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DE JEAN CHRYSOSTOME

A JEAN DE LYCOPOLIS
CHRYSOSTOME ET CHALKÈDÔN

rtt~~~KHTWN, rtt~~~KYTWN, rtt~~~KY:li..WN, rtt~~:i\.­


~H~WN, rttK~~~HTWN, rtt~~~KlTWN : autant de graphies
pour un seul nom, qui n'est pas celui de la ville de Chalcédoine (XaÀ-
Y./Yjl5wv en grec), mais celui d'un curieux personnage qui intervient
dans une Vie copte de S. Jean Chrysostome dont Tvl. Tito 0RLANDI
publie les fragments retrouvés au début de son récent livre, Quattro
amelie copte (Vita di Giovanni Crisostomo- Encomi dei 24 Vegliardi
[Ps. PRocLo e ANoNIMo]- Encomio di Michele Arcangelo, di EusTA-
ZIO di Tracia) 1 •
M. O. distingue huit Fragments, certains comportant une suite de
plusieurs feuillets ; et les douze feuillets - les uns entiers, les autres
délabrés, les uns ayant gardé la pagination originelle, les autres en
étant privés, les uns déjà édités, les autres encore inconnus- appar-
tiendraient à un même codex du Monastère Blanc, auquel l'éditeur
attribue dans son système de classification le sigle FB.
Il n'y a que pour le dernier fragment, lequel est aussi le 12e feuillet
(Paris, B.N., copte 12916 , fol. 96, portant la pagination po~-pOH
= 177-178), que l\1. O. se montre hésitant quant à cette appartenance
(<<Sul fatto che questo frammento appartenga allo stesso codice
degli altri, possono esservi dubbi... >> 2 , p. 13) ; et nous croyons que
ce n'est pas sans raisons.
Disons rapidement de quoi il s'agit dans cette pièce copte, avant
d'en arriver à un point particulier. L'auteur anonyme (du moins
dans l'état actuel de nos connaissances) se présente comme un disciple

1 Milan, Cisalpino-Goliardica, 19'77, 189 p., 8 pl. ( = Tes ti e documenti per lo


studio dell' Antichità, 60). Nous ne nous occuperons pas ici, malgré leur intérêt,
des deux homélies sur les 24 Vieillards (l'une faussement attribuée à Proclus,
l'autre acéphale et anonyme) ni de celle d'Eustathe de Thrace sur S. Michel
archange, pour lesquelles M. O. a eu la collaboration d'Antonella CAMPAGNANO
et d'Antonella MARES CA. Cf. p. 395, note 1.
2 Ce feuillet ne compte que 30 lignes, tandis que les autres, quand ils sont

complets, en ont de 33 à 35. Quand 1\I. O. parle d'un codex << di 30-34 linee »
(p. 13), le chiffre 30 vient de ce dernier feuillet.
ANAL. BoLL. 96. - 26.
390 DE JEAN CHRYSOSTOME

de S. Jean Chrysostome, << l'archevêque>>, qu'il appelle aussi << mon


père>>. Jean se trouve en exil, en <<Thrace>> 1 , sur l'ordre d'Eudoxie.

Commençons par les feuillets du codex dont la pagination est soit


conservée soit certaine par ailleurs. P. 13-16 (Paris, 1321, fol. 14-15,
déjà édités par von Lemm = Fragment 1): Jean est jeté en prison,
au fond d'une caverne; ses trois disciples, dont l'auteur 2 (et peut-
être <<le prêtre Anthimos •>), finissent par obtenir la permission de
l'y visiter; il refuse de manger, faisant allusion à la nourriture que
lui ont donnée Pierre et Jean 3 •
P. 31 4 -<32>, 33-34, <35-36> (Londres, B.M., Or. 3581A, 155 5 ;
Paris, B.N., 12914 , fol. 132; Naples, B.N., I.B. 14 463, f. 6 = Zoega
290, 6 6 ; édités le premier par Crum, les autres par von Lemm =
Fragment 3). On est en plein dans une catéchèse dispensée par Jean
à << Chalkèdôn >>, en réponse à ses questions, notamment sur le Christ
et la possibilité de sa résurrection 7 ou sur Adam chassé du Paradis.
On peut constater que Chalkèdôn est Juif («Jésus que tes pères ont
tué >>, << Tes pères lui ont fait cela >>, les apôtres << cachés par peur de
ta race»).
P. 157-158 (Bodl. g 3; il ne reste que deux douzaines de lignes,
éditées par von Lemm = Fragment 6) 8 . Jean doit avoir été libéré
après un premier exil ou emprisonnement, puisqu'il demande (p. 158) :
<<Maintenant donc, ô roi, ne m'empêche pas de partir pour ma ville,
de peur qu'Eudoxie ne fasse sa volonté. >>
Passons aux feuillets privés de leur pagination. Il y en a un pre-
mier, inédit, mais malheureusement mutilé (Paris 12913 , fol. 96 =
Fragment 2), que M. O. place entre les p. 16 et 31 du codex, parce
que Chalkèdôn 9 semble y faire son apparition et n'être encore qu'un

1 <<Les Thraces'' sont nommés dans le Fragment 4; l'<< île de Thrace •> au
synaxaire copte arabe, au 12 de pachons.
2 Voir ci-dessous, p. 403. 3 Voir ci-dessous, Appendice.
4 A remarquer que Crum
a pu lire la pagination 7\_&, (31).
5 Du temps de Crum (Catalogue, no 250), 76.
6 Peut-être ce feuillet n'était-il pas paginé 35-36
(cf. p. 401).
7 Dans la traduction, p. 23, l. 13, lire: <<tout
le monde fête sa résurrection»,
non "l'ascensione>>. Dans le texte 4r, col. 2, l. 4-5, lire 6&-R.lrte; 4•, col. 1,
lire ll.NNrt8..Tpt&.p~HC.
s Dans le texte 10r, l. 1-2, lire, avec von Lemm, ETpeqdW·
9 On
ne rencontre ce personnage dans aucun des Douze récits byzantins sur
Saint Jean Chrysostome récemment édités par le P. F. HALKIN (1977, Subsidia
hagiographica, no 60), ni dans sa Vie BHG 871, attribuée (à tort) à Martyrius
d'Antioche, nl dans la Vie acéphale de Vatopédi BHG 874h publiée par le
P. F. VAN ÜMMESLAEGHE (Anal. Boll., 94, 1976, p. 326-355). La notice du sy-
naxaire copte arabe du 12 pachons ne le connaît pas davantage, mais on sait
que de telles notices ne sont jamais que des résumés.- Peut-être le rtG ( = art.
déf.) devant ~&.7\.KH~WN doit-il marquer qu'il s'agit d'un homme.
A JEAN DE LYCOPOLIS 391

