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Publication : 31/05/2021 - 16063 caractères

Contrats en cours et sauvetage de l’entreprise en difficulté en droit


Ohada. Par Jaspert Alex Bakoga, Etudiant.
Le droit des procédures collectives aujourd’hui est marqué par son accent un peu plus centré sur le
redressement de l’entreprise en difficulté et subsidiairement sur la satisfaction des créanciers. C’est soucieux
de ce redressement que le législateur OHADA dispose le principe de continuité des contrats en cours en cas
ouverture des procédures collectives.

Ce principe a pour but non seulement de maintenir l’activité de l’entreprise débitrice, mais aussi de maintenir
le tissu contractuel de celle-ci.

A la lecture de l’article 107 AUPC, le législateur fait expressément intervenir ce principe dans la phase curative
des procédures collectives (redressement judiciaire et liquidation des biens). cette situation semble remettre en
question l’efficacité du principe dans l’atteinte de ses objectifs. Si l’objectif de ce principe est de permettre le
redressement de l’entreprise en difficulté, il serait important d’envisager un maintien des contrats en cours
depuis la phase préventive des procédures collectives. ceci augmenterai considérablement les chances de
redressement.

Il n’est fait aucun doute que le droit uniforme OHADA dans la majorité de ses actes tire son inspiration de son
homologue français, mais en y présentant très légèrement ses propres caractéristiques. C’est dire quelque part
que le législateur OHADA n’a pas encore une législation propre à lui. Tout de même, force est de constater que
la configuration du droit uniforme OHADA parti de l’inspiration de son homologue français, permet jusqu’à ce
jour d’organiser au sein des Etats membres les aspects prévus dans les différents actes uniformes OHADA à
savoir : droit commercial général, droit de l’arbitrage, droit des sûretés, droit des procédures collectives
d’apurement du passif, et bien plus.

Malgré cette organisation réussie, il n’en demeure pas moins vrai que la configuration du droit uniforme
OHADA peut présenter certaines situations qui n’épousent pas ou qui ne s’alignent pas véritablement avec le
contexte Africains des affaires. Notre regard est rivé aujourd’hui sur la situation économique de l’Afrique plus
particulièrement sur ses entreprises en difficultés lorsqu’on connaît l’impact positif d’une entreprise au sein
d’un Etat. L’impact est à la fois économique et social. Economique dans la mesure où l’entreprise est une
source de revenus pour l’Etat, au travers des impôts et taxes permettant à l’Etat de réaliser ses mission
régaliennes. Social dans la mesure où, l’existence de l’entreprise est une source d’emploi pour les populations,
ce qui permet d’éviter ainsi un trouble social.

C’est soucieux donc de l’avenir de l’entreprise en difficulté que le législateur OHADA prévoit l’acte uniforme
OHADA relatif aux procédures collectives d’apurement du passif. L’acte aura pour mission d’assurer non
seulement la sauvegarde de l’entreprise en difficulté, protéger les créanciers impayés et assurer leur
désintéressement dans les meilleures conditions possibles, punir et éliminer le débiteur qui n’honore pas à ses
engagements face aux créanciers. Depuis la réforme du 10 septembre 2015, les procédures collectives se
veulent plus efficaces quant au sauvetage des entreprises viable ou, en tout cas susceptibles d’être redressées.
C’est sans doute dans cette mission de sauvegarde que le législateur OHADA met en exergue le principe de
continuité des contrats en cours en cas d’ouverture de la procédure collective [1].

Le contexte juridique de l’étude est marqué signalons le déjà, par l’absence de définition juridique de la notion
de contrat en cours. C’est la doctrine et la jurisprudence qui tentent d’en donner une définition. En effet, pour
la doctrine, un contrat est en cours lorsque l’obligation du cocontractant existe encore avant l’ouverture de la
procédure collective [2]. Quant à la jurisprudence, un contrat est en cours lorsqu’il n’a pas épuisé ses effets
fondamentaux au jour du jugement d’ouverture de la procédure collective. Aujourd’hui, le droit des procédures
collectives OHADA est marqué par son accent un peu plus axé sur le redressement de l’entreprise en difficulté,
que sur la satisfaction des créanciers. A la lecture de l’acte uniforme OHADA, le législateur fait explicitement
intervenir ce principe dans la phase curative des procédures collectives [3], ce qui semble remettre en question
l’efficacité du principe de continuité des contrats en cours dans l’atteinte de son objectif, notamment celui du
redressement de l’entreprise assujettie à la procédure collective (I) [4]. Si l’objectif de ce principe est de
permettre le redressement de l’entreprise à travers le maintien des contrats en cours, il serait important
d’envisager un maintien de ces contrats en cours depuis la phase préventive des procédures collectives [5], ceci
pour accroître suffisamment les chances de redressement (II).

