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PHILOSOPHIE POLITIQUE
15.03.2021
Alexandre Douguine
Great Reset
Les 5 points du prince Charles
En 2020, au Forum de Davos, son fondateur Klaus Schwab
et le Prince Charles de Galles ont proclamé un nouveau
cours pour l'humanité, "Great Reset", la "Grande
Réinitialisation".
Le plan annoncé par le prince de Galles comporte 5 points :
1. La prise de possession de l'imagination et de la volonté
de l'humanité - le changement n'aura lieu que si les gens le
veulent réellement;
2. La relance économique doit amorcer le
développement durable. Il faut réinventer les structures de
production durable qui ont eu des effets pervers sur
l’environnement planétaire ;
3. La transition vers une économie sans pétrole au
niveau mondial. Les systèmes et les procédés doivent être
niveau mondial. Les systèmes et les procédés doivent être
reconçus pour atteindre la neutralité en carbone à l'échelle
mondiale. Les prix des hydrocarbures peuvent assurrer le
cheminement critique afin de parvenir à la résilience du
marché ;
4. La science, la technologie et l'innovation doivent être
revigorées. L'humanité est à la veille d’une percée drastique
qui changera notre vision de ce qui est possible et
profitable dans le contexte d'un avenir durable ;
5. Les investissements doivent être rééquilibrés.
L'accélération des investissements verts peut offrir des
possibilités d'emploi dans les domaines de l'énergie verte,
de l’économie circulaire et de la bioéconomie, de
l'écotourisme et des infrastructures publiques vertes[1].
Le terme "durable" (sustainable) est le concept le plus
important du Club de Rome - "développement durable".
Cette théorie est basée sur une autre théorie, la théorie des
"limites à la croissance", selon laquelle la surpopulation
planétaire a atteint un point critique (ce qui implique la
nécessité de baisser la natalité).
Le fait que le mot "durable" soit utilisé dans le contexte de
la pandémie Covid-19, qui selon certains analystes devrait
entraîner une diminution de la population, a provoqué une
réaction importante au niveau mondial.
Le point principal du Great Reset se résume à :
- la gestion de la conscience publique à l'échelle
mondiale, qui est à la base de la "culture de l'annulation" -
l'introduction de la censure dans les réseaux contrôlés par
les mondialistes (point 1) ;
- Transition vers une économie écologique et rejet des
structures industrielles modernes (points 2 et 5) ;
- La transition de l'humanité vers le 4ème ordre
économique (la précédente réunion de Davos y était
consacrée), c'est-à-dire le remplacement progressif de la
main d'œuvre par les cyborgs et la mise en place de
l'Intelligence Artificielle à l'échelle mondiale (point 3).
L'idée principale de Great Reset est de poursuivre la
mondialisation et de renforcer le mondialisme après une
série d'échecs : la présidence conservatrice de l'anti-
mondialiste Trump, l'influence croissante d'un monde
multipolaire - principalement la Chine et la Russie, la
montée des pays islamiques - Turquie, Iran, Pakistan,
Arabie Saoudite et leur retrait de l'influence occidentale.
Au forum de Davos, les représentants des élites libérales
mondiales déclarent la mobilisation de leurs structures en
mondiales déclarent la mobilisation de leurs structures en
prévision de la présidence Biden si souhaitable pour eux et
de la victoire des démocrates dirigés par les mondialistes
aux États-Unis.
Mise en œuvre
Le marqueur de l'agenda mondialiste sont les paroles de la
chanson (Jeff Smith) "Build Back Better", le slogan de la
campagne de Joe Biden. Cela signifie qu'après une série de
revers (comme un typhon ou l'ouragan Katrina), les gens
(c'est-à-dire les mondialistes) reconstruisent de meilleures
infrastructures qu'auparavant.
Great Reset commence avec la victoire de Biden.
Les leaders mondiaux, les dirigeants de grandes
entreprises - Big Tech, Big Data, Big Finance, etc. - se sont
réunis et se sont mobilisés pour vaincre leurs adversaires -
Trump, Poutine, Xi Jinping, Erdogan, Ayatollah Khomenei et
d'autres. Le point de départ a été d'arracher la victoire à
Trump en utilisant les nouvelles technologies - par la
"capture de l'imagination" (point 1), l'introduction de la
censure sur Internet et la fraude au vote par
correspondance.
L'arrivée de Biden à la Maison Blanche signifie que les
mondialistes passent à autre chose.
Cela devrait affecter tous les domaines de la vie - les
mondialistes retournent là où Trump et les autres pôles de
multipolarité croissante les ont arrêtés. Et c'est là que le
contrôle des esprits (par la censure et la manipulation des
médias sociaux, la surveillance totale et la collecte de
données sur tout le monde) et l'introduction de nouvelles
technologies jouent un rôle clé.