inconnu pour l'entourage de Chrysostome. Nous espérons que l'édi-


teur pourra tirer plus et mieux qu'il n'a fait de ce débris quand il
aura eu le loisir d'inspecter l'original.
Il y est question entre autres de quelqu'un dont il est dit : <<Lorsque ses parents
le virent en peine, ils eurent peur que les animaux sauvages ne le trouvent et
le détruisent. Et ainsi ils le tuèrent avec sa femme comme n'importe qui, afin
qu'il... ne se retirât plus une autre fois. >> De qui s'agit-il? Et à qui s'adresse
la parole : << Quant à toi, en ce mois de pachons, tu te reposeras de toutes tes
peines, le douze >>? Et ne serait-ce pas au sujet d'Énoch que Chalkèdôn demande
à être instruit (car, 3•, col. 2, l. 20, c'est un fi plutôt qu'un T qu'on lit après
Rrt(SWfl : NSN < W(S? >) ?
Deux autres feuillets, édités pour la première fois par Giron en
1907 (Paris 12917 , fol. 2vr-3rv = Fragment 4), nous plongent dans un
émouvant discours de l'archevêque aux Thraces 1 , portant sur le
sacrifice d'Isaac 2 ; à l'issue du sermon, Chalkèdôn enfonce son visage
dans son << phakiolion >> ( = faciale) et fait une déclaration dont l'al-
lusion est transparente: <<Vraiment, au lieu d'une langue d'or pour
ta bouche, c'est une langue de pierre précieuse que tu mérites>>.
Le texte d'un autre feuillet, Goleniscev copt. 37 ( = Fragment 5),
est repris tel quel à l'édition de von Lemm, mais sans la pagination
160-161 que celui-ci proposait, d'ailleurs avec un point d'interrogation.
Chalkèdôn, au terme de la catéchèse de l'archevêque, fait profession
de foi et on peut penser que les eaux du baptême, qui, devenues de
plomb, se refusent à lui dans un premier moment, vont finir par
l'accueillir. Pour M. 0., cette scène doit se placer avant, non après
la libération de Chrysostome que supposait la p. 158 du codex.

Nous arrivons alors à ce qui, pour l'éditeur, est le fragment no 7


et qu'il présente en ces termes (p. 13) : << un foglio molto mutilo con-
servato ad Oxford, Bodleian Library, e 166 (numeraz. orig. perduta),
inedito. Si tratta di alcuni miracoli compiuti da Giovanni, presumi-
bilmente in Tracia dopo la sua liberazione. Per questo l'abbiamo
collocato a questo punto >>.
Transcrivons ce que M. O. a pu en lire 3 :

1 Dans la traduction de Giron (Légendes coptes, p. 30), approuvée par son


maître E. Revillout, << les Thraces >> (N~NG-p~KH) sont devenus << les pierres
précieuses >> et Chalkèdôn '' la chalcédoine >>.
2 D'où le titre Isaaks Op{erung donné par von Lemm à son étude no 53,
qu'on peut lire dans la réimpression (Leipzig, 1972) de ses Kleine koptische
Studien, p. 483-516 (nouv. num.), et la note, ibid., de la p. 500.
3 Nous disposons sur la même page ce qu'a lu M. O. en haut du recto, col. 1,
et du verso, col. 2, en omettant les quelques lettres supplémentaires déchiffrées
par lui respectivement au début et à la fin des lignes de l'autre colonne de
chaque page ; certaines de ces lettres ne manquent cependant pas d'intérêt.
392 DE JEAN CHRYSOSTOME

Recto, col. 1 Verso, col. 2


(marge) (marge)
KOYl NT&.qO"fE 1 U..U..WTN . U..N
u..nxm TETNU..NT
o'ONC U..OY NTO XOElC nppo U..
OTq U..nU..&.K&. U..&.lNOYTE
plOC ETOY&.&.& 5 a.. YW u..u..a..me
ltVë&.NNHC· ~c.
a..,
YW &.qOYEëC&.ë &,qcë&.l ON ~&.
NE ETpEY&WK 8 poq eT&en
(+ 6 lignes illisibles) T&.21...o'o u..neq
(laeune) 10 ~Hpe . &.YW
ET&EëENKE~
nHpe ea..qNa.. Y e
pooy ë&.Tn.nn.a..
K&.plOC lW<(S>&.N
15 <NHC
(lacune)

Ne traduisons présentement que ce qui reste du verso:


vous et votre seigneurie, ô roi aimant Dieu et aimant le Christ>>. Il lui écri-
<< •••

vit aussi au sujet de la guérison de son fils et au sujet des autres miracles qu'il
avait vus par le bienheureux Jean >>.

Or, ici, sans méprise possible, nous ne sommes plus dans la légende
de S. Jean Chrysostome, mais dans celle de S. Jean de Lycopolis.
Un de nos articles consacrés à ce reclus et thaumaturge (mort
nonagénaire vers le même temps que Théodose rer, 395), Saint Jean
de Lycopolis et l'empereur Marcien (A propos de Chalcédoine), nous
fut l'occasion de remercier M. O. de nous avoir informé qu'un texte
relatif à ce saint publié sans indication de provenance par Amélineau 1
était tiré du Paris copte 78, fol. 34 2 • On y lit que, à l'invitation de
Jean qui a guéri son fils, énergumène, le magistrien envoyé par Théo-
dose Jer pour punir la ville de Lypocolis (ou Siout) en l'annihilant
par le feu, écrit en ces termes à l'empereur:
n&.XOElC nppo U..U..&.lNOYTE WNë ~&.ENE(S. U&WK EëPU
EKHU..E ET&.KETnO:l\..lC ClOOYT K&. T&.~E NT&.KKE2\.E"l"E N&.l.
()WC O'fl'l ~1()€ enn.&.K&.plOC lW(;~I'll'lHC eqn~p&.K~~€1
U..U..WTN ETU. T&.KETn021...1C ET&EnENTIJ..C&.&.q. &.lC(S&.l OYN
~&.pWTN ElT&.U..O NTETNU..NTXO ElC n&.XOlC nppo U..U..&.l-

1 :Monuments pour servir à l'histoire


de l'Égypte chrétienne, t. 4 (fasc. 2, 1895),
p. 660-662.
2 Anal. Boil., 94 (1976), p. 303-316; cf. p. 307, note 1 (avec mention de sa
pagination : 327-328, et de son écriture, en tout semblable à celle des codices
B et D de Jean de Lycopolis).
A JEAN DE LYCOPOLIS 393

ne ,c.e. a..qc(S&.l ON ~a..poq eTsenTa-.2\.o'o n.neq~Hpe &. YW (SeN-


Ke~nHpe e&.qN&. Y epOOY (SlTOOTq llrtll&.K&.plOC lW(S&.N-
NHC rtertpO<\>HTHC eTOY&.&.B llN(SeNKeTa-.2\.o'O eN&.~WOY
eY~OOrt eB02\.(SlTOOTq 1 .
'' Mon seigneur le roi aimant Dieu, vis à jamais 1 Je suis monté en Égypte
pour détruire la ville de Siout, comme tu me l'as ordonné. Comme j'ai trouvé
le bienheureux Jean qui vous exhorte à ne point détruire la ville pour ce qu'elle
a fait, je vous ai donc écrit pour informer votre seigneurie, mon seigneur le
roi aimant le Christ. >> Il lui écrivit aussi au sujet de la guérison de son fils et
des autres miracles qu'il avait vus de la main du bienheureux Jean, le saint
prophète, et des autres nombreuses guérisons opérées par lui >>.