I- L’inefficacité observable du principe de continuité des contrats en cours au vue de


sa position et sa modalité de continuité dans les phases de la procédure collective.

Lorsqu’une entreprise connaît des difficultés avérées, prévisibles ou qu’elle ne peut plus désintéresser ses
créanciers, on se demande alors ce qu’il adviendra de la situation de celle-ci. C’est là qu’interviennent les
règles spécifiques relatives au droit des entreprises en difficultés instituées par le législateur OHADA. Ces
règles s’organisent autour de l’acte uniforme OHADA relatif au droit des procédures collectives d’apurement
du passif. Ledit acte distingue les procédures collectives en fonction de la situation financière et économique
du débiteur. Ainsi, l’ouverture d’une procédure collective équivaut dès lors à une hospitalisation judiciaire de
l’entreprise en vue de la « soigner » ou de la redresser. Qui dit hospitalisation, dit traitement adéquat aux fins
de sauver le patient, sinon on le perd. Ainsi l’objectif de ce principe de continuité des contrats en cours est
d’une part de maintenir l’activité de l’entreprise débitrice, mais aussi d’autre part de maintenir les contrats
utiles à l’entreprise débitrice [6]. Mais la position de ce principe (A) et sa modalité de continuité (B) dans les
phases de la procédure collective semble pour nous, présenter une difficulté pour la sauvegarde des
entreprises en Afrique.

A- Le positionnement critiquable du principe de continuité des contrats en cours dans la phase des
procédures collectives.

La mission de sauvegarde de l’entreprise en difficulté semble être périlleuse lorsqu’on voit à quel niveau est
positionné le principe de continuité des contrats en cours dans les phases des procédures collectives OHADA.
En effet il faut rappeler que l’acte uniforme présente quatre procédures collectives rangées en deux catégories.
Les unes sont préventives tandis que les autres sont curatives. L’acte uniforme dispose : « nonobstant toute
disposition légale ou toute clause contractuelle ou indivisibilité, aucune résiliation ou résolution ne peut
résulter d’un contrat en cours du simple fait de l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire ou de la
liquidation des biens » [7]. A la lecture de l’article, le principe de continuité des contrats en cours ne s’effectue
que dans le redressement judiciaire et liquidation des biens.

Or il est constaté que les phases de la procédure collective sont au nombre de quatre à savoir : la procédure de
conciliation, règlement préventif, le redressement judiciaire et la liquidation des biens. L’article laisse donc
entendre explicitement que dans la phase de conciliation et de règlement préventif, le créancier a la faculté de
résilier ou résoudre le contrat qui le lie au débiteur.

Cette souplesse laissée par le législateur OHADA semble trouver quelque part sa justification dans le respect
du droit commun des contrats et à travers ceci, le respect des droits des créanciers. Cependant, cela pose un
problème évident car en effet il est fort probable que les contrats les plus important à l’entreprise, ceux-là
même qui la nourrisse disparaissent puisqu’aucun moyen n’est prévu pour les retenir.

On pourrait se demander si ce principe est fait pour véritablement sauvegarder l’entreprise ou alors est-ce un
maintien des contrats pour préparer la liquidation de l’entreprise.

B- La modalité de continuité du principe : le droit d’option.

