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El Niño et la rotation
de la Terre
RODRIGO ABARCA DEL RIO • DANIEL GAMBIS • DAVID SALSTEIN •BORIS DEWITTE

El Niño est un phénomène climatique qui se déclenche


tous les deux à sept ans. Il naît dans le Pacifique tropical, mais modifie
la circulation atmosphérique à l’échelle planétaire et même la vitesse
de rotation de la Terre, que l’on étudie pour essayer de le prévoir.

es conquistadores furent les pre- de grandes famines, telle celle de 1900 dépend la pression atmosphérique

L miers à rapporter l’existence du


phénomène El Niño, il y a quatre
siècles, sous le nom de «El Año de
abundancia» (l’année de l’abondance).
On dit même qu’El Niño aurait facilité
qui tua plus de 450 000 personnes. Les
conséquences socio-économiques d’El
Niño sont si importantes que sa prévi-
sion est l’un des principaux enjeux de
la climatologie. Les approches classiques
locale. Quand des différences de pres-
sion suffisantes engendrent des vents
qui repoussent les eaux de surface par
friction, les eaux profondes plus froides
remontent. La température des eaux de
la victoire de l’Espagnol Francisco semblent pour l’instant impuissantes à surface diminue, et ces variations ont
Pizarro sur l’empire des Incas, en 1532, résoudre ce problème, mais l’étude de à leur tour des répercussions sur l’at-
rendant le désert péruvien plus hospi- l’influence du phénomène El Niño sur mosphère, les déplacements des masses
talier pour son armée. El Niño, qui signi- la vitesse de rotation de la Terre est d’air, d’eau... Après avoir longtemps
fie «l’enfant Jésus» en espagnol, est prometteuse. En mesurant la «longueur considéré l’océan comme un élément
synonyme de richesses : c’est un cou- du jour» (la période de rotation de la passif, les climatologues ont pris
rant chaud qui coule dans le Pacifique Terre, inversement proportionnelle à sa conscience de ce «couplage océan-
le long de la côte Sud-américaine au vitesse), on constate qu’elle est maxi- atmosphère» et du rôle déterminant
moment de Noël, apportant avec lui des male lors des événements El Niño. En qu’il joue dans l’évolution du climat.
poissons exotiques et des pluies tor- combinant ces données, qui relèvent Il est plus marqué dans les régions
rentielles (l’évaporation des eaux de sur- de la géodésie, avec celles de la météo- tropicales où la température de l’océan,
face s’intensifie et l’air se charge d’une rologie et de la climatologie, on com- chauffé par le Soleil, dépasse 28,5 °C en
humidité qui se condense et retombe prendra peut-être mieux le système surface : l’évaporation intense donne
sous forme de précipitations sur le conti- Terre-atmosphère-océan, ce qui per- naissance à des pressions plus élevées
nent) : une végétation florissante enva- mettra de prévoir les épisodes El Niño. que la normale en altitude et à des vents
hit des zones habituellement désertiques. puissants qui agissent à leur tour sur
Aujourd’hui, on sait qu’El Niño se El Niño commence l’océan. L’océan Pacifique est le plus
déclenche tous les deux à sept ans dans dans l’océan vaste des océans tropicaux et le plus
l’océan Pacifique tropical et qu’il modi- impliqué dans l’évolution du climat.
fie la circulation atmosphérique à Le phénomène El Niño prend naissance Il est le berceau d’El Niño, à l’origine
l’échelle mondiale. Ses répercussions se dans le Pacifique tropical et il modifie des plus grandes variations naturelles
font sentir aussi bien en Afrique, où il aussi la circulation atmosphérique, à du système climatique.
apporte la sécheresse à l’Ouest et d’abon- cause des interactions existant entre Quelle est la cause d’un événement
dantes précipitations à l’Est, qu’en Asie, l’océan et l’atmosphère : la tempéra- El Niño? Dans les conditions normales
où il perturbe le cycle de la mousson : ture des eaux de surface détermine l’in- (voir la figure 1, en haut), la température
en Inde, les précipitations diminuent en tensité de l’évaporation (et l’humidité de surface de l’océan Pacifique dépend
été. Les récoltes s’en ressentent, causant de l’air ou encore sa densité), dont de la position de la thermocline, c’est-