On aura reconnu au passage la parfaite identité des textes contenus


dans l'un et l'autre de nos documents, compte tenu des quelques
variantes de la tradition manuscrite.
Le feuillet de la Bodléienne e 166 n'appartient donc pas au codex
FB de la Vie de Jean Chrysostome, malgré les signes extérieurs de
similarité (écriture, etc.) qu'ils ont en commun 2 • Peut-être même
ne serait-il pas trop téméraire de supputer à quel autre codex, mais
cette fois du cycle de Jean de Lycopolis, il conviendrait de le ratta-
cher. C'est le codex A, dont nous avons parlé ailleurs 3 . Pour autant
que nous sachions, le 1er quaternion de ce codex comprenait les fol.
64Vr et 25 du Paris 12913 ; le se, les six feuillets viennois K 391a,
9453, 9454, 391b, 2581, 9455 ( = p. 37-48 du codex) ; le 4c, en son
centre, probablement, les fol. contigus 21 et 22 du même Paris 12913 ,
aujourd'hui hélas fort abîmés.
Or, le fol. 21 commence par les mots Nllll&.l. OYX&.l rt&.XO-
elc rtppo n.n.a..me,c.c (<< ••• avec moi. Salut, mon seigneur le roi
aimant le Christ >>). Ce sont les derniers mots de la lettre écrite à
Théodose par le magistrien, tels qu'on les lit aussi (avec la variante
finale << aimant Dieu>>) 4 au fol. 34v (col. 1, lignes 23-27) du Paris
copte 78 allégué ci-dessus. Sur ce feuillet 34, entre les mots de la
lettre rtll&.K&.plOC lW(S&.NNHC (r0 , col. 2, l. 26) et Nllll&.l (v 0 , col. 1,
l. 23), on compte 24 lignes. Or, le codex A de Jean de Lycopolis
ayant une moyenne de 33 lignes, on peut calculer que, après rtll&.-
K&.plOC lW(S&.NNHC (col. 2, l. 13-15), il en resterait dans Bodl. e 166
une vingtaine, avant Nllll&.l par quoi s'ouvre Paris 12913 , fol. 21.

1 P. 327, col. 1, l. 28- p. 328, col. 1, l. 4.


2 La pl. 1 de l'ouvrage de M. 0., reproduisant la photographie de la p. 13
du codex FB, donne une idée de l'ensemble.
3 Notamment p. 156-157 de l'article Saint Jean de Lycopolis et l'empereur
Marcien. Nous avons cru aussi devoir distinguer ce codex A d'un codex C,
malgré une certaine ressemblance, là également, de leur aspect extérieur.
4 Et en plus : « dans le Seigneur>>, après <• Salut>>.
394 DE JEAN CHRYSOSTOM E

La différence n'est pas grande et pourrait s'expliquer par un texte légèrement


abrégé dans le codex A. Les caractéristique s extérieures d'écriture 1 qui ont
permis d'imaginer le feuillet Bodl. e 166 faisant partie du codex FB de Chry-
sostome, n'offrent rien qui puisse l'exclure du codex A de Jean de Lycopolis;
et nous aurions ainsi les p. 53-54 de ce codex. En tout cas, cette appartenance
au codex A est une hypothèse qu'il faudra encore vérifier et qui ne change rien
au fond de la question: l'appartenance du texte à l'histoire de Jean de Siout.

Revenons aux quelques lignes lisibles du recto de ce feuillet, repro-


duites ci-dessus et que M. O. traduit de la sorte: <<il torto, mori per
opera del beato santo Giovanni. Ed egli ordino che andassero >>
(p. 33). Il s'agit là bien certainemen t de Jean de Lycopolis, mais
son dossier copte actuellement connu ne fournit pas de parallèle
strict. Qu'est-ce qui << est mort par les mains du bienheureux>>?
Et à qui commande-t- il de partir? Sans doute sommes-nou s devant
le dénouement de l'épisode de la guérison du fils du magistrien 2 ,
dont la suite naturelle est la lettre écrite à l'empereur par le père,
à l'initiative de Jean.

Terminons par le fragment se et dernier, Paris 12916 , fol. 96, qui


était inédit. Nous avons dit en commençant que nous ne pensions
pas qu'il appartenait au codex FB. Mais M. O. a raison, croyons-
nous, d'y voir la continuation (et presque la fin?) de la même histoire
de Chrysostome . La notice de ce dernier au synaxaire copte arabe,
le 12 de pachons, se termine par l'allusion à la maladie qui frappa
Eudoxie et qui, après lui avoir coûté une fortune, ne la quitta qu'en
présence du saint, au contact de sa poussière.
Dans le feuillet copte en question (p. 177-178) nous voyons de même
l'impératrice , tombée malade, dépensant <<une quantité d'argent
auprès des médecins>>, avant de s'embarquer , repentante, pour Alex-
andrie et Antinoé, en quête d'un anachorète qui pourra la sauver.
On en est réduit à deviner quel sera l'épilogue.

La publication de M. O. a ainsi involontaire ment enrichi le dossier


de S. Jean de Lycopolis et avantageuse ment inauguré «le cycle
copte>> de S. Jean Chrysostome , que l'éditeur se propose de compléter

1 << ne!
tipo più normale di maiuscola alessandrina bimodulare del IX sec.
Anche il sistema di suddivisione dei paragrafi. .. ed il sistema di numerazione
delle pagine ... è il più normale nella stessa epoca •> (op. c., p. 13).
2 La guérison en question
fait l'objet d'un autre récit, plus détaillé (le fils
du magistrien est attaché à deux esclaves), dans les deux derniers feuillets
du fragment de Naples LB. 8 398 (p. 110-112 du codex que nous avons appelé
C) ; mais le fragment s'arrête avant la fin de l'histoire. Cf. Feuillets coptes ...
concernant S. Jean de Siout, dans Anal. Boll., 88 (1970), p. 174-176 et 182.
L'abrégé du synaxaire copte arabe, au 21 bedii.r (17 novembre), n'est pas pris
en considération ici.
A JEAN DE LYCOPOLIS 395

ailleurs 1. Pour notre part, nous sommes persuadé qu'il doit exister
d'autres feuillets ou débris de feuillets qui auraient déjà trouvé leur
place dans la reconstitution tentée par M. O. si le nom de l'étrange
nt,C.~2\.KH:b...WN avait pu servir, ici également, d'indice révélateur.