L'épidémie de Covid-19 en est la preuve. Sous le couvert de
l'hygiène sanitaire, Great Reset s'attend à modifier
radicalement les structures de contrôle des élites
mondialistes sur la population mondiale.
L'investiture de Joe Biden et les décrets qu'il a déjà signés et
qui ont renversé pratiquement toutes les décisions de
Trump signifient que le plan a commencé à être mis en
œuvre.
Dans son discours sur la "nouvelle" orientation de la
politique étrangère américaine, Biden a en fait exprimé les
principales orientations de la politique mondialiste. Elle ne
peut sembler "nouvelle" que partiellement - seulement en
comparaison avec la ligne de Trump. Dans l'ensemble,
Biden a simplement annoncé un retour au vecteur
précédent :
- placement des intérêts mondiaux avant les intérêts
nationaux ;
- renforcement des structures du gouvernement
mondial et de ses filiales sous la forme d'organisations
supranationales et de structures économiques mondiales ;
- renforcement de l'OTAN et la coopération avec toutes
les forces et régimes mondialistes ;
- promotion et approfondissement de transformations
démocratiques à l'échelle mondiale, ce qui signifie en
pratique :
1) l'escalade des tensions avec les pays et les régimes qui
rejettent la mondialisation - principalement la Russie, la
Chine, l'Iran, la Turquie, etc ;
2) le renforcement de la présence militaire américaine au
Moyen-Orient, en Europe et en Afrique ;
3) la propagation de l'instabilité et des "révolutions de
couleur" ;
4) une large utilisation de la "diabolisation", de la
"déplatformation" et de l'ostracisme informatique (culture
de l'annulation) contre tous ceux qui ont des opinions
différentes de celles du mondialisme (à l'étranger et aux
États-Unis eux-mêmes).
Ainsi, non seulement la nouvelle administration de la
Maison Blanche ne montre pas le moindre désir d'avoir un
dialogue égal avec qui que ce soit, mais elle ne fait que
durcir son propre discours libéral, qui ne tolère aucune
objection. La mondialisation entre résolument dans la
phase totalitaire. Cela rend plus que probable la possibilité
de nouvelles guerres - y compris un risque accru de
troisième guerre mondiale.
La géopolitique de la "Grande Réinitialisation"
La Fondation pour la défense des démocraties (Foundation
for Defence of Democracies) mondialiste qui exprime la
position des milieux néoconservateurs américains, vient de
publier un rapport contenant des recommandations pour
Biden précisant que les directions politiques de Trump
telles que :
1) l'opposition croissante à la Chine,
2) l’augmentation de la pression sur l'Iran
– sont positifs, et Biden devrait continuer à suivre ces axes
dans sa politique étrangère.
Les auteurs du rapport, en revanche, ont condamné les
actions de politique étrangère de Trump telles que :
actions de politique étrangère de Trump telles que :
1) le cours à la désintégration de l'OTAN ;
2) le rapprochement avec les "leaders totalitaires" (ceux de
la Chine, de la Corée du Nord et de la Russie) ;
3) un "mauvais" marché avec les Talibans ;
4) le retrait des troupes américaines de la Syrie.
Ainsi, la Grande Réinitialisation en géopolitique signifiera
une combinaison de "promotion de la démocratie" et de
"stratégie agressive néoconservatrice de domination à
grande échelle", qui est le principal vecteur de la politique
néoconservatrice. Cependant, il est conseillé à M. Biden de
poursuivre et d'intensifier la confrontation avec l'Iran et la
Chine, mais l'accent doit être mis sur la lutte contre la
Russie. Et cela nécessite de renforcer l'OTAN et
d’augmenter la présence américaine au Moyen-Orient et en
Asie centrale.
Outre Trump, la Russie, la Chine, l'Iran et certains autres
pays islamiques sont considérés par les adeptes du Great
Reset comme les principaux obstacles sur son chemin.
Ainsi, les projets environnementaux et les innovations
technologiques (principalement l'introduction de
l'intelligence artificielle et de la robotisation) sont combinés
à la croissance d'une politique militaire agressive.
Une brève histoire de l'idéologie libérale : le
mondialisme comme point culminant
Nominalisme
Pour bien comprendre ce que signifient, à l'échelle
historique, la victoire de Biden et le "nouveau" cap de
Washington sur le Grande Réinitialisation, il faut examiner
toute l'histoire de la formation de l'idéologie libérale - en
partant de ses racines. Seulement dans ce cas-là nous
pourrons apprécier la gravité de notre situation. La victoire
de Biden n'est pas un épisode accidentel, et l'annonce
d'une contre-attaque mondialiste n'est pas simplement
l'agonie d'un projet raté. C'est bien plus grave que cela.
