ne lui
apportera que du plaisir tandis que la vertu n’est source que de douleurs. Aussi, en soulignant les
contradictions auxquelles fait face la jeune fille, Mme de Merteuil montre que la société est
hypocrite et que, si chacun présente un tableau moraliste et romancé de sa vie, il n’en est rien
dans les faits. Cet extrait des Liaisons dangereuses présente une vision de l’amour totalement
opposée à celle que nous donne Mme de La Fayette dans La Princesse de Clèves. La vertu
absolue condamne la jeune fille à la souffrance éternelle alors que la marquise nous invite, tels les
hédonistes, à profiter des plaisirs sublimés par l’intelligence et la séduction.

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