Paul DEvos

ADDENDUM: DEUX AUTRES TEXTES

Cette dernière phrase de notre article était, non seulement écrite,


mais imprimée, lorsque par un heureux concours de circonstances
nos yeux sont tombés sur un premier texte copte, édité depuis près
de quarante ans et où précisément le nom de nt,C.~2\.KYT·WN,
jusqu'à présent non reconnu pour ce qu'il signifiait, nous a servi
d'indice révélateur. Il s'agit du no 54 des Coptica Louaniensia pu-
bliés par Mgr Lefort en 1937, 1938 et 1940 2 , à la veille d'une guerre
dont une des premières conséquences, le 17 mai 1940, allait être
l'anéantissement de ces originaux coptes dans l'incendie de la Bi-
bliothèque de l'Université.
Ce n° 54, édité dans Le Muséon de 1940, p. 60-63 (et réimprimé la
même année, dans Les manuscrits coptes de l'Université de Louuain.
1. Textes littéraires, p. 140-143), est d'abord l'objet d'une description
dont voici quelques éléments: <<[Lv. 5]. Parchemin. Un feuillet
paginé q-q&.. Ses dimensions actuelles, 0.335 X 0.260, semblent
bien celles du format primitif... La surface écrite, en deux colonnes
de 33-34 lignes, est en moyenne haute de 0.250 et large de 0.180.
Par les capitales, les ornements, les signes de ponctuation, le cadre
de la pagination relevés de rouge, et par le ductus on reconnaît un
nouveau spécimen de la série xe-xie siècle fournie par le Monastère
Blanc >>. Le texte de ces pages 90-91 qui, écrit encore Mgr Lefort,
« se révèle comme appartenant à la littérature polémique antichalcé-
donienne, dont il existe d'autres représentants >>, peut, à notre point
de vue, être divisé en trois sections.

1 Notons qu'il est aussi question de Jean Chrysostome dans la 1r• partie de
l'homélie du pseudo-Proclus sur les 24 Vieillards (et également à la fin de
l'homélie d'Eustathe de Thrace sur S. Michel, laquelle est parallèle au texte
bohaïrique BHO 765 et raconte surtout le roman de la veuve Euphémie tentée
par le diable). C'est d'ailleurs cette présence chrysostomienne qui a amené
M. O. a étudier de plus près la Vie copte dont nous avons parlé. - Signalons
en terminant un trait commun aux deux homélies sur les 24 Vieillards : << Egli
prega per la rugiada, la pioggia e i frutti •> (p. 75, § 23), « intercedendo ... per
la rugiada e la pioggia e i frutti della terra >> (p. 87) ; il s'agit une fois de S.
Michel, l'autre, des saints anges.
2 Le Muséon, t. 50, p. 5-52; t. 51, p. 1-32; t. 53, p. 1-66.
396 DE JEA,N CHRYSOSTOME

D'abord, un récit qui, ici, commence par: << ... et finalement il le 1


jeta dans l'antre des serpents et des scorpions; nos pères racontent
qu'il passa là quinze ans. Mais Dieu lui 2 enleva de la face son
image et lui donna l'aspect d'un sanglier mâle ... >>, et se termine par:
<< Le saint Grégoire se signa du signe de la croix. La mauvaise image
s'échappa hors de lui (roi); l'image de Dieu lui revint à nouveau;
il rendit gloire à Dieu >>. Mgr Lefort, dont nous reprenons la traduc-
tion, n'a pas décelé la portée de ce récit et le nom de TepH.:b...a..THC
(Tiridate), qui aurait pu la lui révéler, a été interprété par lui: << im-
posteur>>.
Il était réservé à M. Garitte, dans le compte rendu des Copiica
Lovaniensia, qui parut au tome suivant du Muséon (54, 1941, p. 220-
222), de faire la lumière: << Cette histoire n'est autre qu'un résumé
de la triste aventure arrivée au roi d'Arménie Tiridate, et dont le
tira S. Grégoire l' Illuminateur. Elle est racontée notamment dans
l'Histoire d'Agathange, où nous voyons Tiridate, après avoir fait
jeter S. Grégoire dans un puits, être métamorphosé en sanglier, et
finalement rétabli dans la forme humaine par l'intercession de l' Illu-
minateur ... ; l'identification des personnages mis en scène présente à
elle seule quelque intérêt, car, à notre connaissance au moins, on
n'a pas signalé jusqu'ici de texte copte se rapportant à S. Grégoire
d'Arménie>> (p. 221) 3 •
Ce qui vient après ce récit ( = la deuxième des trois sections an-
noncées ci-dessus) montre qu'il faisait partie d'un discours adressé
à un particulier, qui est apostrophé de la sorte:<< Tu as vu maintenant
que celui qui glorifiera Dieu, Dieu le glorifie 4 et lui laisse fixée son
image ; tandis que, si l'homme a recours au diable, le diable pose
sur lui sa vilaine figure, comme tu le penses à propos de ces diverses
images humaines changeantes. Tu as vu que Cham, qui reçut la
malédiction de son père, devint nègre, lui et sa race jusqu'aujourd'h ui.
Il en est de même également de ces nombreuses sortes d'hommes,
qui se sont eux-mêmes attiré le changement>> (trad. Lefort).
Voici enfin la troisième section, qui nous intéresse tout particulière-
ment: Na..t .:b...e Nnpene~a-.2\.KYTWN CWTU. epoo-r nexa..q
Xe elCOYU.HH~e N0 00Y eXlNTa..n0 [oq] :l\..02T· U.net[eU.]TON
oU.na..~[l]ne ~a..opa-.1 [eno]OY NoOOY. nexene~a-.2\.KYTWN
xe u.nep6wNT epo1 Ta..~ me u.u.oK 0 a..netKe0 w& epeTa..t-r~H
enet~ïAA.el epoq. 6502\. 4e ~lCWTAA. xe ~ït[l NT~rte mw-
0&-NNHc n&&.fiTlCTHC.
1 Comme on le verra, il
s'agit respectivement de Tiridate et de S. Grégoire
d'Arménie.
2 A Tiridate.
3 Voir, du même G. GARITTE,
Une rie arabe de saint Grégoire d'Arménie,
dans Le Muséon, t. 65 (1952), p. 51-71 ; << C'est très vraisemblablemen t par l'in-
termédiaire d'un texte copte (pour le moment inconnu) que notre Vie arabe se
rattache à la version grecque de l';. Agathangc >> (p. 52).
4 Cf. 1 Reg. 2, 30.
A JEAN DE LYCOPOLIS 397

Nous ne corrigerons la traduction de Lefort qu'en ce qui concerne le nom,


deux fois répété, de l'interlocuteur (pour lui, c'était<< le Chalcédonien >>): <<Lors-
que Chalkèdôn eut entendu cela, il dit: <<Voici bien des jours que le serpent 1
m'a piqué, et je n'ai pas eu de trêve dans ma honte jusqu'aujourd'hui». Chal-
kèdôn dit: << Ne t'irrite pas contre moi, si je t'interroge sur cet autre objet
que mon âme désire; parce que j'ai appris qu'on a décapité Jean le baptis[te ... >>.

