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Noesis

7 | 2004
La philosophie du XXe siècle et le défi poétique

De l’athéisme poétique aujourd’hui


(Contingence, ironie et lyrisme)

Jean-Claude Pinson

Édition électronique
URL : https://journals.openedition.org/noesis/34
DOI : 10.4000/noesis.34
ISSN : 1773-0228

Éditeur
Centre de recherche d'histoire des idées

Édition imprimée
Date de publication : 15 mars 2004
ISSN : 1275-7691

Référence électronique
Jean-Claude Pinson, « De l’athéisme poétique aujourd’hui », Noesis [En ligne], 7 | 2004, mis en ligne le
15 mai 2005, consulté le 19 septembre 2022. URL : http://journals.openedition.org/noesis/34 ; DOI :
https://doi.org/10.4000/noesis.34

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De l’athéisme poétique aujourd’hui 1

De l’athéisme poétique aujourd’hui


(Contingence, ironie et lyrisme)

Jean-Claude Pinson

NOTE DE L’ÉDITEUR
Cet article a fait l’objet d’une publication antérieure, constituant un chapitre du livre
Sentimentale et Naïve, Nouveaux essais sur la poésie contemporaine (Seyssel, Champ Vallon,
2002). J’ai tenu compte, dans les notes, de la nouvelle traduction du Zibaldone de
Leopardi procurée récemment aux éditions Allia par Bertrand Schefer.
Dieu est mort ; mais tels sont les hommes qu’il y
aura peut-être encore
pendant des millénaires des cavernes dans
lesquelles on montrera son ombre...
Et nous..., il faut encore que nous vainquions son
ombre.
Nietzsche, Le Gai savoir, § 108.
1 Philosophie et poésie en Occident, sœurs jumelles et rivales dès l’origine, ont
longtemps partagé un même « instinct de ciel », un même désir d’absolu, de
transcendance, de supérieure musique. Pour l’une, ce désir a nom métaphysique. Pour
l’autre, il prend la forme du lyrisme, nom moderne pour l’idée de style « élevé » ou
« inspiré ». Deux modalités d’une même postulation, dont on ne peut se défaire comme
on se débarrasse d’une simple opinion, parce qu’aussi désœuvré, dépourvu de point
d’appui et d’horizon, que soit aujourd’hui ce désir, il demeure au moins comme élan
intransitif.
Le ciel de la poésie comme recours pour la métaphysique
2 Il semble pourtant qu’aux dix-neuvième et vingtième siècles, philosophie et poésie, au
regard de cette question de « ciel », aient connu des destins différents. La première,
pour l’essentiel, après avoir déboulonné le Dieu de la raison, n’a cessé, selon des
modalités très variées, d’approfondir son travail de déconstruction de la métaphysique.

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La seconde au contraire, à partir des Romantiques de Iéna, s’est souvent vue


reconnaître une aptitude spéciale à paître dans les alpages de l’Absolu. Elle s’est vue
investie de la mission de veiller sur l’Être même, mission qui faisait d’elle un substitut
de la métaphysique défunte. Si bien que la philosophie, pour se soustraire au
positivisme et demeurer éveillée à une pensée de ce qui vient excéder l’objectivité, a
souvent choisi d’emboîter le pas au poème.
3 Toutefois (j’ouvre ici une parenthèse), il n’est pas impossible qu’il y ait eu là comme un
malentendu, négligeant par trop la différence des opérations linguistiques engagées
par l’une et par l’autre. La philosophie (une certaine philosophie romantique et post-
romantique) a cherché du côté de la poésie ce qu’elle ne pouvait y trouver qu’au prix
d’une vision fantasmée du poème1. Car si persiste le désir d’absolu de la poésie, il ne
vise pas (ou plus) l’Idée ou quelque Donation originaire, sauf à réduire ce désir à un
signifié programmatique qui n’est pas exactement l’affaire du poème. Dans ses
opérations de langage effectives, le poème vise plutôt ce qu’il est justement dans
l’habitus même de la philosophie de délaisser. Disons, pour faire vite, que la philosophie,
sacrifiant la contingence du sensible, cherche, au moyen du concept, le nécessaire et l’a
priori, le vrai en tant qu’il est susceptible de s’énoncer sous une forme universelle, ou
encore le primordial censé transir toute réalité. La poésie, au contraire, en son désir de
présence sensible, se tourne vers les réalités contingentes du monde, pour tenter –
tâche impossible – de les nommer avant que les mots (les concepts) n’en aient effacé les
couleurs vives. Le désir de présence, d’une présence « apothéosée » comme dirait
Baudelaire, se manifeste d’abord dans le poème comme désir de toucher, de rendre les
mots contigus aux choses, de les unir bord à bord2. Aussi la poésie, art du sens (Hegel),
mais d’un sens plus « tactile », plus « froissé », qu’idéel, critique-t-elle la philosophie, à
ses yeux trop pressée de s’enclore dans l’ordre conceptuel des raisons qu’elle construit.
Elle lui reproche de trop vite sacrifier, pour les besoins de thèses et systèmes (où
pourrait paraître, enfin sommé, récapitulé, quelque signifié transcendantal), la part
fuyante, nocturne et bigarrée d’un réel infiniment divers, que les mots, parce qu’ils
sont tournés vers l’universel, ne parviennent pas à éclairer. Tel est le sens, en tout cas,
de la critique qu’adresse Yves Bonnefoy à la philosophie de Hegel (et par-delà à la
philosophie tout entière).
Le Dieu à venir de la poésie
4 Quoi qu’il en soit, après la « mort de Dieu », c’est bien la poésie
5 (la poésie et non le roman, notons-le) qui sert d’asile, au vingtième siècle (et d’abord au
dix-neuvième), à cette demande de divin dont a pu se nourrir la nostalgie
métaphysique qui sourdement continue de hanter la philosophie. Au désenchantement
du monde moderne et de la philosophie elle-même, la poésie a pu sembler pouvoir
offrir la bouée de secours de son propre Dieu. Qu’il suffise ici de rappeler le
philosophème de Heidegger : seul un Dieu – et il ne peut être que celui des poètes –
pourrait désormais nous sauver.
6 Dans un texte récent, Alain Badiou a proposé une définition du type de rapport
spécifique qu’implique ce « Dieu des poètes », qui n’est ni le Dieu vivant des religions
chrétiennes, ni le Dieu-géomètre des philosophies classiques. Ni mort avec la foi comme
le premier, ni invalidé par la critique de la métaphysique comme le second, il s’est
simplement retiré et doit un jour faire retour. La tâche propre du poète, selon la lecture
de Heidegger que fait Alain Badiou, est alors de porter dans la langue la pensée de ce
retrait et « de concevoir le problème de son retour comme une incise ouverte dans ce

