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Suzanne Borel-Maisonny

Langage oral
et écrit
Pédogogie des notions de base
Lecture • Orthographe • Écriture • Calcul

Introduction de Monique Touzin et Olivier Héral

Préface du Docteur Françoise Kadri-Maisonny


Composition : Myriam Labarre
Photographies de couverture : François-Xavier (photographe),
Anne Jacquesson (orthophoniste), Claire Seichepime (retouches) ;
nous remercions les jeunes modèles Ahmed, Léonard, Marie-Gabrielle et Norah.

Cet ouvrage est la réédition du titre paru en 1960 chez Delachaux & Niestlé.

© 2019, Bien Lire


Cognitia SAS
3, rue Geoffroy-Marie – 75009 Paris

www.bien-lire.net

ISBN : 978-2-7101-3973-7

Le Code de la propriété intellectuelle n’autorisant, aux termes de l’article L. 122-5, 2e et 3e a, d’une


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d’exemple et d’illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale, ou partielle, faite sans
le consentement de l’auteur ou ses ayants droit, ou ayants cause, est illicite » (art. L. 122-4). Cette
représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon
sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Note de l’éditeur

L’ environnement sémantique et scientifique de cet ouvrage se situe en 1960,


année de sa première édition. Certains termes et plusieurs notions sont donc
à replacer dans ce contexte.
Notamment, pour définir la dyslexie, la classification internationale (DSM 5)
parle de « troubles spécifiques des apprentissages avec déficit de la lecture ». Les
critères diagnostiques concernant les troubles des apprentissages portent sur
plusieurs points :
A. Difficulté à apprendre et à utiliser les compétences scolaires ou universi-
taires comme en témoigne la présence d’au moins un des symptômes suivants
ayant persisté au moins six mois malgré la mise en place de mesures ciblant ces
difficultés :
–– lecture de mots inexacte ou lente et réalisée péniblement ;
–– difficulté à comprendre le sens de ce qui est lu ;
–– difficulté à épeler ;
–– difficulté d’expression écrite ;
–– difficulté à maîtriser le sens des nombres, les données chiffrées ou le
calcul ;
–– difficulté avec le raisonnement mathématique.
B. Les compétences scolaires ou universitaires perturbées sont nettement en
dessous du niveau escompté pour l’âge chronologique du sujet et ce de manière
quantifiable comme le confirment des tests de niveau standardisé.
C. Les difficultés d’apprentissage débutent au cours de la scolarité mais
peuvent ne pas se manifester entièrement.
D. Les difficultés d’apprentissage ne sont pas mieux expliquées par un handi-
cap intellectuel, des troubles non corrigés de l’acuité visuelle ou auditive, des
troubles neurologiques ou mentaux, une adversité psycho-sociale, un manque de
maîtrise de la langue de l’enseignement scolaire ou universitaire ou un enseigne-
ment pédagogique inadéquat.
Les critères diagnostiques concernant le déficit de la lecture portent sur :
–– l’exactitude de la lecture des mots ;
–– le rythme et la fluidité de la lecture ;
–– la compréhension de la lecture.

3
Préface

Quel Bonheur ! Je sais lire.


Je ne suis ni bête ni paresseux. Je sais lire !
Ainsi rayonnait le visage d’un garçonnet qui sortait en gambadant d’une
rencontre avec Suzanne Borel-Maisonny à l’Hôpital Henri Roussel.
Reconnaissance, prononciation, assemblage de trois consonnes constrictives
avec trois ou quatre voyelles avec des gestes et des sons d’évocation, le s du
serpent qui siffle, le a qui ouvre grand la bouche (pas trop, attention Molière, Le
Bourgeois acte II scène 4), la syllabe, le rythme, avec naturel, le mot (et même le
non-mot), l’ordre gauche-droite, l’anticipation de la syllabe suivante (s’il y en a !)
qui donne la clef. Un peu beaucoup de répétition (pas de rabâchage), répétition
rendue nécessaire par la belle complexité de la langue française. L’acquisition de
la lecture (et de l’orthographe) enrichit de façon exponentielle le langage et la
parole.
Ne laissons pas de côté notre amie l’arithmétique. L’ordre des chiffres
commande. Le zéro : le 0 rond comme un ballon, comme une pomme : soyons
ludique pour l’enfant. 0 tout seul : rien. Avec d’autres chiffres, ses amis : quelle
aventure !
Nous avons soigné une jeune fille qui écrivait des zéros, un peu trop (bof ! des
zéros) : cela modifiait un peu les résultats en mathématiques.
À l’issue de la Deuxième Guerre mondiale, avait explosé une vague scienti-
fique dans bien des domaines (avec des variantes et des persistances archaïques)
en particulier le domaine dont nous relatons l’existence : DL, DO, DC, DG, troubles
de la parole et du langage, du schéma corporel, de la représentation de l’espace
et du temps.
Suzanne Borel-Maisonny avait rencontré un formidable bouquet de neuro-
logues, psychiatres, audiologistes, pharmaciens, acousticiens, psychologues :
René Diatkine, Julian de Ajuriaguerra, Clément Launay, Michel Fournier, Raymond
Thiberge, Nadine Galifret-Granjon, René Zazzo... Merci, savants dynamiques.
Heureusement la Terre tourne, la méthode Borel-Maisonny vit (je l’ai vue prati-
quée à l’école ces jours-ci !).

Docteur Françoise Kadri-Maisonny


Le 4 juin 2019

5
Table des matières

Note de l’éditeur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3
Table des matières. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
Introduction. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
Histoire de l’ouvrage. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
Actualité dans la pratique des orthophonistes . . . . . . . . . . . . . . 13

Première partie
Lecture
1. Comment se pose le problème des difficultés de lecture . . . . . . . . . . 21
Particularités propres aux enfants dyslexiques. . . . . . . . . . . . . . 22
Premiers exercices d’entraînement que les lacunes précédentes rendent
nécessaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24
2. Technique de l’apprentissage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31
Enseignement de la lecture . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31
L’écriture . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 59
Notions catégorielles (substantif, verbe, adjectif, etc.) . . . . . . . . . 66
Notions élémentaires de calcul et de numération . . . . . . . . . . . . 68
Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69
3. Rééducation de la dyslexie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 71
Attitude psychologique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 71
Atlas des gestes de la méthode de lecture . . . . . . . . . . . . . . . . 80

Deuxième partie
Orthographe
Préambule. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 109
1. Les fautes d’orthographe
Tests propres à en discerner l’origine. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111
Texte des phrases et commentaire des fautes I. . . . . . . . . . . . . 111
Texte des phrases et commentaire des fautes II, III, IV. . . . . . . . . 114
Interprétation des fautes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 116

7
Langage oral et écrit

2. De la perception du langage et de la pensée à l’orthographe. . . . . . 124


Épreuves écrites. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 125
Épreuves orales. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 128
3. Partie pédagogique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 139
Correction des fautes perceptives auditives et visuelles. . . . . . . . 139
Établissement ou correction des notions logiques essentielles
à l’expression écrite du français . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 144
4. Dernières remarques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 194
Exercices d’épellation. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 194
Exercices sur les familles de mots. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 195
Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 197
Appendices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 198
1. Voyelles et consonnes. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 198
2. Les accents. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 203
3. Fautes d’orthographe dérivant des liaisons françaises
et leur correction. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 208

Troisième partie
Écriture
Introduction. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 215
Dysgraphie et troubles de parole. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 216
Dysgraphie et dysorthographie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 219
De l’établissement de l’écriture chez les enfants dysgraphiques. . . . . 224
Préalables. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 224
Enseignement proprement dit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 230
Étude des signes graphiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 235
Écriture sur papier et autres détails. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 244
Chiffres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 247
Enfants avec troubles neurologiques. . . . . . . . . . . . . . . . . . 249
Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 250
Addendum. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 251
1. Exercices de discrimination. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 251
2. Exercices de critique immédiate. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 254
3. Exercices de mémoire des formes. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 254
4. Exercice global d’écriture. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 255

8
Table des matières

Quatrième partie
Calcul
Introduction et bref aperçu sur le travail intellectuel nécessaire
à l’assimilation du calcul . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 259
Idée de nombre. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 259
L’expression graphique de l’idée de nombre. . . . . . . . . . . . . . 261
Notions de calcul. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 262
Enseignement proprement dit. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 263
Modèle spécial de boulier. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 263
Acquisition de la notion de nombre – Numération jusqu’à dix . . . . 265
Addition et soustraction. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 268
Suite de l’apprentissage des nombres et des quantités
à l’aide du boulier. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 269
Idée de la multiplication. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 272
Idée de la division. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 276
Notion de fraction et de nombre décimal. . . . . . . . . . . . . . . . 277
Petits problèmes d’application . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 280
Introduction des notions temporelles et spatiales
Éléments de géométrie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 284
Calcul mental . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 285
Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 286
À propos du calcul . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 287
Note sur la raison du désordre apparent
dans l’apprentissage des nombres de 1 à 100
selon la méthode indiquée ci-dessus . . . . . . . . . . . . . . . . . . 287
Ce que l’enfant met en premier lieu sous les noms de nombre
qu’il emploie. Apprentissage des opérations et de leurs signes
et acquisition de la notion de zéro chez les enfants
dont le langage n’est pas encore constitué.. . . . . . . . . . . . . . . 290
Acquisition de l’idée de fraction ordinaire et décimale. . . . . . . . . 295

9
Introduction

Histoire de l’ouvrage
Cet ouvrage de Suzanne Borel-Maisonny (1900-1995), fondatrice de l’ortho-
phonie en France, qui connaît une nouvelle édition, à l’initiative de sa fille, le
docteur Françoise Kadri-Maisonny, fait partie de la bibliothèque historique indis-
pensable à tout orthophoniste/logopède francophone et au-delà à tout profes-
sionnel confronté, dans sa pratique, aux troubles de l’apprentissage chez l’enfant.
Manuel de référence de nombreux étudiants en orthophonie, réédité régu-
lièrement de 1960 à 19851, Langage oral et écrit I – pédagogie des notions de
base était diffusé, tant en Suisse qu’en France, en Belgique ou au Canada, par
les éditions Delachaux et Niestlé, dans la mythique collection « Actualités péda-
gogiques et psychologiques », sous les auspices de l’Institut des sciences de
l’éducation de Genève : l’Institut Jean-Jacques Rousseau2.
Le catalogue de l’éditeur comportait de nombreux fondateurs qui ont marqué
l’histoire de leur discipline, en psychologie, psychopédagogie, psychomotricité,
neuropsychologie et orthophonie. La liste est trop longue, on ne peut tous les
citer. Si certains sont encore connus aujourd’hui, d’autres mériteraient d’être
sortis d’un oubli immérité, dans un domaine où les changements conceptuels
successifs, parfois brutaux, occultent des pans entiers de leur histoire. Jean
Piaget, bien sûr, mais aussi René Zazzo, André Rey, Julian de Ajuriaguerra ou
Denise Sadek-Khalil3 restent incontournables, encore aujourd’hui.
Suzanne Borel-Maisonny avait commencé, dès les années 1920, la lente et
patiente construction du champ disciplinaire de l’orthophonie en devenir, en
consacrant, seule ou en collaboration, ses premières recherches, aux troubles
de l’articulation, de la parole et de la rééducation des enfants sourds sous
l’impulsion de l’enseignement du fondateur de la phonétique expérimentale,
l’abbé Jean-Pierre Rousselot4. C’est dans la Revue de phonétique, fondée par ce
dernier qu’elle publiera son premier article en 1929, consacré à la Phonétique

1. Huit éditions successives sont répertoriées sur le site de la Bibliothèque nationale de France.
2. Fondé par Édouard Claparède en 1912 ; associé à l’Université de Genève en 1920 ; devient École de
psychologie et des sciences de l’éducation en 1970, puis Faculté de psychologie et des sciences de
l’éducation en 1975.
3. Martinand Flesch D., 2014, « Denise Sadek-Khalil et son œuvre – Hommage et témoignages »,
Rééducation orthophonique, 52, 258.
4. Héral O. et Guérinel R., 2008, « Contribution à l’histoire de l’orthophonie : Jean-Pierre Rousselot
(1846 – 1924) et les applications thérapeutiques de la phonétique expérimentale », L’Orthophoniste,
279, 19 – 26.

11
Langage oral et écrit

des divisions palatines, domaine princeps où elle mettra son talent à prendre
en charge les patients opérés par Docteur Victor Veau. Elle élargira ensuite le
champ d’intervention aux troubles de la voix parlée et chantée, en collaboration
avec le professeur Jean Tarneaud5 puis à ceux de la fluence, avec celle du docteur
Édouard Pichon6.
Au cours de l’année 1942, deux rencontres importantes vont avoir lieu : celle
de Clément Launay, médecin pédiatre, avec qui Suzanne Borel-Maisonny colla-
borera énormément. Il en sortira un ouvrage collectif de référence en 1964, sous
leur direction : Les troubles du langage, de la parole et de la voix chez l’enfant7 ;
celle de Théodore Simon qui collabora avec Alfred Binet pour mettre au point la
première échelle métrique de l’intelligence habituellement désignée sous le nom
de « Test Binet-Simon ». Cette dernière rencontre sera fondamentale et signera
l’émergence des premiers tests en orthophonie. Suzanne Borel publie dès lors
de nombreux articles dans le Bulletin de la Société Binet, qui lui est entièrement
ouvert : elle y publiera la quasi-totalité de ses tests. Un pilier essentiel de l’ortho-
phonie est en train de se construire : celui du bilan orthophonique.
Une autre rencontre, en 1946, celle de Julian de Ajuriaguerra lui permet
d’intégrer à l’Hôpital Sainte-Anne-Henri-Rousselle une équipe de recherche pluri-
disciplinaire8 en psychologie et psychopathologie de l’enfant, qui donnera leurs
corpus théoriques et d’épreuves d’évaluation aux premières générations d’ortho-
phonistes et de psychomotriciens et de se consacrer en particulier alors aux cas
neurologiques et à la dyslexie. Une grande partie des tests et des recherches
publiées initialement dans le Bulletin de la Société Binet seront repris dans les
deux volumes de Langage oral et écrit, le premier concernant la pédagogie des
notions de base (lecture – orthographe – écriture – calcul), avec en particulier
la méthode de lecture Borel-Maisonny et son atlas de gestes9, dont le succès
éditorial ne se dément pas, à près de soixante et dix ans de distance, le second
proposant les épreuves sensorielles et tests de langage (Test relatif au tout début
du langage – Test sans paroles pour enfants de 1 an et demi à 5 ans et demi – Test
d’orientation, de jugement et de langage pour enfants de 5 ans et demi à 9 ans –
Test d’aptitudes pour enfants de 5 ans et demi à 10 ans).

5. Héral O., 2011, « Le Traité pratique de phonologie et de phoniatrie de Jean Tarneaud et Suzanne
Borel-Maisonny (1941) », L’Orthophoniste, 313, 19 – 26.
6. Le bégaiement, sa nature et son traitement, Paris, Masson, 1936. Pour la suite des étapes de la
construction de l’orthophonie moderne, nous avons pour partie suivi la chronologie établie par Pierre
Ferrand et Jacques Roustit, dans leur communication : « Formation / profession : une synergie histo-
rique », présentée lors du colloque Du diagnostic objectif à la relation thérapeutique, Lille, 14 et 15
octobre 2010.
7. Des extraits de la deuxième édition de cet ouvrage majeur sont disponibles en ligne sur le site de
la BnF : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k48148712/f1.image.texteImage
8. M. Auzias, J. Bergès, N. Galifret-Granjon, H. Gobineau, D. Koechlin, I. Lézine, I. Santucci, G. Soubiran,
M. Stambak, R. Zazzo, etc.
9. Héral O., 2016, « Soixantième anniversaire de l’Atlas des gestes de la méthode de lecture Borel-
Maisonny », L’Orthophoniste, n° 359.

12
Introduction

C’est, après cette rapide introduction historique, que nous invitons le lecteur à
découvrir ou à redécouvrir, grâce à cette réédition, le premier volume regroupant
les travaux consacrés aux troubles de l’apprentissage, par la fondatrice de l’ortho-
phonie en France. Les dessins, schémas et tableaux, au charme un peu suranné,
permettent aux professionnels d’aujourd’hui de visualiser la démarche de prise
en charge proposée. Réalisés « à la main » par Suzanne Borel-Maisonny, ils ont
aussi valeur de lieu de mémoire pour une nouvelle discipline en émergence, aux
confins de l’éducation et de la santé.
Olivier Héral,
orthophoniste membre du l’Unadreo et historien de l’orthophonie.

Actualité dans la pratique des orthophonistes


Pendant soixante ans, Mme Suzanne Borel-Maisonny a publié des travaux sur
les troubles du langage oral et écrit quelle qu’en soit l’origine, de la malformation
bucco-dentaire à la surdité, du bégaiement à la déficience, du trouble simple au
trouble sévère, sans oublier les troubles graphiques ou ceux du calcul.
Soixante ans de publications avec un seul objectif : faire part de son expé-
rience de pionnière de la rééducation, elle qui la première a introduit cette notion
et qui est à l’origine de la création de l’orthophonie.
Tous les orthophonistes qui l’ont connue et qui ont eu le privilège d’assister à
des séances de rééducation avec elle, gardent en tête des anecdotes, des images,
des remarques et une profonde admiration pour son sens clinique ainsi qu’un
grand respect pour tout ce qu’elle a apporté à la profession.
Son ouvrage Langage oral et écrit en deux tomes (1960), a été le livre de chevet
de bien des étudiants orthophonistes de la fin du siècle dernier, faisant partie des
« incontournables » de la formation. À l’occasion de cette nouvelle édition, je vous
propose de replonger dans ce témoignage de la fondatrice de l’orthophonie.
Même de nos jours, il est difficile de trouver des livres entiers qui parlent de
rééducation. Concernant les troubles du langage de l’enfant, la tâche est ardue
car la variabilité des difficultés rencontrées par les enfants est très grande, car ils
sont tous différents dans leur histoire, leur environnement et leur personnalité. À
trouble égal, ils n’en ont pas tous les mêmes répercussions sur leur vie scolaire ou
sociale, ils n’ont pas tous les mêmes compétences pour trouver les adaptations
à leurs troubles… Autant d’arguments qui expliquent le peu de littérature sur la
rééducation, alors que beaucoup de publications traitent de modèles théoriques,
de recherches expérimentales qui ont certes aussi toute leur place. Cela est lié
au fait que l’orthophonie est réellement un art qui se décline différemment par
chaque praticien, à partir de connaissances théoriques partagées, mais dont
l’évaluation de nos pratiques en termes d’efficacité est encore difficile.

13
Langage oral et écrit

Presque 60 ans après sa première publication, le contenu du tome I : Pédagogie


des notions de base, interpelle quant à son actualité. Pourtant beaucoup de
chemin a été parcouru dans l’évolution de notre profession. Mais il faut noter ici
la grande intuition de Mme Borel-Maisonny sur des interventions proposées de
manière empirique qui ont ensuite été justifiées par la recherche. La théorie est
venue confirmer la clinique rééducative. Nombre d’exercices proposés dans cet
ouvrage sont encore totalement d’actualité, et certaines notions reviennent sur le
devant de la scène alors qu’elles étaient un peu tombées dans l’oubli.
En premier lieu, il est évident qu’il y a eu une évolution dans les appellations
depuis la publication princeps. Ainsi, dès les premières pages, nous butons sur le
terme d’« arriérés » pour décrire les enfants présentant un handicap intellectuel,
aussi décrits comme des enfants ayant « du retard mental ». Certes le terme n’a
plus cours, mais il est noté que cette population présente des difficultés d’accès
à la lecture caractérisées alors sous le terme de « dyslexie » en tant qu’« entité
nosologique ». Là encore, on constate l’évolution des concepts : alors même qu’il
reste difficile de définir les limites du terme de dyslexie, le handicap intellectuel
en est clairement exclu. Au-delà des termes, l’intérêt était de s’intéresser aux
aides à apporter aux enfants ayant des difficultés d’apprentissage de la lecture,
quelle qu’en soit la cause. C’est encore une grande préoccupation actuelle, de
réussir à apporter à tous les enfants en difficultés dans l’apprentissage de la
lecture, les aides dont ils ont besoin, et cela dans le cadre de l’école, car certains
ne relèvent pas de soins, mais d’une pédagogie différenciée qui les amènera aux
apprentissages attendus pour leur classe.
Dans la description des particularités propres aux enfants dyslexiques, on
trouve cette interrogation : « peut-être même sont-ils dans la quasi-incapacité de
percevoir ces phonèmes à la vitesse de la parole humaine ? ». Ceci a par la suite
été étudié par Paula Tallal dans les années 1980 avec l’hypothèse qu’un déficit
des traitements temporels rapides serait à l’origine du déficit phonologique et
affecterait le traitement des sons brefs et des transitions temporelles rapides. De
nombreuses recherches ont été menées depuis sur cet aspect.
L’introduction du chapitre sur la rééducation de la dyslexie pourrait avoir été
écrite de nos jours, décrivant des enfants non-lecteurs qui passent de classe en
classe et qui du fait de leurs troubles en lecture et orthographe vivent un échec
permanent. En conséquence, soit ils se désintéressent, soit ils se dissipent,
mais « ils ne lisent pas mieux pour cela ». D’où l’importance de la réassurance
de l’enfant, de lui dire qu’il peut apprendre et de mettre en place ce qui pourra
être tout de suite assimilé pour que chaque séance de rééducation apporte une
nouvelle acquisition.
Dans l’apprentissage de la lecture, l’accent est mis sur la méthode phoné-
tique (qui a également été préconisée par le Ministère de l’Éducation Nationale

14
Introduction

actuel), tout en insistant sur la nécessité d’une maîtrise correcte de la parole (ce
qui a aussi fait l’objet des recommandations de l’ANAES en 2001)10. Concernant
l’apprentissage de la lecture, Mme Borel propose l’association entre « geste
symbolique, son, signe écrit », ce qui a donné lieu ensuite à la publication de
cette méthode par Mme Sylvestre de Sacy dans le livre Bien lire et aimer lire. Cette
méthode reste très utilisée encore de nos jours, permettant à l’enfant d’avoir un
support visuel sur la nature du son ou sa représentation graphique et sur l’ordre
d’écoulement des sons dans les syllabes et les mots. Mme Borel insiste aussi
sur l’aménagement du support visuel (voyelles en couleurs, signes indiquant les
syllabes parlées pour faciliter l’accès au sens…) et propose pour chaque enfant la
création de beaucoup de matériels et supports. Tout est abordé dans cet ouvrage,
de la mise en place des mécanismes de lecture, au choix des textes adaptés à
l’âge de l’enfant, à la compréhension des textes lus. Bien sûr de nos jours les
matériels de rééducation abondent dans les cabinets des orthophonistes, mais
l’idée de pouvoir adapter précisément le matériel à chaque enfant, de prendre le
temps de « bricoler » les supports avec lui fait aussi partie de cet art rééducatif
qui personnalise chaque intervention auprès de l’enfant avec qui nous travaillons.
Penser l’orthographe ne peut se faire sans aborder le problème de la calli-
graphie. Beaucoup d’enfants de nos consultations présentent des maladresses,
voire des difficultés graphiques (avec ou sans dysorthographie associée), qui
interrogent pour certains sur l’accompagnement dont ils ont bénéficié pendant
l’apprentissage de l’écriture. Là encore on trouve dans cet ouvrage beaucoup
de conseils illustrés pour aborder le graphisme et aider les enfants à acquérir le
bon geste, notamment en utilisant le support musical pour allier la montée des
notes au tracé ascendant du crayon, et inversement pour le tracé descendant
(l’« écriture rythmée »). La prévention à l’école et la pédagogie différenciée sont
même clairement introduites dans le chapitre sur l’écriture, en suggérant que
les enseignants pourraient repérer les enfants maladroits avec le graphisme et
leur proposer des petits groupes avec des exercices et des exigences différents.
Un chapitre entier écrit par Andrée Boulinier marque bien l’intérêt pour l’écriture
encore trop souvent laissée de côté.
L’écrit ne peut se mettre en place sans l’oral, tant pour la lecture que pour
l’orthographe. En lecture, la connaissance grammaticale permet à l’enfant de
ne pas se faire piéger par les marques de morphologie flexionnelle muette et de
pouvoir lire correctement des mots comportant des marques visuelles identiques,
mais ne pouvant être lues de la même façon (il tient, quotient, copient). Toute
l’analyse grammaticale très riche qui est abordée permet de réviser les bases
indispensables à l’enseignement, mais laisse aussi la place aux illustrations à

10. ANAES, 2001, « L’orthophonie dans les troubles spécifiques du développement du langage oral
chez l’enfant de 3 à 6 ans ».

15
Langage oral et écrit

donner pour bien fixer le sens de chaque notion et présente des tableaux visuels
dont on sait l’importance pour donner un support permanent et simplifié facilitant
la mémorisation.
De nombreuses pages sont consacrées à l’analyse clinique des erreurs des
enfants lors de l’orthographe : erreurs liées à une technique insuffisante de la
lecture (conversions des graphies contextuelles), erreurs de perception audi-
tive, ou liées à une mémoire visuelle insuffisante, ou liées à des lacunes dans
la connaissance grammaticale de la phrase ou dans la connaissance des caté-
gories linguistiques. Ainsi, dans la démarche de rééducation de l’orthographe,
sont décrites deux parties : phonétique et linguistique. La rééducation exige de
reconstruire chaque notion pour aboutir à « une remise en état et en ordre », dans
une pédagogie minutieuse, inutile pour les enfants sans difficultés, mais indis-
pensable pour ceux qui nous préoccupent. D’où l’importance dans la démarche
clinique d’investiguer les domaines auditif, visuel et linguistique dont les lacunes
peuvent expliquer les troubles de l’orthographe. C’est à partir de cette réflexion
qu’ont été construites les premières épreuves d’évaluation du langage oral
et écrit : à partir des constatations cliniques sont nées les hypothèses sur les
dysfonctionnements par domaines, qui sont alors tous évalués.
Le dernier chapitre de ce livre aborde le calcul et comment enseigner la notion
de nombre et les rudiments du calcul aux enfants « dysarithmétiques » qui sont
définis comme des enfants ayant « une grande peine à comprendre le méca-
nisme de la numération, à en retenir le vocabulaire, à concevoir l’idée des quatre
opérations, et surtout à compter mentalement, puis à utiliser leurs acquisitions
en calcul pour résoudre des problèmes ». Cette définition correspond tout à fait
aux enfants qui présentent les troubles actuellement dénommés « troubles de
la cognition mathématique ». Ce trouble défini dans le DSM5 (2013)11 comme
« trouble spécifique de l’apprentissage des mathématiques » touche aussi bien
le sens du nombre, l’accès à la notion de nombre et de calcul ou le raisonnement
mathématique. En effet l’évolution des neurosciences avec le concept de « dys »
et la notion de « sens du nombre » (Dehaene, 1997)12 ont apporté une réflexion
nouvelle concernant la pathologie développementale du nombre et du calcul. Il
est maintenant admis que le concept unique de déficit dans la construction des
opérations logiques ne suffit pas pour expliquer tous les troubles des appren-
tissages numériques qui reposent sur des processus cognitifs différents. Or les
bases de ces réflexions étaient déjà bien décrites dans l’ouvrage de Mme Borel,
même si certains aspects rééducatifs ont évolué depuis.

11. American Psychiatric Association, 2013, Diagnostic and statistical manual of mental disorders.
12. Dehaene S., 1997, The Number Sense: How the Mind Creates Mathematics, Oxford University
Press.

16
Introduction

Ainsi, malgré le temps qui passe, malgré l’évolution des neurosciences et de


l’orthophonie, l’ouvrage de Mme Borel-Maisonny reste la source d’une réflexion
adaptée et encore très actuelle aux problématiques d’aujourd’hui. Son ouvrage,
fruit de ses recherches sur les difficultés des enfants en cours d’apprentissage,
constituait une mise au point pédagogique pour les professionnels. Il avait pour
but de proposer des outils pour un meilleur enseignement à tous et de porter un
intérêt particulier à ceux qui étaient en situation de handicap.
Mme Borel-Maisonny, avec une formation de philologue et phonéticienne a
développé ses connaissances cliniques auprès de l’abbé Rousselot, du Dr Pichon
et a côtoyé Victor Veau, chercheur. C’est ainsi qu’elle a pu développer ses grandes
qualités pour élaborer les rééducations.
Alors, comme elle nous l’a appris, développons notre observation clinique,
notre rigueur scientifique et gardons une grande humilité pour développer et faire
grandir l’art orthophonique au service des enfants en difficultés d’apprentissage.
Monique Touzin,
orthophoniste à Paris Santé Réussite.

17
Première partie

Lecture
1
Comment se pose le problème
des difficultés de lecture

D ans les classes secondaires aussi bien que primaires, ainsi que dans les
consultations hospitalières, on nous signale des enfants qui n’apprennent à
lire qu’avec peine et n’arrivent pas à bien lire, et qui, plus tard, ne parviennent pas
davantage à orthographier. Ces enfants posent un problème psychopédagogique,
dont il ne semble pas qu’on ait tenu jusqu’ici un compte suffisant.
La fréquence du trouble varie avec l’expression écrite du langage. Il y a des
langues, comme le français, le danois ou l’anglais, qui sont plus difficiles à lire
que l’italien ou l’espagnol, par exemple, et qui multiplient les échecs au cours
de leur apprentissage. D’une manière générale plus une langue s’éloigne de
l’écriture phonétique de sa prononciation, plus elle est malaisée à lire.
En second lieu intervient l’état des enfants eux-mêmes : 1° ces difficultés se
manifestent de façon élective chez les enfants ayant eu, ou présentant encore,
au moment de l’apprentissage de la lecture, des troubles du langage coexistant
généralement (non pas nécessairement toutefois) avec des défauts d’articulation ;
2° si ces difficultés peuvent se rencontrer chez des sujets intelligents dont le
niveau mental, ou, plus exactement, les possibilités dans le domaine du jugement,
sont égales ou supérieures à celles de la moyenne des enfants normaux, toutefois
ces difficultés se rencontrent de façon quasi constante chez les enfants ayant par
ailleurs du retard mental ; en sorte que la méthode d’éducation qui convient aux
enfants avec difficultés de lecture sera aussi, pour les arriérés, une méthode de
choix. Encore ces derniers ne pourront-ils s’y mouvoir qu’assez lentement. Mais
elle constituera pour eux une des ultimes manières d’accéder à la compréhension
d’un texte écrit.
De toute façon, quelle que soit la représentation graphique de la parole, et de
quelque niveau mental que soient les enfants, la difficulté attachée à l’acquisition
de la lecture se manifeste chez des individus en qui un examen systématique
révèle des lacunes constantes. La dyslexie constitue ainsi une sorte d’entité
nosologique, dont les traits conduisent à une technique générale d’enseignement.

21
Langage oral et écrit

Particularités propres aux enfants dyslexiques


Les lacunes propres aux enfants dyslexiques s’observent dans plusieurs
domaines, et intéressent à la fois la perception et la mémoire. Elles comprennent
des troubles de l’orientation, des troubles de la perception auditive, enfin des
lacunes dans le domaine linguistique.

1. Troubles de l’orientation
Il ne s’agit pas ici de la possibilité de se diriger dans un lieu déterminé (comme
il peut arriver pour certains aphasiques, incapables par exemple de retrouver leur
chemin dans Paris, bien qu’ils en aient l’habitude), mais de la difficulté à recon-
naître la disposition des choses, et surtout celle des signes du langage écrit, par
rapport à soi-même, sur un plan vertical ou horizontal.
Cette difficulté semble relever du fait que l’enfant n’aurait qu’une sensation
insuffisante de la position relative des différentes parties de son corps. Il se repré-
sente mal par suite l’image de ce dernier, image qu’on désigne couramment par
l’expression « schéma corporel », et ne la projette que très imparfaitement dans
l’espace. Ces enfants ont en effet de la peine à concevoir la droite et la gauche,
sur leur propre corps, et en dehors d’eux. Ils sont incapables de reproduire de
mémoire des attitudes corporelles asymétriques, c’est-à-dire où interviennent
des positions posturales différentes à droite ou à gauche. Ils tendent à des repro-
ductions symétriques ou même inversées.
Ils ont aussi de la difficulté – et quelquefois à dose égale – à distinguer le haut
et le bas sur un plan horizontal et même sur un plan vertical de petites dimen-
sions, inférieur par exemple à 20 cm.

2. Troubles dans l’analyse des phénomènes acoustiques


Dans le domaine des perceptions auditives, la principale lacune apparaît
– quelle que soit l’acuité auditive – dans le fait suivant : ces enfants rencontrent
de la difficulté à apprécier la nature des phonèmes ou éléments articulatoires
de la parole. Ceux-ci s’écoulent dans le temps et dans un ordre déterminé. C’est
principalement cet ordre d’écoulement qu’il est malaisé de se rappeler pour les
enfants dont nous parlons. Peut-être même sont-ils dans la quasi-incapacité de
percevoir ces phonèmes à la vitesse de la parole humaine.
Peut-être cette difficulté perceptive est-elle le seul facteur à incriminer dans
nombre de confusions de consonnes (confusions notamment entre les occlusives
sourdes et sonores : p, t, k, b, d, g), chez des sujets en qui un audiogramme1 ne
révèle aucune lacune du champ auditif. Le temps de perception des consonnes

1. On appelle audiogramme un relevé transformé en graphique des fréquences entendues et des


intensités nécessaires à chacune d’elles pour qu’elles soient perçues.

