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OBJECTIF BARREAU

Préparation estivale intensive au CRFPA 2023

Droit des obligations – Corrigé du Sujet n°1

I. La responsabilité de la Maison Perchée vis-à-vis de Nina (6 points)

Nina menace d’assigner La Maison Perchée (représentée par Paul et Julie) parce qu’elle considère que Paul
et Julie ne pouvaient pas se rétracter au dernier moment et en raison de la divulgation de documents acquis
pendant les négociations. Il convient donc de traiter d’une part la question de la rétractation de Paul et Julie
(A) et question de la divulgation des documents d’autre part (B).

A) La rétractation au dernier moment (4.5 points)

1) La rétractation de l’offre (3 points)

La formation du contrat résulte en principe de la rencontre d’une offre et d’une acceptation (art. 1113, al.
1er, du Code civil). Il faut donc commencer par qualifier les différents échanges qui ont eu lieu du 15 juin au
5 juillet entre Nina et Paul et Julie pour savoir s’il y a eu formation d’un contrat.

L’offre est un acte juridique unilatéral qui « exprime la volonté de son auteur d’être lié en cas d’acceptation
» et qui « comprend les éléments essentiels du contrat envisagé » (art. 1114 du Code civil).

L’acceptation est également un acte juridique unilatéral qui exprime la « volonté de son auteur d’être lié
dans les termes de l’offre » (art. 1118, al. 1er, du Code civil).

En l’espèce, l’acte du 15 juin était donc une offre de Nina, dès lors que les éléments essentiels du contrat
étaient déterminés (chose vendue et prix).

L’acte du 25 juin ne pouvait pas constituer une acceptation de cette offre, puisque Paul et Julie ont modifié
les termes de l’offre en proposant un prix de 65 000 € HT au lieu de 75 000 € HT et 8000 euros par mois au
lieu de 10.000 euros pour les contenus. L’acte du 31 mai s’analyse alors en une contre-offre, c’est-à-dire en
une nouvelle offre, selon l’article 1118, al. 3, du Code civil (« l’acceptation non conforme à l’offre est
dépourvue d’effet, sauf à constituer une offre nouvelle »).

L’acte du 3 juillet est une acceptation de l’offre par Nina puisque l’acceptation est bien pure et simple : elle
manifeste la volonté de Nina d’être liée dans les termes de l’offre de Paul et Julie.

Il reste maintenant à déterminer si cette acceptation émise le 3 juillet a permis de former le contrat, malgré
la rétractation de l’offre effectuée le même jour.

En principe, une fois l’offre parvenue à son destinataire, elle ne peut plus être rétractée avant l’expiration
du délai fixé par son auteur ou, à défaut, l’issue d’un délai raisonnable (art. 1115 et 1116, al. 1er, du Code
civil). Toutefois, si le pollicitant rétracte son offre avant l’expiration de ce délai, la rétractation empêche la
formation du contrat et engage seulement la responsabilité de son auteur (art. 1116, al. 2 et 3). En outre,
l’acceptation ne produit ses effets que lorsqu’elle parvient à l’offrant (art. 1121 du Code civil).

En l’espèce, la rétractation de l’offre a produit ses effets au plus tard le 4 juillet, date de sa réception,
cependant que l’acceptation n’a pas pu produire ses effets puisqu’elle est parvenue à son destinataire
postérieurement, le 5 juillet. Le contrat n’a donc pas pu se former en l’espèce, à défaut de rencontre des
consentements.

Objectif Barreau – Droit des obligations – Sujet n°1 1


Il reste alors à résoudre la question de la responsabilité. Paul et Julie ont émis une offre le 25 juin et ont
notifié leur rétractation le 3 juillet. L’offre ne contenant a priori aucun délai, il faut se demander si un délai
de moins de 8 jours est un délai raisonnable. Ce standard s’apprécie en considération des circonstances de
l’espèce : un délai de moins de 8 jours est-il un délai suffisant pour qu’une personne raisonnable puisse
étudier l’offre et faire un choix ? En l’espèce, cela est peu probable dès lors que les négociations duraient
depuis le mois de mars, que les sommes en jeu sont importantes et que Paul et Julie ont eux-mêmes pris
près de 10 jours pour répondre à l’offre initiale de Nina au prix de 75.000 euros.

La Maison Perchée (représentée par Paul et Julie) engage donc sa responsabilité extracontractuelle vis-à-vis
de Nina sur le fondement des articles 1116, alinéa 1er et 3, et 1240 du Code civil, la rétractation de l’offre
avant un délai raisonnable étant constitutive d’une faute délictuelle.

Il reste à déterminer les préjudices réparables causés par cette faute.

L’article 1116, alinéa 3, du Code civil précise que « la perte des avantages attendus du contrat » n’est pas
réparable. Une incertitude existe quant à la possibilité de demander la réparation de la perte de chance
d’obtenir ces avantages : le législateur, à l’occasion de la loi de ratification du 20 avril 2018, a expressément
exclu la réparation de cette perte de chance en cas de rupture abusive des pourparlers (art. 1112, al. 2, du
Code civil), mais il n’a pas prévu une telle exclusion pour la rétractation fautive d’une offre, certains auteurs
en déduisent donc, a contrario, que cette perte de chance est réparable en cas de rétractation fautive d’une
offre. Au-delà de cette question, Nina devrait pouvoir demander réparation des frais engagés pendant la
négociation du contrat.

En rétractant son offre du 31 mai sans poursuivre les négociations, Paul et Julie ont également rompu les
négociations qu’ils avaient entamées avec Nina depuis mars.

