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Lib.

AJUSTEMENT ECONOMIQUE ET
IThERAUSATION POLITIQUE

Driss Ben Au

Paper 9509

Ce rapport est présenté tel qu'il a été reçu par le CRDI du(des) bénéficiaire(s) de la subvention accordée pour le projet.
Il n'a pas fait l'objet d'un examen par les pairs ni d'autres formes de révision.

Le présent document est utilisé avec la permission du Economic Research Forum.

© 1995, Economic Research Forum.

Please address correspondence to: Professor Driss Ben Au, Groupe de Recherche en
Internationale, Faculte de Sciences Juridiques, Economiques et Sociales, Universite Mohamed V,
Boulevard des Nations Unies, B.P. 721 Agdal, Rabat, Morocco. Fax: 212 7 674 482
AJUSTEN1ENT ELONOMLQUE Er UBERAUSATION POImQUE*

Driss BEN AU

* This is the revised version presented at the ERF Conference on "The Changing Role of the State in
of a paper
Economic Development and held in Rabat, Morocco on 8-10 January, 1995. The Conference was made
possible through the generous contribution of the European Commission.
Resumé

Depuis quelques années, les agences bilatérales et multilatérales de financement ne


cessent de répéter que l'existence d'une forme démocratique de gouvernement est une
condition nécessaire a La réussite du programme dadjustement structurel (PAS). En effet,
dans la mesure øü le PAS suppose l'allocation des ressources par le jeu de Ia libre
concurrence, la garantie et Ia stabilité de Ia propriété privée, le profit et l'avantage
comparatif, ii atteint le régime néopatrimonial caractéristiques de Ia plupart des pays en
développement dans ses fondements, ce dermer étant centre sur un modéle dallocation
des ressources entièrement contrôlé par Ic pouvoir politique qui l'utilise comme moyen de
s'assurer des appuis et de disposer d'une clientele. Notre propos dans ce travail est de
partir du cas du Maroc pour montrer Ic degré de relation existant entre réformes
&onomiques et changements politiques. L'hypothése de depart est la suivante: si le PAS
accroIt Ia probabilité du changement du système politique en place, cc changement n'est
ni automatique ni général. L'exemple marocain est significatifde ce point de vue. Nous
utiliserons dans cette analyse un modéle qui sera exposé dans Ia premiere partie et servira
de cadre theorique a cette analyse.

Abstract

In recent years bilateral and multilateral financial agencies have continuously maintained
that the existance of a democratic form of government is a necessary condition for the
success of strucural adjustment programms (SAPs). In reality, insofar as SAPs entail the
free market allocation of resources, the stability and guarantee of private property, profits
and comparative advantage, they strike the neopatrimonial regime characteristic of most
developing countries at its foundations. Neopatrimonal regimes are based on a model of
resource allocations entirely controlled by the political establishment, which uses it as a
mean to garner support and secure a clientele. Our goal in this study is to focus on the
case of Morocco in order to show the degree of correlation between economic reform
and political change. The initial hypothesis is the following: if SAPs increase the
likelihood of changes in the current political system, such changes are neither automatic
nor widespread. The Moroccan example illustrates this point of view. The model
employed to serve as the theoretical framework of analysis is described in the first section
of the study.
ft

I
IN'IRODUCHON

Depuis quelques années, les agences bilatérales et multilatérales de financement ne cessent de


répéter que l'existence dune forme démocratique de gouvemement est une condition nécessaire
a Ia réussite du programme d'ajustement structure!. Elles soutiennent que Ia croissance continue
des pays en développement doit obligatoirement passer non seulement par une redefinition de
leurs priorites et par l'urgence de mettre en place une série de réformes économiques, mais
également par des changements d'ordre institutionnel et politique. En d'autres termes,
l'application des réformes contenues dans ce programme, telle que la réforme fiscale, la
libéralisation du commerce ou la privatisation, suppose une réorganisation des structures
politiques qui rendent leur succês possible.

Cette these suscite des réticences chez certains économistes qui n'hésitent pas a faire remarquer,
a juste litre, que "ces mêmes agences ignorent d'ailleurs une certaine pudeur, lorsqu'elles font
passer le message, des contre-exemples donnés par les pays vedettes de la croissance ou de
l'ajustement structurel, comme le Chili de Pinochet, TaIwan ou Singapour." A vrai dire,
l'agitation politique et les tentatives de démocratisation que connaissent les pays en voie de
développement depuis que le programme d'ajustement a été mis en application invitent a penser
la question de la relation entre ajustement et démocratisation Ct font ressurgir le vieux débat sur
la correlation entre l'économique Ct le politique.

S'agissant des pays en développement, comme le Maroc qui sera au centre de ce travail, connus
généralement par leurs regimes politiques de type néopatrimonial, la libéralisation économique
en profondeur que propose le programme dajustement structure! (PAS) constitue une
-

transformation substantielle. Dans la mesure oU ii suppose l'allocation des ressources par le jeu
de la libre concurrence, la garantie et la stabilité de la propriété privée, le profit et l'avantage
cornparatif, ii atteint le régime néopatrimonial dans ses fondements, ce demier étant centre sur
un modè!e d'allocation des ressources entièrement contrôlé par le pouvoir politique, qui l'utilise
comme moyen de s'assurer des appuis et de disposer dune clientele. Dans cet ordre d'idées se
pose la question de savoir queue est la capacité des autorités politiques a gérer avec efficacité
les réformes économiques et les changements qu'el!es imposent.

Formulée autrement, cette notion renvoie a Ia correlation entre efficacité écononiique et degré
de démocratisation. En effet, plusieurs auteurs font observer que trop de démocratie peut
conduire au populisme et a l'inefficacité. Par contre, une dose insuffisante de celle-ci peut être
préjudiciable au progrês materiel dans la mesure øü l'absence d'un contrôle sérieux du pouvoir
politique peut amener celui-ci a une allocation arbitraire des ressources, tuant ainsi la poule aux
oeufs dor.

'A. MARTENS: "L'Afrique : un ajustement avec une croissance trop faible?" Communication faite au Colloque
"De I'ajustement structure! a Ia croissance endogêne", Liege, Belgique, 01/12/1992.

1
C'est autour de ces question globales que nous entendons orienter le débat, partant de l'hypothêse
selon laquelle si le programme d'ajustement structurel (PAS) accroIt la probabilité du changement
du système politique en place, ce changement n'est ni automatique ni général. L'exemple du
Maroc est significatif de ce point de vue. Après plus dune décennie d'application du PAS, Ia
société Ct ses institutions se trouvent en presence de deux logiques apparemment antinomiques:
le vieux font makhzénien et néopatrimonial, qui cherche a ceder une partie de ses pouvoirs non
sans opposer une certaine résistance a une rationalité economique du marché, et une culture
politique liberal et démocratique.

En réalité, les réformes structurelles contenues dans le PAS et mis en oeuvre depuis 1983 n'ont
pas affèctées fondamentalement Ia nature du régime politique; a certains égards, elles Font même
renforcé. Pas plus qu'autrefois, le régime ne puise sa raison d'être de la volonté populaire. C'est
lui qui établit les regles du jeu qui s'imposent a la classe politique qui n'a d'autres choix que de
les accepter. La question qui est constamment présente, en creux, dans plusieurs analyses est la
suivante: comment l'Etat marocain a réussi a endogénéiser les nouveaux changements sans
connaltre une transformation en profondeur? Notre propos dans ce travail est de montrer l'impact
des réformes économiques contenues dans le PAS sur les structures politiques du pays. Nous
procéderons, dans une premiere partie, a Ia presentation du modèle théorique qui servira de base
a noire analyse. Dans une deuxième partie, nous analyserons les structures de 1'Etat marocain,
Ia nature de ses rapports avec la société en général et l'économie en particulier. Finalement, dans
une troisième partie nous nous pencherons sur les effets des réformes d'ajustement sur Ia situation
politique du pays.

2
PREMIERE PARI1E LE CADRE ThEORIQUE

Jusqu'à une date récente, les économistes n'ont accordé qu'un intérêt limité a l'analyse des
institutions politiques et leur impact sur I'activité économique. Leur attention a été
particulièrement accaparée par l'étude du marché, oü des individus rationnels cherchent a
maximiser leurs utilités et des entreprises visent a minimiser leurs coüts et a maximiser leur
profits. Quant on évoque 1'Etat, c'est soit pour lui tracer des limites, soit pour dénoncer ses
interventions excessives ou sa gestion laxiste.

Dc ce fait, la vision qui prévaut est de type fonctionnel et instrumentale, oü FEtal, par exemple,
est perçu comme un organisme qui assure les fonctions traditionnelles de service public, qui
foumit des extemalités et qui supplée aux déficiences du marché par le biais de l'impôt et des
subventions. L'environnement socio-économique (lois, coutumes, aptitudes au travail, fiscalité
et programmes gouvernementaux incitatifs, et autres caractéristiques) n'intervient presque pas
dans l'examen de la performance des economies au plan du developpement et de la croissance.2

Ce sont notamment les institutionnalistes de la nouvelle economic politique qui ont introduit ces
nouveaux apports et qui ont montré que la croissance d'un pays passe non seulement par des
ameliorations quantitatives et qualitatives des technologies disponibles, mais également et de plus
en plus par l'amélioration continuelle des institutions et des modes d'organisation. Dans cette
optique, l'économie ne se définit pas seulement comme un ensemble de ressources en main
d'oeuwe, en équipement et dotations naturelles, mais également comme un ensemble d'institutions
gouvemementales, sociales, économiques et autres. En d'autres termes, Péconomie scm plus ou
moms efficace et prospère selon Ia qualité et la quantité des ressources disponibles, mais aussi,
et peut-être surtout, selon la capacité et l'efficacité de ces institutions a coordonner les différentes
activités (decisions, productions, investissement, échanges, etc) afin de maximiser Ia valeur
potentielle de l'ensemble des ressources et a motiver les agents a réaliser cc potentiel.

Des lors, l'enjeu des interventions publiques devient, dans cette perspective, d'une part Ic repérage
des objectifs économiques a atteindre, et d'autre part la misc en place du cadre qui assure
l'efficacité de leur application. On se trouve donc en presence de la question de savoir comment
maximiser ou optimaliscr l'action de l'Etat. La démarche suivic par certains autcurs,
particulièrement R Findlay, nous semble adaptec.3

2
Ronald FINDLAY "Is the Political Economy Relevant to Developing Countries?" Working Papers, The
World Bank, Nov 1989; p. 12-13.

Ronald FINDLAY: op. cit.

3
11- LA DEMARCHE FINDLAY:
a)

Findlay part dun constat simple et massif: La majeure partie des pays en voie de développement
se caractérisent par une disproportion entre un Etat fort et omnipresent et une société civile faible
et écrasée. Dans cc cadre, FEtat fonctionne comme un instrument entre les mains dune minorité
qui en dispose pour s'accaparer des privileges. Cette minonté ne se définit pas par la possession
ou le contrôle des moyens de production, comme une certaine conception marxiste a tendance
a le laisser croire, mais par Ic monopole du pouvoir et le contrôle de l'Administration.

Pour saisir la nature de ce type d'Etat, une grande partie des théoriciens préferent se tourner vers
Ia typologie Webérienne de l'Etat néopatrimonial. Pour Scharwtzman, par exemple, Ic régime
néopatrimoniai est caractérisé par un gouvemement central guide par sa "seule raison d'Etat et
des populations démunies, passives et instrumentalisées."4 Ce genre de régime repose
généralement sur le clientélisme, Ia cooptation et les prébendes. L'action de l'Etat, dans ce
contexte, se trouve subordonnée a la raison politique, c'est-à-dire au maintien et a Ia perpetuation
du régime. Celui-ci s'emploie a extraire le surplus aux producteurs pour distribuer une partie a
ceux qui le soutiennent, d'oü un comportement rentier qui lui donne un aspect prédateur. Ce type
de gouvemement a été mis en cause par les propositions contenues dans le programme
dajustement structure!. En effet, le fort endettement des pays en voie de développement (PVD)
et leur faible capacité a générer un surplus économique croissant ont fortement réduit les
capacités "distributives" des pouvoirs en place et ont obliges ces derniers A une rationalisation
relative de leur gestion économique. En les soumettant a une rationalité fondée sur les règles du
jeu du marché, la vérité des prix et l'éfficience économique, le FM! et la Banque Mondiale les
ont amenés A abandonner en partie la logique néopatrimoniale de la gestion économique.

Pour donner une explication a la fois cohérente et dynamique de cette evolution, Findlay cherche
A se doter dune approche suffisamment flexible qui lui permet de tenir compte de la relation qui
existe entre l'aspect productif et l'aspect prédateur de ces Etats.

Le role productifde l'Etat est exprimé dans cc modèle par l'hypothèse scion iaquelle les dépenses
publiques d'administration, d'infrastructure, d'ordre, de l'ois, de justice, etc, fonctionnent comme
"external ité" pour les activités économiques privées, valorisant celles-ci et augmentant leurs
outputs. Ainsi, les biens et services produits par le secteur public sont considérés comme des
inputs interrnédiaires pour la production des biens privés.

L'idée se trouve inclue dans la formation suivante: soit y le revenu national qui est fonction,
d'une part, du travail public et du travail privé, et d'autre part, du capital, tel que:

4Simon SCHWARZMAN, "Back to Weber: Corporatism and PatrimoniaUsm in the Seventies". In J. Malloy, ed.
1977.

4
Y=A(lg). F(lg, K) (1)

ou ig = le travail public
ip = le travail privé
K=lecapital
avec ig + lp = L Travail total (2)

Les caractéristiques de la fonction du travail public (f) sont les suivantes:

A'(lg)> 0. A"(lg) <0 et A(O) = 1 (3)

la fonction f est
une fonction du type néo-classique; pour des raisons de simplicité, elle est
homogène de degré 1 - autrement dit, les rendements d'échelle sont constants.

b) Deux suppositions sont possibles:

supposition:

L'Etat n'intervient pas; dans ce cas le revenu national est fonction seulement du secteur privé.
En effet, si (lg) 0, alors A(O) 1, ce qui implique y = A (0). F(lp, K) Fo (L, K): revenu
relatif a l'Etat de nature Hobbsien.

