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Les transferts de technologie vers les pays en

développement
Sandra Pellet
Dans Regards croisés sur l'économie 2009/2 (n° 6), pages 229 à 232
Éditions La Découverte
ISSN 1956-7413
ISBN 9782707158765
DOI 10.3917/rce.006.0229
© La Découverte | Téléchargé le 18/06/2023 sur www.cairn.info (IP: 41.106.5.30)

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Les transferts de technologie vers les pays en développement 229

Les transferts de technologie


vers les pays en développement
Sandra Pellet (RCE)

L e transfert de technologie est le processus par lequel une technologie,


une connaissance ou un savoir-faire (matériel, logiciel, organisation-
nel, etc.) mis au point par l’une des parties prenantes à un projet ou à un
accord parvient à l’autre. Le transfert a une particularité par rapport à la
cession de licence : il s’agit de la communication d’un savoir-faire adapté
au contexte de l’acquéreur. Cette précision est d’importance dans le cas
des transferts vers les pays du Sud, puisqu’elle est au cœur des débats
actuels sur l’effectivité des transferts.

Principe et fonctionnement
Avec la création d’un équivalent-prix de l’émission de carbone et l’ins-
tauration d’un nouveau marché, le protocole de Kyoto a rendu possibles
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des transferts de technologies vertes visant à instaurer un développement
durable dans les pays du Sud. Il s’agit des « instruments de flexibilité » :
les projets de mise en œuvre conjointe (MOC) et les mécanismes de déve-
loppement propre (MDP). Ils constituent une voie intermédiaire entre les
mesures réglementaires voulues par la France et les instruments de mar-
ché, préférés par les pays anglo-saxons. Les MOC donnent la possibilité
aux pays industriels signataires de Kyoto et aux entreprises occidentales
d’acquérir des crédits d’émission en finançant des projets dans d’autres
Regards croisés sur l’économie n° 6 – 2009 © La Découverte

pays développés où le coût de réduction d’émission est inférieur (comme


par exemple en Ukraine pour les membres de l’UE). Les MDP sont éga-
lement basés sur la différence de coût de réduction, mais cette fois entre
pays développés et pays en développement. Un pays du Nord finance un
projet dans un pays du Sud et rapatrie la valeur financière des réductions
d’émissions libellée en unités de réduction certifiée des émissions (URCE).
Il a ensuite le choix entre utiliser ces URCE à domicile (en les comptant
comme ses propres réductions) et les revendre sur le marché carbone. Par
exemple, la coopération danoise au développement a financé au Burkina
Faso un projet organisant la gestion locale de la forêt et de l’utilisation
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du bois tout en diffusant des panneaux photovoltaïques. Une économie


de 1,5  million de tonnes d’émission de CO2 a été réalisée à un coût de
réduction de 1,6 dollar par tonne. Les MDP offrent un compromis : ils
permettent aux pays occidentaux de respecter leurs quotas de réduction
d’émissions pour un coût plus bas qu’à domicile, en contrepartie de quoi
ils financent le développement technologique des pays en développement
(PED).
Les MDP doivent être cohérents avec les besoins de développement des
pays hôtes. Des institutions ont été mises en place pour encadrer et aider
les projets de MDP, essentiellement portés par le secteur privé, en sti-
mulant l’investissement des entreprises. Parmi elles, le fonds prototype
carbone (FPC) prend en charge les surcoûts additionnels, afin de réduire
les émissions et de promouvoir les transferts vers les PED.

Obstacles rencontrés
L’effectivité des transferts fait débat. À la conférence de Bali en 2007, les
pays du Sud ont accusé ceux du Nord de leur imposer indirectement des
restrictions d’émissions sans leur fournir la technologie nécessaire : soit
la technologie importée par les projets est inadaptée à leur besoin, soit elle
reste sous le contrôle des entreprises occidentales. Dénaturés, les MDP ten-
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dent à être plutôt un prêt de capital qu’un réel transfert de connaissances.
Les pays du Nord ont brandi l’argument de la propriété intellectuelle et du
manque de réglementations dans les PED. D’après une étude économétri-
que [Dechezleprêtre et al., 2007], seuls 44 % des projets MDP donnent lieu
à un transfert effectif. Le GIEC met en évidence un certain nombre d’obs-
tacles à la diffusion des technologies vertes dans les PED :
–– la tarification n’y tient pas toujours compte des coûts ;
–– le secteur financier y est souvent sous-développé ; Regards croisés sur l’économie n° 6 – 2009 © La Découverte