2) La rupture des négociations précontractuelles (1.5 point)

Si la rupture des pourparlers est libre, l’exercice de cette liberté peut dégénérer en abus lorsqu’elle ne
répond pas aux exigences de la bonne foi (art. 1112, al. 1er, du Code civil). La rupture des pourparlers est
en général considérée comme fautive lorsqu’elle intervient à un stade avancé des négociations, de manière
brutale, sans motif légitime (Cass. 1re civ., 6 janv. 1998, n° 95-19.199).

En l’espèce, Paul et Julie ont rompu les pourparlers après quatre mois de négociations, brutalement, alors
qu’ils venaient d’émettre une offre. Il est très probable que ce comportement soit jugé fautif.

Paul et Julie risquent donc également d’engager la responsabilité de la Maison Perchée vis-à-vis de Nina sur
le fondement des articles 1112 et 1240 du Code civil.

Les préjudices réparables sont les mêmes que ceux qui le sont sur le fondement de l’article 1116, à la
différence près que sur le fondement de l’article 1112 du Code civil il est certain que la perte de chance
d’obtenir les avantages attendus du contrat non conclu n’est pas réparable puisque l’alinéa 2 dudit article
l’exclut expressément.

Évidemment, quels que soient le ou les fondements invoqués par Nina, les préjudices susmentionnés ne
pourront être réparés qu’une fois en raison du principe de la réparation intégrale (pas de double
indemnisation possible des mêmes préjudices).

B) La divulgation des documents de Nina par Paul et Julie (1.5 points)

Selon l’article 1112-2 du Code civil, « celui qui utilise ou divulgue sans autorisation une information
confidentielle obtenue à l’occasion des négociations engage sa responsabilité dans les conditions du droit
commun ».

Objectif Barreau – Droit des obligations – Sujet n°1 2


En l’espèce, il est acquis que Paul et Julie ont communiqué sans autorisation à Caroline les documents que
Nina leur avait transmis à l’occasion des négociations. Il reste à démontrer que ces documents contenaient
des informations confidentielles : on peut penser que c’est le cas s’agissant d’informations sensibles (grilles
tarifaires détaillées, documents détaillant le fonctionnement des algorithmes, etc.) qui pourraient faire
perdre des clients à Nina si elles tombaient entre les mains d’un concurrent, comme cela est arrivé.

Il s’agit donc commis d’une faute délictuelle (divulgation des informations confidentielles) qui a causé un
préjudice économique à Nina (qui s’analysera probablement en une perte de chance de réaliser des gains,
provoquée par l’apparition d’offres plus concurrentielles sur le marché).

La Maison Perchée devra donc réparer ce préjudice sur le fondement des articles 1112-2 et 1240 du Code
civil.

Le cas échéant, la Maison Perchée pourrait exercer un recours en contribution contre Caroline si elle
parvient à prouver une faute délictuelle de cette dernière, qui pourrait résider dans le fait d’avoir demandé
à Paul et Julie la communication de tous les documents transmis par Nina dans le cadre des négociations
précontractuelles, avec l’intention de les exploiter pour gagner de nouvelles parts de marché, tout en ne
pouvant ignorer que ces documents avaient un caractère confidentiel.

II. Le contrat passé avec « La Maison Russe » (8 points)

Il convient de s’interroger d’abord sur les moyens juridiques à disposition de Paul et Julie pour ne plus
exécuter ce contrat très désavantageux pour la Maison Perchée, voire pour obtenir la restitution de tout ou
partie des sommes versées à partir de juin 2022 (A). On étudiera ensuite la possibilité, en cas de maintien
du contrat, d’obtenir une révision de ce dernier pour imprévision (B).

A) La validité du contrat de franchise

Nous aborderons successivement les différents fondements envisageables pour obtenir la nullité ou la
caducité du contrat de franchise.

1) Le caractère dérisoire de la contrepartie (2 points)

Selon l’article 1169, « un contrat à titre onéreux est nul lorsque, au moment de sa formation, la contrepartie
convenue au profit de celui qui s’engage est illusoire ou dérisoire ». La lettre du texte doit conduire à
apprécier le caractère illusoire ou dérisoire d’une contrepartie uniquement au stade de la formation du
contrat et non en cours d’exécution1. Toutefois, une partie minoritaire de la doctrine soutient qu’il serait
possible de combiner l’application des articles 1186 et 1169 du Code civil pour prononcer la caducité des
contrats à titre onéreux dont la contrepartie devient dérisoire ou illusoire en cours d’exécution (en fondant
le raisonnement sur des jurisprudences antérieures à la réforme)2.

NB au correcteur : les candidats doivent a minima avoir vu que l’article 1169 s’applique au moment de la
formation du contrat, or en l’espèce la contrepartie serait devenue illusoire ou dérisoire en cours d’exécution.
Ayant remarqué cet élément de fait et rappeler cette condition juridique, ils doivent se demander si l’article
1186 est applicable à cette situation (1.5 point – la caducité peut-elle être envisagée quand la contrepartie
est devenue dérisoire ou illusoire en cours d’exécution du contrat ?). Ceux qui, au-delà du raisonnement
juridique pur, ont connaissance de la controverse doctrinale obtiennent les 2 points.