Biden et les forces qui le soutiennent incarnent
l'aboutissement d'un processus historique qui remonte au
Moyen-Âge, atteint sa maturité à l'époque moderne avec
l'émergence de la société capitaliste, et entre aujourd'hui
dans son stade final - théoriquement prévu dès le début.
Les racines du système libéral (=capitaliste) remontent à la
querelle scolastique des universaux. Cette discussion a
divisé les théologiens catholiques en deux camps : les uns
ont reconnu l'existence du commun (espèce, genre,
universel), tandis que les autres ont considéré comme
universel), tandis que les autres ont considéré comme
existantes seulement des choses concrètes singulières -
individuelles, et ont interprété leurs noms généralisants
comme des systèmes de classification conventionnels
purement externes, représentant des expressions vides de
sens. Ceux qui étaient convaincus de l'existence du général,
de l'espèce, s'appuyaient sur la tradition classique de Platon
et d'Aristote. Ils en sont venus à être appelés "réalistes",
c'est-à-dire ceux qui reconnaissaient la "réalité des
universaux". Le représentant le plus éminent des "réalistes"
était Thomas d'Aquin et en général la tradition des moines
d’ordre dominicain.
Les partisans de l'idée que seules les choses singulières et
les êtres individuels sont réels étaient appelés
"nominalistes", du latin nomen, "nom". L'exigence de "ne
pas doubler les singularités" remonte précisément à l'un
des principaux défenseurs du "nominalisme", le philosophe
anglais Guillaume d’Ockham. Plus tôt encore, les mêmes
idées avaient été défendues par Jean Roscelin. Bien qu’à la
première étape les "réalistes" aient gagné et que les
enseignements des "nominalistes" aient été anathématisés,
plus tard les chemins de la philosophie de l'Europe
occidentale - surtout de la modernité - ont suivi l’ornière d'
Ockham.
Le "nominalisme" a jeté les fondements du futur
libéralisme - tant sur le plan idéologique qu'économique.
Ici, l'homme est considéré comme individu, rien de plus,
alors que toute forme d'identité collective (religion, état,
etc.) doivent être abolies. En outre, une chose était
considérée comme propriété privée absolue, comme une
chose singulière concrète qui pouvait facilement être
attribuée comme propriété à tel ou tel propriétaire
individuel.
Le nominalisme a d'abord prévalu en Angleterre, s'est
largement répandu dans les pays protestants et est devenu
progressivement la principale matrice philosophique de la
modernité - en religion (relations individuelles de l'homme
avec Dieu), en science (atomisme et matérialisme), en
politique (premisse de la démocratie bourgeoise), en
économie (marché et propriété privée), en éthique
(utilitarisme, individualisme, relativisme, pragmatisme) etc.
Capitalisme : la première phase
En partant du nominalisme, on peut retracer toute l'histoire
du libéralisme historique, de Roscelin et d’Ockham à Soros
et Biden. Par commodité, nous allons diviser cette histoire
en trois phases.
La première phase a consisté en l'introduction du
nominalisme dans le domaine de la religion. Les
nominalisme dans le domaine de la religion. Les
protestants ont remplacé l'identité collective de l'Église,
comme était comprise par le catholicisme (et plus encore
par l'orthodoxie) par des individus sérarés qui peuvent
désormais interpréter les saintes Écritures en se basant
uniquement sur leur raisonnement et en rejetant toute
tradition. Ainsi de nombreux aspects du christianisme -
sacrements, miracles, anges, récompense posthume, fin du
monde, etc. - ont été révisés et rejetés comme étant
incompatibles avec les "critères rationnels".
L'église en tant que "corps mystique du Christ" a été
détruite et remplacée par des clubs d'intérêt créés par le
libre consentement d’en bas. Cela a donné naissance à une
multitude de sectes protestantes qui se disputent. En
Europe et en Angleterre même, où le nominalisme a porté
ses plus grands fruits, le processus a été quelque peu
freiné, et les protestants les plus ardents se sont précipités
vers le Nouveau Monde et y ont établi leur société. Ainsi,
plus tard, après la lutte avec la métropole, les États-Unis
ont émergé.
Parallèlement à la destruction de l'Église en tant
qu'"identité collective" (quelque chose de "commun"), les
domaines ont commencé à être abolis. La hiérarchie sociale
des prêtres, de l'aristocratie et des paysans a été remplacée
par des "citadins" indéfinis, ce qui est le sens originel du
mot "bourgeois". La bourgeoisie a supplanté toutes les
autres couches de la société européenne. Un bourgeois
représentait l’individu proprement dit ; un citoyen sans
famille, sans tribu, sans profession, mais avec une
propriété privée. Et la nouvelle classe a commencé à
reconstruire toute la société européenne.
PHILOSOPHIE POLITIQUE
MULTIPOLARITÉ
La Chine et la multipolarité
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