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Chapitre 2 Le fractionnement isotopique

Chapitre 2: Le fractionnement isotopique

1. Abondance et fractionnement des isotopes stables


1.1 Abondance et rapports isotopiques
L’hydrogène et l’oxygène comportent un certain nombre d’isotopes, dont les variations dans les
eaux naturelles servent de support à l’utilisation des techniques isotopiques en Hydrologie. Les
isotopes d’éléments tels que le carbone, l’azote, le soufre et le chlore jouent également un rôle
dans la géochimie des ressources en eau.
1
L’hydrogène, dont l’isotope principal de masse 1 ( H) existe dans l’hydrosphère avec une
2
abondance massique de 99.985%, est accompagné par 0.015% d’isotope lourd, H ou deutérium.
3
Un isotope encore plus lourd de masse 3, H ou tritium, est instable du fait d’une décroissance β,
avec une demi-vie de12.32 ans. Comme cette demi-vie est compatible avec le temps de résidence
dans beaucoup de réservoirs de sub-surface, il est aussi fortement utilisé dans les études
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hydrologiques. Ceci est également vrai pour l’isotope radioactif du carbone, C, avec une demi-
vie de 5730 ans
14 15 19 20
Les isotopes radioactifs de l’oxygène O, O, O et O ont tous une demi-vie de seulement
quelques secondes, et ont donc une existence trop courte pour être utile à l’étude du cycle
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hydrologique. Par ailleurs, parmi les deux isotopes lourds et stables de l’oxygène O et O, dont
les abondances sont respectivement 0.037% et 0.20%, le dernier joue un rôle prédominent en
hydrologie isotopique.
Bien que ces isotopes soient stables et ne subissent pas de décroissance radioactive, ils peuvent
être produits ou réactifs lors des réactions initiés par la radioactivité naturelle ou les radiations
cosmiques. D’ailleurs, l’hydrogène est apporté par les vents solaires en quantité très différente des
abondances terrestres. Toutefois, de telles interactions ont peu de conséquence sur l’abondance
terrestre moyenne. En bonne approximation, cette dernière peut être considérée comme invariable
à l’échelle des systèmes hydrologiques. Les abondances isotopiques peuvent être données à partir
de leurs rapports.

Les rapports isotopiques sont définis par l’expression :

teneur de l’isotope rare


𝑅=
teneur de l’isotope abondant

Exemple : 13R = 13C/12C, 18R = 18O/16O, 2R = 2H/1H (ou D/1H)


Chapitre 2 Le fractionnement isotopique

Le rapport porte une notation en exposant avant le symbole R qui se réfère à l’isotope considéré.
Exemple :

Pour des raisons pratiques, plutôt que d’utiliser le rapport isotopique R, les compositions
isotopiques sont généralement données en δ, qui correspond aux déviations par rapport à une
valeur standard, définie par :

Le standard reconnu et accepté pour les isotopes de l’eau est le VSMOW (Vienna Standard Mean
Ocean Water), qui est proche du SMOW, premier standard défini par Craig (1961).
2 1 18 16
R étant le rapport d’abondance des espèces isotopiques, H/ H ou O/ O, respectivement. On a
alors
2 −6
RVSMOW = (155.75 ± 0.05) × 10
18 −6
RVSMOW = (2005.20 ± 0.45) × 10

Ces abondances sont les valeurs utilisées pour le standard de référence, correspondant à la valeur
δ = 0 sur l’échelle VSMOW. Les valeurs de δ pour les échantillons d’eau sont données par :

−3
Comme δ est habituellement un petit nombre, il est donné en ‰ (pour mille, équivalent à 10 ).