22
Lecture

occlusives sonores doit être inférieur à quelques centièmes de seconde pour


la discrimination de la phase vibratoire laryngée, et de moins d’un centième de
seconde pour la discrimination du temps d’explosion des consonnes sourdes,
seule partie vraiment caractéristique de ces phonèmes : t et k, d et g ne diffèrent
en effet respectivement qu’à ce moment, du moins quand ils sont isolés. (Les
labiales b et p, qui se lisent sur les lèvres, se différencient par leur articulation
visible des consonnes non visibles de la même série).

3. Troubles numéro-rythmiques
Corrélativement aux troubles perceptifs qui précèdent, la reproduction immé-
diate d’un petit nombre de coups frappés en cadence, de leur durée et de leur
intensité, est difficile ou impossible. La répétition d’une formule rythmique
devient irréalisable, pour ces enfants, à partir de 4, 3, ou même 2 pulsions.
Ceci relève de nouveau d’une difficulté d’analyse qui porte, cette fois, sur
la notion du nombre. On ne remarque pas toujours ce déficit parce que, chose
curieuse, il peut coïncider avec le goût de la musique et avec l’aptitude à
reconnaître et à reproduire la mélodie musicale, c’est-à-dire avec le fait d’avoir de
l’oreille au sens courant du terme, mais on ne manque guère de le trouver si on le
cherche, et il faudra en tenir compte.

4. Lacunes dans le domaine linguistique


Ces lacunes ne sautent pas non plus aux yeux. Elles ont besoin d’être recher-
chées.
Elles vont du gros retard de langage, se traduisant par un établissement labo-
rieux et souvent incorrect de la phrase parlée, tant en ce qui concerne la forme
des mots que leur agencement – aux formes plus difficilement décelables qui ne
se manifestent que par le trouble des fonctions catégorielles. Dans ce dernier
cas il arrive que le langage parlé ne présente aucune incorrection, et pourtant le
sujet reste incapable de discerner s’il manie des substantifs, des verbes ou des
adjectifs, et sur quel mot porte, au cours de la phrase, soit l’idée de pluralité, soit
– dans les cas plus sérieux – l’idée de genre, en dehors du substantif lui-même,
comme si l’acquisition du langage avait été un fait purement oral sans substratum
analytique.
Exemple du premier cas, « gros retard du langage ». Dire « sa, œsa, bokou »
pour exprimer qu’il s’agit de chats et qu’il y en a plusieurs (3 chats) comporte : a)
des troubles d’articulation (s pour ch) ; b) de l’agrammatisme : renversement de
l’ordre normal, à savoir expression du nombre, puis substantif sur lequel porte le
nombre (trois chats, des chats, plusieurs chats) ; c) une imprécision de l’expres-
sion numérique anormale à cet âge (enfant de 4 ans ½).

23
Langage oral et écrit

Exemple du second cas : « trouble des fonctions catégorielles ». Il s’agit d’une


jeune fille actuellement âgée de 25 ans, qui est une dyslexique typique et chez
qui persistent de graves troubles de l’orthographe. Elle n’a jamais eu de retard
mental ; elle n’a pas parlé incorrectement et s’exprime en un français excellent,
qu’elle a appris – ainsi que -deux autres langues étrangères – dans un milieu de
gens cultivés, par la voie purement orale… Or voici quelques fautes d’orthographe
qui illustrent mieux qu’un long discours la profondeur du trouble linguistique de
ce sujet :

je tofre un cociage (coquillage) pour te vin t’en (pour tes 20 ans) ;


il faut qu’on senail (s’en aille) aubore de la route… etc.;
str (ester) mi na soin (extermination).
Mlle X… est musicienne et joue du piano.

Encore un mot sur ce point : les lacunes, dans le domaine auditif et dans celui
du langage, peuvent ne pas exister dans la dyslexie ; les troubles de l’orientation
sont absolument constants. Tels sont les faits. Les lacunes de la perception et
de la mémoire, tant de fixation que d’évocation, vont être autant d’obstacles à
reconnaître les sons et les signes par lesquels on les inscrit, à identifier en somme
les sons et les symboles graphiques, à traduire les uns par les autres, ce en quoi
consiste la lecture. Comment donc suppléer aux lacunes précédentes, comment
tourner ces obstacles, fixer par d’autres voies les liens indispensables ?

Premiers exercices d’entraînement que les lacunes précédentes


rendent nécessaires
Voici quelques moyens destinés à pallier les diverses lacunes que nous
venons de signaler.

1. Exercices d’orientation
Leur importance nous en fait multiplier les aspects.

Exercice avec planchettes


Matériel : le matériel comprend deux planchettes de 20 cm sur 20 cm, une
pour la maîtresse, une pour l’enfant. La planchette de la maîtresse (Figure 1 A)
porte une boule au centre de la planchette et une autre dans un angle. Le matériel
remis à l’enfant comprend une planchette de mêmes dimensions avec cinq trous
(Figure 1 B) et une boule mobile munie d’une queue qui permet de la fixer dans
celui des trous qu’on désire désigner.

24
Lecture

Figure 1

Mode d’usage : 1. La maîtresse, tenant la planchette verticalement devant elle,


et cachant d’une main la boule d’angle, montre la boule du milieu. L’enfant pique
sa boule mobile au centre de sa planchette.
2. La maîtresse, cachant d’une main la boule centrale, montre la boule d’angle,
en tenant la planchette de telle façon que celle-ci apparaisse dans l’angle, en haut
et à gauche. L’enfant doit piquer sa boule mobile dans l’angle correspondant de
la planchette dont il dispose.
3. Même jeu, la maîtresse ayant fait tourner sa planchette de telle façon que la
boule d’angle apparaisse en bas et à gauche.
Et ainsi de suite.

N.B.
1. L’exercice se fait d’abord sans qu’il soit nécessaire de dire un mot. Puis on opère en
parlant : « En haut, à gauche ; en bas, à droite, etc.... Bien entendu les exercices ne se
font pas toujours dans le même ordre, afin que l’enfant ait chaque fois à se représen-
ter ce qu’il doit faire avant d’agir. On ne doit pas le hâter mais attendre que les paroles
entendues soient comprises. Ne pas oublier la lenteur de réaction de ces enfants.
2. La planchette est d’abord tenue verticalement, puis un peu couchée et plus ou
moins oblique, enfin horizontalement, afin que les mots « en haut, en bas » gardent
leur sens, quel que soit le plan, comme cela devra avoir lieu à l’égard d’un papier
placé devant soi.

25
Langage oral et écrit

Rythmique
Le but est toujours le même. Donner aux mots haut et bas, à droite, à gauche,
un sens tel que l’enfant ne s’y trompe plus.
Premier exercice. « À droite » (en portant les bras allongés dans cette direc-
tion) ; « à gauche » (en portant à gauche les bras allongés) ; « en haut » (en levant
verticalement les bras de chaque côté de la tête) ; « en bas » (en les abaissant le
long du corps).

N.B.
1. Chaque exercice sera toujours fait deux fois comme il est indiqué. Une fois est tout
à fait insuffisante à lier l’orientation aux mots prononcés.
2. Chaque exercice sera également exécuté clans trois positions :
––L’enfant, debout, exécute les mouvements au milieu de la classe.
––Il les exécute sur un plan vertical, contre Je mur, par exemple, ou le long d’un grand
meuble.
––Il les exécute par rapport au plan horizontal, en se couchant en quelque sorte, en
étendant les bras sur sa table.

Deuxième exercice. Allons à droite, allons à gauche, en se déplaçant dans le


sens indiqué.

Troisième exercice. Le mouvement a pour but, cette fois, de faire comprendre


les mots devant et derrière, par rapport au corps.
–– A, on tape des mains devant soi.
–– B, on tape des mains derrière soi.

26
Lecture

Quatrième variété d’exercices. Exercices de giration. Nous donnons ici plusieurs


mouvements :
I. Pour le premier mouvement, qui est chanté, l’enfant, aidé de la monitrice,
s’immobilise sur la phrase il faut : puis il fait trois pas en avant (a-van-cer) et trois
pas en arrière (re-cu-ler).

À ce moment, la monitrice le prend par la main gauche, et l’entraîne dans un


mouvement dextrogyre lent. Un point d’orgue est nécessaire pour freiner l’impul-
sion sénestrogyre.
La dernière phrase s’exécute en état de détente musculaire et d’expiration
prolongée.

N.B.
Le terme tourner est inclus dans les trois premiers exercices de giration du corps tout
entier.

II. Pour ce second mouvement, la monitrice prend l’enfant à sa droite en le


tenant par la main gauche, puis sur le fa de la seconde mesure, elle entraîne
le sujet en lui levant le bras gauche, dans son mouvement de rotation gauche-
droite. La seconde phrase, qui diffère de la première par le groupement des notes,
correspond à une révérence, et elle a pour but de détendre l’enfant.

III. Dans ce troisième mouvement, l’enfant part seul du pied gauche, et, arrivé
sur le si de la seconde mesure, il vire sur le pied droit pris comme axe, dans le

27
Langage oral et écrit

sens dextrogyre, en levant son bras gauche qui lui sert de balancier. La seconde
phrase est une révérence.
Pour les élèves entraînés, une marche d’harmonie, de même rythme que la
première phrase, permet d’obtenir une suite de girations.

IV. La chanson « Marie trempe ton pain », etc., s’exécute avec les membres
supérieurs de cinq façons différentes, et avec les membres inférieurs de deux
façons différentes, mais toujours pour réaliser un mouvement de rotation sur un
plan horizontal.

1. La main droite étant horizontale par rapport au corps, l’enfant exécute un


mouvement dextrogyre du bras. La main gauche est à la hanche.
2. Même jeu, mais du côté gauche (mouvement sénestrogyre).
3. Simultanément, du bras droit, mouvement dextrogyre ; et du bras gauche,
mouvement sénestrogyre.
4. Les deux bras simultanément dans le sens dextrogyre.
5. Les deux bras simultanément dans le sens sénestrogyre,
Après un peu d’entraînement le bras inactif, d’abord immobilisé par la main
sur la hanche, pourra être laissé libre le long du corps.
En ce qui concerne les membres inférieurs, l’enfant, s’appuyant à une table de
la main gauche, décrit, avec le pied droit, un cercle dextrogyre ; puis, s’appuyant
à la table de la main droite, il décrit avec le pied gauche un cercle sénestrogyre.
Ces exercices ont pour but de faire prendre conscience des mouvements asso-
ciés pour les dissoudre au besoin.

28
Lecture

V. Cet exercice n’est pas chanté. Il sert à faire concevoir les plans en arrière du
corps. a) La main gauche à la hanche, l’enfant lance le bras droit en arrière, de bas
en haut, puis revient en position de départ. b) Même mouvement du bras gauche.
Après quelque entraînement, le bras inactif est laissé libre.
VI. Un dernier exercice utilise l’exercice V mais l’enfant accomplit du bras un
cercle complet. Une mélodie l’y entraîne.

Copie d’attitudes dissociées


La monitrice fait lentement un geste du bras, de la jambe, de la tête ou de la
main, tantôt à droite, tantôt à gauche, geste que le pianiste accompagne d’un
accord. Quand tous les enfants ont exécuté le premier geste on en fait un autre,
et ainsi de suite.

2. Notion de nombre
Notion rythme-gestuelle. Celle-ci sera donnée par des exercices de rythmique,
spécialement créés à cet effet.
Notion de l’unité : un son, un pas ; un son, un geste.
On aura soin de séparer chaque unité par de grands intervalles de silence et
de repos. Au besoin ces intervalles seront inégaux, afin d’éviter tout automatisme
de rythme. (Cette règle vaut pour les groupes qui suivent.)
Notion de 2 : marche.
Notion de 3 : plusieurs exercices :
a) Un, deux, trois… Un « ah ! » de détente marque la fin du groupe.
Puis, de nouveau, 1, 2, 3, etc…

b) Tambourin, 1, 2, 3, chut, chut, chut !... Trois nombres, trois silences avec
immobilité.
Au début, pendant ces silences, on tiendra la main de l’enfant, afin qu’il n’es-
quisse aucun geste (c’est en effet en même temps un exercice de dissociation des
gestes : main droite, main gauche).

29
Langage oral et écrit

c) Marche.
Notion de 4 :

a) En se jetant à quatre pattes, sorte de perception globale. b) Coups frappés :


2 de la main droite ; 2 de la main gauche.
Notion de 5 : un deux trois ; un, deux.
Notion de 6 :

Un saut sur place marque la fin du groupe.


Ces notions ne doivent évidemment pas être apprises simultanément. C’est
seulement au fur et à mesure des besoins qu’on y procédera. Nous les présentons
à part pour raisons de clarté, mais il va de soi que ces exercices se mêlent conti-
nuellement à l’enseignement proprement dit si le besoin s’en fait sentir.
Mais il ne faut pas appliquer systématiquement ces procédés. Ils ne concernent
que les enfants ayant des troubles graves du langage, de la perception du temps,
du nombre et de l’espace, et souvent en plus un niveau mental bas. Les autres
sujets n’ont que faire de tels exercices préliminaires et la méthode exposée
ci-après peut s’en passer. Il en sera de même pour les conseils d’écriture rythmée
que nous donnons ensuite et dont l’enseignement est complémentaire de celui
de la lecture.

30
2
Technique de l’apprentissage

V enons-en maintenant aux enseignements proprement dits. La partie essen-


tielle concerne : 1° la lecture. Nous la ferons suivre : 2° d’un apprentissage
de l’écriture ; 3° d’une initiation aux notions catégorielles ; 4° de l’acquisition
de notions élémentaires de calcul – toutes matières qu’il appartient en effet de
mener plus ou moins de front, parce que l’apprentissage de la lecture en a besoin,
et qu’il bénéficie de ce que ces disciplines apportent à l’enfant.

Enseignement de la lecture
D’abord une règle préalable et qui ne souffre pas d’exception : avant d’ap-
prendre à lire à un enfant, on doit s’assurer que sa prononciation est correcte.
Tout défaut d’articulation doit donc, en premier lieu, être corrigé. Avant d’ap-
prendre à lire, il faut si possible savoir parler correctement.
L’enseignement de la lecture comprend lui-même deux stades : le premier
concerne l’acquisition du mécanisme ; le second, l’application à la lecture d’un
texte. Tous les deux doivent, en outre, s’accompagner de dictées.

1. Acquisition du mécanisme
À ce stade, les exercices de lecture ne porteront pas sur des mots. Il est indif-
férent que l’enfant y trouve ou non un sens. Il ne s’agit que de l’enregistrement
d’un mécanisme. Et l’enfant prend d’ailleurs à cette acquisition un plaisir évident.
Trois principes essentiels : 1° la méthode que nous préconisons est à base
phonétique ; 2° l’ordre de la lecture fait l’objet d’une attention toute particulière ;
3° pour créer l’association « signe-écrit son » qui constitue la lecture même, des
gestes symboliques servent d’intermédiaire, gestes dont le maniement renforce
encore cet ordre de la lecture (indispensable aussi à l’orthographe). Nous en
parlerons plus loin.

La méthode est phonétique


L’enseignement sera à point de départ phonétique. Et voici ce que nous
voulons dire par là. Nous centrerons toute l’attention de l’enfant sur les sons
du langage parlé que l’écriture reproduit, c’est-à-dire sur les consonnes et les
voyelles.

31
Langage oral et écrit

D’un point de vue phonétique une voyelle est un son uniforme à canal buccal
largement ou moyennement ouvert, son facile à entends e. Partant de cette défini-
tion, nous ne désignons pas par ce mot voyelle les seules voyelles alphabétiques
a, e, i, o, u, et c’est là un point capital de la méthode que nous proposons ; on
doit comprendre en réalité sous ce terme tous les sons répondant à la définition
que nous venons de donner, s’agirait-il de « diphtongues », et, d’une manière
tout à fait générale, quelle que puisse être la complication du graphisme. Ces
graphies multiples sont apprises globalement, présentées seulement, comme
nous le verrons tout à l’heure, sous le signe de leur son. Et nous pouvons dire, dès
maintenant, que nous n’avons jamais rencontré, de ce côté, la moindre difficulté
de la part des enfants.
Les consonnes sont des bruits ou des sons produits dans un canal buccal à
peine ouvert ou complètement fermé. À l’oreille elles ne consistent qu’en souffles,
frottements ou explosions. Nous ne leur donnerons pas de noms ; nous ne les
appellerons ni bé ni be, ni ef ni fe, ni ache ni ji, ni el ou em’, ni double vé ni zed.
Nous habituons les enfants à reconnaître les consonnes réduites à leur sonorité
caractéristique, au besoin s’il le faut en les prolongeant. Les enfants – nous le
savons par expérience – y réussissent très vite. Nous verrons plus loin comment
les y aider1.

L’ordre de la lecture
Nous écrivons ici l’ordre de la lecture, mais nous aurions pu mettre aussi bien
l’ordre des sons. Les deux ordres se correspondent en effet étroitement. C’est le
cas notamment lorsque plusieurs consonnes se suivent, comme dans les syllabes
complexes bla, tre, mais aussi lorsqu’un mot comprend plusieurs syllabes. Nous
nous attacherons donc à faire distinguer les consonnes qui sont successivement
entendues (et prononcées), et c’est encore à quoi servent les procédés que nous
allons indiquer. Il y a là une analyse indispensable qu’ils facilitent beaucoup.
De ce point de vue on pourrait dire que, jusqu’à un certain point, cette analyse
auditive remplace l’ancienne épellation, mais elle la remplace avec avantage,
car elle fait porter l’attention sur l’élément sonore et elle évite l’automatisme de
la nomination des lettres qui, à l’inverse, détourne précisément l’attention de
l’essentiel, à savoir l’audition des sons et leur ordre. De ce point de vue aussi les
consonnes et leur articulation apparaissent en somme comme l’élément capital
du langage parlé, et c’est donc principalement sur elles que portera l’effort.

1. Signalons que Mlle G. Stoeckel et Mme A. Schmidt-Lepinte, dans leur petit livre Nous apprenons à
lire, Delalain éditeur, présentent également une méthode à base phonétique où les consonnes sont
prononcées comme nous l’indiquons ici et où les sons voyelles à graphies complexes sont appris de
même globalement, sana décomposition de leurs lettres constitutives.

32
Lecture

Intermédiaire gestuel
Lire oralement, c’est, devant un signe écrit, retrouver sa sonorisation porteuse
de sens. Il y a là un effort de mémoire, une série, plutôt, d’actes de mémoire
que les enfants qui apprennent à lire n’accomplissent qu’avec plus ou moins de
difficulté. Or, l’expérience des dyslexiques nous a montré combien cette mémori-
sation était facilitée en accompagnant chaque signe, au moment où on l’écrit au
tableau, d’un geste symbolique, qui y sera attaché jusqu’à acquisition– complète
de ce signe.
Il y a donc la une troisième nécessité. Des gestes seront attachés à chacun des
signes écrits et y resteront attachés jusqu’à acquisition complète de l’énonciation
de ces derniers.
Ces gestes sont de plusieurs sortes :
1. Les uns sont représentatifs d’une forme. Ainsi :
–– z, sorte d’éclair rapide dessiné dans l’espace, l’index tendu.
–– m, on placera le pouce, l’index et le majeur, rigides, le bout appuyé sur la
table.
–– o, l’opposition du pouce à l’index arrondi représente, en général, suffisam-
ment et la lettre et le son. Toutefois, pour certains enfants, il arrive qu’il
faille montrer le trou ainsi formé en y introduisant l’index de l’autre main.
2. D’autres gestes sont représentatifs d’une image articulatoire :
–– r, on placera (et l’on fera placer) l’index sur le côté du larynx, où l’enfant
sent en effet le raclement qui accompagne l’émission de cette consonne.
Après cette constatation, lui-même l’appelle « la lettre qui gratte ».
–– a, on montrera la main ouverte rappelant la bouche ouverte. Cette analogie
suffit aux enfants.
–– l, on porte l’index devant la bouche en le dressant vers le haut, comme fait
la pointe de la langue dans la prononciation de cette consonne,
3. D’autres gestes souligneront l’idée d’écoulement. Par exemple, on ne
montrera pas la consonne f sans accompagner sa prononciation d’un mouvement
de tout le bras de droite à gauche si on fait face à l’enfant, ou de gauche à droite
s’il est placé à côté de vous. Ce mouvement rappelle à la fois le son et la barre
horizontale.
4. Ou bien enfin, tout simplement, on associe le signe à une petite scène.
–– oi, on fait entendre un aboiement, on ouvre et ferme le poing avec vivacité,
on dessine une tête de chien.
–– Pour œ, on placera par exemple deux sujets dos à dos, etc., etc.

33
Langage oral et écrit

Nous n’avons donné ici que quelques exemples. On trouvera plus loin des
détails des gestes à l’occasion de chacun des sons étudiés (cf. notamment
p. 39, gestes de nasalisation).

N.B.
1. Les gestes doivent être abandonnés dès qu’ils ne sont plus nécessaires. Pour les
enfants normaux, ce sera après quelques jours. Les arriérés ou les dyslexiques graves
peuvent avoir intérêt, au contraire, à les garder longtemps.
Dans l’association « geste symbolique, son, signe écrit », le geste constitue l’instru-
ment de mémorisation. Chez les dyslexiques l’association geste-son est plus rapide
et plus sûre que l’association geste-signe écrit. Nous avons vu des enfants lire les
gestes, prononcer les sons qui leur sont montrés de cette façon, et qui cependant
restaient encore incapables de lire l’écriture. Il faut donc recourir aux gestes sans
se lasser avant de ne laisser subsister que ce qui importe, c’est-à-dire l’association
signe écrit-son.
On n’y renoncera, de toutes façons, que lorsque l’enfant sera en état de nommer le
signe écrit d’emblée, c’est-à-dire de faire entendre le son correspondant sans avoir
à réfléchir.
2. Remarquons enfin que ces gestes ne sont pas seulement un intermédiaire utile
à l’identification du son et du signe. Ils ont un autre rôle à remplir. Ils doivent être
maniés de telle façon qu’ils soient encore un rappel constant de l’ordre de la lecture,
conformément aux exercices d’orientation dont nous avons parlé ; à l’ordre d’écou-
lement des sons, correspond un ordre pour les écrire ; il faut rendre présente à
l’esprit celle correspondance. On le fera en touchant du doigt, au premier son qu’on
prononce : a) soit la joue gauche de l’enfant ; ou b) le côté gauche de son corps, puis
en amorçant un mouvement vers la droite.
On le fera aussi par de grands gestes d’écoulement exécutés devant l’enfant (avant
8 ans d’âge mental, le, enfants ne rétablissent pas les positions véritables d’un sujet
qui leur fait face).
Ne donnons qu’un exemple : soit la syllabe fra, la maîtresse, face aux enfants, ayant
tendu son bras à droite, la main à plat, le déplace lentement vers la gauche en
émettant un f prolongé, puis elle touche un côté de sa gorge en faisant entendre le
râclement de l’r, enfin elle porte à sa gauche sa paume gauche grande ouverte, geste
habituel de a. C’est en somme toute une mimique qui doit sans cesse tenir l’enfant
en haleine et l’entraîner.

34
Lecture

2. Lecture d’un texte


Quand le mécanisme de la lecture est acquis, il est possible de demander à
l’enfant la lecture immédiate de phrases auxquelles il découvre alors un sens.
1. Cette compréhension de la phrase sera préparée par des exercices de
lecture accélérée. Voici les procédés que nous recommandons pour y entraîner les
élèves, soit au tableau, soit sur un livre :
–– a) Au tableau, une syllabe est écrite par le maître, qui la cache de son corps.
Il la montre un moment, puis l’efface. On procède de même pour les mots
ou de courtes phrases.
–– b) Sur un livre on utilisera un carton percé d’une petite fenêtre. C’est dans
celle-ci que se trouvera isolé le fragment à lire. Ce fragment est laissé à
la vue un temps bref, puis masqué. Les fenêtres seront de plus en plus
longues, jusqu’à ce qu’elles contiennent des segments de phrase ayant un
sens.
Il peut être utile également, les premières fois où le sujet est en présence d’un
livre, de lui cacher la ligne immédiatement au-dessous de celle qu’il lit. Beaucoup
de dyslexiques, en effet, ont tendance à mal centrer leur regard et à le laisser
s’éparpiller sur un champ trop vaste et mal délimité ; il leur arrive souvent de lire,
comme se suivant, du texte réparti sur deux ou même trois lignes.
2. Le texte choisi doit être compréhensible pour l’élève. Autant on pouvait,
au cours de l’apprentissage, faire lire n’importe quoi, même des termes rigou-
reusement inconnus du sujet, autant il importe, maintenant qu’il s’agit de
comprendre, de n’avoir recours qu’à des textes intelligibles. Ce qui, certes, ne
veut pas dire qu’il faut se borner, comme le font trop souvent les livres de lecture,
à des histoires bêbêtes, où « Lulu et Dédé font joujou avec leur dada ». Il n’est
pas un enfant qui, malgré le style parfois archaïque, ne s’intéresse infiniment aux
Malheurs de Sophie2.

3. La lecture idéo-visuelle
Nous n’en dirons que peu de mots bien que celle-ci soit en définitive le seul
but à atteindre.
Savoir lire c’est lire des yeux, sans marmonner et en comprenant ce qu’on lit.
Mais nous parlons ici d’apprentissage et même d’apprentissage chez des enfants
qui ont peine à lire. Or, chez de tels sujets, un procédé de pure photographie du
mot ou de la syllabe est des plus dangereux car il ne permet pas de vérifier si

2. Nous avons publié pour les jeunes enfants ayant acquis le mécanisme de la lecture, mais qui
manquent encore d’entraînement, un mince ouvrage (Paul et Lène, Delagrave éditeur) ou le récit a la
forme d’une petite aventure arrivée un jour à deux enfants. L’histoire est répartie en courts chapitres et
les lignes ont une signification suffisante pour être lues d’un trait sans rejet. C’est une aide précieuse.

35
Langage oral et écrit

l’enfant a saisi le « détail », en quelque sorte, de la photo et s’il a compris la valeur


du contenu (graphies – sens de lecture etc.). Même si l’ensemble est reconnu et
compris, l’analyse peut en demeurer si imparfaite que l’apprentissage en reste
douteux.
En revanche, lorsqu’il n’y aura plus de confusions sur les formes, des exercices
spéciaux d’identification rapide à la vue devront être faits et cette fois ils seront
tantôt suivis de l’énoncé du mot, tantôt silencieux, l’enfant devant montrer l’objet
ou l’image correspondante ou bien devant exécuter des ordres dont la consigne
– prise silencieusement – ne sera donnée que par écrit. C’est là un processus tout
différent et auquel il ne faudra jamais manquer d’entraîner assez tôt l’élève. Il en
sera de même pour des syllabes et des mots courts qui devront être écrits sans
que le sujet articule ou épelle quoi que ce soit.

4. Premières dictées
L’acquisition de la lecture doit enfin être accompagnée constamment d’exer-
cices de dictée : dictées de sons et de syllabes ; dictées de mots et de petites
phrases courtes.
1. Au début l’attention de l’enfant sera appelée sur la transcription correcte
des sons entendus, sans autre souci d’orthographe. Si des erreurs de succession
se répètent, il faudra recourir, sans se lasser, aux exercices d’écoulement. Par, par
exemple, donnera lieu à trois gestes exécutés de droite à gauche par le maître
devant les enfants, soit par eux, de gauche à droite.
2. Tous les dyslexiques ont beaucoup de peine non seulement à ne pas renver-
ser les lettres, mais encore à ne pas les intervertir.
Comme l’écriture représente, au début, des difficultés motrices surajoutées, il
vaut mieux, si l’on en possède, faire reproduire syllabes et mots avec des lettres
mobiles :

sont des orthographes typiques de dyslexiques. Il est aisé de comprendre qu’avec


de telles difficultés, il est préférable de sérier les efforts à accomplir.

5. Ordre d’apprentissage des éléments de la parole en vue de la lecture


Nous avons groupé ici, dans l’ordre qui nous a paru le plu, efficace, les
éléments de lecture qu’il convient d’apprendre. Chaque leçon comprend : 1° la

36
Lecture

liste des éléments à étudier ; 2° quelques brefs commentaires. Les rappels des
leçons antérieures n’y figurent habituellement pas.
La division en leçons n’est pas à observer rigoureusement, mais à manier
avec souplesse. Elle sera notamment à modifier selon la vitesse avec laquelle les
enfants assimileront les éléments qu’on leur présente. La seule règle est, à ce
sujet, de continuer chaque fois jusqu’à saturation de l’attention. C’est au maître
à sentir quand il doit s’arrêter3.
En revanche aucun signe nouveau ne doit être présenté tant que les premiers
ne sont pas suffisamment sus. Or, c’est là encore affaire de doigté. Les dyslexiques
(surtout s’ils ont en même temps des troubles de la parole) et, à plus forte raison,
les aphasiques peuvent avoir de graves troubles de la mémoire d’évocation. Au
besoin on secondera cette mémoire par une ébauche du geste symbolique asso-
cié au signe écrit. On a quelquefois, en effet, nettement l’impression que le signe
est reconnu et que seule manque la possibilité de l’exprimer. Le geste suffit à
rappeler le son. L’enfant doit lui-même exécuter le mouvement associé à la lettre.
Au début on se contentera de la reconnaissance des signes.
Voici, d’autre part, quelques indications pédagogiques d’ordre général :
1. L’enseignement se fera uniquement au tableau. Les enfants n’ont aucun
livre au cours de l’acquisition du mécanisme. Nous leur distribuons seule-
ment, quelquefois, des lettres mobiles ; cela même n’est pas indispensable,
mais c’est commode.
2. Dès le premier Jour, il y aura des consonnes et des voyelles : a) D’abord
sans disposition ordonnée, l’exercice ne visant qu’à la reconnaissance des
signes écrits, que ces signes soient énoncés par le maître et montrés par
l’élève, ou inversement. b) Puis dans la disposition suivante : consonnes,
en colonne verticale à gauche ; voyelles, en ligne verticale ou en groupe, à
droite.
3. On écrira d’abord les voyelles en craie de couleur. Leur expression
graphique en français étant très variée, elles sont assez difficiles à rete-
nir. Les écrire en couleur a l’avantage de commencer à créer la notion de
voyelle et de consonne. Par la suite les voyelles (ou les sons-voyelles)
seront présentées avec la même craie que les consonnes, et ce n’est que
si elles sont issues dans ces conditions qu’elles seront considérées comme
vraiment reconnues.
4. On pourra faire usage de signes complémentaires de sonorisation. a) Le
signe ~, au-dessus d’un son voyelle, indique que ce son doit être prononcé
du nez. b) Un point sous·une lettre ou un signe vibratoire au-dessous
d’elle indiquera que cette lettre est sonore.

3. Disons, à titre d’indication, que la rapidité d’assimilation des trente leçons de cette annexe peut
varier de six semaines (enfants doués) à deux ans (enfants très retardés).

37
Langage oral et écrit

5. La mémorisation de signes prêtant à confusion, p, b, t, f… ne sera jamais


entreprise de façon simultanée.
6. À chaque leçon où apparaissent des consonnes nouvelles, ces consonnes
seront travaillées en liaison avec les voyelles déjà connues.

■■ Leçon 1 : Une dizaine de consonnes et sept voyelles4

f ch s a o u œ é
v j z i y
l r m n
Rappelons que les consonnes doivent être réduites à leur seul bruit caracté-
ristique : par exemple, m sera réduit à son grondement laryngé, et ainsi de suite.
Faisons remarquer aussi que nous utilisons en premier lieu les consonnes dont le
son peut être facilement prolongé, m, ch, s, f, v.

Gestes symboliques
Consonnes
––f, mouvement des bras depuis la poitrine vers la droite ;
––ch, on applique le pouce et l’index sur les joues ; le mouvement de pince ainsi formé
rappelle celui du c ;
––s, on dessine lentement dans l’espace la forme de la lettre ;
––v, poignets joints, mains écartées. Au début, on fait remarquer et sentir à l’enfant
que le larynx vibre ;
––j, l’index s’avance vers la joue droite, comme pour la piquer. On insistera aussi sur
la sonorisation du larynx ; z, zigzag en éclair ; larynx sonore ;
––m, le pouce, l’index et le majeur sont appuyés sur un plan horizontal ;
––l, l’index est levé et décrit un mouvement ascendant en face de la langue ;
––r, l’index recourbé touche le cou dans la région de l’amygdale. L’r doit être apprise
en consonne sourde ;
––n, deux doigts posés sur le nez.

4. Il existe deux formes graphiques de la lettre a. Nous employons habituellement la forme a dans les
premières leçons; et plus tard indistinctement a ou a. La forme a prête à confusion avec o; la forme a
prête à confusion avec e (cf. Confusions à craindre, p. 41).

