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CHAPITRE I : L’ORGANISATION ADMINISTRATIVE DE LA CÔTE D’IVOIRE

Selon le dictionnaire de droit administratif, « l’administration est (au sens courant)


l’activité consistant à gérer les affaires publiques ou privées, ou les biens » 1. Le même
dictionnaire précise qu’à côté de cette conception matérielle ou fonctionnelle, existe
une conception organique qui appréhende l’Administration (souvent avec une
majuscule) comme un ensemble d’organes ou de services publics ayant en vue la
satisfaction de l’intérêt général et qui, pour se faire, met en œuvre des prérogatives
de puissance publique. C’est à cette conception organique de l’Administration
ou Administration publique que se réfère principalement ce chapitre 2.
Comment est organisée l’Administration publique ? Cette question intéresse le droit
administratif. En guise de réponse, il est loisible de distinguer entre l’Administration
d’Etat, d’une part, et les Administrations autonomes ou indépendantes de l’Etat, d’autre
part.

SECTION I : L’ADMINISTRATION D’ETAT2


Certains auteurs voient dans l’Administration un outil de mise en œuvre de la
politique nationale ou encore la préparation puis la mise en œuvre des choix et des
orientations arrêtées par le pouvoir politique3. A cet égard, il est possible de distinguer
entre les structures relevant de l’Administration centrale et de l’Administration
déconcentrée de l’Etat.

I- L’ADMINISTRATION CENTRALE
L’administration centrale regroupe diverses structures, qui, en général, siègent
dans la capitale et exercent une compétence nationale. Elles englobent notamment les
structures de la Présidence de la République, de la Vice-présidence de la République,
de la Primature et des ministères.

Le chef de cette administration demeure, aux termes de la constitution, le Président


de la République qui, à ce titre, nomme aux emplois civils et militaires, assure

1
Dictionnaire de droit administratif, op. cit., p. 22.
2
L’Etat se définit comme une personne morale de droit public titulaire de la souveraineté. En tant que
personne morale elle se distingue d’autres personnes morales de droit public, telles les régions, les
communes et les établissements publics.
3
Gilles DUMONT, Jean SINELLI, Droit administratif, Dalloz, Paris, 14 ème édition, 2021, p. 15.

1
l’exécution des lois et des décisions de justice et prend des règlements applicables à
l’ensemble du territoire de la République.

Cependant, en pratique tout le pouvoir administratif de l’Etat ne peut s’exercer au


niveau central. C’est le sens de la technique de la déconcentration.

II-L’ADMINISTRATION DECONCENTRÉE
La déconcentration sert à desserrer ou aménager la centralisation4. Elle consiste
pour l’Etat, personne morale de droit public, à confier à ses agents ou représentants
dans les circonscriptions administratives (non dotées de la personnalité juridique), des
pouvoirs qu’ils exerceront en son nom. De ce fait, les décisions prises par ces agents
le sont au nom de l’Etat. Cela explique qu’ils soient nommés par le pouvoir exécutif et
se trouvent soumis à un pouvoir hiérarchique qui peut permettre au supérieur
hiérarchique d’exercer un certain nombre de prérogatives, à savoir : le pouvoir
d’annulation des décisions prises par le subordonné, le pouvoir de réformation des
actes, le pouvoir d’instruction5.

Ce pouvoir hiérarchique existe sans texte 6 et s’exercice vis-à-vis du subordonné. Et


les décisions prises dans ce cadre, par le supérieur hiérarchique, ne peuvent en
principe faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir de la part des subordonnés 7.

La déconcentration ainsi définie connait deux modalités. Elle est soit


territoriale soit technique.

La déconcentration territoriale permet de confier le pouvoir administratif de


décision à des agents locaux dans le cadre de circonscriptions administratives qui, en
Côte d’Ivoire, sont la région, le département, la sous-préfecture, le village.

4
La centralisation est, en effet, une notion fondamentale de l’organisation administrative dont les
contours ne sont pas toujours faciles à cerner. En théorie, elle est à la fois un processus et le résultat
du processus consistant à confier la conception et l’exécution de toutes les tâches tant politiques
qu’administratives aux autorités et services de l’Etat. Autrement dit, dans ce système, l’Etat ne reconnait
aux collectivités membres de l’Etat, aucune vie juridique et le pouvoir de décision est concentré au
sommet de l’Etat entre les mains du Président de la République ou des Ministres. De ce fait, les échelons
inférieurs ne font que transmettre et exécuter. On l’imagine, un tel système est difficilement applicable.
Ce qui explique le recours à la notion théorique de déconcentration.
5
René CHAPUS, Droit administratif général, Tome 1, op. cit., pp. 395-396.
6
C’est un principe général du droit public. Cf. CE, Quéralt, 30 juin 1950
7
René CHAPUS, Droit administratif général, Tome 1, op. cit., p. 396.

2
Aux termes de l’article 6 de la loi d’orientation de 2014 8, la région constitue l’échelon
de conception, de programmation, d’harmonisation, de soutien, de coordination et de
contrôle des actions et des opérations de développement économique, social et culturel
qui s’y réalise. Elle est dirigée par un préfet de région nommé par décret pris en Conseil
des Ministres.
Pour sa part, le département, qui se situe entre la région et la sous-préfecture, a à
sa tête, un préfet de département nommé lui aussi par décret pris en Conseil des
Ministres. Ce dernier exerce diverses attributions, notamment, le suivi des actions de
développement du département ; l’exécution des lois, des règlements et des décisions
du pouvoir exécutif, l’animation, la coordination et le contrôle des activités des services
techniques et administratifs du département, la garantie de l’ordre public.

La sous-préfecture quant à elle, est insérée entre le département et le village. Elle


est dirigée par un sous-préfet également nommé par décret pris en Conseil des
Ministres et dont la mission est de contrôler et de superviser l’action des chefs de
village du territoire de la sous-préfecture. Le sous-préfet est, par ailleurs, responsable
du maintien de l’ordre public dans sa circonscription, ainsi qu’officier de l’Etat civil.

Enfin, le village, qui est la circonscription administrative de base, est administré par
un Chef de village nommé par le préfet, sur la proposition du collège des notables du
village, réuni en commission villageoise. Il est composé de quartiers constitués par la
réunion des membres d'une ou de plusieurs familles et éventuellement des
campements qui lui sont rattachés.
Ces missions ne sont pas précisées par la loi, mais résultent d’un arrêté colonial en
date de 1934.

Arrêté n° 32061BP du 10 octobre 1934 portant sur l’Administration


indigène en Côte d’Ivoire (extraits)
Attributions du Chef de village
Article 6: Les attributions du Chef de Village sont fixées comme suit :

Police générale
En cette matière son autorité s’exerce sur tous les habitants du Village et sur les indigènes de passage,
sans distinction de race.

