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Assemblées territoriales

André ROUX
Professeur à l’Institut d’Études Politiques d’Aix en Provence

La transposition des règles et principes issus du droit parlementaire dans le droit des
assemblées territoriales (conseils municipaux, départementaux, régionaux, assemblées des
collectivités à statut particulier) demeure partielle. Les spécificités de ces assemblées
nécessitent des adaptations du droit parlementaire, qu’il s'agisse de leurs conditions
d’organisation ou de fonctionnement. Ces règles et principes découlent pour l’essentiel de
dispositions législatives et subsidiairement des Règlements intérieurs des assemblées.

Le règlement intérieur des assemblées territoriales

Le règlement présente une identité de principe avec celui des assemblées parlementaires (B.
Faure, 2021, p. 137). La loi du 6 février 1992 a rendu l’adoption d’un règlement intérieur
obligatoire pour toutes les collectivités territoriales dans les mois qui suivent le
renouvellement de leur assemblée (six mois pour les communes, trois mois pour les
départements, trois mois pour les régions), à l’exception des communes de moins de 1000
habitants qui restent libres d’adopter un règlement intérieur ou non.
Ce règlement, qui peut être déféré devant le tribunal administratif, doit respecter strictement
les dispositions légales relatives au fonctionnement des assemblées délibérantes qui sont au
demeurant très détaillées (délais et contenus des convocations, quorum, délégation de vote…).
En outre, le législateur a prévu qu’un certain nombre de dispositions doivent nécessairement
figurer dans les règlements intérieurs (conditions de consultation par tout conseiller municipal
des projets de contrats de service public, fréquence et règles de présentation et d’examen des
questions orales, conditions du débat sur les orientations budgétaires, modalités d’application
de l’obligation de réserver un espace à l’expression des élus dans les bulletins d'informations
générales diffusées par la collectivité, dispositions concernant l’ensemble des droits des
groupes d’élus dans les conseils départementaux et régionaux, modulation du montant des
indemnités versées aux élus lorsqu’ils négligent de participer à leur tâche, etc.).
Le pouvoir d’appréciation des assemblées territoriales dans l’élaboration de leur règlement
intérieur se trouve ainsi fortement encadrée.

L’organisation des assemblées territoriales

L’autonomie administrative et financière des assemblées territoriales, comparable à celle des


assemblées parlementaires, se trouve garantie par la loi, en application du principe de la libre
administration des collectivités territoriales. Ainsi, la loi du 6 février 1992 reproduit les
grandes lignes de l’organisation administrative parlementaire et vise à doter les assemblées
territoriales des moyens humains et matériels nécessaires à l’exercice de leurs fonctions.
Cette autonomie administrative des assemblées territoriales a une portée exclusivement
fonctionnelle. Dans la mesure où l’organe exécutif de la collectivité territoriale préside
également l’assemblée délibérante (sauf en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie, en
Corse et en Martinique par exemple où il existe une séparation des fonctions), celui-ci peut
dès lors s’immiscer dans les affaires internes de l’assemblée, ce qui n'est pas possible dans les
assemblées parlementaires.
L’autonomie financière des assemblées territoriales quant à elle n’est pas consacrée en tant
que telle, à l’exception de la Polynésie française. Les dépenses engagées pour le
fonctionnement des assemblées sont ainsi inscrites dans le budget de la collectivité territoriale
sans que soit exigée l’existence de chapitres distincts (à l’exception des dépenses de
fonctionnement des groupes d’élus). L’autonomie financière de l’assemblée délibérante se
trouve cependant garantie indirectement au titre de l’autonomie financière de la collectivité
elle-même.

Les formations internes


Il s’agit en premier lieu des groupes politiques qui sont le reflet du pluralisme dans les
assemblées et un rouage important de leur fonctionnement. Les conditions de leur création et
leurs prérogatives sont déterminées par le règlement intérieur des assemblées sous le contrôle
du juge administratif. Sa jurisprudence révèle qu’en l’absence de disproportion manifeste, les
assemblées locales peuvent fixer un seuil minimum nécessaire à la constitution des groupes
d’élus qui les composent. Cette situation les rapproche dès lors du fonctionnement des
assemblées parlementaires (v. CAA Nancy, 4 juin 1998, Ville de Metz c. J.-L. Masson, req. n°
97NC02102). Par ailleurs, les assemblées territoriales peuvent attribuer divers moyens
matériels aux groupes politiques (art. 27 de la loi du 19 janvier 1995 relative au financement
de la vie politique). Cependant, l’attribution de moyens financiers par le biais de subventions
est illégale quelle que soit la collectivité car elle ne présente aucun caractère d’intérêt local
(CE, 16 janvier 1995, Ville de Bourges, req. n° 143931).
Il s’agit en second lieu des commissions consultatives qui reproduisent dans une certaine
mesure le schéma parlementaire. Le principe de préparation du travail de l’assemblée en
commission obéit en effet à des principes analogues. Les conseils départementaux et
régionaux disposent d’une grande liberté dans la mise en place, la composition et
l’organisation des commissions. Ainsi, à la différence du droit parlementaire, la représentation
proportionnelle n’est pas exigée pour leur constitution. La représentation des minorités est
donc laissée au bon vouloir de la majorité qui va déterminer les conditions de constitution des
commissions dans le règlement intérieur. En revanche, le droit communal a institutionnalisé
très tôt ces commissions qui sont présidées de droit par le maire de la commune. Leur
composition doit respecter le principe de la représentation proportionnelle pour permettre
l’expression pluraliste des élus au sein de l’assemblée communale dans les communes de plus
de 1000 habitants.
Les commissions ne peuvent prendre de décision engageant la collectivité (CE, 19 février
1975, Pignon, Rec. p. 133). Elles sont simplement chargées d'instruire les affaires en amont
de la fonction délibérante de l’assemblée.

