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Mémoire bibliographique
Présenté par :
Le 9 Août 2013
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION……………………………………………………………………………………………………. 3
I LA SITUATION-PROBLEME ……………………………………………………………………………………. 5
III-1 Objectif…………………………………………………………………………………………………………………………….. 23
III-2 Déroulement de la séquence ………………………………………………………..……………………………….... 24
III-3 Evaluations .………………………………………………………………………………………..………………………….… 27
2
Introduction
Le concept « situation-problème » est apparu à l’issue de l’évolution de l’idée de problème au
début de l’année soixante dix. Il était plutôt utilisé par des littératures pédagogiques que les
ouvrages didactiques. Etant considéré comme un type de pédagogie visant à donner plus de
sens aux apprentissages et faisant entrer les élèves dans un processus leur permettant de
construire leurs propres savoirs, l’intérêt didactique des problèmes est souvent mis en avant.
Au départ, son champ d’application à la didactique intéresse les mathématiciens mais un
grand nombre de disciplines s’y adhèrent plus tard et les sciences expérimentales ne sont pas
mises à l’écart.
En France, depuis les années quatre vingt dix, concernant l’enseignement des sciences
expérimentales, on constate l’utilisation fréquente de l’expression situation-problème, non
seulement dans la littérature pédagogique (manuels, revue d’associations spécialistes, sites
Internet institutionnels ou non) mais chez les prescripteurs des instructions officielles des
programmes ou les documents accompagnateurs des programmes. Ils soulignent l’intérêt
didactique des situations-problèmes et montrent que l’enseignement expérimental « offre la
possibilité de répondre à une situation-problème par la mise au point d’un protocole, la
réalisation pratique de ce protocole, la possibilité entre théorie et expérience, l’exploitation
1
des résultats ».En outre, la situation-problème proposée « permet aux élèves la
"redécouverte" d’un phénomène et / ou la construction et la structuration d'un modèle modeste
; ils peuvent ainsi mettre en œuvre la démarche scientifique aussi bien pour une reconstruction
du savoir que pour répondre à des questions susceptibles de les intéresser directement 2. »
Ainsi, la mise en œuvre de la démarche d’investigation pour les disciplines scientifiques, dans
le canevas proposé d’une séquence d’investigation, priorise le choix d’une situation-
problème.
1
BOEN Hors série (français) n°7 du 30 Août 2000.
2
Bulletin officiel spécial n° 6 du 28 août 2008
3
On s’intéresse donc dans ce mémoire à la situation-problème, un dispositif didactique
préconisé par de très nombreux spécialistes de l’enseignement, qui favorise, en effet,
l’implication de l’élève et ses apprentissages.
Le corpus que nous avons rassemblé et exploité se compose des publications francophones,
issues des recherches centrées autour de ce thème ou axées vers ce thème, sous forme de
thèses, d’ouvrages et d’articles dans des revues pédagogiques et didactiques.
La deuxième partie est consacrée à la synthèse des ouvrages et travaux de recherches de ceux
qui s’intéressent en particulier à l’enseignement des sciences physiques par situation-
problème. Il s’agit d’identifier la démarche favorisant l’utilisation des situations-problèmes,
les caractéristiques particulières de la situation-problème dans l’enseignement de physique-
chimie et la conduite d’une séquence mettent en œuvre une situation-problème.
4
I- La situation-problème
L’idée que les apprenants doivent être actifs et acteurs dans la construction de leur savoir fait
naître dans l’esprit des chercheurs mathématiciens des innovations didactiques. La reforme
des mathématiques, au début de l’année 1970, a incité des didacticiens dans les IREM 3 ,
notamment Guy Brousseau, à beaucoup travailler sur ce concept (Kuzniak, 2004). Dès lors,
les mathématiques modernes privilégient davantage la construction et la signification des
notions mathématiques en vu de faire acquérir à l’élève des réels savoirs. Ainsi sont nées des
orientations pédagogiques nouvelles autours des problèmes ouverts puis des situations
problèmes (Merieu, 1987).
En 1947, le philosophe et psychologue américain John Dewey (cité par Merieu, 1997)
souligne que « toute leçon doit être une réponse ». Autrement dit, répondre à la question que
se pose l’élève suscitera son propre intérêt et stimulera son effort, en effet, permettant
l’implication du sujet et un véritable apprentissage. « L’intérêt d’une situation problème,
(…), c’est qu’elle permet l’implication du sujet : c’est un richesse considérable, mais c’est
aussi une de ses limites. (Merieu, 1997). Dans ce processus, il est proposé au sujet une tâche,
réunissant les conditions nécessaires, des consignes et toutes les ressources (le temps,
l’espace, les outils, etc…), qu’il peut mener à bien à un but concret à atteindre : le
franchissement de l’obstacle (obstacle au sens épistémologique). L’interaction entre ces
3
Institut de recherche de l’enseignement de mathématiques.