Thomas Hobbes, convaincu du caractère désordonné de l'état de nature oü "l'homme est un loup
pour l'homme", a plaidé pour un pouvoir d'Etat tout puissant. Selon lui, l'ordre ne peut provenir
que de cette intervention de "leviathan". Cependant, Hobbes s'appuyait sur des causes
mécaniques insistant sur les désordres de la nature.

Deuxième supposition: situation oplimale

L'Etat decide d'agir sur le travail public pour chercher l'optimum; pour cela ii augmente (lg), ceci
entramne une productivité marginale qui sera plus grande dans le secteur public que dans le
secteur privé. II en résulte un revenu national qui augmente jusqu'à un maximum puis décroIt.

La condition de maximisation est donnée par:

F A' (ig) = A(lg) Fi(lp) (4)

C'est-à-dire qu'au point optimal, la productivité marginale du travail dans le secteur public est
égale a la productivité marginale dans Ic secteur privé Ct, par consequent, une allocation optimale

5
d'emplois entre les deux secteurs, soit 1g Ct respectivement le travail public optimal et le
travail privé optimal, correspondent au revenu maximal Y*.

Sachant que dans l'approche néo-classique chaque facteur est rémunéré scion sa justc valeur,
autrement dit scion sa productivité marginale, le salaire dans le secteur prive est prix comme
référence pour ic secteur public oü Ic taux de salaire n'est pas précisé.

Dans ces conditions, du point optimal, ii est possible de déterniiner le niveau optimal des
dépenses pubiiques, soit w lg*, oü w représente le salaire commun entre les deux secteurs, et l'on
cherche donc un taux d'imposition proportionnel t tel que:

= wlg* (5)

Cette egaiité représente les conditions de l'optimum de dépenses publiques.

En effet, dans l'approche néo-classique, ic deficit budgétaire n'est pas admis, et le volume des
y*)
recettes (t est égal au volume des dépenses (w lg*).

avec W = (1 - t") A(lg*) F1(lp*) (6)

ou W = saiaire commun entre les deux secteurs, salaire net de taxe.

Toutefois, ii faut nuancer cette question d'optimum qui vient d'être décrite, a savoir l'optimum
de travail et l'optimum de dépenses publiques. En effet, rien ne garantit, surtout dans les pays
sons développés, que l'Etat pourra assurer cette allocation optimale. Le pouvoir est surtout attire
soit par Ia maximisation du surplus, soit par la maximisation des dépenses publiques.

Dans ces deux cas, l'Etat ne peut imposer le revenu national au-dessus d'un niveau spécifique
d'imposition de La situation optimale; de même ii est suppose rémunérer Ic travail d'au moms un
salaire net de taxe offert par le secteur privé.

c) Cas

Maxhnisalion du suiplus:

Comme dans le cas de i'ailocation optimale, 1'Etat qui cherche a maximiser ic surplus agit sur le
travail public (ig); le surplus est donné par:

S =t"A(ig)F(lp,K) - (1-t")AFi(lg) (7)

qu'il faut maximiser sons (2): Ig + ip = L

6
La condition de maximisation est donnée par S' 0, d'oü Fon tire:

t"FA'(lg)-A(lg)F i(lp)=(l -t")A(lg)F 1 -A(lg)F ii (8)

Le gain mcavjnal du le coüt maigind resultant de ce


obtenu le de l'augmentation du
transftrt du secteurprivé de l'emploi public.
au secteur public.

Ce qui revient a dire que le surplus est maximisé quand le travail public (ig) est iriférieur au
niveau optimal (lg*); Ig < 1g.

Ii apparaIt donc clairement que le cas de Ia maximisation du surplus conespond aux monarchies
et aux dictatures traditionnelles ou Etats patrimoniaux, selon les termes de Max Weber. Pour
maximiser le surplus, certains gouvemements offrent moms de services publics que le niveau
optimal, puisque augmenter davantage le service public (ig) devrait accroItre le revenu national,
mais réduire le surplus (s). Théoriquement, on peut le démontrer comme suit:

IlYaprès (8)

(ip)=(1-t")A(lg)Fi+lgA'(lg)Fi-A(lg)F 11

x Y

Comme y> 0, ccci implique X> 0 et, par consequent:

t FA' (Ig) - A(lg) F'(lp) > 0,

Comme t> 0, cela implique:

FA' (lg) - A(lg) F1 (lp) > 0 implique:

FA'(lg) > A(lg) F'-(lp)l (9)

Ccci veut dire que le surplus est maximisé quand la productivité marginale du travail dans le
secteur public est supérieure a la productivité marginale du travail dans le secteur privé.

7
Maximisation des dépenses publiques:

Si certains Etats optent pour la maximisation du surplus, d'autres, par contre, préferent maximiser
les dépenses publiques - c'est ce qu'on appelle communément l'hypothèse bureaucratique.
Contrairement au cas de la maximisation du surplus, l'Etat offre plus de services publics. Pour
y parvenir, ii doit augmenter davantage le travail public, ce qui entralne une pléthore de services
publics. Dans ce cas, le niveau du travail public est supérieur a celui correspondant a la situation
optimale:(lg)>(lg);danscecaslg=OZet!g =OX
Le surplus = revenu (R) - dépense (D) = 0 (point de rencontre des courbes du revenu et de
dépenses).

Notons que dans ce modèle, l'Etat devient analogue a une grande entreprise modeme. Dans le
cas de la maximisation de surplus, 1'Etat ressemble a un monopole nature!, tandis que dans le cas
de la maximisation des dépenses publiques, ii correspond aux hypotheses de maximisation des
ventes oü ii y a separation entre les propriétaires et les gestionnaires. En effet, les dirigeants des
entreprises s'intéressent a la croissance des ventes pour des motifs a caractère, entre autres,
personnels, car leurs salaire, position et prestige sont davantage fonction du d'affaires que
des profits.

d) Extension du modêle:

* Endogénéisation du taux imposition et de l'offre de travail:

Dans tout ce qui a précédé, le taux d'imposition et l'offre de travail étaient supposes être données
exogènes. L'extension du modèle se fera dans le sens dune endogénéisation de ces données;
ainsi chacune d'entre elles scm déterminée de façon endogène dans le processus de maximisation,
au même titre que les autres variables du système.

Cas de la maximisation du surplus:

Pour un taux d'imposition et une offre de travail (T, L), le modèle determine Ic niveau maximum
du surplus, ce qui nous permet de défmir une famille d'iso-surplus telle que:

S = S(T, L)
(10)
ST >O,SL>0
Les courbes SS0. et SS' sont convexes par rapport a l'origine le long desquelles le maximum
du surplus est constant.

8
Supposons maintenant que l'offre de travail n'est pas fixe, mais que c'est une fonction croissante
du taux de salaire disponible (net de taxe). Ceci donne une orientation vers la frontière concave
T 1' présentée dans la figure n°2 qui exprime les possibilités de PEtat a échanger T et L entre
eux en tenant compte du revenu national de base qui depend de ces variables. Un taux
d'imposition élevé ayant une repercussion negative sur l'offre de travail et en consequence sur
le revenu de base.

La pente positive de la courbe A A' est simplement la courbe de l'offre de travail comme fonction
du salaire net (aprês taxe). La pente de La courbe B B' est negative et le salaire d'équilibre
correspondant a chaque niveau de l'offre de travail pour un taux d'imposition donné. Ainsi, pour
n'importe quel niveau de l'offre de travail et du taux d'imposition (qui est constant en tout point
de B B'), le modèle determine l'allocation de travail entre le secteur public et le secteur privé et,
par consequent, le salaire désequilibre. Une augmentation du taux d'imposition réduit le salaire
net pour chaque niveau d'input de travail et déplace la courbe B B' vers la gauche, réduisant ainsi
l'offre de travail d'équilibre. C'est la raison pour laquelle la frontière T T manifeste une relation
le taux d'imposition et I'offre de travail. La trangente de S S et l'offre de travail
d'équilibre I] pour le cas de maximisation du suiplus.

Cas de la maximisation des depenses publiques:

La version bureaucratique du modèle maximisant le budget peut être résolue de façon analogue
au cas précédent.

Pour un taux d'imposition T et une offre de travail L, le modèle determine déjà le niveau du
budget maximum et l'on obtient une famille de courbe iso-budget telle que:

B=B(T,L)
T L

c) Limites et applicalion dii modêle:

Linutes:

Le modèle se base sur la fonction de production néo-classique; on peut donc lui adresser toutes
les critiques afférentes a cette fonction de production.

Le modèle n'est pas appliqué aux pays développés démocratiques car le niveau de revenu public,
dans le seas de l'utilisation des ressources, ainsi que ceux qui bénéficient des transferts de
paiement, sont déterminés par la competition électorale. Dans cc sens, on est dans une situation
oligopolistique représentéc par le modèle. Dans ces pays, la démocratie et La liberté civile sont
dominantes.

9
Application aux pays sous-développés:

De l'analyse des deux aspects - productif et prédateur - de l'Etat présentés par le modèle découle
une certaine typologie des Etats maximisant soit le surplus, soit les dépenses publiques. Le cas
de Ia maximisation du surplus apparalt correspondre aux monarchies Ct dictatures traditionnelles.
Les monarchies justifient cette maximisation par la légitimité des droits de dynastie et de
succession. Opérationnellement, les prélèvements et la redistribution de la rente de l'économie
sont sous l'autorité du derriere laquelle se cachent des règles objectives impersonnelles
floues (cas des monarchies arabes).

Le cas de la maximisation des dépenses publiques est conforme aux Etats autoritaires qui sont
dominés par les armées ou les partis qui ont besoin de justifier les regles qu'ils imposent a la
société par l'extension des tâches apparemment grandioses pour lesquelles us veulent maximiser
les ressources budgétaires disponibles pour en profiter largement. Les Etats autoritaires exploitent
Ia société civile sur une grande échelle. Pour eux, cette sociCté civile n'a pas de signification et
ne doit pas avoir de contre-pouvoir, et même si ce demier existe, ii doit rester sans effet.

Cette analyse sera poussee plus loin par Lal dans son modèle d'explication de l'Etat prédateur.
Pour Lal, l'Etat dans les pays en voie de développement n'est pas un représentant des intéréts
collectifs comme on a tendance a le décrire. I! est plutôt un organe qui use de son monopole de
coertion legal pour maximiser son profit. Le fait qu'il dispose dun monopole naturel multiforme
lui permet de bénéficier d'une économie d'échelle considerable dans la production de certains
services, comme Ia "protection et la justice". Lal recourt a la théorie des marches contestables
pour montrer que les "barrières a l'entrée" constituent des contraintes limitant la capacité de l'Etat
a user de ses pouvoirs de manière prédatrice. En d'autres termes, la tendance de l'Etat a étendre
ou a restreindre son pouvoir predateur est fonction des facteurs qui déterminent la probabilité dun
usurpateur potentiel. C'est Ia menace de l'avènement d'un concurrent éventuel qui amêne le
pouvoir en place a limiter sa tendance prédatrice et a faire valoir l'intérêt general. Des lors, ii
paraIt aisé de conclure qu'une situation politique de concurrence ouverte est plus bénéfique pour
l'intérêt general. Par contre, l'économie fermée, Ia stratégie d'import substitution øü 1'Etat
maximise ses recettes (ou son surplus) a travers une surévaluation de la monnaie nationale et
l'inflation, semblent plus propice a un comportement prédateur.

La méme analyse est faite par les économistes du "Public Choice Theory", qui appliquent la
méthode économique a l'analyse politique. Dans cette optique, l'Etat est considéré
institution, le gouvemement comme une communauté et les hommes politiques, les bureaucrates
et d'autres acteurs individuels dans le processus politique comme agissant chacun pour ses
propres intérêts. A l'intérieur de cc modèle politique, l'électeur est assimilé au consommateur
dans Ia vie économique, et la démocratie a la souveraineté du consommateur. L'absence de
démocratie conduit a la maximisation du surplus des producteurs, c'est-â-dire des hommes
politiques et des bureaucrates, plutôt qu'au bien-étre social; cette situation est assimilé au

10
monopole.5

L 2- PROGRAMME D'AJUSTEMENT S1RUCIUREL CHANGEMENT POIJHQUE

Se pose, alors, La question de SaVoir si le programme d'ajustement structure! introduit des


changements.

a) Changements économiques:

Le programme d'ajustement structure! (PAS) se défmit comme étant La mise en place d'un
ensemble de mesures de politique économique destinées a réduire le deficit exteme permanent
par le biais d'une diminution du deficit interne, et une proposition de réformes visant a
restructurer !'économie dans le sens dune libéralisation en profondeur et dune efficacité accrue.

La premiere dimension du PAS, c'est-ã-dire la stabilisation, se présente comme un processus qui


tend a réduire, clans le court terme, la demande globale pour Ia ramener au niveau compatible
avec l'équilibre inteme et exteme. On cherche a faire disparaItre l'excédent de la demande finale
intérieure par rapport au PIB. La politique d'ajustement entend supprimer les déséquilibres
extemes, y compris ceux portant sur le compte courant. Cette politique de stabilisation utilise
comme instrument la politique monétaire et budgétaire. Ces mesures se situent clans le court
terme et ne touchent pas l'essence de l'organisation économique. Ce sont surtout les réformes
contenues clans le PAS qui vont avoir des consequences importantes sur les structures.