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dont la pensée est capable3 » . Le rapport au Dieu poétique n’est donc ni un rapport de
deuil, comme celui qu’implique le Dieu mort des religions, ni un rapport critique,
comme celui qui convient au Dieu-Principe des métaphysiques, mais un rapport, au
sens propre, nostalgique, rapport où s’envisage, dans la mélancolie, les chances d’un
réenchantement du monde et d’un retour du divin.
7 On reconnaît là, sans difficulté, toute la thématique romantique du kommende Gott, du
« Dieu à venir ». Que ce Dieu poétique soit encore un ressort décisif de quelques-unes
des poétiques majeures de notre temps, c’est ce que tendrait à démontrer sans doute
l’œuvre d’Yves Bonnefoy, auquel manifestement pense Badiou, même si jamais il ne le
nomme.
8 L’auteur de Douve, pourtant, se déclare « athée » et sa poétique de la « présence »,
insiste, contre la tentation de l’« excarnation », sur la considération de l’existence en sa
contingence. Mais l’horizon cosmo-théologique demeure : l’épiphanie de la présence
est ouverture à l’Un. Elle réfracte une lumière de « l’indéfait du monde » où peut se
redéployer le tissu invisible des correspondances par quoi le chaos du vécu est
susceptible de retrouver le sens secret d’une harmonie, d’un cosmos qu’il s’agirait par
la poésie de sauver de l’oubli, gardant la chance qu’il puisse un jour renaître, malgré les
déchirures qu’y a inscrites le nihilisme de l’ironie moderne.
9 L’athéisme d’Yves Bonnefoy n’est donc pas sans reste et le poète continue d’inscrire son
geste en direction d’un « Dieu qui n’est pas, mais qui sauve le don 4 » ; « Dieu à naître qui
n’est personne, ne sera rien, brillant pourtant là-bas sur le toit transfiguré d’une
grange, ici dans quelques mots rédimés5 ». Dieu négatif donc, et comme tel proche sans
doute du Dieu-néant de la mystique apophatique6. Mais surtout Dieu plus « pratique »
que théorique – Dieu « poéthique », car indissociable de l’action (quelque restreinte soit-
elle) du poème gardant ouvert un autre horizon.
L’athéisme comme tâche du poème
10 L’« athéisme contemporain » consistera au contraire, selon Alain Badiou, à en finir avec
ce « mouvement qui confie la relève du Dieu de la religion et du Dieu métaphysique au
Dieu du poème7 » . C’est lui, cet athéisme, qui est désormais « devant nous, comme une
tâche de la pensée ». Tâche aussi de la poésie – et d’autant plus qu’elle est l’abri où s’est
réfugiée la pulsion religieuse (unitive) de la pensée. D’où l’affirmation que « l’impératif
du poème est aujourd’hui de conquérir son propre athéisme, et donc de détruire de
l’intérieur des puissances de la langue la phraséologie nostalgique, la posture de la
promesse, ou la destination prophétique de l’Ouvert. Le poème n’a pas à être le gardien
mélancolique de la finitude, ni la découpe d’une mystique du silence, ni l’occupation
d’un improbable seuil8 ».
11 Cette conquête, qui est aussi bien la mise à mort par la poésie de son propre Dieu, est
une entreprise à laquelle, Badiou en convient volontiers, maints poètes s’emploient
depuis au moins le début du siècle. Dans la poésie contemporaine, elle me semble lisible
selon deux lignes de forces au moins. D’une part, dans la descendance du Baudelaire,
balzacien, du Spleen de Paris, comme inscription du poème dans l’horizon sans
transcendance d’une prose qui est intrinsèquement affirmation de la contingence
radicale de toutes choses9. D’autre part, dans la descendance du « matérialisme
poétique » de Francis Ponge, comme recherche d’un degré maximal de « littéralité ». Et
souvent, dans quelques-unes des œuvres aujourd’hui les plus intéressantes, ces deux
lignes s’entrecroisent et se mêlent.
Fin du « Grand Art » ?