5
consignes et ces ressources crée la situation-problème. L’apprentissage, le véritable objectif
de la situation-problème, s’effectue en franchissant l’obstacle à la réalisation de la tâche. « Un
sujet, en effectuant une tâche, s'affronte à un obstacle» (Merieu, 1997).
Astolfi (1993), analyse ce concept en développant une modélisation théorique des situations-
problèmes. Il insiste sur le rapprochement des pédagogies de la situation-problème aux
pédagogies de la réponse et celles du problème. Les pédagogies du problème donnent une
priorité aux questions que la classe aura à résoudre et se rattachent au constructivisme qui
place l’élève au centre du processus d’apprentissage. Quant aux pédagogies de la réponse,
des pédagogies de l’explication, la résolution du problème est mise en avant. « Les
pédagogies de la situation-problème se rapprochent des précédentes (pédagogies de la réponse
et les pédagogies du problème), mais elles s’en distinguent par quelques caractéristiques
importantes ».
Dalongeville et Huber (2000) définissent la situation-problème comme une mise en
questionnement de l’apprenant qui rompt avec le modèle de l’enseignement traditionnel pour
s’appuyer sur la construction des propres savoirs par la mise en activité qui permet la
production de capacités nouvelles. Une situation-problème, c’est un « espace organisé de
production de nouvelles représentations et de nouvelles capacités ».
6
ordre, qui est la logique de l'apprendre et de se former, faite d'hésitations, de tâtonnements, de
questionnements… » (Vecchi et Carmona-Magnaldi, 2002).
La situation-problème est conçue de telle sorte que l’élève puisse s’engager dans la résolution,
la tâche qui vise le développement de nouvelles connaissances à travers une réelle activité
plutôt qu’une simple manifestation des connaissances. (Martin et Theis, 2011). Dans ce
contexte, les moyens de validation, notamment la confrontation des stratégies et le débat, leur
permettent de lever les obstacles épistémologiques ou cognitifs qui appartiennent au
développement même des connaissances.
La représentation
Avant l'apprentissage, les élèves ont généralement une représentation mentale, souvent
erronée, du concept ou de la notion qu'ils vont étudier. Cette représentation s'est forgée au
7
cours des années soit à partir de situations scolaires, soit à partir de situations de la vie
courante. Au cours de l'apprentissage, les nouveaux savoirs interagissent avec les
préconceptions anciennes, l'élève décode l'information reçue par l'intermédiaire de son
système de représentations et de connaissances.
« La construction du savoir constitue donc en faite une évolution des représentations
antérieures vers un système objectivement et scientifiquement acceptable. » (Robardet,
2006)
L'obstacle
Du point de vue épistémologique, la situation-problème repose sur l’importance de l’obstacle
dans l’évolution de la science, énoncé dans les travaux de Bachelard mais aussi de Piaget et
Wallon (Astolfi et Develay, 1989). C’est en confrontant et surmontant des obstacles
épistémologiques que les scientifiques ont connus des progrès.
Dans le domaine scolaire, l’obstacle auquel on se réfère est celui dans le sens
épistémologique, de l’ordre du manque de concepts et de connaissances théoriques ou
procédurales, voire de compétences comme le souligne Astolfi (1993)
Dans une situation-problème, on ne peut réussir sans conceptualiser, sans comprendre et sans
apprendre. Le franchissement de l’obstacle est indispensable et assure l’acquisition ou le
réinvestissement d’une notion.
Il faut donc cibler un obstacle, puis « construire rationnellement une situation didactique, (…)
diversifier la manière dont les séquences sont commandées, alors qu’elles sont souvent des
mises en texte du savoir qui sont sinon linéarisées » (Astolfi et Develay, 1989).
L’objectif-obstacle
Si l’objectif premier visé dans un enseignement s’appuyant sur une situation-problème est le
dépassement d’un obstacle (épistémologique), le choix de cet obstacle amène à parler
d’objectif-obstacle comme le propose Martinant (Boilevin, 2005). Le principe est de
rechercher les obstacles dont le dépassement est à la fois possible et enrichissant, puis de
définir les conditions didactiques permettant de le franchir. Ils pourront constituer des points
forts de la démarche d’apprentissage.