L'ajustement structure! se situe clans le moyen et le long terme. I! vise le rétablissement de Ia


vérité des pnx conformément a rareté et a La libre concurrence. Ii implique aussi un changement
dans le contexte institutionnel de l'activité économique par La mise en place dun système incitatif
aussi bien pour le capital national qu'étranger, La reduction du role de l'Etat, et une grande
ouverture sur l'économie mondiale. L'objectifici est d'agir sur l'offre pour l'accroItre. En dautres
termes, l'objectif recherché par Ic programme d'ajustement peut se ramener a trois types de
mesure:

1) Mesures pour améliorer l'allocation des ressources;


2) Mesures pour améliorer la mobilisation des ressources;
3) Mesures pour promouvoir plus douverture de ltéconomie.

L'ensemble de ces mesures constitue ce qu'on appelle généralement la libéralisation économique.

En bref, le programme d'ajustement oblige les economies des PVD a faire un virage important
en remettant en cause le role de l'Etat, en insistant sur la nécessité de redéfmir les priorités de

Tony KILLIK: "The Reaction: Changing Views on the Role of the State in Economic Theory and the Role of
the State in Developing Countries, a Reaction Too Far."

11
développement par l'urgence de supprimer des activités rentables et l'obligation de privatisation
pour accroItre l'efficacité de l'appareil productif par une meilleure allocation des facteurs de
production, y compris une amelioration du cadre politique et juridique dans lequel s'exerce
Vactivité économique. Ces réformes qui reposent sur La vérité des prix et l'élimination de toutes
les entraves au libre jeu du marché supposent la concurrence et la transparence dans le domaine
économique et, par consequent, la remise en cause des situations de rente qui caractérisent les
pays en voie de développement.

En réalité, l'ajustement structure! oblige les pays en développement a faire un virage important
en remettant en cause le role de l'Etat, en insistant sur La nécessité de redéfinir les mécanismes
de fonctionnement du système en place, en supprimant les activités non rentables et en imposant
La rationalité économique. Ainsi, au nom des exigences de rationaliser l'économie et d'accroItre
son efficacité, le dirigisme d'Etat doit s'effacer devant U initiative privéc et I'entrepreneurship
individuel, et l'attribution des faveurs, des rentes et des privileges caractéristiques des pays en
développement doit ceder la place a la responsabilité individuelle, aux droits du consommateur
et a l'efficacité par Ia concurrence.

En fait, !'idée d'ajustement renvoie a Ia mise en place d'un système d'allocation des ressources
fondée sur le profit, Ia stabilité de Ia propriété privée, La responsabilité individuelle, le droit du
consommateur sur l'efficacité par la concurrence. De ce point de vue, il constitue tin changement
par rapport au système existant, qui se caractérise par une allocation arbitraire des ressources
émanant dun pouvoir discrétionnaire fondé sur un soutien clientéliste. En un résumé,
l'ajustement tend a substituer Ia logique économique a la logique politique en soustrayant
I'économie au bon vouloir des dirigeants. Ii paraIt nature! que le citoyen de moms en moms
d'assujetti Ct de plus en plus d'actionnaire exigeant? D'oü un jeu politique du jeu économique.
En conclusion, l'ajustement structurel invite a tine coherence (harmonie) en tin équilibre fondé.

b) Changenient polilique:

Parallèlement, le jeu politique, a l'image du jeu économique, repose sur les règles du marché,
c'est a dire sur La confrontation politique selon les normes reconnues par les agents (concurrence,
pluralité des formes d'expression, fluidité de l'information, égalité des chances). Les acteurs
politiques se trouvent de ce fait confrontés a des électeurs rationnels. La liberté individuelle est
le prix de Ia confrontation de l'ordre et du mouvement. C'est dans le jeu des interactions entre
ces deux éléments que les libertés individuelles - publiques et collectives - se réalisent. Au coeur
de la pensée libérale, il y a cette double exigence: autonomie de La société civile et neutralité de
l'Etat.

L'autonomie de la société:

Dans le système liberal, nul ne determine Ia situation matérielle des individus, leurs activités,
leurs gains. Seul le marché en tant qu'instance régulatrice est en mesure de Ic faire. Dans le
domaine politique, le point d'équilibre entre et Ia demande est Ic vote, ce qui empéche le
pouvoir humain de s'installer dans Ia position centrale øü ii pourrait determiner les situations et

12
les activités des autres. Les droits et les devoirs s'obtiennent par la lutte politique et par le biais
des organisations spécialisées (partis, syndicats, associations, etc). Celles-ci constituent des
contre-pouvoirs, permettant aux différentes forces sociales de faire prévaloir leurs intérêts et leurs
aspirations. En somme, cc n'estpas le pouvoir qui impose une structure a la société, mais celle-
ci qui, spontanément, secrete son ordre que Ic role du pouvoir se borne a garantir.

Ia neutmlité de PEtat
Le libéralisme politique n'admet pas la presence d'un Etat qui controle toute la vie sociale. L'Etat
doit observer la neutralité vis-à-vis de la competition politique des acteurs et veiller au respect
des règles du jeu. Par ailleurs, ii doit rationaliser sa gestion par la reduction des dépenses
publiques, Ia suppression de Ia réglementation administrative qui gene les mécanismes du marché
de se déployer librement, ii doit assouplir et limiter le contrôle des pouvoirs publics sur les
activités privées, etc. Les inputs choisis par les décideurs de I'Etat doivent respecter la
concurrence, Ia transparence et l'égalité des chances des agents. Pour les libéralismes, les
interventions de l'Etat, même quand cues ont comme "but un ideal de justice distributrice
substantielle, mènent nécessairement a la destruction de l'Etat de droit".6 Seul estjuste ou injuste
une action accomplie par quelqu'un et resultant d'une volonté et d'un choix. Les inégalités nées
de la confrontation des volontés individuelles sur le marché doivent être comprises comme le
résultat de Ia liberté ou plus exactement de l'usage different que les individus choisissent de faire
de leur liberté. Aussi les résultats de la concurrence sur les individus ne peuvent-ils être dits ni
justes ni injustes.

La liberté devient alors un concept non éthique et non politique. Elle n'est pas une "valeur" en
soi, elle est le résultat d'un lent processus de maturation historique, d'une veritable rationalité
sociale. Ainsi donc, Ic libéralisme n'est pas un modèle qu'on applique a n'importe queue société.
Dans ces conditions, le marché Iui-même n'est pas un état de nature mais un "ëtat de culture"7
et un "construit humain très délicat qui, pour émerger, s'affirmer et se développer, demande
d'énormes efforts".8

En definitive, le type ideal de l'Etat liberal repose sur deux principes. D'une part, ii pose comme
principe que les groupes sociaux qui s'affrontent autour des politiques publiques s'organisent de
façon indépendante du système politique. IYautre part, ii réduit l'appareil d'Etat an statut de
simple outil d'une volonté politique qui lui serait extérieure.

F. V. HAYEK, Droit, Légisiction, Liberté. PUP 1980; p. 56.

F. V. HAYEK, op. cit.; p. 56.

Michel GROZIER, EM Modeste, EM Modeme. Fayard 1987; P. 123.

13
CONCLUSION

En conclusion, l'ajustement est par essence une proposition de solution a une situation de crise
structurelle, et ii engendre nécessairement des reniises en question des orientations en cours et
probablement même des changements politiques. Le fait que l'ajustement suppose a la fois la
poursuite de !'assainissement financier assortie de réformes économiques, la rationalisation de
l'économie en créant des meilleures conditions de flexibilité des structures économiques Ct
l'adaptation a la contrainte exteme, Ia reduction des coüts sociaux et l'esquisse dun autre type de
développement est en soi un changement considerable. Reste a savoir s'il est suffisamment
profond pour provoquer des transformations politiques substantielles. Dans un article intitulé
"Economic Adjustment and Prospects for Democracy", Stephan Haggard et Robert R Kaufman
font observer que sur 23 pays en voie de développement frappés par Ia crise de la dette des
années 80 et soumis a l'ajustement, cinq pays sont passes d'un régime autoritaire a un régime
démocratique; les autres n'ont pas connu de changement.9 Par consequent, la relation entre Ia
réforme économique et le changement a survécu a la crise. Certes, depuis la fin des années 80,
particulièrement depuis La chute du mur de Berlin Ct La fin de Ia guerre froide, un certain nombre
de pressions exercées par les pays industrialisés occidentaux ont amené plusieurs pays en voie
de développement a assouplir leur régime et a procéder a une relative libéralisation de leurs
institutions, mais cette tendance n'a presque pas de rapport avec le PAS.

Ainsi, même si Ofl admet l'hypothese selon laquelle Ia crise a une incidence sur les détenteurs du
pouvoir, ii n'y a pas de preuves suffisantes qui nous permettent d'établir une correlation claire
entre l'ampleur des réformes entreprises et le changement de régime. La nécessaire
reconnaissance de la multiplicité des voies, de la prise en compte des étapes et des délais exige
plus de nuance dans le raisonnement. Tout depend de la nature des institutions politiques en
place et des acteurs qui les animent: queues sont les repercussions des changements économiques
en cours et comment s'élaborent les regulations sociales nouvelles.

Repérer cette difficulté majeure ne fait que souligner l'importance du processus de


démocratisation pour le cours du développement politique. Si l'on se réfere a l'expérience de
certains pays industrialisés occidentaux, Ia démocratisation des institutions politiques peut paraltre
comme un facteur majeur du développement. Ce fut le cas notamment de Ia Hollande et de
l'Angleterre des le XVIIème siècle, des Etats-Unis et de Ia France au XVllIème et dune partie
de l'Europe occidentale aux XIXème et XXême sièc!es. Cependant, l'ambiguité n'en est pas
moms présente quand on se penche sur la réalité des pays en voie de développement ou
récemment développes. On n'y trouve pas la confirmation de l'évolution européenne. Déjà dans
certains pays d'Europe eux-mémes tels l'Allemagne de Bismarck au XIXème siècle ou l'Espagne
de Franco au XXème, le développement s'est opéré sons des regimes autoritaires. Quant au
Tiers-Monde aujourd'hui, le résultat y est encore moms probant. Des regimes démocratiques
comme celui de l'Inde se sont montrés moms performants économiquement que le régime
autoritaire de la Chine. De même que La Corée et TaIwan, qui passent pour être des réussites en

HAGGARD and KAUFMAN, "Economic Adjustment and Prospects for Democracy". In The Politics of
Economic Adjustment, S. Haggard and R Kaufiuian (eds).

14
matière de développement ces demières années, sont loin cVêtre des exemples de démocratie et
du respect des droits de l'homme.

Ces observations font dire a certains auteurs que les regimes autoritaires peuvent ëtre plus aptes
a entreprendre des réformes et a les réussir que des démocraties. Liabord parce qu'ils sont aptes
a dominer les groupes d'intérêt et a les empécher de constituer des alliances leur permettant, soit
de s'opposer aux réformes, soit de les confisquer a leur profit. Ensuite, parce que ces regimes
ont pour eux la durée. Plusieurs réformes économiques telles que la libéralisation du commerce
extérieur, la désétatisation des entreprises publiques et la réforme fiscale, ont besoin d'un horizon
temporel lointain pour pouvoir donner leurs fruits, sinon,, a court terme, elles sont plutôt
coUteuses. Les exemples dans ce sens ne manquent pas. C'est le cas notamment de ce que l'on
appelle les regimes militaro-bureaucratiques dAmérique latine (Argentine en 1966 et 1976, Brésil
en 1964, Chili et Uruguay en 1973), de l'Indonésie (1966), de la Turquie (1971) et enfin des
economies de 1'Asie de l'Est et de Ia Chine actuelle. Ces exemples ne constituent pas la rêgle
puisqu'ils peuvent être contredits par d'autres issus de regimes autoritaires mais fortement
vulnérables aux groupes d'intérêt et souvent corrompus puisqu'ils n'ont en face d'eux ni contre-
pouvoirs reels ni une société civile autonome. C'était le cas notamment des Philippines de
Marcos, de HaIti de Duvalier, du Zaire de Mobutu, etc.

Par consequent, ii ne s'agit en rien d'un modèle unique général qui pourrait perrnettre de dégager
quelques regles. Ce qui est plutôt evident, c'est que toute stratégie concrete de reaction a la crise
est restée le fruit dune série de decisions politiques exprimant Ia configuration des rapports de
force et des intérêts conflictuels dans une conjoncture économique et sociale déterminée. En
d'autres termes, les idées libérales contenues dans le programme d'ajustement n'ont pas de force
en elles-mémes indépendamment des acteurs humains qui les niettent en oeuvre. En défmitive,
ii faut sortir de l'opposition démocratie-autoritarisme et analyser la capacité de survie et de
résistance des pouvoirs en place, de leur aptitude a s'adapter et des forces sociales mobilisables
pour faire aboutir le projet de démocratisation. C'est autour de ces questions globales que nous
entendons orienter le débat, partant de l'hypothese selon laquelle si le PAS accroIt la probabilité
du changement du système politique en place, ce changement n'est ni automatique ni général.
L'exemple du Maroc est significatif de ce point de vue. Après plus dune décennie d'application
du PAS, Ia société et ses institutions se trouvent en presence de deux logiques apparemment
opposées.

Dans ces conditions, on peut se demander comment l'Etat traditionnel serait en mesure d'accepter
les réformes contenues dans le PAS et d'intérioriser des apports extemes parfois etrangers a sa
propre rationalité. Commencons par analyser la nature de oct Etat avant d'examiner l'impact que
le PAS a eu sur les structures de ce demier.

15
DEUXIEME PARTIE : LA NAThRE DE MAROCAIN

IL 1- UN EFAT HISTORIQUEMENT CUNS1TflJE


Celui qui veut connaItre le Maroc et s'intéresse a son histoire s'apercevra, chemin faisant, que
c'est un pays qui s'est donné une personnalité a part entiêre dans le monde arabe et au Maghreb.
Le fait d'avoir commence a se doter d'une identité des le IXème siècle, de l'avoir consolidée au
XVIème et d'avoir préservé sa souveraineté de l'hégémonie ottomane pendant a peu près quatre
siècles lui donne le statut d'une vieille nation dont l'existence s'inscrit dans la longue durée.
Aujourd'hui encore, au milieu des contraintes du passé, alors même que les conditions qui ont
présidé a leur creation ont cessé de jouer, le Maroc continue d'assumer cet heritage tout en se
modernisant.