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12 Cependant, cette conquête ne risque-t-elle pas d’être aussi synonyme d’une perte ? Ne
faut-il pas ici s’inquiéter, avec George Steiner, de ce que « lorsque la présence de Dieu
est devenue une supposition intenable, et lorsque Son absence ne représente plus un
poids que l’on ressent de manière bouleversante, certaines dimensions de la pensée et
de la créativité ne peuvent plus être atteintes10 » ? En d’autres termes, le risque de
l’athéisme poétique, effaçant le Dieu des poètes (c’est-à-dire un Dieu absent mais
cependant continuant de peser sur le déploiement de la parole poétique), n’est-il pas de
mettre fin, en même temps qu’à l’illusion théologico-poétique, à la poésie comme
« Grand Art » – c’est-à-dire comme lyrisme, « haut » lyrisme ?
13 Car si le renoncement au Dieu poétique signifie aussi la mise à mal, dans le poème, de
toute cette opération d’apothéose en quoi, selon Baudelaire, consiste le lyrisme, ne s’en
déduit-il pas, pour la poésie moderne, une nécessaire aphonie, l’invalidation de toute
forme de « chant » et de voix lyrique ? La figure de Baudelaire devenu à Bruxelles
aphasique serait ainsi emblématique du destin obligé de la poésie (et plus généralement
de l’art). La césure de toute nostalgie du divin et de tout « appel en direction de ce qui
manque » impliquerait que l’art n’aurait aujourd’hui d’autre issue que dans ce
qu’Adorno nommait « l’extrémisme esthétique ». Il serait la seule « légitimation de
l’art11 » – une légitimation déceptive, aporétique, où le « Grand Art » ne pourrait que
faire l’épreuve de sa propre impossibilité (ou du moins ne pourrait s’assurer de lui-
même qu’en se renonçant). À l’époque de la modernité négative, la poésie n’aurait
d’autre issue que d’expérimenter sans fin la déconstruction « grammatique » du
lyrisme.
14 En effet, le poète « athée », parce qu’il a renoncé à toute croyance romantique en un
prétendu pouvoir de la poésie à parler la langue des dieux ou des prophètes et à
pouvoir ainsi s’approcher davantage que les autres langages de la réalité vraie, n’est-il
pas d’abord un déconstructeur, un ironiste ? Un ironiste « linguistique » : c’est à même
la langue qu’il met en crise toutes les opérations verbales par lesquelles menace sans
cesse de s’insinuer dans les mots l’illusion théologico-poétique.
15 Mais s’il est ironiste jusqu’au bout, s’il est aussi (et comment peut-il ne pas l’être ?) un
ironiste « métalinguistique », un ironiste « philosophe », il ne peut pas ne pas « passe(r)
son temps, comme dit Rorty, à s’inquiéter de la possibilité qu’on l’ait [lui poète
moderne] initié dans la mauvaise tribu, qu’on lui ait appris à jouer le mauvais jeu de
langage12 ». Il ne peut pas ne pas s’interroger sur la contingence de tout langage et
surtout il ne peut sans barguigner faire crédit, sauf à tomber dans quelque illusion
« linguistique », à la croyance compensatoire qui dit, quand rien d’autre ne peut plus
l’être, que la langue seule est « salut13 » . Il se doit donc de renoncer, en même temps
qu’à l’illusion théologico-poétique, à l’idolâtrie « grammatique ».
16 Mais puisqu’il est poète – et pas seulement ironiste –, on suppose qu’il a à cœur la
recherche d’une intensité autre dans le langage. Ce pourquoi il ne peut être indifférent
à la question du lyrisme, entendu comme mouvement où se cherche dans le poème une
parole pleinement en acte, capable de se « hausser » jusqu’au « chant ».
17 Il demandera donc (première question) si n’est pas malgré tout possible quelque chose
comme un lyrisme qui ne soit pas théologicolyrique – i.e. un lyrisme qui, « ineffaçant »,
comme dit Michel Deguy, les « théologèmes défunts », puisse conserver l’élan de
l’opération « apothéosante », alors même qu’il a déposé le terme de l’« apothéose »,
renoncé à se tourner vers le focus imaginarius du Dieu poétique.