38
Lecture

Voyelles
––a, main ouverte, loin du corps ;
––o, le pouce et l’index joints forment un cercle, tous les doigts rapprochés ;
––œ, l’index croise sur le pouce ;
––é, la main droite ouverte est appuyée sur le front et inclinée en avant ;
––i, index levé, avant-bras dressé, coude au corps ;
––y, même geste.

Une fois les signes bien identifiés, des syllabes seront écrites dès le premier
jour avec les lettres figurant dans la leçon.
Les élèves indiqueront sur eux-mêmes, dans l’espace et sur le tableau, l’ordre
dans lequel doivent se lire les signes de l’écriture.

■■ Leçon 2 : Pas de nouvelles consonnes mais six graphies nouvelles


de voyelles

a o oi
an on oin
am om

Gestes symboliques
––an, am, nasalisation de a. On portera sur le nez la main ouverte ;
––on, om, nasalisation de o. On portera sur le nez l’index et le pouce rapprochés pour
dessiner la lettre ;
––oi, associer au rythme de l’aboiement du chien. Celui-ci sera représenté en ouvrant
et fermant la main ;
––oin, associer au rythme du cri du canard. Le pouce, l’index et le majeur allongés
peuvent figurer un bec.

Si les enfants ont de la peine à distinguer oi de oin, on pourra momentané-


ment dessiner une tête de canard à côté de oin, et une tête de chien à côté de
oi, ou mieux encore, sous un petit carton portant, dessus, les graphies oi et oin.

39
Langage oral et écrit

■■ Leçon 3 : Deux parties : 1° Une voyelle et trois consonnes nouvelles ;


2° Révision de l’ensemble des sons et signes étudiés jusqu’ici,
notamment à l’occasion de confusions possibles

ou
p t k
• Révision de l’ensemble et confusions à prévenir :

rv jl tf oi a
e a é i
on ou un
Voyelle : ou, associer au hurlement du loup. On ajoutera au début un signe en
haut du groupe (deux longs traits horizontaux) pour schématiser l’idée d’écoule-
ment.
Consonnes. Pour la première fois, les consonnes présentées sont des instan-
tanées occlusives, p, t, k.

Gestes symboliques
––p, geste du bras tendu en l’air, main fermée ; à l’explosion, l’ouvrir ;
––t, on fera le geste de pincer le corps de la lettre, à l’endroit de la barre, entre le
pouce et l’index ;
––k, on avance l’Index vers la bouche entrouverte. Le geste rappelle celui du guide
langue qu’il faut utiliser pour faire articuler cette consonne. Si les enfants n’ont pas
de trouble d’articulation, leur rappeler que la lettre se prononce dans le fond de la
bouche.

Il est indispensable, disons-le une fois de plus, que les consonnes p, t, k,


soient réduites à leur son caractéristique (du p dans hop ; du t dans Proust ; du
c dans bec).

40
Lecture

Confusions à craindre
––Entre les signes r, v, i, j, l ; t, f ; e, a ; on ou un, les confusions sont des confusions
de forme.
––Entre les signes oi, a ; é, i, les confusions possibles sont des confusions de son.

■■ Leçon 4 : Six graphies nouvelles de sons voyelles

eau au in im yn ym
• Confusion à prévenir : au an
Eau et au, sont représentés par le même geste symbolique que o. In, lm, yn,
ym, considérés phonétiquement comme la nasalisation de l’e fermé (é), seront
présentés aux enfants, pour éviter des confusions de signes, comme la nasali-
sation de i. Le geste symbolique sera donc celui de l’i nasalisé, index levé poing
fermé devant le nez.

■■ Leçon 5 : Encore trois consonnes et cinq graphies nouvelles de sons


voyelles

b qu h (initial)

ai ei aie
…s
…t
…ent
…x
…d etc.

41
Langage oral et écrit

• Confusions à prévenir :

p b qu é ê è

Consonnes
b, la lettre b devra toujours, au début, être affectée du signe de sonorisation laryn-
gée. Son expression symbolique sera celle d’un geste de préhension de la main droite
se portant vers le corps du b comme pour le saisir. La prononciation doit être ralentie
et les vibrations du larynx rendues plus intenses pour être bien perçues ;
qu, le son étant celui de k (cf. leçon 3), le geste sera le même ;
h, cette consonne étant muette en français, aucune distinction ne sera faite entre l’h
muet et l’h dit aspiré ; le symbole gestuel consiste à fermer la bouche en se taisant.

Voyelles
é, ê, ei, ai, aie, ait, aix, aient.
Toutes ces graphies correspondent, approximativement, au même son, lequel est
celui de l’e ouvert (è). Elles auront pour expression symbolique un geste de la main
ouverte placée en arrière sur le sommet de la tête ; la tête est levée, la bouche
ouverte.

■■ Leçon 6 : Six graphies nouvelles de sons voyelles

et ez ed eh er (en position finale)

er en toutes positions :

………………………..er = é
……………er……………
er………………………..
Et, ez, ed,eh, er (comme dans trouver), sont autant de graphies qui corres-
pondent au son é. Elles auront la même expression gestuelle (cf. leçon 1).

42
Lecture

Le son er ayant deux prononciations en français, celle de é (avec r muet), et


celle de i, suivi du bruit caractéristique de l’r, on en rendra compte aux enfants de
la manière suivante :
–– a) D’abord on représente le groupe er, après un trait horizontal figurant un
mot. Les enfants prononcent é5.
b) On le représente ensuite : entre deux traits horizontaux, ou précédant
un trait horizontal. Dans ces conditions les enfants prononcent er. Il est
souvent utile d’accentuer l’è et de pointer l’r en dessous, suivant une
technique courante, pour attirer l’attention sur une consonne qui doit être
prononcée.
Il est également indispensable, avant cet exercice, de redonner le sens de
l’écoulement de la lecture et de fixer, dans l’esprit de l’enfant, ce qu’il doit
entendre par début et fin du mot.

■■ Leçon 7 : Trois nouvelles consonnes. Une voyelle nouvelle.


Seize graphies différentes

à â ô où
œ œu eu oé oé
œur euf œud
œuf eur eut
eul eux
ph ç gn

5. On évitera dans cette leçon les exceptions comme hiver, mer, etc. cf. plus loin, p. 44 et 53.

43
Langage oral et écrit

Consonnes
––ph, ç, le bruit de ces consonnes étant respectivement celui de f et s, les symboles
gestuels sont ceux de ces lettres (cf. p. 38) ;
––gn, le son gn correspond, approximativement, à la consonne g nasalisée, tandis que
la langue est un peu étalée dans la bouche. Le symbole gestuel sera celui du k, mais
l’index, après avoir indiqué la bouche, indique successivement le nez et le larynx. Les
enfants sentiront sur eux-mêmes les deux régions où se perçoivent des vibrations.
Il peut être utile, au début, d’accompagner le gn du signe k, inséré entre deux signes
de sonorisation k.
Dans les cas où de l’hypoacousie vient compliquer encore l’apprentissage de la
lecture, on n’hésitera pas à introduire, momentanément, un petit i entre la consonne
et la voyelle (ex. gnia), car ce son-consonne est mal entendu.

Voyelles
Les voyelles à, â, ô, où, ont été déjà présentées leçons 1 et 3 ; mais elles sont ici
accompagnées d’accents.
La voyelle œ (cf. p. 39), apparaît maintenant sous les aspects œu, eu, qui seront
donc accompagnés du même signe symbolique.
Viennent ensuite les graphies suivantes :
1. œud, œufs, eux, au quelles on adjoindra oé, pour indiquer l’analogie de leur
prononciation. Au besoin, les consonnes finales d, t, x, seront momentanément
barrées ;
2. œur, œuf, eur, eul, auxquelles on adjoindra oè, pour indiquer le changement de
timbre de la voyelle. Ce changement est assez important pour dérouter les enfants ;
autant vaut en parler. On placera enfin un point sous la consonne finale de chacune
de ces graphies pour rappeler que cette consonne doit se prononcer.
On fera remarquer, à cette occasion, que les consonnes f, l finales sont toujours
prononcées ; et la consonne r dans beaucoup de cas, sauf celui précédemment cité
(p. 42, leçon 6, infinitif des verbes en e). Ex. l’hiver, un ver, la mer, mais boucher,
archer, etc. Ces mots seront lus globalement accompagnés de l’article.

44
Lecture

■■ Leçon 8 : Deux parties : 1° Trois graphies nouvelles de consonnes ;


2° Deux séries de groupes consonantiques donnant à e le timbre d’è,
tandis que l’e final reste atone

th q cq
enne elte espe
esse epte este
erre esque erte
elle
ette
emme
effe
• Confusions à prévenir :

ph ch p h th
q b cq

Consonnes
––th, le son étant celui du t, le geste sera le même (leçon 3) ;
––q, cq, même geste que pour k (leçon 3).

45
Langage oral et écrit

Groupes consonantiques
Les groupes enne, esse, etc., seront présentés globalement, ainsi que les groupes
espe, este. On pointera, s’il est nécessaire, les consonnes à prononcer, de même
qu’on pourra barrer l’e atone. En cas de deux consonnes semblables, comme c’est le
cas ici, la seconde seule sera pointée. Exemple :

enne

N.B.
C’est, arrivé à cet endroit, que l’enfant apprendra à ne pas prononcer e en position
finale. Des mots quelconques lui seront fournis où il indiquera l’e muet comme
supprimé et où il pointera la consonne qui précède.
On remarquera que l’e tonique n’est pas encore appris.

■■ Leçon 9 : Une consonne c, une voyelle, e tonique, vue ici


pour la première fois

Gestes symboliques
c, geste de k (cf. p. 40) devant o, a, u, œ, l, r et geste symbolique de s devant i, y,
e ; e, geste de œ (cf. p. 39).

La disposition des lettres indique comment procéder. On indique et on rappelle


aux enfants – en laissant la lettre indicatrice du son – que c, devant les voyelles e,
y, ne se prononce pas comme c devant les voyelles o, a, etc.
Ceci admis, on ne donnera que des exemples du second cas, en y introduisant
toutefois quelques ci. Ex. : ca, co, crœ, clo, ci, con, can, cou, ci, cri, cla, coi, ci.
Au besoin, on attirera l’attention des enfants par une couleur spéciale pour l’i.
Quand la lecture de ces syllabes sera correcte et rapide, sans précaution parti-
culière, on introduira ce, puis cy, cym, etc., toujours en se servant de la même
technique.

46
Lecture

N.B.
Les voyelles i, y, e, et les lettres o, a, u, œ, l, r, seront écrites au tableau avec des
craies de couleurs différentes.

■■ Leçon 10 : Groupement de consonnes

Retour sur la différence entre voyelles et consonnes

f avec l, r et s avec p
v t
p k
t c
k
b
Les groupes de lettres indiqués ici seront suivis ou précédés de voyelles. Ex.
fla, spri, noi, apre, ivre, etc.
Prononcer toutes ces lettres en s’accompagnant des gestes symboliques et en
prenant bien soin de ne pas émettre de vibrations laryngées pendant leur durée
sauf pour les groupes v, b + l, ou r. Dans tous les autres cas, le degré habituel de
sonorisation se fera spontanément, par contiguïté avec les éléments vocaliques
qui seront introduits.
Les exercices de lecture doivent être prononcés très lentement, afin que
l’enfant ait tout loisir de sentir le mécanisme de l’articulation.
C’est également le bon moment pour revenir aux grands gestes d’écoulement
des sons dans l’espace. Le maître, face aux élèves, fera succéder, de sa droite à sa
gauche, les signes symboliques de chaque phonème du groupe étudié.
L’exercice peut être complètement muet de la part du maître, l’élève énonçant
les éléments du groupe ou les écrivant au tableau. Parfois encore, on demandera
à l’élève d’indiquer les gestes correspondant aux sons entendus.

47
Langage oral et écrit

Idée de la voyelle et de la consonne


Jusqu’à présent, la présentation en couleur différente des voyelles et des
consonnes a été constamment jointe à la présentation monochrome.
Demander à l’enfant de distinguer à l’audition seule, puis sur des groupes
de lettres de même couleur, les voyelles et les consonnes. Si l’enfant n’en a pas
encore une idée nette, on peut lui en donner une idée articulatoire : la voyelle
est l’articulation pour laquelle la bouche est ouverte, assez pour qu’on puisse
introduire quelque chose « jusqu’au gosier »6. Dans tous les autres cas il s’agit
de consonnes.
On reviendra encore sur cette distinction dans la leçon suivante.

■■ Leçon 11 : Révision de tous les phonèmes sourds et sonores


Les lignes pointillées unissent ici les consonnes sourdes et sonores de même
type. Les sonores qui ne figurent pas en face des sourdes correspondantes n’ont
pas été étudiées encore. En fin de liste, consonnes sans correspondantes.

p ........................................................ b
t th ...........................................................
k c cq qu .............................................
f ph ..................................................... v
s ç ..................................................... z
ch ........................................................... j
r .......................................................... gn
l .......................................................... m
n

6. On prendra pour exemple les voyelles ouvertes a è in an, etc. Mais parmi les voyelles fermées, la
voyelle i, qui se prête mal à la démonstration, sera évitée d’abord, puis introduite quand la notion
différentielle voyelle-consonne sera nette. L’enfant l’assimilera aux autres voyelles par analogie, celle-
ci portant à la fois sur le mode d’articulation et l’intensité sonore subjective de l’i et des autres voyelles
à petite ouverture comme u, ou, on.

48
Lecture

On fera figurer, à côté de ces consonnes, toutes les voyelles déjà étudiées.
Tout ce qui précède doit être admirablement su, c’est-à-dire être reconnu et lu
sans hésitation, avant qu’on introduise d’autres difficultés.

■■ Leçon 12 : Une nouvelle consonne. De nouveaux groupements.


• Confusions de formes à éviter

d
• Autres groupements de consonnes :

p cl tr
t pl cr
s + voyelle
c pr ph
f v b

• Confusions de formes à prévenir :

a d cl – b q p
d, le signe symbolique de cette consonne est exprimé par le geste suivant :
main gauche fermée placée en bas du dos.
Les expressions graphiques des groupements de sons seront de plus en plus
compliquées. Ex. : oplik, sphinks (l’x n’est pas encore connu), abzan, etc.
Il n’est pas utile de présenter des mots véritables.
Parmi les signes graphiques à ne pas confondre, figurent les deux signes a
et d. L’a d’écriture courante est souvent mal exécuté par les enfants, avec un dos
dépassant trop le corps, ce qui entraine des erreurs de lecture.

49
Langage oral et écrit

■■ Leçon 13 : Nouvelles expressions graphiques de sons voyelles.


• Nouvelles révisions et confusions possibles

ein ain aim


• Confusions à prévenir :

ei ai ein ain
• Révision :

b d p q qu cq
ni in mi im
ein, etc., le son étant celui de in, on utilisera le geste indiqué dans la leçon 4.
Si les enfants ont une forte tendance à renverser les signes, on insistera sur
les syllabes à réviser en écrivant n + i en deux couleurs, puisqu’il s’agit de deux
sons, et in de la couleur qui est habituellement consacrée aux voyelles, puisqu’il
s’agit d’un son unique.

■■ Leçon 14 : Deux graphies nouvelles de sons voyelles, révisions, etc.

en em
• Révision :

an am
• Confusions à prévenir :

en em ne me
an am au na ma
en eu
en, em, même geste symbolique que pour an (leçon 2), puisque c’est le même
son.

50
Lecture

■■ Leçon 15 : Groupes vocaliques

• Groupes vocaliques : ion ian ien


• Confusions à prévenir : ain oin ein
• Groupe : tion
s

Les graphies nouvelles de ce tableau n’ont plus d’expression gestuelle symbo-


lique. Celle-ci d’ailleurs est de moins en moins utile, et, pour nombre d’enfants,
elle n’est plus employée que de loin en loin, à l’occasion d’une difficulté.
Les groupes ion, ian, ien seront appris globalement, ainsi que le groupe tion.
Sous le t de ce dernier pourra figurer temporairement un petit s.
Ces groupes devront être reproduits de mémoire au tableau, ou avec des
lettres mobiles, et bien discernés des graphies ain, oin, ein.

■■ Leçon 16 : Deux parties : 1° Révision de gn. 2° Une nouvelle consonne : g

e i
j
y
g
a o u œ
k
l r

g, il s’agit là, comme pour le c, d’un signe graphique qui se prononce différem-
ment, selon les voyelles devant lesquelles il est placé. On se conformera donc,
pour l’utilisation du tableau ci-joint, aux indications données pour la leçon 9.
Pour le g dur, le geste symbolique est celui du k, auquel on ajoute une indica-
tion de la sonorité laryngée. (On aura soin de ne pas prononcer gu).
À ce moment, une révision des signes g, gu, gn, et de toutes leurs possibilités
lexiques est indispensable.

51
Langage oral et écrit

■■ Leçon 17 : Nouvelle révision


La persistance des fautes de lecture concernant ces signes est si grande chez
des enfants déjà âgés et réputés normaux, qu’il convient en effet d’insister au
maximum sur leur apprentissage.
Révision :

c + e i y et a o u œ

En lecture globale :

ca co cu ci cœ
cy cou coi con
cu ce cei ci
cen con cré cri
cla can ci cam
cé cœu cè
■■ Leçon 18 : Nouveaux groupes vocaliques
Il n’y a plus de signes symboliques.

• Sons voyelles : ier ia io


• Confusions à prévenir : ien ai oi

En outre révision des leçons 15 et 13.

52
Lecture

■■ Leçon 19 : Deux parties : 1° Révision des consonnes finales l, r, f ainsi


que de l’e atone en syllabe finale ; 2° Notion de la syllabe parlée

seul mouche
bol
sol il passe
fort
part on forme
fer
mer etc.

Notion de la syllabe parlée


Pour que l’enfant soit prêt, le mécanisme étant acquis, à donner une allure correcte
à ce qu’il lit, il est excellent de lui suggérer, dès maintenant, la notion de syllabe
parlée. Notre remarque sous cette forme vaut naturellement pour le français au nord
de la Loire et non pour l’accent gascon ou provençal. À Paris on dit : ün’mouch =
2 syllabes ; à Marseille une mouch = 3 syllabes. C’est au professeur d’adapter.
On facilitera beaucoup la lecture des enfants en ne changeant pas les espacements
normaux, comme on fait dans tant de syllabaires. Mais on aura avantage à répartir,
par des liaisons comme celles qui sont utilisées en musique, les groupes de lettres
qui doivent être prononcés ensemble. Ex. : tu entres doucement ; – maintenant la
locomotive sort de la gare, etc.

53
Langage oral et écrit

■■ Leçon 20 : L’apostrophe et trois graphies nouvelles

j’ t’ n’ s’ l’
un um une
• Révision :

gn et gu + e i ê y

• Confusions à prévenir :

nu un mu um
L’étude de l’apostrophe ne comporte pas de difficulté.
Graphies : un, une. Plus de symbole gestuel. Ces voyelles sont apprises globa-
lement, et d’abord présentées en couleur.

Exemple :
– une, d’abord écrit en 2 couleurs :
– u, couleur des voyelles ;
– n (pointée), couleur des consonnes ;
– e, peu importe la couleur, puisqu’il ne se prononce pas, mais il est plus logique
de l’écrire assez légèrement et de la couleur de la consonne dans laquelle il sera
absorbé.

■■ Leçon 21 : S intervocalique

asa assa
z s

aso asso
usan ussan
osi aussa etc.

54
Lecture

L’étude de cette leçon exige un rappel de la notion de voyelle, déjà indiquée


deux fois.
Les voyelles seront d’abord en couleur. Après étude des divers groupes, on
mêlera ceux prononcés z et ceux prononcés s.
Si les difficultés de lecture sont encore trop grandes, on fera simplement
rechercher les groupes où l’s a la valeur sourde ou sonore. Puis on supprimera la
couleur des voyelles7.

■■ Leçon 22 : Révision de

g + e i y et a o u œ l r

■■ Leçon 23 : Lecture de y consonne et des ill

aye aille ouille

oye oille etc.

eiille brille vrille etc.


+

Les groupes avec y et ill ayant le son de eil (dans œil par exemple) sont
difficiles pour les dyslexiques. Il sera bon d’user d’artifices graphiques pour les
apprendre clairement.
Le groupement serré des caractères ill, et, parfois, la présence d’un signe de
liaison au-dessous, rendront le plus grand service.
Si le signe i, tout en faisant partie du groupe ill, modifie le timbre de la voyelle
qui précède, on aura recours au dédoublement de l’i (ex. : eille).
Si i doit être isolé comme voyelle et figure cependant dans la consonne, cet i
à double emploi sera réparti par le chevauchement de deux grandes liaisons (cf.
bille, etc.).
Il est indispensable que ceci soit clair dans l’esprit de l’enfant. On évitera les
mots ville, village, etc., qui seront appris globalement.

7. Les exercices étant présentés au tableau, li sera aisé de dessiner de grands signes symboliques
comme ceux de l’atlas des gestes, p. 92-93 ou de représenter les voyelles par un simple tracé,
etc., de manière à entrainer les enfants à une représentation immédiate des éléments utiles au discer-
nement.

55
Langage oral et écrit

■■ Leçon 24 : Il : y. Révision de tous les sons y

aya noiyé (noyé) paille

veiille (veille) briille

voiyage (voyage) travail

croiyance (croyance)

y peut n’avoir que sa valeur de consonne : aya. Mais il peut aussi, comme un
i, modifier la voyelle qui le précède, puis être utilisé comme consonne. Un artifice
d’écriture (point sur le premier jambage de l’y : oija) rendra plausible, à l’esprit
logique de l’enfant, cette prononciation de l’y qui pourrait le troubler8.
On évitera l’emploi de il pronom.

■■ Leçon 25 : Apprentissage global de

est le te de me se ne
les des mes ses
il y a il y avait
il y aura il y a eu
j’ai eu etc. on a eu
il ils elle elles

8. On peut aussi tracer le premier jambage de l’y plus épais.

56
Lecture

Le mécanisme de la lecture étant maintenant solidement construit, il n’y a plus


d’inconvénients à ce que les autres difficultés soient présentées globalement.

■■ Leçon 26

x = ks et gz

Exemples classiques
On insistera sur les deux manières de prononcer l’x et tout particulièrement sur la
sonorité du second groupe. On apprendra globalement des mots comme : taxi (k s) ;
exemple (g, z, etc.).

■■ Leçon 27 : Révision de l’s Intervocalique et des voyelles

en em eu
ai ia oi io
oin ion
ian ain
ei ein
■■ Leçon 28 : Révision des lettres prêtant le plus à confusion

d b q p
n m
u
ch ph th f t k V

57
Langage oral et écrit

■■ Leçon 29 : Révision de C avec la valeur de K et de C final. Révision de g


avec la valeur de g dur

co oc ga ague
ca ak go ogue
cou ouc
cla gla
cra… gra etc.

■■ Leçon 30 : Lecture d’un texte quelconque


Lire au tableau, au fur et à mesure qu’ils sont tracés, les mots9:

j’ai renversé la bouteille de vin dans


la cave avant de sortir.
on a dû donner à boire à une vache et à
un cheval etc.

les sphinx de l’Égypte sont de


stupéfiantes créatures
néanmoins la bonne
commémoration

9. Les lettres en gras sont à écrire en craie de couleur au tableau.

58
Lecture

Plusieurs étapes :
–– 1° Lecture d’un texte transcrit avec : voyelles en couleur, consonnes poin-
tées, signes indiquant les syllabes parlées.
–– 2° Même lecture sans couleur et avec suppression graduelle des signes : le
dernier à enlever est celui du découpage syllabique.
–– 3° On passera de la lecture au tableau à celle d’un livre quelconque, intéres-
sant pour l’enfant et bien imprimé, sans autre transition que de retranscrire
au tableau le passage qui provoquerait un arrêt.

Remarque relative à la ponctuation


Avant de commencer la lecture d’une phrase l’enfant sera notamment prié de s’assu-
rer si elle se termine par un point simple ou par un point d’interrogation. Nous avons
en effet été surpris, chez de grands enfants dyslexiques, par leur incapacité de recon-
naître à l’audition seule si la phrase représente ou non une question. Si paradoxal
que cela puisse paraître, ils ne sont parvenus à le comprendre qu’à travers l’écriture.
Cela tient probablement à l’abus, dans le langage familier, de la forme positive diffé-
renciée par sa mélodie de phrase (Tu as pris la bouilloire ? = As-tu pris la bouilloire ?),
mélodie mal sentie par le dyslexique, qui comprend souvent par le contexte dans la
vie courante, mais se trouve embarrassé par des phrases isolées même dites avec
justesse. Il faut parfois présenter l’interrogation sous la seule forme : Est-ce que, etc.,
pour la faire concevoir.

L’écriture
Les difficultés d’orientation, qui rendent la lecture laborieuse, exercent aussi
leur influence sur l’acquisition de l’écriture.
C’est pourquoi celle-ci devra être analytique, chaque direction étant conçue,
puis réalisée, isolément. La vision globale d’un ensemble de directions diffé-
rentes se heurte aux mêmes difficultés mnésiques que, dans le domaine auditif,
la succession des phonèmes et la construction de tout l’édifice sonore verbal. On
apprendra donc à l’enfant les éléments du geste graphique avant de lui en faire
exécuter la synthèse.
D’autre part les sujets dyslexiques se recrutent, la plupart du temps, parmi
ceux qui ont des troubles de la parole ; il en résulte que les difficultés motrices
propres à ces sujets se surajoutent à celles de l’orientation des signes. Ces
difficultés sont : 1° une persistance ou une accentuation anormale des syncinésies
d’effort ; 2° une incoordination motrice et une tendance à l’arythmie du geste ;
3° une fréquence anormale de la gaucherie ou de l’ambidextérité.

59
Langage oral et écrit

Les conditions favorables à l’acquisition de l’écriture en découlent naturellement.


La posture du sujet écrivant devra toujours être prise dans une attitude
générale de détente, ce qu’on obtiendra par des exercices appropriés, et, si
possible, par un matériel convenable.
a. Exercices préalables de détente : on les associera aux exercices d’orientation
des signes déjà indiqués pour l’apprentissage de la lecture.
Ceux qui sont propres à l’établissement de l’écriture sont :
1. L’association d’un geste élémentaire de direction et d’une vocalise.
–– Tracé d’une ligne horizontale (de gauche à droite) ; d’une ligne verticale
ascendante, descendante ; d’une ligne oblique ;
–– d’un cercle ;
–– d’un demi-cercle : sens sénestrogyre et dextrogyre.
2. L’exécution de brèves formules rythmo-mélodiques associées à l’exécution
des lettres et des groupes les plus usuels de lettres (cf. p. 62 ss).
Il peut être indispensable d’accompagner chaque geste d’une analyse parlée
du mouvement, jusqu’à ce que celui-ci soit compris et exécuté de mémoire.

Ex. f = monter, tourner, descendre.


m = une ligne debout, tourner, descendre, etc…

Au cours de l’acquisition des groupes de lettres, le commentaire se simplifiera


peu à peu jusqu’à n’être plus qu’un accompagnement rythmé ; il sera abandonné
quand l’exécution des mots, ou tout au moins des groupes de lettres, se fera avec
un geste net et rythmé.
De toute façon, et nous ne saurions trop encore y insister, les premières lettres
formées (au tableau, sur l’ardoise ou au cahier), doivent être de grandes dimen-
sions, et elles doivent rester grandes longtemps.
b. Le matériel employé joue un grand rôle dans l’établissement d’une écriture
nette, exécutée sans contractions syncinétiques, et susceptible ultérieurement
d’accélération dans une attitude de détente.
• Il ne faut évidemment se servir que d’instruments exigeant aussi peu
d’effort moteur que possible. On écrira à la craie, puis au crayon tendre à
grosse mine, enfin à la plume à bout rond, qui n’accroche le papier sous
aucune incidence.
• Il vaut mieux accoutumer les enfants à écrire d’abord sur un plan vertical,
c’est-à-dire au tableau, puis sur un plan oblique (tableau noir en pupitre),
avant d’aborder la table horizontale.

60
Lecture

Le matériel idéal pour une classe comporterait un tabouret à hauteur réglable


et un pupitre de faible inclinaison, avec des barres d’appui à différentes hauteurs
pour les pieds.
• Dans l’écriture sur une table, les deux bras de l’enfant doivent être com-
modément appuyés, coude gauche sur la table, et main en avant posée
sans effort en haut à gauche de la feuille, bras droit appuyé sur la table
jusque près du coude. Un simple changement d’angle, donné par l’arti-
culation du coude, détermine l’avancement de l’avant-bras de gauche à
droite. La feuille de papier sera posée devant le sujet de telle manière que
l’angle inférieur gauche soit à quelques centimètres au maximum du bord
de la table pour les lignes du bas de la page ; il la descendra et la rappro-
chera contre le corps pour les lignes du haut.
L’inclinaison donnée au papier sera d’environ 15 à 20° vers la gauche, si l’écri-
ture doit être penchée, et de 5 à 10° seulement, si l’écriture doit être droite.

Autres indications pédagogiques


1. Écriture droite ou penchée? Il est préférable que l’écriture apprise au tableau soit
droite. L’inclinaison de quelques degrés sur un plan horizontal à l’âge de l’écriture
courante la transforme sans effort en écriture penchée plus rapide.
2. Séries d’un même signe ? Il est inutile de faire faire aux enfants des lignes d’un
même signe. Ou bien il sait faire ce signe, et la répétition d’une chose connue est
de la peine inutile ; ou bien il ne le sait pas, et il doit alors l’apprendre au tableau,
chaque bévue étant analysée, s’il y a lieu, mais en tout cas effacée au moment d’un
nouvel essai.
3. Papiers réglés ? Il est tout aussi inutile de donner des papiers réglés ou quadrillés ;
si l’enfant ne parvient pas à réaliser ou même à concevoir les directions élémentaires
des droites et des courbes, des rangements de petits objets les lui feront acquérir ;
ou encore, chez des enfants particulièrement inaptes, l’exercice qui consiste à suivre
du doigt de grandes lettres dont les changements de direction sont indiqués par des
changements de couleur au crayon, par exemple : rouge, vert, jaune, bleu, brique.
4. Le type d’écriture est également à considérer en fonction des capacités motrices
plus que de l’âge du sujet.
L’écriture la plus complexe est celle tirée de l’anglaise. Tous les enfants normaux
peuvent y accéder presque d’emblée.
Elle peut être contre-indiquée pour les dyslexiques, qui se perdent dans l’enchevê-
trement des lignes, les liaisons brouillant à leurs yeux la forme caractéristique de
la lettre. L’écriture de choix pour eux, ainsi que pour la majorité des petits retardés
moteurs ayant des troubles de l’articulation et parfois du langage, est une écriture
par lettres séparées : script pur ou écriture adaptée du script, tout au moins au début
de l’apprentissage.

61
Langage oral et écrit

Enfin les sujets fortement athétosiques ont de si grandes difficultés dans l’exécution
des courbes et dans la prolongation du geste, que la seule écriture possible est une
succession non liée de majuscules d’imprimerie, où seuls l’O et le Q exigent un geste
à tendance circulaire. Les formes habituellement tirées de l’O (P, B, D, G, C, R, S)
peuvent être exécutées avec des droites et des lignes brisées.
5. Éducation des gauchers et des ambidextres. Il est utile que les gestes de ryth-
mique et les premières formes exécutées au tableau le soient des deux mains simul-
tanément, puis de chaque bras et de chaque main alternativement.
Des séquelles d’hémiplégie peuvent laisser une telle impotence fonctionnelle du côté
droit, qu’il faut permettre au sujet de se servir de la main gauche.
En revanche il y a peu d’enfants si profondément gauchers qu’on ne puisse les
entraîner à une écriture excellente de la main droite, car le sens d’écoulement des
mots contre-indique l’emploi de la main gauche. Chaque fois que faire se peut sans
troubler l’enfant, on apprendra donc à écrire de la main droite, pour laisser le contrôle
visuel du graphisme. Ce qu’il faut éviter, c’est de créer des inhibitions par des inter-
dictions intempestives ou grondeuses. Une éducation rationnelle et compréhensive
se doit de les éviter.
6. Tant que l’écriture n’est pas devenue un pur automatisme, il ne faut pas en
demander un emploi inconsidéré, c’est-à-dire que l’emploi doit en être limité au strict
nécessaire et l’exercice doit être gardé longtemps sans qu’on y ajoute un autre effort
mental important.
Les premières dictées des enfants dyslexiques seront donc faites avec des lettres
mobiles, puis avec de l’écriture en lettres séparées, et sur des textes très courts.
Les lettres séparées évitent les erreurs dues aux automatismes mal contrôlés des
groupes de lettres liées.
Il devra, en somme, y avoir longtemps une prédominance importante d’exercices
oraux. Aucun cours ne sera dicté avant l’acquisition d’une écriture automatique et
d’une orthographe acceptable.
Nous ajoutons ici quelques indications concernant les exercices d’écriture rythmée
que nous faisons faire à certains enfants.

Description des mouvements élémentaires d’écriture rythmée


Tous ces mouvements sont à exécuter soit au tableau, soit tracés fictivement
du bras se mouvant dans l’espace sur un plan vertical.