Cest dans cc long parcours historique que le Makhzen (Etat marocain) puise son existence et sa
légitimité. Ii nest pas le produit contradictoire de Ia colonisation et de Ia lutte a laquelle elle a
donné lieu, comme c'est le cas dans plusieurs pays du Tiers-Monde. Ii a au contraire une histoire
qui remonte a des siècles et dans laquelle ii puise sa légitimité et sa raison d'être. Son origine
historico-politique explique en grande partie son enracinement dans la réalité du pays. Sorti des
entrailles de La société marocaine a un moment de son histoire, ii se trouve dote dune légitimité
transhistoriquement inscrite dans les fondements de cette société et ancré dans l'imaginaire des
masses marocaines qui lui reconnaissent la capacité d'incamer l'unité de La communauté nationale
et d'user, en son nom, de certains symboles religieux (le Roi étant en même temps le
commandeur des croyants). Cette longue histoire a permis a l'Etat d'accumuler un capital de
savoir-faire et une somme de connaissances sur le champ social qui lui assurent une grande
efficacité dans la vie politique.

Cet acquis séculaire, la colonisation ne Pa pas altéré, mais au contraire renforcé. En effet, si le
processus colonial a fait s'effondrer l'ancien ordre social, ii n'a pas bloqué le passage historique
de Ia communauté a la société civile. Au contraire, il a créC les conditions de la naissance de
celle-ci par Ic développement de l'économie marchande et surtout la destruction des pouvoirs
centrifuges des tributs et des zaouIas. En transformant le centre en principal organisateur de Ia
société, La colonisation a réalisé un changement aux consequences aussi vastes que l'avènement
de 1'Etat-Nation en Europe. Par sa puissance technologique et militaire, ses moyens de
communication et dinformation et son administration, elle a pu faire de l'Etat Ic centre de tout
pouvoir et a même réussi a opérer uric integration nationale. Depuis, 1'Etat est partout; ii envahit
Pespace social et entend contrôler Ia reproduction de La société. A l'hégémonie idéologique et
a Ia légitimité traditionnelle, 1'Etat colonial a apporté les moyens technologiques et administratifs
nécessaires au renforcement institutionnel de l'Etat. Ainsi, celui-ci se trouve, a La veille de
l'indépendance, triplement favorisé par La prise du pouvoir par Ia tradition, Ia centralisation de
PEtat et Ia revendication nationale. L'indépendance va permettre a l'Etat d'accroItre son champ
d'intervention et d'étendre son activité a de nouveaux domaines. Ii ne reste pas confmé a la
menue monnaie sociale, mais devient le promoteur de l'économie et l'éveilleur de La société civile.

16
IL 2- LE NOUVFAU MAKHZEN:
Après une periode de transition (1956-1960) oü le pouvoir Ct Vopposition temporisaient en
attendant que le rapport de force s'infléchisse a l'avantage de l'un ou de la période 1960-
1972 va être celle de l'affrontement direct. Au terme de celui-ci, le Makhzen réussit a
reconquérir le pouvoir de contrôle et d'arbitrage qui lui assure l'hégemonie sur Ia société. Grace
a La reconstitution de ce relais traditionnel dans les campagnes, a La reanimation des solidarités
verticales dans le monde rural, a hi reactivation de l'ancienne politique des notables en yule et
a l'appropriation et La consolidation de l'appareil bureaucratique, le Makhzen a pu affaiblir le
mouvement national, l'isoler et liii imposer ses règles du jeu.

Sur le plan économique, les principes d'indépendance économique, de réforme et de changement


seront mis sous le boisseau. Le principe dattachement au libéralisme économique est aflirmé
avec vigueur et le plan 1960-1964, considéré comme l'expression de la volonté de changement,
sem abandonné au bout de six mois. L'option industrielle est reléguée au second plan et
I'agricultum est devenue le secteur prioritaire du développement. Cependant, on ne pane plus
de réforme agraire ou de limitation de la propriété. La politique pratiquée a l'égard du monde
rural consiste a calmer les revendications par Ia distribution des moyens de subsistance plutôt
engager les ruraux dans une politique de transformation.

a) Recoasdiulion des ielais d'encabenient

Pour contenir les situations conflictuelles et maintenir le monde rural dans un état de neutralité,
voire d'indifférence a l'égard des luttes politiques qui opposent la monarchie et les partis (Istiqial
et UNFP), le Makhzen va réactiver les mécanismes par lesquels l'administration coloniale obtenait
la soumission des individus et assurait Ia paix sociale. Ii va reconstituer les réseaux traditionnels
dominés par Pélite rurale et s'assurer le contrôle de l'administration. En provoquant une cassure
dans l'édifice social traditionnel sans achever sa reconstruction sur de nouvelles bases, le
Protectorat a donne naissance a une société fragmentée Ct incapable de dégager une classe
hégémonique. Dc ce fait, Ic Maroc indépendant va hériter dun tissu social øü les solidanités
verticales sont encore prédominantes et dans lequel aucune force n'est en mesure d'imposer son
contrôle aux autres et de servir de locomotive a la société.

Cette donnée sera appliquée par le Makhzen pour empêcher toute coalition horizontale et lul
substituer les solidanités verticales, cc que P. Pascon a appelé "l'heritage segmentaire".'° II s'agit
en Poccurrence de redonner vie aux structures de Fépoque précoloniale fondées sur des liens
ethniques et lignages mais en les soumettant an conlrôle des elites rurales du clientélisme et de
l'allégeance, le tout dominé par les notables qui assurent cohesion et paix sociale. Ces notables
s'appuient sur une assise économique (propriétés foncières, chepel, ressources hydrauliques) et
l'rtenance a certaines families (caldales, maraboutiques ou des chorfas) pour exercer une

'°P. PASCON, "Interrogations Autour de La Agraire." Questions Agraires no.2 in Bulletin Economique
et Socid dii 1977.

17
ascendance sur les ruraux, influer sur leur comportement et parler en leur nom. Car la
paysannerie, comme Pa remarqué P. Pascon, "ne s'exprime pas directement en tant que classe
sociale organisée, elle tolère que d'autres parlent pour elle, tout simplement parce qu'elle n'est pas
parvenue a l'identité politique")' En contre-partie de leur soutien et de leur contribution au
maintien de La paix sociale dans les campagnes, les notables vont obtenir du pouvoir central une
série de concessions et d'avantages.

Des 1960, le Maroc est promu dans le discours officiel comme pays a vocation essentiellement
agricole, et Ia politique en cette matiêre reposera désormais sur le principe proclamé a l'époque
par les três hauts responsables de l'Etat: "Enrichir le pauvre sans appauvrir le riche". En clair,
I'Etat n'entendait pas agir sur les structures agraires mais plutôt sur Ia maniCre de produire et sur
le niveau de la production. Les notions de réforme agraire, de changement des structures
foncières et autres termes qui évoquent les transformations sont bannis du langage officiel pour
ne laisser apparaItre que des notions plus rassurantes comme la réforme agricole, l'amélioration
de La production et autres arguments technico-economiques plus apaisants. Cette nouvelle
orientation n'était pas diflicile a adopter puisque la paysannerie, n'ayant joué qu'un role marginal
dans Ia lutte pour l'indépendance, n'a pas Pu s'imposer comme force politique au lendemain de
celle-ci. En consequence, ses intérêts ne s'imposaient pas comme prionté politique. Seule I'aile
progressiste du mouvement nationale en faisait un objectif a réaliser. Ainsi le status quo sera
maintenu et largement consacré par Ia tenue en Mars 1964 d'un Colloque Agricole dont l'objectif
était de determiner l'orientation a suivre, Ct oü la quasi-totalité des délégués venus a titre de
représentants appartenaient au groupe des grands propriétaires.'2

Cette orientation en faveur des propriétaires fonciers va trouver un prolongement dans le principe
du laisser-faire appliqué aux coloniales. Toute la période de 1956-1974 est caractérisée par la
liberté qui est laissée aussi bien aux Marocains qu'aux étrangers en matière de transactions. Cette
liberté qui était totale entre 1956 et 1963 va connaItre des limites composées par le Dahir de
Septembre 1963 qui soumettait a un contrôle les transactions sur les propriétés agricoles dont
l'une des parties prenantes était un étranger. Mais ce Dahir n'a eu qu'un effet limité. Comme
beaucoup de lois, ii a fonctionné a la manière d'une toile d'araignée, arrêtant les petits et laissant
passer les gros. Le contrôle a joué, certes, mais dans le sens dune selection des transactions au
bénéfice d'une clientele qu'on a voulu, comme par le passé, attacher au régime par des
gratifications fonciêres".'3 C'est ainsi que sur environ un million d'hectares de terres détenues
antérieurement par les colons, au titre de Ia colonisation officielle ou privée et censées alimenter
Ie fonds de la réforme agraire, on estime de 450,000 a soo,ooo hectares les superficies qui ont
fait l'objet de transactions directes colons-particuliers marocains (entre 1956 et 1974).

P. PASCON, ibid; p. 133.

2
CF. F. ZAIM et A. ZAKAR, "Politique Regionale et I..ocale au Maroc". These de 3ème Cycle IREP,
Université des Sciences Sociales de Grenoble.

D
A. CHIADMI, "Terre Ct Pouvoir au Maroc". In Le Monde Diplomatique, Avril 1974.

18
L'autre instrument utilisé pour poursuivre Ct accentuer cette orientation flit Ia politique
d'irrigation. Inaugurée par le Protectorat des 1938, la politique dirrigation va être reprise par
1'Etat du Maroc indépendant pour devenir La pierre angulaire de La politique agricole, au point oü
certains auteurs considèrent que "La politique agricole dite 'des barrages' ou 'du million
d'hectares")4 Cette politique, qui était au centre du plan 1968-72, était particulièrement
recommandée par les experts de la Banque Mondiale, qui ont conseillé au gouvemement de
concentrer ses investissements sur "les projets d'irrigation dans les regions les plus favoris&s et
au bénéfice des fermiers 'les plus avancés")5 W. D. Swearingen remarque qu'il "est important
de noter que le gouvemement marocain sélectif et que les reconimandations de Ia Mission de
la Banque Mondiale ne furent pas toutes aveuglément adoptées. Par exemple, La mission suggéra
que des. mesures soient prises pour récupérer auprês des grands propriétaires la 'manne
providentielle' resultant des mvestissements du gouvemement dans le secteur irrigué. Le
gouvemement marocain fit la sourde oreille a cette recommandation" •16

En s'assurant le contrôle de l'appareil d'Etat, en détruisant les pouvoirs centrifuges des tribus et
des zaouIas et en s'imposant aux zones de dissidence (zone siba), la colonisation a réalisé le but
tant recherché mais jamais atteint par les dynasties régnantes au Maroc: cclui de faire du pouvoir
le principal organisateur de la société. Dc cc fait, le Protectorat va léguer au Maroc indépendant
un appareil bureaucratique assez perfectionné, un système eflicace d'encadrement et de contrôle
de Ia population, le tout servi par une infrastmcture économique sans égale en Afrique et dans
le monde arabe. De ce point de vue, le contrôle de l'administration et de l'appareil bureaucratique
devient I'enjeu majeur des premieres années de l'indépendance. Cependant, jusqu'en 1960,
l'administration restait relativement neutre et les partis nationalistes continuaient d'exercer une
influence non négligeable sur Ic personnel en place. Tout se passait comme Si le système
politique marocain s'orientait vers un équilibre entre La monarchic et les partis politiques, cc qui
a, d'ailleurs, imprimé aux elections municipales et communales du 29 Mai 1960 une sincérité
jamais égalée par la suite.'7

En réalité, les parties n'avaient d'influence que sur Ic sommet. La base, c'est-à-dire les relais et
les intermédiaires capables d'enserrer la population, leur échappaient. Cette donnée facilita la
tâche du Makhzen, qui s'est employé a neutraliser les représentants du mouvement national et a
favoriser l'émergence des forces de substitution déjà coristituées. Le Makhzen a marginalisé les
partis politiques en agissant sur leur segmentation et leurs divergences. Profitant de La division
du mouvement national, ii a d'abord essayé de détacher l'aile conservatrice restée dans le parti
de l'Istiqlal de l'aile gauche, devenue Union Nationale des Forces Populaires (UNFP). Ensuite,

T. KI-IIARI, "Structures Agraires en Développement Economique au Maroc". These d'Etat des Sciences
Economiques, Faculté de Droit, Casablanca, 1985.

World Bank 1966, in W. D. SWEARJNGEN, op. cit p. 103.

16
w• D. SWEAR1NGEN, op. cit.

'7M. BRAHIMI, "Le Processus de Démocratisation an Maroc, les Elections Legislatives de 1977". Mémoire pour
Ic DESde Sciences Politiques, 1985.