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18 Il s’enquerra ensuite (seconde question) de déterminer, si la réponse est positive,


comment un tel lyrisme athée peut être possible; comment il peut être « césuré » sans
du même coup censurer toute mise en branle de ce « style élevé » par quoi il se définit.
Ou encore : comment, pour reprendre les termes de Hölderlin, la « sobriété
junonienne », succédant au « feu du ciel », peut être encore synonyme de lyrisme.
19 Qu’un lyrisme profane, un lyrisme athéologique soit possible, qu’il ne soit pas un cercle
carré, c’est évidemment d’abord au poème contemporain d’en administrer, par
l’exemple des œuvres, la preuve. Mais c’est à la philosophie (à la philosophie de la
poésie) de tâcher d’en déterminer les conditions de pensabilité et d’ensuite préciser
quels peuvent en être les ressorts.
20 En définissant le poème contemporain, dans le moment même où pourtant sa langue se
désencombre du Dieu poétique, en termes de « chant », c’est bien, me semble-t-il, une
sortie hors de l’aporie moderne telle que la pense Adorno que suggère Alain Badiou.
Une sortie qui demeure cependant moderne.
Un lyrisme athéologique
21 Car c’est bien, pour Badiou, du poème moderne qu’il s’agit – celui « qui est lui-même le
lieu où ça se passe »14, et dont la logique non-mimétique doit être distinguée de celle du
« poétisme » ancien procédant à la « poétisation de ce qui se passe ».
22 Optant ainsi pour une poétique moderne, Badiou semblerait devoir refuser toute
poétique de l’« enchantement ». Pourtant, il en va autrement. D’une part, la théorie du
poème qu’il avance, quelque importance qu’elle accorde à la « soustraction »
mallarméenne, n’est pas radicalement autotélique, comme le sont certaines de celles
qui ont pu être déduites du Romantisme de Iéna. Elle est, me semble-t- il, trop
étroitement articulée à une ontologie de l’ici pour consentir à enfermer le poème dans
la clôture du seul texte. D’autre part et surtout, s’il y a bien, lié à cette ontologie de la
« platitude », un « devenir prose du poème », il ne s’agit pourtant pas d’y censurer
radicalement, au nom par exemple de quelque « principe de nudité intégrale », toute
possibilité d’un chant. Au contraire, « l’impératif du poème » doit être aujourd’hui de
« se dévou(er) à l’enchantement de ce dont le monde, tel quel, est capable 15. » Et c’est
encore le mot « chant » qui est employé pour évoquer un poème d’Aïgui « à la gloire de
ce qui d’ici est insubstituable, et sans garantie divine ».
23 De ce point de vue, dans la définition d’un athéisme poétique n’excluant pas la
possibilité d’un lyrisme, Alain Badiou a un grand ancêtre en la personne de Leopardi.
Un Leopardi dont George Steiner note qu’il est peut-être « la seule exception » à cette
loi qui voudrait que le « Grand Art » ne puisse faire l’économie de la nostalgie de Dieu 16.
Car il y a bien, chez Leopardi, une théorie du lyrisme. Et plus largement une théorie du
« Grand Art », où celui-ci est pensé à l’écart du modèle hégélien (prémoderne), modèle
où ce sont les « grands contenus spirituels » qui déterminent la grandeur de l’art,
comme à l’écart du modèle romantique (et moderniste) où c’est l’impossibilité même de
la représentation et l’évidement « grammatique » qui définissent le sublime et le
mystique de l’art.
24 Il y a ainsi, parfaitement originale, intempestive – « aérolithique » –, une « épistémè
léopardienne », que Mario Luzi, le grand poète italien, définit de la sorte : la mort de l’
« illusion romantique (...) d’un pouvoir illimité de la parole créatrice », écrit-il,
« signifie pour le poète une configuration où « il n’est vraiment plus rien qu’(il) puisse
célébrer ». Comment faire dès lors, quand toute réalité est réduite par la raison à sa