1 C’est notamment la position soutenue par Flour et Auber considèrent que les arrêts antérieurs à la réforme justifiant de
retenir la caducité du contrat en cas de contrepartie devenue illusoire ou dérisoire en cours d’exécution sont peu probants.
En outre, la contrepartie illusoire ou dérisoire appartient au contenu licite et certain qui est une condition de validité. Or les
conditions de validité s’apprécient au jour de la formation du contrat.
2 Civ. 1re, 30 oct. 2008, no 07-17.646; Cass. com., 14 octobre 1997, no 95-14.285

Objectif Barreau – Droit des obligations – Sujet n°1 3


En l’espèce, le contrat conclu entre la Maison perchée et la Maison Russe est bien à titre onéreux (art. 1107,
al. 1er : chaque partie reçoit de l’autre un avantage en contrepartie de celui qu’elle procure), mais la
contrepartie n’était pas dérisoire ou illusoire au moment de la conclusion du contrat puisque l’exécution du
contrat était profitable jusqu’en juin 2022.

Dès lors, soit on considère que les conditions posées par l’article 1169 ne sont pas réunies, le caractère
illusoire ou dérisoire de la contrepartie, à le supposer établi, n’est apparu qu’en cours d’exécution du contrat
et non à la formation du contrat comme l’exige le texte.

Soit on considère la seconde position doctrinale permettant d’envisager la caducité, et il reste toutefois à
établir que la contrepartie est devenue dérisoire, ce qui en l’espèce n’est pas certain. En effet, le caractère
dérisoire d’une contrepartie s’apprécie par rapport à l’importance de l’engagement réciproque.

Aussi, la question est donc de savoir si la fourniture d’un décor et le droit d’utiliser la marque « La Maison
Russe » constituent une contrepartie dérisoire par rapport à une redevance mensuelle de 10 000 euros. Il
appartient au juge du fond de l’apprécier, en sachant que la valeur de la contrepartie semble avoir diminué
considérablement à partir de juin 2022 en raison de la perte de popularité de la franchise « la Maison
Russe ».

Si le juge admet que la contrepartie est devenue dérisoire, alors la caducité du contrat de franchise pourrait
être admise. La caducité met fin au contrat (art. 1187, al. 1er) au jour où l’élément essentiel du contrat a
disparu (art. 1186, al. 1er), en l’occurrence en juin 2022, date à laquelle la contrepartie serait devenue
dérisoire.

Les parties ayant continué d’exécuter le contrat après cette date, des restitutions réciproques auraient lieu
: La Maison Russe devrait reverser à la Maison Perchée les redevances versées depuis juin et La Maison
Perchée devrait restituer par équivalent (en valeur) le fait d’avoir pu utiliser les décors et la marque « La
Maison Russe » depuis cette date (art. 1187, al. 2). Les deux créances de restitutions se compenseraient
alors partiellement et La Maison Russe devrait verser la somme restante à La Maison Perchée (qui sera par
hypothèse conséquente, puisque si la caducité est admise c’est que la contrepartie avait une valeur
dérisoire, le montant de la créance de restitution de la société sera donc lui-même dérisoire).

2) Erreur sur la rentabilité économique (2 points)

L’erreur commise par une partie est un vice du consentement de nature à entraîner la nullité du contrat
lorsque certaines conditions sont réunies.

• Il faut que l’erreur soit déterminante du consentement, c’est-à-dire que, sans elle, « l’une des parties
n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes » (art.
1130, al. 1er) ;
• Qu’elle soit excusable et
• qu’elle porte sur une qualité essentielle de la prestation due ou du cocontractant (art. 1132) sur
laquelle la partie n’a pas accepté d’aléa (art. 1133, al. 3) ;
• Enfin, elle ne doit pas porter sur la seule valeur de la prestation (art. 1136).

En l’espèce, La Maison Perchée a commis une erreur sur la rentabilité du contrat de franchise.

Cette erreur est-elle de nature à entraîner la nullité du contrat ? La question est de savoir si l’erreur sur la
rentabilité doit être considérée comme une erreur sur la valeur (qui ne peut donc pas entraîner la nullité du
contrat) ou comme une erreur sur les qualités essentielles de la prestation (de nature à entraîner la nullité
du contrat).

Objectif Barreau – Droit des obligations – Sujet n°1 4


La Cour de cassation, à plusieurs reprises, a admis que l’erreur sur la rentabilité économique d’un contrat
de franchise peut être constitutive d’une erreur sur la substance (Cass. com., 4 oct. 2011, no 10-20.956,
inédit ; 12 juin 2012, no 11-19.047, inédit).

En effet, l’erreur n’est pas une cause de nullité lorsqu’elle porte uniquement sur la valeur (art. 1136). Or,
dans les arrêts précités, la Cour de cassation a pris soin de qualifier l’erreur sur la rentabilité économique,
dans le contrat de franchise, d’erreur sur la substance, c’est-à-dire d’erreur sur les qualités essentielles de la
prestation. En effet, « les qualités essentielles de la prestation sont celles qui ont été expressément ou
tacitement convenues et en considération desquelles les parties ont contracté » (art. 1130, al. 1er) et, dans
le contrat de franchise, la rentabilité est un élément qui se rapporte aux prestations du franchiseur. C’est a
fortiori le cas en l’espèce puisque les documents précontractuels mentionnaient une « excellente rentabilité
».

La rentabilité économique est donc bien une qualité essentielle de la prestation tacitement convenue et en
considération de laquelle les parties ont contracté.

En l’espèce, il existe une dernière incertitude liée au fait que le contrat était rentable jusqu’en juin 2022 et
que ce n’est qu’après qu’il ne l’a plus été, alors que l’erreur sur la rentabilité n’a été admise jusqu’à
maintenant que dans des espèces où le contrat n’était pas rentable pour une partie ab initio.

