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UNIVERSITE ORAN 1 AHMED BEN BELLA

FACULTE DE MEDECINE
DEPARTEMENT DE PHARMACIE
LABORATOIRE DE BOTANIQUE MEDICALE

LES PLANTES TOXIQUES

INTRODUCTION
Les plantes sont en permanence présentes dans notre quotidien, que ce soit dans les jardins,
dans notre alimentation ou faisant partie des remèdes utilisés. Les plantes, parce qu’elles sont
naturelles, sont considérées à tort comme non dangereuses. Cependant, les plantes toxiques sont
nombreuses et leur mésusage abouti à des intoxications graves, voire mortelles.

Ainsi, des cas d’intoxications sont enregistrés chaque année dans les centres anti-poison d’Alger
(Tel. : 021.97.98.98) ou d’Oran (Tel. : 041.41.49.49). Les plantes les plus incriminées sont : le Chardon à
glu, le Laurier rose, le Harmel, L’amande amer et le Cannabis.

I. Définition
Une plante est considérée toxique lorsqu’elle contient dans certaines parties, parfois toutes,
une ou plusieurs substances nuisibles pour l’homme ou pour les animaux et dont l’utilisation
provoque des troubles variés plus ou moins graves voire mortels.

 Facteurs influençant la toxicité

Facteurs liés à la plante : espèce végétale, récolte et stockage, nature du toxique et sa


dose, l’organe végétal en cause…
Facteurs liés au sujet : homme ou animal, son âge, sont état de santé…
Le type de contact : ingestion ou contact cutanéo-muqueux

II. Circonstances d’intoxication

 Intoxication accidentelle :
- Ingestion de fruit ou de fragments végétaux chez l’enfant en bas âge conduisant à une
intoxication généralement peu grave étant donné la faible quantité ingérée.

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- Confusion alimentaire entrainant une intoxication dont le pronostic peut s’avérer beaucoup
plus réservé étant donné la quantité potentiellement importante de végétaux consommés
(confusion entre Aconit et Navet, entre Vératre et Gentiane…).
- Projection de sève ou de suc au niveau oculaire (Euphorbe…).
- Induite par un contact cutanéo-muqueux.

 Intoxication volontaire :
- Intoxication aigue par empoisonnement ou suicide dont les conséquences, potentiellement
très grave, varient selon la nature et la quantité de toxique ingéré.
- Intoxication chronique par abus ou mésusage répétitif d’une plante plus ou moins toxique.

III. Toxicité des plantes


III.1 Les organes incriminés

Une plante est rarement toxique dans sa totalité. Ainsi, un organe végétal peut être toxique
tandis qu’un autre organe de la même plante est comestible.
Exemple : l’arille rouge du pseudo-fruit d’If (Taxus sp) est comestible, tandis que toutes les autres
parties du végétal sont toxiques.

Pratiquement tous les organes végétaux peuvent être toxiques :

a- Fruits : ils sont à l’origine d’intoxications par confusion avec des fruits comestibles ou suite à
l’ingestion accidentelle par des enfants. La toxicité des fruits dépend de divers facteurs
comme le degré de maturation, les conditions météorologiques ou encore la zone
géographique.
Exemples : Laurier-cerise, Belladone, Arum, Chèvrefeuille, Lierre, Fragon.

b- Graines : elles induisent des intoxications lors de la consommation par les enfants mais
également par confusion avec des graines comestibles ou encore par contamination
accidentelle d’une récolte par des graines toxiques (Ex. : récolte du sarrasin contaminée par
des graines de Datura).

c- Fleurs : elles entrainent souvent des confusions alimentaires, comme entre l’acacia et le
Cytise, le Genet à balai et le Genet d’Espagne …

d- Feuilles et tiges : les feuilles sont généralement à l’origine d’intoxication chez les enfants qui
les mâchonnent mais elles peuvent également être la cause d’une confusion alimentaire. On
enregistre aussi des cas de toxicité cutanéo-muqueuse.
Exemples : Lierre, Arum, Dieffenbachia, Euphorbes et de nombreuses Renonculacées.

e- Parties sous terraines : ces intoxications sont pratiquement toujours liées à une confusion
avec une plante comestible ; Carotte sauvage et Ciguë, Alliacées comestibles (Oignon, Ail) et
les bulbes d’Amaryllidacées (Narcisse, Jonquille).En fonction de la quantité consommée,
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potentiellement importante, l’intoxication peut être sévère et toucher en outre toute une
famille.

 Les confusions fréquentes entre plantes comestibles et toxiques:

TOXIQUE COMESTIBLE
Plante (composant
Caractéristiques Plante Caractéristiques
toxique)
Racine /bulbe
Aconit Angélique, céleri, Racine blanche à
Racine brun noirâtre
(alcaloïdes terpéniques) panais navet l’intérieur
bulbe dur à odeur
Colchique Ail, oignon, Odeur aromatique
désagréable et gout
(alcaloïdes) échalote particulière
acre
Habitat terrestre
Habitat aquatique, Carotte,
Ciguë vireuse (exceptionnellement
racine évidée et Angélique, Céleri,
(dérivés acétyléniques) aquatique pour
cloisonnée Panais, Navet
l’Angélique)
Feuilles
Cytise
Fleurs jaunes Acacia Fleurs blanches
(alcaloïdes)
Grande ciguë
Odeur de souris Persil, Cerfeuil Odeur aromatique
(alcaloïdes pipéridiniques)
Laurier rose Feuilles opposées ou Feuilles alternes,
(hétérosides verticillées très Laurier sauce persistantes,
cardiotoniques) lancéolées odorantes
Fruits/ Baies
Belladone Baies globuleuses Baies bleuâtres et
Myrtille
(alcaloïdes) noires luisantes isolées
Redoul
Tige sans épines Mûre Tige à épines
(lactone sesquiterpénique)