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à-dire de la frontière qui sépare les eaux tral, et Darwin, en Australie. Les ali- El Niño modifie
chaudes, en surface, des eaux plus zés soufflant des régions de fortes pres- la circulation atmosphérique
froides, en profondeur. Plus la ther- sions vers les régions de basses
mocline est profonde, plus les eaux pressions, cet indice mesure leur force. Comment un événement El Niño modi-
en surface sont chaudes. Dans le Paci- Ainsi une valeur négative de l’indice fie-t-il la circulation atmosphérique?
fique Est, elle se situe de 50 à 80 mètres de l’oscillation australe correspond à Dans le Pacifique, les vents parcourent
de la surface environ, alors que, dans une pression plus élevée que la nor- une boucle, nommée «cellule de Wal-
le Pacifique Ouest, elle atteint 150 à male dans le Pacifique Ouest, à un ker». Elle est constituée en surface par
200 mètres de profondeur. Les vents affaiblissement des alizés et à l’appa- les alizés (créés par la différence de pres-
parallèles à la côte Sud-américaine, rition d’un événement El Niño. sion entre l’Est et l’Ouest) et en altitude
notamment le long du Pérou, repous-
sent les eaux chaudes de surface, ce qui
fait remonter les eaux froides, donc la OUEST CELLULE DE WALKER EST
thermocline. En se rapprochant de
l’équateur, ces vents obliquent vers
l’Ouest sous l’effet de la force de Corio-
lis, liée à la rotation de la Terre. Ils
deviennent alors des alizés, vents d’Est AMÉRIQUE
dominants sous les tropiques. Les ali- DU SUD
zés poussent les eaux de surface vers
AUSTRALIE
l’Indonésie, de sorte que la surface de
CLINE
l’océan Pacifique est en pente vers l’Est THERMO
(le dénivelé qu’ils induisent est de
80 centimètres environ entre l’Indo-
nésie et l’Amérique du Sud). En
revanche, la thermocline s’enfonce à
l’Ouest et remonte à l’Est.
Un phénomène El Niño apparaît
quand les alizés faiblissent et que la
poussée qu’ils exercent sur la sur-
face de l’océan n’est plus assez forte
pour contrebalancer le poids des eaux
accumulées à l’Ouest. Celles-ci se
déversent vers l’Est, en une onde océa-
nique dite de Kelvin, qui met envi- THERMOCLINE
ron deux mois à traverser l’océan
Pacifique et à atteindre les côtes Sud-
américaines. Ce reflux des eaux de
surface vers l’Est entraîne l’abaisse-
ment de la thermocline à l’Est et sa
remontée à l’Ouest, de sorte qu’elle se
rapproche de l’horizontale (voir la
figure 1, au milieu). Les eaux de sur-
face, relativement froides à l’Est, se
réchauffent, ce qui est caractéris-
tique des événements El Niño.
LINE
Gilbert Walker, un météorologiste THERMOC
britannique envoyé en Inde en 1924
pour y étudier les moussons, fut le pre- 1. DANS LE PACIFIQUE, les événements El Niño et La Niña modifient le système océan-
mier à remarquer cette modification atmosphère, agissant sur la thermocline (la frontière qui sépare les eaux chaudes, en sur-
de la circulation atmosphérique, qui face, des eaux plus froides, en profondeur) et la cellule de Walker (la boucle formée par les
s’étale sur plusieurs années. Il constata alizés, qui circulent d’Est en Ouest à basse altitude, et les vents qui circulent en sens
inverse à haute altitude). Dans les conditions normales (en haut), les alizés poussent les
que lorsque la pression atmosphérique eaux chaudes de surface qui s’accumulent à l’Ouest, où les eaux froides s’enfoncent,
est supérieure à la normale dans le abaissant la thermocline. Au-dessus des eaux chaudes de l’Ouest du Pacifique, l’air monte,
Pacifique tropical Ouest, elle diminue diminue la pression en surface et augmente la pression en altitude, tandis qu’au-dessus des
dans le Pacifique tropical central et eaux froides de l’Est du Pacifique, la pression augmente en surface et diminue en altitude.
Les vents se propageant des hautes vers les basses pressions (selon les flèches oranges).
que cette différence de pression est Lors d’un événement El Niño (au milieu), les alizés faiblissent et les eaux chaudes accu-
proportionnelle à l’intensité des phé- mulées à l’Ouest se déversent vers l’Est (selon les flèches blanches), entraînant un réchauf-
nomènes El Niño. Aujourd’hui, on uti- fement de la surface de l’océan au centre et à l’Est, l’abaissement de la thermocline à l’Est
lise l’indice de l’oscillation australe et sa remontée à l’Ouest, de sorte qu’elle se rapproche de l’horizontale. La cellule de Wal-
ker se déplace vers l’Est, suivant les eaux chaudes de surface, et se scinde parfois en
(voir la figure 5), défini comme la dif- deux. Lors d’un événement La Niña (en bas), les alizés se renforcent, déplaçant le réservoir
férence de pression atmosphérique d’eau chaude (selon les flèches blanches) plus à l’Ouest que dans les conditions normales,
entre Tahiti, dans le Pacifique cen- et entraînent la remontée des eaux froides et de la thermocline à l’Est.

