Vous êtes sur la page 1sur 4

Khan Ayana, Rustom Sidra 11 septembre 2023

405

Philosophie
II. Fausto-Sterling et la fin de la distinction homme/femme

Dans le chapitre précédent, Money affirme que le genre est distinct du sexe. Sa thèse est la
suivante : « Ce qui est déterminant dans l’identité sexuelle n’est pas le sexe biologique, mais
le genre qui est construit par l’éducation, par la culture. » Cette thèse, bien qu’elle ait permis
une avancée dans l’étude du genre, pose quand même problème aux auteurs
postféministes, notamment à Judith Butler et Anne Fausto-Sterling, deux professeures
basant leur travail principalement sur l’étude du genre. Leur but est de déterminer qu’il s’agit
du genre qui détermine le sexe, le sexe étant donc la conséquence du genre. Judith Butler
poussera même la chose encore plus loin en affirmant que le sexe et le corps n’existent pas
vraiment, ils dépendent des discours qui sont tenus sur eux (cf. chapitre 3).

Fausto-Sterling critique de Money


Anne Fausto-Sterling illustre la biologie postféministe, il s’agit d’une professeure de biologie
et d’études de genre à l’université Brown. Elle avoue tout d’abord avoir apprécié Money à la
suite de son livre avec Ehrhardt Man & Woman, et l’a même félicité d’avoir réussi, avec ses
collègues, à fonder sa thèse sur le genre, comme déclaré précédemment, thèse qui affirme
que ce qui détermine le genre est l’éducation et non le sexe biologique. Plus spécifiquement,
le comportement et l’orientation sexuelle masculine ou féminine n’est pas quelque chose
d'inné ou instinctif. Ce fut par la suite une des premières à critiquer Money en 1985 avec
l’apparition et de ses livres Les Mythes du genre : théories biologiques sur les hommes et
les femmes, puis, son livre le plus connu Corps en tous genre. La dualité des sexes à
l’épreuve de la science. De fait, elle critique le principe binaire de Money, un principe selon
lequel ce dernier établit qu’il existe seulement deux sexes, car d’après elle, les sexes ne se
limitent pas seulement à deux.
En considérant l’intersexualité (= état d'un individu chez lequel coexistent des caractères
sexuels mâles et femelles) comme quelque chose d’anormal, les scientifiques de Money ne
remirent jamais en question le fait qu’il n’existe que deux sexes. Leur objectif en étudiant les
intersexes était d’en apprendre plus sur le développement « normal », c’est à dire masculin
ou féminin.

Fausto-Sterling, en s’appuyant sur sa formation de biologiste, déclare qu’il existe au moins 5


sexes dans la nature, voire même une infinité. Elle expose cela dans un article où elle
critique le système bicatégorisé de la société, qui selon elle, ne permettait pas d’inclure les
spectre complet de la sexualité humaine. Elle propose donc un système à cinq sexes
composé :
Khan Ayana, Rustom Sidra 11 septembre 2023
405
- des mâles
- des femelles
- des herms (hermaphrodites véritables, nés avec un testicule et un ovaire)
- des merms (pseudo-hermaphrodites, nés avec testicules ainsi que certaines
caractéristiques de l’aspect de l’appareil génital femelle)
- des ferms (pseudo-hermaphrodites, nés avec des ovaires ainsi que certaines
caractéristiques de l’aspect de l’appareil génital mâle)
Il existerait ainsi dans la nature, de par des changements physiologiques, hormonaux ou
chromosomiques, une continuité entre les être humains, qui par conséquent entraîne une
série d’intermédiaire entre les deux sexes. Ce qui, pour le coup, pourrait mieux expliquer
l’existence d’intersexes selon Fausto-Sterling.

Conformément à cette dernière, le fait d’établir le sexe du bébé à la naissance est


totalement culturel, car cela est basé sur le système d’un mode de pensée binaire de la
société. En plus d’être culturel, la détermination du sexe du bébé à la naissance est
également arbitraire, c’est à dire qu’elle n’est pas faite avec de réelles observations, elle
dépenderait, en fait, de la volonté des sages-femmes. Pour prouver ceci, elle constate une
hausse du nombre d’enfants intersexuels à la naissance, représenté par un pourcentage de
1,7%, pourcentage dans lequel elle inclut également ceux nés avec des troubles de la
sexualité. Ce pourcentage étant bien plus élevé que ceux donnés par la plupart des
biologistes.
Cependant, l’auteur critique cette vision des choses étant donné que les cas
d’hermaphrodisme vrai est très rare. Il serait donc insensé de fonder une nouvelle éthique
sexuelle et une réorganisation de la société.
Malgré cela, la démonstration de Fausto-Sterling a convaincu la plupart des théoriciens du
genre, dont Judith Butler qui stipule que, malgré l’aspect morphologique du corps qui
pourrait confirmer l’existence de deux sexes, rien ne confirme au contraire qu’il n’existe que
deux genres.