III.2 Les principes toxiques incriminés

Principe toxique Plantes concernées Type de toxicité

Hétéroside stéroïdiques Laurier-rose, Digitale, Muguet Cardiaque


s
Alcaloïdes à noyau Colchique Multisystèmes
tropolone
à noyau taxane If Cytotoxique (poison du fuseau)
pipéridiniques Grande ciguë neurologique, respiratoire, rénale

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à noyau tropane Belladone, Datura, Jusquiame Anticholinergique
Saponosides Chèvrefeuille, Houx, Arum Irritant, hémolytique
Troène,
Résines, Latex Dieffenbachia, Poinsettia, Irritant
Euphorbe
Oxalates de calcium Dieffenbachia, Philodendron, Irritant
Yucca
Toxine protéique Ricin, Robinier Gastro-intestinale

IV. Intoxication par les plantes


IV.1 Intoxication par ingestion
 Les espèces fréquemment responsables d’intoxication :
- En ville (plantes d’appartement) : Pommier d’amour (Solanum pseudocapsicum),
Dieffenbachia (Dieffenbachia sp), Houx (Ilex aquifolium), Oreille d’éléphant (Alocasia sp)
- Dans les jardins : Laurier-rose (Nerium oleander), Chèvrefeuille (Lonicera sp), Troène
(Ligustrum vulgare), Glycine (Wistaria chinensis) ; Lierre grimpant (Hedera helix), Muguet
(Convallaria majalis), If (Taxus baccata), Sureau noir (Sambucus nigra).
- A la campagne : Arum (Arum sp), Datura (Datura stramonium), Morelle noire (Solanum
nigrum), Belladone (Atropa belladona).

 Les troubles induits par ingestion :


 Appareil digestif :
- Troubles induits par contact avec le tube digestif :
Le fait de porter à la bouche des plantes vésicantes (latex irritant, résine ou oxalate de
calcium), entraîne rapidement des lésions irritatives, accompagnées d’œdèmes. Ces troubles
sont induits par ingestion ou contact avec des plantes comme le Dieffenbachia, le Poinsettia,
l’Arum, l’Euphorbe, ou le Philodendron.
- Modification de la salivation :
Les Solanacées à alcaloïdes parasympatholytiques (anticholinergiques) comme la Belladone,
la Jusquiame et le Datura entraînent une sécheresse buccale caractéristique.
Un certain nombre de plantes à saponosides, telle que la Ciguë, le Colchique, le Cytise et le
Dieffenbachia provoquent une hyper-salivation (sialorrhée).
- Nausées et vomissement : presque systématiques lors d’une intoxication.
- Diarrhées : quasiment toujours présentes et accompagnées ou non d’hémorragie.
 Système nerveux central :
- Mydriase : dilatation de la pupille (Solanacées mydriatiques)
- Hyperthermie (Solanacées)
- Céphalées : maux de tête (certaines Solanacées, les plantes cardiotoxiques).

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- Convulsions : peuvent survenir au cours d’une intoxication par les végétaux
cyanogénétiques (amande amer des Rosacées, certaines Fabacées …)
- Délire et hallucinations (Solanacées)
- Coma : plantes à lectines (Robinier, cytise, Ricin….)
 Appareil respiratoire : dyspnée, augmentation de la fréquence respiratoire…
 Appareil cardio-vasculaires : troubles du rythme, hypertension, arrêt cardiaque…

 Traitement des intoxications par ingestion :


o Evacuation/neutralisation du toxique : Lavage gastrique, charbon activé
o Traitement symptomatique: atropine, anticonvulsivants….

IV.2 Toxicité par contact cutanéomuqueux


 Les espèces fréquemment responsables de dermatoses :
En ville (plantes d’appartement) : Dieffenbachia (Dieffenbachia sp), Poinsettia (Euphorbia
pulcherrima)
Dans les jardins : Lierre grimpant (Hedera helix), Troène (Ligustrum vulgare), Euphorbes,
Rutacées, Apiacées…
A la compagne : Renoncules (Ranunculus sp), Chélidoine (Chelidonium majus), Euphorbe,
Rutacées, Apiacées….
 Les troubles induits par contact :
- Contact de la peau :
Erythème (Ortie…)
Dermites : allergiques, irritantes (Ail, Artichaut, Cannelle, Armoise, Menthe, Pissenlit….)
Phyto-photo-dermatoses : plantes à furanocoumarines (Agrumes, Apiacées, Figuier….)
Urticaire de contact (Ortie, Ricin…)
- Contact avec la bouche :
Principes caustiques ou irritants : oxalates de Calcium (Dieffenbachia, Philodendron, Yucca),
résine ou latex (Poinsettia, Sumac, Euphorbe), lactone (Renonculacées).
Symptômes : fourmillement des lèvres, sensation de brûlure au niveau buccal, gonflement
de la langue avec œdème bucco-labial, hypersalivation…..
- Contact avec les yeux : larmoiement, rougeur, gêne oculaire, cécité….

 Traitement des intoxications par contact cutanéo-muqueux : voir diagramme donné en figure.

CONCLUSION
La connaissance des dangers des plantes doit être largement diffusée au niveau de la
population pour une meilleure prévention et prise en charge des intoxications.

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D’autre part, il est nécessaire de mettre en place des mécanismes de réglementation pour le
contrôle du circuit des plantes médicinales vendues dans notre pays, et la régularisation de la
pratique de la médecine traditionnelle.

Il est du devoir des professionnels de la santé de sensibiliser la population sur l’éventuelle


toxicité des plantes, qu’elles ne sont pas aussi inoffensives qu’on le croit !

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