Pour le système deutérium-hydrogène, (2H-1H), nous utilisons la notation 2δ ou δ2H ; pour


l’oxygène 18δ ou δ18O.
Dans l’eau du cycle hydrologique, l’échelle de valeurs de 2H/1H et 18O/16O sont :
−450‰ < 2δ < +100‰
−50‰ < 18δ < +50‰
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La composition estimée de l’eau juvénile est :


2
δVSMOW = ~ -60‰
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δVSMOW = ~ +5‰
Ces valeurs diffèrent de celles de l’hydrosphère actuelle, d’une part, du fait de la perte relative de
1
H par rapport à 2H à la surface externe de l’atmosphère au cours des temps géologiques, et d’autre
part du fait du déplacement de l’oxygène enrichi dans la colonne sédimentaire, en particulier dans
les carbonates.
Pour mesurer la composition isotopique de l’oxygène et du carbone dans la calcite, le standard
utilisé est le PDB (Peedee Belemnite : il s’agit de rostres de bélemnites issus de la formation
crétacée de Peedee, en Caroline du Sud)

2. Fractionnement isotopique
L'écart de masse entre les isotopes confère aux atomes et aux molécules des propriétés physiques
et chimiques sensiblement différentes. On peut distinguer les effets isotopiques cinétiques et
thermodynamiques. Les effets isotopiques cinétiques sont liés à une différence de vitesse au cours
de réactions chimiques ou de phénomènes de transport. L'isotope lourd a généralement tendance à
réagir plus lentement que l'isotope léger. Les effets isotopiques thermodynamiques sont en relation
avec les constantes d'équilibre au cours d'équilibres chimiques ou d'équilibres de phase. Ils
traduisent les différences de constante d'équilibre des isotopomères contenant des isotopes lourds
de ceux contenant des isotopes légers.
Le fractionnement isotopique est le phénomène qui modifie la composition isotopique d’un
élément dans un certain composé par le passage de ce composé d’un état physique ou d’une
composition chimique à un autre. On distingue trois processus de fractionnement liés à la masse,
à savoir thermodynamique (dans des systèmes à l’équilibre physique ou chimique), cinétique (dans
les réactions (bio) chimiques à sens unique) et le fractionnement au cours du transport par
diffusion.
Dans le cycle hydrologique, la variation de la composition isotopique dépend en premier lieu du
fractionnement accompagnant les changements de phase et les processus de transport dans le cycle.
2.1. Fractionnement isotopique à l’équilibre
L’effet isotopique thermodynamique ou à l’équilibre entre des molécules (avec un élément
commun) ou entre des phases en présence à l’équilibre peut être décrit comme une réaction
d’échange, dans laquelle X0 et X1 sont deux espèces isotopiques de l’élément X.
0 1 0 1
AX + BX ⇔ BX + AX
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Le facteur de fractionnement isotopique (équilibre) α est défini par la constante (équilibre) KX de


cette réaction d’échange :

L’effet isotopique à l’équilibre est dépendant de la température (T). Dans cette équation R est le
rapport d’abondance des espèces isotopiques respectives.
Pour les équilibres de phase (e.g. entre vapeur et liquide) l’expression équivalente est

2.2. Fractionnement isotopique cinétique


Le facteur de fractionnement isotopique dans un sens, ou des réactions chimiques ou biochimiques
irréversibles est désigné par αcin. Dans la littérature on parle souvent de fractionnement cinétique,
pour le distinguer du fractionnement thermodynamique ou à l’équilibre. Généralement, le facteur
de fractionnement isotopique est défini comme le rapport entre les rapports isotopiques du
composé d’origine et le nouveau composé formé :
𝑅𝑛𝑜𝑢𝑣𝑒𝑎𝑢 𝑐𝑜𝑚𝑝𝑜𝑠é 𝑜𝑢 𝑝ℎ𝑎𝑠𝑒
𝛼𝑐𝑖𝑛 =
𝑅𝑐𝑜𝑚𝑝𝑜𝑠é 𝑜𝑟𝑖𝑔𝑖𝑛𝑎𝑙 𝑜𝑢 𝑝ℎ𝑎𝑠𝑒

Selon cette définition on aura α < 1 si le processus produit un appauvrissement, α > 1 dans le cas
cin cin
d’un enrichissement. Les effets isotopiques cinétiques sont généralement plus importants que les
effets isotopiques d’équilibre. Ceci s’explique par le fait que le processus d’équilibre correspond à
deux processus de direction opposée.

2.3. Fractionnement isotopique de transport


Un cas particulier de fractionnement isotopique peut exister du fait de la mobilité différente des espèces
1 16 1 2 16 1 18
isotopiques telles que H O, H H O et H O dans l’eau. Les facteurs de fractionnement isotopique
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de transport se distinguent des facteurs de fractionnement cinétiques par de nombreux aspects.

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