L’argumentation suivante peut toutefois être développée en faveur de la Maison Perchée : le franchisé a
conclu un contrat à durée déterminée de trois ans et il pensait, au moment de la conclusion du contrat, que
ce dernier serait rentable pendant ces trois ans ; on peut alors défendre l’idée qu’il y a bien eu une erreur
sur la rentabilité au moment de la conclusion du contrat rendant le contrat nul. Cette argumentation a
d’autant plus de chances d’obtenir la conviction du juge que les documents précontractuels mentionnaient
une « excellente rentabilité », vraisemblablement pendant toute la durée du contrat et non pas seulement
pendant les 8 premiers mois.

3) Le dol (2 points)

Le dol est une erreur provoquée par des manœuvres ou un mensonge (art. 1137, al. 1er).

Elle est une cause de nullité lorsqu’elle porte sur un élément déterminant du consentement (art. 1130, al.
1er), même s’il s’agit de la valeur d’une prestation (art. 1139).

En l’espèce, la nullité pour dol pourrait être obtenue si La Maison Russe a intentionnellement communiqué
à La Maison Perchée de fausses informations erronées quant à la rentabilité économique du contrat de
franchise et que La Maison Perchée parvient à le prouver. Toutefois, cette hypothèse devrait être écartée
dès lors la mauvaise rentabilité économique du contrat de franchise provient d’un évènement imprévisible
pour La Maison Russe à l’époque, à savoir la guerre en Ukraine.

Le cas échéant, le dol étant constitutif d’une faute civile délictuelle, La Maison Perchée pourrait agir en
responsabilité pour faute (art. 1240) contre la société en plus ou indépendamment de l’action en nullité (La
Maison Perchée pourrait par exemple agir uniquement en responsabilité pour obtenir réparation du
préjudice découlant de l’absence de rentabilité du contrat ce qui lui permettrait, par le jeu de la
compensation avec ses dettes de redevance, d’obtenir une réduction indirecte de ces redevances).

À défaut d’élément intentionnel prouvé, la nullité pour dol ne pourra pas être obtenue, de même que
l’engagement de la responsabilité civile de la société.

Objectif Barreau – Droit des obligations – Sujet n°1 5


4) La révision pour imprévision (2 points)

L’ordonnance crée un mécanisme de révision pour imprévision au nouvel article 1195 du Code civil. Celui-ci
peut être mobilisé « si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend
l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque ».

Il ne fait aucun doute, en l’espèce, que l’exécution du contrat est devenue « excessivement onéreuse » pour
Jean puisque l’exploitation de la marque et du concept est devenue « lourdement déficitaire ».

Il semble également que La Maison Perchée n’ait pas accepté d’assumer ce risque, puisque les documents
précontractuels lui annonçaient au contraire une « excellente rentabilité ».

Quant à la question du caractère « imprévisible » du changement de circonstance, on peut penser qu’il


n’était pas prévisible que la popularité de la franchise « La Maison Russe » s’effondre subitement, la guerre
en Ukraine étant à l’origine de déclin n’étant pas non plus un évènement prévisible au jour du contrat.

Si l’on suppose que ses conditions sont réunies, le mécanisme de la révision pour imprévision comporte
trois phases.

Les deux premières nécessitent un accord des deux parties et leur succès est donc entièrement tributaire
du bon vouloir de la société La Maison Russe. Paul et Julie doivent d’abord demander une renégociation du
contrat à leur cocontractant.

En cas de refus ou d’échec de la renégociation, les parties peuvent convenir de résoudre le contrat ou de
demander au juge, toujours d’un commun accord, de procéder à son adaptation. Si aucun accord n’a pu être
trouvé dans un délai raisonnable, La Maison Perchée pourra alors saisir le juge pour lui demander de réviser
le contrat ou d’y mettre fin.

Si les conditions d’application du texte sont réunies, La Maison Perchée devrait alors obtenir une réduction
du montant minimum de la redevance mensuelle ou une rupture du contrat.
N.B. il n’était pas pertinent d’invoquer l’article 1223. La réduction de prix prévue par cet article est une
sanction de l’inexécution du contrat. Or, en l’espèce, rien n’indique que la société La Maison Russe ait mal
exécuté ses obligations contractuelles.

III. Le sort des contrats conclus par la Maison Perchée avec les sociétés NEO’MARKET et MARKET
PERF (6 points)

A) L’annulation du contrat conclu avec la société MARKET PERF

1) L’illicéité de la chose vendue (2 points)

Selon l’article 1128 du Code civil, le contrat doit avoir un « contenu licite ».

L’article 1162 du même code précise que le contrat ne peut pas déroger à l’ordre public par ses stipulations.
La doctrine considère que ce texte doit servir de fondement à la prohibition des contrats ayant pour objet
des choses hors du commerce, anciennement fondée sur l’article 1128 du Code civil dans sa rédaction
antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 10 février 20161. En effet, les contrats ayant pour objet
une chose hors du commerce dérogent à l’ordre public par leurs stipulations. La Cour de cassation a par
ailleurs jugé qu’un fichier informatisé contenant des données à caractère personnel non déclaré auprès de
la CNIL n’était pas dans le commerce et que la vente de ce fichier était par conséquent nulle, sur le
fondement de l’ancien article 1128 du Code civil, en raison de son objet illicite (Cass. com., 25 juin 2013, n°
12-17.037).

Objectif Barreau – Droit des obligations – Sujet n°1 6


En l’espèce, le fichier n’a pas été déclaré à la CNIL lors de sa constitution et il est expressément précisé dans
l’énoncé que cela le rend illégal. Le contrat de vente conclu entre les sociétés La Maison Perchée et
MARKET’PERF est donc annulable sur le fondement de l’article 1162 du Code civil, car il porte sur une chose
hors du commerce, ce qui rend ses stipulations contraires à l’ordre public.