8
Loi n° 2014-451 du 05 août 2014 portant orientation de l'organisation générale de l'Administration
Territoriale.

3
Il doit maintenir l’ordre, empêcher les rixes et disputes, ainsi que tout tumulte dans les lieux
d’assemblée publique.

Dans tous les cas où il est procédé à une arrestation (criminels, délinquants, prisonniers évadés, etc.),
il doit immédiatement conduire ou faire conduire la personne arrêtée soit au Chef de canton qui la
livre sans retard aux autorités elles-mêmes. Il doit dans l’intervalle veiller à ce que le prisonnier soit
nourri et éviter qu’il soit l’objet de mauvais traitement.

Aidé des habitants du Village qu’il peut réquisitionner à cet effet, le Chef de Village doit prêter son
concours en cas d’accident, d’événements graves, de calamités ou de sinistres, tels que : incendies,
inondations, invasions d’acridiens, etc.

Il doit rendre compte au Chef de canton et en cas d’urgence au Chef de Subdivision et au


Commandant de Cercle de tout fait de propagande subversive tendant à troubler l’ordre public, qu’il
est amené à constater.

Police Rurale
Le Chef de Village doit veiller à la protection des cultures, des plantations et des récoltes, en
empêchant notamment qu’elles soient abîmées par les feux de brousse, le bétail de passage etc.

Il doit empêcher la divagation des animaux sur les terrains de cultures, les grandes routes et en
particulier sur les portions de route qui traversent son Village.

Il doit veiller à l’entretien des pépinières établies sur le territoire de son Village, à ce que les
plantations vivrières soient toujours d’étendue suffisante pour les besoins des habitants, et à
l’entretien des greniers de réserve.

Voirie

Le Chef de Village doit maintenir en état de propreté l’agglomération et ses environs immédiats,
veiller à la conservation et au bon entretien des chemins et sentiers du Village, des plantations faites
en bordure des voies qui parcourent son territoire, des plaques indicatrices placées au long de ces
voies, Il rend compte sans délai des détériorations qu’il constate, à son Chef de canton ou à l’autorité.

Il veille à la sûreté et à la commodité du passage dans les rues et ruelles du Village, à l’enlèvement
des obstacles qui peuvent encombrer la voie publique.

Hygiène
En matière de salubrité, le Chef de Village doit signaler immédiatement à son Chef de canton ou à
l’autorité la plus proche, les cas de maladies contagieuses constatées : variole, etc.

Il prend sans retard les mesures nécessaires pour assurer l’isolement des malades et la désinfection
des locaux contaminés.

Il surveille l’abattage des animaux de boucherie et signale les épizooties. Il tient la main à ce que les
abords du Village soient débroussés et à la propreté générale.

Justice
Le Chef de Village est, selon la coutume et les textes réglementaires, investi en matière civile et
commerciale du pouvoir de concilier les parties.

Perception des impôts indigènes


Le Chef de Village est chargé de rassembler l’impôt de la population sédentaire du Village et de le
remettre entre les mains des agents spéciaux ou des agents du Trésor.

4
Il tient à jour la liste des contribuables et assure la répartition des quotes-parts afférentes aux
différentes familles. Il doit payer l’impôt de la population non sédentaire.

II assure également la distribution des charges collectives (prestations), réquisitions, amendes. La


Commission Villageoise est appelée obligatoirement à délibérer en matière de répartition des charges
fiscales ou autres.

Attributions administratives
Le Chef de Village est chargé de recevoir les déclarations d’état civil des indigènes de son Village :
naissances, décès, mariages et divorces. Il tient la liste des étrangers qui y séjournent ou qui s’y
fixent. Il aide le Chef de canton à dresser la liste de recensement pour le Village. Il lui rend compte
périodiquement des modifications à y apporter par suite des départs, arrivées, décès, naissances,
mariages, etc.

La déconcentration technique ou par service , quant à elle, permet de donner


le pouvoir de décision à un organe spécialisé techniquement (par exemple, les
directions départementales des ministères dans les départements considérés comme
circonscriptions administratives). Ces structures spécialisées sont alors le
prolongement des départements ministériels dont ils relèvent. Par conséquent, elles
n’ont pas d’autonomie et sont dans un rapport hiérarchique.

Quelques références utiles pour aller plus loin :

- Loi n°61-84 du 10 avril 1961, relative au fonctionnement des départements, des


préfectures et sous-préfectures ;
- Loi n°2002-43 du 21 janvier 2002, portant statut du corps préfectoral et son décret
d’application (le décret n°2003-412 du 30 octobre 2003) ;
- Loi n°2014-451 du 05 août 2014 portant orientation de l'organisation générale de
l'Administration Territoriale.

Dans le dessaisissement de ses pouvoirs ou de ses compétences, le pouvoir central


peut décider d’aller plus loin avec la décentralisation. Ceci explique notamment
l’existence des collectivités locales qui participent de l’Administration générale.

SECTION II : LES ADMINISTRATIONS AUTONOMES OU INDÉPENDANTES DE


L’ETAT
Au titre de ces administrations qui bénéficient de l’autonomie ou de l’indépendance,
il y a lieu de distinguer entre les administrations à base territoriale d’une part, et les
organismes à base non territoriale régis par le principe de spécialité.
I- LES ADMINISTRATIONS AUTONOMES A BASE TERRITORIALE

5
Ce sont les régions et les communes considérées comme des collectivités
territoriales ou locales et les districts autonomes que le législateur ivoirien a qualifié
d’entités territoriales de type particulier. Tous, ils bénéficient de la personnalité
juridique et de l’autonomie administrative.

A- LES COLLECTIVITES LOCALES OU TERRITORIALES

Avant de s’intéresser à proprement parler aux collectivités locales ivoiriennes, il


importe de revenir sur quelques considérations théoriques.

1. Considérations théoriques
Collectivités locales ou collectivités territoriales ? La notion de collectivité locale
est parfois confondue avec celle de collectivité territoriale, les deux étant utilisées
indifféremment9. Certains auteurs en font cependant deux notions distinctes. C’est
notamment le cas du professeur Chapus pour qui « la notion de collectivité territoriale
est plus extensive que celle de collectivité locale ». Précisant sa pensée, il écrit : « l’Etat
collectivité territoriale, n’est évidemment pas qualifiable de collectivité locale. Mais,
abstraction faite de l’Etat, les collectivités territoriales sont très exactement des
collectivités locales (…) et il est usuel de les désigner par cette dernière expression
»10.

Le choix du législateur ivoirien. En droit ivoirien, le législateur ivoirien a fait le


choix de désigner les collectivités locales par l’expression « collectivités territoriales ».
S’il est vrai que l’Etat est également une collectivité territoriale, les collectivités
territoriales auxquelles se réfèrent le législateur, et qui nous retiennent ici sont celles
qui agissent au niveau local, dans le cadre de la décentralisation.

Définition des collectivités territoriales. Ces collectivités territoriales peuvent être


définies comme des « personnes morales de droit public, autres que l’Etat, chargées
d’administrer par des conseils élus un territoire déterminé, dans les limites des
compétences qui leur sont attribuées »11.

Ces collectivités locales participent de la décentralisation qui est une technique


consistant pour l’Etat, à transférer des attributions à des institutions territoriales ou

9
Yves GAUDEMET, Traité de droit administratif, op. cit., p. 111.
10
René CHAPUS, Droit administratif général, Tome 1, 15 ème édition, 2001, p. 254-255.
11
Manuel DELAMARRE, Timothée PARIS, Droit administratif, Ellipses, Paris, p.121.