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PÔLE NORD (à 12 kilomètres de la surface) par des tie se dirige vers les pôles). Lors des
CELLULE vents qui soufflent dans le sens inverse. événements El Niño, les jet-streams
POLAIRE Au-dessus des eaux chaudes de l’Ouest s’intensifient, car l’élévation de tem-
du Pacifique, l’air chaud, en montant, pérature du Pacifique central augmente
diminue la pression en surface et la différence de pression entre l’équa-
augmente la pression en alti- teur et les moyennes latitudes.
CELLULE
DE FERREL JET- tude, tandis qu’au-dessus des La modification des cellules de Wal-
STREAM eaux froides de l’Est du ker et de Hadley perturbe l’ensemble
Pacifique, la pression aug- du système climatique de la planète :
CELLULE
mente en surface et d’autres cellules de Walker existent tout
DE HADLEY diminue en altitude. le long de l’équateur, de sorte que
Pendant les événe- lorsque celle du Pacifique est modifiée,
ALIZÉS ments El Niño, la cel- les autres le sont aussi. Il en va de même
lule de Walker se pour la cellule de Hadley, dont les
déplace vers l’Est et modifications entraînent des change-
CELLULE se scinde parfois en ments dans d’autres cellules (la cellule
CELLULE DE WALKER deux (voir la figure 1, de Ferrel et la cellule polaire) situées
DE HADLEY
au milieu). Dans le Paci- le long des méridiens (voir la figure 2).
JET- fique central, une zone de Après un événement El Niño dans
STREAM haute pression se crée dans le Pacifique, on constate souvent que,
CELLULE la haute troposphère, la dans les autres régions tropicales, la
DE FERREL couche atmosphérique la plus température des océans augmente d’un
proche de la surface (au-dessus degré en moyenne, ce qui perturbe la
FRONT
s’étend la stratosphère). circulation atmosphérique locale. Sta-
CELLULE POLAIRE Entre l’équateur et les tropiques, les tistiquement, les événements El Niño
POLAIRE vents parcourent une autre boucle, s’accompagnent de pluies diluviennes
nommée «cellule de Hadley» (voir la sur le Sud du Brésil, sur le Paraguay
figure 2) : à l’équateur, l’air chaud s’élève et sur le Nord de l’Argentine, de tem-
PÔLE SUD et se déplace vers les pôles (où la tem- pêtes plus fréquentes dans le golfe du
pérature et la pression sont moins Mexique, de sécheresses en Afrique de
2. LES JET-STREAMS SUBTROPICAUX qui cir- élevées), mais la force de Coriolis les l’Ouest, en Australie, en Indonésie,
culent parallèlement aux latitudes (selon les
flèches vertes) alimentent les alizés, qui revien- dévie de plus en plus vers l’Est, de sorte de moussons moins humides que la
nent vers l’équateur (selon les flèches bleues), qu’ils deviennent parallèles aux cercles normale en Inde...
bouclant la cellule de Hadley. Ils alimentent de latitude, formant les jet-streams sub-
aussi des vents qui se dirigent vers les pôles
et qui font partie de la cellule de Ferrel. La cir-
tropicaux, des courants rapides qui cir- Après El Niño, La Niña
culation atmosphérique globale comprend
culent dans la haute troposphère vers
plusieurs «cellules» ou boucles de vent juxta- 12 kilomètres d’altitude (voir la figure 2). Le phénomène El Niño perturbe la cir-
posées. Lors d’un événement El Niño, qui modi- Pour compenser l’accumulation d’air culation atmosphérique de l’ensemble
fie la cellule de Walker (parallèle à l’équateur) due aux jet-streams, une partie de l’air de la planète. Les vents anormaux qu’il
et la cellule de Hadley, les cellules voisines sont
de la haute troposphère redescend vers crée, par rapport à la circulation atmo-
également modifiés, ainsi que leurs voisines...
ce qui explique pourquoi El Niño a des réper- l’équateur, alimentant les alizés et bou- sphérique moyenne, agissent à leur tour
cutions sur l’ensemble du globe. clant la cellule de Hadley (l’autre par- sur l’océan en amplifiant El Niño ou
en s’opposant à lui. Ils déclenchent par-
fois La Niña, c’est-à-dire un renforce-
ment des alizés (correspondant à une
valeur positive de l’indice de l’oscilla-
tion australe), qui déplace le réservoir
d’eau chaude plus à l’Ouest que la posi-
tion qu’il occupe dans les conditions
TROPIQUE DU CAPRICORNE normales, apportant des pluies abon-
dantes sur l’Indonésie. La remontée des
eaux froides à l’Est provoque alors des
ÉQUATEUR sécheresses sur les côtes Ouest Sud-amé-
ricaines (voir la figure 1, en bas).
La survenue de La Niña dépend de
TROPIQUE DU CANCER la réflexion des ondes océaniques sur
les côtes indonésiennes ou Sud-Améri-
caines. Si les ondes de Kelvin ont assez
d’énergie lorsqu’elles atteignent les côtes
de l’Équateur, elles se réfléchissent en
3. LA CIRCULATION ATMOSPHÉRIQUE TROPICALE est une combinaison de la cellule de
Walker et de la cellule de Hadley : l’air chaud qui s’élève au dessus du Pacifique Ouest,
ondes dite de Rossby, qui se propagent
au lieu de se répartir en sens inverse vers l’Est pour boucler la cellule de Walker, a ten- vers l’Ouest, mais plus lentement que
dance a se diriger vers les tropiques et à intégrer la cellule de Hadley. Ainsi, des chan- les ondes de Kelvin. Les ondes de Rossby
gements dans la cellule de Walker initient des changements dans la cellule de Hadley.