19
ii est parvenu a isoler cette demière et a Fécarter de la participation a la gestion des affaires
publiques. Ii en est résulté une marginalisation des partis politiques toutes tendances confondues
et un renforcement de PEtat dont la manifestation la plus évidente est l'instauration de l'état
d'exception (1965) qui "constitue la forme juridique supreme de renforcement de l'appareil
étatique" •18

Dans un deuxième temps, l'Etat a dépolitisé le corps administratif. Cette dépolitisation a été
inaugurée par l'élimination des agents d'autorité locaux suspectés de sympathie a l'égard de partis
nationalistes. L'élaboration du statut des agents du Ministère de I'Intérieur est très significatif de
ce point de vue. Présentant le statut des agents d'autorité dans le cadre dun guide, les rédacteurs
qui ont veillé a l'élaboration de celui-ci ont Pu écrire: "Historiquement, au debut de
1'Indépendance, c'étaient les militants des partis politiques et des organisations de Ia résistance
qui étaient investis, en majorité, des fonctions d'autorité. Cependant, a partir de 1963 dans un
esprit de dépolitisation du corps, le Ministère de l'Intérieur, grace au pouvoir discrétionnaire qu'il
détient du fait de I'établissement de la liste d'aptitude pour le recrutement des cadres du Ministère
de l'Intérieur, peut éliminer toute personne ayant des attaches três marquees avec une organisation
poiitique".'9 Cest ainsi que l'administration locale Ct territoriale sera consacrée domaine réservé
du Makhzen et sera investie par des personnes qui lui sont dévouées (Chioukhs, Moqqadem,
Qalds).

b) Repiise de Ia politique des notables:

La presence de l'Etat dans l'économie traduit sa vocation a encadrer l'ensemble des segments de
Ia société et, par consequent, a presider au processus de formation et d'expansion des couches
sociales. Des les premieres années de l'indépendance, l'accès aux faveurs de l'Etat devient une
condition nécessaire pour réussir dans ies affaires et contribue a La consolidation de i'ernprise sur
l'économie,2° ce que les grandes families citadines ont vite compris puisqu'elles ont place, des le
lendemain de i'indépendance, certains de leurs membres ou des honimes de confiance aux postes
des de l'administration. Ccci leur fut facilité par leur formation et leur position sociale. En
effet, cette couche sociale dont I'ascension a commence au XIXè siècle par l'occupation des
rCseaux de commercialisation Ct le rapprochement du Makhzen, a largement bënéficié de Ia
politique d'instruction et d'éduction du protectorat qui, a travers cc que l'on a appelé les écoles
et les lycées de fils de notables, i'a dotee d'une formation la rendant plus apte a assumer la
fonction de gestion des services techniques et économiques de l'Etat. Des lors, n'est-il pas
étonnant de constater, pendant les premieres années dindépendance, l'occupation des créneaux
importants et le contrôle des postes économiques des de l'administration par les families
citadines. Cette tendance sera largement favorisée par l'Etat marocain, qui i'a rattachée a sa

18
Ibid.

Ibid.

20
A. M. MOUDDEN, "Maithusian Development and Political Weakness of Morocco's Industrial Bourgeoisie".
Ph.D. Dissertation (Political Science), University of Michigan, 1987.

20
stratégie de structuration de la société afin de se donner une large assise sociale. Dc ce fait, Ia
phase 1960-1970 sera caractérisée par l'affirmation de l'option libérale et l'abandon de toute
politique d'indépendance économique. Piusieurs declarations officielles illustreront ce choix.
C'est ainsi que le Ministre des Finances en 1967 déclarait: "I.e Maroc a choisi la voie du
libéralisme. Ii servira d'exemple dans cc domaine a i'Afrique toute entière." C'est dire
l'importance idéologico-politique accordée par le Makhzen A l'appui de la bourgeoisie
commerçante et des notables citadins. Tout an long de la décennie 1960-1970, la politique
économique de l'Etat sera inspirée par le libéralisme économique et orientée vers le
développement d'une industrie de substitution aux importations.

Des mesures d'ordre institutionnel ont été prises pour encourager ces families a s'enrichir et A
accumuler (protection tarifaire et contingentaire de l'industrie locale, subventions et facilités
fiscales, creation d'organismes d'intervention et de fmancement A bon marché dans le domaine
industriel, etc). En outre, l'Etat va leur ofihr un énorme débouché pour leurs produits. En effet,
le gonflement des dépenses de fonctionnement, le renouveilement des équipements, La relance de
Ia consommation des couches moyennes par la distribution des salaires de l'administration et du
secteur public, au sens large, font de l'Etat un énorme marché. On comprend, dans ces
conditions, pourquoi les liens privilégiés qu'entretiennent ces families avec le pouvoir politique
vont être particulièrement rentables pour celles-ci, puisqu'ils leur permettent "d'occuper une place
de choix dans Ia liste des fournisseurs auxquels s'adressent l'administration ou les entreprises".2'

Résultat de cette cituation, la bourgeoisie citadine se développera rapidement pendant cette


période durant laquelle l'investissement se réduira au rachat de quelques A leurs sociétés anciens
propriétaires, a La prise de participation dans les entreprises étrangères et a la creation de petites
unites de production dans Findustric légêre. Ii est donc assez clair que La politique économique
du Makhzen profitera A l'ensemble de La bourgeoisie citadine, notamment sa fraction
commercante, et cela a travers deux mesures au moms: la creation d'un cadre institutionnel
favorable a l'initiative privée et I'octroi de faveurs telles que licences d'importations, obtention
de credit sur une base préférentielle et attribution des marches publics. Ainsi, n'est-il pas
surprenant de relever a La fm des années 1960 un haut degré de concentration des capitaux
marocains. Cette concentration révèie une grande rentabilité de la fraction du capital invcsti et
flit A l'origine de la naissance des groupes economiques privés

En somme, soutien important pour l'Etat, les grandes families citadines se sont trouvées, des
l'origine, placée A des endroits privilégiés, points d'intersection de plusicurs intérêts:
famiiiallétatique, autonome/étranger, locallnational. Elles en tireront des bénéfices considérables.
Profitant de l'incertitude et du tâtonnement des premieres années de i'indépendance, de Ia main-
misc sur unc grande partie de l'appareii bureaucratique de l'Etat et de la complaisance de celui-ci
A leur egard, cues constitueront de véritables lobbies, substituant A l'ancienne assabiya tribale une
autre forme dassabiya plus adaptec A la situation du Maroc moderne, pour monopoliser et

21
S. SAADI, Les Groupes au Mroc. Editions Okad, Rabat, 1989; p. 185.

22
Ibid; p. 186.

21
centraliser l'information stratégique, s'accaperer des richesses, edifier des fortunes importantes,
prendre la place du capital

La décennie 1960-1970 se solde par la consolidation du pouvoir central. La confrontation qui


l'a oppose aux partis s'est soldée par l'affirmation de l'autorisation monarchique et le triomphe
des options conservatrices. Les choix faits au debut de l9ndépendance et qui mettent F accent sir
la reconquête des centres de decision, la réappropriation des secteurs des de l'économie Ct la
rupture avec les orientations de l'époque coloniale vont laisser place a des options liberates et,
en matière agricole, au modèle concu et inauguré par le protectorat. Ces choix ont, en outre, fait
du "fellah marocain le défenseur du trône,"24 et des families citadines traditionnelles des villes
Hadria (Fês, Rthat, Sale) ses supporteurs.

Cependant, cette décennie s'achève par la crise du modèle socio-économique mis en place au
cours de cette période. Le mode de développement a l'oeuvre depuis 1960 a eu pour
consequence La concentration de Ia propriété au niveau des campagnes, l'exode rural, une
urbanisation rapide et anarchique, et une démographie galopante. En outre, le développement des
disparités sociales et régionales (une consommation par tête des citadins de 2,3 fois plus élevée
que celle des ruraux alors elle ne l'était que de 1,7 fois) accentuèrent les clivages
sociaux et entamèrent la légitiniité politique du régime (tentatives des deux coups d'Etat dejuillet
1971 et aoüt 1972). Ainsi se trouve posée, pour l'Etat, l'importante question de savoir queue est
Ia politique appropriée pour reconstituer sa base sociale, concevoir et réaliser un nouveau pacte.

113- VOLONTARISME TACIIQUE CONSENSUS POLfflQUE

C'est donc tout naturellement par la correction de la trajectoire économique que 1'Etat va
s'efforcer cVatténuer les inëgalites et tenter une réinsertion dans la dynamique sociale d'ensemble,
dune part en élargissant le champ de soutien de l'Etat par l'extension du domaine des finances
publiques, d'autre part en organisant une participation plus collective. Au sein de l'espace socio-
Cconomique national seront alors mobilisées de nombreuses ressources pour constituer ce qui sera
Ic nouveau pacte social. Le discours des années 1960 sir la vocation agricole du pays va ceder
ta place a un autre discours mettant l'accent sir le role moteur de l'industrie. De fait, l'évolution
du rOle économique de l'Etat (incitations, interventions, participation) marque une progression
dans les nouveaux rapports. Le plan 1973-1977 constitue la traduction fidèle de ces orientations
nouvelles de Faction étatique. Rompant avec la croissance modérée qui prévalait jusqu'alors et
La prudence financière et monétaire qui l'accompagnait, le plan allait s'orienter vers une politique
économique plus dynamique et plus volontariste que le boom phosphatier favorisa. Au total, trois
grandes mesures vont constituer t'essentiel de Ia nouvelle strategic: la distribution des terres de
la colonisation; la marocanisation; l'expansion du secteur public.

23
Jbid; p. 186.

24
R. LEVEAU, "Le FeIIah Marocain, Défenseur du Trône". Presses de Ia FNSP, Paris.

22
a) La

La réforme agraire promise au debut de l'indépendance n'a pas connu de suite concrete pendant
Ia période 1960-1972. Elle a cependant fonctionné comme un instrument politique entre les
mains de l'Etat qui l'a utilisée tantôt pour les uns, comme une alternative toujours possible, tantôt
pour les autres, comme un moyen de dissuasion. Dans l'ensemble, elle est restée, pendant tout
cc temps, un projet d'avenir que l'Etat faisait miroiter au monde rural et a l'opposition pour les
ramener a "de meilleurs sentiments", et une épée de Damoclès suspendue sur la tête des
propriétaires fonciers pour obtenir leur soutien et leur allégeance. C'est cc qui explique pourquoi
les premieres mesures de récupération des terres de colons (septembre 1963) n'ont connu qu'une
distribution três limitée, voire symbolique. Autrement dit, "sans effets sociaux notables, sans
rentabilité économique sensible, sans intérêt politique, la distribution des terres dans le cadre de
la réforme agraire apparaIt symbolique et incantatoire: un geste sacrificiel opéré au mois de
septembre, qui permet de manifester une fois l'an la sollicitude a l'égard du petit peuple."25

Ii a fallu attendre la tentative de putsh militaire du 10 juillet 1971 pour voir s'accélérer la
distribution des terres, et l'attentat contre l'avion royal le 16 aoüt 1972 pour que le pouvoir decide
d'une distribution assez exceptionnelle des terres26 Ct de la promulgation du Dahir du 3 mars 1973
sur la récupération de la totalité des propriétés agricoles étrangeres. C'est ainsi que l'on a assisté
en 1972 a Ia distribution des terres portant sur environ 91,000 hectares, soit une superficie voisine
de celle de Ia totalité des terres distribuées de 1956 a cette date. De même, les lots distribués
durant cette décennie (qui correspond a la reorientation vers l'agro-industrie) ont représenté une
superficie de plus de six fois supérieure a celle des lots distribués auparavant. On estime a cet
égard que, durant la période 1973-77, les distributions ont porte sur 400,000 hectares en cinq ans,
soit dix fois plus que cc qui avait été distribué entre 1956 et 1970.27

Outre les contraintes de legitimation qui sont devenues imperatives après les évènements de 1971
et 1972, Ia distribution des terres participe de la misc en place du nouveau pacte social. A
travers cette operation, L'Etat vise a élargir son soutien dans les campagnes, a preserver l'équilibre
menace par l'afflux massif des ruraux en ville et les consequences qui peuvent en résulter. Cette
operation se trouve favorisée par l'évolution connue par le monde rural Iui-même. Deux
nouveaux facteurs au moms rendent cette politique possible: d'une part Ia concentration de Ia
propriété et le développement du salariat ont engendré la désorganisation des liens traditionnels
et ont réduit les bases sociales des elites rurales. Du fait de l'expansion de ses domaines fonciers,
Ic propriétaire perd Ic contact avec le douar, d'autant plus que cc grand propriétaire n'babite plus
la campagne et est devenu un agro-industriel exportateur vers l'étranger. LYautre part, l'Etat a
accru son emprise sur Ic système tribal. Ayant complètement dominé l'ensemble du système,

P. PASCON, "Le 1-Iaouz de Marrakech". CURS CNRS, Rabat, 1977; p. 577.

26
BOUDERBALA, "Aspects du Probléme Agraire au Maroc". In Bulletin Economique et Socid du Mcroc,
1974; P. -205.

27
BRAI-IIMI, op. cit; p. 56.

23
l'appareil étatique va substituer ses propres agents administratifs aux elites rurales.

b) La mamcanisalion:

La marocanisation décidée par le Dahir du 2 mars 1973 peut être considérée comme une mesure
fondamentale dans la défmition du nouveau pacte social. Elle vise a répondre aux attentes dune
bourgeoisie montante. Du fait de sa position dans l'appareil d'Etat ou de la proximité de celui-ci,
la bourgeoisie marocaine a acquis une rente de situation qui lui a permis d'accumuler des
richesses considérables et de parcourir rapidement la premiere phase d'accumulation. Au debut
de 1970, le capital privé marocain semble déjà assez structure. Ses pratiques de valorisation sont
relativement cohérentes, les positions monopolistes ou oligopolistes et les relations de domination
caractéristiques de son niveau de développement sont également mises en place, fonctionnent et
se reproduisent, malgré les faiblesses Ct Les aléas propres a une économie sous-développée. Cette
réalité enseigne q'une nouvelle dynamique devient nécessaire pour aboutir a une certaine
redistribution des pouvoirs économiques intemes et entre le capital étranger et le capital local
(surtout prive). II devient clair que la dynamique imprimée a l'accumulation privée ne peut se
reproduire et s'accélérer qu'en approfondissant la structuration passée qui est, au debut de La
décennie 1970, assez avancéc. C'est ce qui a amené les responsables politiques a préciser que
la marocanisation n'est ni nationalisation ni étatisation, mais qu'elle s'inscrit dans La droite lignée
des options fondamentales du Maroc qui a "choisi, aussitôt après son accession a l'indépendance,
La voie LibéraLe pour organiser son développement économique et social: la marocanisation sera
fidèle a l'esprit de continuité et ne remettra pas en cause les options libérales" choisies une fois
pour toutes.28

Ainsi se trouve posée la question de savoir a quoi correspond la marocanisation a cc stade de


l'CvoLution économique et sociale du Maroc. Bien que quelques arguments soient évoqués
(relance des investissements privés qui avaient considérablement baissé, poids des transferts de
devises vers L'extérieur), La marocanisation ne s'anaLyse pas en termes de politique économique
ou comme facteur de croissance. Elle est avant tout un theme politique. C'est aussi une
expression conftisionniste qui laisse croire a une dynamique nationale unitaire, alors qu'elle
suppose un processus de stratification sociale contrastée. Le capital privé s'appuiera sur l'appareil
de l'Etat pour asseoir sa position et redéfmir sa relation avec le capital étranger, donnant un
nouveau sens la dynamique association/substitution du capital marocain au capital étranger.
Cette nouveLle formule n'est pas forcément porteuse de contradictions entre intérêts dominants
nationaux et capital étranger puisqu'une grande partie de celui-ci obëit a une logique de rentabilité
davantage qu'à une stratégie d'intégration a Long terme et de maillage d'un tissu industriel. Elle
serait l'indice d'une étape dans les rapports entre capital étranger et marocain. Elle signifierait
pour ce demier Le debut de l'age de l'interdépendance dans lequel La bourgeoisie marocaine
tiendrait le role de partenaire vis a vis des intérêts étrangers. C'est cc que démontre S. Saadi en
fonction d'un échantillon de 102 entreprises industrielles oü la marocanisation a donné lieu dans
la majorité des cas (67 entreprises sur 102, représentant 50.5% des capitaux marocanisés) a une

28
Conference de presse du Premier Ministre, M. OSMAN, 14 mai 1973.

24
prise réelle des capitalistes marocains, surtout privés, sur le processus décisionnel dans
l'entreprise.29 Comme consequence, La marocanisation a engendré une concentration fjnancière
au profit de certaines families marocaines et d'une partie des hauts fonctionnaires et des
responsables de 1'Etat.