Énumérons rapidement quelques nouvelles données que ce texte,


remis dans son contexte, nous apporte.
1. Il y a toute apparence que les p. q-qb.. (90-91) appartenaient
au codex du Monastère Blanc auquel M. O. a réservé le sigle FB et
dont nous avons traité. La forme du nom rte~&-2\.KYTWN est
une de celles qu'on y rencontre. Et de même que le scribe, p. 32-33
de ce codex, avait selon toute vraisemblance sauté une réponse de
Chalkèdôn, entre deux<< L'archevêque dit ... >> (cf. éd. c., p. 23, note 1),
de même ici, p. 91, omet-il la réaction de Jean Chrysostome entre
deux << Chalkèdôn dit ... >>.
2. C'est bien, en effet, dans la Vie copte de Jean Chrysostome
étudiée par M.O. qu'il faut replacer ce récit relatif à Grégoire l'Illu-
minateur et à Tiridate, et très exactement dans la série de questions
et réponses ou << érôtapokriseis >> qui la constituent en grande partie.
La remarque de M. Garitte, qu'à sa connaissance << on n'a pas signalé
jusqu'ici de texte copte se rapportant à S. Grégoire d'Arménie>>,
s'en trouve éclairée, puisque c'est par le biais de cette Vie, à propos
d'un point de la discussion, l'image de Dieu en l'homme perdue et
retrouvée, que l' Agathange est introduit. A remarquer 2 que, si les
« quinze ans » dont parlent << nos pères >> sont lh:'Y} i5e"Karéaaaea
aux chap. 54, 56 et 57 d' Agathange, on lit toutefois, au chap. 90 :
>Ii5ov Î5B"Kanévre l!r'Y} nA'Y}(!OVV7:at àcp' ov avràv ( = re'YJr6ewv) l!e-
(!l1paV ù rip "K(!'Y)flVqJ 3 •
3. L'hypothèse de l'appartenance de ce texte à une littérature
polémique antichalcédonienne, telle du moins qu'elle a été formulée,

1 Le mot copte correspondant a été en partie reconstruit par l'éditeur, qui

signale dans sa description du feuillet qu'au centre de la marge intérieure « une


capitale et l'extrémité de quelques lignes sont légèrement mutilées>>.
2 Ceci, à propos de la note 4, p. 221 du compte rendu cité de M. Garitte.
3 Voir notamment l'édition de La version grecque ancienne du Livre arménien
d' Agalhange par G. LAFONTAINE (1973), p. 256. A propos de ces quinze années,
voir aussi G. GARITTE, Une Vie arabe ... , § 4 et 9 (p. 53-54, 63) ; M. VAN EsBROECK,
Un nouveau témoin du Livre d' Agalhange, dans Revue des Éludes arméniennes,
N.S., t. 8 (1971), § 71-72 (avec lan. 100) et 133 (p. 38, 53); m., Le résumé syria-
que de l' Agalhange, dans Anal. Boll., t. 95, 1977, mêmes § (p. 308, 320). Nous
laissons de côté les autres problèmes posés par la présence de cette version copte
d'un passage de l'« Agathange » dans une Vie de Chrysostome dont la datation,
selon M. O., « pub essere collocata ragionevolmente nella prima metà del'VIII
sec. >> (p. 38).
398 DE JEAN CHRYSOSTOME

tombe, une fois acquise une meilleure intelligence du nom de ne-


Je-8.."-.KYTWN.
4. Quant à ce dernier, Chalkèdôn, nous apprenons qu'il y a << une
quantité de jours>>, le serpent l'a piqué sans que «jusqu'aujourd'h ui>>
il ait été délivré de cette << honte >>. Ceci est peut-être à mettre en
rapport avec la réponse que, dans le Fragment 5 (GoleniScev 37),
avant la tentative de baptême, Chalkèdôn fait à la question de l'ar-
chevêque : << Y a-t-il quelque doute (K&.TOlKOpl&.) dans ton cœur? >>-
<<Non, mon père, j'ai été guéri de ma blessure lorsque je t'ai rencontré>>
(éd. c., p. 30-31). Notons en tout cas la similitude des expressions:
n.net[en.]TON ëll.rt&.~me et &.Ill TON ëNT&.rt"-."t'rH (« Je n'ai
pas été quitte de ma honte>> et <<J'ai été quitte de ma blessure>>).
Il y a cependant une petite difficulté. Nous sommes à la p. 91 du
codex quand Chalkèdôn déclare que << jusqu'aujourd'hu i>>, il n'est
pas délivré de son mal. D'autre part, il dit en avoir été délivré quand
il a rencontré l'archevêque. Tout cela s'est-il passé en un jour?
5. Nous apprenons aussi incidemment que l'entretien a porté sur
Cham, comme nous savions déjà qu'il avait été question d'Adam,
d'Abraham et Isaac, et de tant d'autres. La décapitation de J eau
Baptiste aussi a été évoquée.

Après ce premier nouveau texte << chrysostomien >> il y en a un


second, qu'on saura gré également à Mgr Lefort d'avoir signalé, en
note, au terme de sa description du n° 54 ci-dessus : << Paris Copte
1316, f. 4 (probablement un fragment du même volume)>>. De
fait, le nom de rte)e.&."-.)e.H~WN apparaît au verso de ce feuillet
dont les colonnes comptent respectivement 32, 33, 31 et 31 lignes et
qui est assez bien conservé, malgré la déchirure qui l'a malheureuse-
ment privé de sa pagination et d'environ la moitié des lettres de la
première ligne. Malheureuseme nt aussi, tandis que le verso du feuillet
se lit sans difficulté, un certain nombre de lettres ou de lignes du
recto sont presque effacées et offrent d'autant moins prise à l'œil que
celui-ci est sollicité par l'encre du verso, laquelle a profondément
pénétré dans le parchemin. On voudra bien tenir compte de ces
circonstances à propos de la transcription que nous présentons ici
et qui, pour le recto, sera susceptible, nous l'espérons, d'être améliorée
là où la nécessité s'en ferait sentir.
Disons tout d'abord que le feuillet est occupé, d'un bout à l'autre,
par le discours de celui que nous savons, désormais, être Jean Chry-
sostome (sans que rien, ici non plus que dans le feuillet précédent,
no 54, ne le laisse soupçonner). Mais comme il y a, à l'intérieur du
discours principal, qui traite de la Résurrection du Christ (avec, à
l'arrière-plan, Jean 20, 1-18), une série de discours (ou d'apostrophes
à tel ou tel auditeur), nous allons chaque fois les distinguer.
Au moment où commence le recto et jusqu'au bas de la col. 1,
nous sommes dans un discours, à la première personne (à l'intérieur,
répétons-le, du discours principal) : c'est le Christ qui parle à sa mère.
A JEAN DE LYCOPOLIS 399