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peuvent aussi être créées par la poussée lement comment El Niño agit sur l’at- siècle, Kepler est le premier à soup-
des vents d’Est. Elles se réfléchissent à mosphère à des échelles de temps qui çonner que sa rotation n’est pas uni-
leur tour sur les côtes indonésiennes vont de quelques mois à la décennie. forme (il fait allusion à cette possibilité
en ondes de Kelvin. On obtient ainsi une dans divers passages de son œuvre),
combinaison d’ondes en phase ou en La rotation de la Terre suivi par Newton, qui écrit : «Il est pos-
opposition de phase, selon leur vitesse et l’atmosphère sible qu’il n’existe aucun mouvement
de propagation et le pouvoir réflecteur uniforme par lequel le temps puise être
des côtes. Cette combinaison détermine Dans ce système oscillant, les facteurs mesuré avec précision.» Edmund Hal-
les variations de température de surface à prendre en compte et les interac- ley, son contemporain et le découvreur
de l’océan. Par couplage, l’atmosphère tions sont si nombreuses qu’aujour- de la comète qui porte son nom,
tropicale réagit à ces variations océa- d’hui les climatologues essaient une remarque que la Lune est en avance par
niques, et, ce faisant, en provoque de nouvelle approche plus globale : ils s’in- rapport à la position qu’elle devrait
nouvelles. On comprend ainsi pourquoi, téressent à la vitesse de rotation de la avoir selon les calculs de Ptolémée et
une fois qu’El Niño s’est déclenché, il Terre, dont on a découvert qu’elle dimi- selon ceux des Arabes, datant du IXe
n’est pas toujours suivi de La Niña : nue et passe par des minimums à siècle. Au XVIIIe siècle, Emmanuel Kant
ces événements dépendent de l’inertie chaque événement El Niño. parle des marées et André Lalande de
du système oscillant formé par l’atmo- La Terre ne tourne pas toujours à la circulation atmosphérique pour expli-
sphère et par l’océan. On comprend éga- la même vitesse. Au début du XVIIe quer les variations de la longueur du

ATTRACTION
GRAVITATIONNELLE
ATTRACTION
DE LA LUNE ET DU SOLEIL
GRAVITATIONNELLE
DES PLANÈTES

FONTE
DES CALOTTES
GLACIAIRES

VENTS

MOUVEMENTS
DES PLAQUES CO
IE NV
TECTONIQUES
H

EC
AP

ET TREMBLEMENTS
GR

TI
OYA

DE TERRE
ON
TOPO
DU N

GRAINE
FORCES
NOYAU DE FROTTEMENT

MANTEAU

CROÛTE

FORCES
ÉLECTROMAGNÉTIQUES

CYCLE
HYDROLOGIQUE

COURANTS
MARINS

4. LA ROTATION DE LA TERRE n’est pas uniforme. Plusieurs phéno- hydrologique et les phénomènes géophysiques internes (liés à la topo-
mènes la font varier : l’attraction gravitationnelle de la Lune, du Soleil graphie, la convection et les forces électromagnétiques entre le man-
et des planètes, la circulation atmosphérique et océanique, le cycle teau et le noyau).