Face aux résistances des représentations erronées ou inadéquates, les didacticiens ont donc
proposé de créer des situations d'apprentissage autour de ces "objectifs-obstacles". Ces
situations doivent permettre de construire un espace de réflexion autour d'un problème à
8
résoudre et permettre à l'élève d'enrichir ses connaissances de nouvelles représentations en
écartant celles qui faisaient obstacle.
Le conflit socio-cognitif
Le conflit socio-cognitif est l’interaction cognitive entre des sujets ayant des points de vue
différents (Merieu, 1997). Chaque élève prend en compte les points de vue des autres pour
qu’il y ait réellement interaction. Dalongeville et Huber (2000) décrit la dynamique de la
situation problème comme suit : les représentations initiales d’un apprenant sont mises en
crise (conflit cognitif) par la confrontation à une situation-problème, puis avec les
interprétations et les propositions de résolution du problème des autres apprenants voire du
formateur (conflit socio-cognitif). Cette mise en travail des représentations initiales produira
de nouvelles représentations plus riches, plus complexes, en lien plus pertinent avec la réalité.
Selon De Vecchi et Carmona-Magnaldi (2002), les critères qui définissent une véritable
situation-problème sont :
- avoir du sens (interpeller, concerner l’apprenant qui ne se contente pas d’obéir, d’exécuter),
- être lié à un obstacle repéré, défini, considéré comme dépassable et dont les apprenants
doivent prendre conscience à travers l’émergence de leurs conceptions (représentations
mentales),
- faire naître un questionnement chez les élèves (qui ne répondent plus aux seules questions),
- créer une ou des ruptures, qui remettent en cause ce qu’ils pensent,
- correspondre à une situation complexe, si possible liée au réel, pouvant ouvrir sur différentes
réponses acceptables et différentes stratégies utilisables ;
- déboucher sur un savoir général (notion, concept, loi, règle, compétence, savoir-être, savoir-
devenir…),
- faire l’objet d’un ou plusieurs moments de métacognition (analyse a posteriori de la manière
dont les activités ont été vécues et du savoir qui a pu être intégré).
En outre, la situation comparable à celle d’un chercheur et la présence d’une véritable rupture
(pour déconstruire les obstacles) caractérisent les situations-problèmes. Placés face à un
problème, les élèves sont obligés à adopter une démarche personnelle pour aboutir à la
construction d’un nouveau savoir.
9
Dans le même esprit, Astolfi (1993) caractérise une situation –problème comme suivantes:
- Elle est organisée autour du franchissement d'un obstacle par la classe, obstacle
préalablement bien identifié.
- Le travail s'organise autour d'une situation à caractère concret, qui permet effectivement à
l'élève de formuler hypothèses et conjectures4.
- Les élèves perçoivent la situation qui leur est proposée comme une véritable énigme à
résoudre, en lien avec sa réalité, dans laquelle ils sont en mesure de s'investir.
- Les élèves ne disposent pas, au départ, des moyens de la solution recherchée, en raison de
l'existence de l'obstacle qu'il doit franchir pour y parvenir. C'est le besoin de résoudre qui
conduit l'élève à élaborer ou à s'approprier collectivement les instruments intellectuels qui
seront nécessaires à la construction d'une solution.
- La situation doit offrir une résistance suffisante, amenant l'élève à y investir ses
connaissances antérieures disponibles ainsi que ses représentations, de façon à ce qu'elle
conduise à leur remise en cause et à l'élaboration de nouvelles idées.
- Pour autant, la solution ne doit pourtant pas être perçue comme hors d'atteinte pour les
élèves, la situation-problème n'étant pas une situation à caractère problématique.
4
Opinions fondées sur des présomptions, des probabilités
10
œuvre de façon heuristique5, et à les stabiliser en procédures disponibles pour de nouvelles
situations-problèmes.
- Elle contient des données initiales qui précisent le contexte de la situation et qui sont utiles
pour résoudre le problème.
- Il y a des contraintes ou des obstacles à surmonter qui exigent une réorganisation des
connaissances antérieures et qui amènent l'élève à trouver d'autres moyens, donc à faire des
apprentissages.
- La démarche et la solution ne sont pas évidentes; la personne doit faire une recherche
cognitive active pour savoir comment procéder.
