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Illustration des évolutions des produits en cuisine

(transcription)

Rémy Lucas : ​« Eric, les produits, suivent aussi des modes, des tendances, et on va essayer
de regarder un petit peu ce que tu nous as ramené du marché. Est-ce que tu peux nous
présenter ces produits ? »

Eric Trochon : ​« D’abord il faut considérer que la grosse tendance est de travailler en saison.
C’est quelque chose de très important. Plutôt avec des produits de terroir. C’est pour cela
que vous avez aussi aujourd’hui sur la table un certain nombre de produits qui
correspondent à la saison dans laquelle nous sommes.

On s’aperçoit qu’aujourd’hui on a une majorité de vert, une majorité de végétaux. Ça c’est


très important. Ca marque la saison, ça marque la temporalité. Nos clients aiment beaucoup
attendre le renouvellement des saisons. Et en ça je trouve que l’on commence un petit peu à
s’inspirer de la cuisine kaiseki japonaise, où chaque produit est servi dans sa saison.

Alors ce poisson qui a été un petit peu délaissé jusque-là, qui est du maigre. Alors le maigre,
on ne savait pas trop comment le traiter. Il a une chair un petit peu spécifique, un peu
cotonneuse, qui demande beaucoup d'habileté. Ce n’était pas un poisson très prisé. J’aurais
bien aimé avoir par exemple des poissons bleus de type chinchard, sardine, qui ont aussi une
grosse côte en ce moment et qui sont bien dans la tendance. »

-« Ça veut dire que les turbots, les soles, les saint-pierres sont un petit peu moins présents. »

-« Ils sont présents en saison. Pour la bistronomie, notamment, ce sont des poissons qui sont
hors de prix. On peut les trouver dans les palaces. Pour les autres, il faut attendre de faire
des coups sur les marchés. C’est-à-dire si on a un arrivage massif de turbot, auquel cas les
turbots sont mis à la carte. Mais ça correspond aussi à une démarche. Il faut quand même se
rendre compte que le poisson aujourd’hui c’est un gibier. Le poisson sauvage, il faut aller le
chercher, il y en a de moins en moins, la ressource se tarie. Les prix augmentent, des fois il y
en a, et d’autres non, c’est comme ça. »

-« Difficile à cuisiner ? Parce que tu nous parlais du chinchard ... c’est bourré d’arêtes, c’est
compliqué… »

-« Il est sûr que ce sont des poissons difficiles à cuisiner - pas qu’à cause de leurs arêtes mais
aussi par la texture de leur chair. Je dirais qu’on est plus habitué en tant que cuisinier
gastronomique à travailler des turbots. On sait que c’est un poisson qui supporte assez bien
les cuissons et qu’on arrive à manier. Le maigre, le chinchard, la sardine, le maquereau ...
demandent quand même un petit peu plus d’habileté. »

-« Alors, de la viande aussi mais là, ce n’est pas une viande rouge. »

-« Alors non. On ne consomme pas de gras mais on adore le lard de Colonnata, qui est
vraiment, pour moi, un gimmick qu’on trouve en ce moment sur toutes les cartes. »

-« Qu’est-ce que c’est alors le lard de Colonnata ? »

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-« C’est donc de la poitrine de lard qui vient d’Italie. C’est du lard qui est salé avec des
aromates thym, romarin etc… qui est mis à maturer dans des grandes cuves en marbre de
Carrare avec des poids pendant plusieurs mois. Et on va avoir une maturation de ce gras qui
va lui donner un côté très intéressant. On ne va pas l’utiliser fondu, on va plutôt l’utiliser
juste tempéré, il va venir sur les ingrédients. C’est un produit qui est maintenant sur nos
tables depuis quelques années. A priori il viendrait des Etats-Unis, notamment restaurant
“Le Cirque” à New York qui aurait été un des premiers à l’utiliser, ou à remettre en valeur en
tous cas le lard de Colonnata.