NB : Il est indiqué au candidat d’envisager les fondements les plus efficaces : ici c’était clairement la nullité
en raison du caractère illicite de l’objet. Les candidats ont pu toutefois également envisager la nullité du
contrat pour erreur ou pour dol : dans cette hypothèse, le correcteur doit bien entendu valoriser leur copie
et leur attribuer la moitié des points. Si le candidat a envisagé tous les fondements, il obtient la totalité des
points comme le candidat qui n’a envisagé que la nullité pour objet illicite.

Sur la nullité pour dol

Le dol est une erreur provoquée. Au-delà du caractère déterminant de l’erreur provoquée (art. 1130 du Code
civil), précédemment établi, il faut démontrer que l’erreur a été provoquée intentionnellement par le
cocontractant par des manœuvres, des mensonges (art. 1137, al. 1er, du Code civil) ou la dissimulation
intentionnelle d’informations dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie (1137, al. 2).

En l’espèce, l’élément intentionnel sera difficile à prouver, car la vente d’un fichier non déclaré pourrait
résulter d’une simple négligence de la société MARKET PERF. Si, toutefois, la société La Maison Perchée
parvenait à prouver que la société MARKET PERF savait que le fichier n’était pas déclaré, il devrait être
possible de prouver qu’il y a eu dissimulation intentionnelle de cet élément et donc réticence dolosive, à
défaut le dol ne pourra pas être établi.
Si la réticence dolosive pouvait être démontrée, elle serait à la fois cause de nullité et cause de responsabilité
civile délictuelle (art. 1240 du code civil), le dol étant constitutif d’une faute délictuelle (Cass. 1re civ., 4 févr.
1975, n° 72-13.217).

Sur la nullité pour erreur

L’erreur est une fausse représentation de la réalité. En l’espèce, la société MARKET PERF pensait acquérir un
fichier exploitable légalement. Or le fichier n’est pas exploitable légalement, celui-ci n’ayant pas été déclaré
à la CNIL lors de sa constitution. La société La Maison Perchée a donc été victime d’une erreur.

L’erreur est une cause de nullité si trois conditions sont réunies.

Première condition, l’erreur doit porter sur les qualités essentielles de la prestation due ou du cocontractant
(art. 1132 du Code civil). Selon l’article 1133, alinéa 1er, du Code civil, « les qualités essentielles de la
prestation sont celles qui ont été expressément ou tacitement convenues et en considération desquelles les
parties ont contracté ».

En l’espèce, il était nécessairement convenu, ne serait-ce que tacitement, que le fichier vendu devait être
exploitable légalement.

Deuxième condition, l’erreur doit avoir été déterminante du consentement, c’est-à-dire que, sans elle, l’une
des parties « n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes » (art.
1130, al. 1er, du Code civil).

En l’espèce, la société La Maison Perchée n’aurait pas contracté si elle avait su que le fichier n’avait pas été
déclaré à la CNIL, l’erreur a donc été déterminante de son consentement.

Troisième condition, l’erreur doit être excusable (art. 1132 du Code civil), condition qui est appréciée in
concreto par les juges. En l’espèce, la société La Maison Perchée n’a aucune compétence particulière en
matière d’exploitation de données personnelles, cependant que son contractant est, au contraire, spécialisé
dans ce domaine. On peut donc considérer que l’erreur est excusable : le fait de ne pas avoir vérifié si le

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fichier avait été déclaré à la CNIL n’est pas fautif (NB : discutable, les étudiants pouvaient retenir le contraire
et considérer l’erreur comme inexcusable).

Les conditions de la nullité pour erreur sont donc réunies.

B) Le sort du contrat conclu avec la société NEO’MARKET (2 points)

La Maison Perchée souhaiterait également obtenir l’annulation du contrat conclu avec la société
NEO’MARKET.

Si La Maison Perchée obtient l’annulation du contrat conclu avec la société MARKET PERF, ce qui est fort
probable, elle devrait pouvoir invoquer la caducité du contrat conclu avec la société NEO’MARKET sur le
fondement de l’article 1186, alinéas 2 et 3, du Code civil : au sein d’un ensemble contractuel indivisible, la
disparition d’un contrat pour une cause quelconque (nullité, résolution, etc.) peut entraîner la caducité des
autres contrats de l’ensemble. La caducité « met fin au contrat » (art. 1187, al. 1er, du Code civil) et aboutit
donc à un résultat similaire à celui de l’annulation souhaitée par la Maison Perchée, ainsi que nous le
verrons.

L’article 1186 pose plusieurs conditions.

Il faut d’abord s’assurer que « l’exécution de plusieurs contrats est nécessaire à la réalisation d’une même
opération » et que l’un d’eux a disparu (art. 1186, al. 2). Les contrats conclus par la société La Maison
Perchée avec les sociétés MARKET PERF et NEO’MARKET sont nécessaires à la réalisation d’une même
opération, qui est de permettre à la société La Maison Perchée de mener une campagne publicitaire ciblée
pour faire connaître sa marque.

Il faut ensuite établir l’une des deux conditions suivantes (art. 1186, al. 2) : que l’exécution du contrat dont
on cherche à obtenir la caducité a été rendue impossible par la disparition de l’un des contrats de l’ensemble
ou que l’exécution du contrat disparu a été une condition déterminante du consentement d’une partie au
contrat dont on cherche à obtenir la caducité.