6
non, juridiquement distinctes de lui et bénéficiant, sous la surveillance de l’Etat, d’une
certaine autonomie de gestion (Autant dire qu’elles bénéficient de la personnalité
morale et de l’autonomie financière). Elles participent ici plus précisément de la
décentralisation territoriale. Elles sont dirigées, en principe, par des organes élus qui
les administrent librement. Les décisions qu’elles prennent ne le sont pas au nom de
l’Etat, mais en leur propre nom. C’est la conséquence de leur personnalité juridique.

Quoiqu’elles soient dites autonomes, les structures participant de la décentralisation


territoriale sont soumises à un contrôle dit de tutelle qui consiste pour l’Etat à vérifier
que les entités décentralisées agissent dans le respect de la légalité et de l’intérêt
général.

Ce pouvoir de tutelle, contrairement au pouvoir hiérarchique, ne peut exister sans


texte, d’où le principe « pas de tutelle sans texte, pas de tutelle au-delà du texte »,
pour signifier que la tutelle ne se présume pas12. Cette tutelle est plus ou moins forte.
De son étendue dépend la portée réelle de l’autonomie des personnes décentralisées.
Contrairement au pouvoir hiérarchique, les décisions de l’autorité de tutelle peuvent
être attaquées, en vue de leur annulation, par l’autorité sous tutelle.

Loi n°2012-1128 du 13 décembre 2012 portant organisation des


collectivités territoriales, telle que modifiée par l’ordonnance n° 2023-
605 du 15 juin 2023° (extraits)
Attributions des Conseils
Article 15 : Les Conseils règlent, par délibération, les affaires des collectivités territoriales.
Article 16 : Les Conseils exercent les attributions dévolues aux collectivités territoriales par les lois
et règlements en vigueur.
Ils interviennent aussi, selon le cas, par voie de règlements, de proclamations, d'adresses, d'avis ou
de vœux.
Article 17 : Les Conseils émettent des avis dans les conditions fixées par ces lois et règlements.
Les Conseils peuvent également, à la demande de l'autorité de tutelle, émettre des avis. Ces avis
sont donnés dans un délai maximum de deux mois à compter de leur saisine.
Les avis des conseils sont obligatoirement requis sur les cas suivants :
- les projets relatifs aux voies de communications et réseaux divers d'intérêt national à réaliser sur le
territoire de la collectivité territoriale ;
- les dispositions du plan national de développement intéressant la collectivité territoriale ;
- les projets relatifs au changement de nom, de chef-lieu et des limites territoriales des collectivités
territoriales ;
- les projets relatifs à l'environnement.

Article 18 : Les Conseils peuvent émettre des vœux sur toutes les questions ayant un intérêt local,
notamment sur celles concernant le développement économique et social de la collectivité territoriale.

12
Demba SY, Droit administratif, L’Harmattan, 2014, p ; 176.

7
Ces vœux sont transmis aux autorités compétentes par le Préfet de la circonscription administrative
dont relève l'entité décentralisée.
Article 19 : Les Conseils ne peuvent déléguer leurs attributions.
Article 20 : Ne sont exécutoires qu'après approbation de l'autorité de tutelle, les
délibérations des Conseils des collectivités territoriales portant sur les objets suivants :
1- les baux à ferme ou à loyer donnés ou pris par la collectivité territoriale, quelle qu'en soit la durée;
2- la création, la modification ou la suppression des marchés et des foires ;
3- l'acceptation de dons ou legs grevés de charges, conditions ou affectations particulières ;
4- le budget de la collectivité territoriale et ses modifications en cours d'exercice ;
5- l'institution ou la création, les tarifs et les modalités de perception des impôts, droits et taxes ;
6- le montant, la durée, la garantie et les modalités de remboursement des emprunts ;
7- l'acquisition, la gestion ou l'aliénation d'immeubles domaniaux par achat, échange, donation ou
legs et la gestion des biens du domaine privé immobilier de la collectivité territoriale, quelle qu'en
soit la valeur, bâtis ou non bâtis et toutes opérations y afférentes telles que lotissements, locations,
permis d'habiter, concessions ou baux emphytéotiques ;
8- l'acquisition, la gestion ou l'aliénation des autres biens meubles corporels ou incorporels de la
collectivité territoriale, lorsque leur valeur initiale est supérieure au montant fixé par décret en Conseil
des Ministres, sans préjudice des dispositions de l'article 124 de la présente loi ;
9- les constructions, reconstructions et aménagements de toute nature ainsi que les plans et devis y
afférents sans préjudice des procédures relatives au budget et, le cas échéant, aux emprunts et aux
marchés ;
10- le choix de la procédure des marchés et leur attribution ;
11- l'autorisation d'exécuter en régie les travaux d'entretien des propriétés de la collectivité territoriale
ainsi que les constructions et reconstructions lorsque ce mode d'exécution est plus avantageux pour
la collectivité territoriale ;
12- le mode de gestion des propriétés de la collectivité territoriale ;
13- l'autorisation d'occupation précaire, temporaire et révocable du domaine public de la collectivité
territoriale ;
14- l'expropriation pour non mise en valeur d'un terrain ;
15- l'incorporation au domaine privé de la collectivité territoriale d'un immeuble abandonné pendant
plus de dix années consécutives ;
16- la répartition des charges de gestion et des biens et droits indivis appartenant à deux ou plusieurs
collectivités territoriales ainsi que des produits de cette gestion ;
17 - les statuts constitutifs des sociétés chargées d'exploiter des services de la collectivité territoriale
et au titre desquelles l'entité décentralisée a acquis des actions ou obligations ainsi que les
modifications des mêmes statuts ;
18- l'adhésion à une organisation internationale de collectivités territoriales ;
19- le déclassement, le redressement, le prolongement, la désaffectation, l'établissement ou la
modification d'alignement des voies de communications et des réseaux divers d'intérêt local ;
20- la dénomination des rues, places et édifices publics ;
21- le programme des actions et des opérations de développement de la collectivité territoriale ;
22- le rapport sur la gestion financière de la collectivité territoriale, les comptes de l'autorité investie
du pouvoir exécutif de la collectivité territoriale et le compte de gestion du receveur de l'entité
décentralisée ;
23- les conventions ou contrats passés par la collectivité territoriale ;
24- la création des régies de recettes et d'avances ainsi que les règlements relatifs à leur organisation
et à leur fonctionnement ;
25- la création, la translation ou l'agrandissement des cimetières et l'acquisition des terrains
nécessaires à cet effet ;
26- la création et la suppression des services ou établissements publics de la collectivité territoriale,
les décisions de gestion en régie, les concessions ou affermages des mêmes services ainsi que les
contrats y afférents ;
27 - le cadre organique des emplois ;
28- la fixation de la rémunération des personnels ;
29- les missions en dehors du territoire national des élus ainsi que des personnels de la collectivité
territoriale de quelque statut qu'ils relèvent ;
30- l'allocation de secours ou de subventions, de quelque nature que ce soit, lorsque le montant est