Et c’est intéressant aussi puisqu’on a parlé du Japon avec le poisson mais on a en ce moment
une énorme tendance sur les produits italiens. On a le terroir italien qui est très, très,
présent. Alors que ce soit à travers le lard de Colonnata, je ne parle pas des huiles d’olive ni
des vinaigres balsamiques mais beaucoup de charcuteries, des pancetta et autres. Retour
également des fromages type mozzarella, mozzarella di buffala, le parmesan qui est présent
dans toute les cuisines aujourd’hui et qu’on a vu arriver dans les années 2000-2005.
Aujourd’hui le parmesan est indispensable à la cuisine contemporaine. »

-« Et puis est possible dans une recette d’associer un lard paysan avec des saveurs romarin,
d’herbes etc… et du poisson c’est là aussi ce qu’on appelle des accords terre-mer. C’est un
petit peu nouveau. »

-« Alors les accords terre-mer existaient mais cette forme est nouvelle. C’est-à-dire le fait
d’associer du cru du cuit, la terre et la mer… »

-« Alors il y a beaucoup de légumes. On va pouvoir les présenter les uns avec les autres. Il
faut dire qu’au moment où l’on fait ce marché on est un peu à la fin de l’hiver et dans le
printemps. »

-« Le plus ancien qui est un peu fondateur pour moi dans la cuisine en ce moment, ce sont
les légumes racines, avec ici un panais. Le panais est très à la mode. Le panais en sucré
également puisqu’on l’utilise en salé principalement, mais on commence à avoir des recettes
de panais sucrées, donc un détournement. Et il se trouve que quand on plonge dans
l’Escoffier (ndlr Le Guide Culinaire), on trouve déjà le panais, notamment dans les recettes
de bouillon. Quand on a des bouillons un petit peu faibles, on y met des panais et ça
renforce le goût de viande.

Un autre produit que j’aime beaucoup, et qu’on associe en ce moment énormément et


principalement cru, c’est le champignon : champignons de Paris, champignons blancs, voire
rosés des prés quand on arrive à en trouver, mais ça c’est plus rare. Le champignon blanc,
archi banal, qui a été banalisé pendant des années, coupé en petite lamelles… »

-« Et qu’on redécouvre en fait. »

-« C’est une vraie valeur le champignon en ce moment. En plus, c’est un produit qui est assez
facile à trouver. Il faut qu’il soit de bonne qualité, surtout bien ferme, bien frais, ça c’est
important.

Ensuite on va passer dans tout ce qui est du domaine des légumes de jardin. Le maraîchage
est à la mode. Chaque restaurateur à un ou deux, voire trois maraîchers qui lui envoient des
produits. Ici l’ail des ours, qui est très intéressant. Il y a quelque années, on les utilisait juste

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cru, puis ensuite on les a snackés.

Et puis là, aujourd’hui, encore une fois pour suivre les tendances, on va faire des
condiments, notamment avec les pickles. L’ail des ours en pickles est absolument délicieux.
Donc ça c’est la petite pousse tendance, quand on peut avoir les fleurs, c’est là aussi très,
très bien.

Et en parlant de fleurs, des fleurs qu’on utilise beaucoup, alors ce ne sont pas des fleurs pour
décorer, on a sauté l’étape.. »

-« C’est plus la cuisine des fleurs qu’on a connu avec… »

-« C’est pas la cuisine des fleurs, ce sont des fleurs qui n’ont d’intérêt que si elles ont un sens
dans la cuisine, en tous cas c’est notre propos. Effectivement ici, ces petites fleurs de sureau,
on va les traiter en sirop par exemple. On va les intégrer dans un dessert, ou alors on va les
faire en friture et les mettre en décoration. Donc c’est la fleur pour la fleur. Ce n’est pas
juste la fleur pour ponctuer de quelques virgules d’élégantes assiettes.