I. Dessin d’une boucle

62
Lecture

1. fa, la, mouvement ascendant d’une lettre à grande boucle ;


2. do, sommet de la boucle, mouvement circulaire vers la gauche ;
3. fa, mouvement descendant appuyé.

II.

f
1. sol, si, ré, mouvement ascendant de la lettre amorce du mouvement circu-
laire ;
2 et 3. si, mouvement circulaire vers la gauche ;
et sol, mouvement descendant appuyé, suivi d’un court silence ;
f
4. Le second sol, barre de l’ . Celle-ci doit être légère, et légèrement ascen-
dante, si l’on prévoit que l’enfant pourra écrire en lettres liées.

III. Lettre b

1 et 2. comme pour la lettre précédente ;


3. sol, mouvement descendant, ralenti à cause du mouvement circulaire qui
s’amorce ;
4. la, la, mouvement circulaire vers la droite et mouvement ascendant du corps
du ; b
5. sol, mouvement horizontal de liaison qui sera modifié selon le type de liai-
son adopté.
(Quand un sujet a une habileté suffisante, s’il n’est pas très gêné par la recon-
naissance des signes plus compliqués de l’écriture liée, il vaut mieux l’intéresser
tout de suite à la liaison, qui donnera ultérieurement une écriture plus rapide et
plus décontractée.
Il y a essentiellement deux types de liaison : celui de l’anglaise qui consiste en
un petit trait lancé léger ; et celui de l’écriture suisse allemande, par exemple, qui
permet de ne pas lever la main pendant toute l’exécution d’un mot. Chaque fois
que le niveau moteur et l’attention de l’enfant le permettront, c’est à ce dernier
type de liaison qu’il me semble meilleur de donner la préférence).

63
Langage oral et écrit

IV. Lettre a

1. si, la, mouvement circulaire de l’a, de haut en bas, suivi d’un court silence ;
a
2. la, sol, dos de l’ (bâton droit) avec amorce de liaison ;
lettre d
mouvements analogues, sauf changements dans les rapports de
durée du deuxième mouvement ( ).

V. Lettre o

o
–– ré, si, sol, si, ré, mouvement circulaire de l’ dans le sens dextrogyre. Le
ralenti de la fin est destiné à freiner le mouvement de l’enfant pour qu’il ne
tourne pas deux fois.

VI. Lettre u

u
1. si, la, premier mouvement de l’ ;
u
2. sol, la, deuxième mouvement, si l’ doit être exécuté en caractère d’impri-
merie, seul tracé possible pour certains sujets.
u
(Variante pour 2 : la, sol, si le second jambage est celui de l’ habituel, le
mouvement doit être alors ralenti).

VII. Lettre m

1. sol, une simple ligne verticale descendante, survie d’un silence ;


2 et 3. sol, mi, ré, mouvement circulaire vers la droite, lié au mouvement
descendant ; puis silence de détente ;
4, 5, 6. mi, ré, do, ré, second mouvement circulaire, lié au mouvement descen-
dant, lequel est ralenti pour amorcer la liaison. (Le temps 6 peut être

64
Lecture

supprimé. Dans ce cas, le rythme des mouvements 4 et 5 sera le même que


celui des mouvements 2 et 3).

VII bis. n
La lettre n utilise les mouvements 1, 2, 3, ou, s’il y a lieu, les mouvements 1,
4, 5, 6.
p
Le d’écriture manuscrite courante (une hampe, un jambage) s’accommode
du mouvement 1 prolongé par un point d’orgue, et suivi des mouvements 2, 3 ou
4, 5, 6.

VIII. b

Quand le pet le b
d’écriture anglaise sont trop difficiles à exécuter, on
donnera à ces deux lettres la forme des minuscules d’imprimerie, et le rythme en
sera le suivant : lettre b
1. accord mi, do, hampe descendante suivi d’un silence de détente ;
2. fa, mi, ré, mi, do, mouvement circulaire descendant et sénestrogyre.

IX. Lettre q

1. si, la, sol, mouvement circulaire dextrogyre suivi d’un silence de détente ;
2. sol, do, mouvement appuyé de la hampe.

X. Lettre s

1. sol, si, trait lancé ascendant, suivi d’un silence de détente ;


2. si, la, sol, mouvement circulaire rejoignant le trait.
s
L’arrêt est indispensable pour éviter les à dos rond si laids dans l’écriture
des enfants. Ensuite, le tracé correct étant devenu une habitude, l’arrêt sera
supprimé.

65
Langage oral et écrit

XI. Exemple de mouvements rythmés dans I’association de plusieurs lettres

Soit l’association ll
–– 1. la, sol, fa, triolet de croches, mouvement ascendant et circulaire du
premier ; l
–– 2. sol, fa, mi, triolet de croches, premier mouvement descendant appuyé ;
–– 3. fa, mi, ré, triolet de croches, deuxième mouvement ascendant circulaire ;
–– 4 et 5. mi, ré, do, deuxième mouvement descendant ralenti pour être joint
à la liaison.
Les groupements de lettres seront étudiés de manière à garder à chaque lettre
son rythme propre, à bien individualiser les lettres.
Pour mm un enfant au début comptera 1, 2, 3 ; 1, 2, 3. Pour mu 1, 2, 3 ; 1,
2 et ainsi de suite.
Quand le sujet est habitué à la netteté des signes on accélère le mouvement et
on l’entraîne à reproduire sans interruption des ensembles de plus en plus longs.
Peut-être remarquera-t-on qu’aucun exercice ne concerne les boucles
g
au-dessous du corps d’écriture ( par exemple). C’est que, d’une part, ces
boucles se montrent beaucoup plus aisées à tourner que les boucles supérieures ;
d’autre part elles n’apparaissent que tard, lorsque l’enfant est déjà très entraîné.

Notions catégorielles (substantif, verbe, adjectif, etc.)

Notions indispensables à la lecture courante


L’enseignement de rudiments de grammaire devrait être inséparable de celui
de la lecture ; et il le devient, en tout cas, obligatoirement, pour les enfants qui
lisent avec peine. Comment, par exemple, faire lire correctement il tient, quotient,
et ils copient, si l’enfant ne sait pas la valeur grammaticale de ce qu’il lit, s’il ne
sent pas qu’un mot est verbe, et l’autre pas ; que le verbe est ici au pluriel, et là
au singulier ? C’est pourquoi des exercices linguistiques élémentaires, portant
précisément sur les notions catégorielles, devront prendre place oralement, et,
par un enseignement aussi direct et concret que possible, à ce moment de la
lecture où celle-ci tend à devenir courante.

66
Lecture

Il est d’ailleurs suffisant d’arriver aux notions suivantes :


1. Notion du substantif. L’enfant arrive à concevoir le nom à partir de l’âge de 4
ans, en le considérant comme le lieu commun des termes concrets désignant des
animaux, des personnes ou des choses. Le terme « chose » concernera d’abord
des objets (sac, oreille, viande, plante), et plus tard seulement des concepts
abstraits (lumière, feu, ciel ; doute, courage ; commencement, répétition).
2. La notion de verbe sera donnée au moyen des verbes d’action. Leur
énonciation sera accompagnée du geste expressif ou symbolique de l’acte.
Ces deux termes seront joints ensuite dans de courtes phrases, où l’enfant
sera entraîné à les discerner.
Avec de jeunes enfants, et au moment où l’on cherche à créer leur idée de
verbe, on évitera de faire considérer comme verbes les auxiliaires, avoir, être,
Ceux-ci devront figurer simplement comme un moyen d’exprimer des notions
temporelles dans les temps composés. (Il a mangé = manger dans le passé (id. : il
est arrivé) ; quant au verbe aller, si fréquemment employé dans le langage familier
pour introduire un futur prochain (cf. tu vas te promener = se promener dans le
futur), il devra être reconnu quant à la forme, qu’il ait ou non son sens ‹plein.
Le futur doit toujours être indiqué sous les deux formes : 1 ° futur immédiat
(verbe aller suivi de l’infinitif ) ; 2° futur à terminaison en rai des grammaires.
Une représentation visuelle des trois étapes principales de l’écoulement du
temps : passé, présent, futur, sera donnée en inscrivant simultanément : au milieu
le présent, dans un espace réduit ; à gauche, le passé (sous la forme du passé
composé avec l’auxiliaire et les trois terminaisons les plus usuelles du participe
passé) ; à droite enfin le futur, avec ses deux formes (on pourra faire remarquer la
parenté de cette forme de temps et de celui marqué par les montres).
3. La notion de l’adjectif qualificatif sera suggérée par la recherche orale de
qualités et de défauts ajoutés à un nom d’animal, de personne ou de chose.
4. Celle de pronom personnel, sous la forme sujet et la forme complément,
sera suggérée par des jeux de langage et des exercices oraux.
5. On habituera enfin l’enfant à reconnaître quelques adverbes indispensables.
6. Enfin, sitôt après, dès que la lecture sera assez établie pour permettre la
compréhension d’un mot au tableau, les enfants seront entraînés à reconnaître,
à la terminaison du mot, s’il est au singulier ou au pluriel, et s’il est verbe ou
substantif.
Des exercices oraux habitueront les élèves à discerner tous les éléments du
discours affectés par l’idée de nombre et par l’idée de genre.

67
Langage oral et écrit

Notions élémentaires de calcul et de numération


1. Les dyslexiques et les enfants ayant du retard de langage sont souvent,
en même temps, des enfants sans aucune aptitude pour le calcul. La notion de
nombre s’installe chez eux plus tardivement et plus laborieusement que chez les
autres enfants. C’est pourquoi on peut être amené à recourir à divers procédés
éducatifs pour la développer, voire même pour la créer.
L’un des procédés les plus actifs au plus bas degré de cette déficience
arithmétique est, comme nous l’avons dit, l’emploi de la rythmique. Des marches,
des comptines, des exercices au tambourin, etc., aideront à une organisation
gestuelle et kinétique du nombre.
On y adjoindra des images visuelles globales des premiers nombres par des
groupements de quantités jusqu’à dix. Les dés, bouliers, échelles de quantités
par le procédé de Thiberge10, pourront encore constituer d’utiles adjuvants.
2. Les deux opérations essentielles, l’addition et la soustraction, que l’enfant
conçoit très tôt sous de petites quantités, doivent être spécialement enseignées
à ces sujets mal doués. Ils n’accèdent que tardivement au raisonnement qu’elles
impliquent, et, celui-ci étant compris, ils ne peuvent ni ajouter ni enlever
mentalement des quantités même réduites, comme si la mémoire des groupes
numériques, d’une part, et la séquence ascendante et descendante des nombres,
d’autre part, leur faisaient défaut. Il est utile de concrétiser, en une représentation
à la fois motrice et spatiale, l’ordre ascendant et descendant des nombres, le
déplacement en avant indiquant la marche croissante des nombres ainsi que
le sens positif de l’addition, tandis que le recul correspond à la succession
décroissante des nombres et implique l’idée négative de soustraction.
3. L’apprentissage des nombres se heurte enfin, chez ces sujets, à un dernier
écueil. L’évocation du nom de nombre est difficile, les schémas auditivo-moteurs
restant flous. Et les termes ayant même nombre de syllabes et des aspects
sonores voisins dont l’analogie articulatoire favorise la conclusion, sont employés
les uns pour les autres (quarante, quatorze ; trois, treize, trente ; neuf, deux ; six,
dix ; seize, treize, etc.). La reconnaissance des termes est quelquefois si entravée,
qu’il n’est possible de la fixer que par l’association de la mémoire gestuelle
rythmique et symbolique à la mémoire articulatoire, auditive et visuelle.

10. Raymond Thiberge, directeur de l’Institut de pédagogie musicale, 5 ter, rue du Dôme, a composé
pour les enfants normaux des cahiers de calcul et de grammaire dont les exercices remarquablement
gradués font largement appel à la mémoire visuelle. La méthode de grammaire se réfère constamment
au jugement de l’enfant et lui rend assimilables des notions souvent inintelligibles à cet âge dans leur
présentation habituelle.

68
Lecture

Conclusion
L’ensemble des techniques et des procédés mentionnés dans ce chapitre
constitue une méthode spécialement indiquée pour les sujets dont les lacunes se
manifestent dans le domaine des perceptions spatiales, temporelles et psycho-
motrices. Elle est applicable aussi aux enfants retardés dont les déficiences,
surajoutées au déficit global de l’intelligence, sont souvent les mêmes que celles
des sujets dyslexiques et acalculiques. Mais la méthode est également applicable
aux normaux qui acquièrent ainsi, en même temps que la lecture, les rudiments
de connaissance de l’écriture, de l’orthographe et du calcul, de façon rapide et
solide. Dans le cas où cette méthode serait appliquée aux enfants normaux, il
faudrait seulement réduire, dans des proportions considérables, les temps consa-
crés à la fixation des réflexes conditionnés et des automatismes habituels de la
lecture.
Nous n’insisterons plus que sur un point : si l’on veut suivre la méthode que
nous indiquons ici, il sera préférable de commencer avec elle (ou avec des moyens
analogues) l’apprentissage de l’enfant ; il conviendra de l’appliquer en observant
avec attention l’enfant et ses fautes, de façon à pouvoir corriger immédiatement
celles-ci, d’où notre recommandation expresse de faire venir au tableau les
enfants qu’on interroge. Laisse-t-on passer des erreurs, faute de s’en apercevoir,
c’est autant de mauvaises habitudes qui risquent de se prendre. Redresser ulté-
rieurement des enfants qui lisent par à peu près, en n’observant point rigoureu-
sement l’ordre des lettres, et qui orthographient comme nous en avons donné
des exemples, devient une tâche autrement difficile et qui pourra alors exiger des
mois d’effort patient.

69
3
Rééducation de la dyslexie

L   a méthode exposée ici s’adressait soit à des enfants présumés dyslexiques,
  soit même à des enfants normaux en l’allégeant de certains exercices, mais
toujours elle concernait de petits enfants n’ayant pratiquement pas essayé
d’apprendre à lire.
Les sujets que nous considérerons maintenant ont tenté de lire et ne l’ont pas
pu. Certains doublent, triplent un cours préparatoire – classe à la fin de laquelle
les enfants normaux savent lire. Quelquefois, les élèves, sans avoir acquis le
mécanisme de la lecture, ont quand même changé de classe et comme ils ne
peuvent ni lire ni orthographier, ils sont invariablement les derniers. Cet établis-
sement dans l’échec en fait des cancres qui se désintéressent de tout effort,
s’habituent aux remontrances après s’en être révoltés, quelquefois affectent une
altitude d’indifférence ou se taillent des succès auprès de leurs camarades en
organisant la dissipation… mais ils ne lisent pas mieux pour cela. Il est rare que
les maîtres ou les parents ne s’en soient pas émus ; on a essayé des méthodes
variées – avec un égal insuccès. Les parents sont exaspérés de tous ces échecs
dont l’élève est toujours rendu responsable jusqu’à ce que l’affaire en vienne à
une consultation du neuropsychiatre.
Et l’enfant nous arrive, exaspéré, parfois désespéré, accompagné de parents
que la consultation n’a pas calmés même si elle leur a permis d’entrevoir les faits
de manière toute différente ; une seule chose les apaisera : la réussite.
La possibilité de celle-ci doit être rapidement rendue évidente. Voici une
bonne manière de s’y prendre.

Attitude psychologique
Si la rééducation est individuelle, s’il est possible de garder ù la leçon l’enfant
et la mère, dire à celle-ci d’écouter et de regarder en se taisant et sans se permettre
de manifestation d’aucune sorte. Dire à l’enfant qu’on n’a pas su jusqu’ici tenir
compte de ses difficultés et qu’il va désormais comprendre et réussir.
Ceci fait, en tenant compte de la courte science de l’enfant et de ses igno-
rances, lui appliquer ce qui dans la méthode pourra être assimilé tout de suite,
car il importe que chaque leçon se termine par des acquisitions nouvelles, même
peu nombreuses.

71
Langage oral et écrit

Ici, comme il ne s’agit plus que de cas d’espèce et qu’il est beaucoup plus
difficile d’enseigner à qui a longuement tenté d’apprendre qu’à celui qui n’a
jamais appris, nous pensons qu’il sera plus instructif de donner un exemple.
Nous le choisissons réel. X est un garçon de 10 ans de milieu simple ; il a triplé
une préparatoire (6-7-8 ans) et redouble un cours élémentaire 1re année dont il a
accompli un an et un trimestre.
Il sait lire o, i, a, u, papa, maman, pipe, et auto, et rien de plus. La mère,
ulcérée, accuse le fils de ne pas vouloir apprendre : « Il n’est bon qu’à balayer les
rues ; ce n’est pourtant pas faute d’avoir essayé, son père et moi… même qu’il a
reçu pas mal de raclées, mais ça ne fait que le buter », etc.
Après le petit discours d’usage, je mets l’enfant près de moi et découpe pour
lui les cartons où j’écris devant lui, pour lui, en rouge

et sous d’autres cartons on écrira en bleu

–– Quelle est la petite lettre que j’ai écrite dans le coin en haut des trois
lettres ?
–– O.
–– Ça veut dire que ces trois lettres signifient O ; regarde ce carton où sont
seulement les trois lettres (carton 3) il faut lire tout ça O. Regarde, j’ai écrit
le nom derrière le carton (3 verso).
Alors on dispose verticalement les cartons

72
Lecture

Et on demandera de montrer les sons i, é, o, a, u, à plusieurs reprises mais


chaque fois, cette vérification sera faite dans un autre ordre.
S’il y a quelque hésitation à montrer pour O on dit à l’enfant de
retourner le carton pour vérifier le son. On ajoutera que ce son, quelle que soit la
manière dont il sera écrit – car il y en aura d’autres – sera toujours représenté par
le même geste symbolique (cf. Méthode de lecture, Atlas, p. 83).
On dispose ensuite les cartons des consonnes v, m, r, s verticalement en
cachant ou en enlevant les voyelles. Et on dit à l’enfant d’imaginer quelle lettre
représente le geste qu’on va faire.
Geste du v (Atlas, p. 93) on prononce en même temps en le prolongeant
V réduit évidemment au seul bruit de la consonne ; on ne dira donc ni vé ni vœ.
La seule lettre correspondant à cette forme étant v, l’enfant ne peut guère
manquer de la découvrir. S’il n’y parvient pas, on la lui désigne.
Geste de m (Atlas, p. 97), on prolonge le bruit caractéristique pendant qu’on
tient, bien visiblement pour l’enfant, les doigts placés dans la position de m. Ne
prononcer ni ème, ni me, bien entendu.
Geste de s (Atlas, p. 94) mêmes précautions que précédemment.
Geste de r (Atlas, p. 104), ici bien faire sentir à l’enfant, sur lui-même et sur
soi, les trémulations caractéristiques. Ne pas sonoriser la consonne, lui conserver
le caractère qu’elle a, par exemple, dans fenêtre où e est tout à fait muet et insis-
ter sur ce qui, dans cette lettre, rappelle le geste du doigt sur la gorge. Ne pas
mettre le doigt sur le larynx.
On demande ensuite à X de désigner la lettre qu’on prononcera, pour l’instant,
accompagnée du geste représentatif.
Quand il n’y a plus d’erreur tant pour les voyelles que pour les consonnes,
on dispose celles-ci en colonne verticale à gauche et, à quelques centimètres de
distance, les voyelles dans une disposition comme celle-ci :

v i
s eau
r a
m u

73
Langage oral et écrit

On prononce par exemple m……..eau avec le geste d’évocation pour m, que X


doit montrer et dont il avancera le carton au milieu de l’espace libre.
Ceci fait, le maître prononce enfin o accompagné du geste symbolique. X, à ce
moment, rapproche eau de m

v i
s meau .
r a
. u
On groupera de même r…….eau, s…….u, v…….eau, r…….u, s…….i, etc. dans
un ordre imprévisible pour l’enfant et au besoin en changeant la position des
graphies dans chaque colonne. Puis on supprime le geste d’évocation et on
prononce plus vite, dans la mesure du possible, les phonèmes à assembler en
syllabe.
On remarquera qu’il ne sera jamais, dans les premières leçons, demandé à
l’élève de prononcer lui-même le son de la syllabe : il ne peut et ne doit s’agir que
d’en reconnaître les éléments.

Autre leçon
On sait que les dyslexiques ont de la peine à isoler les sons des phonèmes
de leurs associations. Il faudra donc, dès le début, préparer une feuille de papier
présentant par exemple la disposition ci-dessous :

a fa f s i oi
soi si v o vo u
s su ch cha chi a
rou r ou m mou…

74
Lecture

Puis, pour que le sujet ne puisse retenir la place


d’aucun son ou d’aucune syllabe, on lui insère dans la
fenêtre d’un cache l’élément qu’il doit lire. S’il n’en est
qu’à reconnaître les sons, le maître dira par exemple v
et l’élève doit le retrouver et le mettre dans la fenêtre
du cache puis vo…….o, etc.

Autre dispositif
L’enfant sait retrouver les éléments constitutifs de la syllabe mais trop lente-
ment. On disposera les graphies de la manière suivante :

Dans le premier dispositif, on fait varier surtout les consonnes et dans le


deuxième surtout les voyelles. On exerce ainsi isolément ces éléments dont la
difficulté d’apprentissage n’est pas égale. Quand la reconnaissance des éléments
à assembler est rapide et sans hésitation, on entraîne l’enfant à les prononcer
lui-même. On lui indique alors une lettre, par exemple s. Quand il la prononce on
indique rapidement la voyelle qu’il doit aussitôt nommer. Il ne faut pas que les

75
Langage oral et écrit

deux sons soient prononcés isolément mais assemblés, c’est-à-dire que le siffle-
ment de l’s devra être émis jusqu’à l’apparition de la voyelle assemblée.
C’est pourquoi, dans les premières leçons, il ne faut jamais former de syllabes
avec des consonnes instantanées comme p, t, b, d, k, parce qu’on ne peut pas les
faire durer et l’élève n’a pas le temps de les identifier. Le temps de réaction des
dyslexiques dans la discrimination des phonèmes est extrêmement lent, il ne faut
pas l’oublier.

Remarques très importantes


1. Il est bon, pour mieux fixer les éléments lus, de faire faire des dictées de sons
servant de révision aux graphies déjà apprises, même si on les croit bien sues car il
ne faut pas laisser l’élève les oublier. Mais à cette occasion on se servira au début
des cartons où les voyelles sont groupées par son : ain, œu, ai, an, em… etc., sans
que l’élève ait à les reconstituer lettre à lettre : il n’en est pas capable. Et à cette
occasion on ne lui laissera jamais saisir le carton du deuxième son avant celui du
premier, etc. Soit la syllabe flou : l’enfant doit saisir et poser d’abord le carton de f
puis celui de l, puis celui de ou. Si l’enfant a des troubles d’orientation importants,
on lui fera assembler les cartons sur une règle plate percée d’un trou à gauche et il
devra disposer les cartons ou les lettres à partir de ce trou.

2. La largeur des cartons doit être en proportion du nombre de lettres impri-


mées dessus et il ne doit pas y avoir des intervalles vides trop larges à droite et
à gauche : le mot reconstitué avec des lettres mobiles doit en effet conserver sa
physionomie de mot imprimé et non l’aspect que donneraient des cartons égaux.
Exemple :

3. Les syllabes inverses. Nous ne présentons pas en même temps le dispositif


syllabique fou et ouf, la et al, par exemple, car il ne faut pas compliquer inutile-
ment le début. D’autant plus qu’en français la consonne en position finale dans la
syllabe est généralement muette : drap, tabac, almanach, nœud,saut, banc, doux,
etc. ; pour qu’elle soit entendue il faut un e muet : poche, cravate, côte, lance,
lampe, etc. Certaines seulement se prononcent, l par exemple : bol, fil, cal, etc.,

76
Lecture

encore pas sans exception (fusil, persil). La consonne r se prononce en finale. S’il y
a un e avant, nouvelle difficulté (ver, fer, mais boucher, soulier, bûcher, etc.). Dans
les verbes en er on prononce er (é) dans la dernière syllabe et er dans le corps du
mot (chercher). Aussi faut-il attendre pour enseigner ces faits.
Supposons sues les graphies et bien connu le mécanisme de leur assemblage,
tant dans l’évocation que dans la reconnaissance. On serait tenté de dire que
l’enfant sait lire. Mais entre le moment où le sujet sait lire et le moment où il lit
– tout simplement – il y a encore une distance importante et il ne faut pas s’en
remettre au hasard pour la franchir.
Il reste encore à acquérir la rapidité de la lecture courante qui en général vient
seule : il n’en est jamais ainsi chez les dyslexiques. Tout doit être gagné pied
à pied.

Accélération de la « prise de vue »


On peut remarquer chez le dyslexique les faits suivants : il semble toujours
déchiffrer un texte allant comme à la découverte de chaque mot, ce qui fait dispa-
raître tout rythme de phrase et parfois le sens même. Or, si vous introduisez les
mots dans la fenêtre d’un cache, vous constatez que la lecture en est à la fois
plus rapide et plus exacte. La technique est délicate et demande de l’habitude,
car la fenêtre doit rester « ouverte)) un temps juste suffisant pour que le regard
ait embrassé la totalité du mot. On masque la fenêtre et c’est alors seulement que
se produit la lecture mentale et l’intégration du sens.
Si quelque faute de lecture s’est produite, on la fait constater en glissant le
cache pour ne laisser dans la fenêtre que la partie erronée ; par exemple le mot

ayant été lu « soritège » on disposera une deuxième fois la fenêtre de la


manière suivante

avant de redécouvrir la totalité du mot.


Les mots courts (des, que, qu’il, ne, en, le, etc.) seront laissés à la vue un temps
extrêmement bref. À mesure que le sujet deviendra plus habile, on introduira plus
d’éléments dans la fenêtre, jusqu’à concurrence d’une courte rhèse, c’est-à-dire
d’une suite de mots ayant, de par leur groupement, une signification suffisante.

77
Langage oral et écrit

Par exemple la phrase ci-après, lue avec cette technique, serait introduite dans la
fenêtre avec les coupes suivantes (coupe facultative | ; coupe obligatoire || :

I
on introduira plus d’éléments dans la fenêtre, I
I
jusqu’à concurrence d’une courte rhèse, c’est- I
à-dire d’une suite de mots ayant de par leur II
I
groupement, une signification suffisante. etc. I
On voit qu’il ne s’agit pas de la règle habituelle : s’arrêter au :c points et aux
virgules, mais d’une sorte d’analyse immédiate des mots à réunir en vue d’une
lecture intelligible.
La ponctuation devra aussi être objet d’étude. D’abord on habituera l’enfant
à la regarder et à en tenir compte dans l’intonation. On ne lira pas de la même
manière :
...le chat. …le chat, ...le chat ?
De même on demandera à l’enfant de dire quel signe est à droite de la fenêtre
et s’il y en a ou pas. Ceci l’entraîne à porter le regard jusqu’au bout de la ligne et
à utiliser ces mêmes signes en écrivant.

Compréhension du texte
Il ne s’agira plus cette fois de répéter exactement le mot ou la phrase qui
viennent d’être lus mais de résumer l’idée ou le fait en termes autres : ceux
que l’enfant aurait lui-même employés. On en profitera pour habituer le sujet
à chercher le sens de ce qu’il vient de lire et à enchaîner les idées. Beaucoup
d’enfants en sont longtemps incapables parce qu’on a négligé de les rompre à
cette gymnastique pourtant si simple et contre laquelle va trop souvent l’école

78
Lecture

avec son obligation du « par cœur ». On fera chercher dans une anecdote ce qui
venait avant tel fait et ce qui viendra après, et pourquoi cet ordre est irréversible.
C’est dans de tels exercices que l’enfant maîtrisera la lecture et y prendra goût.
Pour ne pas le lasser et ne lui demander que l’effort dont il est capable à ce
moment-là, on lui lira au besoin un passage attrayant d’un petit livre à sa portée.
On lui résumera un paragraphe qui se déroule trop lentement et lasse l’intérêt. Il
lira plus facilement ce qui a été « amorcé ».
Enfin, on ne devra jamais oublier que nos dyslexiques ne sont plus de petits
enfants et que les histoires bébêtes de Lili et Toto ramassant les escargots ou
Martine et Jean cueillant des fleurs à leur maman, etc. ne sont plus de leur âge.
Le secret des Tintins, par exemple, est dans l’utilisation des événements de notre
époque racontés en termes simples : Comment Tintin et Milou ont contacté la
lune, etc., ce qui d’ailleurs n’exclut pas la fantaisie.
La partie n’est gagnée que si l’enfant a pris goût à la lecture, c’est-à-dire si de
lui-même il prend un livre – et non un illustré – et s’intéresse à ce qu’il y a dedans.
Le temps qu’il faut consacrer à la récupération d’un dyslexique est variable.
Il s’agit en général de plusieurs mois – parfois de quelques semaines – car on a
affaire à un esprit plus mûr et une fois convaincu que la lecture peut se comprendre
et qu’on peut y parvenir en se servant avec bonne volonté des moyens proposés,
l’enfant alors va très vite.
Pourtant il y a des cas rebelles et pour lesquels il faudra savoir détourner l’esprit
du sujet de la durée du chemin à parcourir. Là, il faudra être particulièrement
attentif à ne pas décourager, à montrer tout le côté positif et solide des
acquisitions faites, attentif à doser les efforts. Il y a des phrases redoutables à ne
jamais prononcer : On va repartir à zéro. Tu as tout oublié. Tu n’y comprends rien.
Tu le fais exprès… etc.
Personnellement je n’ai jamais vu d’échec, pour peu qu’on soit secondé par
la mère. À moins que celle-ci ne soit elle-même analphabète ou trop occupée
pour assister aux leçons, elle s’y applique de tout son pouvoir, trop heureuse de
réparer ainsi « son injustice et le temps des claques ». L’aide de la mère permet
en effet de gagner beaucoup de temps en des rééducations que les conditions
hospitalières réduisent souvent à trois ou deux séances par semaine, si ce n’est
moins encore. Le mieux serait encore un bref effort quotidien d’une demi-heure,
par exemple. Les enfants dyslexiques ont habituellement de grandes difficultés à
faire attention. Or une telle méthode en demande constamment. C’est pourquoi
on ne devra exiger des sujets à qui on l’applique que des efforts relativement
brefs.

79
Langage oral et écrit

Atlas des gestes de la méthode de lecture


« L’alphabet, voyelles et consonnes…
la clé de la lecture. »
Pearl Buck

Nous avons constaté qu’il est malaisé de se représenter un geste ou une atti-
tude sur une simple description. Il s’introduit des variantes souvent préjudiciables
dans l’exécution d’un mouvement représentatif, même chez les rééducatrices
qui n’ont pas compris toute l’importance significative du moindre détail. A plus
forte raison, les parents qui ne sauraient être familiarisés avec notre méthode ont
tendance à modifier ou même à oublier ces gestes symboliques. C’est pourquoi
nous avons fait des dessins. On devra y recourir dès la moindre incertitude.
Brèves instructions complémentaires. Chacun des sons figurés ici sera étudié
à part sous un triple aspect : sa sonorité éclatante (voyelles) ou à peine sensible
(consonnes) ; – une représentation gestuelle mnémotechnique déterminée ; – la
forme graphique de son orthographe phonétique.
Lorsque le son comporte, bien que donné par une seule émission de voix,
une association de consonnes et de voyelles (ou syllabe), cette association sera
présentée par les gestes correspondant à son orthographe phonétique. Ils seront
figurés dans l’ordre de leur énonciation el dans le sens où l’enfant doit les lire. II
en sera ainsi notamment dans le cas de syllabes complexes comportant plusieurs
sons ou bruits.
Le maître prononce le son en même temps qu’il écrit et qu’il montre la ou les
lettres qui lui correspondent. Il le reprend en l’accompagnant du geste qui lui est
propre.
L’élève montre la lettre étudiée, quelquefois on lui demande de la tracer aussi.
Au début de l’apprentissage il imite et reproduit lui-même les gestes figuratifs,
seule garantie qu’on ait qu’il les a bien assimilés. Mais sauf dans les cas de
dyslexie grave, il doit abandonner l’exécution de ces gestes et ne s’en servir que
pour l’apprentissage des graphies. Des exercices permettront d’obtenir l’évoca-
tion et la reconnaissance des phonèmes et des syllabes à la vue du geste seul, du
geste associé aux sons ou du son seulement.
Mais répétons surtout, une fois de plus, qu’une technique ne s’apprend vrai-
ment qu’en voyant opérer son auteur. Les figures qui suivent ne doivent servir que
de rappels pour la mémoire, surtout si l’on a en plus pris quelques notes sur les
remarques qu’on a pu faire en assistant à une démonstration. Faute de cela, peu
à peu et inconsciemment, les manières de faire risquent de s’altérer.

80
Lecture

Figure 2 : a
Ouvrir la main droite et la présenter paume face aux élèves
en tenant le bras levé à hauteur de la tête.

81
Langage oral et écrit

Figure 3 : an
Cette voyelle nasale correspond à la voyelle orale a. Elle s’indique en portant la main sur le nez
pendant qu’on fait entendre de façon bien accentuée le timbre nasal.