La marocanisation a favorisé Ia concentration des capitaux et a donné une impulsion a Ia


dynamique des groupes industriels. Avec l'application d'une politique d'encouragement concue
de façon a permettre une diversification des aides aux investissements, les groupes industriels et
les holdings vont se constituer Ct se renforcer. Il est intéressant de relever que les facilités de
credit instituées par l'Etat au profit des personnes physiques ne sont intervenues que pour une
faible part dans le volume des capitaux ayant servi a i'operation. Celie-ci devait porter sur un
total de 330 millions de dirhams; or le recours au credit ne s'est éievé qu'à 56 millions de
dirhams pour 577 demandes agréées, dont seulement 48,5 millions ont été débloqués, soit 14,7%
du total.3° Ceci est dü au fait que 71% des entreprises marocaines I'ont été par des personnes
morales. Il apparalt donc, a la Iumiêre de ces quelques chiffies, que La marocanisation s'est
traduite par la concentration. C'est cc que S. Saadi confirme dans son étude sur les groupes
financiers marocains lorsqu'il note que "la marocanisation de contrôle semble ëtre faite sur
l'initiative et au profit dune minorité de familles capitalistes marocaines, 36 environ, qui ont pris
le contrôle de 220 millions de dirhams environ, soit 64% des capitaux ayant subi la
marocanisation de conlrôle."3'

La deuxième couche bénéficiaire a consisté dans la frange haute de Ia bureaucratie administrative.


Celle-ci a profité de "l'ouverture des possibilités offertes a de nouvelles vocations pour qu'elles
puissent s'épanouir dans les secteurs qui leur étaient jusque-là fermés a cause de certaines
barrières d'ordre financier, technique, humain ou simplement corporatiste".32 Dc toute evidence,
I'attitude permissive de l'Etat avait amorcé un processus de capitalisation privée marocaine en
transformant La haute bureaucratie administrative en bourgeoisie d'Etat. Sa fonction de grand
commis d'un Etat dominant l'économie et contribuant directement ou indirectement a l'activité
économique Ia démarque nettement d'une simple bureaucratie exécutante et strictement
administrative. En tenant des postes de direction et de decision, au cours de ces dix-huit années
d'indépendance, cue a réussi a prospérer a I'ombre du pouvoir et dans le sillage de celui-ci. Dans
cc processus de gestation au scm de l'appareil d'Etat, cette couche qu'on peut appeler technico-
va s'imposer comme partie prenante au partage du pouvoir économique.

Ainsi, des ministres, hauts fonctionnaires, et dirigeants d'entreprises publiques ont tire profit de

29
SAADI, "Les Groupes Financiers au Maroc", op. cit.; p. 65.
30
A. FADIL et R. TAOUIL, "Le Passage a un Nouveau Mode d'Accumulation". These de 3è Cycle, Université
des Sciences Sociales de Grenoble, 1979; p. 108.

S. SAADI, op. cit.; p. 67.

ibid; p. 83.

25
la marocanisation pour s'implanter dans certains secteurs, consolider Ia position de leurs families
et se structurer en groupes économiques. C'est le cas notamment de la Société Nationale des
Produits Pétroliers, de Zellidja et de Lessieur.33 C'est en tant que composante de la nouvelle
alliance soutenant Ic pouvoir que cette couche sera conviée a faire partie des bénéficiaires de la
marocanisation. En résumé, on peut dire que le role de l'Etat paralt fondamental, ii contribue a
structurer Ia bourgeoisie marocaine, a créer un nouvel équiiibre en s'agrégeant de nouvelles
tendances. Ii acquiert un nouveau centre de gravité en mettant sous tutelle Ia grande bourgeoisie
et la techno-bureaucratie. De cette manière, le Makhzen semble réaliser au mieux ce pourquoi
ii existe, moms comme médiateur entre deux forces antagonistes, industriels étrangers et
entrepreneurs marocains, que comme lieu de constitution de classes sociales et d'instigateur de
nouvelles alliances. Son action s'inscrit dans la logique de consolidation de sa base sociale, de
La recherche dune plus grande cohesion des fractions qui Ia composent et du contrôie de
l'émergence spontanée dun milieu affairiste local.

c) Accmissement des inveslissemenis et expansion du secteur public:

La phase 1970-76 se caractérise par l'extension du secteur public et Faccélération du phénomène


de t'fihialisation". Le nombre d'entreprises publiques est passé de 156 a 230 entre 1969 et 1976,
soit une augmentation d'environ 47%, et la valeur des participations a été multipliée par deux,
passant de 12,361 milliers de dirhams a 251 123 594 milliers de dirhams.M Cette extension s'est
traduite par la presence de plus en plus importante du capital public dans pratiquement toutes les
branches d'activité. Elle s'expLique par trois raisons: les disponibilités en ressources fiscales suite
a l'accroissement du cours du phosphate et la volonté de l'Etat d'irnprimer un taux de croissance
élevé (7%) conduisent a faire du secteur public le fer de lance de cette politique; Ia logique du
système lui-même pousse a l'extension de la participation de l'Etat (j)ar les avantages qu'il procure
a ceux qui en profitent, par I'absence de responsabilité dans la gestion et la protection de toute
sanction assure, ii incite a l'extension); finalement, la nécessité de renforcer le capital prive
et de le consolider.

114- DEBUT DES ANNEES 80: REMISE EN CAUSE DV ROLE DE

La fin des années 1970 et le debut des années 1980 ont donné lieu a une remise en cause radicale
du role de l'Etat en tant qu'acteur économie. Après tant d'années oü PEtat avait pour mission et,
disait-on, pour devoir, de conduire Ic développement, d'organiser Vactivité économique, de réduire
les incertitudes et les aléas de la conjoncture, de pallier les imperfections du marché et de
corriger les injustices sociales, on parle dun Etat malade de son hypertrophie, de sa bureaucratic,
de son irresponsabilité économique et fmancière, de son formalisme juridique excessif, etc.

En effet, bien qu'ayant opté pour une economic de marché des le debut des années 1960, PEtat

N. BALAFREJ, "Le Secteur Public dans I'Economie Marocaine et son Role dans le Développement". These
de Doctorat en Sciences Economiques, Rabat, 1987.

A. MIDAOUI, Secteur Public et Développement Economique. Editions Afrique Orient, 1981.

26
marocain est resté onmiprésent dans la vie economique. Outre ses prerogatives classiques
(prélèvement de Fimpôt, mise en place d'infrastructures, emission et gestion de la monnaie), l'Etat
joue le role de premier entrepreneur du pays, de premier eniployeur et de premier banquier. En
somme, l'Etat couvre, par l'étendue de son intervention,, pratiquement tout l'espace economique.
Ii n'est pas un "Etat modeste" comme l'aurait exigé La logique libérale, mais ii assure, par sa
presence effective, la regulation de la société. 11 faut dire que l'indigence du capital privé au
cours des deux premieres décennies de l'indépendance Ct l'étiolement des structures sociales
expliquent pourquoi, dans son ensemble, la société est restée "collée" a l'Etat. Pour les uns -
notables, politiciens, bureaucrates - l'Etat est une "vache a traire", ii faut lui soutirer des richesses
a accumuler (exemptions de toutes sortes, protection douanière, fraude fiscale, etc.), tandis que
pour dautres - l'immense majorité de la population - c'est la "mere nourricière" qui doit veiller
a ce que les biens de subsistance demeurent A la portée de larges couches de Ia population et
surtout des plus démunis (nécessité de contrOle des prix, subventions des produits alimentaires
de base, soutien des paysans pendant les années de sécheresse, etc.).

En consequence, la dynamique économique est souvent refoulée au second plan pour ne laisser
jouer que les considerations politiques. Pour preserver son autonomie et assurer sa reproduction,
l'Etat a ramené sous sa tutelle toute activité économique touchant des secteurs dans lesquels ii
entend conserver 1' initiative. Ce comportement soumet le secteur public a sa stratégie du
maintien du système politique en place. Celui-ci confère A son action un contenu qui transcende
I'économie et qui surdétermine le politique. Par cette logique, ii soumet l'activité du secteur
public a des règles qui ne puisent leur origine ni dans le marché ni dans le système des prix. On
ne raisonne pas en termes de maximisation ou d'optimisation du produit. La pérennité du
Makhzen elle-même crée un horizon temporel qui n'est pas celui de l'optimisation ou de la
maximisation. Ce que l'on peut constater, c'est que le Makhzen gêre l'économie a travers une
logique néo-patrimoniale, en ce sens que la fmalité ici n'est pas seulement d'accroItre le capital
mais surtout de transmettre le patrimoine. Par consequent, il faut trouver des soutiens
clientélistes, distribuer des privileges, ménager des intérêts, créer des situations de rente qui
engendrent distorsions et déséquilibres. Dans ce cadre, le secteur public est percu comme un
outil mobilisable pour structurer et restructurer l'économie du pays en fonction des contradictions
du moment et des pressions économiques d'ordre d'instituer de nouveaux rapports conformes a
l'organisation modeme de l'activité économique et de normaliser ces rapports par l'intégration de
nouvelles classes en constitution (technocratie par exemple).

L'entreprise publique se charge des sa naissance de la promotion et de l'intégration de cette


nouvelle couche sociale, mettant A sa disposition des avantages matériels de telle sorte qu'elle
sera, en majorité, vite acquise a la cause du Makhzen. Outre les moyens économiques (salaires
élevés, logements, véhicules, serviteurs, etc.), elle disposera du pouvoir administratif, denrée qui
se monnaye facilement dans un pays comme le Maroc. Par exemple, en matière de salaire, il
s'avère que ce sont les directeurs des entreprises mixtes et entreprises publiques qui sont les
mieux payés. Dans une étude faite par B. Hamdouch et raportée par Y. Slaoui, on constate que
les entreprises oü l'Etat est present sont celles qui distribuent les plus hautes rémunérations A la
catégorie directeurs. Ainsi, un directeur dans une entreprise mixte touche 50% de plus qu'un
directeur dans une entreprise marocaine; un directeur d'entreprise publique touche 15% de plus

27
qu'un directeur d'entreprise mixte; et un directeur d'entreprise semi-publique touche 5% de plus
qu'un directeur cVentreprise mixte.

Par ailleurs, les entreprises publiques se trouvent soumises a des fonctions diverses de Ia part de
ces technochrates. De nombreuses rentes proviennent d'innombrables prélêvements au moyens
de: détoumement de fonds (perception de commissions lors de négociations daccords avec les
entreprises privées nationales ou etrangeres); rémunérations et transferts dépassant la moyenne;
pouvoir politique et économique de ces entreprises qui vont jusqu'à constituer des Etats dans
l'Etat; et prélèvements sur la production. Ainsi, quoique n'ayant pas la priorité du capital public,
ces technocrates constituent de véritables féodalités. Leur nomination a Ia tête d'entreprises
s'apparente souvent a Ia distribution de fiefs. Par ailleurs, us contrôlent effectivement le capital
étatique et l'utilisent a leur gre.

Cependant, cette couche reste largement tributaire de l'Etat. Bien qu'elle ait une conscience aigue
de ses intéréts professionnels et tout en étant farouchement attachée aux privileges dont ellejouit
a Ia tête du secteur public, elle n'atteint pas lthomogenéite dun groupe social qui pourrait
s'autonomiser par rapport au Makhzen. Sa dependance vis a vis de l'Etat est totale. Non
seulement ces directeurs sont directement nommés et révoqués par Dahir, mais leur nomination
elIe-même n'est pas seulement le fait de leur competence, mais dabord et fondamentalement, de
leur allégeance. Leur durée a Ia tête de Fentreprise publique est fonction du soutien qu'ils
disposent au sein du pouvoir. Ainsi, creation de FEtat, ces technocrates sont complètement
dépendants de celui-ci; leur existence en tant que groupe autonome est inconcevable dans le
contexte actuel. En leur permettant dasseoir des positions de rentes, de propager Ia corruption
et la facilité des gains, le Makhzen les tient.

