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EPREUVE COMPOSEE

PARTIE 3 / RAISONNEMENT S'APPUYANT SUR UN DOSSIER DOCUMENTAIRE

Il est demandé au candidat de traiter le sujet :


- en développant un raisonnement sous forme de paragraphes argumentés (AEI) ;
- en exploitant tous les documents du dossier ;
- en faisant appel à ses connaissances personnelles ;
- en composant une introduction, un développement, une conclusion.
II sera tenu compte, dans la notation, de la clarté de l'expression et du soin apporté à la présentation.

La socialisation dépend-elle uniquement du milieu social d’appartenance ?

Indice d’analyse du sujet : il s’agit d’un sujet de type « débat ». Votre raisonnement doit donc présenter des
arguments contradictoires : Oui la socialisation dépend du milieu social … mais pas uniquement.

DOCUMENT 1
Dans une étude sur la moyenne et la haute bourgeoisie, on souligne que l’intériorisation du contrôle de soi passe par des
stratégies éducatives très explicites, comme on peut l'observer dans le cas de l'apprentissage des manières de table. Le
« mauvais » exemple, susceptible de contrer l'intériorisation, est évacué et la mère du petit Edouard ne peut plus accepter,
à ses déjeuners-cantine, le fils de la concierge : « Je suis trop malheureuse pour lui, il se tient comme un goret ». Pendant
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le dîner familial, [les principes fondamentaux sont rappelés] : ne pas mettre ses coudes sur la table, rester en place,
attendre, ne pas faire attendre les autres [...]. À cette socialisation de la retenue, on peut opposer [dans les milieux
populaires] l'apprentissage d'une propension à l'affrontement physique [...] : les pères sont disposés à faire usage de la
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violence physique pour réagir aux offenses ou aux agressions. Un adolescent raconte ainsi avec fierté une scène où son
père, mis en difficulté par un caissier de supermarché à propos de l'ordre qu'il avait inscrit sur un chèque, a réagi en
mobilisant un autre capital : celui de l'intimidation et de la violence physique.
2
1
. Jeune cochon. Tendance à.
Muriel Darmon, La socialisation, Armand Colin, 2006.

DOCUMENT 2
Marc a 40 ans. Il a un DESS (Bac+5) de marketing et de gestion et est actuellement directeur général de la filiale française
d'une grande entreprise internationale (…). Après un divorce, il s'est remarié avec Catherine, chargée de clientèle dans une
agence de publicité, diplômée d'une école de commerce (Bac +4) et issue de la grande bourgeoisie (…). Le père de Marc a
un CAP et était patron d'une petite entreprise (…). Sa mère, qui avait aussi un CAP, ne travaillait pas officiellement (...) mais
aidait son mari.
Marc raconte, (...) que ses sorties ont changé depuis la rencontre de Catherine qui l'a ouvert sur des univers culturels légitimes
qu'il ne connaissait pas : « je crois que le changement important pour moi, c'est la rencontre avec Catherine, parce que je crois
que tout ce qui est un petit peu… pas lecture parce que lisais avant, mais tout ce qui est plus culturel tout ce qui est peinture,
danse, théâtre, j'allais beaucoup au cinéma avant, beaucoup au concert, mais j'allais quasiment pas au théâtre, j'allais quasiment
pas voir des spectacles de danse, donc le changement c'est ça, le changement véritable c'est ça. » (…). Il y a plus de six mois
que Marc n'est pas retourné voir un spectacle de danse et il n'y va que deux fois par an environ. C'est sa femme qui lui a fait
découvrir cet univers qu'il ne connaissait pas du tout (...). C'est encore avec sa femme qu'il est allé à l'opéra pour la première
fois, il y a un an à Prague, pour voir Carmen : « J'ai adoré la voix, j'ai adoré l'histoire, la chorégraphie, l'ambiance, j'ai vraiment
tout aimé. »
Bernard Lahire, La Culture des individus, La Découverte, 2004, pp475-479.
DOCUMENT 3

Source / publicité pour un jeu de bataille navale, 1964

BONUS :
- Citez deux problèmes posés par la nouvelle économie
du partage.
- Quelle matière rare est présente dans nos smartphones
pour conserver les données ? Où est-elle extraite ?
Proposition de corrigé
EC3 Socialisation

Introduction
La construction d’un individu se fait de manière complexe et continue. C’est grâce à la socialisation que celui-ci peut
vivre en société. En effet, la socialisation est un processus de long terme, qui lui permet d’intérioriser un ensemble de
normes et valeurs ainsi que de rôles sociaux adéquats à la société dans laquelle il vit et à son milieu social. Si parmi les
déterminants de la socialisation, le milieu social a une grande importance, est-il pour autant le seul ? Nous verrons que
le milieu social est effectivement un aspect déterminant de la socialisation (première partie) mais qu’il n’est pas le seul
influençant celle-ci (deuxième partie).

I. La socialisation dépend du milieu social d’appartenance

A. [Socialisation différenciée : transmission de N&V différentes en fonction du milieu social]


Tout d’abord, le milieu social occupe une place très importante dans al construction d’un individu. Ainsi, l’on observe
une socialisation différenciée chez les individus en fonction de leur milieu social. En effet, des individus de milieux
sociaux différents n’intégreront pas les mêmes N&V et subiront donc une socialisation relativement divergente entre
eux ; avec des N&V opposées chez deux individus d’origine et de milieu social d’appartenance différents. Par exemple,
l’on peut noter la différence frappante de socialisation entre la bourgeoisie et les milieux populaires, comme illustré
dans le document 1. La tenue à table est extrêmement réglementée dans le milieu bourgeois et le non-respect de ces
normes est extrêmement mal vu ; le terme « goret » est par exemple employé. A l’inverse de cette transmission de la
« retenue » (doc 1), dans la hiérarchie des valeurs propres à un groupe, on observe que les règles de politesse, la
discipline à table ne sont pas prioritaires dans les milieux populaires. Muriel Darmon explique que les hommes milieux
populaires auront davantage tendance à valoriser l’intimidation, l’affirmation de soi voire la violence physique et donc
à la transmettre.