82
Lecture

Figure 4 : œ (en haut) et o (en bas)


Se tenir dans la position indiquée pour que les élèves voient l’attitude de la main
comme le représente la figure de chaque lettre.

83
Langage oral et écrit

Figure 5 : on
Cette voyelle étant la nasale de osera présentée en transportant la main dans la position de o
au contact du nez. On étendra les doigts pour dégager l’image du cercle formé par l’arrondissement
du pouce et de l’index.
Remarque : Les deux autres nasales in et un non figurées ici ont respectivement pour geste celui de i
et celui de œ (voyelle correspondant au timbre de un) portés au contact du nez.

84
Lecture

Figure 6 : é
L’accent aigu accompagnant la voyelle é est représenté par la main portée en avant.

85
Langage oral et écrit

Figure 7 : è
L’accent grave est symbolisé par la main placée en arrière, la tête étant un peu relevée.

86
Lecture

Figure 8 : u
Position simple que l’élève doit voir comme le représente cette figure.

87
Langage oral et écrit

Figure 9 : i
Position simple que l’élève doit voir comme le représente cette figure.

88
Lecture

89
Figure 10 : ou
Ici, bien que le son soit unique, le geste se fera lentement et en trois temps, la première position rappelant la présence du « o » dans le graphisme ;
la seconde, celle du son ou prolongé pendant que les doigts passent en position deux et qu’on étend le bras ;
la troisième attitude de la main doit rappeler la présence de la voyelle « u » figurant dans le graphisme du son ou.
Langage oral et écrit

Figure 11 : oi
Ici encore un geste en deux temps figurant, dans le rythme de l’aboiement du chien,
à la fois le geste d’ouverture brusque de la gueule (main fermée puis ouverte) et le passage
du son premier entendu – qui est voisin de ou – au son éclatant et beaucoup plus intense qui caractérise
la fin de cette diphtongue. Celui-ci, étant une sorte d’a, est figuré par l’ouverture de la main.
L’impression auditive doit être celle d’une monosyllabe.

90
Lecture

Figure 12 : oin
Cette voyelle complexe commençant par un son voisin de ou pour finir par un son nasal clair équivalent
à in doit être présentée cependant comme un son monosyllabique symbolisé par le geste rapide
du claquement de bec d’un canard, répété deux ou trois fois s’il en est besoin.
L’image représente ici le bec « fermé » – puis ouvert – puis refermé. Il faut veiller à ce que l’élève lise
oin globalement, et éviter qu’il n’isole o de in ou oi de n, ce qui rendrait la graphie « oin » inintelligible.

91
Langage oral et écrit

Figure 13 : f
On porte le bras du milieu du corps vers l’extérieur en faisant entendre le bruit du souffle
caractéristique de ce phonème.

92
Lecture

Figure 14 : v
Les mains sont mises dans l’attitude qui rappelle la forme de la lettre.
Au besoin on portera les mains ainsi placées sur la lettre pour faire saisir l’analogie de la forme,
et on rappellera la présence des vibrations en dirigeant un des pouces sur le larynx et en faisant
un schéma qui évoquera l’existence des vibrations laryngées.

93
Langage oral et écrit

Figure 15 : s et z
Ces deux gestes qui symbolisent s et z : ont une grande analogie comme les sons eux-mêmes,
et les mouvements qui les représentent en rappellent la parenté. Ils diffèrent cependant par le rythme
et par l’amplitude du geste.
s s’accomplit, pendant toute la durée du sifflement caractéristique du bruit de cette lettre,
par un déplacement lent du bras selon le trait pointillé de la figure. Pour les petits enfants, on dira que
c’est un serpent qui siffle et la lettre elle-même portera son œil, c’est-à-dire un point à la tête.
La main aura l’index tendu comme pour mieux dessiner la lettre dans l’espace.
Pour z, le mouvement de la main se fait comme l’indique le trait plein. Le geste est rapide,
et le bruit doit rappeler autant que possible celui d’un moustique en plein vol. Le son produit,
à la fois soufflé et sonore, évoque les vibrations du larynx (cf. schémas p. 92 et 93).

94
Lecture

Figure 16 : ch
Ces deux lettres présentées ensemble seront figurées par l’attitude que représente l’image. On fera constater
l’analogie de forme – par un simple geste – entre le c et la courbe de la ligne allant du pouce à l’index.
L’attitude devra être conservée pendant tout le temps qu’on fera entendre le bruit de souffle caractéristique.
Le schéma rappelant qu’il s’agit d’une constrictive sourde sera celui de la p. 92.

95
Langage oral et écrit

Figure 17 : j
Le geste de cette lettre est simple et en représente la forme. Comme pour v et par les mêmes procédés,
on rappellera l’existence des vibrations laryngées. Cf schéma p. 93.

96
Lecture

Figure 18 : m (en haut) et n (en bas)


La première lettre sera figurée en posant sur un plan horizontal les trois doigts figurant bien visiblement
la forme de l’m. Pendant ce temps on gardera les lèvres serrées en faisant entendre le grondement laryngé
caractéristique de la tenue de la consonne. On cessera de serrer les lèvres et de faire entendre le bruit
au moment même où on cessera d’appuyer les doigts. On devra faire très attention pour que, à l’ouverture
des lèvres, ne se produise que très légèrement le petit son de voyelle voisin de œ impossible à annuler
si les vibrations ne s’éteignent pas avant le desserrement des lèvres.
Mêmes remarques pour n, mais deux doigts chevauchant le nez figureront la lettre.

97
Langage oral et écrit

Figure 19 : gn
La nasalité de ce son sera rappelée en plaçant sur le nez l’index qu’on fera en quelque sorte glisser d’un côté
du nez sur l’autre par un déplacement de la main suivant la direction des flèches.

98
Lecture

Figure 20 : p
La main fermée sera ouverte brusquement comme l’indiquent les flèches. Pendant la fermeture de la main
les lèvres seront pressées l’une contre l’autre. À l’ouverture, qui devra pour la main et la bouche être
simultanée, on évitera de faire entendre un son de voyelle : le larynx devra rester absolument insonore.
On tiendra l’avant-bras levé figurant la hampe de la lettre tandis que le poing fermé figurera le corps
de cette même lettre.

Schéma de la tenue de la consonne et de son explosion.

99
Langage oral et écrit

Figure 21 : b (ensemble et détail)


Le symbole de cette lettre devra rendre compte du son ainsi que de la forme,
et attirer l’attention sur la situation du corps de la lettre par rapport à la hampe.
Pour le son, pendant que les lèvres seront fermées, on fera entendre des vibrations laryngées
aussi intenses qu’on pourra les produire en cavité fermée. En effet le relèvement du voile
du palais ne permet pas l’écoulement de l’air.
À l’ouverture des lèvres on réduira au maximum le léger son de voyelle qui ne peut manquer de se produire.
La forme sera figurée par la main se fermant à demi pendant que le bras se déplace de l’extérieur vers l’axe
du sujet. L’ouverture de la main coïncidera avec l’explosion du b. La main sera placée bien nettement en bas,
presque au niveau du ventre, pour rappeler que le corps de la lettre est situé au bas de la hampe. Cette situa-
tion est d’autant mieux sentie que l’enfant reproduit le geste, comme pour toutes les autres lettres d’ailleurs.
Schéma de la tenue sonore de ce phonème et de son explosion.

100
Lecture

Figure 22 : t (en haut) et d (en bas)


L’analogie de ces deux phonèmes, identiques par la position de la langue, sera marquée par une attitude
identique des doigts : pour t la pointe de l’index se rapprochant puis s’éloignant du pouce en un geste
de pincement et de détente, sera même portée sur la barre dut comme pour le saisir. Le mouvement aidera
à en rappeler la présence ; pour d le pouce et l’index feront les mêmes mouvements mais la main gauche
sera mise au dos. On ne saurait en effet prendre trop de précautions pour que les enfants retiennent la place
du corps de la lettre par rapport à la hampe dans les lettres p, b, d. On rappellera en outre par le schéma
habituel que le d est vibrant pendant sa tenue, tandis que t est sourd. Cf. p. 99 et 100.

101
Langage oral et écrit

Figure 23 : k
La consonne k est représentative d’un bruit dont on ne peut pas voir l’exécution.
Aussi est-il fréquemment déformé ou absent chez les enfants ayant des troubles de prononciation.
Le geste qui le figure aura donc pour rôle de suggérer la position de la langue et d’en rappeler
le mouvement préalablement appris : contact du dos de la langue avec la voûte du palais. La cessation
du contact produit l’explosion caractéristique de la consonne. L’index droit s’avance donc vers l’orifice
de la bouche entrouverte au moment où l’on fait entendre l’explosion du k. L’expression symbolique
est celle du schéma p. 99.

102
Lecture

Figure 24 : g
Cette consonne étant l’équivalent sonore du son k s’en distingue pendant sa tenue par l’émission
de vibrations laryngées que le schéma rappellera. Le geste de la main reproduira, grosso modo,
celui du k, mais le pouce se dirigera vers le larynx pour évoquer les vibrations. Le schéma est celui
d’une occlusive sonore, cf. p. 100.

103
Langage oral et écrit

Figure 25 : r
Le symbole de cette lettre est simple. Il a pour but de rapprocher le phonème correspondant
dont l’exécution est invisible mais dont les trémulations se sentent en touchant du doigt le cou
à l’endroit indiqué par la figure.

104
Lecture

Figure 26 : l
Le mouvement de l’index tendu en haut vers la pointe de la langue relevée rappelle à la fois
la position de la langue et la forme de la lettre.

105
Langage oral et écrit

Figure 27 : y = ill
La lettre y correspondant au son de la graphie ille et il dans « il travaille », « de l’émail » sera évoquée
par un geste de la main, doigt tendu, rappelant l’émission du souffle caractéristique du bruit
de cette consonne (crayon, krè yõ).

106
Deuxième partie

Orthographe
Préambule

D ans l’obligation, depuis bientôt trente ans, de trouver pour les enfants atteints
de troubles du langage des méthodes pour les amener à la parole, puis à la
lecture et enfin à écrire ce qu’ils pouvaient désormais exprimer et comprendre
exprimer, j’ai été aussi dans l’obligation de les faire orthographier.
La tâche n’a pas toujours été simple car les mêmes lacunes qui les avaient
gênés pour parler les gênaient maintenant pour écrire. En tout cas, ils n’y parve-
naient pas par les méthodes usuelles : témoin leurs échecs scolaires.
Il a donc fallu trouver des procédés, des manières les atteignant mieux, d’ex-
poser les faits ; il a fallu surtout se passer le plus possible du langage pour se faire
comprendre. C’est eux-mêmes souvent qui devaient déduire de ce qu’ils voyaient
les règles à dégager car l’expression habituelle et trop abstraite de celles-ci ne
pouvait venir qu’après. De plus l’ignorance des formes correctes du parler et dans
tous les cas celle des infrastructures du langage (relatives au temps, à l’espace,
à l’individualité des mots surtout · abstraits, en genre, en nombre, etc.) venaient
compliquer le travail. Aussi l’apparition subite, dans nos consultations de neuro-
psychiatrie et de pédo-pédagogie infantile, d’une cohorte de « dysorthogra-
phiques » ne nous a-t-elle pas laissée sans armes, car ces derniers venus avaient
en commun avec nos « cas » bien connus des ignorances et des lacunes que nous
savions déjà aborder.
Des articles avaient jalonné la route du réapprentissage, notamment dans le
Bulletin de la Société Binet1.
Ils ont été amalgamés avec de plus récents2. Nos anciens lecteurs reconnaî-
tront les pièces d’Arlequin rajustées au mieux et constituant, nous l’espérons du
moins, une véritable méthode à utiliser pour tous.

1. S. Borel-Maisonny, « Les fautes d’orthographe. Tests propres à en discerner l’origine », 1946, n° 374.
2. S. Borel-Maisonny, « De la pensée à l’orthographe », n° 417, 420, 421, 423

109
1
Les fautes d’orthographe
Tests propres à en discerner l’origine

C ette étude a été composée pour répondre aux besoins d’une consultation de
neuro-psychiatrie. Il arrive souvent, en effet, que des enfants y soient présen-
tés pour un mauvais travail scolaire et, notamment, une orthographe invraisem-
blable, sans que le niveau mental ni une carence pédagogique puissent expliquer
un pareil état de choses.
On doit s’efforcer de trouver pourquoi, avec les moyens donnés à tous – et qui
suffisent d’ordinaire – un sujet a pu arriver à prendre l’orthographe pour un rébus
et à considérer l’exécution correcte d’une dictée comme la réussite à un jeu de
hasard.
Nous voulons indiquer ici comment l’examen de quelques phrases mal ortho-
graphiées par des enfants de niveau scolaire et d’âge mental différents, permet
un classement des fautes et légitime l’emploi d’épreuves spéciales pour en
contrôler l’origine.

Texte des phrases et commentaire des fautes I


Dans un premier groupe de phrases nous voyons des erreurs grossières qui
gênent la compréhension de la phrase prononcée à voix basse.
Voici la première :

I. a. Le peti chefa i la nonje lebre = Le petit cheval a mangé l’herbe


Commentaire : peti pour petit. Banale faute s’expliquant à la fois par un défaut
de mémoire visuelle, car ce mot est un des plus lus et copiés dans les livres
d’enfants, et par une étourderie de l’auteur. Celui-ci n’est pas sans savoir que
petit a pour féminin petite. Dès l’apprentissage de la lecture, l’enfant est habitué
à penser un adjectif dans sa forme masculin féminin.
Chefa = cheval. L’erreur est d’un autre ordre. Elle montre deux choses :
1. que l’enfant confond les consonnes v et f ; si cette confusion se reproduit,
on aura le droit de soupçonner chez lui un trouble auditif ;
2. que I’l final, omis, n’est pas perçu. Et ceci peut être fonction d’un trouble
auditif, mais, plus probablement, d’un retard de parole.

111
Langage oral et écrit

I la nonjé = (il) a mangé. Il y a ici quatre erreurs.


La dernière, jé pour gé, est une banale faute d’orthographe.
Non pour man montre que les voyelles nasales on et an sont confondues
(autre trouble de perception auditive). La substitution de n à m est plus inquié-
tante : ou bien il s’agit d’un défaut d’articulation ; l’enfant écrit n parce qu’il
prononce n pour m ; ou bien il fait des fautes de lecture et n’a pas une notion
certaine du nombre de jambages qui distingue ces deux lettres.
I la pour a est plus sérieux. Il y a ici une trace indiscutable d’un retard de la
parole. L’enfant est au stade où l’énonciation du nom sujet ne suffit pas ; la juxta-
position du pronom est de règle dans son langage. Par exemple : « Il est pa(r)
ti papa… Maman elle veut pas me donner ma culotte neuve ». De plus le sujet
ne conçoit pas que l’l résulte de la liaison il a. L’auxiliaire avoir n’est pas encore
assimilé.
Lèbre = l’herbe. Il y a ici trois fautes :
1. L’une est banale : l’oubli ou l’ignorance de l’h.
2. La liaison, dans le même mot, de l’article élidé et du nom correspond aux
fautes de langage du type : le nours, le petinours, le nangora, le tangara (le
petit angora, c’est un angora).
3. Ebre pour herbe est la preuve que l’enfant, dans sa parole, déplace certaines
consonnes dont il perçoit le son mais non la succession dans le temps (Cf. :
la bourette = la brouette, le pestak pour le spectacle).
Dans cette phrase, les fautes sont de plusieurs ordres et peuvent être classées
ainsi :
1. Erreurs visuelles ou simples ignorances sans signification particulière.
2. Confusions d’ordre auditif.
3. Fautes signalant un défaut d’articulation.
4. Erreurs plus graves trahissant un trouble plus profond du langage.

I. b. Ojoudi la maman a kicoté un pulo ver = Aujourd’hui la maman a tricoté


un pull-over
Nous procéderons comme pour la phrase précédente.
Ojoudi :
1. o = au. Faute banale d’ordre visuel.
2. jou = jou(r). Omission d’un r non prononcé devant consonne.
3. di = d’hui. Ignorance ou bien oubli de l’aspect graphique du mot et repro-
duction du mot parlé où, dans la diphtongue ui, l’enfant n’a entendu que la
voyelle la plus caractérisée i.

112
Orthographe

Kicoté = tricoté. Ki pour tri. Le groupe tri, mal perçu, est reproduit comme il est
entendu. L’enfant sait peut-être que ci ferait si et il choisit la consonne k.
Pulo ver = pull-over. Est explicable par la non-assimilation de ce mot d’origine
étrangère. Un pulo = un tricot, un paletot, un manteau qui est peut-être vert. Ver
aurait pu, avec un peu de chance, être écrit vert.
Les fautes de cette phrase mettent en évidence :
1. Un trouble d’articulation.
2. Un retard de parole portant sur le vocabulaire. L’introduction d’un terme
étranger dans la langue maternelle a révélé un système d’assimilation et la
connaissance intuitive de certaines règles de langage déjà constituées dans
l’esprit de l’enfant.
Ce sujet est certainement moins atteint dans sa parole que le précédent.

I. c. Les cha on la ce minse il sont les yeux chone = Les chats ont la queue
mince ; ils ont les yeux jaunes
Voici le commentaire des fautes :
Cha = chats. Oubli ou ignorance de la règle chatte chat ; oubli ou ignorance
de la règle du pluriel.
On = ont. Ignorance de l’aspect graphique du verbe avoir ou confusion de
l’auxiliaire et du pronom on.
Ce pour queue signale une lecture incertaine, l’enfant devant savoir que
ce = se, depuis assez longtemps pour ne plus pouvoir, même en cas d’oubli de
la forme du mot, se contenter de cette graphie. Mauvaise mémoire visuelle, car
le mot queue a sûrement été rencontré bien des fois au cours de l’apprentissage
de la lecture.
Minse = mince. Banale faute d’orthographe. Il n’y a pas de raison pour l’enfant
de préférer c à s.
Ils sont = ils ont. Confusion du verbe avoir et du verbe être. Inattention au son
exact (ilzõ) ou incapacité de le traduire.
Chone = jaune. Il y a ici trois fautes. L’une marque une confusion d’ordre
auditif : ch pour j. L’autre, remplacement de au par o, est une faute d’orthographe
banale. La troisième est une faute d’accord ayant pour cause l’oubli ou l’igno-
rance de la règle d’accord des adjectifs, à moins que l’attention apportée au reste
(ch portant trace de rature) n’ait gêné l’enfant dans la maintenance de son idée
de pluralité.
En résumé il y a ici :
–– des fautes d’orthographe banales,
–– des fautes de perception auditive et d’articulation,

113
Langage oral et écrit

–– des fautes de mémoire visuelle,


–– des fautes d’accord liées à l’insuffisance linguistique,
–– peut-être des fautes d’inattention.

Texte des phrases et commentaire des fautes II, III, IV


Les groupes de phrases suivants (II, III, IV) correspondent à des âges et des
niveaux pédagogiques de plus en plus élevés. Néanmoins les fautes commises
témoignent chez les élèves d’une inaptitude exceptionnelle à l’orthographe.
Nous les commenterons sommairement en procédant comme pour celles du
groupe I.

II. a. Les poules manges le blé dans les terrins pilléreux


Manges pour mangent témoigne d’une insuffisance des notions catégorielles,
substantive et verbale, chez l’enfant. Qu’on ne crie pas à l’étourderie ; s’il a besoin
de réfléchir mûrement à chaque pluriel pour savoir que ce pluriel affecte un nom
ou un verbe, c’est la preuve que la perception de ces catégories grammaticales
n’est ni immédiate, ni intuitive.
Terrins pour terrains : faute banale.
Pilléreux pour pierreux montre un effort d’attention au son et non pas au sens.
Il est fort probable que l’élève n’a pas perçu le rapport de pierreux à pierre.

II. b. Le petit Poussé a des cayou blan, il les sèment sur le chemin
Poussé pour Poucet : ignorance du rapport de sens entre pouce et poucet,
à moins qu’il ne s’agisse d’une faute introduite par la fréquentation du verbe
pousser.
Cayou blan pour cailloux blancs : faute d’orthographe banale (ill remplacé
par y) et faute d’accord montrant qu’à la moindre dispersion de pensée l’enfant,
dont le reste du texte prouve la connaissance du pluriel, ne peut faire l’effort de
maintenir cette aperception en même temps que d’autres dans le champ de sa
conscience.
Sèment pour sème : ce pluriel est amené par contiguïté avec les qui renferme
une idée de nombre. L’enfant, absorbé par cette idée, perd de vue que celui qui
sème est un.

II. c. On ira demin à Sainte Omadaquin


Demin pour demain : faute banale liée à une mémoire visuelle peu fidèle, le
mot ayant certainement été lu maintes fois.

114
Orthographe

Sainte Omadaquin pour Saint Thomas d’Aquin. Nous avons ici un amusant
exemple de l’effort de compréhension et d’interprétation à quoi nous sommes
réduits quand nous n’avons d’une langue qu’une connaissance auditive. Ainsi
Maurras, dans la Musique Intérieure, raconte l’anecdote du loup Pélagneau (Le
loup et l’agneau) dont il avait imaginé le nom sur la foi d’une liaison fâcheuse que
commettait une jeune servante de sa mère.

III. a. Tu nas pas encore finie, ma fille, d’avoir des ennuis


Nas pour n’as témoigne chez l’adulte qui a écrit cette phrase d’un manque de
culture grammaticale qui ne lui permet pas d’avoir à l’esprit la négation ne pas
avec son élision devant voyelle.
Finie pour fini s’explique par la perception du féminin de fille qui s’étend par
contamination à un terme voisin qui n’y a pas droit puisque l’auxiliaire est avoir
et non pas être. La non-discrimination de ces auxiliaires est peut-être à l’origine
de cette faute.

III. b. Il ne faudra pa revenire


Pa pour pas et revenire pour revenir signalent une mauvaise mémoire visuelle
ou une très petite pratique de la lecture. La confusion entre les verbes en ir
(ancienne 2° conjugaison) et ceux en re (4° conjugaison) est une faute moins
grave que celle de pa (totalement inusité en français) pour pas.

III. c. Les enfants ne voudron plus dormire. Nous ne voudron plus manger
Voudron pour voudront et voudrons dénote que l’assimilation de la grammaire
en est restée au stade oral pour la notion de personne. Le sujet ne sait pas que
voudrons et voudront se distinguent orthographiquement.
Les phrases III, b et c émanent d’une jeune fille intelligente et cultivée de
vingt ans qui n’a appris à lire que tardivement et malaisément, alors qu’elle usait
couramment de trois langues (français, anglais et arabe) assimilées uniquement
par la voie orale.
Le groupe de phrases suivant (IV, a, b, c) a été extrait de manuscrits d’adultes
d’une intelligence et d’une culture fort au-dessus de la moyenne.

IV. a. Les moucherons sont entré sous la moustiquaire


Entré pour entrés. Il s’agit là d’une banale faute d’accord dans un texte qui en
fourmillait, ce qui exclut l’hypothèse de l’inattention.

115
Langage oral et écrit

IV. b. L’appartement de mes amis est tout à fait vide de meuble


Meuble pour meubles. Cette faute figure dans une lettre d’une personne culti-
vée et d’orthographe assez sûre. Elle ne témoigne donc que d’une inattention
passagère. Elle est une simple distraction dont l’interprétation psychologique
n’aurait d’intérêt que si le phénomène se reproduisait avec une fréquence inac-
coutumée.

IV. c. Il m’a convoqué à la gare St-Lazard


Lazard pour Lazare peut s’interpréter par une interférence entre deux schèmes
visuels : lézard et Lazare. L’auteur de cette erreur présente de nombreux exemples
de fautes de ce type qui témoignent d’une mauvaise mémoire visuelle.

Interprétation des fautes


Les confusions fréquentes portent sur les consonnes p et surtout t et k mises
l’une pour l’autre3.
La série des consonnes soufflées ch, s, j, z, f, v, y prête encore plus à confusion
car leurs bruits caractéristiques sont dans la zone de 3 000 à 8 000 ou 10 000
vibrations doubles à la seconde. Or si tout le spectre sonore n’est pas indispen-
sable à la reconnaissance de ces bruits, leur discrimination implique cependant
une acuité auditive suffisante. Au surplus l’identification de ces consonnes peut
être entravée par un défaut d’articulation – zozotement, schlintement, jouye-
ment – qui en gêne la perception.
Plus récemment, en revenant encore sur cette question de la dysorthographie
mais avec l’intention cette fois de nous attacher surtout aux remèdes, nous avons
refait une cc collection » de fautes qui nous semblaient typiques, mais tandis que
les premiers exemples (I, dans un premier groupe de phrases… et II, les groupes
de phrases suivantes… ) émanaient uniquement de nos sujets, nous avons choisi
les autres exemples chez des enfants suivant des classes normales et n’ayant pas
présenté de troubles apparents de langage.
Donnons donc encore quelques spécimens des fautes d’orthographe devant
lesquelles nous allons nous trouver.
Les élèves dont nous montrons ci-après quelques échantillons d’erreurs ortho-
graphiques appartiennent à des classes régulières des écoles et des lycées, de la

3. Lorsqu’elles sont prononcées isolément, elles ne se distinguent en effet que par un petit
bruit nommé explosion qui dure, comme le montrent les enregistrements oscillographiques (cf.:
« Oscillographie et phonétique », par S. Borel-Maisonny, in Revue scientifique, n° 3229, févr. 1944,
fascicule 2, p. 79 à 95), de 1 à 5 centièmes de seconde et varie par le contenu acoustique dans une
zone de fréquences vibratoires de 1 000 à 3 000 vds. Une erreur d’appréciation de ces sons entraine la
confusion de k et t, d’où l’altération de mots comme tatsi pour taksi, toto pour coton, etc.

116
Orthographe

10e à la 1re. Leur réussite scolaire, sur d’autres plans, est suffisante et parfois bril-
lante. Leur incapacité est limitée – mais combien ! – au domaine de l’expression
écrite. Quelques-uns ont eu des troubles de parole dans l’enfance : mais, chez les
autres, le langage parlé n’avait jamais fait soupçonner l’imprécision de la pensée,
pas plus que les lacunes multiples révélées seulement par les insuccès scolaires
dès l’apprentissage de la lecture et les premières tentatives pour reproduire par
écrit syllabes, mots et phrases.
Chaque maître ou professeur pensera sans doute qu’il possède un « bêtisier »
aussi riche que le nôtre et ne verra peut-être pas l’utilité d’en publier des exemples.
Nous le faisons pourtant pour éclairer la question et montrer que les fautes
dépendent de causes diverses et sont susceptibles d’un classement. Leur correction
implique des méthodes permettant d’agir sur le trouble même qui les provoque.
De plus certaines fautes sont des erreurs manifestes de compréhension
linguistique : des contresens et des faux-sens. J’en ai groupé un petit nombre
parmi les plus significatives ; elles se passent de commentaires. Pourtant, il arrive
que le commentaire même, s’il est fourni par l’élève, apporte une lumière bien
curieuse sur les fautes de pensée, les méta ou paralogismes qui sous-tendent
non seulement l’expression écrite – l’enfant qui commence à orthographier a droit
à l’ignorance – mais l’organisation de la pensée elle-même. Et cela à un âge où
de telles erreurs confondent. Ces fautes et les explications des élèves montrent
la profondeur du désordre ou même l’inorganisation de la pensée-langage chez
certains de nos sujets.

Fautes montrant chez leurs auteurs une méconnaissance des graphies


les plus usuelles qui peut aller jusqu’à produire des barbarismes presque
incompréhensibles
–– hobéissant (12 ans),
–– niebuste, nobuste, nimbrus (Nimbus après lecture attentive) (11 ans),
–– coman, cammaime (quand même) (10 ans),
–– tiailler, ttieiellére, téhière (théière) ; – du couniaque (cognac) (chez un
enfant de 10 ans qui dévore livres sur livres, est très doué en dessin et
exceptionnellement cultivé dans le domaine des connaissances picturales),
–– pprandre (prendre) (10 ans),
–– lejjer (léger) (11 ans),
–– poushière (poussière) (13 ans),
–– les prais salets (prés salés) (12 ans),
–– l’accalmit de lorage (13 ans),
–– une table en acajoue (13 ans),
–– entrail (entrailles) (14 ans),

117
Langage oral et écrit

–– les représentations teatrhales (14 ans),


–– fothographies (19 ans).
Deux des sujets ci-dessus ont eu du retard de parole. Un de ces garçons de
10 ans, rédigeant un devoir de catéchisme, a écrit : « Dieu a prouvé sa puissance
en accomplissant des confettis (= des prophéties). »

Fautes portant sur la reconnaissance des lettres, leur orientation


et leur séquence dans la syllabe
Ces fautes montrent des confusions de consonnes sourdes et sonores (cla = gla,
bondit = m’ont dit, rebêcha = repêcha) ; l’incapacité de distinguer m et n (minet =
n’y met, n’ont servir = m’en servir) ; des erreurs dans l’ordre d’écriture des lettres
(peulraien = pleuraient, caguer = facteur) ; des métattiêses (grarçon = garçon,
bourche roue = bouche rouge) ; des erreurs de lecture (ganbe = jambe, – œillet =
œillet, – moine (moi, lu syllabiquement, n épelé enne, pour moyenne, etc…)
–– clace (glace) (12 ans),
–– grarçon (garçon) (9 ans),
–– teerie (théière) (10 ans),
–– ganbe (jambe),
–– moine (moyenne), lecture moi i n (épellation) {10 ans),
–– échavodaqe,
–– sa l’emparassait (ça l’embarrassait) (10 ans ½),
–– il mi net pas (il n’y met pas) (11 ans),
–– il bondit de revenir (ils m’ont dit) (11 ans),
–– n’ont servir (m’en servir) (11 ans),
–– bomhomme, bonnhome (9 ans),
–– il le rebecha (repêcha) (12 ans),
–– ils peulraien (ils pleuraient) (8 ans),
–– une bourche roue (une bouche rouge) (8 ans),
–– les œilets (10 ans),
–– le caguer (le facteur) (9 ans). (Interprétation : gac = fac, avec confusion de
f et g ; puis eur avec interversion de u e ; t est caduc).
Parmi ces fautes il en est qui peuvent faire soupçonner ce qu’on a appelé
récemment un trouble de l’intégration phonétique.
Par exemple confondre t et d, k et g, p et b, ch et s ou j etc. serait la preuve que
ces sons ne peuvent être différenciés correctement. Mais ici, il faut prendre garde
à deux facteurs possibles et ne pas conclure inconsidérément à l’un ou à l’autre
en un examen hâtif. En effet écrire piton pour bidon, chéchoir pour séchoir, n’ap-
porte pas la preuve de la confusion perceptive de ces divers phonèmes. L’enfant

118
Orthographe

qui les écrit fautivement comme ci-dessus relèvera votre manière de parler si vous
prononcez ces mots comme il les a écrits. Il n’a pu retenir la correspondance du
signe et du son, c’est tout. Dans d’autres cas, il ne confondra pas les sons si vous
parlez mais s’il prononce fautivement les mots qui les contiennent, il troublera
en ce faisant sa propre représentation auditive. C’est ce qui arrive au cours de
l’épellation, par exemple, où l’enfant marmonne séchoir-sé-ch-ché-sé-choir c. h.
oi. r, sans s’apercevoir des transformations qu’il a opérées.
Enfin il peut ne pas distinguer du tout la différence auditive entre ces sons
voisins a, an ; o, on ; é, è ; p, b ; t, d ; k, g ; ch, s, etc. ou ne pas s’apercevoir d’un
r en certaines positions (armoire ; porte, etc.) sans qu’on puisse incriminer l’audi-
tion. La preuve en est fournie par la rééducation du sujet qui, après quelques
séances, les distingue sans erreur même dans des syllabes sans signification ou
dans des mots inconnus. C’est donc qu’il les entendait et qu’il s’agissait seule-
ment d’erreurs perceptives.
En revanche, certaines fautes et surtout leur répétition peuvent immédiate-
ment faire songer à un trouble auditif proprement dit, c’est-à-dire à une perte
de la sensibilité aux sons en certaines zones de fréquences. Par exemples les
confusions o, œ ; i, ou ; o, on ; a, an ; à, in… si les nasales sont correctement
prononcées par l’enfant. Mais plus significatifs encore que les fautes phonétiques
proprement dites, sont les non-sens ou les transformations du texte au point
que celui-ci n’a plus de rapport significatif avec ce qui a été dit : l’enfant n’a pas
entendu, on doit alors vérifier l’audition.

Figure 28 a
Récit écrit d’enfant de 8 ans : on remarquera les confusions des sons (tapore = d’abord)
et les erreurs dans l’individualisation des mots (a chaite : achète).