Les potentialités de l’entreprise visent d’abord les contrats en tant que source de richesse de l’entreprise [8].
C’est la question de la préservation du tissu contractuel de l’entreprise. Cette préservation est donc un moyen
fondamental et essentiel dans le redressement de l’entreprise en difficulté [9]. Les contrats en cours sont
continués grâce au droit d’option que législateur reconnaît au syndic. Ce droit d’option se définit comme une
prérogative juridique qui permet à son titulaire de pouvoir, par un acte unilatéral de volonté, modifier une
situation juridique incertaine et cela suivant une alternative précise et prévisible [10]. L’article 108 Al 1 AUPC
dispose que seul le syndic a la faculté d’exiger la continuation des contrats en cours. Depuis la réforme de 2015
ce contrat en cours peut aussi être un contrat conclu intuitu personae. Le syndic doit donc se prononcer seul
sur la continuation ou non du contrat en cours. Cette option du syndic peut être explicite ou implicite [11].

Depuis le nouvel acte Uniforme relatif aux procédures collectives, la mise en demeure cours pour un délai de
30 jours à l’endroit du syndic. La faculté qui revient seul au syndic d’exiger la continuité des contrats semble
être justifiée par le critère d’insolvabilité du débiteur. Mais toutefois ce dernier en sa qualité d’entrepreneur et
maîtrisant mieux son entreprise n’est-il pas aussi bien placé pour faire des propositions au syndic dans
l’exercice de son droit d’option.

L’application de ce droit d’option causant des entorses au droit commun connaît des aménagements en ce qui
concerne le ménagement des cocontractants [12]. En effet, les créanciers du débiteur connaissent un
traitement préférentiel [13].

C’est fort de ce constat que nous nous proposons d’apporter un examen sur ce principe de continuité des
contrats en cours utile à la sauvegarde de l’entreprise en difficulté, ceci dans un contexte Africain où
l’entreprise joue un rôle certain et un certain rôle.

II- Vers une évolution souhaitable du principe de continuité des contrats en cours au
sein de la phase préventive des procédures collectives.

En se fixant sur les termes de l’article 107 AUPC, on est en droit de se dire que le principe de continuité des
contrats en cours ne trouve application que dans la phase curative de la procédure collective à savoir : le
redressement judiciaire et la liquidation des biens. Si le législateur OHADA a pris la peine de produire une
disposition sur les contrats en cours uniquement dans la phase curative, c’est dire en quelque sorte que
l’application de ce principe dans la phase préventive des procédures collectives ne semble pas être nécessaire
au vue de la situation de ces procédures préventives (A) Cependant, il serait un peu mal vu de laisser des
contrats utiles être résolus pendant la période préventive. Il est souhaitable pour le législateur OHADA
d’accorder une spécificité ce principe pour les besoins socio-économiques de la zone OHADA (B).

A- Les procédures préventives dans les procédures collectives.

Au rang des procédures préventives, nous classons la procédure de conciliation [14] et la procédure de
règlement préventif [15]. Ces deux procédures s’ouvrent lorsque le débiteur n’est pas encore en cessation de
paiement.

S’agissant de la procédure de conciliation, celle-ci jouit d’une grande pertinence. Elle est une procédure dont
l’objectif est de désamorcer le plus tôt possible les difficultés rencontrées par l’entreprise. Ainsi elle est un outil
de sauvegarde à travers son caractère précoce dans les procédures collectives. Elle permet au dirigeant
d’anticiper la cessation de paiement. Cette procédure reste une procédure d’alerte important pour les
entrepreneurs Africains, mais pour aussi quelques craintes résident dans cette procédure. Il peut y avoir risque
d’utilisation superfétatoire de la procédure [16].

Quant à la procédure de règlement préventif, « le règlement préventif est ouvert au débiteur qui, sans être état
de cessation des paiements, justifie de difficultés financières ou économiques sérieuse » [17]. C’est en ces
termes que l’acte uniforme OHADA précise la condition d’ouverture de la procédure de règlement préventif
pour un débiteur. L’acte uniforme de 2015 apporte une innovation car tout comme dans la conciliation, la
demande peut prendre la forme d’une requête conjointe avec un ou plusieurs créanciers. Le fonctionnement de
cette procédure est organisé par un expert qui est désigné par la juridiction compétente.

A travers ces deux procédures, le débiteur sans être en état de cessation de paiement peut engager des
négociations avec les différents créanciers à travers soit une conciliation, soit un concordat préventif afin de
parvenir au sauvetage de l’entreprise débitrice.