8
supérieur à celui fixé par l'autorité de tutelle ;
31- les programmes dits de « Construction, d'Exploitation et de Transfert» ou « B.O.T. » et les baux
à construction.
Article 21 : Les actes ci-après des collectivités territoriales sont soumis à autorisation
préalable de l'autorité de tutelle ; l'autorisation devant être expressément demandée par
l'autorité investie du pouvoir exécutif de l'entité décentralisée avant que l'acte ne soit
posé ou soumis à délibération :
1- la tenue des réunions du Conseil en dehors de la collectivité territoriale ;
2- l'ouverture d'un compte hors budget autre que ceux prévus par la loi ;
3- la modification de l'affectation des fonds de concours et d'aide extérieure ;
4- l'immobilisation des capitaux par acquisition de valeur de portefeuille ou de placements à terme ;
5- le partage des services d'un même responsable de service de la collectivité territoriale ou d'un
même receveur entre deux ou plusieurs entités décentralisées ;
6- la mise en œuvre des procédures d'expropriation pour cause d'utilité publique ;
7- l'ouverture d'un compte bancaire dans les limites et conditions déterminées par décret pris en
Conseil des Ministres ;
8- la création d'usines de traitement d'ordures ménagères décidée en conformité avec les dispositions
de l'article 129 de la présente loi.

Article 24 : Sont nuls et de nul effet, les actes ou délibérations :


- portant sur des objets étrangers aux compétences des Conseils des collectivités territoriales ;
- formulant des proclamations, adresses et vœux politiques ;
- pris en dehors des réunions légales ;

- visant à caractériser la collectivité territoriale sur des bases tribales, ethniques ou religieuses.
La nullité est constatée par courrier de l'autorité de tutelle.

TUTELLE DE L'ETAT SUR LES COLLECTIVITES TERRITORIALES

Article 139 : La tutelle de l'Etat sur les collectivités territoriales comporte des fonctions :
1- d'assistance et de conseil, de soutien de leur action et d'harmonisation de cette action avec celle
de l'Etat et des autres collectivités territoriales ;
2- de contrôle.

Article 140 : Le contrôle de tutelle s'exerce par voie :


1- d'approbation ;
2- d'autorisation préalable ;
3- de démission d'office ;
4- de dissolution ;
5- de suspension ;
6- de révocation ;
7 - de constatation de nullité ;
8- d'annulation ;
9- de substitution ;
10- d'inspection ;
11- de traduction devant la juridiction compétente.

Article 141 : Les actes des collectivités territoriales ne sont soumis à approbation ou à autorisation
préalable que dans les cas formellement prévus par la loi.
L'approbation ou l'autorisation est donnée expressément. Elle est toutefois réputée acquise trente
jours à partir de la date de l'accusé de réception de l'acte délivré par l'autorité de tutelle.
Lorsque l'autorité de tutelle refuse son approbation ou son autorisation préalable, le Conseil peut
exercer les recours prévus par la loi.
Les délibérations qui ne sont pas soumises à approbation ou à autorisation préalable deviennent
exécutoires quinze jours après leur transmission à l'autorité de tutelle.
Article 142 : Sont nuls de plein droit toutes décisions, tous règlements, toutes proclamations et
adresses, tous vœux qui sortent des attributions des autorités des collectivités territoriales, ceux qui

9
sont contraires aux lois et aux règlements et ceux qui sont pris par des organes illégalement réunis
ou constitués.
Cette nullité peut être invoquée ou opposée à tout moment par les parties intéressées. Elle est
constatée par l'autorité de tutelle et notifiée à l'autorité investie du pouvoir exécutif de la collectivité
territoriale qui en informe le Conseil à sa première réunion.
Le recours devant l'autorité de tutelle est obligatoire avant l'exercice des recours pour excès de
pouvoir devant la juridiction compétente.
Article 143 : Lorsque le Conseil de la collectivité territoriale délibère hors de sa réunion légale, ou
lorsqu’il est illégalement constitué, l'autorité de tutelle constate la nullité des actes et prend, le cas
échéant, toutes mesures nécessaires pour que l'assemblée se sépare immédiatement.
Article 144 : L'autorité de tutelle peut suspendre ou annuler soit d'office, soit à la requête de tout
intéressé, les délibérations, décisions et règlements présentant un intérêt personnel pour l'une ou
l'autre des autorités ayant participé à la décision ou au règlement, soit en personne, soit par
mandataire. Il est accusé réception des requêtes en annulation.
La suspension ne peut excéder trente jours.
Article 145 : La requête en annulation doit être déposée à peine de déchéance dans un délai de
quinze jours. L'autorité de tutelle statue dans un délai d'un mois.
L'annulation d'office doit intervenir dans les trente jours.
Les délais ci-dessus commencent à courir :
1- en ce qui concerne l'autorité de tutelle, à partir de la date de l'accusé de réception ;
2- en ce qui concerne toute autre partie intéressée, à partir de la date de publication.
La suspension ou l'annulation est notifiée à l'autorité investie du pouvoir exécutif de la collectivité
territoriale. Elle en informe le Conseil à sa plus prochaine réunion.
Article 146 : L'autorité investie du pouvoir exécutif de la collectivité territoriale peut intenter un
recours en annulation pour excès de pouvoir devant le juge administratif pour tout acte de l'autorité
de tutelle qu'il estime entaché d'irrégularité.

Article 147 : L'autorité de tutelle procède, au moins une fois par an, à l'inspection des collectivités
territoriales.
L'inspection fait l'objet d'un rapport dont copie est adressée à l'autorité investie du pouvoir exécutif
de la collectivité territoriale qui le communique au Conseil à sa plus prochaine réunion…
Article 209 : Le contrôle de l'autorité de tutelle est un contrôle a priori, sauf dans les cas
limitativement énumérés par la loi.

2. Les collectivités territoriales en Côte d’Ivoire


En Côte d’Ivoire, aux termes de la loi n°2014-451 du 5 août 2014 portant
orientation de l’organisation générale de l’administration territoriale, les collectivités
décentralisées sont les régions et les communes dont l’existence est d’ailleurs
constitutionnellement garantie13. Ont été supprimées le département, les districts et
les villes qui avaient été institués en 2001 par la loi n°2001-476 du 9 août 2001
d'orientation sur l'organisation générale de l'Administration territoriale.

Ces collectivités locales ont pour mission générale, l’organisation de la vie collective,
la participation des populations à la gestion des affaires locales, la promotion et la
réalisation du développement local, la modernisation du monde rural, l’amélioration du

13
Cf. article 170 de la Constitution du 8 novembre 2016.

10
cadre de vie, la gestion des territoires et de l’environnement. Ces attributions sont
précisées ou enrichies par d’autres textes, notamment, la loi n°2003-208 du 7 juillet
2003 portant répartition et transfert de compétences de l’Etat aux collectivités
territoriales.

Suivant les dispositions de la loi n°2012-1128 du 13 décembre 2012 portant


organisation des collectivités territoriales, ces structures sont dirigées par deux
types d’organes : les organes délibérants et les organes exécutifs auxquels peuvent
s’ajouter des organes consultatifs.