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platitude et à sa vanité, quand plus elle [la raison] croît, plus le monde et les choses
« rapetissent17 », quand est anéanti ce qui pourrait susciter l’enthousiasme, que soient
encore possibles des œuvres qui aient du souffle et ne soient pas exsangues ? Le propre
de la poétique léopardienne, selon Mario Luzi, est justement de ménager la possibilité
d’« opposer à cet anéantissement culturel un grumeau de désirs désespérément vivant,
un noyau vital qui résiste à la loi de dévalorisation18 ».
25 Malgré certaines convergences (le refus de l’idéalisme romantique, la définition du réel
comme multiple contingent et intotalisable, l’absence de remontée à un principe
premier), il y a sans doute bien des différences entre l’ontologie matérialiste de
Leopardi et celle, beaucoup moins anti-platonicienne, que propose Badiou.
26 De même, leurs conceptions de la poésie diffèrent sensiblement, l’un la définissant en
termes d’illusion, l’autre en termes de vérité. Pour Leopardi, la poésie a une fonction
d’abord « existentielle » : elle contribue, comme illusion seconde construite sur les
cendres de nos illusions premières, à tonifier l’existence. Illusion qui cependant n’est
pas mensonge, car elle est d’autant plus efficace à ranimer l’enthousiasme dans l’âme
du lecteur que « les œuvres de génie » savent dire avec force « le néant des choses 19 » .
En un certain sens la poésie (et spécialement la poésie « naïve ») a donc
intrinsèquement partie liée avec la production de « l’erreur20 », à condition qu’on
comprenne celle-ci non comme représentation fausse, mais comme illusion capable de
communiquer au lecteur, à rebours de l’entropie qui caractérise la trajectoire de toute
existence, le souffle d’une « réelle beauté et d’une réelle grandeur ». Badiou, quant à
lui, tout en se démarquant du schème romantique déclarant l’art seul capable de la
Vérité, pense la poésie comme opérateur de vérités sui generis, locales, irréductibles à
toutes les autres formes de vérités21.
27 Par-delà ces différences, au regard de la question d’un athéisme, il semble possible de
rapprocher jusqu’à un certain point ces deux théories de la poésie. Du moins quant à la
structure qui les sous-tend. En effet, dans les deux cas, il s’agit bien de poser la
possibilité d’une pertinence de la poésie (du lyrisme comme « Grand Art »), soustraction
faite de tout le dispositif théologico-poétique que la poésie moderne continue souvent
d’entretenir : le poème, bien qu’ayant procédé au radical effacement de tout horizon
théologique, demeure capable d’activer dans la langue quelque chose comme un
« enchantement », de déployer une énergie susceptible d’émouvoir grandement son
lecteur.
28 Au-delà, l’intérêt pour nous aujourd’hui de ces deux théories est qu’elles incitent, l’une
comme l’autre, à ne pas se contenter d’en appeler à la puissance d’infini propre au
langage pour répéter une énième fois le credo des poétiques textualistes – credo qui
forclôt la question de l’inspiration, la rabattant sur le seul plan d’immanence du
fonctionnement textuel au détriment de toute dimension « antérieure » ou
« postérieure »22.
Lyrisme et infinité
29 Reste à savoir comment cette dynamique lyrique est possible en régime athée de la
poésie. La difficulté majeure tient sans doute à l’articulation d’une ontologie de la
platitude, de la littéralité du réel, de sa vanité foncière, et d’une poétique du « chant ».
Ou encore : comment un « enchantement », pour reprendre le mot risqué de Badiou,
peut-il ne pas retomber dans la vieillerie de la « poétisation » de ce qui est ?
30 Chez Leopardi, c’est une anthropologie de l’existence comme désir infini qui fournit le
terme médiateur permettant de surmonter cette difficulté : « l’homme et le vivant,