Autre fleur, qui est très, très intéressante, qu’on ne trouvait pas, parce qu’on ne laissait pas
ce produit monter en fleur ; c’est la fleur de coriandre. D’abord c’est sublissime, ça sent très
très bon. Et aujourd’hui on va utiliser la fleur de coriandre dans plusieurs phases. Les feuilles
d’abord, ensuite on laisse monter les fleurs. Et puis là, on a le début de quelque chose qui va
être très intéressant, les graines fraîches de coriandre qui sont là, qu’on voit ici ; et ces
graines fraîches de coriandre c’est absolument sublime. Donc on peut également faire des
petits pickles avec. C’est aussi une tendance ; c’est de vouloir revenir aux conserves. Tout ce
qui est lacto-fermentation, pickles, conservation au sucre, au vinaigre etc…

Un petit radis glaçon. »

-« C’est un tout petit radis… »

-« Un tout petit radis qu’on va traiter, c’est pareil, on est dans le ultra-nature. On va manger
autant la fane que le radis lui-même, parce que là, vu la taille du radis, il faut se rendre
compte que c’est quand même très petit.

La tendance aussi c’est qu’on va essayer de les conserver dans leurs formes naturelles,
d’ajouter un minimum d’intervention, pour que le produit se présente presque nu sur la
table. Un petit geste de cuisinier c’est important mais il faut quand même en conserver la
naturalité.

Au rayon de la naturalité, un produit tout à fait étonnant, c’est une salade montée. »

-« Une salade montée, celle qu’on ne voulait plus dans les jardins avant. »

-« Mais celle-là, on va la cultiver pour la voir monter, c’est une celtuce. Et en l’occurrence,
c’est non pas les feuilles qui vont nous intéresser mais le corps, qui va être traité comme des
asperges. On va le peler et récupérer la moelle pour l’utiliser. C’est un joli produit, un petit
peu étonnant. C’est vrai que c’est intéressant de le montrer puisque souvent quand il arrive
dans l’assiette on a des petits cylindres , ou on va l’émincer. C’est assez étonnant de voir
qu’on va, a contrario aujourd’hui, utiliser des produits dans une phase complètement
différente de la phase qui nous intéressait autrefois. On l’utilise quand on la coriandre qui
est montée, en fleur et en graines, alors qu’on aurait jamais laissé monter de la coriandre.
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Une salade montée, c’était systématiquement du fumier avant. Et aujourd’hui on va au
contraire utiliser ces produits.

Autre produit très intéressant : la roquette. Alors je parlais de la cuisine italienne, et de


l’empreinte de la cuisine italienne à l’heure actuelle. La roquette est vraiment devenue
incontournable. Et notamment en salade, crue avec les viandes, ça va ponctuer un peu les
plats par le côté poivré et légèrement acide. »

-« Mais on connaît finalement assez bien les feuilles de roquettes, mais là, il n’y a pas que
des feuilles des roquette. »

-« Non, là on utiliser les fleurs de roquette. Donc pareil on laisse monter la fleur, et puis on
va l’utiliser en assaisonnement, parce que c’est très poivré. »

-« On avait la capucine… »

-« la capucine, une belle fleur orangée… »

-« Absolument. Et maintenant on utilise les fleurs de roquette. Je pense qu’il y a un


développement, mais ça on le sait, c’est ce qu’on appelle la cuisine “super-naturelle”, de
type Michel Bras. on va utiliser des fleurs qui sont devenues assez communes, même pour
les citadins, dans la mesure où ce sont des choses qui arrivent même sur nos marchés. »

-« Oui, parce que on a aussi cette volonté de cultiver près de chez nous, et ne pas forcément
aller loin, que la ville soit aussi un environnement de culture… On a tous un petit balcon,
avec des herbes etc… et puis aussi on parle des espaces verts et des potagers urbains. »

-« Alors c’est vraiment l’enjeu du cuisinier citadin aujourd’hui, notamment des parisiens :
avoir un potager urbain. Il y a un certain nombre de paysagistes qui travaillent sur ce sujet.
On s’aperçoit historiquement qu’au dix-huitième siècle on cultivait déjà à Montreuil un
certain nombre de produits. Pas seulement les pêches, que tout le monde connaît, mais
aussi des légumes. Paris était quasiment autosuffisant en légumes verts. Ils arrivaient à créer
de tout petits espaces de culture.