Les organes délibérants sont les conseils (conseil régional et conseil municipal).
Ils règlent par leurs délibérations les affaires de la région et de la commune, en leur
qualité de collectivités territoriales, et ce, dans le cadre des lois et règlements attributifs
de compétences. En la matière, au-delà des avis et vœux qu’ils peuvent émettre
(articles 16 à 18 de la loi de 2012), ils peuvent décider dans diverses matières
(création, modification ou suppression des marchés, autorisation d’exécuter en régie
des travaux d’entretien des propriétés de la collectivité territoriale, dénomination des
rues, places, édifices publics, création, translation ou agrandissement des cimetières
et l’acquisition des terrains nécessaires à cet effet, etc.)14.

Les organes exécutifs sont les autorités investies du pouvoir exécutif (le maire,
pour la commune, ou le Président du Conseil régional, pour la région) et le bureau du
Conseil (pour les régions) ou la municipalité (pour les communes).

Les attributions des autorités investies du pouvoir exécutif sont


nombreuses. Elles sont précisées par les articles 69 à 72 de la loi de 2012 relative à
l’organisation des collectivités territoriales.

En leur qualité d’agent des collectivités qu’elles représentent , elles préparent et


exécutent les délibérations du Conseil ; elles sont ordonnateurs des recettes et des
dépenses des collectivités qu’elles dirigent ; elles ont la responsabilité de la police du
domaine et de la voirie, etc. Il peut arriver qu’elles agissent en qualité de représentant
de l’Etat. C’est le cas du maire lorsqu’il agit comme officier de l’état civil (art. 187). En
cette même qualité, sous le contrôle de l’autorité compétente, le maire est autorité de

14
Voir articles 20 et 21 de la loi de 2012.

11
police, responsable du maintien de l’ordre, de la sureté, de la tranquillité, de la sécurité
et de la salubrité publics.

Les attributions des bureaux des conseils et des municipalités sont fixées
par l’article 68 de la loi de 2012. On peut citer, entre autres, la préparation du budget et
suivi de son exécution, la préparation et la coordination des opérations et actions de
développement de la collectivité territoriale, la surveillance du recouvrement des recettes de
la collectivité et notamment des impôts, taxes.

La région bénéficie d’un organe consultatif, à savoir le Comité économique


et social régional « composé d’élus locaux autres que les conseillers régionaux, de
personnes représentatives des activités économiques, sociales, culturelles et
scientifiques de la région, des représentants des associations de développement, ainsi
que de personnalités de la région reconnues pour leur compétence » pour un nombre
variant de 30 à 50 et nommés par le Président du Conseil régional, après approbation
par le Conseil pour une durée correspondante au mandat du conseil. Il a un pouvoir
d’avis, conformément à l’article 162 de la loi de 2012 portant organisation des
collectivités territoriales.

Ces collectivités territoriales dont les organes viennent d’être identifiés, ne sont pas
à confondre avec les Districts autonomes qui sont des entités territoriales de type
particulier régies suivant les règles de la déconcentration et de la décentralisation.

B- LES DISTRICTS AUTONOMES, ENTITES TERRITORIALES DE TYPE


PARTICULIER

Fondement légal : Leur existence est prévue par le titre III de la loi n° 2014-451 du
05 août 2014 portant orientation de l'organisation générale de l'Administration
Territoriale qui institue le district autonome comme une entité territoriale particulière
régie par des règles de la déconcentration et de la décentralisation. En cela, ils se
distinguent des districts qui existaient en 2001 considérées uniquement comme des
entités décentralisées.

Composition : Le District Autonome regroupe soit un ensemble de régions, soit un


ensemble de Départements, de Communes et de Sous-Préfectures.

Attributions : Ses attributions sont fixées par la loi n°2014-452 du 05 août 2014
portant mode de création, attributions, organisation et fonctionnement du district
autonome pour 12 des 14 districts autonomes et respectivement, pour les districts
autonomes d’Abidjan et de Yamoussoukro, par la loi n° 2014-453 du 05 août 2014

12
portant statut du District Autonome d'Abidjan et la loi 2014-454 du 05 août 2014
portant statut du District Autonome de Yamoussoukro.

Extraits de la loi n°2014-452 du 05 août 2014 portant mode de création,


attributions, organisation et fonctionnement du district autonome.

Article 4 : Dans le cadre de la décentralisation, le District Autonome est chargé d'assurer, dans le
respect de l'intégrité territoriale, de l'autonomie et des attributions des autres collectivités territoriales
et en harmonie avec les orientations nationales :
- la protection de l'environnement ;
- la planification de l'aménagement du territoire du District Autonome ;
- la lutte contre les effets néfastes de l'urbanisation ;
- la promotion et la réalisation des actions de développement économique, social et culturel ;
- la lutte contre l'insécurité ;
- la protection et la promotion des traditions et coutumes ;
- l'entretien du patrimoine et des biens domaniaux de l'Etat transférés au District Autonome ;
- les travaux d'équipement rural.

Article 5 : Dans le cadre de la déconcentration, le District Autonome est chargé :


- de coordonner, de suivre et d'évaluer la bonne exécution des programmes, des projets et de toutes
actions de développement tels qu'adoptés par le Gouvernement, notamment en matière
d'aménagement du territoire, de planification du développement, de transport, de santé, de
protection de l'environnement, de l'agriculture, de gestion des ressources naturelles, d'enseignement
et de formation professionnelle, d'action sociale, culturelle et de promotion humaine, de promotion
du développement économique, de promotion du tourisme et d'électrification ;
- d'assurer, en liaison avec les services déconcentrés des Ministères techniques, le contrôle de la
bonne fin des opérations spécifiques de développement décidées par le Gouvernement et de veiller
au respect du calendrier et des exigences techniques et financières ;
- de susciter et d'animer, en liaison avec les services extérieurs des Ministères et des organismes
publics ainsi qu'avec le concours des Commissions de développement régional, la réalisation d'études
prospectives devant aboutir à l'établissement d'un schéma-directeur pour son développement ;
- de faire approuver, par le Gouvernement, le projet de schéma-directeur.

NB : il est observable que ses missions peuvent se confondre avec celles de la région
qui constitue, comme déjà rappelé, l’échelon de conception, de programmation,
d’harmonisation, de soutien, de coordination et de contrôle des actions et des
opérations de développement économique, social et culturel qui s’y réalise.

Les organes : Pour exercer ses attributions, le District autonome dispose de divers
organes :
- le Conseil du District Autonome ;
- le Gouverneur du District Autonome ;
- le Bureau du Conseil du District Autonome.
Les conditions et modalités de leur désignation ou nomination sont fixées
par la loi. En ce qui concerne les districts régis par la loi n°2014-452 du 05 août 2014
portant mode de création, attributions, organisation et fonctionnement du district
autonome, voir les articles 8 (Conseil du District autonome), 52, 53, 54 (Gouverneur

13
du district autonome) et 28 (Bureau du District autonome).
Aujourd’hui existent 14 districts autonomes, à savoir : les districts autonomes
d’Abidjan, de Yamoussoukro, du Bas-Sassandra, de la Comoé, du Denguélé, du Gôh-
Djiboua, des Lacs, des Lagunes, des Montagnes, du Sassandra-Marahoué, des
Savanes, de la Vallée du Bandama, du Woroba, et du Zanzan. Si les deux premiers ont
été créés par loi, les derniers l’ont été par voie de décret.