B. [Capitaux culturels différents => inégalités]


Si la transmission de ces N&V est différente en fonction du milieu social, elle est surtout source d’inégalités.
En effet, les différentes classes sociales se caractérisent par des dotations en capital économique et culturel différentes.
Ainsi le jeune bourgeois des beaux quartiers possède à la naissance un capital économique et culturel conséquent et
connait les joies de « l’entre soi » dans les rallyes, les clubs, les écoles privées. Ses parents le sensibilisent à la musique
classique, au musée, au théâtre, à la lecture etc. A l’inverse, un jeune issu de milieu populaire n’aura pas accès à ces
pratiques culturelles, ou plus rarement, grâce à l’école par exemple.

C. [Reproduction sociale]
Ainsi, la famille et le milieu social ont une importance telle que l’on parle même de reproduction sociale. En effet, la
reproduction sociale est un phénomène qui « pousse » les enfants à occuper la même place sociale que leurs parents.
Cela est principalement dû à la valorisation dans les milieux sociaux populaires de capitaux culturels différents de ceux
exigés à ‘l’école, et cela est, comme expliqué précédemment, engendré par la différence d’activités culturelles
pratiquées : un enfant habitué à lire aura une maitrise de la langue française ainsi qu’un registre d’expression compatibles
avec les attentes de l’école. Ces inégalités sont notamment visibles dans les promotions de grandes écoles telles que
Science Po Paris, qui ont un pourcentage de fils d’ouvriers très inférieur à celui de fils de cadres.

II. La socialisation dépend aussi d’autres facteurs

A. [Le genre, autre aspect déterminant de la socialisation]


Cependant, bien que le milieu social d’appartenance ait un impact non négligeable sur la socialisation il n’est pas le seul
élément dont elle dépend. En effet, le phénomène de socialisation différenciée ne relève pas seulement du milieu social
mais aussi du genre. À milieu social identique, filles et garçons ne sont pas socialisés de la même manière. La société
actuelle est emprunte de nombreux stéréotypes genrés qui se sont incrustés dans les mentalités et sont ainsi diffusés à
travers la socialisation. L’on voit ainsi apparaître différents rôles sociaux en fonction du genre qui seront inculqués aux
enfants inconsciemment par le biais des différentes instances de socialisation. La famille et l’école valoriseront par
exemple des comportements différents en respectant eux-mêmes ces rôles sociaux de genre. Les mères auront tendance
à bien plus s’occuper des tâches domestiques et cette constatation s’imprimera chez l’enfant. Il reproduira à son tour ce
qu’il a observé : une répartition genrée des tâches domestiques. Cette socialisation différenciée est aussi fortement
encouragée par les médias (cf. document 3) en représentant des petites filles respectant « leur » rôle en faisant la vaisselle
pendant que les garçons, eux, jouent à des jeux de société mettant en scène la guerre…
B. [Pluralité des instances de socialisation relativise le poids du milieu social]
La pluralité d’instances de socialisation peut de plus engendrer une socialisation plurielle. En effet, les instances de
socialisation peuvent parfois être contradictoires et encourager chez l’individu une certaine autonomie contrairement à
l’idée d’un « habitus » homogène et figé, décrit par P. Bourdieu. L’individu intégrera les normes et valeurs de son choix
et sera donc acteur de sa socialisation. Durant la socialisation secondaire, il sera confronté à de nouvelles instances de
socialisation, telles que le monde professionnel, le conjoint etc. qui continueront de pluraliser sa socialisation. Par
exemple, la mise en couple a parfois des effets très importants sur l’individu et peut l’amener à modifier ses pratiques
culturelles, comme illustré dans le document 2. Marc, issu d’un milieu social populaire, pratique aujourd’hui
énormément d’activités culturelles (« peinture, danse, théâtre ») depuis sa mise en couple avec Catherine, issue de la
grande bourgeoisie et qui a infléchi la socialisation secondaire de son mari.

C. [Socialisation anticipatrice]
Enfin, la socialisation anticipatrice représente elle aussi une forme de socialisation qui ne valorise pas toujours le milieu
social d’appartenance. En effet, un individu appartenant à un groupe social, aussi nommé groupe d’appartenance, aura
parfois tendance à se référer et à intégrer les normes et valeurs d’un groupe auquel il souhaite appartenir et qui n’est pas
forcément son groupe d’appartenance : il s’agit du groupe de référence. Ces deux fonctions, normatives et comparatives
que détient le groupe de référence influenceront l’individu, qui intégrera les N&V qui ne sont pas propres à son milieu
social, mais à celui de son groupe de référence. On peut ainsi prendre l’exemple du film « Tout ce qui brille » dans
lequel deux jeunes filles de milieu populaire souhaitant rejoindre la « jet set » parisienne commencent à s’habiller et à
se comporter comme les membres de leur groupe de référence.

Pour conclure, on peut considérer que le milieu social d’appartenance a une importance primordiale sur la socialisation
mais qu’il existe d’autres facteurs (le genre, la socialisation secondaire, la socialisation anticipatrice) qui diversifient et
complexifient le processus de socialisation d’un individu.

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