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MARS 1997 NOVEMBRE 1997

jour. En 1870, Simon Newcomb constate de temps différentes. La Lune et le Soleil isolé. Dans ces conditions, d’après les
que les tables de la position de la Lune sont responsables de variations sécu- lois de la physique newtonienne, la
publiées en 1857 ne s’accordaient pas laires de la vitesse de rotation de la Terre, «quantité de rotation» ou moment ciné-
avec ses observations. Cependant, ses sur laquelle elles exercent des forces de tique global de la Terre se conserve (le
confrères sont à tel point persuadés gravitation qui freinent son mouve- moment cinétique d’un corps en rota-
de l’uniformité de la rotation de la Terre ment : la longueur du jour augmente tion autour d’un axe dépend de sa
qu’ils n’acceptent pas immédiatement d’environ deux millisecondes par siècle. masse, de sa vitesse et de la distance qui
de la remettre en cause. À la fin du Selon cette estimation, il y a 500 mil- le sépare de cet axe). Cependant, la Terre
XIXe siècle que George Darwin (le fils lions d’années, la Terre devait accom- n’est pas une boule solide et homogène.
de Charles Darwin) démontre que, dans plir une rotation complète en 21 heures. Elle est constituée d’éléments solides
le passé, la Lune était plus proche de Ces variations n’interviennent pas (la graine, le manteau et la croûte ter-
la Terre et que la durée du jour était dans le cadre de l’étude du phénomène restre) et de fluides (le noyau, l’hydro-
plus courte. Enfin, en 1915, des mesures El Niño, car elles concernent des échelles sphère et l’atmosphère) qui évoluent
suffisamment précises le confirment. de temps beaucoup plus longues que et interagissent : leur moment cinétique
Pourquoi n’est elle pas uniforme ? celles qui nous intéressent. Dans la suite, change. Or, la loi de conservation du
Plusieurs phénomènes font varier la nous ferons abstraction des forces exté- moment cinétique global de la Terre
vitesse de rotation de la Terre (voir la rieures qui s’exercent sur la Terre, que impose que, si le moment cinétique de
figure 4), chacun agissant à des échelles nous considérerons comme un système l’une de ses composantes varie, celui
d’une ou de plusieurs autres de ses com-
LONGUEUR DU JOUR (ROUGE) ET MOMENT CINÉTIQUE DE L'ATMOSPHÈRE (BLEU) posantes varient en sens opposé.
0,5 Notamment, le moment cinétique des
composantes solides est modifié et, avec
lui, la vitesse de rotation de la Terre.
MILLISECONDES

Les phénomènes géophysiques, tels


la cristallisation de la graine liée au
0
refroidissement progressif de la Terre
depuis sa formation, les couplages élec-
tromagnétiques entre le noyau et le
manteau ou les mouvements de
-0,5 convection au sein de ces deux élé-
1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000
ments entraînent des variations décen-
INDICE OSCILLATION AUSTRALE INVERSÉ nales irrégulières de la longueur du
2 jour. La période de ses variations est
de 20 à 60 ans, et leur amplitude est
1 de 3 à 4 millisecondes.
Les phénomènes qui perturbent
MILLIBARS

0 la circulation atmosphérique sont les


principaux responsables des variations
-1 journalières, saisonnières ou à l’échelle
de quelques années. Ils déterminent la
-2 valeur du moment cinétique de l’at-
1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 mosphère, qui se répercute sur le
moment cinétique de la Terre. Pour
5. LA LONGUEUR DU JOUR, ou période de rotation de la Terre, varie en phase avec le accéder au moment cinétique global
moment cinétique atmosphérique, qui mesure la «quantité de rotation» de l’atmosphère et
avec l’indice de l’oscillation australe inversé, c’est-à-dire la différence de pression entre de l’atmosphère, on fait la moyenne
Darwin, en Australie, et Tahiti, qui mesure l’intensité des événements El Niño (les pics en des moments cinétiques locaux, cal-
rouge correspondent aux plus intenses) : ces courbes qui représentent les variations à des culés avec les données météorologiques
échelles de temps comprises entre un et six ans (les autres, telles les variations saison- recueillies par des ballons sondes et
nières, étant filtrées) montrent que le phénomène El Niño influence le moment cinétique
atmosphérique, qui influence la longueur du jour. Précisons que le moment cinétique atmo-
des satellites, telle la vitesse des vents
sphérique est proportionnel à une quantité en millisecondes, représentée ici, à laquelle on le long des latitudes (ces vents sont
a enlevé 2 millisecondes, pour pouvoir mieux comparer à la longueur du jour. ceux qui influencent le plus la rotation