Après deux mots, le premier de 8 ou 9 lettres (fi .. q> .... c) et le


second: NTKOYCTW~l3.. (cf. Matth. 27, 66) 1 , voici ce que dit le
Christ: &.~~3.. elCOOYN xe ep~3..Net. TepN3..Y enwNe eq~o­
Ten.. NTepN3..ntCTeYe 3-.N Xe 3-.lTWOYN. 9!}3..NTepN3.. Y
enll3.. NT3..YK3..3..T NôHTq. lR.NNeClN.:b..WNlON NT3.. YT3..3.. Y
ett3..CWU.3... &,tTWOYN W T3..l13..3..y. epeNel13..TOt eNKOTK
8n.nT3..$0C. f3..eep3..T llfi3..Teqet N~tn3..Te~NH NQN3.. Y
~- .finoYw· ~<H>T~. T<C>t~nn. enptn.e ~neTpoc. n.nN3.. Y
ep~3...Xe N9:l~3..q. Xe . ~ . T3..l10N enOYW NNtl13..TOl No&&
NT3..q~~ne.

<< ... mais sachant (1er pers. sing.) que, si tu (fém.) viens et vois la pierre fer-
mée, tu ne croiras pas que je suis ressuscité jusqu'à ce que tu voies l'endroit où
l'on m'a déposé et les linges qu'on a mis à mon corps. Je suis ressuscité, ô ma
mère, tandis que les soldats dormaient dans le tombeau. J'étais debout avant
que le jardinier ne soit venu voir et qu'il (qu'on?) ne vous ait apporté la nouvelle.
J'entendais <<le pleur •> de Pierre au moment où tu parlais avec lui: apprends-
nous la réponse 2 des soldats, comme cela s'est passé>>.
Après commence le récit de ce qui suivit (4', col. 2, 1.1-23): N3..t .21..e epe-
<Q>XW ~~OOY 3-.CT ~~~~OYOl ep~tJ ~~OYW~ e~~~ÇTt
u.n.oq ...... ep3..Tq ô3..np3..~e. NT9CJ .21..e 3-.QKWZ.... Y n.n.oc eq-
xw n.n.oc. xe n.rtwp T3..l13..3.. y n.nepxwe epot. n.n3..Tk
f,WK ~3..n3..t1WT. &,Z....:l\..3.. TWOYN NTep&WK ~3..t:l3..nOCTOZ....OC
TepT3..l100Y enp~~e NT3..Q~~ne. Xe 3-.~TWOYN e&OZ.... ôNNeT-
llOO"{T.
«Tandis qu'il disait cela, elle s'élança vers lui, voulant Je saisir, ... 3 à ses
pieds, de joie. Mais lui !'(en) empêcha, disant: «Non, ma mère, ne me touche pas.
Je ne suis pas encore allé chez mon père. Mais lève-toi et va vers les apôtres
et apprends-leur la joie qui a eu lieu: que je suis ressuscité d'entre les morts>>.

Signalons en passant que, si l'auteur applique à Marie, mère de


Jésus, ce qui, dans l'Évangile de Jean, a trait à Marie-Madeleine 4,
il reste conséquent avec lui-même, puisque, dans un passage du
Fragment 3 (Paris 12914, fol. 132, col. 2), <<l'archevêque>> déclarait
ceci à Chalkèdôn : << Nlll ne n3..1 NTOOYN tTKW:l\..Y NTeq-

1 Dans un second temps, nous avons deviné que le mot cherché était Nec$p3..-
rlC: «les scellés de la garde». 2 Ou: la nouvelle (comme ci-dessus).
3 Quelque chose comme: <<elle se jeta»; ce n'est pas XWô (toucher).

4 A propos du livre du P. R. MuRRAY, Symbols of Church and Kingdom, nous


avions relevé, chez S. Éphrem, la même <<fusion>> de Marie et de Marie-Made-
leine bénéficiant de l'apparition du Ressuscité (Anal. Boil., 93, 1975, p. 414);
cf., du même Éphrem, le Commentaire de l'Évangile concordant ou Diatesseron,
traduit par le P. L. LELOIR (Sources Chrétiennes, 121, 1966), p. 75, note 3, et
p. 386-392 (avec le sous-titre moins bien approprié:<< Jésus et Marie-Madeleine»).
Voir aussi ci-dessus, p. 388, L'Apparition du Ressuscité à sa Mère.
400 DE JEAN CHRYSOSTOME

11&.&.Y xe llttpXW8 ep<Ol> ~&.NT6WK 1 e0 pa..1 ~&.na..el'WT,


que M. O. traduit: <1 Chi è mai costui, che impedisce a sua madre :
non stare con me, finché io salga al padre mio? >> (p. 23).
L'orateur interrompt ensuite son discours pour s'adresser à un
auditeur qui lui ferait une objection (4r, col. 2, l. 24-4v, col. 1, l. 14):
Sp~a..NoYa.. xooc. xe eTseoy nneTna..p-e-ettoc coYWNq
xe nna..Te~NH a..N ne. ~a..pencoN eTnna..Y epnneeYe ...
T&.to" NTna..po&eNOC. xe N [4v] T<e>CCYNH-&1&. &.N ne N&. Y
e0 00YT N~llllO !:9&-eopa-.1 eNÈ~Hpe NlWCHq>. Q.R&.:l\..lCT&.
epeneYa..rre:l\..lCTHC xw nnoc. xe epenKa..Ke NSO:l\.. epenec-
0o na..0 T enecHT ecptne eT&enec~Hpe.
'' Si quelqu'un dit: '' Pourquoi la Vierge n'a-t-elle pas reconnu qu'il n'était
pas le jardinier? •>, que ce frère-là se souvienne< ... > l'honneur de la Vierge,
que ce n'était pas son habitude de regarder les hommes étrangers, excepté les
fils de Joseph. Surtout lorsque l'évangéliste dit: «L'obscurité était dehors>> 2 ,
son visage était penché vers le bas, tandis qu'elle pleurait à cause de son fils >>.