Pour aller plus loin, voir les textes suivants :

- loi n°2014-452 du 05 août 2014 portant mode de création, attributions et organisation


et fonctionnement du district autonome ;
- Loi n° 2014-453 du 05 août 2014 portant statut du District Autonome d'Abidjan ;
- Loi n° 2014-454 du 05 août 2014 portant statut du District Autonome de
Yamoussoukro ;
- Décret n°2021-275 du 09 juin 2021 déterminant les modalités d’application de la loi
n° 2014-452 portant mode de création, attribution et organisation et fonctionnement
du district autonome ;
- Décret n°2021-276 du 09 juin 2021 portant création de douze districts autonomes ;
- Décret n°2021-277 du 09 juin 2021 fixant les modalités d’établissement du cadre
organique des emplois du district autonome ;
- Décret n°2021-316 du 18 juin 2021 portant nomination des ministres-gouverneurs
des districts autonomes.

II- LES ADMINISTRATIONS AUTONOMES OU INDEPENDANTES A BASE NON


TERRITORIALE
Bien que disposant, comme les régions, les communes et les districts autonomes,
qui viennent d’être étudiées, de la personnalité juridique, ces structures ne peuvent se
prévaloir d’un territoire ou d’une assise territoriale. Mais, elles ont en commun
d’’exercer leurs activités dans un domaine spécifique. Elles englobent les
Etablissements publics nationaux (EPN) et les Autorités administratives indépendantes.

A- LES ETABLISSEMENTS PUBLICS NATIONAUX


Ils participent de la décentralisation et précisément de la décentralisation technique
ou par service qui permet de conférer la personnalité juridique et l’autonomie
administrative à un service public (exemple des établissements publics nationaux dits
EPN comme les CHU et les universités publiques).

14
L’existence des EPN était déjà prévue par l’article 41 de la Constitution ivoirienne
du 3 novembre 1960, confirmée successivement par les articles 71 et 101 des
constitutions du 1er août 2000 et du 8 novembre 2016. Ces articles renvoient tous à la
loi pour la fixation des règles concernant la création des catégories d’Etablissements
publics.

Après la loi n°80-1070 du 13 septembre 1980, le législateur a adopté la loi


n°98-388 du 2 juillet 1998 relative aux EPN. Depuis le 14 août 2020, a été
promulguée une nouvelle loi, la loi n°2020-627 du 14 août 2020 fixant les règles
générales relatives aux établissements publics nationaux et portant
catégories d’établissements publics.

Cette dernière loi définit les EPN comme « toute personne morale de droit public,
dotée de la personnalité juridique et disposant de l’autonomie administrative et
financière, dont l’objet exclusif et spécialisé est de remplir une mission de service
public, en suivant des règles adaptées à sa mission, et comportant des contraintes et
des prérogatives de droit public ».

Il s’agit donc de services publics à qui l’on a conféré la personnalité juridique. Ils ne
reposent pas, au contraire des collectivités territoriales, sur une base géographique ou
territoriale et se voient attribuer la réalisation de missions spécifiques. C’est le sens du
principe de spécialité.

Par le passé, l’on a distingué entre les EPA et les EPIC. Cette classification a
aujourd’hui évolué.

1. La classification traditionnelle EPA/EPIC

Depuis l’arrêt Société Commerciale de l’Ouest Africain, plus connu sous l’appellation
d’arrêt Bac d’Eloka rendu par le Tribunal des conflits français en 1921 15, la doctrine
administrativiste a pris l’habitude de distinguer entre les services publics administratifs
et les services publics industriels et commerciaux. Cette distinction traditionnelle est
reprise par le législateur ivoirien, à travers les lois précitées de 1980 (article 16) et
1998 (article 52) fixant les règles générales relatives aux établissements publics
nationaux et créant les catégories d’établissements publics nationaux.

15
TC, 8 février 1921.

15
En 1980, l’établissement public administratif est donné comme un service public
doté de la personnalité morale et de l’autonomie financière, dont l’activité n’est ni
industrielle ni commerciale 16. En conséquence, ces ressources procèdent
principalement des subventions et dotations de l’Etat. De fait, il n’est pas censé
rechercher des profits.
A l’opposé, l’établissement public à caractère industriel et commercial a « pour
mission essentielle d’exercer (…) certaines activités industrielles et commerciales »17.
Quoique n’ayant pas la qualité de commerçant, il ne se comporte pas moins comme
tel dans la mesure où ses ressources sont constituées « principalement par le produit
des cessions de leurs travaux et prestations »18.
En 1998, l’EPA est un établissement public dont les ressources sont essentiellement
d’origine publique et les prestations en principe gratuites 19. Il n’est plus indiqué que
son activité n’est ni industrielle ni commerciale, au regard de ce qui précède. L’essence
de l’EPIC demeure, sous des formulations différentes. Il exerce une activité industrielle
et commerciale et ses ressources résultent principalement des redevances perçues sur
les usagers20. Ce qui n’est pas sans rappeler la référence de la loi de 1980 au produit
des cessions des travaux et prestations des EPIC.
Cette classification ci-dessus présentée, reprise par les lois de 1980 et de 1998, a
évolué.
2. L’évolution de la classification traditionnelle
Depuis 2016, plusieurs évolutions sont observées, qui remettent en cause la
distinction traditionnelle EPA/EPIC. Elles sont le fait de divers textes, à savoir :
l’ordonnance n°2016-541 du 20 juillet 2016 fixant les règles relatives à la création
d’Agences d’exécution (AE) ratifiée par la loi n°2016-991 du 14 novembre 2016 ; la loi
n°2019-678 du 23 juillet 2019 portant réforme hospitalière ; la loi n°2020-627 du 14
août 2020 fixant les règles générales relatives aux établissements publics nationaux et
portant catégories d’établissements publics et de la loi n°2023-429 du 22 mai 2023
relative à l’enseignement supérieur, à la recherche et à l’innovation.

16
Article 17 de la loi de 1980.
17
Article 20 de la loi de 1980.
18
Article 22 de la loi de 1980.
19
Article 53 de la loi de 1998.
20
Article 54 de la loi de 1998.

16
L’ordonnance n°2016-541 du 20 juillet 2016 fixant les règles relatives à la création
d’Agences d’exécution (AE) ratifiée par la loi n°2016-991 du 14 novembre 2016
commence par ajouter aux établissements publics administratifs et aux établissements
publics à caractère industriel et commercial, une nouvelle catégorie d’établissement
public national qu’est l’agence d’exécution. Son article 1 est sans équivoque à cet
égard. Il dispose que « l’agence d’exécution est une catégorie d’établissement
public… ». Tout comme les EPA et les EPIC, cette nouvelle catégorie est dotée de la
personnalité morale, de l’autonomie financière, d’un patrimoine et de moyens propres.