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FÉVRIER 1998 JUILLET 1998

de la Terre, car ils sont perpendiculaires 6. EN 1997-1998, LE MOMENT CINÉTIQUE ATMOSPHÉRIQUE, qui mesure la «quantité» de
à l’axe de rotation). Lors des événe- rotation de l’atmosphère, a évolué en phase avec l’événement El Niño (les régions où il est
ments El Niño, sous l’effet de l’accé- bas sont en bleu, tandis que celles où il est haut sont en rose) : il était anormalement élevé
à l’équateur de mars à octobre 1997, au début d’El Niño, puis aux latitudes moyennes de
lération des jet-streams, le moment novembre à janvier 1998, à l’apogée d’El Niño, et enfin aux hautes latitudes jusqu’en juillet 1998,
cinétique global de l’atmosphère aug- où El Niño est dans sa phase décroissante et va bientôt laisser la place à La Niña.
mente, ce qui est contrebalancé par une
baisse du moment cinétique de la Terre
solide, donc un ralentissement de sa
vitesse de rotation. À ces échelles de
temps, la circulation océanique inter-
Les méthodes de mesure de la longueur du jour
vient aussi sur la rotation de la Terre,
mais dans une bien moindre mesure.
D’autres phénomènes, telles les Jde usque dans les années 1970, on a
observé les variations de la vitesse
rotation de la Terre à l’aide de
consiste à observer simultanément
en ondes radio une même source
extragalactique (un quasar ou un
fluctuations du cycle hydrologique
(surtout influencées par les pluies), font lunettes et autres instruments noyau de galaxie) à l’aide de deux
aussi varier la longueur du jour à des optiques : on comparait l’heure de radiotélescopes distants de plusieurs
échelles de temps diverses, mais de passage des étoiles en un point donné milliers de kilomètres. Connaissant
façon négligeable. du ciel avec l’heure de passage théo- les coordonnées de la source (fixe),
En somme, bien que les causes des rique, donnée par des tables. Si l’étoile on calcule le décalage théorique entre
variations de la vitesse de rotation de était en avance, cela signifiait que la les heures d’arrivée des ondes radio
la Terre soient nombreuses, la circula- Terre avait ralenti et si l’étoile était aux deux radiotéléscopes. De la dif-
tion atmosphérique en est la principale en retard, qu’elle avait accéléré. férence entre le décalage théorique
responsable aux échelles de temps infé- Cependant, cette méthode est impré- (calculé avec une certaine vitesse de
rieures à la décennie. Pour s’en cise, à cause de la déviation que subis- rotation de la Terre) et le décalage
convaincre, il suffit de comparer les sent les rayons lumineux lorsqu’ils mesuré, on déduit la variation de la
valeurs du moment cinétique atmo- traversent l’atmosphère, que l’on vitesse de rotation de la Terre par rap-
sphérique à celles de la vitesse de rota- ne sait pas calculer (elle dépend de port à la valeur postulée.
tion de la Terre (voir la figure 5). On ne l’état de l’atmosphère, que l’on ne La télémétrie Laser consiste à
calcule plus cette dernière en obser- connaît pas exactement). mesurer le temps que met une impul-
vant les étoiles, comme autrefois, mais Aujourd’hui, on utilise des tech- sion laser à atteindre la Lune (ou un
avec des technique modernes plus pré- niques modernes plus précises. L’in- des satellites artificiels conçus pour
cises (voir l’encadré ci-contre). Depuis plu- terférométrie à très longue base les études de géodynamique), à se
sieurs décennies, les valeurs ainsi réfléchir sur les cataphotes qui y sont
obtenues de la longueur du jour mon- QUASARS installés et à retourner sur Terre (les
trent qu’elle varie conjointement avec le cataphotes sont des systèmes optiques
moment cinétique atmosphérique, aussi renvoyant la lumière en sens inverse
bien à l’échelle de la journée que de plu- et dans l’exacte direction d’où elle lui
AXE ÉTOILES parvient). De même, le décalage entre
sieurs années (voir la figure 5).
DE LA TERRE la valeur mesurée et la valeur théo-
Ainsi, à des échelles de temps infé-
rieures à la décennie, la vitesse de rique donne la variation de la vitesse
rotation de la Terre (du domaine de rotation de la Terre par rapport à
de la géodésie) dépend des varia- la vitesse postulée. On utilise égale-
tions du moment cinétique de ment des mesures réalisées avec le
l’atmosphère, qui sont elles- système GPS (Global Positioning Sys-
mêmes liées au phénomène El LUNE tem) et le système radioélectrique
Niño (du domaine de la clima- DORIS, du Centre national d’études
tologie). La vitesse de rotation de spatiales. En recoupant les résultats
la Terre pourrait donc être un indi- obtenus par ces différentes techniques,
cateur des signes précurseurs on obtient une précision de 0,01 mil-
SATELLITES liseconde sur la longueur du jour.
des événements El Niño dans l’at-
mosphère et servir à mieux les com-