Le fonctionnement des assemblées délibérantes

Les assemblées territoriales, par leurs délibérations, permettent aux collectivités territoriales
de s’administrer librement. Le droit des assemblées territoriales intègre ainsi des principes
présents en droit parlementaire pour garantir le bon fonctionnement de l’assemblée.
Les réunions
Pour que les assemblées territoriales puissent bénéficier d’une réelle autonomie décisionnelle,
il convient qu’elles disposent du temps nécessaire pour délibérer dans de bonnes conditionsL.
À cet égard les communes, suivies des départements et des régions ont abandonné le système
des sessions (à l’exception de l’assemblée de Corse, du Congrès de Nouvelle-Calédonie et de
l’Assemblée de Polynésie française) pour le principe d’une séance, au moins, par trimestre.
L’exécutif de la collectivité peut apprécier l’opportunité du nombre et de la date des réunions
supplémentaires. Celles-ci peuvent également être convoquées à la demande d’un tiers des
conseillers municipaux (la moitié dans les communes de moins de 1000 habitants), ou encore
d’un tiers des conseillers départementaux ou régionaux (ou à la demande de la commission
permanente). Dans ce cas, la demande doit porter sur un ordre du jour particulier et la réunion
ne peut excéder deux jours.

L’ordre du jour des réunions est déterminé par l’organe exécutif de la collectivité (sauf en
Polynésie française où il est fixé par l’assemblée délibérante elle-même). Toutefois, la loi
permet à un tiers des conseillers élus de solliciter une réunion sur un ordre du jour fixé par
eux-mêmes, ce qui n’est pas sans rapprochement avec le droit parlementaire. En revanche,
aucune séance dont l’ordre du jour serait établi par les conseillers de l’opposition n’est prévue
par la loi. Les questions orales, dont la procédure est fixée par le règlement intérieur, peuvent
porter sur des sujets non inscrits à l’ordre du jour. Elles doivent concerner les affaires de la
collectivité et ne sont pas suivies d’un vote.

À l'instar des séances des assemblées parlementaires, les réunions des assemblées territoriales
sont publiques. Cependant, l’assemblée peut décider de siéger à huis clos sans avoir à justifier
de circonstances particulières.

Les délibérations
Pour que les assemblées territoriales puissent valablement délibérer il convient que plus de la
moitié des membres de l’assemblée soient présents. Cette condition de quorum est appréciée
lors de la mise en discussion de chaque question portée à l’ordre du jour et non pas au
moment du vote sur ces questions. En l’absence de quorum, l’assemblée peut se réunir de
nouveau, au moins à trois jours francs d’intervalle, et elle pourra cette fois délibérer sans
condition de quorum.
En principe, seuls les élus présents peuvent prendre part au scrutin, les délibérations étant
adoptées à la majorité des suffrages exprimés. Les délégations de vote sont cependant
possibles, aucune disposition légale ne précisant par ailleurs les motifs permettant de justifier
le recours à cette procédure, à la différence du droit parlementaire.
Les conseillers élus bénéficient du pouvoir de formuler des propositions lesquelles doivent
être inscrites à l’ordre du jour par l’organe exécutif. Ils peuvent également exercer un droit
d’amendement dont les conditions d’exercice sont précisées par le règlement intérieur, sous le
contrôle du juge administratif.
Autre analogie avec le droit parlementaire, le vote est public à l’exception des votes sur les
personnes ou encore si un tiers des conseillers municipaux ou un sixième des conseillers
généraux et régionaux présents demandent un vote secret, ce qui reste exceptionnel.

Références bibliographiques :

FAURE B., Droit des collectivités territoriales, Paris, Dalloz, 6e éd., 2021.
BECKERICH-DAVILMA S., Constitution et assemblées régionales. Étude comparée des
expériences française, italienne et espagnole, Thèse Toulon, 2014.
LE QUINIO A., « L’influence du droit parlementaire sur les règlements intérieurs des
assemblées locales. Approche de droit comparé », in J.-F. Brisson (dir.), L’assemblée locale,
Paris, L’Harmattan, 2016, p. 201.p. .
MARTIN J., « L’influence des règlements des assemblées parlementaires sur les règlements
intérieurs des assemblées locales », in J.-F. Brisson (dir.), L'assemblée locale, Paris,
L’Harmattan, 2016, p.187.p.
Renvoi à d’autres notions du dictionnaire :

Mots à faire figurer dans l’index :

Autonomie administrative
Autonomie financière
Commissions
Droit d’amendement
Groupes politiques
Ordre du jour
Publicité des réunions
Publicité du vote
Quorum
Règlement intérieur

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