L'orateur, sans doute à partir de cette mention de la Vierge pleurant,


la fait ensuite parler à son Fils (4v, col. 1, l. 15- col. 2, l. 3):
nexa..c Xe Na..~ Noe NTN&.ptne &.N. NT&.ldW~~)T eoOYN
eneKTa..q>oc &.lN&.Y epwne CN&.Y N80YN epoq. NTOK .:2'..e
llnlNa.. Y <e>pOK. &,"-.:lo...a.. &.lCWTll eoNNOd N&.nO"-.Orl&.
NTooToY. xe Tec 0 u.1e a..0 po Tepu.te ep~me Nca..mn.
8WC (col. 2) X~ .... COOYN &.N eneNT&.q~Wne.
<• Elle dit: 1• Comment ne pleurerais-je pas? moi qui ai regardé à l'intérieur
de ton tombeau, j'ai vu deux hommes à l'intérieur, mais toi, je ne t'ai pas vu.
Mais j'ai entendu de grandes << apologies>> de leur part: <• Femme, pourquoi
pleures-tu? Qui cherches-tu? Comme si tu ne savais pas 3 ce qui est arrivé >>.

A remarquer que l'auteur a unifié ce que l'Évangile de Jean fait


dire, d'une part aux deux anges : <1 Femme, pourquoi pleures-tu? >>
(20, 13), d'autre part à Jésus : << Femme, pourquoi pleures-tu? Qui
cherches-tu? >> (20, 15).
Enfin, à partir de la 4e ligne de la 2e colonne, le discours s'adresse
à Chalkèdôn lui-même :
6~Xe NrrtlCTeYe &.N W ne~&.:l\..~H.:2'..WN. XE &.qTWOYN
E&O~ 6NNETU..OOYT 3..YW XE NNEqa..nOCTO~OC 3-.N NE NT&. Y-
qmwtte nna.."'f. ~"-.:l\..&. tc neNTa..qxwpn ena..rre:l\..oc.
a..qstTq eT6ETtqna..a.. Y NCN&.Y enna.. NT&.YK&.&.q N8HTq.
Ta..peCrtlCTeYe Xe &.qTWO"fN. EllllON XlNTEYNOY NT&.Y&.-
ll&.8TE ll.ll<O>q 81XllrtTOOY &.N&.nOCTO:l\..OC &.N&.~Wptl
Na.. Y Ka..Ta..-e-e NTa..qxooc Na.. Y. xe NTWTN a..TeTNnWT a-.T/
1 Ci-dessus: nna..T&.&WK (éd. HORNER nna..T6WK).
2 Cf. Ioh. 20,1 (éd. HoRNER, p. 310). - Qui sont <<les fils de Joseph>>?
3 Peut-être : « Comme s'ils ne savaient pas >>. Où finit la citation?
A JEAN DE LYCOPOLIS 401

« Si tu ne crois pas, ô Chalkèdôn, qu'il est ressuscité d'entre les morts et que
ce ne sont pas ses apôtres qui ont enlevé la pierre 1 , mais que c'est Jésus qui a fait
signe à l'ange, il l'a enlevée 2 à cause de sa mère, qu'elle vît!' endroit où on l'avait
déposé 3, afin qu'elle crût qu'il était ressuscité, ou non; depuis qu'on se saisit
de lui sur le mont, les apôtres s'éloignèrent selon qu'il leur avait dit: «Vous,
vous avec fui, vous avez ... •>
II est évident que ce texte est en rapport avec ce qui est dit de Chalkèdôn
aux p. 33, col. 2-34, col. 1 (Paris 12914, f. 132) du codex FB: « Chalkèdôn dit:
'' II ne peut pas ressusciter et sortir, la pierre étant fermée ... (lacune d'une dizaine
de lignes) le blâme de sa mort étant sur ses disciples, puisque eux l'ont enlevée4 afin
que nous disions qu'il n'est pas ressuscité. •> L'archevêque dit: <• Écoute, que
je t'apprenne qui a enlevé la pierre ... •>. Ne peut-on imaginer que ce feuillet Paris
1316 , 4 venait à la suite et peut-être portait la pagination 35-36 que M. O. a
donnée, comme il a été indiqué ci-dessus, au feuillet Zoega 290, 6 (Naples,
B.N., I.B. 14 463, f. 6)? Ou la pagination 37-38 (chair-poil)?

APPENDICE

LES APPARITIONS DES APOTRES PIERRE ET JEAN


A JEAN CHRYSOSTOME

A la fin du premier fragment de la Vie copte ci-dessus, p. 16 du


codex FE du monastère Blanc, il est dit des trois disciples de Chry-
sostome qui le visitent dans sa caverne : &. 't'W &.NCOO't'TeN epoq
NO't'KO't'l NTpOq>H. NTOq :l!l..e nexa...q N&.N Xe NTN&.Xl ~&.&.Y
&.N NTpO$H en&.netKOCU.OC ne ~&.tteëOO't' li.tt&.U.O't'. NTe-
peN&.N&.rKa...~E n,n_oq ttEX&.q N&.N XE TETpO$H NT&.ttETpOC
li.NlWë&.NNHC T&.&.C N&.l CN&.pW$9e EpOl ~&.NT&.El EBO~ <3U.-
ttElKOCU.OC (éd., p. 16, 1. 17-20).
«Nous lui tendîmes un peu de nourriture. Mais lui nous dit: 'Je ne prendrai
aucune nourriture qui est de ce monde jusqu'au jour de ma mort'. Lorsque nous
le forçàmes, il nous dit: 'La nourriture que m'ont donnée Pierre et Jean me
suffira jusqu'à ce que je sorte de ce monde'».

Ce passage s'éclaire surtout, parmi les récits byzantins sur Chry-


sostome édités par le P. Halkin (ci-dessus, p. 390, note 9), à la
lumière de la Vie BHG 873bd, par Georges d'Alexandrie (qui << semble
bien remonter à la première moitié du vue siècle •> ; p. 69). Deux
chapitres surtout nous intéressent, dont le titre ajouté par l'éditeur
est explicite: 7, <<Le moine Hésychius voit les apôtres Pierre et Jean
encourager le saint •> (celui-ci vient de perdre sa mère et d'entrer