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pli
paire

prendre, peut-être même à les prévoir. La vitesse de rotation en Indonésie et en Australie. C’est pen-
Pour atteindre ce but, les géophysi- de l’atmosphère dant cet événement que le moment ciné-
ciens et les climatologues étudient tique de l’atmosphère a atteint la plus
les relations existant entre ces trois élé- Les deux derniers El Niño intenses grande valeur jamais enregistrée et que
ments. Notamment ils sont en train de ont eu lieu en 1982-1983 et en 1997-1998 l’on a remarqué pour la première fois
préciser et de quantifier les effets des (il y en a eu de moindre intensité en les corrélations entre le moment ciné-
événements El Niño sur le moment 1986-1987 et 1992). Celui de 1982-1983 tique atmosphérique et l’indice de l’os-
cinétique atmosphérique, l’un des a été particulièrement intense. Il a cillation australe. En comparant leurs
indices les plus précis pour tester la provoqué des tempêtes et des inonda- valeurs lors des années précédentes, on
validité des modèles climatiques. tions en Amérique et des sécheresses constate qu’elles varient en opposition
de phase et qu’elles atteignent des
ALTITUDE (EN KILOMÈTRES) OSCILLATION QUASI-BISANNUELLE (a) valeurs extrêmes chaque fois qu’un évé-
nement El Niño a lieu (voir la figure 5).
30
En juin 1997, le Pacifique tropical,
jusqu’alors légèrement plus froid que
20
d’habitude, a commencé à se réchauf-
10
fer, et les observations par satellite ont
montré que le niveau de la mer s’éle-
0 vait à l’Est, à cause de l’arrivée d’un
1950 1955 1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 train d’ondes de Kelvin : ces prémices
LATITUDES (EN DEGRÉS) COMPOSANTE STRATOSPHÉRIQUE (b) annonçaient l’épisode El Niño de 1997-
90 1998. Les alizés ont faibli et le jet-stream
60 de l’hémisphère Nord s’est intensifié,
30 entraînant une augmentation du
0 moment cinétique atmosphérique et de
-30 la longueur du jour. L’événement El
-60 Niño a atteint son apogée en
-90 février 1998, quand ces deux valeurs
1950 1955 1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000
étaient maximales. Jusqu’en mai 1998,
LATITUDES (EN DEGRÉS)
COMPOSANTE TROPOSPHÉRIQUE (c) les eaux superficielles de l’océan Paci-
90 fique sont restées anormalement
60 chaudes, puis, à partir d’août 1998, El
30 Niño a laissé la place à La Niña.
0 Les moyennes régionales du
-30 moment cinétique atmosphérique
-60 montrent le lien direct entre cette quan-
-90 tité et les événements El Niño, pendant
1950 1955 1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 chaque phase de leur déroulement (voir
ALTITUDE (EN KILOMÈTRES) OSCILLATION TRIQUADRIANNUELLE (d) la figure 6). Lors de l’épisode El Niño
de 1997-1998, elles indiquent qu’il était
30
anormalement élevé à l’équateur de
20 mars à octobre 1997, ce qui correspond
à la perturbation de la cellule de Wal-
10 ker, puis aux latitudes moyennes de
novembre 1997 à janvier 1998, ce qui
correspond à la perturbation de la
1950 1955 1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000
cellule de Hadley, et enfin aux hautes
LATITUDES (EN DEGRÉS) COMPOSANTE TROPOSPHÉRIQUE (e) latitudes jusqu’en juillet 1998.
90 À une échelle de temps un peu
60 plus longue, trois types de vents sont
30 responsables des variations du moment
0 cinétique atmosphérique (voir la
-30 figure 7) : des vents stratosphériques qui
-60 se propagent des hautes vers les basses
-90 altitudes et localisés au voisinage de
1950 1955 1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000
l’équateur, des vents troposphériques
7. L’OSCILLATION QUASI-BISANNUELLE a une période d’environ 2 ans (a), comme le mon- qui se propagent de la surface vers les
trent les mesures du moment cinétique atmosphérique (qui augmente du violet au bleu, hautes altitudes et de l’équateur vers
vert, jaune, rouge et blanc) Elle est formée par des vents stratosphériques (b) qui se pro- les pôles (ces vents stratosphériques et
pagent des hautes vers les basses altitudes et localisés au voisinage de l’équateur, des vents troposphériques ont une période
troposphériques (c) qui se propagent de la surface vers les hautes altitudes et de l’équa-
teur vers les pôles (selon les flèches rouges). L’oscillation triquadriannuelle (d) est formée d’environ deux ans et forment ce que
par des vents essentiellement troposphériques (e) qui se propagent de l’équateur vers les l’on nomme l’oscillation «quasi-bis-
pôles (selon les flèches rouges) avec une période de trois à quatre ans. annuelle»), des vents essentiellement