En l’espèce, si la présence de la première condition pourrait être contestée dès lors les contenus pourraient
toujours être exploités en obtenant cette fois un fichier client licite, la deuxième condition semble établie :
l’exécution du contrat conclu avec la société NEO MARKET était très vraisemblablement déterminante du
consentement de la société LMP au contrat conclu avec la société MARKET PERF. On rappellera que ces deux
conditions sont alternatives, il suffira donc à la société LMP de n’en prouver qu’une seule pour pouvoir
obtenir la caducité du contrat.

Enfin, il faudra encore que la société La Maison Perchée démontre que la société NEO’MARKET connaissait
l’existence de l’opération d’ensemble lorsqu’elle a donné son consentement (art. 1186, al. 3). Ce troisième
critère ne devrait pas poser de difficulté en l’espèce puisque les sociétés MARKET PERF et NEO MARKET ont
un dirigeant commun, Caroline. Les faits de l’espèce laissent penser que la société NEO MARKET ne pouvait
ignorer l’opération d’ensemble, voire que l’opération d’ensemble a été imaginée et proposée par les deux
sociétés puisque c’est Caroline, en tant que représentante des deux sociétés qui a élaboré les deux
prestations offertes à la société La Maison Perchée.

La société La Maison Perchée devrait donc pouvoir obtenir la caducité du contrat conclu avec la société NEO
MARKET si elle arrive à obtenir l’annulation du contrat conclu avec la société MARKET PERF.

NB : la question d’une nullité du contrat pour erreur ne devait en principe pas être envisagée sauf à
considérer que le fichier n’étant pas exploitable finalement, cela rend la création de contenu potentiellement
inutile pour la société La Maison Perchée (mais très discutable). En effet il s’agirait ici d’une erreur sur les
motifs indifférentes donc, sauf à considérer que la société n’aurait pas acheter de la rédaction de contenu si

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elle avait su que le fichier client n’était pas licite. En effet, il est toujours possible pour la société d’acquérir
un autre fichier.

C) La mise en œuvre de la nullité et de la caducité et leurs effets (2 points)

La nullité produit en principe un effet rétroactif (art. 1178, al. 2, du Code civil). Des restitutions ont ainsi lieu
lorsque le contrat annulé a été partiellement ou totalement exécuté (ibid., al. 3 ; on peut rappeler que
l’adage Nemo auditur ne s’applique qu’en cas d’annulation d’un contrat pour cause ou objet immoral et ne
s’applique donc pas lorsque le contrat est annulé en raison de l’illicéité de ses stipulations : Cass. 1re civ., 17
févr. 2021, no 19-22.234).

En l’espèce, l’annulation du contrat de vente conclu entre les sociétés La Maison Perchée et MARKET PERF
donnera lieu à une restitution du prix de vente. La restitution du fichier en nature est difficilement
concevable dès lors que le fichier est un élément incorporel qui peut être dupliqué à l’infini. L’article 1352
du Code civil prévoit que la restitution a lieu en valeur lorsqu’elle ne peut avoir lieu en nature, mais la valeur
du fichier est ici nulle puisque le fichier est illicite et ne peut donc pas être exploité. La société La Maison
Perchée ne devra donc rien restituer à la société MARKET PERF.

Quant au contrat conclu entre les sociétés La Maison Perchée et NEO MARKET, l’article 1187 alinéa 1 du
Code civil dispose « qu’elle met fin au contrat » et son alinéa 2 prévoit la possibilité qu’elle donne lieu à des
restitutions. En principe, et s’agissant d’un contrat à exécution successive, la caducité se traduira par un
anéantissement du contrat pour l’avenir (Civ. 1ère, 4 avril 2006). Toutefois, les juges pourraient appliquer par
analogie la solution issue, en matière de résolution, de l’article 1229, alinéa 3, du Code civil.

En l’espèce, le contrat conclu entre la société La Maison Perchée et la société NEO MARKET portait sur la
vente de contenu publicitaire, si les contenus publicitaires déjà réalisés et divulgués ont eu une utilité pour
la société LMP, alors la caducité se traduira par des restitutions partielles (uniquement s’agissant des
contenues n’ayant pas été utilisés) ou ne vaudra que pour l’avenir.

NB : pour les étudiants qui ont envisagé la nullité du contrat conclu entre la société NEO MARKET et la société
La Maison Perchée, ils doivent conclure que la première restituera en valeur la prestation reçue (art. 1352-8
du Code civil) et la seconde restituera le prix des contenus déjà payés (à hauteur de 4.000 euros par mois
depuis la conclusion du contrat).

Objectif Barreau – Droit des obligations – Sujet n°1 9


Plan détaillé

I. La responsabilité de la Maison Perchée vis-à-vis de Nina (6 points)

La rétractation au dernier moment (4.5 points)

La rétractation de l’offre (3 points)

Syllogisme 1
• Majeure :
o 1113 al. 1 : formation du contrat « rencontre d’une offre et d’une acceptation »
o 1114 : définition de l’offre
o 1118 du Code civil : définition de l’acceptation
• Mineure :
o Acte du 15 juin : une offre
o Acte du 25 juin : une contre-offre
o Acte du 3 juillet : une acceptation de la contre-offre
• Conclusion : Nina a bien accepté la contre-offre

Syllogisme 2 : l’acceptation émise le 3 juillet a-t-elle permis de former le contrat, malgré la rétractation de
l’offre effectuée le même jour ?
• Majeure :
o Rétractation de l’offre sans délai : délai raisonnable (art. 1115 et 1116, al. 1er, du Code
civil)
o Sanction de la rétractation avant un délai raisonnable : le contrat n’est pas formé,
uniquement responsabilité délictuelle (art. 1116, al. 2 et 3)
o Théorie de la réception : article 1121 du Code civil
• Mineure :
o Effet de la rétractation de l’offre : 4 juillet
o Acceptation postérieure à la rétractation est sans effet (5 juillet – théorie de la réception)
o Conclusion intermédiaire : le contrat n’a pas pu se former
o Seuls des DI sont envisageables sur les fondements de 1240 et 1116, alinéa 1er et 3 si on
considère qu’un délai de moins de 8 jours n’est pas raisonnable ?
▪ Appréciation in concreto
▪ Conclusion : pas raisonnable
• Conclusion : la Maison Perchée engage sa responsabilité extracontractuelle envisageable sur les
fondements de 1240 et 1116, alinéa 1er et 3