119
Langage oral et écrit

Figure 28 b
Dictée d’une fillette de 11 ans en 6e classique, généralement dans les premières de sa classe malgré
l’orthographe. Le texte ne se comprend qu’à la lecture orale. En voici la traduction : « ... aux branches
chargées de fruits. Les fardeaux trop lourds les faisaient s’incliner sur la terre. Les paupières mi-closes,
avec une expression de joie, il souriait, accroupi sur les galets. Il savourait le jus et mangeait
quelques bouchées le plus doucement qu’il pouvait. »

Fautes montrant que la dysorthographie est produite par un trouble


de la compréhension du langage
Les exemples ci-après et les commentaires fournis comme justification aux
fautes montrent une méconnaissance des sémièmes, une incapacité profonde à
démêler les « parties du discours », à faire porter l’idée de pluralité sur les termes
qui conviennent, etc. ; mais, ce qui est plus grave, une attitude de raisonnement
en porte à faux qui fait que le sujet raisonne non pas sur les matériaux qui lui
sont fournis, mais sur des contributions adventices établies en son esprit. – Nons
donnons, à titre d’exemples, quelques questions posées par le professeur (D.)
et les réponses de l’élève à ces demandes (R.) :
–– il nyà pas queue c’êtes feuille de papier (9 ans),
–– m’ettez vous à la portière (11 ans),
–– met t’amain (ta main) (10 ans %),
–– vient sa nonce (vient s’annoncer),

120
Orthographe

–– il l’aidevenu impossible = il est devenu impossible de… – D. : Verbe ? – R. :


Devenu. – D. : Mais pourquoi ai devant le verbe ? – R. : Non, c’est « il l’aide »
puisque c’est impossible) ;
–– un cheval tremègre latire (un cheval très maigre la tire = tire la charrette),
–– a m’es tégale (10 ans ½),
–– se ‘nai pas là que je l’ai plassées (il s’agissait d’images) : – D. : Où as-tu
mis le pluriel, il n’y a qu’une seule image ? – R. : L’ai plassées : j’ai mis un
s (10 ans ½) ;
–– l’as-tu entendu quie braille (9 ans) : – D. : Est-ce un homme ou une femme ?
– R. : Une femme, puisqu’il y a l’as= la as ; et puis j’ai accordé qui ; j’ai mis
un e ;
–– je m’anvais de main par le train : – D. : Où est demain ? tu as écrit « main ».
– R. : Oui, il dit au revoir avec la main.
–– Conjugaison interrogative du verbe sortir au présent : Sottirastu (sortiras-
tu), S’ortiratil (sortira-t-il), Sortir et vous (sortirez-vous) (11 ans) : – D. :
Pourquoi as-tu écrit ainsi la 3e personne ? – R. : Il faut bien une apostrophe
pour la liaison sortira-t-il ;
–– Ces gents la… (15 ans) ;
–– Vad chercher le bo poulet. – D. : Pourquoi un d ? – H. : Parce qu’on dit va
donc ;
–– Je l’e mi a l’eau. – D. : Verbe ? – R.. : Mettre ? D. : Auxiliaire ? – R. : Avoir. – D. :
Où est-il l’auxiliaire ? – R. : Là : a l’eau ;
–– l’apportu = l’apportes-tu : – D. : Lis ce que tu as écrit. – Explication : l’appor
te, u. Ah oui, il faut mettre un autre t. Voilà : l’apport (toe) tu. Et il écrit
I’apporttu ;
–– aIlez vous sens = allez-vous en (11 ans ½). – « Il y a un s parce qu’il y en a
plusieurs… (sous-entendu, qui s’en vont) et puis on s’en va tous les jours » ;
–– des najoires l’atérales et d’or sale (10 ans ½). – Ça lui permet d’atterrir (laté-
ral), et elles sont un peu jaunes (comme de l’or qui serait sali) ;
–– Il a de la version pour ce petit meuble (13 ans). – Oui, parce qu’il tourne.
Enfin, voici quelques fautes relevées chez deux élèves, l’un de 18 ans, qui est
en mathématiques élémentaires, ce qui signifie que ses notes de hématiques
et de sciences ont été sufûsantes pour compenser l’énormité de ses fautes en
français :
–– les thecniciens,
–– cillière, scilière (ciliaire),
–– christallin (cristallin),
–– pillaire (pilaire),
–– phenomen,

121
Langage oral et écrit

–– la finése d’oui,
–– les ceppes ou bolées poussent en quantitée,
–– les fougères ornememthalles et les dalhyas…,
–– j’ai perdu mon antologie ;
Et l’autre de 19 ans, élève en 1re A :
–– les crysenthèmes,
–– l’orthiculteur,
–– la pshichologhie, pshigoloqie, spicologue,
–– le t’hiers = le tiers,
–– Sograte = Socrate,
–– la psycolpedacogie,
–– un phédagogues,
–– la geunesse,
–– l’enthérite,
–– les rumathismes,
–– la dactilographye,
–– le seucrédariat,
–– thamponner,
–– cinapisme ;
–– « pour que j’ai suffisanent de travaille, il faut que vous m’endonies de fois
plus » ;
–– « n’en n’on-t-il-plus en réservent qu’il s’en donne aux sautre. »
On se demande comment une pareille méconnaissance de la langue française
a été jusque-là compatible avec des études secondaires.
Si nous cherchons à classer l’ensemble des fautes observées dans toutes
les phrases analysées ci-dessus, nous voyons que, abstraction faite des erreurs
imputables à de l’inattention certaine et à l’ignorance de l’expression graphique
de notions grammaticales, les fautes dites d’orthographe peuvent s’expliquer par
une technique insuffisante de la lecture (ex. : ce pour queue). Un enfant ortho-
graphiera guare pour gare et gardin pour jardin, faute de savoir la valeur sonore
variable des graphies g, gu et j.
Elles peuvent s’expliquer encore par des erreurs de perception auditive, par
une mémoire visuelle insuffisante ou par des lacunes dans la conception gramma-
ticale de la phrase, soit quant au discernement des catégories linguistiques, soit
quant à leur expression écrite.
Or si nous éliminons la recherche systématique des fautes de lecture et des
fautes d’inattention, puisque celles-ci résultent plutôt d’une attitude affective
générale que d’une carence proprement dite, en revanche les trois domaines

122
Orthographe

suivants, auditif, visuel et linguistique, méritent des sondages qui révéleront à


l’occasion des lacunes mentales auxquelles les difficultés orthographiques de
l’enfant semblent liées de façon certaine.
Les épreuves doivent donc permettre des investigations dans trois domaines,
le domaine des perceptions auditives, le domaine des perceptions visuelles et le
domaine du langage.
C’est, à vrai dire, dans le domaine de la compréhension du langage que nous
semblent résider en fin de compte les causes les plus profondes et les plus
essentielles de l’incapacité d’orthographier. Il y a, en effet, dans nos langues
complexes, un côté de perception physique, en quelque sorte, de ce qui est son et
bruit : le phonétisme de la langue. Ce phonétisme peut être identifié correctement
même dans des ensembles compliqués et, par conséquent, peut être transcrit
fidèlement par des caractères appropriés, sans que le substratum conceptuel soit
saisi dans sa plénitude et soit « entendu » au sens complet du terme, c’est-à-dire
compris.
C’est pourquoi, aux prises avec la nécessité de faire orthographier des enfants
moins jeunes, plus évolués et par ailleurs normaux, nous avons dû pousser plus
avant l’examen des causes de tant de contresens et de non-sens, jusqu’à nous
trouver quasiment toujours en face du même fait que j’exprimerai sommairement
en ces mots : ces enfants ne comprennent pas le français. Aussi ai-je pensé qu’il
s’agissait avant tout d’un problème de perception du langage et de la pensée.
D’où le titre de cette nouvelle étude4, titre qui peut surprendre et paraître ambi-
tieux.

4. « De la perception du langage et de la pensée à l’orthographe », Bulletin de la Société Binet, n° 417,


420, 421, 423.

123
2
De la perception du langage
et de la pensée à l’orthographe

L’   orthographe d’une langue n’est pas seulement la connaissance de la forme


  graphique des mots. Elle implique aussi la compréhension de l’édifice
mouvant dont le vocabulaire est un simple matériau et dont l’idée à exprimer est
le fil d’Ariane permettant de saisir la direction du point d’où l’on vient vers le point
où l’on va. Orthographier, c’est sentir les catégories incluses de nombre, de genre,
d’espèce, de temps, de mode, d’aspect, etc… , qui sous-tendent la phrase et la
rendent satisfaisante pour le scripteur, au moment où il la compose, et intelligible
pour le lecteur, dès qu’elle s’est matérialisée sous la forme écrite.
Orthographier, c’est encore ponctuer, c’est-à-dire introduire dans le texte les
signes mélodiques ou marquant les pauses, dont l’effet sera de reconstituer dans
l’esprit du lecteur – autant que faire se peut – la mélodie, le rythme, la tonalité
affective qui se trouvaient, dans l’esprit du scripteur, incorporés à l’expression au
moment même du jaillissement de sa pensée.
Orthographier sera donc user d’un code commun à celui qui transcrit sa
pensée sous une forme écrite et à ceux qui lisent la transcription. Et plus fines,
plus précises, plus nuancées sont les règles du code, plus parfaite sera la
communication sans possibilité de contresens ou de faux-sens.
Bien écrite, et par conséquent bien orthographiée, une langue comme le
français, par exemple, ne saurait trahir la pensée de qui sait s’en servir dans la
forme écrite comme dans la forme orale et elle demeure intelligible au lecteur, car
il reçoit par son canal la totalité du contenu exprimé par l’auteur.
C’est pourquoi il faut considérer l’orthographe comme le plus excellent
véhicule d’une langue et en conséquence travailler à sa transmission, voire à son
amélioration, comme on travaillerait à l’édification et au maintien des colonnes
du Temple du Langage.
L’enfant dysorthographique devra être soumis, quels que soient par ailleurs
les tests d’intelligence, d’affectivité ou d’aptitudes qui ont pu être faits, à des
examens précis concernant le niveau d’orthographe atteint, les causes des erreurs
phonétiques s’il s’en trouve et les difficultés actuelles de lecture et d’écriture. Ces
examens seront les uns oraux, les autres écrits, et seront complétés, si besoin est,

124
par des investigations précises dans les domaines où des lacunes sont encore
sensibles et de nature à expliquer le pourquoi et le comment des échecs scolaires.
Il ne faudra pourtant jamais oublier que les enfants nous arrivent ayant déjà pâti
de leurs insuccès scolaires et qu’ils ont en général été examinés dans les Services
de neuropsychiatrie d’où ils nous sont adressés. Les parents, eux aussi, ont hâte
d’en venir « au fait », c’est-à-dire à la modification de l’état de choses. Il faudra
donc en quelque sorte enrober les examens qui ne sont pas immédiatement
nécessaires dans le travail pédagogique qui, lui, est urgent et savoir même, au
besoin, différer des investigations utiles.

Épreuves écrites
Ces épreuves sont de deux sortes. Les unes portent sur l’expression graphique
de syllabes complexes et consistent en la dictée de syllabes sans signification. Les
autres se pratiquent au moyen de dictées de phrases groupées selon six degrés
de difficulté.
Voici la liste de dictées composées pour mettre en évidence les divers types
de fautes. Elles sont plus faciles qu’il ne conviendrait au niveau de la classe. C’est
à dessein, l’enfant qui nous est conduit parce qu’il lit et orthographie mal étant
d’ordinaire anxieux à l’idée des fautes qu’il va commettre.

10e : Cours élémentaire 1re année

1. l’armoire, 2. du fil,
3. le séchoir, 4. un pommier,
I 5. des fleurs. 6. les autos,
7. un journal, 8. des chevaux,
9. entre ! 10. le facteur vient.

II 8 syllabes : si, jo, fu, bou, da, mu, no, pan

9e : Cours élémentaire 2e année

1. Ton train va loin mais le mien est plus grand.


2. Voilà un lion en cage : il a soif.
I 3. Le garçon et la fille ont une chèvre à eux.
4. Ce monsieur mange du gigot.
5. Je garde mon peigne et mon bidon d’eau.

II 10 syllabes : fli, sul, tran, pra, tur, slo, in, mou, gon, ni

8e : Cours moyen 1re année

1. Je n’aime pas la moutarde piquante.


2. La porte est ouverte sur le jardin.
I
3. La soupière et les verres sont près de vous.
4. Où as-tu acheté l’huile ?

125
Langage oral et écrit

5. Comment t’appelles-tu ?
6. Ça m’est égal qu’il s’en aille seul.
I
7. Vous sortirez-vous d’affaire ?
8. Cette corbeille n’est pas pour elle.

10 syllabes ou groupes syllabiques : esp, stur, ert, olp, spli, soco, jandu, gudou, nodi,
II
mano

7e : Cours moyen 2e année

1. Jeanne a trois chapeaux, elle ne les porte pas.


2. Les pommes rouges que vous m’avez données étaient un peu trop mures.
3. Pourquoi ont-elles vendu toutes leurs poules noires ?
4. C’est vous qui mangez mes cerises.
I
5. Les rosiers sont fleuris et les marguerites flétries.
6. Les œufs qu’achète la crémière ne pèsent pas lourd.
7. Ces gens emmènent leur cheval et le promènent dans le pré.
8. On entend bien mais on n’entend pas tout.

16 syllabes ou groupes syllabiques sans sens : esp, stur, ert, olp, spli, ortis, spic,
II
blist, igzo, adzi, obju, ajdo, crouo, tsui, acnu, septin.

6e : Cours supérieur
1. Que mangent, tous les soirs, ces bébés-là à leur dernier repas ?
2. N’y a-t-elle pas mis au moins le bout du doigt ?
3. Comment veux-tu que j’aie déjà fini ! en ai-je eu le loisir ?
4. Il aurait fallu vous en aller d’ici à temps, pensent ceux qui vous portent intérêt.
5. Ne l’emmène pas de nouveau où elle s’est cassé la jambe, voyons !
6. Recherche-moi, s’il te plaît, les photos qu’ils m’ont demandé de retrouver.
7. Mets la théière au chaud, puisqu’on l’a apportée trop tôt.
8. Dans le cortège venaient, par ordre de dignité, les cardinaux, les archevêques, puis les évêques.
9. Malmenés par la tempête, les voiliers dispersés ont finalement tous sombré.
10. Qu’est-ce qu’on t’a dit d’elle ?
Adultes
1. Si j’étais à sa place, je ne jouerais pas volontiers ce concerto.
2. Ces raisonnements impliquent-ils pour vous des faits que vous ne connaissiez pas ?
3. Comment essaierez-vous d’enrayer l’épidémie de typhus ?
4. Aller et venir sans raison, se lever, s’agiter sans nécessité constituent des marques
certaines d’instabilité psychomotrice.
5. Attendez qu’arrivent les jours pluvieux pour vous enfermer dans cette bibliothèque.
6. Secouées brutalement par le vent, les plus grosses têtes des chrysanthèmes s’étaient
brisées et jonchaient le sol.
7. Je ne pense pas qu’il faille envoyer chercher de l’eau chloroformée, mais seulement du
coton hydrophile.
8. Les experts se sont laissé prendre aux supercheries des faussaires.
9. Quel bel étalage vous avez fait là, Messieurs : Il témoigne d’un goût parfait.
10. C’est lui qui m’a vue le premier et qui m’a saluée d’un sonore : Bonjour, Madame… qui
m’a fait me retourner.

126
Orthographe

La composition de ces dictées, établie pour mettre rapidement en évidence le


niveau orthographique d’un enfant sur le plan de la compréhension des sons et
du langage, demande un commentaire.
La dictée n° 1 pour la classe de 10e et la dictée n° 2 pour la classe de 9e portent
particulièrement sur les graphies des sons.
La dictée n° 3 pour la classe de 8e comporte des accords simples et des diffi-
cultés dans la répartition des phonèmes au cours de la syllabe (moutarde, porte,
ouverte, jardin, soupière, près…). Ce texte permet aussi de distinguer si l’enfant
entrevoit la signification des sons entendus dans je n’aime, l’huile, t’appelles-tu,
m’est égal, s’en va, sortirez-vous (contresens fréquent : sortir et vous).
La dictée n° 4 pour la classe de 7e est celle de l’ancienne édition du test d’or-
thographe publiée dans Enfance5, avec trois modifications. La première concerne
l’ordre des phrases placées par difficulté croissante ; la seconde concerne la
phrase : « C’est toi qui manges », remplacée par : « C’est vous qui mangez. »
Cette modification empêche le contresens cette oie qui… et supprime, en cas
de compréhension correcte du texte c’est loi qui, l’accord difficile du verbe à la
deuxième personne près du relatif impliquant plus communément la troisième.
Enfin une huitième phrase a été ajoutée portant sur la différence de sens de sons
semblables dans « on entend » (liaison on en) et « on n’entend pas » (premier
temps de la négation ne… pas devant voyelle).
Cette dictée n° 4 comporte de nombreux accords simples : adjectif et nom
(poule noire ; pommes rouges) ; adjectifs et participes avec l’auxiliaire être
(étaient… mûres ; rosiers fleuris ; marguerites flétries) ; participe avec l’auxiliaire
avoir (que vous m’avez données ; ont-elles vendu). Elle implique la discrimination
du pronom régime dans «vous m’avez n, de deux pronoms dans « elle ne les porte
pas ». La phrase « les œufs qu’achète la crémière… » comporte la possibilité d’un
contresens à cause de l’inversion du sujet qui masque le sens du relatif. Enfin la
phrase n° 7, « ces gens emmènent… » est précieuse pour mettre en évidence les
difficultés éprouvées par l’enfant à travers les méandres du singulier et du pluriel
(sujet unique au pluriel pour deux verbes et complément au singulier accompa-
gné du possessif leur impliquant l’appartenance à plusieurs personnes, ce qui
contribue, avec la pluralité du sujet « ces gens » à introduire dans l’esprit de
l’enfant un désarroi se traduisant par le pluriel de cheval sous la forme correcte de
chevaux et sous les formes fantaisistes de chevals, chevales, chevalex, chevalx,
communément rencontrées).
Dans la dictée n° 5, classe de 6e, on a introduit une recherche plus poussée
de la compréhension d’éléments souvent mal identifiés (vous en aller ; elle s’est ;
l’emmène ; m’ont, on l’a) ; – de la négation (n’y a-t-elle) ; – des inversions (que

5. Enfance, 5 novembre 1951.

127
Langage oral et écrit

mangent les bêtes ; pensent ceux ; venaient les cardinaux) ; – des participes quant
à leur forme ou à leurs accords (mis ; fini ; eu ; fallu ; dit ; elle s’est cassé la jambe ;
qu’ils m’ont demandé de… ; on l’a apportée ; malmenés ; dispersés ; sombré) ;
– la connaissance de la désinence de l’impératif à la deuxième personne du singu-
lier (emmène ; recherche ; mets). Figurent aussi un verbe complément à l’infinitif
(il faut vous en aller), un subjonctif peu décelable à l’oreille (que j’aie fini) et deux
formes interrogatives que l’expérience montre être une cause d’embûches pour
les enfants (En ai-je eu…, qu’est-ce que). En revanche, on a évité tout mot difficile
ou d’emploi peu courant.
Dans la dictée des adultes, convenant quant au sens à des sujets plus âgés,
figurent quelques difficultés du même ordre que dans les dictées précédentes de
6e et de 7e, mais on a introduit en outre un peu de vocabulaire moins usuel.

Épreuves orales
Celles-ci explorent soit la non-reconnaissance et la non-compréhension de
mots différents, mais de sons plus ou moins semblables ; soit des fautes d’ordre
phonétique.

Examen phonétique
Epreuves mixtes de discernement auditif et visuel. On pratiquera ces épreuves
au moyen de syllabes simples, c’est-à-dire formées seulement de deux phonèmes,
une consonne et une voyelle. Les consonnes seules sont écrites. Elles sont grou-
pées en trois tableaux.

Lettres qui exposent

• à des confusions de forme : • à des confusions de son :

p b ch j
t d s z
q g f v
• à des confusions de forme et de son :

y r l m n gn

128
Orthographe

Lettres à l’aide desquelles on pratiquera l’examen propre à renseigner sur la


discrimination phonétique.

a. Occlusives
Ces consonnes doivent être considérées comme composées d’une période
de tenue silencieuse qui cesse brusquement à l’explosion. Cette explosion a lieu
soit en position finale sans être suivie de voyelle (patte), soit devant une voyelle
(battu). Acoustiquement, les bruits caractéristiques de l’explosion sont différents
quand il y a et quand il n’y a pas de voyelle consécutive. Ils ont même une compo-
sition acoustique un peu dissemblable en fonction de la voyelle à laquelle ils s’as-
socient. A l’ouverture de la syllabe, en effet, l’explosion de p + a n’est pas celle de
p + ou et encore moins celle de p + i. D’autre part, ces explosions ont une compo-
sition acoustique différente pour p, t, k, bien que ces trois consonnes soient de
même nature. Cette différence est toujours perçue par une oreille normale, même
en syllabe sans signification, comme en syllabe muette, sans voyelle à l’ouverture
(al, oup, ik… ), malgré le temps extrêmement bref de la durée de l’explosion6, qui
est de l’ordre du centième de seconde.
Les consonnes occlusives sonores correspondantes sont b, d, g (prononcées
comme dans bague, robe, rade). Elles se manifestent pendant la tenue, par un son
grave de faible intensité puisque la vibration des cordes vocales a lieu en cavité
fermée. Le schéma descriptif de ces consonnes sera donc celui de la Figure 21
description du b et plus loin Figure 43.
Consigne de l’épreuve. L’enfant aura devant lui les six consonnes occlusives
disposées en liste et l’interrogateur, le tableau de syllabes à dire qu’il prononcera
posément et nettement mais de façon normale, dans un endroit relativement
silencieux. S’il se peut, les syllabes du premier tableau seront demandées isolé-
ment ; on priera le sujet de les répéter pour pouvoir éliminer toute erreur due à
une mauvaise audition et on notera la réponse.
Notation des résultats. Supposons qu’on ait dit ta et que le sujet ait dit ka
et montré k ; on disposera ces faits comme dans la première ligne du tableau
ci-dessous. Supposons qu’ensuite on dise bi et qu’il répète bi et montre d, on
écrira la seconde ligne. Supposons enfin qu’on ait prononcé go, qu’il ait répondu
do et montré go, on inscrira ces faits comme dans la troisième ligne. Si tout est
exact, par exemple p demandé, reproduit et désigné correctement, on écrira ce
résultat comme dans la quatrième ligne :

6. Cf. « Oscillographie et phonétique », Revue scientifique, 1944, n° 32, 29. « L’oscillographe en


clinique phonétique », Bulletin de l’Académie de médecine, 1948, n° 27-28.

129
Langage oral et écrit

Consonne Consonne Consonne


demandée reproduite montrée

t k k
b b d
g d g
p p p
Le simple examen des résultats ainsi disposés montre s’il n’y a pas d’erreur ou
si les erreurs de discrimination sont d’ordre auditif ou visuel ou si les confusions
sont aussi bien visuelles qu’auditives.
1. Liste des syllabes à demander isolément :
pi – bè – ga – ta – di – bu – quo – gue – pu – da – bou – beu – tin – pan – teu
– pon – qui – gou – du – qua – to – qué – don – go7.
Ces mêmes consonnes seront demandées au moyen de deux syllabes grou-
pées, puis de trois. Ces groupements de syllabes seront prononcés à la vitesse
qu’on emploierait pour prononcer normalement des mots de même longueur.
2. La liste des syllabes à demander est pour le groupement par deux :
tobi queda pagan ; – quaton pipa toqui ; – duqua goti bipu ; – daga gudi bobé.
Ces groupements correspondent respectivement aux combinaisons
; ; ; .
3. Groupements par trois :
biquado, tougopi, paquidu ; – gatipé, poeguida, goudépa ; – babudo, quétipa,
toganda.
Ces groupements correspondent aux combinaisons phonétiques :
, , ;
, , ;
, , .
Nous rappelons que les listes ne doivent pas être dictées : elles ne servent
qu’à la discrimination des types d’erreur commises.

7. On avertit l’enfant qu’il n’aura pas à s’occuper de trouver la voyelle puisqu’elle n’est pas transcrite.

130
Orthographe

La notation sera donc pour les groupes de trois syllabes :

Consonnes Consonnes Consonnes


demandées reproduites montrées

b q d b g d b d d

t g p d q p p g b

La première ligne implique une erreur auditive et une erreur visuelle. La


deuxième ligne deux erreurs auditives et deux erreurs visuelles, etc.
L’enfant doit prononcer chaque syllabe en montrant la lettre avec laquelle il
croit à propos de l’écrire.
La série occlusive prête à des confusions visuelles et à des confusions audi-
tives portant effectivement sur les sons graves (non-discrimination des sourdes
et des sonores) ou sur les sons aigus (non-discrimination des sourdes entre elles
ou des sonores entre elles).
Les erreurs peuvent cependant être d’ordre purement perceptif, ce que montre
la différence des résultats obtenus quant à l’identification des consonnes dans
une syllabe isolée qui peut ne comporter aucune faute – et cela prouve que Je
sujet entend juste – tandis que des fautes se manifestent dès qu’il y a plusieurs
syllabes ; le temps de perception et l’ordre de succession des phonèmes sont
alors la cause des erreurs.

b. Constrictives
Dans la série constrictive, les erreurs de reconnaissance visuelle seront
moins nombreuses, les formes pouvant malaisément se confondre, à moins, bien
entendu, que le sujet ne les ait jamais apprises correctement.
Les fautes seront donc d’ordre auditif pur ou d’ordre auditivoperceptif.
Sera erreur auditive la reproduction de ch pour j (non-discrimination de
la sourde et de la sonore), ou de f pour s (non-discrimination des fréquences
caractéristiques)8, mais seule une méconnaissance de la forme dévolue au son
entendu expliquera que le sujet puisse prononcer correctement et montrer faus-
sement les lettres correspondant à ces sons.

8. Il sera bon de tenir compte des défauts de prononciation, par exemple le sigmatisme affectant la
série ch, s, f, entrainant une prononciation analogue pour les trois consonnes, ce qui fausserait le
résultat.

131
Langage oral et écrit

Voici les listes convenant à l’examen de ces sons et des lettres qu’ils expri-
ment :
1. Par une syllabe :
Ché zi vo su fa jou
Se van zin chu ja fon
2. Par deux syllabes constrictives :
chavu fajou sizè
fansin séchou chufo
ziju zavé jonvo
jasson zanfi vichou
3. Par trois syllabes constrictives :
chitonza soufija sochivon
zifucha jonséfœ vansachin
sajonfo chevouta chinsizu
zavisson jézofan jœvachou

c. Liquides et nasales
On procédera de même pour vérifier la discrimination des consonnes y, r, 1 ;
– m, n, gn, qui constituent une troisième catégories de phonèmes plus ou moins
assimilables à des « liquides » nasalisées ou non. Si la répétition en est correcte,
il ne peut s’agir d’erreurs auditives : on est en présence de confusions de formes ;
mais s’il y a des erreurs de répétition, le trouble auditif est certain et devra être
précisé.

Fautes consistant en confusions de sens

1. Mise en évidence des confusions entre « et » conjonction et l’indicatif « est »


Deux images sont présentées à l’enfant (Figure 29 a et b). On lui demande de
les regarder et de faire attention au sens du mot qu’il entend dans chaque phrase,
l’un signifiant « et aussi », tandis que l’autre vient du verbe être.

Figure 29 a

132
Orthographe

Figure 29 b
Voici les phrases dans l’ordre où elles doivent être énoncées :
1 Le chat et le canard dorment.
a Pierre est jardinier.
b Je t’assure que la crémière est très fatiguée.
2 Janine et sa maman sont trempées de pluie.
c Mentir est honteux.
3 Il a des bonbons et des billes.
d Il est venu des déménageurs.
4 J’entre et je sors.

Il y a pour chaque sens quatre phrases et (1, 2, 3, 4), est (a, b, c, d). L’enfant n’a
qu’à les écouter et à montrer le mot et ou est dont il aura cru reconnaître le sens.
Il est bon de refaire l’épreuve en changeant l’ordre des phrases.

2. Mise en évidence des confusions de pensée entre « ont », « sont » et « son »


L’enfant aura devant lui un carton sur lequel sont inscrits les mots avoir, ont,
être, sont, le sien, son (Figure 30), de telle manière qu’il n’ait pas à chercher pour
l’orthographe mais pour le sens. Il indique le sens qu’il aura cru reconnaître en
entendant lire les phrases suivantes :
1 Les églises ont un clocher
2 Les pains sont chauds.
3 Le campeur a son sac au dos.
2’ Les valises ne sont plus dans Je couloir.
1’ Elles ont pêché les grenouilles.
3’ J’ai pris son beurre en même temps que le mien.
1’’ Je sais pourquoi les roses ont des épines.
3’’ Chacun de vous emportera son repas avec soi.
2’’ Est-ce que les chaises sont rangées ?

133
Langage oral et écrit

avoir être le sien

ont sont son

Figure 30

3° Mise en relief des confusions entre « c’est, sait, s’est, ses, ces »
Les mots suivants seront écrits sur un carton que l’enfant aura devant lui
pendant toute l’interrogation (Figure 31).

c’est sait ses s’est ces

les siens ceux-là


cela est savoir les siennes soi-même celles-là

Figure 31
Les phrases à lire contiennent un exemple de chaque mot prêtant à confusion.
L’enfant montrera le terme dont il aura cru reconnaître le sens. Voici la liste telle
qu’elle doit être présentée :
1 C’est à moi.
2 Le chien sait nager.
3 Il a mis ses souliers à l’envers.
4 Le maître s’est trompé de ligne.
5 Regarde ces nuages.
3’ Il a pris ses jambes à son cou.
1’ C’est amusant de lire.
4’ Il s’est cassé la jambe.
2’ Je crois qu’il ne sait pas une leçon.
5’ Tu vois ces belles pommes à la devanture.
2’’ Pour qui sait faire, tout devient facile.
4’’ J’étais là lorsque la voiture s’est renversée.
1’’ Croyez-vous que c’est triste de mourir ainsi !
3’’ Dans la vie, chacun a ses ennuis.
5’’ Vous pouvez vous servir de ces journaux : ils sont à moi.

134
Orthographe

4. Mise en évidence des confusions concernant les auxiliaires de mode


et quelques autres verbes
Pour bien des enfants, ces verbes sont difficiles à reconnaître comme tels :
« Faites votre travail » est conçu comme « travaillez », sans que le verbe « faites »
soit découvert ; – vouloir, valoir, falloir… sont pris l’un pour l’autre en raison de
leurs formes voisines ; – « pourvu que » est interprété comme participe du verbe
pouvoir.
L’épreuve suivante mettra à même de distinguer les enfants qui commettent
ces erreurs. Les verbes sont écrits à l’infinitif sur un carton dans l’ordre ci-dessous :

faire aller vouloir vouloir


pouvoir falloir valoir

L’enfant aura ce carton devant lui pendant l’énoncé des phrases qui contiennent
ces verbes. Il désignera chaque fois l’auxiliaire reconnu.
Phrases à lire lentement à haute voix et ordre dans lequel le faire :
1, 2, 3, 4, 5, 6, 7 ; –– 2’, 4’, 3’, l’, 6’, 5’, 7’ ; –– 3’’, 5’’, 4’’, 1’’, 7’’, 6’’, 2’’.
1 Faites votre travail.
1’ Il n’a rien fait de la journée.
1’’ Il fera jour bientôt.
2 Ils vont mieux.
2’ Tu iras te promener.
2’’ Pourvu qu’ils aillent assez vite :
3 L’enfant veut jouer.
3’ Tu ne voulais pas sortir.
3’’ Voudriez-vous recommencer ?
4 Je dois sortir.
4’ Il a dû repartir.
4’’ Je ne vous devrai plus rien.
5 Je ne peux pas.
5’ Ils ont pu prendre le train.
5’’ Nous ne pourrons pas monter.
6 Il fallait bien.
6’ Pourquoi faut-il rentrer ?
6’’ Il n’aurait pas fallu emménager.
7 Ça ne vaut pas cher.
7’ Pensez-vous que ce sac vaille mieux que l’autre ?
7’’ Nous n’en vaudrons guère mieux.

135
Langage oral et écrit

Épreuves de lecture
Il peut être utile de vérifier le niveau de lecture en fonction de la classe de l’en-
fant mais surtout de son degré de dyslexie probable. Les quatre textes suivants
suffisent à cette appréciation.
I.

i a o oi in
on an ai œu
é au na ou
bi pile or son
u for tri chu
tion
II.

La pipe de papa.
Un lapin sort du panier devant maman.
Des chèvres qui veulent boire de l’eau propre.
J’ai mangé du gigot de mouton.
On fait attention en travaillant à la campagne.
Du civet bien cuit pour la cuisinière.

136
Orthographe

III.
Ainsi que nous pouvions le craindre, le prix de cotisation auquel nous nous
étions arrêtés s ‘est avéré trop inférieur en raison des frais de correspondance et
autres qui s’ajoutent à ceux de notre publication, Nous avons donc été contraints
de porter à 50 fr. le prix de la cotisation annuelle pour l’année scolaire 1946-47.
Nous serons reconnaissants à ceux de nos membres qui voudront bien s’en acquit-
ter par retour du courrier à l’aide du bulletin de souscription ci-dessous, ce qui
nous évitera des frais de recouvrement.
IV.
ornithorynque – apophtegme – spiromètre – antipyrine – chrysanthème – phleg-
mon – psychologie – chrème – chlorure – hypostase – spirille – prismatique – anas-
tase – constitutionnel.
Pour les épreuves qu’on serait éventuellement dans l’obligation de pratiquer
pour retrouver les mécanismes et les facteurs d’ordre mental qui ont entraîné
secondairement l’impossibilité de lire ou d’orthographier, on se reportera aux
tests publiés dans mon second volume9.