28
CONCLUSION

En résumé, l'intervention du Makhzen dans la sphere économique par la mediation du secteur


public lui a permis d'instituer des rapports conformes a l'organisation moderne de l'activité
économique et de normaliser ces rapports par l'intégration des nouvelles classes en
constitution. Si La logique néo-patrimoniale qui preside aux relations entre le secteur public et
I'Etat handicape son rendement et affaiblit son efficience économique, elle lui assure par contre
une efficacité politique en limitant l'autonomie de La société civile et en assujetissant son elite
économique, De ce point de vue, toute analyse qui se fait exciusivement en termes de rentabilité
(coüt, prix, etc.) s'inscrit dans une vision économiste et délaisse tous les autres aspects qui font
du Makhzen une réalité étatique originale. Or, justement, l'un des enjeux décisifs du contrôle de
La reproduction sociale est l'institution de La norme néo-patrimoniaLe sous la forme dun
comportement économique. La question qui se posait était la suivante: comment pouvait-il
s'accomoder de la politique d'ajustement structurel, qui repose fondamentalement sur la
désétatisation? Pour Ic FMI, l'origine des distorsions et des déséquilibres observes au Maroc
(comme dans la plupart des pays en voie de développement) est a rechercher dans les différentes
interventions qui empêchent les mécanismes du marché de fonctionner et qui ne permettent pas
aux prix relatifs d'être le reflet de l'activité économique.

L'argument souvent avancé par les experts internationaux est que, pour accroItre Ia compétitivité
de l'économie et assurer sa croissance, ii faut La débarrasser de certaines entraves dont La
principale est Liée "aux interventions peu judicieuses de l'Etat". Un Etat omnipresent est aussi
impotent car ii ne sait qu'ordonner a partir de principes abstraits et de vue générales. Sous cet
angle, l'action de l'Etat est considérée comme déséquilibrante par excellence. La strategic a
suivre est claire: c'est donc bien l'effacement de l'Etat, en tant qu'opérateur déséquilibrant et
inefficace, qui permettra aux mécanismes auto-équilibrants de s'instaurer (et aux forces sociales
"brimées jusque-Là d'opérer sur le mode liberal" préconisé). Que peut-on dire de cette stratégie
et de son application au cas marocain?

29
1ROISIEME PARTIE: AJUSTEMENT ET CHANGEMENT POIIIIQUE AU MAROC

La décennie qui vient de s'écouler a connu de profonds changements en matière économique.


Les réformes structurelles qui sont a la base de cette metamorphose, par les transformations
qu'elles provoquèrent dans le système productif, les nouveautés qu'elles introduisirent dans
l'organisation économique Ct par les consequences qu'elles entraInèrent sur le tissu social,
apparaissent aujourd'hui comme les signes évidents des transformations accomplies.

Au cours de cette période, la situation fmancière s'est améliorée, permettant au Maroc de sortir
du processus de réechelonnement de la dette Ct d'accéder a nouveau aux marches fmanciers
intemationaux. Les grands équilibres macro-économiques se sont maintenus et des réformes
importantes (réformes commerciales, fiscales, fmancières, privatisation) ont été réalisées. Par
ailleurs, l'économie et la société ont connu de profondes transformations: la découverte du marché
et le jeu de Ia concurrence, I'émergence de la société civile, le debut de l'Etat de droit, la
décentralisation inteme et l'ouverture exteme sont autant de toumants significatifs par rapport a
la situation antérieure.

En toile de fond de ces evolutions concretes s'observe une modification diffuse du rapport de la
société au politique. L'explication de ses phénomènes fait généralement intervenir des tendances
socio-économiques aussi diverses que la croissance économique, La constitution d'une classe
moyenne urbaine, la montée de nouvelles forces politiques, la participation de plus en plus grande
des femmes a la vie active, La concentration des fortunes et le développement de l'exclusion,
l'émergence dune "race" de managers rompus aux echniques de gestion des plus avancées et la
persistance du chomage des jeunes. Toute une société semble être aisie par un élan de
changement qui touche non seulement les comportements des principaux acteurs économiques
mais également des perceptions de La vie sociale et politique.

Cette lame de fond qui traverse La société marocaine commence a rejaillir en surface. Ainsi, les
transformations économiques rendent imperatives les réformes politiques en profondeur. Une
société civile exigeante revendique l'émanticipation de la tutelle d'un Etat omnipresent et cherche
a se prendre en charge. C'est dans cc cadre que surgit une série de questions qui s'articulent
toutes autour d'une question centrale: comment assurer La réforme dtun Etat maître de l'évolution
Cconomique et sociale avec les exigences d'une économie de marchéjouissant de garanties contre
toute intervention et une société civile qui aspire a l'émancipation et a l'autonomie?

ilL 1- [ES DETERMINANTS DU CHANGEMENT:


Le programme d'ajustement structurel, qui est La base des transformations par les réformes
auxquelles ii a donné lieu, les changements qu'il a introduits et la rationalité qu'il véhicule a mis
le Maroc en presence de deux logiques apparemment exciusives l'une de l'autre: une logique
makhzénienne basée en grande partie sur une allocation administrative des ressources et un
pouvoir discrétionnaire, et une logique libérale fondéc sur une allocation via le marché et un
pouvoir démocratique.

30
Ju.squ'en 1983, on peut dire que l'économie marocaine a fonctionné selon une logique
néomercantiliste qui consistait a contrôler a la fois les échanges extemes par le marché et le
commerce et qui assurait monopoles et privileges aux défenseurs du régime.35 La rapide montée
de la dette extérieure et les déséquilibres financiers et commerciaux ont affaibli le pouvoir
distributif Ct limité le pouvoir dintervention de l'Etat. L'économie n'est plus en mesure de
soutenir un niveau d'accumulation élevé Ct l'Etat n'a plus les ressources suffisantes pour maintenir
son emprise sur la société. L'ampleur de Ia dette, le volume du deficit budgétaire et le
tarissement des sources de financement - inteme d'abord, extemes ensuite - plus
de choix. Des 1978, les autorités entreprirent une revision des orientations engagées pendant les
années du boom phosphatier Ct décrétèrent un plan de "pause-réflexion". L'objectif était de
refroidir la machine économique en essayant de réduire les déséquilibres et, dans le même temps,
de mettre au point une nouvelle stratégie. C'était la politique du stop-go. Mais les résultats peu
encourageants du premier plan d'austérité 1978-80 et surtout la progression rapide de la dette ne
permettaient plus un nouveau démarrage. Nayant plus les moyens d'honorer ses engagements,
le Maroc sera déclaré insolvable pour les banques commerciales, et le Fonds Monétaire
International sera appelé a son chevet.

Ii devenait impératif de changer de politique. Le débat des annécs 1960-1970 (faut-il accorder
La pnorité a un développement introverti ou s'ouvrir au marché mondial et promouvoir les
exportations) n'est plus de mise. Le modèle d'import-substitution reposant sur la demande
inteme, pour lequel le Maroc avait opté depuis le debut des années 60, se bloque sur l'incapacité
de l'économie a générer les moyens financiers nécessaires a sa réalisation. L'abandon de cc
modèle et l'orientation vers la promotion des exportations apparaIt comme une nécessité. Lc
changement d'itinéraire ne procède pas d'un choix délibéré mais d'une contrainte imposée par la
conjoncture économique. L'objectif est bien de s'adapter a une situation de fait, en l'absence de
toute marge de manoeuvre. Ce changement va mettre un terme au pacte social fondé sur le
modèle d'import substitution.

La règle du jeu implicite de la décennie précédente, selon laquelle un Etat interventionniste


garantissant par ses dépenses un taux de croissance satisfaisant, une politique clientéliste assez
généreuse, ne pouvait plus être opérante dans la décennie de la crise (1980-1990). L'économie
n'était plus en mesure de soutenir le niveau de dépenses et de continuer Ia politique économique
et sociale de La décennie précédente. La strategic suivie au cours des années 70 a conduit a
l'endettement croissant et a entamé l'assise fmancière de l'Etat et sa capacité distributive. La
tentative de rationalisation devient imperative. La dramatisation de Ia crise 1983, la misc en scene
réussie de Ia contrainte extérieure, la fermeté face aux revendications sociales, le debut de rigueur
impose aux entreprises, autant de signes émis en direction de la communauté fmancière dont La
tutelle devient ineluctable. En somme, il s'agit de changer de cap, c'est-à-dire de restreindre le
role de l'Etat, de libéraliser l'économie et de l'ouvrir sur le marché mondial.

Ce changement de politique va mettre tin terme a cc que J. Waterbury appelle le pacte social

Cf. Jeffrey A. COUPE, and the Market: Morocco's Adjustment to the Debt Crisis: 1980-
Present". Dissertation Proposal, October 1993.

31
fondé sur le modèle d'import-substitution et qui consiste en une économie fermëe, une monnaie
surévaluée et une politique sociale relativement généreuse (sante gratuite, enseignement
généralisé, subvention des produits de consommation de base, etc.). En bref, 1'Etat plus les
moyens de s'assurer le contrôle de la société. L'ameublernent de ses ressources affaibli son
efficacité sociale et atténue son pouvoir prédateur.

1112- IA MANIERE DE GERER LE CHANGEMENT:


En devenant l'opérateur de la mise en oeuvre d'une rationalité fondée sur le marché et la
recherche du profit, sur l'ouverture a l'économie mondiale et le jeu de la concurrence, l'Etat
marocain déclenche une dynamique qui pourrait l'amener a remettre en cause son fondement.
Se pose alors la question de savoir comment le Makhzen réussirait a concilier la logique
economique et la logique politique.

a) Concilier logique économique et logique polilique:

En acceptant d'assumer le PAS, déviter toute application rigide des recommandations des
institutions financières intemationales et de dénoncer la vision étriquée du FMI, le gouvemement
s'est accordé une flexibilité stratégique dans la misc en application du PAS. Ce pragmatisme
permet a PEtat de différer certaines mesures dans le temps ou de les revoir a la lumiêre des
données nouvelles. Par exemple, chaque fois que des mesures de stabilisation se heurtent a une
forte opposition, le gouvemement recule momentanément. En automne 1985, Ia hausse des prix
des produits de base accroIt de nouveau les tensions. Le Roi prononce un discours en octobre
sur le theme "oui a l'austérité, non a la paupérisation".

Sans donc tourner le dos aux exigences de la rigueur économique et tout en mettant en
application les mesures d'austérité, les autorités s'emploient a en contrôler les effets négatifs sur
Ia population. Dans cet esprit, l'Etat s'engage dans la réalisation du PAS, mais se tient prêt a
endiguer les consequences de celui-ci sur la cohesion sociale. En clair, les autorités ont veillé
a concilier logique économique et logique politique dans la gestion du PAS. Cette démarche n'a
pas été un échec; die a permis dadoucir les effets de la stabilisation, et cela de deux manières:

Se déchaiger de lafonction régulattice mIis' ganler celle dii contn3le:

L'un des facteurs qui a contribué a atténuer la rigueur du PAS et a assurer a 1'Etat une relative
paix sociale est le dynamisme du secteur informel. Promu dans le discours politique moteur de
Ia croissance, il est perçu comme solution a la crise et pare de vertus positives pour le
developpement du pays. Ce discours est corroboré par les faits puisqu'il repose sur des données
concretes. En effet, I'enquête nationale sur les entreprises non structurées localisées montre que,
sur les unites créées depuis l'indépendance, 71% Font été aprês 1973, prês de la moitié depuis
1979, mais c'est surtout depuis 1983 que la tendance s'accélère (31% des unites créées). I! s'agit,
pour I'essent jet, de micro-unites (celles qui n'occupent pas de deux personnes) qui représentent
77.3% des entreprises. C'est dans les activités de commerce que la proportion est la plus
significative (89.2%) mais aussi dans les services et, dans une moindre mesure, dans Findustrie.

32
Ce sont les micro-unites commerciales les moms capitalistiques, ni compétences ni
capita! dinstallation.36 En outre, ces unites se sont développees en dehors de l'intervention de
l'Etat et parfois a l'extérieur même des regles et des lois édictées par la puissance publique. En
défmitive, l'Etat a laissé se développer cc secteur parce qu'il y trouve une solution provisoire aux
difficultés de l'ajustement: chômage, arrêt des recrutements et baisse des investissements publics.

Cependant, si l'Etat n'intervient pas directement dans la creation et le développement du secteur


informe!, c'est parce qu'il permet a court terme d'atténuer l'impact négatifdu PAS sur la cohesion
sociale. Par leur fonction de regulation et de redistribution, les activités inlormelles peuvent
assurer un certain équi!ibre en termes d'emploi et revenus. Par ailleurs, ces activités ne se
réalisent pas contre le pouvoir de l'Etat, elles ne le remettent pas en cause, mais elles libèrent
cc demier de certaines fonctions de regulation37 tout en gardant Ic contrôle. C'est cc qui a amené
J. Charmes a dire que "Ic secteur informel n'est pas le veritable enjeu de !'intervention de 1'Etat
mais plutôt Un prétexte visant a permettre sa reproduction".

Elaigir ía base sociale par ía pivmotion de nouveííes couches sociales:

Dans sa défmition du but de la privatisation,, Ic Roi precise: "Le but poursuivi a travers
l'opération projetéc est de donner leurs chances a des hommes nouveaux, de leur ouvrir la porte
des responsabilités, des chances et des risques, de réunir les conditions propiecs aux travailleurs,
aux épargnants et aux entrepreneurs pour bénéficier dc leurs parts du développement économique
dont us sont les artisans L'insistance misc sur la promotion des hommes nouveaux relève
du souci des responsables politiques dc tenir compte de I'évolution économique ct sociale du pays
et d'éviter les déséquilibres qui risquent d'ébranler l'édificc social. Dans cette optique, Ia
redistribution de Ia puissance économique en faveur de la classe moyenne, au scm de laquelle
se recrutent les tcchnocrates et les managers, semble tout a fait indiquée du fait que cette classe
est disponible pour remplir diverses fonctions qui découlent du fonctionnellement et de la gestion
des entreprises privatisées. Cette orientation rccevrait, par ailleurs, le soutien et Ic concours de
certaines organisations politiques, qui retrouveraient dans sa misc en oeuvre une raison de
participcr au jeu politique actuel et de reconquérir une part de Pinitiative qu'elles avaient perdue
depuis longtemps.39

Dc cette manière, la privatisation et la réorganisation qui est egalement a l'ordre du jour visent
a permcttre aux elites locales de faire prévaloir certaines de leurs pretentious au leadership, et

36
R. Mejjati ALAMI, 'Dynamiques des Activités Informelles an Maroc: Mode de Développement, Rationalités
et Rdseaux (Le Cas de ia Petite Confection a Fès)".