–– le prix des énergies classiques y est souvent faible voire subventionné


dans certains pays riches en matières premières ;
–– il y manque des cadres juridiques et institutionnels (protection de la
propriété intellectuelle) ainsi que du capital humain ;
–– enfin, la détermination des besoins spécifiques des PED reste insuffi-
sante.

Hétérogénéité au sein des PED


Le groupe des PED n’est pas homogène. Des différences structurelles
existent, et elles ont tendance à être accentuées par les MDP. Comme cela
Les transferts de technologie vers les pays en développement 231

a été dit à Bali en 2007, les crédits sont très inégalement répartis : l’Asie
concentre 67 % des crédits, l’Amérique latine 28 % et l’Afrique 5 %. 80 %
des crédits prévus par an sont produits par seulement 10 pays (parmi les-
quels l’Inde, la Chine, le Brésil, la Corée, le Vietnam et le Chili). Peut-être
est-ce parce que l’Afrique ne paraît pas être un grand émetteur de gaz à
effet de serre par rapport à d’autres pays comme l’Inde et la Chine, qui
représentent respectivement 23 % et 11 % des capacités de réduction. La
même étude économétrique a mis à jour la forte hétérogénéité de la pro-
pension à bénéficier d’un transfert : 59 % des projets donnent lieu à un
transfert en Chine, contre 12 % en Inde.

Quelle gouvernance ?
Les procédures actuelles d’élaboration, de financement et d’application
des projets sont uniformes : elles ignorent les particularités de développe-
ment de chaque pays. Cela risque de réduire les projets de MDP à de sim-
ples outils de financement à moindre coût pour les pays du Nord, évacuant
la dimension de développement durable [Faucheux et Joumni, 2005]. Un
déséquilibre entre le Nord et le Sud s’est donc creusé en lieu et place du
compromis équitable initial. En conséquence, les modèles actuels de gou-
vernance des projets sont remis en cause. Le modèle bilatéral (coopération
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entre l’hôte et l’investisseur privé) exclut les pays qui en raison de leur faible
capacité de réduction n’intéressent pas les entreprises, au profit de la Chine
et l’Inde. Le modèle multilatéral (constitution d’un fonds, type FPC) sépare
les investisseurs des parties mettant en œuvre le projet. Les PED réclament
à l’inverse un modèle unilatéral, expérimenté par exemple au Mexique,
dans lequel le pays hôte élabore un projet compatible avec ses impératifs
socio-économiques puis le propose aux investisseurs des pays industria-
lisés. Cependant une fois encore, cette approche risque d’exclure les pays
Regards croisés sur l’économie n° 6 – 2009 © La Découverte

les moins avancés ne disposant pas des d’institutions, des techniques, et


du capital humain suffisants. La gouvernance à la fois la plus équitable et la
plus efficace pour tous est donc très difficile à trouver.
Afin de sortir des flux Nord-Sud controversés, des transferts Sud-Sud
se mettent en place, à l’image de l’entreprise indienne ITRI Environne-
ment qui développe aujourd’hui des technologies propres au Maroc et
en Afrique de l’Ouest. Ce qui semble faire son succès est l’adaptation de
ses produits aux besoins africains, ce qui justement semblait manquer
aux MDP.
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Bibliographie
OCDE (2001), Développement durable : les grandes questions, 556 p.
Dechezleprêtre A., Glachant M. et Ménière Y. (2007), « Le transfert Nord-
Sud de technologies respectueuses du climat grâce au mécanisme de dévelop-
pement propre », Cerna, octobre.
Faucheux S. et Joumni H. (2005), Économie et politique des changements climati-
ques, éditions La Découverte, coll. « Repères », Paris.
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