Il faudrait aussi se tourner vers la permaculture. C’est vrai que la permaculture commence à
avoir une influence très importante : l’idée que tout se consomme, qu’il n’y a pas de rejet
ultime. C’est vraiment la philosophie d’avoir des produits proches, un peu inhabituels : des
fleurs, des bulbes ou la criste-marine, une fleur de bord de mer et de dunes.

On utilise beaucoup ces herbes marines aujourd’hui. On est en train de se tourner vers ça
sous format de collectes, c’est-à-dire qu’on a des ramasseurs qui ensuite se groupent et on
vient collecter ce que ces ramasseurs nous ont produit. Et c’est très intéressant parce qu’on
a des saveurs tout à fait nouvelles, assez inhabituelles. Le problème c’est que ce ne sont pas
des circuits traditionnels. Il faut forcément passer par des circuits alternatifs. Donc on
s’aperçoit qu’on est à la fois dans la saison, on est dans le local, on est dans les circuits
alternatifs. Les modes d’approvisionnement ont considérablement changé.

La tendance c’est aussi d’aller trouver de nouveaux modes d’approvisionnement. Le travail


du chef aujourd’hui, s’il cherche à être un petit peu novateur, c’est de se rapprocher de sa
source, ce qui était encore complètement impensable il y a une quinzaine d’années.
Majoritairement on avait des grandes surfaces, M.I.N (marchés d’intérêt national) à Paris
Rungis, Nice, Nantes etc… On avait des fournisseurs qui faisaient un petit peu “filtre” entre
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le producteur et le cuisinier, alors qu’aujourd’hui on va établir un lien direct.

On essaye d’utiliser des produits assez modestes, et quand on utilise des produits disons
“nobles”, on va essayer au contraire de leurs ramener un petit peu d’humanité à travers
l’utilisation de produits comme le champignon de Paris, le beurre noisette… Des choses où
l’on va essayer de “ramener” le produit, de lui redonner de la naturalité. »

-« Plus de proximité, avec les gens, avec les producteurs, avec les régions de production, plus
de simplicité, avec des poissons moins nobles, ou des salades montées. Une cuisine rythmée,
dictée, un peu par le marché, par ce qu’on y trouve… »

-« Le marché des saisons. »

-« Voilà, donc c’est plus tellement le cuisinier qui fait son menu, c’est un petit peu les
produits qui disent « voilà ce qu’on pourrait faire ». C’est une logique, une démarche un
petit peu différente. »

-« La démarche a complètement changé aujourd’hui ce n’est pas le chef qui établit une carte
pour un an et qui va commander du turbot, qu’il pleuve, qu’il vente ou qu’il neige. Mais c’est
plutôt qu’est-ce qui arrive du marché. Et puis c’est l’apparition dans les restaurants du menu
unique, qui suivent cette logique de saisons et d’approvisionnements. Avec une clientèle qui
commence à être un petit peu plus réceptive à cela. Même si effectivement, le menu unique
n’est déjà plus très tendance parce qu’on a pas mal de clients qui se plaignent de plus avoir
le choix. »

-« Ou de retrouver un plat qu’on aime bien et qu’on connaît bien, où il y a la notion de


mémoire… »

-« Pour retrouver un plat qu’on aime bien, ça sera forcément en saison.

On va aller faire une recette. C’est une recette qui va un petit peu symboliser tout ce qu’on
va imaginer de “tendance”. Evidemment il s’agit ne pas d’imposer quelque chose. Il s’agit
plutôt de montrer dans quelle direction on va aujourd’hui. Sachant qu’on a parlé de la
naturalité, d’urbanisme, mais également l’arrivée d’une mode un petit peu scandinave, qui
sont toutes très intéressantes. Puis, le passage de la cuisine du soleil, à la cuisine espagnole,
les tendances voyage. C’est ça la tendance ! La tendance c’est plus un seul chemin mais des
influences assez diverses.