J. CHARMES, "Le Secteur Informel, Nouvel Enjeu des Politiques de Développement7'. In L 'Homme et Ia
Socjété. Quel Désordre Mondial? no. 3-4 (1992).

38
MAGHREB Selection no. 552 du 19 avril 1989.

Remy LEVEAU, "Stabilité du Pouvoir Monarchique et Financement de Ia Détte".

33
a PEtat de reconstituer de nouvelles structures d'encadrement de la société civile. "Nous
pourrons," dit le Roi, "decider que certaines entreprises privatisées seront en priorité réservées
a des personnes appartenant a Ia region øü se trouve le siege de l'entreprise ou de leurs fihiales.
De cette façon, l'activité régionale se trouvera vivifiée et les habitants de Ia region pourront, par
l'emploi, par l'accês aux biens et services produits par l'entreprise, nouer plus fortement les liens
de solidarité régionale. Ainsi la region, au-delã de son existence administrative, accroItra la
dimension économique qui lui est nécessaire

La privatisation est susceptible de conférer a l'Etat une base de soutien conforme a ses propres
besoins. En défmitive, l'Etat n'a pas d'objectifs antagonistes a celui de l'Etat liberal, a condition,
bien sUr, que cc demier ne bouleverse pas les formes de reproduction du premier. Si l'Etat se
réclame du libéralisme, ii est, par ailleurs, peu décidé a mettre un terme a son action en tant que
régulateur de la vie sociale.

b) Limiter I'autonomie de la société civile:

En acceptant dassumer le projet économique, de faire coIncider le discours politique avec les
pratiques étatiques, l'Etat s'est donné les moyens de contrôler les activités économiques et les
relations sociales. Dans cette perspective, les contre-pouvoirs (partis, syndicats, etc.) ne sont pas
détruits, et le multipartisme est accepté. Cependant, les règles du jeu politique sont confinées
a un espace délimité et défini, de manière a cc que ces "contre-pouvoirs" ne constituent pas des
cadres oü viendraient se loger des expressions politiques qui concurrenceraient 1'Etat. Pour y
arriver, La méthode consiste a:

Neitmliser Ia dasse nwyenne:

Si l'Etat marocain a relativement réussi a traverser les zones de turbulence sans trop de dégats,
c'est parce qu'il a su atténuer les rigueurs de l'austérité par une politique sociale assez selective
qui lui a permis de ménager les populations rurales par la defiscalisation de l'agriculture, mais
de faire supporter a la population urbaine le poids de I'ajustement. C'est ainsi qu'il a été procédé
au gel quasi-systématique des salaires (entre 1983 et 1987), la reduction substantielle des
recrutements, qui ont été limités dans l'administration 1,000 contre une moyenne annuelle de
40,000 a 50,000 avant 1983, a Ia diminution des dépenses d'enseignement public par l'instauration
de critères plus sélectifs pour l'octroi de bourses et la limitation des recrutements. Par ailleurs,
les salaires reels dans le secteur privé comme dans l'administration ont nettement baissé, le
chomage a fortement augmentC en 1983 et 1984, en plus d'une augmentation considerable de
l'impôt direct sur les revenus pour les salaires. Par contre, les revenus moyens agricoles ont
progressé, notamment en 1986, et Pimpôt direct sur les revenus agricoles supprimé jusqu'en 2000.

Cette politique qui fait supporter l'essentiel du fardeau de l'austérité a une frange importante de
Ia population urbaine, s'est accompagnée d'un encadrement très serré de ces populations par la


S. M. Le Rol Hassan 11 in "Maghreb Selection", op. cit.

34
creation de nouvelles prefectures, par une politique qui fait altemer le baton et la carotte oi), tout
en pratiquant une certaine ouverture sur les partis d'opposition, on n'hésite pas a recourir a une
repression dissuasive visant a décourager toute vélléité de contestation ou de soulèvement.

Réduire I'opposition a Ia defensive:

Une autre raison du succès du gouvernement dans La gestion du PAS au Maroc c'est l'incapacité
de ses détracteurs a proposer une alternative réaliste. L'opposition marocaine, qui a unanimement
rejeté cc programme en tant que diktat du FMI, s'est limitée a une idéologie populiste campant
sur le terrain du social. Ce comportement l'a condamnée a une position defensive, subissant les
événements plus que n'agissant sur eux. Certes, le role des syndicats dans l'organisation des
greves générales de 1981 et 1990 ne fut pas négligeable, mais dans Pensemble, l'opposition n'a
pas réussi a resister efficacement au PAS. Pour avoir oublié que dans une économie modeme
Ic couple social-économique est indissociable, ne peut divorcer sans consequences
désastreuses, l'opposition s'est privée d'un discours credible.

les solidarités com,nunaitaires:

Le fait que le Maroc, comme la plupart des pays en voie de développement, chevauche, sur le
plan économique, des périodes historiques différentes et lointaines explique que Ia société
marocaine soit aujourd'hui une mosaique de systèmes productifs allant La petite production
marchande agricole et artisanale aux diverses formes de transition vers Péconomie modeme
(industrie). Ces structures économiques engendrent une juxtaposition de structures sociales. On
y trouve celle de La société originate qui ne sont pas gommées pour autant et qui résistent, et
celles de La nouvelle socialisation en cours. Bien que l'industrialisation et Purbanisation
distendent les liens de parente, La société est encore a forte pregnance holiste. Les relations de
type communautaire continuent a avoir une très forte emprise sur une très grande partie de la
population oü l'appartenance ne s'opere pas clairement par le bas. Cette dualite des structures
entraIne une double relation d'inscription des individus, a La fois comme elements dune
communauté imprégnée par des valeurs traditionnelles (cVentraide et de solidarité) et comme
individus "libres" et "rationnels".

En consequence, La logique communautaire atténue La rigueur économique. Les sotidarités


familiales et parentales fonctionnent encore de manière efficace. Elles assurent Ia survie des
individus marginalisés, particulièrement dans les campagnes et les bidonviltes oü La population
d'origine rurale récemment urbanisée est nombreuse. Dc ce point de vue, ces solidarités
constituent des amortisseurs sociaux particulièrement efficaces en période dc crise.

Ia dupouvoin

Uoriginalité de l'Etat marocain, appartenant a La fois a la tradition (le Makhzen) et a La modemité


(l'Etat-Nation), a donné lieu a une duatité du pouvoir øü les tãches sont réparties entre la gestion
des hommes confiée a Ia premiere structure et Ia gestion des choses revenant a Ia seconde. Cette
dernière sert de paratonnerre a Ia premiere. En effet, chaque fois qu'une decision économique

35
risque de provoquer des tensions, voire des reaction violentes (émeutes 1981, 1984, 1990), la
structure traditionnelle temporise et affiche un discours en direction des pauvres, donnant "plus
de publicité possible aux mesures prises en leur faveur." Ainsi, en janvier-février 1984, le Roi,
aprês avoir déclaré qu'il n'y aurait aucune hausse des prix pour les produits de base, annonce la
destruction des bidonvilles de Casablanca Ct la construction de logements a caractère populaire
pour r&luire les disparités en matière d'habitat. De même, on finance un programme de dix
millions de joumées de travail.

Ce comportement se veut conforme a l'idée que La grande partie de Ia population se fait du role
du Makhzen sur le plan économique. Pour elle, l'activité économique suppose un fondement
moral dont le Makhzen est le garant. Les révoltes contre l'augmentation des prix des denrées
alimentaires et ce qu'on appelle les émeutes de la faim apparaissent comme des appels aux
autorités pour qu'elles accomplissent leur devoir, c'est-à-dire pour qu'elles assurent
l'approvisionnement du marché a un pnx déterminé par la loi (nécessité de Ia reglementation) et
non pas par le jeu de l'offre et de la demande. C'est ce qui a contraint l'Etat a nommer des
Mahtassib (conformément a I'organisation séculaire du Maroc précolonial) dans les différentes
villes pour garantir Ia "moralité" de l'activité économique. C'est ce qui amène le gouvemement
marocain a tergiverser avec le FMI pour éviter la suppression des subventions des produits
alimentaires de base.

En acceptant d'assumer le projet économique, de faire coIncider le discours politique avec les
pratiques étatiques, 1'Etat s'est donné les moyens de contrôler les activités économiques et les
relations sociales. Dans cette perspective, les contre-pouvoirs (J)artis, syndicats, etc.) ne sont pas
détruits et le multipartisme est accepté. Cependant, les regles du jeu politique sont confinées a
un espace délimité et défini. Cependant, ce jeu politique, qui jusqu'à present est resté limité aux
elites et aux notables se déployant dans un champ politique désamorcé, n'est plus de mise. Le
rythme de plus en plus rapide des transformations économiques et sociales marque de frequentes
discontinuités susceptibles de donner lieu a de nouvelles structures et pratiques politiques. Alors
que l'évolution économique a permis l'emergence de nouvelles forces economiques, que le capital
privé se montre plus actif et plus entreprenant, que Ia société civile manifeste plus de dynamisme
Ct d'énergie, La question qui est a l'ordre dujour est celle du libéralisme politique. C'est en optant
pour l'économie de marché que se constituent, en même temps, les bases économiques de la
modernité. Des lors, Ia stratégie qui est utilisée et qui s'est avérée efficace - creation de relais,
récupération des pouvoirs qui emergent a Ia base, mobilisation par en haut, développement d'une
culture clientéliste - est devenue insuffisante.

La généralisation du clientélisme d'Etat débouche, inéluctablement, dans un contexte de pénurie


des ressources, comme c'est le cas du Maroc, sur une surcharge des demandes et une crise de
légitimité de l'Etat (le développement de l'exclusion des jeunes peut constituer le terreau d'une
contestation radicale et violente). D'autre part, Ia presence dune classe moyenne en pleine
expansion ne peut s'accommoder d'un jeu politique limité aux notables et aux elites dociles.
Enfin, l'ouverture au marché mondial et la libéralisation économique engagées par le
gouvemement depuis plus de dix ans donnent lieu a des comportements et a des pratiques d'un
type nouveau, oü la competence devient Ia valeur dominante.

36
A l'approche du XXlème siècle, le Maroc traverse une période øü Ia société et ses institutions
se retrouvent dans des situations inédites, øü tout se met a fonctionner autrement. Le role que
I'espace politique est appelé a remplir est loin d'être evident pour tout le monde. Au stade actuel
de l'évolution du pays, tout le monde s'accorde pour dire que le Maroc a besoin de défmir un
nouvel ordre social. Cela ne signifie pas pour autant que le consensus est prêt a se réaliser car,
derriere les discours sur le changement tenus par tons les acteurs politiques, se profluent des
approches très différentes:

Pour les uns, le changement ne doit pas toucher le fond; ii doit se limiter a quelques retouches
de forme qui puissent donner un nouveau look au système politique et le doter dune parure
séduisante vis a vis de l'extérieur. En général, cette tendance est représentée par les forces
socialesqui occupent le devant de Ia scene et qui ne sont pas prétes a ceder ou même a partager
ce premier role avec les autres. Leur souci de maintenir leur hégémonie de fait sur la vie
politique ne les predispose pas a accepter les nouvelles rêgles du jeu fondées sur un libéralisme
avancé.

Pour d'autres, le changement ne doit pas être un faux semblant. Ii doit aller au fond des choses.
Pour cette deuxième tendance, l'heure est arrivée øà le pouvoir devrait tenir compte des mutations
connues par la société et se montrer audacieux en matière de "réformes". Pour les tenants de
cette these, le Maroc qui, a la difference de plusieurs pays du Tiers Monde, dispose d'un Etat
assure de sa légitimité, d'une société civile dynamique Ct pleine de sève et dune experience
politique non négligeable, peut réussir un virage democratique en douceur Ct éviter les dérapages
connus ailleurs.

Enfin,, une troisième tendance affiche un scepticisme total sur l'avenir du pays. Pour elle, les
tenants du pouvoir ne sont pas disposes a engager des réformes substantielles pour doter Ic pays
d'institutions modernes qui consacrent l'évolution connue par la société. Pour les partisans de
cette analyse, le régime, comme par le passé, veut entretenir l'illusion d'un grand changement
alors qu'en fait ii ne changera que d'oripeaux. Ce courant politique expose le pays a une
alternative du tout ou rien. Dans cette analyse politique simpliste, oü la naiveté se mêle a
l'extrémisme, I'apparent sceptisme dissimule l'empreinte dune pensée populiste et utopique.

En definitive, l'assainissement de Ia situation politique entrepris ces deux demières années laissent
entrevoir un progrês perceptible dans le sens d'une libéralisation. La suppression des dispositions
législatives et reglementaires qui entravaient l'exercice des Iibertés, la liberation des prisonniers
politiques et la proposition faite par le Souverain de procéder a une alternance s'inscrivent dans
cette logique. Cependant, dans l'ensemble, le politique reste en retrait par rapport a l'économique.

37
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39
The Economic Research Forum for the Arab Countries, Iran and Turkey (ERF) was estal
June 1993 as an independent, non-profit regional networking organization. Its mission i

mote policy-relevant economic research with a broad representation of views to help ac


policy-formulation debate in the region, by encouraging and funding quality research
disseminating results of research activities to economists and policy-makers.

The ERF Working Papers Series disseminates the findings of research work in progress to
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