Cette définition ne permet cependant pas d’appréhender la particularité des agences


d’exécution puisque les EPA et les EPIC disposent également de la personnalité morale
et de l’autonomie financière, d’un patrimoine et de moyens propres.

Pour cette raison, il faut peut-être s’intéresser aux conditions imposées pour la
création d’une agence d’exécution et qui sont : la volonté politique de donner plus
d’impulsion, d’autorité et d’autonomie à des activités non prises en charge ou qui le
sont insuffisamment par des structures existantes, la recherche de la qualité du service
public, la performance et des résultats 21.

Ces conditions sont la formalisation des raisons avancées pour l’institutionnalisation


des agences d’exécution, à savoir « mettre en place un cadre harmonisé qui encadre
la création et la gestion des entités spécifiques22, dont la création ne s’adosse pas
toujours à une base documentaire approfondie, des études objectives et des
orientations politiques clairement définies »23.

Depuis leur avènement, plusieurs agences d’exécution ont été créées, notamment
l’AFOR (agence foncière rurale24, l’Agence Côte d’Ivoire PME25, l’ADERIZ (Agence pour

21
Cf. article 2 de l’ordonnance.
22
Les entités autres que les démembrements classiques de l’Etat créés pour une meilleure efficacité et
performance dans la gestion des services publics.
23
Cf. rapport de présentation du projet d’ordonnance fixant les règles générales relatives à la création
d’Agences d’exécution.
24
Décret n°2016-590 du 03 août 2016 portant création, attributions, organisation et fonctionnement de
l’Agence foncière rurale, dénommée AFOR.
25
Décret n°2016-1102 du 07 décembre 2016 portant attributions, organisation et fonctionnement de
l’agence en charge de la promotion des petites et moyennes entreprises, dénommée « Agence Côte
d’Ivoire PME ».

17
le Développement de la filière RIZ) 26, l’APIF (Agence de Promotion de l’Inclusion
Financière)27, l’ONECI (Office National de l’Etat Civil et de l’Identification)28 et depuis
le 23 février 2022, l’Agence de Promotion des Exportations de Côte d’Ivoire dénommée
"Agence Côte d’Ivoire Export, créée en remplacement de l »Association pour la
promotion des exportations de Côte d’Ivoire.

A la suite de l’ordonnance relative à la création des Agences d’exécution, la loi


n°2019-678 du 23 juillet 2019 portant réforme hospitalière, a créé une autre catégorie
d’établissement public national, l’établissement public à caractère sanitaire et
social dénommé Etablissement public hospitalier (EPH) , qui suivant les cas, a
un ancrage national (Etablissement public hospitalier national ou de troisième niveau),
régional (Etablissement public hospitalier régional ou de deuxième niveau) ou
départemental (Etablissement public hospitalier départemental ou de premier
niveau)29. Désormais, avec cette nouvelle catégorie, les centres Hospitaliers
Universitaires, qui figuraient, avec la loi de 1998, dans la catégorie des EPA,
connaissent une déclassification/requalification.

La loi n°2020-627 du 14 août 2020 fixant les règles générales relatives aux
établissements publics nationaux et portant catégories d’établissements publics, quant
à elle, procède à une requalification des EPA qui deviennent désormais, les
établissements publics administratifs, sociaux, culturels et
environnementaux, à distinguer, des établissements publics à caractère
industriel et commercial (EPIC). Cet établissement requalifié remplit des missions
de service public spécialisées à caractère purement administratif, voire social, culturel,
et environnemental et ses ressources sont essentiellement d’origine publique et ses
prestations, en principe, gratuites. Au contraire, le second, l’EPIC remplit des missions
de service public spécialisées, à caractère industriel et commercial et ses ressources
soient constituées principalement des redevances perçues sur les usagers. Par le

26
Décret n°2018-10 du 10 janvier 2018 portant création, attributions, organisation et fonctionnement
de l’agence pour le développement de la filière riz, dénommée ADERIZ.
27
Décret n°2018-508 du 30 mai 2018 portant création, attributions, organisation et fonctionnement de
l’APIF.
28
Décret n°2019-458 du 22 mai 2019 portant création, attributions, organisation et fonctionnement de
l’ONECI.
29
Voir les articles 52 à 57 de la loi n°2019-678 du 23 juillet 2019 portant réforme hospitalière.

18
passé, la loi de 1998 indiquait que leur budget était constitué pour 60% de ressources
propres. Cette précision a disparu dans la nouvelle loi.

Enfin, il convient de noter que la loi n°2023-429 du 22 mai 2023 relative à


l’enseignement supérieur, à la recherche et à l’innovation a créé au sein de la nouvelle
catégorie des établissements publics administratifs, sociaux, culturels et
environnementaux, les établissements publics administratifs à caractère scientifique
et technologique chargés de missions d’enseignement supérieur, d’innovations et de
recherche.

En définitive, formellement existent donc aujourd’hui quatre catégories d’EPN qui


ne sont pas remises en cause par la loi n°2020-627 du 14 octobre 2020 fixant les
règles générales relatives aux EPN et portant création des catégories d’EPN : les
établissements publics à caractère administratif, social, culturel et environnemental30, les
EPIC, les AE et les EPH. En effet, cette loi n’a pas entraîné la disparition des agences
d’exécution et de la catégorie des Etablissements publics hospitaliers. Cette survie de
l’agence d’exécution et de l’Etablissement public hospitalier en tant que catégorie
d’EPN peut s’appuyer sur l’article 62 de de la loi de 2020 qui dispose, in extenso, que
« sont abrogées toutes les dispositions antérieures contraires (…) notamment la loi
n°98-388 du 02 juillet 1998… ». Ne sont pas visées l’ordonnance de 2016 et la loi de
2019 sur la réforme hospitalière dont les dispositions ne sont point contraires à la loi
de 2020. De même, il est remarquable que depuis 2020, les agences d’exécution n’ont
pas disparu et continuent de fonctionner. Enfin, pour soutenir la thèse de la survie de
l’agence d’exécution et des établissements publics hospitaliers, il est loisible de faire

30
Cf. les articles 2 et 54 de la loi n°2020-627 du 14 octobre 2020). Cette nouvelle appellation tend à
regrouper une série d’établissement qui auraient pu constituer à eux seuls une catégorie, comme c’est
le cas, notamment au Burkina Faso où l’article 8 de la loi n° 010-2013/AN portant règles de création
des catégories d’établissements publics reconnaît, les catégories d’établissements publics ci-après : les
établissements publics à caractère administratif (EPA), les établissements publics à caractère
scientifique, culturel et technique (EPSCT), les établissements publics de santé (EPS), les établissements
publics à caractère professionnel (EPP), les établissements publics de prévoyance sociale (EPPS), les
fonds nationaux (FN), les groupements d’intérêt public (GIP), les établissements publics à caractère
économique (EPEC). Là-bas, la catégorie d’établissements publics s’entend de l’ensemble des
établissements publics dont les activités ont les mêmes caractères et une spécificité analogue. En
France, au-delà de la summa divisio EPA/EPIC, la loi a institué d’autres catégories, notamment, les
« établissements publics à caractère scientifique et technologique », les « établissements publics à
caractère scientifique, culturel et professionnel », les « établissements publics de coopération
culturelle ». Pierre Laurent FRIER, Jacques PETIT, Droit administratif, Monchrestien, Paris 12 ème édition,
2018-2019, p. 302.