Syllogisme 3 : quels sont les préjudices réparables pour une rétractation dans un délai pas raisonnable ?
• Majeure :
o Article 1116 alinéa 3 du Code civil (« la perte des avantages attendus du contrat » n’est
pas réparable)
o La perte de chance d’obtenir ces avantages ? aucune exclusion formelle comme pour la
rupture abusive des pourparlers donc possible
o Frais engagés pendant la négociation du contrat.
• Mineure : Nina peut invoquer la perte de chance et les frais engagés pendant la négociation du
contrat

La rupture des négociations précontractuelles (1.5 point)

Objectif Barreau – Droit des obligations – Sujet n°1 10


Syllogisme 1
• Majeure :
o art. 1112, al. 1er, du Code civil : principe de liberté de la rupture sauf abus
o Cass. 1re civ., 6 janv. 1998, n° 95-19.199 : rupture brutale sans motif légitime
• Mineure :
o Rupture après quatre mois de négociations, brutalement : faute
• Conclusion : Paul et Julie risquent donc également d’engager la responsabilité de la Maison Perchée
vis-à-vis de Nina sur le fondement des articles 1112 et 1240 du Code civil.

Syllogisme 2
• Majeure :
o Article 1112 du Code civil sur les préjudices réparables
o Exclusion de la perte de chance d’obtenir les avantages attendus du contrat non conclu
(alinéa 2)
• Mineure :
o Nina peut être indemnisée des frais engagés pour les négociations
o Préjudice ne peut être réparé qu’une fois (cf. supra sur rétractation de l’offre)

La divulgation des documents de Nina par Paul et Julie (1.5 points)

• Majeure : l’article 1112-2 du Code civil (citer l’article ou restituer son contenu)
o Communication sans autorisation
o Documents de nature confidentiels
• Mineure :
o Aucune autorisation de Nina
o Documents commerciaux sensibles
• Conclusion : La Maison Perchée devra donc réparer ce préjudice sur le fondement des articles
1112-2 et 1240 du Code civil.

II. Le contrat passé avec « La Maison Russe » (8 points)

La validité du contrat de franchise

Le caractère dérisoire de la contrepartie (2 points)

Syllogisme 1
• Majeure : article 1169 du Code civil
o Caractère dérisoire ou illusoire
o Au moment de la formation du contrat
o Sanction nullité
o Doctrine minoritaire : combinaison des articles 1169 et 1186 du Code civil : caractère
dérisoire ou illusoire en cours d’exécution du contrat serait sanctionné par la caducité
• Mineure :
o Hypothèse 1 doctrine majoritaire : en l’espèce, les conditions de la nullité ne sont pas
réunies
o Hypothèse 2 : caducité envisageable sous réserve de démontrer le caractère illusoire ou
dérisoire (la question est donc de savoir si la fourniture d’un décor et le droit d’utiliser la
marque « La Maison Russe » constituent une contrepartie dérisoire par rapport à une
redevance mensuelle de 10 000 euros)

Objectif Barreau – Droit des obligations – Sujet n°1 11


Syllogisme 2 : effets de la caducité

• Majeure : La caducité met fin au contrat (art. 1187, al. 1er) au jour où l’élément essentiel du contrat
a disparu (art. 1186, al. 1er)
• Mineure :
o Date de disparition de l’élément essentiel du contrat : juin 2022
o Restitutions réciproques (La Maison Russe devrait reverser à la Maison Perchée les
redevances versées depuis juin et La Maison Perchée devrait restituer par équivalent (en
valeur) le fait d’avoir pu utiliser les décors et la marque « La Maison Russe » depuis cette
date)
o Limites aux restitutions : si la caducité est admise c’est que la contrepartie avait une valeur
dérisoire, le montant de la créance de restitution de La Maison Perchée sera donc lui-
même dérisoire

Erreur sur la rentabilité économique (2 points)


• Majeure :
o Erreur vice du consentement (obtenir la nullité) + définition
o Conditions :
▪ L’erreur doit être déterminante du consentement (art. 1130, al. 1er)
▪ Excusable
▪ Elle porte sur une qualité essentielle de la prestation due ou du cocontractant (art.
1132) sur laquelle la partie n’a pas accepté d’aléa (art. 1133, al. 3)
▪ Elle ne doit pas porter sur la seule valeur de la prestation (art. 1136)
▪ L’erreur sur la rentabilité économique d’un contrat de franchise peut être
constitutive d’une erreur sur la substance (Cass. com., 4 oct. 2011, no 10-20.956,
inédit ; 12 juin 2012, no 11-19.047, inédit).