9. Langage oral et écrit, II. Épreuves sensorielles et tests de langage.

137
3
Partie pédagogique

N ous abordons maintenant l’enseignement proprement dit, c’est-à-dire la


partie constructive de ce travail. Nous en traiterons en deux chapitres, l’un
assez court, d’ordre seulement phonétique ; – puis un second, beaucoup plus
important, qui concerne tout ce qui est linguistique.

Correction des fautes perceptives auditives et visuelles


Si la dictée, ainsi qu’une épreuve de lecture ou un test ont mis en évidence des
difficultés de discrimination portant sur la reconnaissance auditive ou visuelle
des signes, on pratiquera des exercices appropriés.

Reconnaissance des minuscules d’imprimerie p b d q


Présenter sur une même feuille les lettres p b d q disposées comme il est
indiqué Figure 32.

Figure 32
Les lettres doivent être d’au moins 10 cm et être présentées dans la fenêtre
d’un « cache ».
L’enfant dispose d’un autre carton figurant un personnage de dos (tête et
pieds ébauchés). Sur ce carton, il placera Je demi-cercle hachuré dans la position
qui convient le long du « corps » pour figurer p b d q. Si l’âge de l’enfant permet
une représentation spatiale suffisante, on se bornera à faire placer le demi-cercle
au contact d’une verticale tracée sur un carton (Figure 33).

139
Langage oral et écrit

Figure 33
Pour qu’il ne subsiste pas d’erreur spatiale dans l’esprit du sujet, on lui fera
exécuter, en regardant la lettre, un geste10 qui rappelle sa forme (p, d, b, q, etc.,
Figure 34) ; ou bien un geste qui indique la place de l’articulation dans la bouche
(l’index dirigé vers l’intérieur de la bouche indique que l’occlusion buccale se fait
par contact du dos de la langue avec le palais) (Figure 36).

Figure 34

Figure 35
Une sinusoïde tracée sous les lettres b, d, rappellera au début que ces
consonnes sont vibrantes.

10. Cf. Comment apprendre à lire, p. 81 et suivantes.

140
Orthographe

Figure 36
L’enfant sera entraîné à reconnaître la forme de lettre correspondant au geste
et au son, puis au son seul, à montrer la lettre en faisant Je geste qui le symbolise
et en prononçant le son. Puis il prononcera sans faire de geste, etc. I1 parviendra
vite ainsi à ne plus faire d’erreur dans la reconnaissance et la dénomination de
ces lettres.

Discrimination visuelle de m et n
Cette discrimination se fera en associant à la lettre m (prononcée rien que
pendant sa période de tenue, les lèvres bien serrées), le geste symbolique
figurant la lettre (trois doigts – pouce, index et majeur – appuyés sur une table)
(Figure 37).

Figure 37 : m Figure 38 : n

141
Langage oral et écrit

La lettre n sera distinguée par Je geste représenté sur la Figure 38.


gn : geste de glissement de l’index droit sur le nez, bouche entrouverte pendant
l’émission de la consonne dont la tenue est entièrement nasale (Figure 39).

Figure 39 : gn Figure 40 : f

Discrimination de f, v, s, z
Il s’agit ici d’identifier certaines perceptions sonores à des formes nullement
compliquées à retenir et qui ne prêtent même pas à des confusions visuelles.
Les erreurs persévérantes qu’on voit commettre aux dysorthographiques dans
la transcription correcte de ces consonnes viennent d’un apprentissage approxi-
matif qui n’a pas mis en évidence les caractères distinctifs de ces phonèmes. On
associera donc Je signe f à un geste symbolisant l’écoulement de l’air (Figure 40)
en faisant remarquer, par contact de la main du sujet sur le larynx du professeur,
que ce phonème ne comporte pas de vibrations laryngées, ce qui aura pour
expression graphique le signe convenant aussi aux sons ch et s, tandis que
v (z ou j) auront un signe incurvé comme celui des sons f, ch, s, mais parcouru
de sinuosités impliquant la coexistence du souffle et de la sonorisation laryngée.
Le signe caractéristique de v est le rapprochement des mains dans la position
de la Figure 41.

Figure 41 : v

142
Orthographe

Celui de s est un mouvement lent du bras dans l’espace figurant la lettre : enfin
celui de z est un mouvement zigzagant rapide rappelant le vol d’un insecte.
La lettre j a pour signe gestuel l’index droit s’avançant au contact de la joue
droite (Figure 42).

Figure 42 : j

Figure 43

143
Langage oral et écrit

Établissement ou correction des notions logiques essentielles


à l’expression écrite du français
Les ouvrages excellents traitant de l’orthographe sont nombreux11. Il sera bon
pour le maître ou pour l’élève d’en faire usage, l’un dosant le travail de l’autre.
Comment, après une telle multitude de grammaires, exercices d’application,
traités et méthodes d’orthographe, prétendre apporter encore quelque chose
d’utile en cette matière ?
C’est qu’il ne s’agit plus cette fois de rédiger un ouvrage nouveau mais d’ap-
porter une manière différente d’aborder les questions orthographiques. Toutes
les études, toutes les recherches antérieures sur ce sujet gardent pleinement
leur valeur et leur utilité. Il n’en est pas moins vrai que nombre d’enfants sont
incapables de tirer bénéfice de ces livres ou de l’enseignement usuel en matière
d’orthographe parce qu’ils ne comprennent pas la langue qu’ils doivent écrire,
parce qu ‘il y a dans leur pensée de telles lacunes qu’il est vain de leur faire abor-
der les disciplines de la langue écrite sans combler ces dites lacunes, parce qu’ils
ont des difficultés perceptives telles qu’elles annihilent tout travail de construc-
tion sur des bases aussi incertaines.
C’est à combler ces lacunes, à édifier ces fondements, à corriger ces anomalies
de la perception temporo-spatiale que tendent les efforts dont nous ne pourrons
indiquer ici que la direction et une certaine manière de procéder dans différents
domaines. On ne peut fournir à l’avance réponse à tout. Il est des difficultés impré-
vues, jamais rencontrées chez d’autres enfants et qui brusquement surgissent et
empêchent un élève de comprendre ce qui n’a causé d’embarras à personne
d’autre. Le premier point sera donc de ne pas considérer comme un coupable ou
un imbécile l’auteur de certaines énormités, mais d’entrer assez avant dans son
esprit pour saisir ce qui l’arrête et détruire l’obstacle.
Le domaine des lacunes, la caractérologie des erreurs – si l’on peut dire – étant
établis, il faudra aborder l’enfant au point précis où il en est, et seulement là où il
faut. On évitera de lui donner l’impression déprimante qu’on reprend tout à zéro,
mais on défrichera zone après zone les broussailles de la forêt en laissant chaque
fois le sujet sur la conviction que des certitudes ont été acquises sur plusieurs

11. Je cite ceux dont les noms me viennent à l’esprit ; il en est d’autres en très grand nombre :
Pautex, Recueil de mots français.
Maurice Rat, Le participe ; le verbe.
Claude Augé, Grammaire, cours supérieur.
Wagner, Ortho.
BLED, Cours d’orthographe.
Thiberge, L’orthographe française.
Bloch Et Georgin, Grammaire française et Exercices sur la grammaire.
Bescherelle, L’art de conjuguer les verbes...
Ouvrages sur les Racines françaises, grecques et latines.
Collection du Bulletin de la Soc. Binet.
Gadet, Grammaire française par l’image ; et d’innombrables ouvrages fort bien faits.

144
Orthographe

points. Ne pas oublier, en effet, que les dysorthographiques ont longuement


peiné et échoué et qu’ils sont souvent fort vexés de leur incapacité.
*
* *
Nous allons, en plusieurs chapitres, aborder les points principaux dont la
compréhension embarrasse les enfants. Nous le ferons au moyen d’exercices
oraux pratiqués devant des tableaux composés pour l’enfant et de préférence
devant lui. Ce procédé a le double avantage d’intéresser le sujet qui déjà essaie
de comprendre ce qu’on fait, et de lui donner l’impression de corr. poser quelque
chose spécialement à son intention.
Les exercices écrits porteront sur les mêmes sujets que les exercices oraux et
ne devront être faits qu’à titre de contrôle. On n’y fera point état des fautes qui ne
concernent pas l’exercice. On les corrigera tout simplement, en en prenant note si
elles doivent servir de thème à des développements ultérieurs.

1. Notions du nom, du verbe, de l’adjectif

a. Le substantif concret et abstrait


Il ne faudra pas omettre, avec des sujets de 6, 7 et 8 ans, de vérifier la préci-
sion et l’extension de leur concept du substantif.

Tableau I
nom

animal personne
chose
On composera donc devant l’enfant le tableau ci-dessus et l’enfant devra indi-
quer du doigt sur la feuille, en prononçant en même temps les mots appropriés,
ce qu’il croira reconnaître :

le maître dira : la mouche,


l’élève dira et montrera : nom d’animal.

Liste à titre indicatif de quelques mots à faire reconnaître comme substantifs :


papa, de la viande, un doigt,
le facteur, un cerceau, du pain,
un chien, une poule, la chaleur,
une pelle, des oies, du vent,

145
Langage oral et écrit

le ciel, des hommes, du poulet,


de l’espace, de la fatigue, un œil,
la surface, la colère, Aline,
la joue, la vache, Marcel,
un monsieur, du veau, Paris, la France.

On remarquera que les noms propres et les noms communs sont mêlés : il est
inutile quant à la substance, quant à la fonction et quant à la possibilité d’être
remplacés par un pronom, de distinguer plus finement ces notions au début ;
trop de nuances embrouillent et il vaut mieux revenir plus tard sur un sujet que
de risquer la confusion par excès de détails. C’est là un principe dont nous nous
éloignerons le moins possible. En revanche il est indispensable d’étendre la
notion substantive à des termes abstraits tels que la peur, l’ennui, etc., et de
faire admettre que si, par exemple, un cochon, qui est un animal, est un nom, du
cochon, au sens partitif désignant de la viande, ne l’est pas moins.

b. Le verbe
Il faudra aborder la notion du verbe avec les plus jeunes enfants, dès l’initia-
tion à l’idée substantive et dans les verbes d’action uniquement. Un des meilleurs
moyens à cet âge est d’exécuter une action, par exemple lancer un objet, puis
de demander : « Qu’est-ce que j’ai fait ? » L’enfant répond : « Tu as ou vous avez
lancé quelque chose. » Lancer est le verbe. On jouera ou on mimera de même
l’action d’une vingtaine de verbes : courir, dormir, verser, frapper, etc. Ceci fait on
demandera de distinguer le verbe dans les phrases simples : « Cherche la brosse.
Il a ramassé le balai. Ont-ils mangé les côtelettes, etc. »
Puis on reviendra à la recherche du substantif dans des phrases très courtes et
ensuite dans des phrases plus longues : « Il a acheté des légumes et des fruits. Ne
renverse pas d’eau sur le sol. On a pris un billet pour aller au cirque. » On pourra
tendre le piège d’une phrase sans nom : « Va-t’en », etc.
Si l’enfant sent mal l’idée verbale, au lieu de lui fournir la réponse, on lui
demande : « De quoi s’agit-il ? » Et quand il aura trouvé qu’il est question d’aller
au cirque (idée essentielle qui sera certainement trouvée la première), on lui
demandera ce qu’il a fallu faire pour y aller. S’il répond, par exernple ;« il faut un
billet », on répétera la phrase : « On a pris un billet », il a fallu prendre un billet ;
il prendra un billet, etc. À travers ces formes diverses l’enfant apercevra mieux le
verbe ; en tout cas il le trouvera lui-même, ce qui est l’essentiel.

c. L’adjectif qualificatif
Ensuite on fera observer qu’une chose peut être bonne ou mauvaise, laide ou
belle, vieille ou neuve, etc. et l’on fera chercher, par exemple, les qualités ou les

146
Orthographe

défauts qu’on pourrait trouver à un buffet, à un enfant, à un canard, un chien, etc.


Au fur et à mesure que l’enfant découvrira des adjectifs, ceux-ci seront placés
dans une accolade en regard du substantif, choisi d’abord du genre masculin.
Soit, comme dans les tableaux II a et II b, les adjectifs écrits en regard du mot
canard. On dit alors : « S’il s’agissait de la cane et non du canard, comment dirais-
tu ? – La cane est jeune, elle est grosse, etc. » On fera remarquer que certaines
qualités sont exprimées par le même mot (jeune) ; – que d’autres portent une
lettre de plus sans qu’on l’entende dans la parole (jolie) ; – d’autres s’allongent
d’un e qui rend audible une lettre muette au masculin (méchante) ; – d’autres
enfin perdent une lettre et en ajoutent d’autres (boiteux, boiteuse)…
En outre la qualité peut être jointe directement au nom ou peut y être jointe à
travers le verbe être.
On remarquera que nous mettons tout à fait sur le même plan un adjectif
quelconque et un participe passé ; l’exercice aurait pu être fait en employant
des termes tels que battu, fatigué, envolé, (mal ou bien) appris, de… mais les
règles d’accord de ces participes employés comme des adjectifs étant reprises au
moment de l’étude des accords du participe passé, un seul point est à considérer
maintenant : celui de l’équivalence du participe et de l’adjectif.

Tableau II a12

jeune
grosse
e s t méchante
le canard é t a i t jolie
la cane s e r a grise
a é t é bleue
marron
b o i t e u (x) s e
gourmande

12. N.B. L’impossibilité de distinguer par des couleurs certaines parties des mots nous oblige à
employer des caractères différents, par exemple grosse, mais le professeur disposant en classe d’un
tableau et de craies de diverses couleurs en fera usage pour attirer l’attention des élèves et mieux se
faire comprendre.

147
Langage oral et écrit

Si cette nouvelle notion semble comprise, l’exercice d’identification des caté-


gories de mots sera repris au moyen d’exercices oraux. Par exemple :
• La petite cane bleue a mangé une limace. Vois-tu des noms?
– cane, limace – nom d’animaux.
• Verbe ?
– a mangé.
• Comment est la cane ?
– petite et bleue.

Tableau II b

heureux ............
pauvre ............
il vieux ils ............
est sont
elle grand(e) elles
............
gris (e) ............
noir (e) ............

À ce niveau, avant d’aller plus loin, toujours avec de jeunes enfants bien
entendu, on commencera à donner l’idée des variations des noms et des adjec-
tifs en fonction du nombre. Et, pour habituer l’élève à réfléchir, on éliminera les
articles dont l’emploi indique trop évidemment le nombre. Voici, par exemple,
comment on procédera :
1. Si je dis « vieux chevaux », s’agit-il d’un ou de plusieurs ? Et si je dis vieux
cheval ?
2. Si je prononce vieux papier, crois-tu que je parle d’un papier ou de plusieurs
papiers ?
Et quand on aura fait remarquer qu’il est impossible de discerner, rien qu’en
entendant, si l’on parle d’un ou de plusieurs objets, on écrit les mots pour -faire
apparaître la différence graphique, et l’on fait observer que, dans les phrases,
d’autres mots permettent de comprendre sans erreur s’il s’agit d’un ou de

148
Orthographe

plusieurs objets : « J’ai jeté le vieux papier. Mes vieux papiers sont pleins de
poussière ; j’ai vendu de vieux papiers ; des papiers trop vieux ne sont bons qu’à
être jetés, etc. »
De tels exercices de langage, de lecture et d’observation serviront de prélude
aux traditionnels exercices écrits. Remplacez les tirets par les mots appropriés :
un, une, des : – poules noires ; – petit lapin, etc. Les exercices deviendront moins
fastidieux.
Si l’âge de l’enfant le permet, on fera rechercher dans la phrase tous les
éléments qui peuvent être atteints par l’idée de pluralité : noms, verbes, adjectifs,
pronoms, articles, en faisant remarquer chaque fois que certains ne varient ni
dans leur forme audible, ni dans leur forme visible ; que pour d’autres la variation
est visible seulement dans l’écriture, tandis que pour le plus grand nombre elle
s’entend et se voit également bien.

2. Notion du pronom

a. Le pronom personnel
La présentation en sera différente suivant l’âge.

Tableau III a

149
Langage oral et écrit

Les enfants ayant eu ou ayant encore du retard de parole devront aborder


cette question par des jeux de langage et au moyen de dessins schématiques,
presque comme il en faut faire pour des petits sourds (cf. tableau III, a, b, c, d).
Mais les élèves plus âgés ou moins gênés dans leur compréhension du langage
auront recours au tableau IV, p. 154.

Tableau III b

150
Orthographe

Tableau III c

Tandis que le pronom nous désigne plusieurs personnages que lie par exemple
une action commune (tableau III b, nous jouons), le pronom vous peut désigner
des personnages appartenant à des groupes différents.

151
Langage oral et écrit

Tableau III d

152
Orthographe

Le tableau IV présente, parmi les pronoms personnels, des intrus : l’indéfini on


et le pronom démonstratif neutre ce, c’, ça, parce que ces formes prêtent chez nos
enfants à toutes sortes de confusions.
Le mot « on » est le plus souvent senti comme un pluriel, ce qui entraîne une
faute de désinence verbale. D’autre part sa liaison avec la voyelle qui le suit est
généralement sentie comme une négation.
Quant à ce, il est souvent confondu avec se ; aussi figurent-ils tous les deux
sur la même page pour qu’on puisse faire à leur propos les exercices oraux conve-
nables.
Les pronoms encadrés représentent ceux qui peuvent dans la phrase être
remplacés par un nom. – Entre crochets le démonstratif neutre qui tient lieu d’une
proposition entière (il n’a pas dit qu’il voulait partir : ce n’est pas vrai ; ce = cela,
à savoir, qu’il voulait partir). – La colonne de gauche, sous l’accolade, contient les
pronoms sujets et les deux colonnes de droite les pronoms compléments, directs
ou indirects.
Les pronoms désignant un même individu sont reliés par un pointillé.

b) Les autres pronoms


Nous employons la même méthode pour la discrimination des pronoms
démonstratifs et possessifs notamment. Une liste des pronoms (neutres ou dési-
gnant des personnes) est sous les yeux de l’élève. Au bas de la page figurent
les adjectifs démonstratifs; l’élève doit indiquer celui qu’il reconnaît. Il indique
ensuite, sur un autre tableau représentant des formes telles que :
s’est c’est ces ses, etc.
le sens qu’il croit découvrir. Il nous paraît inutile de développer plus avant cette
question simple.

3. Notions relatives au verbe

a) Notion du temps
Les actes que nous exprimons concernent le passé ou le futur plus que le
présent : ils ont été, avec ou sans conséquence dans le présent; ou bien ils vont
être ; sauf dans l’impératif où les ordres donnés doivent aboutir à une modifica-
tion, immédiate ou prochaine, d’un état de choses. En tout cas ces notions sont
peu nettes chez les dysorthographiques et il vaut mieux les préciser.
Quelques questions sommaires permettront de savoir où en est l’enfant sur
ce point. On demandera, par exemple, de dire si l’action est passée, présente ou
future, dans des phrases comme : « Êtes-vous revenu à temps pour faire votre
travail ? « Vous avez renversé la salière. » « Ils se sont mis à jouer trop tard. »

153
Langage oral et écrit

« Reviendras-tu ? » « Je ne veux pas sortir. » « Vous allez partir », etc. « Tu n’iras


pas danser. » « Vous n’avez pas donné tout », etc.

Tableau IV

Certaines réponses pourront surprendre. Peut-être l’élève ayant placé « Vous


n’avez pas dormi » dans le futur vous expliquera-t-il qu’il ne peut s’agir du passé
puisque cela n’a pas eu lieu. Inversement la première phrase : « Êtes-vous revenu
à temps pour faire votre travail ? » pourra être sentie comme un futur ; motivation
« je ne suis pas rentré à temps pour le faire ; il n’est pas fait, il faudra le faire. »

154
Orthographe

Il ne faut pas tenter de se servir, pour faire comprendre passé et futur, d’un
acte à répétition comme le fait de manger, dormir ou se promener, ni se conten-
ter de formules telles que « hier j’ai fait…, demain (ou plus tard) je ferai… ». Ces
formules sont trop restrictives. D’ailleurs, chez les enfants ayant eu un gros
retard de langage, la formulation du temps est demeurée longtemps imprécise et
l’expression écrite s’en ressent. Des locutions comme « tout à l’heure », relatives
tantôt à un passé récent, tantôt à un futur prochain, accroissent la confusion.
Mieux vaut, surtout avec des enfants de moins de dix ans, mimer ou jouer un acte
ne laissant pas subsister de doute.

Exemple : Ayant sous les yeux le tableau Va où figurent trois flèches, vous feignez, d’un
mouvement très ralenti, de vouloir ouvrir un tiroir ; votre main s’en rapproche et vous
demandez : « Que penses-tu que je vais faire ? » La réponse étant : « Eh bien, ouvrir le
tiroir », vous montrez la flèche , puis vous ouvrez enfin – lentement toujours – le
tiroir et montrez, dès le commencement de l’acte, la flèche verticale . L’acte accompli,
vous montrez le signe .

Tableau V a

Vous mimez plusieurs autres actes comme couper du papier, s’allonger, ouvrir un para-
pluie, etc., et l’enfant montre les flèches convenables.
Puis, sans plus rien mimer vous prononcez des phrases du même type que les précé-
dentes mais en faisant varier la personne et en vous en tenant à des formes où le sens
actuel du présent, le sens prochain du futur, enfin le sens révolu du passé, soient bien
évidents. Evitez les phrases comme « tu as bien dormi ; vous avez déchiré le papier »,
dont le retentissement dans le présent (tu te sens bien ; le papier est déchiré… ) est
trop important.

155
Langage oral et écrit

Tableau V b

156
Orthographe

Quand le sens de ces trots temps, présent, passé, futur, parait compris, vous
écrivez sur la feuille les trois termes, passé composé, présent et futur et rédigez
en couleur un dispositif comme celui du tableau V b. L’auxiliaire avoir sera en
rouge, l’auxiliaire être en jaune13. Deux futurs doivent y trouver place, ainsi que
les terminaisons de l’infinitif.
Il vaut mieux éviter d’écrire, pour le passé, la formule « je viens de + l’infinitif »,
pour ne pas créer de confusion avec « je vais + l’infinitif » (sens du futur prochain
ou engagé avec les verbes d’action). Et bien entendu, on évitera dans les exer-
cices oraux des phrases telles que « je vais avoir fini », tandis que « tu viens de
dire » (= tu as dit à l’instant) devra figurer pour faire sentir le passé proche.

b. Forme négative
Il sera indispensable de faire comprendre que la négation ne porte pas sur
le temps mais seulement sur le sens exprimé par le verbe et que « j’effacerai ou
Je n’effacerai pas la tache » exprimera un comportement différent à l’égard de
la tache, mais rien quant au temps où se fera ou non cette action. Des phrases
comme : « Il ne fera pas beau dimanche prochain ; il pleuvra peut-être bientôt,
mais sûrement il ne neigera pas » aideront à faire sentir le sens du futur avec ou
sans négation.
À ce moment il peut être utile de pousser plus loin l’idée de la négation et
d’introduire dans la phrase des nuances restrictives telles que : « Il ne prend que
des biscottes, vous n’avancez pas, etc. » (Cf. tableau VI).

Tableau VI

ne n’ pas
point
rien
jamais
pas encore
que qu’
plus
guère
13. Il faut toujours bien entendu utiliser des couleurs différentes pour l’auxiliaire avoir et l’auxiliaire
être et de même une troisième couleur pour les auxiliaires de mode aller et venir de.

157
Langage oral et écrit

À cet effet, on pratiquera des exercices oraux. Le professeur dira des phrases
telles que : « Vous ne reviendrez plus » (verbe commençant par une consonne) et
l’enfant répétera la phrase de la façon suivante :
–– vous (de la main il montre que ce mot se situe à gauche de la feuille) ; ne (il
pose un doigt sur ne) ;
–– reviendrez (il montre que le mot se situe entre le premier et le second temps
de la négation) ;
–– plus (il pose un doigt sur plus).
De même, « ils ne m’entendront guère faire du bruit » sera coupé : ils (montré
à gauche), ne (désigné du doigt), m’entendront (montré entre les deux termes de
la négation), guère (désigné du doigt), faire du bruit (montré à droite).
Il faut que l’élève prononce les mots au moment où il les situe par rapport à
la négation ; ce point est important. Mais il faut prendre garde à ne pas pronon-
cer anormalement sous le prétexte de simplifier le travail. La phrase doit être
soigneusement prononcée, certes, et assez lentement pour permettre la percep-
tion de tout ce qui est articulé, mais elle doit être dite sur un ton expressif et avec
naturel. Par exemple, « vous ne m’y prendrez plus » sera prononcé vunmiprãdré-
plü et non vunœmiprãdréplü14, etc., et l’élève devra faire l’effort de reconstituer
en son esprit la forme pleine ne au moment de la désigner.
Ne pas oublier surtout de faire figurer dans l’exercice oral des phrases telles
que : « On n’entend pas tout ; – ils n’arrivent qu’à un petit résultat ; – tu ne l’attra-
peras pas », parmi lesquelles, à l’improviste, on glissera une phrase affirmative
avec on comme sujet devant un verbe commençant par une voyelle : « On arrivera
à temps ; – on y accède par une échelle, etc. » Les liaisons demeurent, pour les
enfants, une des difficultés majeures de la transposition écrite d’une phrase
orale. Aussi, quand les exercices oraux ne comporteront plus d’erreurs, il faudra
dicter des phrases qui permettront d’en vérifier l’efficacité.
Enfin cette idée de négation sera reprise au moyen d’exercices portant des
phrases tantôt affirmatives, tantôt négatives, tantôt interrogatives, tantôt interro-
gatives et négatives ; la discrimination du sens se fera en présence du tableau VII.
L’élève devra montrer le signe convenant à la phrase énoncée.
Il y a une source d’erreur certaine dans les affirmations négatives telles que :
« Je n’irai pas », ou les ordres négatifs tels que : « Ne bouge pas. » Si le nombre
des erreurs montre que, manifestement, l’élève ne comprend pas qu’une négation
n’est pas annulée par un ordre, etc., on fera trouver le verbe dans chaque phrase
et cette phrase sera ensuite construite positivement et négativement.

14. La phrase est écrite ici selon les conventions phonétiques courantes.

158
Orthographe

Tableau VII

Si l’enfant est jeune (7-8 ans) et surtout s’il a eu du retard de parole il sera
parfois nécessaire de recourir à des cartons découpés (cf. tableau VIII). La néga-
tion sera en rouge (ici en caractères gras), les pronoms en vert (ici en italique),
les verbes et les compléments (ou sujets…) en bleu (ici en caractères ordinaires),
ainsi que le t (dit euphonique) et les signes de ponctuation utiles à l’exercice.
On proposera ensuite des phrases telles que : « Ils apprennent des leçons »
(3 cartons plus celui du point final). On demandera ensuite à l’enfant de dire cette
phrase avec la négation ne… jamais. Il devra trouver lui-même, s’il est possible,
la phrase : « Ils n’apprennent jamais de leçons » et disposer les cartons pour
composer la phrase. – Une hésitation se produira sans doute à la modification
des, de. Si l’enfant n’y prend pas garde et s’apprête à laisser des leçons, on lui
fera remarquer que ce n’est pas correct et qu’il doit apposer le carton de à la place
du mot des.
Des exercices de même sorte seront faits pour des phrases telles que : Il
sortira demain, – il ne sortira pas demain ; – ils reviennent bientôt, – ils ne
reviennent plus jamais, – ils sortent, – sortent-ils ; – tu rentres, – ne rentres-tu
pas ; – il avance, – avance-t-il, – n’avance-t-il pas ; – entreront-ils, – n’entreront-ils
pas, entrera-t-il, – il ne rentrera point, etc.
Les difficultés principales étant éliminées sur ce point, on compliquera l’exer-
cice par l’introduction de pronoms compléments, toujours au moyen de cartons
découpés.
Exemple de phrases : Tu feras bouillir le lait dans cette casserole ; tu ne le lais-
seras pas dedans. – Où le mettras-tu refroidir ? – Nous avons trois artichauts, les
mangeons-nous ce soir ? Ne les laisserons-nous pas pour demain ? – Emballe cette
cruche dans la sciure ; ne l’emballe pas dans du papier. Pourquoi ne l’emballerais-
tu pas dans des copeaux ? etc., etc.
Les pronoms sujets ou compléments dans un exercice de ce type seront aussi
en une couleur distincte du contexte pour attirer l’attention.

c) Le participe passé
Pour aider à reconnaître le verbe, il est indispensable de le dégager, dans la
phrase parlée, des mots auxquels les enfants ne prennent pas garde ou dont lis
ne saisissent pas le sens, comme en témoignent les fautes : il narive pas, – tu
lentan, – ils viennent plus, – pour il n’arrive pas, tu l’entends, ils ne viennent plus,

159
Langage oral et écrit

etc. ; – il est non moins nécessaire de faire découvrir le verbe à un temps composé
– abstraction faite de l’auxiliaire dans les exercices du début – pour arriver à la
reconnaissance du participe passé, qu’il soit employé comme adjectif ou dans la
conjugaison.

Tableau VIII

160
Orthographe

Nous présenterons, sur le tableau IX, la liste des terminaisons du participe


passé. On pourrait certes discuter de l’opportunité – et de l’exactitude – de
présenter ait et ort comme terminaisons du participe passé pour les verbes faire
et mourir. Le partage en radical et terminaison pratiqué de la sorte peut sembler
plutôt fantaisiste, mais qu’on veuille bien ne pas oublier que nous nous adres-
sons à des enfants et non à des linguistes et qu’en définitive il faut aboutir à faire
distinguer des formes sans confusion possible dans l’esprit de l’enfant.

Tableau IX

é er
i is it ir oir re
u
ert ait
eint aint il a
ort
eint il est
os…

Sur cette même feuille figurent les terminaisons de l’infinitif et l’amorce du


passé composé avec l’auxiliaire avoir et aussi l’auxiliaire être, le premier en rouge,
le second en jaune afin d’aider l’enfant à retrouver la forme du participe passé.
– Le passé composé est amorcé à la 3e personne du singulier à cause des verbes
impersonnels.
L’exercice oral se pratique comme suit :
On dit « verser du lait », et l’enfant doit indiquer l’infinitif ou comment se
termine le mot verser, c’est-à-dire montrer er.

161
Langage oral et écrit

On dit ensuite : il a… L’élève doit dire : il a versé (du lait) et il montre é sur la
liste des terminaisons du participe passé.
« Recevoir un paquet », l’élève montre oir, prononce il a reçu, ou, s’il en est
capable, pense mentalement il a et dit tout haut reçu en désignant u.
« Prendre un bain », montrer re et pris, mais à ce moment il peut y avoir hési-
tation entre i, is, it, qui se prononcent également i ; on doit alors penser au féminin
pour orthographier correctement.
Sans prévenir l’élève, on introduira à l’improviste un verbe intransitif se conju-
guant avec être pour qu’il découvre lui-même qu’il convient de dire : il est arrivé,
devenu, etc.
Ayant pratiqué cet exercice devant le tableau, l’élève devra parvenir ensuite
à dire immédiatement le participe d’un verbe qu’on lui énonce (devenir, devenu ;
– sortir, sorti i ; – cuire, cuit it), et, vice-versa, être capable de répondre l’infinitif
quand on dit le participe (joint, joindre ; – versé, verser, etc.).
À partir de ce moment, l’élève peut aborder l’accord du participe. Auparavant,
on vérifiera toutefois encore un certain nombre de points essentiels.

d) Accord du participe passé


Notions préalables relatives aux pronoms
La détermination du genre et du nombre des pronoms sera poursuivie tant
dans la fonction sujet que dans la fonction complément. On utilisera à cette fin
les figures suivantes :

Figure 44
Il court.

162
Orthographe

Figure 45
Elle court.

Figure 46
Ils portent une échelle.

Figure 47
Ils portent un panier.

163
Langage oral et écrit

Figure 48
Elles marchent.

Les figures 46, 47 et 48 servent à faire comprendre que le pronom elles au


pluriel ne peut s’employer que pour le genre féminin, tandis que ils convient aussi
bien pour remplacer par exemple Pierre et Gilles que Pierre et Jacqueline : On fera
observer que cette régie s’étend aussi bien aux êtres asexués tels que un crayon
et une gomme : ils (= le crayon et cette gomme) sont trop beaux pour moi.

Figure 49
Le garçon porte une bûche sur l’épaule.
[Il] [la]

164
Orthographe

Figure 50 Figure 51
Il la tire. Elle le tire.

Les figures 49, 50 et 51 servent à faire voir le mécanisme du remplacement


d’un nom par un pronom personnel du même genre, même nombre et même
fonction (complément direct). Le pronom complément sera d’abord exprimé par
la forme pleine le, la, puis par la forme élidée l’. Il suffit de remplacer le verbe à
consonne initiale (tirer, porter… ), par un verbe à voyelle initiale (emmener, empor-
ter), ce qui fera : elle l’emmène (l’ = le chien), il l’emporte (l’ = la bûche), etc.