La dimension sociale a un rôle important dans la construction de savoir car « on apprend avec
les autres et par les autres » (De Vecchi et Carmona-Magnaldi 2002). Alors, il est
indispensable de préciser ce qui sera à la charge des élèves et ce qui sera de la responsabilité
du professeur dans les interactions didactiques (Boilevin, 2005) avant de mettre en place une
situation-problème.
5
Qui favorise la découverte de faits, de théories…
11
I-4-a. Rôle de l’enseignant
12
- si besoin, renvoyer à la situation de départ et rappeler le but à atteindre,
- faire formuler des synthèses partielles,
- permettre la validation au bon moment,
- avoir un certain degré d’exigence sur les productions en expliquant pourquoi,
- faire s’exprimer les élèves sur leur démarche.
Comme la situation problème permet aux élèves de faire de réels apprentissages en les plaçant
au cœur du processus d'apprentissage et sollicite l’engagement de l’élève (Merieu, 1987),
l’élève identifie les problèmes, participe au débat en soumettant ses idées et collabore à
l'élaboration d'une ou des représentations de la classe. Il émet ensuite ses propres hypothèses
et travaille sur leur validation. A la fin de la séquence, il est intéressant que l’élève prenne
conscience du chemin qu’ils ont parcouru, par un retour sur leurs conceptions initiales, les
présupposés, que l’on compare à la production finale. Autrement dit, il devrait prendre
conscience de l'évolution de ses représentations. Il s’agit en fait d’un travail de métacognition
qui est une démarche d’auto-évaluation pertinente.
13
- travailler sur les hypothèses que l’on doit éprouver, tester,
- raisonner sue des petits problèmes, traiter certaines informations,
- mobiliser ses savoirs (utiliser ce que l’on sait déjà),
- entrer dans des petites situations-problèmes individuelles et aborder la
méthodologie générale d’une activité de résolution de problème.
14
situation-problème véritablement organisé autour d’un objectif-obstacle : il est possible
d’interpréter les représentations initiales des élèves en termes d’obstacle. La situation doit être
alors formulée de façon à entrer en contradiction avec les représentations et à développer des
conflits cognitifs ou socio-cognitifs : l’élève se confronte à un problème qu’il ne peut pas
résoudre ou à des points de vue qu’il ne partage pas, ce qui ébranle ses conceptions et le met
en situation de déséquilibre (Fabre, 2002).
La situation-problème est conçue de manière à réaliser une situation qui suit une certaine
logique :
Il est proposé aux apprenants de poursuivre une tâche qui ne peut être menée à bien que si
l’on surmonte un obstacle. Ce dernier constitue le véritable objectif d’acquisition de
l’enseignant.
Grâce à un système de contraintes l’apprenant ne peut mener à bien le projet sans affronter
l’obstacle qu’il peut surmonter à l’aide d’un système de ressources.
Dans le « guide méthodologique pour l’élaboration d’une situation problème », en annexe de
son ouvrage : Apprendre oui …mais comment ? (1987), Merieu propose quatre grandes
questions que l’enseignant doit s’interroger avant l’élaboration d’une situation-problème.
1. Quel est mon objectif ? Qu'est-ce que je veux faire acquérir à l'apprenant qui
constitue pour lui de progression importante dans son développement cognitif
?
2. Quelle tâche puis-je proposer qui requière, pour être menée à bien, l'accès à cet
objectif (communication, reconstitution, énigme, réparation, résolution,
etc...) ?
3. Quel dispositif dois-je mettre en place pour que l'activité mentale permette, en
réalisant la tâche, l'accès à l'objectif ?
Quel matériau, documents, outils dois-je réunir ?
Quelle consigne-but dois-je donner pour que les apprenants traitent les
matériaux pour accomplir la tâche ?
Quelles contraintes faut-il introduire pour empêcher les sujets de
contourner l'apprentissage ?
15
4. Quelles activités puis-je proposer qui permettent de négocier le dispositif selon
diverses stratégies? Comment varier les outils, démarches, degrés de guidage,
modalités de regroupement?
En outre, la mise en œuvre d’une situation- problème doit être régulée par un ensemble de
dispositifs d’évaluation. Une évaluation diagnostique qui a été effectuée, pour déterminer les
compétences et capacité des sujets, déterminer la nature des apprentissages à réaliser. Une
évaluation en cours de formation qui est formative si elle contribue à identifier des procédures
efficaces de travail et à une formalisation suffisante de celles-ci pour en faciliter la réalisation.