1 On se rappellera que, d'après Matth. 27, 62-64, les princes des prêtres et les
Pharisiens avaient exprimé devant Pilate leur crainte de voir les apôtres « dé-
rober •> Jésus. Ce trait confirme peut-être la judaïté de Chalkèdôn.
2 il = l'ange (cf. Matth. 28,2). 3 Comme ci-dessus, p. 399.
4 Nous croyons qu'il s'agit de la pierre (masc. en copte).
402 DE JEAN CHRYSOSTOME

dans un monastère des environs d'Antioche) ; 67, <<Apparition des


Apôtres Pierre et Jean>> (précédée des <<lettres de Chrysostome à
ses amis de Constantinople •> et suivie de sa << mort à Comane »).
Au chap. 7, Hésychius est présenté comme le modèle que Jean
s'applique à imiter: "Hv ôé ur; àvaxwe'YJ•~ç lv -ccp povaa-rrJelcp,
Eve or; -ccp yévst, àv6pan 'Havxwr;, neoPsfJ'YJxwç -cff xsteq. -cfjç
ljÂtx{aç, notljaaç Xf.!OYOY noÀ:VY lv av-ccp Ù.aXOVf-l8YOÇ è'IJ ŒXÂ'Yjf.!a-
ywy{q. psyÛÂrJ. Elxsv Oè xal ne6yvwatv eetaç ànoxaÂV'!jJBWÇ. Tov-
'tOY oi5v lptpû-r:o o paxâewr; 'IwâvvrJr; ... Une nuit, Hésychius voit en
songe deux hommes s'approcher de Jean en prière, -rdv pèv llva xea-
-covv-ca lv -cff xstel av-r:ov -r:6pov ysyeappévov, 'tOY ôè liUov XÂÛ-
ôar; xadxov-ca. Après un dialogue entre Jean et les deux hommes,
,Exu{var; ôè 0 new-cor; 't~Y x Ble a av-r:ov lndJéôwxsv av-r:cp 'tOY
ysyeappévov -c6pov OY xauï:xsv Blnwv . << LU~at 'tOViO'V 'tOY xâe-r'YJY
lx -cwv xstewv po v · lyw yâe slpt 'IwâvvrJr; ... >> '0 ôè i!ueor; lx-
utvar; -cijv xûea lmôéôwxsv av-ccp aanse xauï:xsv xÂûÔar; Âéywv .
« Llé~at xal -rav-raç · lyw yâe slpt Ilé-ceor; ... Kal aol oi5v av-cor;
0 Kvewr; -càr; xÂûr; 'tWY ay{wv av-cov lxxÂ'YJŒtWY èvsnlauvasv,
Zva 8nse of]anr; lnl -cfjr; yfjr; lia-rat ôsôspévov lv -ccp oveavcp xal ô
èàv Â'(Ja'(Jr; lnl -cfjr; yfjr; lia-r:at ÂBÂvpévov èv -ccp oveavcp. >> Hésy-
chius voit enfin les deux Apôtres signer le front et tous les membres
de Jean et prendre congé de lui. Le lendemain, Hésychius mettra
la communauté- hormis Jean- au courant de ce qu'il a vu.
Pour le dire aussitôt, c'est à ce texte ou à un texte tout semblable qu'il faut
recourir pour mieux comprendre le passage de la notice de Jean Chrysostome
dans le synaxaire copte arabe, au 12 de bachons, où la même vision est con-
densée, et surtout pour deviner le nom d'oHavxwç sous les variantes arabes
(.)""_,:......_,~ 1 •(.)""_,;~1 •(.)""~~~ et (.)""_,:....._,:.....l, soit Ïsüsnüs, 'Ansüs-
nüs, 'Ansüsyüs et 'Asnüsnüs (voir les éditions par Forget et Basset, à cette
date).
Et notons la remarque du P. Halkin à propos du moine visionnaire: '' D'où
Georges d'Alexandrie a-t-il tiré le nom du moine syrien Hésychius? D'une
source perdue ou de son imagination?'' (éd. c., p. 93, note 15).
La vision finale du chap. 67 de Georges n'est pas moins éclairante :
AV-roV ~è 6~0l/l1:0(20VVTOÇ, ned àÂlywv f;peeWv ToV fPO&.aat aVrdv
-cov oew8éna av-ccp -co nov -cfjç è~oe{ar;, ... slafjMov ne or; av-cov
llé-reor; xal 'IwâvvrJr; oi aywt àn6a-coÂot, oilr; l8sâ.aa-co hl av-cov
ovroç ev 'Avnoxslq.. Le discours d'encouragement des Apôtres se
termine par cette prophétie : << Eudoxie va produire (èxfJeaaat) des
vers et te chercher en vue d'un secours, et elle ne te trouvera pas, et
elle mourra dans sa maladie avec de grandes douleurs ; elle sera en
effet malade d'une maladie inguérissable, parce qu'elle sera frappée
par le Seigneur>>. Après quoi 'EntèJéôwxav ôè av-ccp xal fJewalv
uva sln6vur; · << L1é~at xal q;âys -cov-co, xal ov ôsf]an édear;
-ceoq;fjr; èv -ccp nae6vu {Jlcp · av-c'YJ yàe hcaexéast aot péxetr; oi5
-rd nvsvpa slr; xBlear; 'tOV Kvetov naea8fjr;. l) '0 ôè Âa{Jwv lvwmov
av-cwv liq;aysv ... (p. 259-260).
A JEAN DE LYCOPOLIS 403

Ici également, notons l'observation de l'éditeur: (( Cette nouvelle


apparition des apôtres Pierre et Jean doit être une invention de
l'hagiographe. Pallade et Socrate n'en soufflaient mot, Théodoret
non plus >> (p. 260, note 166).
On voit combien certaines des expressions de Georges sont proches
de celles entendues en copte de la bouche de Chrysostome dans sa pri-
son. C'est aussi à ce moment que Georges d'Alexandrie écrit :
"Haav us ~· ' avnp
avv , - ev, rn- es;Of!lf!
'1: 1 R'
neeal-'vreeot ~/
uvo nal' suwnovoç
1

elç . oïuveç (JV'V'fjnOÂov()rwav avri[J ànà Kwvaravuvovn6Âewç,


axéaet rfî neàç avràv neneai'fjfl,BVot. L'auteur de la Vie copte
aurait-il trouvé là l'idée de se faire passer pour l'un d'eux, puisqu'il
nous parle de trois compagnons de Jean en exil (ci-dessus, p. 390)?
On ne s'étonnera pas de trouver les mêmes éléments repris à son
modèle, Georges d'Alexandrie, par l'abréviateur de BHG 874d (cf.
éd. c., p. 313-315, 375-376).
Parmi les autres textes qui font état des deux apparitions, nous
ne citerons plus que la Vie BHG 880h, faussement mise sous le nom
d'Hésychius de Jérusalem (de la première moitié du ve siècle; on
se gardera bien de le confondre avec le (( moine syrien Hésychius >>
rencontré plus haut). Rien que la présence de ces apparitions dans
cette pièce, si brève qu'en soit la mention, surtout la seconde fois
(chap. 6 et début de 18; éd. c., p. 447-448, 460; cf. p. 471), aurait
pu suffire à l'écarter de l'héritage littéraire authentique du prêtre
et didascale de Jérusalem.
L'épisode en question nous a surtout permis d'éprouver l'intérêt
de la Vie grecque de Jean Chrysostome par Georges d'Alexandrie
tant pour l'ensemble de la notice du saint au synaxaire copte arabe
que pour la Vie copte mise en lumière par M. Orlandi.
P. D.

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