J’ai fait une recette très simple, partant du principe que le maigre a un problème de texture ;
c’est une texture qui devient très vite cotonneuse. Donc en pavé c’est un peu délicat à cuire,
sauf s’il on a un maigre extrêmement frais (quelques heures). Sinon j’aime bien le traiter
comme ça : simple très fin et avec un beurre noisette. On a beaucoup décrié le beurre
noisette et le beurre en général dans la cuisine. Et puis là, on s’aperçoit ces dernières années
qu’on réutilise le beurre, non pas de façon inconsidérée, mais vraiment pour ce côté
noisette. Donc on va chercher un beurre avec ce très léger parfum noisette, on l’arrête avec
un petit peu d’eau de façon à le stabiliser. Et puis j’en ai badigeonné le fond de ma plaque
sur lequel j’ai mis mon poisson. Le poisson qui a été découpé en très, très, fines épaisseurs.
Je le positionne sur mon assiette chaude. Je l’ai au préalable arrosé d’un petit trait de citron
dans la plaque. Je vais mettre dessus un petit peu de beurre. Alors ce beurre est noisette, il

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va venir rehausser le goût du maigre qui est un tout petit peu en deçà de ce que l’on peut
attendre.

Je viens positionner ma celtuce qui a été cuite dans un petit beurre avec un peu d’eau et
beaucoup de sucre. C’est à peine cuit donc on va avoir un côté un petit peu croquant.

Dans les choses assez tendance comme ça, on a un condiment citron, on travaille beaucoup
avec les agrumes. Et je viens mettre des fines lamelles de champignons et la criste-marine, à
dose homéopathique, c’est quand même assez fort et puissant.

La coriandre pour le goût, alors pour la beauté de la fleur, certes, mais c’est le goût moi qui
m’intéresse. J’ai la chance ici d’avoir quelque petites belles têtes de coriandre en formation,
que je vais utiliser. Et un peu de fleurs de sureau, un peu fruitées. Donc c’est un plat très
contemporain.

On parlait de tendance tout à l’heure, celui-là il est vraiment marqué dans l’instant. Et
comme tu peux t’en rendre compte il n’y a pas de sauce. Donc moins de sauce mais des
sauces de meilleure qualité, et des jus principalement qu’on vient pour terminer en fait
l’assiette comme ça.

-« Voilà. Alors ce qu’il faut effectivement apprécier c’est l’esthétique de l’assiette.


C’est-à-dire qu’on est sur du blanc qui vibre - le champignon de Paris, la chair du maigre, les
fleurs de coriandre et de sureau. Tout cela est très élégant. Des petites taches de jaune, avec
le citron, le beurre noisette, un petit peu de vert ... une assiette totalement printanière, avec
finalement pas grand-chose… »

-« Non assez peu de choses, c’est-à-dire que ça marque bien la cuisine actuelle, donc on
cache sous une apparente simplicité la grande difficulté de la cuisson, puisque là, la cuisson
est à la seconde près. La cuisine s’inscrit dans le temps qu’elle traverse. Parler de tendance,
c’est à la fois réfléchir sur les tendances de la société dans laquelle on vit, qui vont nous
amener la cuisine que l’ont fait, et celle que l’on mange. »

-« Là, on parle de simplicité, on parle d’esthétique. On est un peu dans le cuit un peu dans le
cru. On est beaucoup dans le cru même … parce qu’on a des herbes crues, on a des
champignons crus. Il y a ce mélange très contemporain de simplicité, d’élégance et de
sobriété, même dans la cuisine. Ce n’est pas un plat très cuisiné, c’est technique. »