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écrit Leopardi, tendent toujours naturellement à la vie et à ce surcroît de vie qui leur
convient23 ». L’infinité du désir en l’homme, producteur d’élan et d’enthousiasme, est la
condition d’un « instinct de ciel » persistant quoique radicalement mécréant : « Si le
grand, le beau, le vivant se sont éteints dans le monde, notre inclination pour eux, elle,
ne s’est pas éteinte. Si la possession nous en est retirée, notre désir ne l’est pas et ne
peut pas l’être. L’ardeur qui pousse les jeunes gens à vivre, à repousser le néant et la
monotonie, ne s’est pas éteinte24 ». Ainsi, quand bien même le monde qui est nôtre n’est
plus un cosmos, le désir du beau qui nous habite nous pousse toujours, bien que sans
espoir de retour, à y rechercher l’événement qui puisse combler un tel désir, dussions-
nous nous même l’inventer.
31 Au plan proprement poétique, de cette anthropologie du désir, se déduit, chez
Leopardi, bien autre chose qu’une simple déploration de la « finitude » ou qu’un tissage
esthète de vanités. Au contraire, la claire conscience du « néant des choses » et de
l’« éternullité » du monde, de sa radicale contingence en même temps que de celle de
l’existence, est le ressort d’une activation accrue de « notre inclination vers un infini
que nous ne comprenons pas25 ». Notre désir commande donc une perception
imaginative du monde, où la considération de la platitude ontologique se renverse en
une suggestion de lointains inaperçus par la raison : « le poétique consiste toujours
dans le lointain, l’indéfini et le vague26 » . Là où la raison s’en tient à la stricte littéralité
du réel, l’imagination poétique, selon Leopardi, l’élargit de ces illusions et de ces
espérances dont l’existence ne peut pas ne pas s’allaiter, se nourrir.
32 Ainsi l’instinct de ciel n’a-t-il pas d’autre origine, pour Leopardi, que celle,
« matérielle », de l’illimitation en nous du désir, « racine vigoureuse » des illusions. La
lucidité qui nous conduit à détruire les théologèmes, à avoir « le sentiment du néant de
toutes choses », non seulement ne détruit pas ce désir infini, mais au contraire le
stimule, le conduit à sans cesse repousser plus loin « l’impuissance de tous les plaisirs à
satisfaire notre âme ». C’est donc « notre nature qui porte matériellement en soi
l’infinité », en même temps qu’elle est néant, l’existence ne consistant en rien d’autre,
selon Leopardi, qu’en la progressive dissipation de nos illusions. Il y a donc en dernière
instance une identité foncière en nous entre le néant et l’infini, tous deux étant les
deux faces d’une même négation des limites27.
33 Chez Badiou, le « surcroît » où pourrait s’alimenter un lyrisme n’est pas défini en
termes anthropologiques. Il se déduit plus directement d’une ontologie de l’événement
comme « supplémentation » : le chant naît (ou peut naître) de la « joie » avec laquelle
nous accueillons la survenue d’un événement qui est celui de l’être en même temps que
du poème, puisque la vérité de ce qui est ne nous saisit que pour autant que le poème
en chiffre l’infini par sa mathématique.
Platitude et épiphanie
34 Le propre de l’athéisme lyrique que propose Alain Badiou – son paradoxe et son intérêt
(ses tensions, ses hésitations aussi peut-être) – est en effet de nouer, à une ontologie de
l’infini sans profondeur, du « multiple sans-un », une théorie de la poésie qu’il faut bien
appeler, malgré les connotations religieuses du terme, épiphanique 28. D’une part,
l’athéisme poétique, refusant tout arrière-monde, posant que le réel est sans double et
sans Dieu, s’adosse à une ontologie où l’habitation du monde est celle de « l’infini
comme notre séjour absolument plat29 ». Mais d’autre part, le poème, saisissant la
contingence de ce qui « survient ici, sans profondeur et sans ailleurs » comme chance
d’une « supplémentation », discernant « au point même de l’impossible la surrection

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infinie des possibilités invisibles », se met en mesure de produire quelque chose comme
un « enchantement30 », enchantement apuré de l’ancienne nostalgie propre à la poésie.
35 On pourrait être tenté de voir là tous les éléments d’une poétique de cette
« illumination profane » que déjà la poésie de Baudelaire parvient à faire surgir, dans le
moment même où elle fait l’expérience de cette destruction de l’aura romantique que
décrit à son propos Walter Benjamin. En effet, quand bien même il est désencombré de
toute valeur cultuelle et délié de toute visée prophétique, le poème semble en mesure
de pouvoir susciter encore quelque chose comme une aura. La différence étant que
désormais cette aura, en tant qu’apparition d’un lointain dans la proximité, d’un
ailleurs dans l’ici (pour reprendre la définition de Benjamin), ne serait plus censée
prendre source dans une profondeur invisible déployée dans le dos du visible, mais
surgirait, je cite Badiou, « au hasard d’un événement », comme l’éclat de « quelque
vérité (qui) nous emporte selon l’infinité inachevable de son trajet 31 » .
36 Une telle notion pourrait s’appliquer à la théorie du poème comme « belle illusion »
qu’élabore Leopardi. En effet, quoique adossée à une ontologie athéologique, la
poétique léopardienne est bien une poétique de l’aura, à condition qu’on précise que
« l’être des lointains » ainsi produit n’a d’autre consistance que fictive, poétique.
37 Badiou, lui, rejette cette notion, bien qu’il utilise celle, parente, d’épiphanie. À la
littéralité ontologique ne semble pouvoir correspondre qu’une « poésie sans aura », une
poésie « littérale », où « l’écriture n’est pas une obscure réminiscence, toujours
imparfaite, d’un ailleurs idéal32 ». Et Badiou d’évoquer ici les poèmes d’Alberto Caeiro,
un des hétéronymes de Pessoa. La question (et la difficulté) est alors de savoir comment
la théorie du poème qu’il propose peut permettre cette double postulation, dans la
poésie moderne (athéologique), du littéral et du lyrique. C’est sans doute dans la façon
dont son ontologie noue le plat et le pli qu’une réponse peut être trouvée (quelque
perplexe qu’elle nous laisse).
38 Car la « platitude » du réel, sa « littéralité » sans aura, n’est pas sans reste. Nous l’avons
dit, elle se « supplémente » d’une ontologie de l’événement dont l’« avoir-eu-lieu » est
dit « hétérogène à l’étalement sourd et opaque de l’être ». Et c’est dans la « visitation »
de cet avoir-eu- lieu épiphanique, dans ce pli où « l’éternité peut apparaître au défaut
violent du temps », que le poème (exemplairement celui de Rimbaud) prend sa source 33.
Ainsi peut-il trouver de quoi nourrir son élan lyrique, en même temps qu’il travaille au
« chiffrage » de la vérité surgie au hasard de l’événement, vérité qui nous fait habiter
l’infini – l’infini « comme notre séjour absolument plat 34 » . Dès lors, une telle poétique
lyrique peut rompre avec cette profération de la « déréliction, de l’« être pour la mort
«, de l’horreur du réel et de la finitude » dont Badiou pense que nous sommes trop
entichés35.
39 Cette poétique de l’« enchantement » et de la « surrection infinie des possibilités
invisibles » que Badiou appelle de ses vœux, on peut sans doute la voir à l’œuvre,
aujourd’hui, de manière significative, chez un poète comme Dominique Fourcade,
lorsqu’il définit sa démarche à travers une devise empruntée à Manet (« tout arrive »,
« tout arrive dans la langue-page-monde »), affirmant son souci d’un poème « incluant
du hasard de la plus haute qualité, jeune,/ et qui impose son style, en même temps que
sa nécessité, sans feinte, / dans un ensemble parfait, faisant son entrée,
n’échantillonnant pas les choses, en belligérante vitalité comme l’art veut, et
conviction totale (presque jusqu’au scandale)36 ».