Et une évaluation sommative, c’est-à-dire, l’évaluation de l’acquisition elle-même, et son
appropriation requiert une « décontextualisation » ; celle-ci pourra s’effectuer grâce à des
exercices différents.
Dans l’article « Apprenons pour enseigner », Astolfi propose des points de repère essentiels
pour la construction didactique d’une séquence d’apprentissage :
- choisir le contenu d’enseignement qui va faire l’objet de l’apprentissage et déterminer les
notions clés et les logiques entre elles.
- caractériser les objectifs-obstacles que l’on se propose de franchir en considérant les
représentations initiales du groupe d’élèves par rapport à ce contenu
- construire un dispositif cohérent avec l’objectif-obstacle choisi, c'est-à-dire, mettre au point
une situation qui oblige l’élève à confronter à l’obstacle en anticipant sur la formulation des
consignes, l’utilisation des outils d’apprentissage (parole, écrits, matériaux…), choisir des
modes de travail (travail individuel, par groupe ou collectif) et les styles d’intervention de
l’enseignant.
- prévoir, en même temps, une différenciation des activités pour tenir compte de la diversité
des styles d’apprentissage.
- penser à des procédures de rémédiation possibles : dispositifs de différenciation et
procédures d’évaluation formative
- donner des critères d’évaluation de la séquence pour vérifier l’atteinte de l’objectif, c'est-à-
dire du dépassement de l’obstacle, jugé franchissable.
16
I-5-d. Les apports de De Vecchi et Carmona-Magnaldi
Il est essentiel de « faire vivre » les situations- problèmes pour permettre « des véritables
savoirs à s’installer » (De Vecchi et Carmona-Magnaldi, 2002). Or, instaurer la situation-
problème semble en rupture avec les pratiques habituelles. Il faudrait alors « changer d’état
d’esprit pour changer de pratique, et changer de pratique pour faire intégrer aux apprenants
un autre état d’esprit ». Autrement dit, créer un nouvel élan chez l’enseignant, une dynamique
qui modifie en profondeur l'état d'esprit du travail de la classe
Pour créer une situation-problème, le plus simple, c’est de renvoyer aux élèves leurs propres
conceptions contradictoires. C'est-à-dire, leur faire prendre conscience de leur ignorance ou
leur incompétence face à un savoir qu’ils devraient ou qu’ils pensaient vraiment maîtriser. De
Vecchi et Carmona-Magnaldi propose un ensemble d'indicateurs dont les étapes successives
ne se dérouleraient pas d'une manière linéaire mais plutôt une approche globale, pour mener
une situation-problème :
- Détermination des obstacles et définition des objectifs
- Présentation de la situation-problème
- Émergence des conceptions
- Recherche tâtonnante
- Élaboration d'une production
- Validation
- Passage du cas particulier à un savoir d'ordre général
- Évaluation (analyse de la démarche suivie, comparaison des démarches des différents
groupes)
- Métacognition (évaluation du chemin parcouru (prise de conscience de ce qui a été appris
par comparaison avec les conceptions initiales).
Pour Dalongeville et Huber (2000), les étapes clés pour construire des situations-problèmes
sont :
- Cerner l’objectif cognitif de l’activité en fonction des notions ou concepts qu’on veut
aborder.
- Repérer les représentations majoritaires chez les élèves.
- Formuler la situation-problème de façon à prendre le contre-pied de ces représentations
majoritaires et à susciter des conflits cognitifs, moteur de la motivation. Ne pas hésiter à être
17
provocateur si c’est nécessaire. La formulation de la situation-problème doit être ambiguë,
insolite, déstabilisante.
- Réunir des documents servant de point d’appui à la démarche de questionnement et adapté à
la démarche prévue.
18
maîtrise des compétences spécifiques aux sciences physiques ainsi que les compétences du
socle commun des connaissances et des compétences6.
La première étape de cette démarche est le choix d’une situation problème. Une situation qui
prend appui sur un questionnement de départ, une énigme issue d’un objet, d’un fait ou d’une
observation, et implique une mise en projet des élèves. Elle les canalise vers la recherche
individuelle et collective de solutions. Dans cette situation, les initiatives des élèves stimulent
leur curiosité, leur motivation, leur autonomie et leur investissement dans un processus de
recherche.
Malgré les travaux des chercheurs en sciences de l’éducation et des pédagogues orientés vers
le concept situation-problème, des évaluations et des enquêtes réalisées en France, dans les
lycées, montrent que les élèves éprouvent de sérieuses difficultés lorsqu'on les met en
situation de pratiquer véritablement une démarche scientifique et dans d’assez nombreux cas,
les élèves disent s’ennuyer dans les cours de sciences7.