• Mineure :
o Incertitude liée au fait que le contrat était rentable jusqu’en juin 2022 et que ce n’est
qu’après qu’il ne l’a plus été, alors que l’erreur sur la rentabilité n’a été admise jusqu’à
maintenant que dans des espèces où le contrat n’était pas rentable pour une partie ab
initio. Toutefois, Paul et Nina pensaient, au moment de la conclusion du contrat, que ce
dernier serait rentable pendant ces trois ans
o Erreur excusable (aucune raison de dire le contraire ici vu les documents contractuels)
o Déterminante du consentement : la rentabilité étant visée dans les documents
contractuels
• Conclusion : les conditions de la nullité pour erreur sont réunies si on considère qu’au jour de la
formation du contrat Paul et Nina croyait à une rentabilité sur 3 ans (soit pour toute la durée
contractuelle convenue)

Le dol (2 points)

• Majeure :
o Définition du dol : (art. 1137, al. 1er) – caractère intentionnel – manœuvre ou mensonge
o Doit porter sur un élément déterminant du consentement (art. 1130, al. 1er),
o Indifférent s’il s’agit de la valeur d’une prestation (art. 1139).
• Mineure :
o Intention semble faire défaut (guerre en Ukraine : effet imprévisible sur la rentabilité)
• Conclusion : à défaut d’élément intentionnel prouvé, la nullité pour dol ne pourra pas être obtenue,
de même que l’engagement de la responsabilité civile de la société. Toutefois, si dol prouvé,
rappelez la sanction de la responsabilité civile (art. 1240)

Objectif Barreau – Droit des obligations – Sujet n°1 12


La révision pour imprévision (2 points)

Syllogisme 1 : conditions

• Majeure
o Article 1195
o Exécution du contrat est devenue excessivement onéreuse
o Aucune acceptation d’un tel risque lors de la conclusion du contrat
o Caractère imprévisible de l’évènement
• Mineure
o L’exploitation de la marque et du concept est devenue « lourdement déficitaire ».
o Documents précontractuels : « excellente rentabilité »
o Guerre en Ukraine : imprévisible dans son principe et ses effets
• Conclusion : conditions réunies, il faut voir maintenant le mécanisme de négociation

Syllogisme 2 : étapes de la renégociation

• Phase 1 : accord des deux parties sur une renégociation


• Phase 2 : résoudre le contrat ou de demander au juge, toujours d’un commun accord, de procéder
à son adaptation
• Phase 3 : saisir le juge pour lui demander de réviser le contrat ou d’y mettre fin.

Conclusion : Si les conditions d’application du texte sont réunies, La Maison Perchée devrait alors obtenir
une réduction du montant minimum de la redevance mensuelle ou une rupture du contrat.

III. Le sort des contrats conclus par la Maison Perchée avec les sociétés NEO’MARKET et MARKET
PERF (6 points)

L’annulation du contrat conclu avec la société MARKET PERF

L’illicéité de la chose vendue (2 points)


• Majeure
o Article 1128
o Article 1162
o Cass. com., 25 juin 2013, n° 12-17.037
• Mineure
o Fichier non déclaré : illicite
• Conclusion : Le contrat de vente conclu entre les sociétés La Maison Perchée et MARKET’PERF est
donc annulable sur le fondement de l’article 1162 du Code civil, car il porte sur une chose hors du
commerce, ce qui rend ses stipulations contraires à l’ordre public.

La nullité pour erreur (voir commentaire corrigé détaillé)


La nullité pour dol (voir commentaire corrigé détaillé)

Le sort du contrat conclu avec la société NEO’MARKET (2 points)

• Majeure
o Article 1186 al. 2 et 3
o Alinéa 2 : « l’exécution de plusieurs contrats est nécessaire à la réalisation d’une même
opération » et que l’un d’eux a disparu
o Conditions alternatives :
▪ Exécution est devenue impossible

Objectif Barreau – Droit des obligations – Sujet n°1 13


▪ L’exécution du contrat disparu a été une condition déterminante du consentement
d’une partie au contrat dont on cherche à obtenir la caducité
o Alinéa 3 : connaissance par la partie à laquelle on oppose la caducité de l’existence de
l’opération d’ensemble lorsqu’elle a donné son consentement
• Mineure
o Les contrats conclus par la société La Maison Perchée avec les sociétés MARKET PERF et
NEO’MARKET sont nécessaires à la réalisation d’une même opération
o La deuxième condition semble établie : l’exécution du contrat conclu avec la société NEO
MARKET était très vraisemblablement déterminante du consentement de la société LMP
au contrat conclu avec la société MARKET PERF
o Les sociétés MARKET PERF et NEO MARKET ont un dirigeant commun, Caroline.
• Conclusion : La société La Maison Perchée devrait donc pouvoir obtenir la caducité du contrat
conclu avec la société NEO MARKET si elle arrive à obtenir l’annulation du contrat conclu avec la
société MARKET PERF.

La mise en œuvre de la nullité et de la caducité et leurs effets (2 points)

Syllogisme 1 : les conséquences de la nullité


• Majeure
o art. 1178, al. 2, du Code civil
o Effet rétroactif : restitutions réciproques
o Article 1352 : restitution en valeur
• Mineure
o Restitution du prix de vente
o Restitution du fichier en nature est difficilement concevable (le fichier est un élément
incorporel qui peut être dupliqué à l’infini)
o Restitution en valeur ? non car fichier illicite n’a pas de valeur
• Conclusion : la Maison Perchée ne devra donc rien restituer à la société MARKET PERF

Syllogisme 2 : les conséquences de la caducité

• Majeure
o L’article 1187 alinéa 1 : fin du contrat
o Alinéa 2 : restitution
o Civ. 1ère, 4 avril 2006
o Doctrine : application de l’article 1229, alinéa 3, du Code civil
• Mineure
o Utilité des certains contenus publicitaires :
▪ Si oui : restitution uniquement des contenus n’ayant pas été utilisés
▪ Si non : la caducité ne vaudra que pour l’avenir

Objectif Barreau – Droit des obligations – Sujet n°1 14

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