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BAC TECHNOLOGIQUE 2023

Correction épreuve de français

1- Commentaire de texte
Le texte porté à notre étude est un extrait de La Morte amoureuse, nouvelle fantastique écrite
par Théophile Gautier en 1836, à une époque où l’on s’intéresse au paranormal. Il s’agit ici
d’une scène entre deux amants, Clarimonde femme vampire, et un narrateur humain. Celui-
ci a été averti que sa compagne était un vampire : il tente donc de la surprendre et de
connaître la vérité sur sa véritable nature. Nous nous demanderons dans ce texte en quoi cette
scène de ruses dévoile le caractère tragique de l’amour qui unit les amants. Dans une première
partie, nous montrerons que cet extrait constitue une scène de ruses et de révélations avant
de considérer le caractère tragique de cet amour.

I/ Une scène de ruses et de révélations


A. La triple ruse du narrateur
Le récit est raconté par un narrateur à la première personne (« je »), et la ruse explicitée au
lecteur : le lecteur regarde du côté du dupeur, qui lui fait part de ce qu’il fait à l’insu de
Clarimonde, de ce qu’il observe, et de ce qu’il croit.
- Première duperie : le miroir (ma glace », ligne 1), objet de duperie (« sa perfide
position », lignes 1 et 2) et de révélation (« je vis », ligne 1). Le narrateur installe un
outil de surveillance à son domicile, pour scruter les faits et gestes de Clarimonde.
- Deuxième duperie : le verre de vin dont il ne boit pas une goutte, contrairement à ce
que croit Clarimonde. L’expression « comme pour l’achever » ligne 4 suppose qu’il
feinte sa compagne, qu’il lui fait croire qu’il va boire le vin « plus tard » (ligne 4), après
avoir fait semblant qu’il en buvait déjà une gorgée (« je feignis d’y porter mes lèvres »,
lignes 3 et 4). Il jette finalement le vin au sol « sous la table » (lignes 5 et 6) pour faire
croire qu’il l’a bu entièrement.
- Troisième duperie : le narrateur feint de dormir alors qu’il ne dort pas (« ne pas
dormir » ligne 7). Or, Clarimonde pense qu’il dort : « quand elle se fut bien assurée que
je dormais « (ligne 9) suppose qu’elle a vérifié, et qu’il a continué à faire semblant, à
ne pas répondre à ses sollicitations.
B. La ruse de Clarimonde
Mais Clarimonde est aussi une dupeuse. En effet, elle cherche à droguer le narrateur : elle
dispose « une poudre » dans le vin du narrateur. C’est une pratique récurrente de sa part :
« elle [a] coutume de » préparer une boisson empoisonnée à son compagnon chaque soir
« après le repas » (lignes 2 et 3).
Mais elle s’appelle « Clarimonde » : son nom évoque qu’il y a en elle quelque chose de « clair »
et de sincère. Elle ne peut pas être trompeuse jusqu’au bout.
C. La révélation de l’amour : Clarimonde aime le narrateur
En effet, son discours direct entre guillemets est sincère. Elle croit n’être entendue de
personne, et même si elle s’adresse à un « tu », qui est le narrateur, elle sait que son
compagnon ne l’entend pas, puisqu’il est censé dormir.
Or, ses paroles révèlent au narrateur la réalité des sentiments qui l’habitent. Elle quitte « ses
voiles », au sens propre comme au sens figuré, en se couchant près de lui, et dit la vérité d’une
part sur sa nature (« je vais boire [ton sang], ligne 14), d’autre part sur ses sentiments ([je
t’aime], ligne 16).

II/ Un amour tragique


Le lecteur peut alors mesurer combien cet amour est tragique, d’une part parce qu’il porte en
lui-même la menace de la mort des deux amants, d’autre part parce qu’il est profondément
malheureux.
A. Clarimonde dangereuse et menaçante : la menace de mort sur les deux amants
Cet amour constitue un danger certain. Clarimonde détache une « aiguille » de sa coiffure et
cherche à piquer le bras du narrateur pour lui aspirer « rien qu’une petite goutte rouge », en
échange du vin qu’elle lui a fait boire plus tôt. Il s’agit donc d’un danger pour le narrateur, car
elle pourrait lui sucer tout son sang : « je ne te ferai pas de mal » (ligne 15) suppose qu’il serait
possible qu’elle lui en fasse. De même, la négation restrictive « je ne prendrai de ta vie que ce
qu’il faudra pour ne pas laisser éteindre la mienne » montre autant la fragilité de cet équilibre
de couple (les deux sont en danger de mort) que la situation de vulnérabilité dans laquelle est
le narrateur au moment où elle le pique.
B. Clarimonde malheureuse et frustrée
En outre, cet amour est caractérisé par le malheur. En effet, Clarimonde exprime la grandeur
de son amour au travers de l’adverbe « tant » (« si je ne t’aimais pas tant » (ligne 16) et
l’exclusivité qu’elle réserve à ce compagnon : depuis qu’elle l’a rencontré, elle a « tout le
monde en horreur » (ligne 18). Il semble qu’elle soit enfermée dans cette relation qui la frustre
mais dont elle ne peut sortir. Elle admire ce « bras blanc » et cette « veine bleue », sans
pouvoir en profiter.
C. Un amour menacé par la méfiance et la surveillance.
Le narrateur entend tout cela, et ne réagit pas. Il se laisse piquer, et ne choisit pas d’arrêter
l’expérience. Il va jusqu’au bout et constate que Clarimonde se maîtrise et qu’elle soigne
amoureusement la plaie qu’elle vient de lui causer : « elle m’entoura avec soin le bras d’une
petite bandelette » (lignes 23 et 24), faisant de lui une sorte de momie, propre à lui ressembler
un peu. Au travers le la méfiance et de la surveillance, le narrateur a donc maintenant la
certitude que Clarimonde lui voue un amour exclusif et sincère, qu’elle aimerait que les choses
soient autrement mais qu’elle sait que c’est impossible. Il sait aussi que Clarimonde est
quotidiennement frustrée par cet amour malheureux. La triple duperie du narrateur aura donc
produit la révélation sur cet amour tragique ressenti et vécu par Clarimonde.
En conclusion, on peut dire que Clarimonde est une héroïne tragique dans la mesure où son
amour pour le narrateur est impossible, malheureux, et qu’il porte la mort en lui-même. Elle
est vampire, et à ce titre sa nature constitue un danger de mort évident et permanent pour
son compagnon, le narrateur. Or, comme elle veut le préserver, elle essaie de lui sucer le sang
juste assez pour qu’il ne meure pas. La limite est donc sans cesse éprouvée et Clarimonde vit
dans une frustration permanente. Mais l’amour entre les deux amants est également menacé
par la méfiance du narrateur, qui résulte du danger inhérent à la situation : il sait que
Clarimonde est un vampire et à ce titre il la surveille pour survivre, vivant lui aussi en état
d’alerte permanent. Le danger et le malheur sont donc inscrits dans la nature de cet amour,
qui ne peut que mal finir.

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