Avant l'apprentissage, dit Bachelard, (Bachelard, 1938, cité par Robardet, 1990), les élèves
ont généralement une représentation mentale, souvent erronée, du concept ou de la notion
qu'ils vont étudier. Cette représentation s'est forgée au cours des années soit à partir de
situations scolaires, soit à partir de situations de la vie courante. « …l'adolescent arrive dans la
classe de physique avec des connaissances empiriques déjà constituées: il s'agit alors, non pas
d'acquérir une culture expérimentale, mais bien de changer de culture expérimentale, de
renverser les obstacles déjà amoncelés par la vie quotidienne ». (Bachelard, 1938, cité par
Robardet, (1990).
6
Le socle commun des connaissances et de compétences représente tout ce que l’élève doit savoir et maîtriser à
la fin de la scolarité obligatoire.
7
Rapport-n°2006-091 de l’inspection générale de l’éducation nationale adressé à Monsieur le Ministre de
l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche
19
Si, du point de vue épistémologique, l’expérimentation sert à accéder à la modélisation, au
contraire, l’expérience est conçue pour enseigner directement le modèle. «
Elle est
volontairement simplifiée, épurée, réalisée au plus proche du modèle afin de coller avec lui,
quitte à paraitre considérablement éloignée des phénomènes de la vie courante ». (Robardet,
1989). Dans ce sens, l’initiation à la démarche et à l’esprit scientifique se résume
généralement à la reproduction d’un modèle expérimental imposé. On retrouve régulièrement
l’expérimentation comme une application d’une méthode stéréotypée, en plusieurs étapes
«
distinctes OHERIC »: observation, hypothèse, expérience, résultats, interprétation,
conclusion. (De Vecchi et Carmona-Magnaldi, 2002)
Or, l’opération mentale ne peut pas être effectuée par l’élève qu’à travers son propre système
de représentations et c’est en fonction de l’évolution de ce système que l’élève construira son
savoir. Cette démarche ne tenant pas suffisamment compte de la progression cognitive de
l’élève est donc loin d'être motivante et constructrice de connaissances chez l'élève.
20
En outre, la démarche hypothético-déductive, contrairement à l’inductivisme, propose un
apprentissage réellement scientifique qui veille bien à ce que l’élève puisse différencier les
faits et le modèle. En effet, les situations-problèmes sont établies dans leur réalité quotidienne
et conduisent les élèves à élaborer lui-même le problème traitable du point de vue de la
physique et le modèle apparaît comme l’outil qui permet la résolution.
L’autonomie intellectuelle qui constitue la finalité principale nécessite que l’élève apprenne à
contrôler sa pensée par lui-même et non en recourant au guidage de l’enseignant. A leur âge,
le principal processus de contrôle dont il dispose est le recours à l’expérience (Perrenoud,
1997). La réflexion progresse grâce à une argumentation entre le fait attendu par les élèves et
celui qu’ils observent.
21
II-4 La conduite de l’enseignement de sciences physiques par situation-problème
- La phase de formulation
Les groupes d'élèves exposent aux autres leurs propositions ou hypothèses et leurs arguments.
Ici, l'enseignant s'assure, en passant dans les groupes, que les élèves ont bien compris ce qui
leur est demandé et qu'ils sont bien centrés sur le sujet de la tâche. Par ses conseils, il ramène
22
les élèves à leur activité et les soutient dans leur recherche en veillant bien à ne pas induire les
réponses. Les élèves sont invités ensuite à élaborer le protocole expérimental. Les hypothèses
et les éventuels protocoles expérimentaux seront communiqués à la classe.
- La phase de validation
Après un débat spontané entre les élèves sur les hypothèses à retenir, suivi des discussions
sur le protocole et réalisation de l’expérience (schémas, description écrite), chaque groupe
procède à l’expérience pour valider ou invalider les hypothèses retenues. Le professeur aide
les élèves à effectuer et à rendre compte de leurs observations et de leurs mesures.
Les solutions de chaque groupe sont communiquées au sein de la classe. Elles feront
encore l’objet d’une confrontation et d’un débat autour de leur validité sous la conduite du
professeur en vue de conclure.