L’auteur décrédibilise cette théorie sur l’intersexualité qui manifeste une continuité entre les
différents sexes et les divers formes de sexualité en déclarant que, si la nature était vraiment
continue, il ne serait pas possible de proposer des classifications, ce qui enlèverait toute
valeur aux catégories biologiques traditionnelles déjà existantes.
Khan Ayana, Rustom Sidra 11 septembre 2023
405

En finir avec la biologie « viriliste »


Pour les postféministes, le livre de Fausto-Sterling Corps en tous genres, présente un
énorme avantage de proposer une critique de la biologie, considérée comme une science
« genrée » et « viriliste » compte tenu du fait qu’elle admet qu’il existe deux sexes et que la
reproduction doit être de manière sexuée. De ce point de vue, les féministes sont heureuses
d’avoir une biologiste comme Fausto-Sterling pour pouvoir critiquer la biologie, Judith Butler
n’étant pas considérée comme une référence selon Camille Paglia, une féministe, de par sa
carrière de philosophe inachevée et son manque de lectures et d’études dans le domaine
dans la science.

D’après Fausto-Sterling, la biologie adopte une vision binaire uniquement à cause des
conceptions sociales et culturelles de l’époque. Elle critique la neutralité de la biologie qui,
selon elle, est comme toute science, un « savoir situé » qui dépend de ses conditions
sociales et culturelles. En général, la biologie est considérée comme un adversaire pour les
militants du genre, car elle est considérée comme une discipline « essentialiste », c’est à
dire, une discipline qui admet que l’ensemble des caractères constitutifs et invariables
précèdent toute existence. Il serait donc impossible de développer de nouvelle théorie sur le
genre, le sexe, etc. En fait, la biologie, qui admet qu’il n’existe dans la nature que deux
sexes, serait censée nous biaiser, car étant patriarcale, androcentrique et hétérosexiste, elle
serait faussement objective, formée uniquement de préjugés virilistes et racistes. Quelque
chose clocherait alors lorsque l’on parle de femmes. Il faudrait remplacer cela par une
biologie plus ouvertement située, c’est à dire féministe.

Vers l’indistinction finale


Une autre critique fondée par Fausto-Sterling contre Money, ne prenant plus la forme
théorique, mais pratique, sont les opérations de réassignation sexuelle qu’il effectuait dans
sa clinique, lui, ainsi que, par la suite, la plupart des centres prenant en charge les
intersexuelsSelon Fausto-Sterling, en opérant ces gens, Money les auraient condamnés à
être figés dans une identité de genre qui ne leur appartient pas forcément et qui n’était pas
encore fixée.
Elle fut réjouit lorsqu’elle vit les critiques que Money a reçues sur ses nombreux cas de
réattributions « ratées », entraînant ainsi une remise en question de la part des
psychologues, des endocrinologues pédiatriques et des urologues sur les idées répandues
par les premières chirurgies génitales.
Khan Ayana, Rustom Sidra 11 septembre 2023
405
Pour elle, l’opération de David aurait dû être faite le plus tard possible, si celui-ci le
demandait, ou voire même jamais, car elle estime que l’avenir est synonyme de la fin des
distinctions binaires, notamment du sexe et du genre. Selon elle, l’intersexualité est à
valoriser car elle promet un « avenir radieux d’une humanité indistincte » qui mènera à un
monde idéal, sans identités sexuelles figées. Le choix ne se limiteraient pas à « mâle » ou
« femelle », « hétérosexuel » ou « homosexuel », car étant sources de divisions selon Marx,
leur dissolution est primordiale. Il n’y aurait donc plus aucune limite dans l’existence de
genre ou de sexe et passer d’une identité sexuelle à une autre serait tout à fait possible.
L’auteur fait alors un parallèle avec l’utopie marxiste sur la fin de la division du travail dans le
communisme pour montrer à quel point cette idée suggérée par Fausto-Sterling est absurde
et va trop loin. Avoir la possibilité de pratiquer quelque chose aujourd'hui et de changer de
carrière le lendemain est une chose, mais vouloir être homme le matin et femme le soir en
est une autre.

La plupart des articles scientifiques de Fausto-Sterling traitent du sujet de la reproduction


des vers plats, animaux hermaphrodites possédant des organes mâle et femelle. Ces vers
peuvent en effet se reproduire soit par une reproduction croisée où chaque individu
s’autoféconde soit de manière asexuée par scissiparité. Ironiquement, l’auteur se permet à
nouveau de critiquer son idée, car n’étant pas de vers plats, l’avenir souhaité par
Fausto-Sterling, n’est visiblement pas possible.

Cette idée d’un avenir radieux est très vite brisée par les potentielles maladies qui peuvent
en découler.comme le dysfonctionnement des surrénales, les cancers et autres hernies.
Fausto-Sterling en a conscience mais n’a pas l’air de prendre le sujet vraiment au sérieux.
Elle suggère qu’il faudrait « imaginer une nouvelle éthique médicale » afin de laisser
prospérer l’ambiguïté dans ce nouveau monde qui aura « dépassé les hiérarchie de genre ».

Vous aimerez peut-être aussi