La première remarque est que, sans aucun doute, ces négociations peuvent se solder par un échec. En second
lieu, il faut remarquer que pendant ou après ces procédures, le créancier peut décider de rompre le contrat qui
le lie au débiteur.

Tout compte fait, tant que la procédure curative n’est pas encore ouverte, le créancier peut rompre le contrat
car aucun mécanisme n’est mis en jeu pour retenir ces contrats pendant ce moment. Il faut souligner que
l’ouverture de la procédure curative n’est pas automatique.

B- Le souhait d’un positionnement spécifique africain du principe de continuité des contrats en


cours dans le processus de sauvegarde de l’entreprise en difficulté.

« La prévention des difficultés consiste à intervenir avant qu’il ne soit trop tard… il s’agit de s’attaquer aux
racines du mal, sans en attendre la manifestation, de prévenir plutôt que guérir » [18]. Il n’est fait aucun doute
que l’entreprise vit grâce à son tissu contractuel. Il est donc possible que la disparition d’un contrat constitue
un risque pour le maintien de l’activité de l’entreprise et par ce fait un risque pour son sauvetage.

De façon pratique, un créancier se trouvant dans une procédure préventive agira très rapidement pour résilier
son contrat afin d’éviter de se trouver en procédure curative initiée plus tard par le débiteur. Surtout qu’il n’est
pas toujours certain que la conciliation ou le concordat préventif puissent aboutir. A ce moment, l’entreprise
qui n’est pas encore certes en cessation de paiement pourra perdre des contrats importants, ce qui mettra en
danger les chances de redressement. En tout état de cause, arrivé en phase curative de procédure collective, le
syndic devra juste « se battre avec les moyens de bord » pour redresser l’entreprise.

Cette situation dès lors, n’aide pas favorablement l’Afrique dans la sauvegarde de ses entreprises déjà que la
création d’une entreprise est un chemin de croix qui demande beaucoup de sacrifices.

Par contre, dans un contexte spécifique et purement propre africain, si tous les contrats étaient retenus tant
dans la procédure préventive que curative, ceci donnerait assez de moyen au syndic pour sauver l’entreprise
car tous les contrats seront encore présent et le syndic pourra à ce moment faire un tri parmi les plus utiles.

Auteur :

Jaspert Alex BAKOGA, juriste

Notes

[1] Article 107 AUPC (Acte Uniforme OHADA relatif aux procédures collectives d’apurement du passif).

[2] P.M LE CORRE « droit des entreprises en difficultés », droit du commerce et des affaires.
[3] Sont contenus au rang de procédures curatives : le redressement judiciaire et la liquidation des biens.

[4] Jaspert Alex BAKOGA, « les objectifs du principe de continuité des contrats en cours dans les procédures
collectives OHADA » ; mémoire de master 2 option droit des affaires et de l’entreprise ; université de Yaoundé
2 Soa. 2019-2020. P81.

[5] Sont contenus au rang de procédures préventives : la conciliation et le règlement préventif.

[6] Jaspert Alex BAKOGA, ops.

[7] Article 107 AUPC.

[8] P.M Le CORRE, E. Le CORRE, droit des entreprises en difficultés. 2 ème Ed. 2006. P517.

[9] P.M Le CORRE, E. Le CORRE, op. Cit.

[10] V.B. SOINNE, traité des procédures collectives, Litec, 2 è Ed. 1995. P1001.

[11] Jaspert Alex BAKOGA op.cit.

[12] Jaspert Alex BAKOGA op.cit.

[13] S. Thomas Stève KARFO, paiement des créanciers, sauvetage de l’entreprise : étude comparative des
législations OHADA et française de sauvegarde judiciaire des entreprises en difficultés ; thèse de doctorat, 20
décembre 2014 ; université de Toulouse ; p 383.

[14] La procédure de conciliation est prévue à l’article 1-2 de l’AUPC.

[15] Article 6 AUPC.

[16] Lilian cadel MAMBOKE BIASSALEY, la procédure de conciliation dans la prévention des difficultés des
entreprises OHADA : distincte ou copie du droit français ? ; 20 Mars 2017, www.village-justice.com.

[17] Article 6 AUPC.

[18] C.S-A-HOUIN, droit des entreprises en difficultés, Ed. Montchrestien, EJA Paris 1995 P.51

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