Les solutions acceptées par la classe doivent déboucher sur un dépassement du réel par
l’élaboration d’une loi, d’une notion ou d’un concept, des nouveaux éléments de savoir. Les
niveaux de formulation doivent être accessibles aux élèves, inspirés des productions
auxquelles les groupes sont parvenus. Une analyse critique des expériences faites et une
recherche des causes des éventuels désaccords sont nécessaires. On termine cette étape par la
reformulation écrite par les élèves, sous la conduite de l’enseignant, des connaissances
nouvelles acquises en fin de séquence : c’est la structuration des connaissances.
- La phase d’institutionnalisation
Une fois le problème résolu, l’enseignant conclut en institutionnalisant le savoir qui a été
élaboré. Il doit décontextualiser ce savoir en l'extrayant de la situation dans laquelle il a pris
son sens pour les élèves en vue d’une généralisation
23
L’objectif de la séquence est le dépassement de ces obstacles afin d’obtenir un changement
conceptuel, autrement dit l’abandon du mode de raisonnement erronée au profit du modèle
scientifique.
III-2 Déroulement de la séquence
Vu la complexité du modèle, quatre situations-problèmes sont proposées pour que les élèves
participent à l’activité de modélisation et que le modèle soit construit au fur et à mesure
jusqu’à ce qu’il soit devenu de plus en plus perfectionné.
Après la recherche et la réponse individuelle par écrit, des discussions en petit groupe puis en
grand groupe sans aboutir à un accord gagnent terrain.
Les élèves proposent alors de réaliser une expérience pour valider ou invalider leurs
hypothèses. L’enseignant leur suggère de préciser un protocole expérimental avant la mise en
œuvre. Les résultats contredisent les prévisions et ne manquent pas de les surprendre.
Alors, l’enseignant introduit intentionnellement le concept cinématique afin qu’il ait un sens
au cours de la résolution du problème. Cette notion n’a pas été encore traitée préalablement
(comme le programme a proposé).
L’enseignant propose ensuite aux élèves de construire un modèle8 permettant non seulement
de rendre compte des résultats, mais encore des calculs prévisionnels de la vitesse en fonction
de la durée de la chute. Après un débat très long et difficile, les paramètres F( le poids), M (la
masse du solide), V (la vitesse) et t (le temps) sont choisis et les modèles gardés à titre
d’hypothèses sont : F.V = M.t et F.t = M.V .
La confrontation des relations aux résultats expérimentaux conduisent les élèves à abandonner
la relation : F.V = M. t . La relation F. t = M.V semble convenir mais elle ne marche pas dans
tous les cas. L’égalité des deux produits est vérifiée seulement lors de la première chute
étudiée. Pendant une sérieuse discussion, les élèves s’avèrent incapable de trouver la réponse,
alors l’enseignant en apporte. Il propose de relier deux états quelconques 1 et 2 du système
par la relation : M.V1 + F.t12 = M.V2 qui semble bien vérifiée sur tous les résultats
8
La notion de modèle a déjà été rencontrée en chimie et en électricité
24
expérimentaux. L’enseignant institue alors avec les élèves le modèle de la chute libre sous la
forme suivante :
Situation-problème n°2 : On lance une balle verticalement vers le haut. Quelle(s) action(s)
s’exerce(nt) durant la montée ? Si tu envisages que plusieurs actions s’exercent
simultanément, quelle est selon toi, la plus forte ? Agit-elle tout le temps ? Reste-t-elle
constante ?
Tous les élèves pensent qu’une « poussée » dirigée vers le haut et qui diminue au cours de la
montée agit sur la balle. La plupart y ajoutent l’action de la Terre. Ces deux forces sont
représentées respectivement par F et F’. Ensuite les hypothèses suivantes sont formulées
rapidement : M.V1 - (F-F’). t12 = M.V2 ; M.V1 - (F’-F).t12 = M.V2 et
M.V1 - (F+F’). t12 = M.V2
Le débat et les vérifications expérimentales conduisent les élèves à choisir la
relation suivante : M.V1 - F. t12 = M.V2 . Mais retenir cette relation revient à admettre que la
force de poussée F’ est inopérante et ce fait déstabilisent réellement les élèves. A ce stade,
l’enseignant propose une représentation de « l’élan » en introduisant la notion de quantité de
mouvement p = M.V . La relation précédente s’écrit alors : p1 + F.t12 = p2 .
25
Les tâches suivantes font appel à la même démarche ; ils conduisent les élèves à se rendre
compte à la fois la montée et la descente de la balle. Après discussion, ils se mettent d’accord
que la relation cherchée peut être écrite sous la forme vectorielle :
p1 + F . t12 = p2
Situation-problème n°3 : La balle est maintenant lancée dans une direction oblique.