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impaire

troposphériques qui se propagent de des oscillations quasi-bisannuelle et


l’équateur vers les pôles avec une triquadriannuelle varie. En outre, elle
période de trois à quatre ans (ils for- suppose que ces deux oscillations intè-
ment l’oscillation «triquadriannuelle»). grent l’influence des autres compo-
Lors des deux événements El Niño santes du système climatique,
de 1982-1983 et de 1997-1998, les varia- notamment de l’océan.
tions d’intensité de ces vents étaient Le moment cinétique atmosphé-
en phase et présentaient de grandes rique présente aussi des fluctuations
amplitudes. Était-ce une coïncidence? décennales. El Niño en est-il respon-
Non, car les deux types de vents tro- sable ? Nous ne savons pas encore
posphériques dépendent des varia- répondre à cette question, tant les
tions de température en surface des sources de variations sont nom-
océans, donc de El Niño. En outre, breuses à cette échelle de temps.
les variations d’intensité des vents stra- D’autres phénomènes climatiques
tosphériques étaient en phase avec pourraient aussi intervenir, notam-
celles des vents troposphériques, ce ment l’oscillation Nord-atlantique, le
qui indique probablement un lien de deuxième phénomène de plus grande
cause à effet entre ces vents et les épi- ampleur après El Niño.
sodes El Niño, par l’intermédiaire des Aujourd’hui, on sait que les épi-
vents troposphériques, et ce qui accen- sodes El Niño sont plus fréquents pen- CE QUE DISENT
tue encore la relation entre le moment dant certaines décennies, alors que les
cinétique atmosphérique et l’indice de épisodes La Niña sont plus fréquents LES PIERRES
l’oscillation australe. pendant d’autres. Dans les années Maurice Mattauer
Selon une hypothèse encore débat- 1990, des conditions chaudes se sont
tue au sein de la communauté scienti- «anormalement» maintenues dans le
fique, les épisodes El Niño intenses, Pacifique tropical. On parle de El Padre
tels ceux de 1982-1983 et de 1997-1998, ou de La Madre pour qualifier ces
se produiraient quand les oscillations périodes de 10 à 20 ans où les condi-
Ce livre vous convie
quasi-bisannuelles et triquadrian- tions sont respectivement plutôt
nuelles sont en phase et de grande chaudes ou plus froides et pendant les- à une promenade
amplitude. À l’aide de méthodes sta- quelles El Niño ou La Niña apparais- illustrée dans
tistiques, on détermine l’évolution de sent plus souvent. La communauté l’univers des pierres.
ces oscillations. En 2001-2002, leurs scientifique essaie de trouver les causes
composantes troposphériques seraient de cette variabilité décennale. Dans À partir de l’image,
en phase, ce qui apparaît comme une ces modèles, elle doit aussi tenir Maurice Mattauer,
condition nécessaire au déclenchement compte de l’impact des gaz à effet de professeur de géologie
d’un épisode El Niño, mais celle de serre qui participent au réchauffement
l’oscillation quasi-bisannuelle serait de du climat de notre planète. Ceux qui,
à l’Université
l’université de Mont-
faible amplitude, ce qui laisse présa- comme nous, étudient tant des don- pellier, reconstitue l’his-
ger un épisode El Niño peu intense. nées astrométriques et géodésiques toire des roches et les
Cependant, cette prévision a ses que des processus atmosphériques, grands événements
limites : l’emploi des méthodes statis- océaniques ou liés au couplage avec
tiques introduit une incertitude irré- le noyau terrestre, cherchent à com- dont elles sont les
ductible tant que l’on ne comprendra prendre tous ces phénomènes pour témoins, et invite à un
pas comment la période et l’amplitude prévoir le climat futur. «retour aux pierres»,
gage d’une nouvelle
compréhension de la
Rodrigo ABARCA DEL RIO est géophy- A BARCA DEL R IO , R. D. G AMBIS ,
sicien au département de mécanique spa- D.A. SALSTEIN, Interannual signals in nature.
tiale de la société Communication et length of day and atmospheric angular
Systèmes (CS), à Toulouse. Daniel GAM- momentum, Ann. Geophys., n° 18, pp.
BIS est astronome à l’Observatoire de 347-364, 2000.
Paris, où il dirige le Service international Code 075001 • 100 F
DICKEY, J.O., P. GEGOUT, et S.L. MARCUS,
de la rotation terrestre. David SALSTEIN
Earth-Atmosphere angular momentum 144 pages
est météorologiste dans la société de
exchange and ENSO. The rotational signa-
Recherche Atmosphérique et Environ-
ture of the 1997-98 event., Geophys.
nementale, à Lexington (Massachusetts)
Res. Lett., n° 26, pp. 2477-2488, 1999. Voir bon de commande
où il dirige le service de diagnostique
atmosphérique et océanique. Boris T. DELCROIX,B. DEWITTE., Y. DUPENHOAT, page 98
DEWITTE est océanographe de l’Institut F. MASIA et J. PICAUT, 2000 : Equatorial
de recherche pour le développement au waves and warm pool displacement during
Laboratoire d’études en géophysique et the 1992-1998 El Niño events. J. Geophys.
océanographie spatiale, à Toulouse. Research., n° 105, pp. 26045-26062, 2000. BELIN • POUR LA SCIENCE

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