-« Alors. C’est un plat très cuisiné, justement mais ça ne se voit pas. Parce que, par exemple,
le beurre noisette, c’est de la cuisine. On pourrait simplement se contenter de mettre un
beurre fondu comme on le faisait autrefois ; juste comme pour marquer un poisson en
cuisson, on le badigeonnait de beurre fondu. On n’est pas là. Là on va chercher à pousser les
produits ! Le beurre on le met noisette, la celtuce est glacée avec une pointe de sucre, parce
qu’on sait que la celtuce présente une très légère amertume. Le champignon on le laisse cru,
c’est là qu’il exprime toute sa puissance mais il faut choisir un très bon champignon de Paris,
très frais. Les fleurs viennent en contrepoint, elles sont dans l’aspect esthétique mais pas
que ; si tu prends une bouchée tu vas avoir à la fois la criste-marine avec ce côté un peu
spécifique, tu vas avoir l’arôme de la coriandre... donc c’est vraiment cuisiné »

-« Le croquant de la salade, la texture… »

-« Je ne parle pas des textures encore, effectivement il y a un jeu sur les textures. Et, il y a

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quelque chose de très contemporain aussi : c’est l’acidité. Les jeux d’acidité sont très
tendance en ce moment ; c’est à dire travailler sur l’équilibre avec l’acidité. A l’instar de ce
qu’on le fait avec le vin, où l’acidité du vin donne la fraîcheur. Tu peux te permettre de
mettre du beurre si derrière on contrebalance avec l’acidité, donc ici c’est le jus de citron
frais et le condiment citron, qui vont équilibrer la saveur du beurre. »

-« Alors ça c’est une idée de recette instantanée faites avec des produits qu’on a vu tout à
l’heure. Est-ce qu’on pourrait imaginer d’autres recettes avec ces mêmes produits, avec ce
maigre, avec ces champignons, avec ces herbes ? Une autre manière complètement
différente de réinventer… »

-« Oui ce qu’on disait, c’est qu’on aurait pu le traiter en pavé… le maigre a une chaire assez
ferme, mais qui ne tient pas très bien à la cuisson. On l’aurait donc traité en pavé, à
l’unilatérale, sur la plancha, très simple, très sobre. On aurait pu imaginer faire un bouillon
avec le champignon ; on travaille aussi beaucoup les bouillons en ce moment. Donc non pas
utiliser le champignon cru comme ça, mais récupérer tous les pieds de champignons, les
parures pour un bouillon très clair, infusé avec de la coriandre. On serait parti sur une petite
chose un petit peu asiatique, contrebalancée derrière par un beurre de citron ou un
condiment citron qui aurait ramené de la densité ; et la celtuce, un peu délicate à traiter,
mais je pense qu’on peut aussi l’émincer crue et là, on va faire ressortir l’amertume… »

-« Le végétal, le vert… »

-« Voilà, le végétal, la moelle de la laitue en fait. Ça c’est une autre tendance. Donc les
bouillons traités en assiette creuse ; on travaille aussi beaucoup l’assiette creuse aujourd’hui
; on sert beaucoup de choses en assiette creuse. »

-« Des tartares, du cru aussi, faire un mi- tartare de maigre ? »

-« Non, je pense plutôt que le tartare risque d’être un tout petit peu filandreux. Je l’aurais
plutôt traité en ceviche, qui est la grande recette tendance. Le tartare laisserait un côté un
peu effiloché, alors que, le ceviche permet d’avoir une petite cuisson au citron, qui peut être
intéressante car l’acide va changer la texture du maigre.

Ce sont les idées qui me viennent comme ça, à l’instant, en fonction des produits. Elles
s’inscrivent dans le temps, dans un contexte général, dans une époque.

Aujourd’hui on a tous envie de fraîcheur. On veut passer moins de temps à table, on veut
des choses plus toniques à manger, qui ne nous laissent pas un sentiment de lourdeur. On a
envie de quelque chose de simple mais pas de simpliste. Je crois aussi qu’il y a une grande
spontanéité dans la cuisine actuelle.

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