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De l’athéisme poétique aujourd’hui 9

NOTES
1. C’est tout le problème posé par la lecture que fait Heidegger de Hölderlin. Cf. sur
cette question le livre de Jürgen Link, Hölderlin-Rousseau, retour inventif, trad. Isabelle
Kalinowski, Presses Universitaires de Vincennes, 1995.
2. Dans le mot de contingence, il y a au moins deux idées : celle de hasard (« ce qui
arrive par hasard »), mais aussi, étymologiquement, celle de toucher. Le poème peut
alors être compris comme l’opération de langage consistant à tendre une peau (celle de
la page peuplée de mots), où pourraient venir se prendre des événements
imprévisibles, indécidables, irréductibles à la nomination ordinaire. Où viendrait
résonner, diffracté, le tumulte du monde. D’où l’hypothèse que le langage, dans le
poème, fonctionne de manière plus indexicale que symbolique. Ou plutôt d’une
manière quasi-indexicale, car les mots, demeurant malgré tout des concepts, ne
peuvent jamais vraiment rejoindre les choses, même s’il est, chez Rimbaud par
exemple, des moments de « grâce », où « la langue, écrit Alain Badiou, déclare :
«Touché ! » (« La méthode de Rimbaud : l’interruption », Conditions, Paris, Seuil, 1992, p.
152).
3. « Dieu est mort », in Court traité d’ontologie transitoire, Paris, Seuil, 1998, p. 19.
4. Dans le leurre du seuil, in Poèmes, Paris, Mercure de France, 1978, p. 281.
5. « Baudelaire contre Rubens », in Le Nuage rouge, Paris, Mercure de France, 1977, p. 73.
6. Un des meilleurs exégètes d’Yves Bonnefoy, Jérôme Thélot, évoque à ce sujet une
« altérité imprononçable », qui serait un « Dieu au-delà de l’être, au-delà de l’Un », La
poésie précaire, Paris, PUF, 1997, p. 119. Si le recours à une thématique propre à Jean-Luc
Marion peut être éclairant, toutefois le projet du poète qu’est Yves Bonnefoy demeure
trop attaché à dire, en contrepoint de l’« unisson » de l’Être, les « aspects du monde
ordinaire » pour qu’on puisse l’identifier à celui d’une ontologie négative, inspirée de
Heidegger et de Lévinas. (Ce dernier point ressort tout particulièrement de l’étude que
donne le poète de l’œuvre du peintre Alexandre Hollan, in La journée d’Alexandre Hollan,
Le temps qu’il fait, 1995.
7. Court traité d’ontologie transitoire, op.cit., p. 20
8. Ibid., p. 21.
9. Prose « musicale sans rythme et sans rime » qui consiste pour le poète à « accrocher
sa pensée rapsodique à chaque accident de sa flânerie et tirer de chaque objet une
morale désagréable » (Lettre à Sainte-Beuve du 15 janvier 1866, Correspondance, Paris,
Pléiade, vol. 2, p. 583). Prose moderne – et non pas romantique – en ce qu’elle ne chante
pas l’attente du « Dieu à venir », mais adopte le point de vue de la « grandeur sans
convictions » qui caractérise le dandy à l’affût de l’héroïsme propre à la grande ville
moderne. « La modernité baudelairienne, écrit Vincent Descombes, ignore la nostalgie
de Dionysos ou l’attente du Dieu-qui-doit-venir. Elle ne souffre pas du «défaut des noms
divins». Elle sait en effet que nous ne manquons nullement de mythes ou de légendes,
que nous avons notre beauté et notre héroïsme. » (Philosophie par gros temps, Paris,
Minuit, 1989, p. 58).
10. Réelles présences, trad. Michel R. de Pauw, Gallimard, 1991, p. 273.
11. « Un fragment sacré (sur Schönberg) », in Quasi una fantasia (1963), trad. J.-L. Leleu
(avec la collaboration de Ole Hanse-Love et Philippe Joubert), Gallimard, 1982, p. 261.