Quelle(s) action(s), vont intervenir pendants le mouvement? Peut-on, dans ce cas, écrire
encore une relation ? Si oui laquelle ?
Une démarche similaire conduit à la validation du modèle suivant :
Pour élargir le modèle à des situations nouvelles, la situation suivante est encore proposée aux
élèves.
Situation-problème n°4 : Un skieur dévale en ligne droite une pente très glissante assimilable
pratiquement à un plan incliné (comme c’est le cas dans les épreuves de ski à grande vitesse).
A quelle(s) action(s) se trouve soumis le skieur ? Peut-on modifier le modèle précédent de
manière à le rendre applicable à une nouvelle situation ?
Les débats et la résolution du problème conduisent l’enseignant à une nouvelle formulation du
modèle ci-dessous :
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MODELE PERMETTANT L’ETUDE DU MOUVEMENT D’UN SOLIDE
SOUMIS A DES ACTIONS CONSTANTES
Champ expérimental de référence : Objets soumis simultanément à des actions que l’on peut
considérer comme constantes.
Notions de base :
Masse M en kilogramme
Vitesse V en mètre par seconde
Temps t en seconde
Force d’attraction terrestre : le poids F ( F en newton)
Relations :
Définition du vecteur quantité de mouvement : p = M . V
Mouvement du centre de gravité : p1 = F . t12 = p2
(1 et 2 représentants deux états du système)
Principe de superposition : si un corps est soumis simultanément à plusieurs actions
représentées par les forces Fa, Fb, Fc …, il évolue comme s’il n’est souims qu’à une seule
force représentée par la résultante et donnée par la relation vectorielle :
F = Fa + Fb + Fc + …
III-3 Evaluation
L’évaluation de l’objectif, abandon des conceptions intuitives et recours systématique à
l’utilisation d’un modèle newtonien, se fait à l’aide d’une évaluation interne doublée d’une
évaluation comparative de conceptions.
L’évaluation interne
L’analyse des résultats de l’évaluation à priori des compétences et savoir-faire (avant la mise
en œuvre du dispositif) semble montrer une bonne acquisition des savoir-faire de la majorité
des élèves (55 à 86 %). Plus de la moitié acquièrent la mise en œuvre d’un raisonnement
newtonien.
L’évaluation comparative des conceptions
Un test avant l’enseignement puis plusieurs semaines après la séquence, sous forme de
questionnaire, témoignent de progrès très importants de tous les élèves sans exception. La
conception d’impetus fortement ancrée chez neuf sur dix élèves s’est réduite à deux sur dix.
Cependant, il faut se méfier de ces résultats, compte tenu de ce que la recherche en didactique
nous apprend sur la résistance de ces conceptions (Robardet, 1995).
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IV- Conclusion et perspective
Nous avons vu que le concept « situation-problème » est aujourd’hui au cœur de
l’enseignement de sciences physiques et que ses enjeux dans l’enseignement scientifique sont
grands si on ne parle que de l’acquisition de la démarche scientifique.
Les résultats le domaine de recherche en didactique apportent des informations
précieuses sur la construction d’un savoir scientifique (Robardet, 1995). Cependant, rares sont
les travaux concernant les situations d’enseignement permettant d’en dégager les difficultés
que rencontrent les enseignants lors de la mise en pratique effective des propositions
didactiques telles que l’enseignement par situation-problème. Un travail conséquent
s’annonce donc sur la recherche et la mise en place d’un dispositif permettant aux
enseignants de faire acquérir aux élèves cette démarche qui leurs conduit à faire de réels
apprentissages en les plaçant au cœur du processus d'apprentissage
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REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
Astolfi, J.P. et. Merieu, P. (1989). La didactique des sciences. Paris : Presses Universitaires de
France.
Astolfi, J.P. (1993). Placer les élèves en " situations-problèmes ". Probio- revue, 16, (4).
www .google.fr/#bav=on.2,on.r_qf&fp=59287aeefcbfb92e&q=situation+problem+EN
S+Cachan.
Perrenoud, Ph. (1997) .Construire des compétences dès l’école, Paris : Edition Sociale Française.
Récupéré le 11 novembre 2012 du site de l’auteur :
http://www.unige.ch/fapse/SSE/teachers/perrenoud/php_main/php_1999/1999_11.rtf
Robardet, G. (1989). Utiliser des situations-problèmes pour enseigner les sciences physiques.
Petit x, ( 23), 61- 70.
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