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COMMENT MANAGER DES PERSONNES PLUS AGEES

Diriger des salariés qui ont parfois l'âge de ses parents, ce n'est pas forcément évident. Cinq bons
conseils pour éviter le conflit inter-générationnel.

Des jeunes pour diriger des vieux ? Jusqu'à présent réservée aux « hauts potentiels » promis à des
carrières fulgurantes, cette configuration va devenir courante, y compris dans des entreprises qui ont
l'habitude de la promotion à l'ancienneté. C'est l'un des effets indirects du papy-boom. Directeur des
études à Entreprise & Personnel, Nicolas Flamant parle d'appel d'air : « Les papys-boomers vont
partir dans les années qui viennent. Même modérés par l'allongement des carrières, le retournement
démographique et la fin de la progression hiérarchique à l'ancienneté amèneront un nombre
croissant de jeunes à diriger des personnes plus âgées. » Autant s'y préparer. Car diriger des salariés
qui peuvent avoir l'âge de ses parents est une affaire psychologiquement délicate.

1 - Observer la culture maison de l'entreprise


Avant même d'accepter ce genre de promotion, mieux vaut analyser l'environnement de votre
entreprise. Comme l'explique Elisabeth Nivert, conseil en carrière, « assurez-vous que vous
répondez par un triple oui aux questions suivantes : “Le fait de diriger des gens plus âgés que soi
fait-il partie de la culture de l'entreprise ?”, “Ce poste correspond-il à votre stratégie personnelle de
carrière ?”, “Y a-t-il entre vous et l'équipe reconnaissance réciproque de la plus-value apportée au
service par ce changement ?” » Observer la culture maison est important. Si votre promotion est une
anomalie par rapport à la tradition, le risque est réel de vous voir confier des gens plus âgés pour
vous mettre en difficulté, ou pour démontrer l'inefficacité du service. En vous assurant que les
personnes de l'équipe sont convaincues de l'intérêt de votre venue, la question de l'âge ne se posera
plus.

2 - Lutter contre le syndrome de l'imposteur


C'est souvent la première angoisse du jeune manager : « Suis-je légitime à ce poste, avec ma faible
expérience ? » Nathalie Esnault, consultante à la Cegos, se souvient d'un cadre qu'elle a suivi lors
d'un stage : « Il encadrait des personnes plus âgées et plus compétentes que lui dans certains
domaines et avait du mal à faire passer ses consignes. Je lui ai expliqué qu'un manager n'est ni le
plus expert ni le plus compétent. Il est là pour tirer le meilleur de chacun et doit avoir des qualités
d'organisation et de relation à l'autre. » Stéphane, 28 ans, l'a vite intégré. Responsable d'un service
EDF en région, il encadre 42 personnes, dont 39 plus âgées que lui. A son arrivée, il y a un an, il
était gêné par son manque d'expertise. « Mais je me suis rendu compte que je n'aurais jamais leurs
connaissances acquises en vingt ans, explique-t-il. Et puis j'avais tellement de travail sur le budget
et les ressources humaines que j'ai vite compris qu'on n'attendait pas de moi des savoirs
techniques ». Etre un jeune chef permet même de jouer au candide. Directrice régionale Limousin-
Poitou-Charentes (2 600 personnes) à France Télécom, Mari-Noëlle Jego-Laveissière encadre, à 37
ans, un comité de direction composé de 8 personnes plus âgées qu'elle : « Le fait d'être plus jeune
me permet de poser des questions plus facilement. J'apporte une curiosité, parfois de vraies remises
en question. Et s'appuyer sur des compétences fortes n'empêche pas de tenir clairement son rôle de
manager. »

© Jean-Claude FRACHET ● SOURCES PRESSE ● 22/06/2011


3 - Eviter de jouer au petit chef
Le fait de jouer au caporal ne compensera jamais votre manque de confiance. Bien au contraire, il
aggravera la perception négative de vos troupes. Depuis cinq ans, Damien, 30 ans, ancien élève
d'une école d'ingénieurs, est conducteur de travaux sur des chantiers. Il encadre 30 ouvriers
portugais, tous plus âgés que lui. Il a vite compris sur le terrain qu'un « petit jeunot » ne pouvait pas
« faire sa loi » et opté pour la méthode douce. « J'ai essayé d'aborder les “compagnons” avec
beaucoup d'humilité, d'instaurer une relation de confiance, raconte-t-il. Si quelqu'un fait une erreur
sur un chantier, je lui explique mon choix, je ne lui annonce pas : “c'est comme ça, pas
autrement.” » Nathalie Esnault, de la Cegos, le rappelle : « Le plus important, c'est de valoriser les
personnes plus âgées. » Comme les autres, d'ailleurs.

4 - Se défaire des relations enfant-parent


Un des écueils classiques dans la relation jeune manager-senior est le risque de la voir se
transformer en rapport enfant-parent. Lorsque l'inconscient du manager a 5 ans et un biberon dans
la main, le problème d'autorité est flagrant. Selon Anne-Dominique Chauvin, coach à Paris, il faut
alors travailler sur la vision qu'a la personne des seniors : « Je dois permettre à la personne de
comprendre dans quel état elle se met face à un senior. Peut-être a-t-elle l'impression de manager
son père. Si son père était autoritaire, elle se retrouve dans une position d'enfant. » Le décryptage de
la situation amène souvent la personne à prendre conscience de son attitude et à la modifier.

5 - Faire face à la démotivation


Qui dit senior dit souvent salarié découragé ou à remotiver. Quand Paul est arrivé, plein d'entrain,
pour prendre son premier poste de manager au sein d'une grande entreprise financière, le choc a été
rude. Ses deux salariés étaient respectivement âgés de 47 et de 58 ans, lui n'en avait que 32.
Personne ne l'avait prévenu. « Là, j'ai eu super peur. Peur qu'ils soient démotivés. D'ailleurs, c'était
le cas. » Au premier face-à-face, l'un des deux lui a expliqué que son premier objectif était
d'atteindre l'âge de la retraite, l'autre, de respecter strictement ses horaires. C'est en leur donnant du
travail alors qu'ils se la coulaient douce et en leur faisant confiance dans leurs domaines d'expertise
que Paul les a remotivés. Comme le rappelle Nicolas Flamant, à Entreprise & Personnel, « les
conflits entre générations viennent souvent du fait que l'entreprise n'associe pas assez les seniors, ou
qu'elle ne leur propose plus ni formation ni promotion dès 45 ans. » Si votre entreprise ne souffre
d'aucun de ces symptômes, rassurez-vous, ils seront aussi motivés que vous. Sinon, reposez-vous la
question du « triple oui » avant de sauter le pas.

Dominique PERRIN
Challenges - 0013 - 24/11/2005

© Jean-Claude FRACHET ● SOURCES PRESSE ● 22/06/2011

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