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De l’athéisme poétique aujourd’hui 10

Voir le commentaire que donne de ces pages Philippe Lacoue-Labarthe, in Musica ficta
(figures de Wagner), Paris, Bourgois, 1991, p. 227-230.
12. Richard Rorty, Contingence, ironie et solidarité, trad. P.-E. Dauzat, Armand Colin, 1993,
p. 113.
13. C’est l’interprétation de la modernité poétique que donne Hugo Friedrich dans son
livre fameux Structure de la poésie moderne : quand le ciel de la poésie est vide, « le salut
ne peut plus être cherché que dans la langue » (p. 51 de la traduction française de
Michel-François Demet, Paris, Le Livre de Poche, 1999).
14. Petit manuel d’inesthétique, Paris, Seuil, 1998, p. 51.
15. Court traité d’ontologie transitoire, op. cit., p. 21. C’est moi qui souligne.
16. Réelles présences, op.cit., p. 270.
17. Leopardi, Zibaldone di pensieri., 2942 (1253). (Selon l’usage, les fragments du Zibaldone
seront, dans la suite de cet article, cités sous l’abréviation Zib., suivie du numéro de
pagination du manuscrit original. J’indique ensuite entre parenthèses la page de la
traduction intégrale procurée par Bertrand Schefer aux éditions Allia en 2003).
18. Le présent de Leopardi, trad. B. Simeone, Lagrasse, Verdier, 1998, p. 17-18.
19. Zib. 259 (189).
20. Zib. 735 (382).
21. Cf. Petit manuel d’inesthétique, op. cit., p. 21. Je ne suis d’ailleurs pas certain que la
théorie de la poésie que développe Badiou à partir de Mallarmé ne soit pas encore
grevée d’un reste d’idéalisme poétique, quand il crédite la poétique mallarméenne de la
lettre d’une « victoire intellectuelle » qui écarterait « la menace latente de la mort »
(Conditions, op. cit., p. 128).
22. Voir le chapitre « L’inspiration aujourd’hui », dans mon essai Habiter en poète, Essai
sur la poésie contemporaine, Champ Vallon, 1995, p. 88-94.
23. Zib., 1990 (905). C’est moi qui souligne.
24. Zib., 195 (156).
25. Zib., 165 (138).
26. Zib., 4426 (2019).
27. Zib., 4178 (1851). Le concept d’infini, chez Badiou, pensé à partir de la théorie des
ensembles, est pareillement athéologique : dépourvu de toute transcendance, il est
« disséminé [...] dans la typologie sans aura des multiplicités. » (Cité par François Wahl,
dans sa Préface à Conditions, op. cit., p. 33).
28. Le mot est employé par Badiou lui-même, qui en fait une des catégories de sa
lecture de Rimbaud (La méthode de Rimbaud : l’interruption, Conditions, op. cit, p. 132).
29. Court traité d’ontologie transitoire, op. cit., p. 22.
30. Ibid. p. 21.
31. Ibid., p. 22.
32. Petit manuel d’inesthétique, op. cit., p. 68.
33. La méthode de Rimbaud : l’interruption, Conditions, op. cit. p. 151.
34. Court traité, op. cit., p. 22.
35. Ibid., p. 22. « C’est avec joie, ajoute Badiou, qu’il faut accueillir que le destin soit
l’infinie multiplicité des ensembles, qu’aucune profondeur ne puisse jamais s’y
établir ». Et, à propos du théâtre, Badiou en appelle à un « courage affirmatif » qui
rompe avec ces questions de l’horreur, de la souffrance, du destin et de la déréliction,
« dont nous sommes saturés » (Petit manuel d’inesthétique, op. cit., p. 117).
36. Tout arrive, Paris, Michel Chandeigne, 2000, p. 24-25 (texte repris dans Est-ce que
j’peux placer un mot ?, P.O.L., 2001, pp. 57-75).

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De l’athéisme poétique aujourd’hui 11

AUTEUR
JEAN-CLAUDE PINSON

Jean-Claude Pinson enseigne la philosophie à l’Université de Nantes. Il a notamment


publié À quoi bon la poésie aujourd’hui ? (Pleins Feux, 2001)

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