19
observer que l’article 2 de la loi de 1998 aujourd’hui abrogée disposait que cette
dernière s’appliquait à « toutes les catégories d’Établissement public ainsi qu’aux
Etablissements publics nationaux relevant de ces catégories ». Cet article n’est pas
repris dans la loi de 2020. Autant dire que la loi de 2020 n’a pas vocation à s’appliquer,
au contraire de la loi de 1998, à toutes les catégories d’établissement public,
notamment aux agences d’exécution et aux Etablissements publics hospitaliers qui font
l’objet de textes spécifiques.

Avant d’achever ce point des développements, on peut se poser la question du


classement des EPN créés par la loi, sans avoir reçu formellement une qualification.
Doit-on les considérer comme des catégories à part ou doit-on envisager de les inscrire
dans l’une des catégories existantes et sur la base de quels critères, quand bien même
leur régime juridique ne cadrerait pas avec les structures existantes ? La question reste
posée notamment pour la Caisse des Dépôts et Consignations de Côte d’Ivoire (CDC-
CI) créée par la loi n°2018-574 du 13 juin 2018 portant création, attributions,
organisation et fonctionnement de la Caisse des Dépôts et Consignations de Côte
d’Ivoire31. L’article 2 de la loi immédiatement précitée se contente de la qualifier
d’établissement public doté de la personnalité morale et de l’autonomie financière. En
votant la loi de 2020 sur les EPN et en signant l’ordonnance sur les agences
d’exécution, les pouvoirs publics avaient fondé les reformes sur les exigences
d’harmonisation et de cohérence. On peut se demander si ces objectifs sont atteints
au regard de ce qui vient d’être immédiatement exposé.

Pour aller plus loin : organisation des EPN suivant les termes de la loi n°2020-627 du 14
août 2020 fixant les règles générales relatives aux établissements publics nationaux et
portant catégories d’établissements publics

L’EPN est doté des organes suivants :


- Le Conseil de gestion : il est responsable du suivi permanent de la bonne exécution des
missions confiées à l’EPN. Le Conseil de gestion est également chargé de contrôler la

31
Elle exerce diverses missions en matière économique et financière, notamment la réception et les
consignations administratives, judiciaires, conventionnelles, la protection et la gestion de l’épargne
populaire qui lui est confiée, le financement en investissement des très petites, petites et moyennes
entreprises, etc.

20
préparation et l’exécution du budget ainsi que d’examiner le compte financier produit par
l’agent comptable32 ;
- Le Directeur nommé par décret du Président de la République : c’est l’ordonnateur de
l’EPN chargé d’effectuer ou faire effectuer, par délégation, les opérations nécessaires à
l’engagement, à la liquidation et à l’ordonnancement des recettes et dépenses. Il est investi
des pouvoirs nécessaires pour assurer l’administration et la direction générale de
l’établissement. Il accomplit à cet effet tout acte nécessaire à la réalisation des missions de
l’établissement.
- Le comptable public : il s’occupe des opérations d’encaissement des recettes et de
payement de dépenses ordonnancées ;
- Le Contrôleur budgétaire : il est chargé de contrôler l’exécution du budget en recette
et en dépense. Il s’assure de l’effectivité des fournitures et prestations préalablement à tout
paiement. Il est également chargé d’une mission d’assistance et de conseil auprès de
l’ordonnateur et doit être obligatoirement consulté dans la préparation du budget. Il
participe à l’organisation des contrôles internes et à la mise en place des systèmes de
contrôle de gestion au sein de l’établissement ;
-Le Conseil scientifique : il est prévu pour les établissements dont l’activité présente un
caractère scientifique technologique hospitalier ou d’enseignement. Il a à charge, en rapport
avec le Conseil de gestion et le Directeur, la définition de l’orientation générale des activités
de l’EPN et l’élaboration et la mise en œuvre des programmes de recherche ou des objectifs
scientifiques et techniques qui lui sont confiés.
Comme les collectivités territoriales, les EPN demeurent soumis à la tutelle de l’Etat
(tutelle technique et tutelle économique). Celle-ci pouvait aboutir par exemple à la
révocation du Directeur de l’EPN par décret, en cas de faute commise par celui-ci. La
proposition en était faite par le conseil de gestion au ministre de tutelle qui devait s’en
remettre au Président de la République. Le ministre de tutelle ne pouvait que déclencher ou
engager la procédure de révocation, lorsqu’il était saisi par le conseil de gestion.
Avec la nouvelle loi de 2020, la tutelle économique et financière est exercée par le
Ministre en charge du budget et la tutelle technique, par le ministre chargé du département
dont relève l’activité principale de l’établissement. Cette loi dispose également que « les
conditions et modalités de l’exercice de ces deux tutelles seront précisées par les décrets
d’application de la loi ».

B- LES AUTORITES ADMINISTRATIVES INDEPENDANTES

Elles apparaissent en France durant la décennie 1970 en France et depuis le début


de la décennie 1990 dans les Etats africains francophones dont la Côte d’Ivoire.

A l’origine, les AAI sont définies comme des organismes publics en principe non
dotés de la personnalité juridique et auxquelles le législateur confère des garanties
d’indépendance afin qu’ils remplissent au mieux la mission pour laquelle ils sont créés :

32
Compte rendu de l’exécution du budget. Il rend compte notamment du résultat de l’exercice, c’est-à-
dire de l’écart entre les recettes et les dépenses.

21
protection des citoyens ou des usagers, amélioration des relations entre
l’Administration et les administrés, régulation et surveillance de secteurs sensibles de
la vie économique et sociale (la presse, l’audiovisuel, les télécommunications, etc.).

L’affirmation suivant laquelle les AAI ne sont pas dotés en principe de la personnalité
juridique ne vaut pas pour les AAI en Côte d’Ivoire. En effet, l’examen des textes
permet d’observer que c’est le principe inverse qui prévaut en Côte d’Ivoire, c’est-à-
dire l’octroi de la personnalité juridique. C’est le cas avec la Haute Autorité de la
Communication Audiovisuelle (HACA) ; l’Autorité Nationale de la Presse (CNP) ; la
Commission Electorale Indépendante (CEI)…

Ce facteur est de nature à garantir l’indépendance qui caractérise ces AAI. Cette
indépendance les soustrait à tout lien hiérarchique ou de subordination. Elle les
soustrait à tout rapport de tutelle. Toutefois, conformément à l’esprit de l’Etat de droit,
ces AAI font l’objet de contrôle juridictionnel (contrôle de légalité), exercé
principalement en Côte d’Ivoire, hier par la Chambre administrative de la Cour
suprême, aujourd’hui par le Conseil d’Etat.

Il convient d’indiquer enfin, que de façon générale, ces AAI sont des organismes
collégiaux dotés d’un Président. Celui-ci et les autres membres sont nommés par décret
du Président de la République.

22

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