Figure 52
Elle les vend 200 F.

165
Langage oral et écrit

Figure 53
Il les met dans le pot de fleurs.

Le pronom des figures 52 et 53 peut désigner aussi bien des masculins : elle
les (= balais) vend ; des féminins : il les (= les limaces) met ; ou des masculins et
des féminins : il les (= les escargots et les limaces) met dans le pot.

Figure 54 Figure 55
Elle lui donne une lettre. Il lui donne une lettre.

Les figures 54 et 55 illustrent le mécanisme de remplacement d’un nom par un


pronom, complément indirect.
On fait remarquer que, dans celte fonction, le pronom complément lui, bien
qu’au singulier, peut remplacer un masculin : la fille lui (= au garçon) donne une
lettre, ou un féminin : le garçon lui (= à la fille) donne une lettre.

166
Orthographe

Figure 56
Elle donne des pommes aux filles.
Elle leur donne des pommes.

Figure 57
Elle lui dit impérieusement (de ramasser le livre).

le = cela

Il en est de même pour le pluriel leur (Figure 56) : elle donne des pommes (aux
filles) ; elle donne des pommes (aux garçons) aboutiront, par remplacement du
substantif complément indirect, à la même phrase : elle leur donne des pommes.
Une phrase de récapitulation, Figure 57, fera comprendre les pronoms de la
troisième personne sous toutes les formes (elle le lui dit), et, sur le même modèle,
il le leur donne ; elles les lui envoient ; elles les leur apportent, etc. Car l’emploi de
ces pronoms constitue une grande difficulté pour les enfants dysorthographiques.

Figure 58
Figure 59
Ils lui portent des roses.
Ils lui en (= des roses) portent. Elle lui donne des cerises. Elle lui en donne.

167
Langage oral et écrit

Figure 60 Figure 61
Ils lui donnent trop de grain. Elles m’apportent des oranges.
Ils lui en donnent trop.

Dans les phrases contenant le pronom en, Figure 58, 59, 60, on fera remarquer
que celui-ci peut désigner des objets susceptibles de se compter (des roses), ou
des objets qui, tout en étant séparables, sont désignés en bloc (des cerises).
A plus forte raison il en sera de même si le pronom en remplace un substantif
accompagné d’un partitif (du grain), il désigne alors une masse dont on peut
prendre une partie comme pour du beurre, de la crème, etc. – On ajoutera ensuite
le pronom lui en faisant varier le genre : elle lui (= fille) en donne ; ils lui (canard)
en donnent, etc. – Enfin la Figure 61 (elles m’apportent des oranges) permettra,
en changeant les personnages et les interlocuteurs, de faire comprendre : vous
m’apportez (m’ = garçon ou fille), elles t’apportent (t’ = garçon ou fille), et, par
analogie, je vous demande, on nous rappelle, tu nous emmènes, etc.15
Ainsi, en ce qui concerne le genre et le nombre, l’enfant apprendra tout de
suite à penser que je, tu, nous, peuvent être masculins ou féminins. Le pronom
vous est plus compliqué puisqu’il peut désigner un seul individu, masculin ou
féminin, et plusieurs individus masculins ou féminins, ainsi que des individus
masculins et féminins mêlés.

15. Classe de sixième, Cette fois, au lieu d’un dessin, c’est une scène mimée :
Josette donne un livre à Annie
Nos trois personnages sont là, devant le tableau où j’ai écrit cette phrase à la craie. Et je demande :
Dites la même chose en remplaçant les noms par des pronoms.
Rép. : Elle lui donne.
Elle, c’est Josette ; lui, c’est Annie. Où est passé le livre ?
Nous cherchons pourquoi on commet cette faute. C’est un peu laborieux... Enfin une élève trouve que :
« Nous mangeons des mots. Ici, le ». Et une autre, mise ainsi sur la voie, remarque que le est atone,
s’entend peu, et que, sur les deux pronoms, on garde celui qui s’entend le mieux.
Nous écartons les mauvaises formes : donne-moi le... ; et donne-me le ... Et nous 6crlvons enfin sur
notre cahier de syntaxe la règle classique...
(Extrait d’un carnet de classe de Miss F...).

168
Orthographe

Quant au pronom on, qui est au singulier même quand il désigne une foule
d’individus, il est généralement masculin mais peut se teinter de féminin (On s’est
bien amusée, petite ?) dans certaines phrases qu’il vaut mieux d’ailleurs ne pas
proposer à de jeunes enfants.
On fera, en revanche, rechercher le genre dans le pronom qui à travers des
exemples comme : « C’est vous qui êtes sortie, madame. La porte qui s’est refer-
mée brusquement a claqué trop fort. C’est lui qui m’a pris mes billes », etc.
Cette même recherche du genre devra être poursuivie dans les pronoms
compléments. On apprendra que la désigne seulement un féminin ; le un mascu-
lin ; l’, ainsi que les, un masculin ou un féminin.
C’est seulement après avoir fait faire ces exercices à l’élève, ou après avoir
vérifié qu’il n’y a pas d’obscurité dans son esprit en cette matière, qu’on abordera
l’accord du participe passé.

L’accord du participe passé comme épithète ou attribut


ou précédé de l’auxiliaire être
Le cas le plus simple est celui où le participe employé comme épithète n’est
qu’un simple adjectif et s’accorde comme tel : Une dame fatiguée. Lassés de
marcher ils s’endormirent. Les plantes inclinées par le poids de la pluie.
Si la qualité rejoint le substantif ou le pronom à travers l’auxiliaire Un ou un de
ses équivalents (devenir, sembler, paraître, passer pour… ), le participe s’accorde
avec le sujet, que ce soit dans un verbe passif ou dans un verbe intransitif.
Les personnes qui seront arrivées les dernières se mettront sur ces chaises.
– Les soldats revenus d’Indochine ont été conviés à une réunion, ils sont partis
ensuite pour une autre destination, etc.
Le tableau X servira, pendant les exercices oraux, à fixer l’esprit de l’élève sur
les accords.

169
Langage oral et écrit

Tableau X

Voici quelques exemples de phrases sur lesquelles on interrogera de cette


façon. Supposons que le maître dise : l’oie entourée de ses petits est arrivée en
se dandinant ; les points sur lesquels devront porter les questions et les réponses
seront présentées comme suit :
–– Q. entourée ? – L’élève doit répondre : é accent aigu, e, en montrant cette
lettre qui figure en jaune (ici en caractères italiques) sur le tableau des
accords ;
–– Q. est arrivée ? -– Est (l’élève désigne l’auxiliaire être) ; – arrivée : é accent
aigu, e.

170
Orthographe

Les feuilles envolées ; – des pruneaux cuits ; – un homme appesanti par le travail ;
– des gens devenus vieux ; – ces gâteaux me semblent desséchés ; – un paysage vu à
travers des jumelles ; – une barque désemparée ; – des buis taillés ; – vous me semblez
ennuyé, etc.

Inversement on fera compléter des phrases où figureront des participes dont


l’accord guidera l’élève pour trouver des substantifs appropriés. Par exemple :

« Ennuyées de leur état… fait tout leur possible pour en changer. »

L’élève devra compléter par un substantif féminin pluriel et l’auxiliaire avoir


au pluriel.

« ... trop satisfaits d’eux-mêmes ne sauraient plaire. »


« bien bêché… produira une bonne récolte » etc.

Avant de quitter le chapitre de l’accord du participe passé comme épithète


et comme attribut, il sera bon de faire une révision de l’attribut en faisant bien
comprendre à l’enfant qu’il constitue une manière de circuit fermé et qu’il ne faut
pas poser la question quoi pour trouver le complément dans des phrases telles
que « On le croit blessé ; il a été élu député ; il demeure le maître de la situation »,
etc.16

16. Il ne faut pas, disons-nous, poser ici la question quoi. Cependant les élèves la posent. Et, chose
pire, cette Interdiction est très difficile à faire observer. La construction même de la phrase y invite.
Plutôt faudrait-il dire qu’il ne faut la poser qu’à bon escient, ce que les élèves ne font pas. Ils la posent
un peu comme Ils la poseraient dans le cas d’un participe passé conjugué avec avoir (cf. p. 172) et
sans réfléchir suffisamment, de là une équivoque dans la manière d’analyser.
Soit cette phrase : Je trouve cette jupe trop longue, je la trouve démodée ... L’élève demande : Je la
trouve, quoi ? et répond : « démodée », faisant de démodé un complément direct. Or, vraiment, un
participe passé peut-il Jamais remplir cette fonction par rapport à un verbe ? Pour être Juste dans sa
forme, l’accord n’en est pas moins erroné. L’erreur de l’élève consiste à avoir considéré comme verbe
le bloc « la trouver », alors qu’il eût dû poser la question comme suit : « Je trouve quoi... ? la robe.
Comment ? démodée. »
Autre phrase : « Il a été élu député. – Il a été élu, quoi ? – Député. » L’élève n’a pas reconnu que le
verbe élire était à la vole passive.
Mais aussi comment tout dire ?

171
Langage oral et écrit

On révisera aussi les cas simples d’accord avec l’auxiliaire être au moyen des
figures ci-dessous :

Figure 62

suis ………… habillée

est ………… habillée, … habillé

sont ………… habillés, etc.

172
Orthographe

Figure 63
Il est fatigué.

Figure 64
Elle est fatiguée.

Figure 65
Elle est habillée.

Figure 66
Nous sommes habillées trop long.

Figure 67
Elles sont habillées.

173
Langage oral et écrit

Accord du participe passé conjugué avec l’auxiliaire avoir


Avant d’étudier l’accord du participe passé conjugué avec avoir, il conviendra
de donner quelques explications sur les compléments du verbe. En effet, tandis
que « je suis battu » ou « il est devenu fou » correspondent à la formule du circuit
fermé, dont nous venons de parler, la plupart des verbes d’action n’ont pas un
sens absolu et pour que la pensée qu’ils expriment soit achevée, pour ne pas
laisser une impression lacunaire pénible plus ou moins analogue à l’interruption
d’une phrase musicale, ces verbes doivent introduire de nouveaux êtres ou de
nouveaux objets sur lesquels s’exerce leur action et qui font corps avec le verbe.
En outre, à ces compléments, sans lesquels la pensée reste en· suspens, s’en
ajoutent d’autres pour achever de décrire l’action ou en préciser les conditions.
Ces compléments, dont la suppression enlèverait de la précision à la phrase sans
en détruire le sens, portent couramment le nom de compléments circonstanciels.
Si l’on se place au point de vue de l’orthographe, c’est-à-dire de l’accord du
participe passé, les seuls compléments avec lesquels l’accord puisse se faire
sont (conformément à une règle générale de l’accord des mots entre eux) ceux
qui se rattachent directement au verbe. C’est donc pour l’orthographe la chose à
déterminer et la règle simple à observer pour y parvenir nous paraît la suivante :
appeler complément direct l’être ou l’objet qui répond à la question qui ou quoi
dont on fait suivre le verbe. Tout autre complément est en effet indirect, c’est-à-
dire rattaché au verbe par l’intermédiaire d’une préposition. Il n’y a d’exception (il
ordonne de le tuer) que dans des cas où le complément est non pas un nom d’être
ou d’objet), mais un verbe à l’infinitif 17.
En voici des exemples dans les phrases suivantes dont la dernière comporte
un verbe complément répondant à la question quoi (donner quoi ?).
–– Pierre tire la chienne,
–– Je la tape,
–– Je donne un bonbon à Charles,
–– Je le lui reprends.
–– Tu donnes à boire à ton frère.

17. Parmi ces compléments indirects, on peut, d’autre part, distinguer deux variétés :
A. Des compléments indirects qui répondent le plus souvent aux questions à qui ou à quoi, pour qui
ou pour quoi, de qui et de quoi ? (songer à quelqu’un – recevoir un colis pour quelqu’un – se souvenir
de quelque chose), Les prépositions à et de, pour ou par, avec... marquant des rapports d’attribution
ou d’accompagnement, sont également fréquentes.
B. Des compléments indirects circonstanciels (ou, plus simplement, circonstanciels), qui sont des
réponses aux questions où, quand, comment, pourquoi, combien, et qui utilisent des prépositions
marquant des rapports de lieu (passer par le sentier), de manière (ranger par douzaine, saisir par le
bras), de temps ou de cause (sortir par désœuvrement), etc.

174
Orthographe

Lorsqu’on a affaire à un verbe au participe passé, deux entraînements se


montrent alors nécessaires pour amener un enfant aux distinctions précédentes :
1° Reconnaître l’auxiliaire avec lequel le verbe est conjugué ; 2° Reconnaître si le
verbe présente ou non un complément direct, et, s’il en existe un, quel il est.

Tableau XI

Pour cela on utilisera le tableau XI où l’auxiliaire être, dont le verbe peut


être accompagné, est figuré dans un V à demi empli de points jaunes, tandis
que l’auxiliaire avoir est figuré dans un V par des stries rouges. Puis on exercera
l’enfant à montrer, en disant une phrase, les fonctions sujet et complément direct
sur le tableau XII ci-dessous.

Tableau XII

s v c
s v
v
v s
v s c
s s v
c s v
c v s
v c
v c c
s c v

175
Langage oral et écrit

Soit la phrase suivante : « Il a rentré le pliant… » La phrase sera répétée par


l’élève en désignant :
–– la lettre S quand il prononce le mot « il » ;
–– la lettre V quand il prononce « a rentré » ;
–– enfin la lettre C en disant « le pliant ».

Tableau XIII : accord du participe passé avec avoir

176
Orthographe

Ci-dessous, à titre indicatif, quelques phrases susceptibles de servir de


matière à exercice :
–– Ils ouvrent la porte. (S V C) –– [Les paniers] que vous [m’]appor-
–– Tu rentres. (S V) tez… (C S V)
–– Reviens. (V) –– [Quels] oiseaux veulent-ils ? (C
–– Dors-tu ? (V S) V S)
–– Apportez-vous la théière ? (V S C) –– Prends-les. (V C)
–– Le chat et le chien sont partis. –– Versez le thé et le café. (V C C)
(S S V) –– Vous le mettrez… (S C V)
Si un verbe est coupé en deux par une interrogation (avez-vous fermé la
porte ?) on montrera V S V, l’auxiliaire et le participe étant montrés sur V ; puis on
indiquera le complément C.
L’enfant arrivera ainsi à une découverte rapide de la place du complément
direct. Or cette rapidité est indispensable à l’accord du participe passé dans les
verbes conjugués avec avoir, car il ne sert à rien de connaître la règle si l’applica-
tion en est rendue impossible par excès de lenteur dans l’analyse. Cet accord est
figuré au tableau XIII.
Un tableau général des fonctions (tableau XIV) aidera l’élève à sentir rapi-
dement l’articulation de la phrase puisqu’il n’aura qu’à indiquer du doigt sans
l’énoncer la question correspondant au fragment de phrase qu’il prononce :

Tableau XIV

177
Langage oral et écrit

Ex. : Le singe (s.) le (c. dir.) lui (c. indir.) avait montré (v.) la veille (complément
circonstanciel, question quand ? ).
Il se peut que le verbe à un mode personnel ne soit pas transitif (ex. je vais
jouer). Il ne faut pas alors montrer le v. jouer dans la zone réservée aux complé-
ments directs sur ce tableau. Le mieux est d’éviter ces exemples et de les faire
étudier sur un autre tableau destiné à mettre en évidence le fait qu’un verbe
complément d’un autre est toujours à l’infinitif.

Tableau XIV bis

Phrases à demander. On ne se préoccupera plus du type de complément mais


seulement du fait que le verbe étant complément sera nécessairement à l’infinitif.
–– Tu peux sortir : tu sera montré sur S ; peux sur V partagé par les auxiliaires
possibles ; sortir sur le premier cercle entouré des désinences infinitives.
–– Il veut aller jouer dans le jardin : il (S) veut (V) aller (1er V, avec infinitifs)
jouer (2e V, avec infinitifs). Le reste du texte, « dans le jardin » est hors de
l’exercice.
–– Crois-tu pouvoir porter ça tout seul ? Crois (V) tu (S) pouvoir (1er V, avec
infinitifs) porter (2e V, avec infinitifs). Le reste du texte est hors de l’exercice.
En même temps les tableaux XI et XIII (p. 175 et 176) restent sous les
yeux de l’élève pendant les premiers exercices oraux pour la reconnaissance des

178
Orthographe

temps composés et surtout pour celle des temps surcomposés, où la coexistence


des auxiliaires avoir et être représente une difficulté de discernement toute
particulière.
Autres phrases-types pour exercices :
–– Nous aurons fini nos crêpes avant vous.
–– Ayez mangé tout cela demain.
–– Mademoiselle, des moustiques vous ont piquée…
–– Quelles pièces ont-ils préférées ?
–– Le bijou, que vous avez perdu, se retrouvera sans doute.
Quand la découverte du complément direct sous la forme d’un pronom n’est
pas immédiate, on refait des exercices oraux sur ce point au moyen de phrases
telles que : « Vous les avez entendus ; – Le voyezvous ; – L’as-tu aperçu quand il
entrait ? – Comment l’aurait-on reconnu ? – La hotte ? C’est l’âne qui l’emportait ;
– Nous le lui avions donné ; – On ne sait jamais à quelle heure il a fini, etc. »
La dernière phrase n’a pas de complément direct ; il faut en entremêler de
telles parmi les autres pour maintenir actif le jugement de l’enfant et être r qu’il
ne fait pas de réponses automatiques18.
De même, on présentera tantôt des phrases avec des participes, tantôt des
phrases où le verbe est à un temps simple pour ne pas aboutir à un accord systé-
matique sur l’idée verbale : C’est l’âne qui l’emport(ait), écrit é, e, sous prétexte
que l’ remplace la hotte. La distraction et l’inintelligence verbale de certains
dysorthographiques sont, en effet, pratiquement infinies19.
On reviendra alors sur l’accord du participe passé avec avoir en ayant de
nouveau recours au tableau XIII, et sur l’accord avec l’auxiliaire être au moyen
des figures 62 à 67, p. 172 et 173. On prendra garde, bien entendu, de ne
pas présenter de phrases qui prête à deux interprétations (où la portes-tu ? où
l’apportes-tu ? – ils l’emmènent, il l’emmène) ou dont le sens est imprécis (elle l’a
fini ; elle l’a finie). Un bref contexte peut être indispensable.

18. Tous ces exercices ont enchanté, quand il les a connus, le professeur de 6e dont nous avons cité
déjà quelques remarques. « Jamais on n’accordera bien les participes, nous a-t-elle écrit paraphrasant
Mme Borel, s’il faut procéder chaque fois à une analyse réfléchie de la phrase. » À la compréhension
doit s’ajouter un entraînement à la rapidité... (Ceci est vrai de la grammaire comme du calcul et plairait
aux pédagogues américains). Et notre correspondant en propose une application à un cas particulier.
Trop d’élèves ne font pas habituellement accorder le participe passé du verbe avoir, paraissant le tenir
pour invariable. Ecrivons donc au tableau : eu eue eu, eues et faisons montrer par un élève la forme
correcte dans un défilé rapide de phrases appropriées, tandis que les autres marqueraient par + ou
par – les réussites et les erreurs. » Dr Th. Simon.
19. Le même professeur nous a écrit à ce sujet : « Les exercices qui mêlent verbes à l’imparfait et
participes passés sont particulièrement heureux pour habituer les élèves à résister aux suggestions
de voisinage ou à l’automatisme des sons. »

179
Langage oral et écrit

Participe passé et verbes pronominaux


Avant d’aborder l’accord du participe passé dans les verbes pronominaux et
dans le cas où il est suivi d’un infinitif, il faudra habituer l’élève à reconnaître un
pronominal et à discerner les diverses fonctions dans les phrases pour qu’il ne
s’établisse pas d’erreurs sur ces points. Elles risqueraient, en effet, d’entraîner
des fautes d’orthographe.
Les enfants identifient malaisément et en tout cas savent mal énoncer un
verbe pronominal. Soit cette phrase : « Leur mère s’est promenée seule. » La
question : « Quel est le verbe ? » obtient pour réponse « promener », alors qu’il
faut exiger se promener.
La feuille du tableau IV (p. 154), ainsi que le petit tableau XV représenté
ci-dessous et qui devra, à ce moment, lui être adjoint, serviront à corriger cette
erreur. L’élève devra prendre garde au fait que dans la phrase : « S’est-il vraiment
donné une entorse ? » ou « Vous nous êtes mis dans un mauvais endroit », les
pronoms réunis par un pointillé dans le tableau IV désignent le même individu20,
et c’est pourquoi le verbe devra être énoncé se donner, se mettre, en posant le
doigt sur la formule appropriée au tableau adjoint XV. On aura aussi recours,
surtout s’il s’agit d’enfants jeunes, aux figures de la p. 181.

Tableau XV

se
V +V
s’
asseoir s’asseoir, etc.

20. Note sur ce point de notre correspondant déjà plusieurs fois cité : « Le pronom réfléchi, dit-on
couramment, représente la même personne que le sujet. Certes, mais nous exposons un chapitre de
grammaire. En grammaire, le mot “personne” est utilisé pour désigner la 1re, la 2e et la 3e personne
du singulier ou du pluriel. Aussi, que de collègues ont dû constater, à l’occasion des verbes pronomi-
naux, la difficulté que provoque l’emploi de ce mot. Le remplacer volontairement par le mot individu
est une ingénieuse précaution, un secours heureux pour expliquer les deux pronoms des verbes
pronominaux. »

180
Orthographe

Pronominaux

Figure 68
Elles se promènent.

Figure 69
Elles s’embrassent.

Figure 70
Elles se sont assises dans l’herbe.

Figure 71
Elle se penche.

Figure 72
Elle s’est installée dans l’herbe.

181
Langage oral et écrit

Quatre difficultés se présentent :


1. Le sujet est un nom : « Le menuisier s’est blessé avec ma pince ». En pronon-
çant « le menuisier », l’élève doit mettre son doigt sur le pronom il, qui remplace-
rait éventuellement le nom (tableau IV, p. 154).
2. Dans l’impératif, le verbe qui n’est pas pronominal se présente sans pronom
et le pronominal avec un pronom réfléchi seulement (assieds-toi, promenons-
nous). C’est pourquoi il sera bon de présenter la disposition du tableau XVI pour
l’impératif. En désignant l’impératif, on pense à la personne impliquée dans la
désinence employée, marche s’adressant à une seule personne qu’on tutoie, et
avançons se référant à plusieurs personnes parmi lesquelles on se trouve, etc. Les
infinitifs sont rappelés en haut de la page, la terminaison er étant en rouge ainsi
que les désinences e, ons, ez, tandis que les autres terminaisons infinitives ir, oir,
re, sont, par exemple, en vert, comme l’s caractéristique de la seconde personne
et les traits qui indiquent l’égalité de tous les verbes devant les désinences
ons, ez.
Pour les plus grands élèves figurent les formes concernant l’impératif passé
(sois arrivé avant moi ; ayez fini de meilleure heure, etc.).
3. Il y a les verbes dits essentiellement pronominaux comme se repentir, s’abs-
tenir. Quand il s’agit d’une forme comme : « Vous vous êtes blessé », l’élève n’a
pas de peine à reconnaître le pronom complément direct en procédant au moyen
de la traditionnelle formule : « Vous avez blessé qui ? Vous. » Mais si la phrase
est : « Il s’en est bien repenti », la formule précédente devient absurde, car le se
réfléchi n’est pas complément direct au même titre que dans la phrase : « Il s’est
caché. » A vrai dire, il n’a pas de fonction et suggère plutôt une formule comme
relativement à, en ce qui le concerne, convenant à un accusatif de relation. « Il
s’est repenti » équivaudrait donc à : il y a eu repentir en ce qui le concerne. Cette
formule fait assez bien sentir la raison de l’accord du participe passé dans une
phrase comme : « Elle s’est envolée ; elle s’est abstenue », c’est-à-dire un accord
avec le sujet comme si le participe était lié au sujet directement par l’auxiliaire
être puisque le second pronom n’a pas de fonction. D’autre part, dans une phrase
comme : « Ces insectes se sont entretués », le sens est évident : des insectes en
combattant ont tué leurs adversaires et se, qui est complément direct, n’a pas le
sens de eux-mêmes, mais simplement le sens de eux, et l’accord s’impose.

182
Orthographe

Tableau XVI

183
Langage oral et écrit

Le tableau XVII, sur l’accord des pronominaux, en rappelle les règles. Au bas
de ce tableau, en légende, figurent des phrases servant d’exemple pour des
exercices.

Tableau XVII

– elle s’est vu jeter à la mer ;


– elle s’est réveillée bercée par la mer ; elle s’est estropiée ;
– elle s’est démis le genou ; elle s’est fait panser ;
– elle s’est permis d’emmener votre chien ; les pansements qu’ils se sont laissé faire ;
– les paroles qu’ils se sont entraînés à prononcer, etc.

4. Enfin, dernière difficulté et non la moindre : celle de l’accord du participe


passé suivi d’un verbe à l’infinitif. Si l’élève n’a pas l’habitude de serrer de près
le sens d’une phrase, il faudra l’entrainer à rechercher systématiquement ce qui
joue le rôle d’un complément d’objet direct : « Les nouvelles que j’ai entendu
donner ne venaient pas de la même source » (j’ai entendu quoi ? donner des
nouvelles) ; toutes les chanteuses que j’ai vues se produire dans ce casino n’ont
eu aucun succès (j’ai vu qui ? que = les chanteuses se produisant dans ce casino
et n’y ayant aucun succès). » Dans le premier cas le participe ne peut s’accorder
et dans le second il s’accorde.

184
Orthographe

Si le participe passé suivi de l’infinitif est le participe fait, le sens impose,


comme complément direct, l’infinitif qui suit. C’est pourquoi il ne peut y avoir
d’accord de participe en ce cas : les lettres que vous m’avez fait écrire… = vous
avez fait quoi ? écrire des lettres à moi (ou par moi).
De même, si le verbe est impersonnel (les chaleurs qu’il y a eu étaient into-
lérables), il ne saurait y avoir accord du participe, car le sens n’est pas : des
chaleurs eues, comme des chansons chantées (par lui) dans « les chansons qu’il
a chantées ». Et le sens est « les chaleurs – celles qui ont eu lieu – ont été into-
lérables ».
En résumé il ne saurait y avoir d’accord de participe (l’auxiliaire étant avoir ou
pouvant y être ramené) si le temps du verbe où est inclus ce participe n’a pas de
complément direct. Mais si le participe n’est plus qu’une sorte de passif dont le
sens est lié au substantif ou au pronom comme il le serait en tant qu’épithète ou
attribut, l’accord s’ensuit (une porte fermée ; la feuille (s’est) envolée ; voici des
champignons (que j’ai) vus pousser en une heure… ). (Cf. tableaux XVI-XVII.)
Les pages suivantes présentent une récapitulation des accords du participe
passé dans des cas difficiles :

185
Langage oral et écrit

21

21. Phrase 7, cf. Augé, p. 566.

186
Orthographe

e. Futurs de l’indicatif et conditionnel (présent et passé)22


Sans entrer dans toutes les nuances de sens impliquées par ces formes, il faut
néanmoins, pour orthographier sans faute, arriver à une discrimination suffisante
des formes voisines : je finirai et je finirais, il eut fini et il eût fini, etc. On rappellera
donc la différence de signification entre le futur et le conditionnel et on fera faire
des exercices oraux de discrimination. L’élève aura sous les yeux un tableau des
terminaisons comparées (XVIII).

22. Phrase 14, cf. Grammaire Claude Augé, p. 687.

187
Langage oral et écrit

Tableau XVIII

Futur et conditionnel (présent)

(e) rai (e) rais


(i) ras (i) rais
ra rait
rons rions
rez riez
ront raient
On prononce alors des phrases comprenant de préférence des verbes de la
première conjugaison à la première personne. La ressemblance du timbre des
e, fermé pour le futur, ouvert pour le conditionnel : dormiré.(rai), dormirè.(rais),
d’ailleurs peu nette chez beaucoup23, oblige l’élève à faire usage du sens seul
pour discerner le temps employé.
Voici, à titre d’exemple, quelques phrases :

je n’aimerais pas aller dans ce pays,


j’espère que je pourrai te ramener,
je ne prendrai pas l’avion, c’est certain, mais je reviendrais volontiers par mer si je
pouvais rentrer plus tard,
je crois qu’à ta place je remuerais ciel et terre pour le connaître,
je ne cueillerai plus de ces champignons-là ; sans être indigestes, ils ne sont pas
savoureux.

On s’efforcera de faire comprendre que les formules : pourquoi sortirais-lu ?


et pourquoi sortiras-tu ? ne sont point équivalentes. Dans l’une on s’informe des
raisons qui entraîneraient à sortir si une certaine éventualité se produisait, et,
dans l’autre, on sait bien que la personne sortira mais on lui demande pourquoi.

23. Cf. plus loin, « accents », p. 203.

188
Orthographe

Le conditionnel de pure concordance fera également l’objet de quelques exer-


cices oraux :

« J’espérais qu’il viendrait ou qu’il aurait réussi » seront comparés quant au sens avec
« j’espère qu’il viendra ou qu’il aura réussi ».

On fera de même pour : « Si j’avais eu fini, j’aurais accepté de t’accompagner ;


– si tu voulais, tu réussirais en tout. – Quand je mange trop, je suis malade ; mais
si je ne mangeais pas assez, je le serais également », etc.
En résumé on fera sentir que le conditionnel est un futur hypothétique et
qu’on le distingue en tant que mode par cette propriété et non par la présence
ou l’absence de si au voisinage comme le croient si souvent les élèves, ex. : je le
voudrais au diable ! depuis ce matin il ne fait que des sottises (conditionnel). Si
tu continues, je te donne une claque (indicatif ).

f. Reconnaissance du subjonctif
Pour le subjonctif, toujours mal identifié par les enfants, le procédé pédago-
gique sera le même, c’est-à-dire qu’au moyen d’exercices oraux on essaiera de
faire sentir les différences de sens entre je veux bien qu’on entre maintenant et je
crois qu’on entre maintenant, etc.
On recherchera dans une grammaire la liste des conjonctions et des verbes
comportant l’emploi du subjonctif et on fera construire des phrases les contenant,
mais de préférence cette fois avec des verbes permettant, par leur forme, d’iden-
tifier le subjonctif (faire, pouvoir, venir, etc.). Cela aidera à vérifier si l’enfant s’en
sert spontanément ou si un emploi fautif ne le choque pas. Si, en effet, dans le
langage de l’élève, il faut que tu viens, tu ne veux pas que je fais ça, ne sont pas
sentis comme des monstruosités, il est vain de vouloir obtenir la distinction de
subjonctifs et d’indicatifs ayant le même son (verbes en er : il croit que tu chantes,
indicatif, ayant le même son que : il ne veut pas que tu chantes, subjonctif ).
C’est pourquoi il faut d’abord vérifier la correction du langage et, s’il est néces-
saire, l’établir.

g. Exercices spéciaux sur les terminaisons des verbes


Toutes les grammaires les donnent et il n’y a qu’à les apprendre. Pourtant,
il peut être bien utile de présenter un tableau général qui permette de voir les
analogies, les différences et l’apparentement de certaines formes entre elles. Les
connaissances trop fragmentaires, à quoi il faut bien recourir, ne laissent pas voir
l’indispensable ensemble. Le tableau XIX a pour but d’obvier à cet inconvénient.
Les terminaisons doivent être en couleur.

189
Langage oral et écrit

Ce tableau, mis sous les yeux de l’élève, servira au début à retrouver la forme
demandée.
Les exercices seront faits de deux manières :
1. D’abord oralement ; le maître dit, par exemple : je chercherais, ils eussent
parlé, vous enlevez, ils feront, etc., et l’enfant montre sur le tableau la personne,
le temps et le verbe qu’il aura identifiés. Si certaines formes appartiennent à deux
temps, par exemple, que je finisse, que tu remplisses, qui sont à la fois du présent
et de l’imparfait du subjonctif, l’élève montrera les deux.
On lui fera rechercher aussi toutes les possibilités d’une même terminaison.

Ex. : terminaison e, – verbe en er.


1. au présent de l’indicatif, pronom je ou il ;
2. au présent du subjonctif, idem ;
3. à l’impératif présent, 2e personne singulier.

2. Puis les exercices seront faits par écrit. On dictera : tu chantes ; il finirait ;
nous eussions joué ; qu’il eût fini ; vous, les hommes, vous êtes partis (m. pl.),
etc. ; on passera ensuite à des phrases dans lesquelles ces formes seront incluses
avec quelques difficultés supplémentaires.

Tableau XIX : Tableau général des terminaisons ; temps simples

Temps simples
MODE INFINITIF MODE PARTICIPE
Présent : er ir oir re 1. Présent : ant

MODE INDICATIF

1. Présent 2. Passé simple 3. Imparfait 4. Futur


je e s ai is us ins ais (e) rai
tu es s as is us ins ais (i) ras
il e t (d) a it ut int ait ra
nous ons … âmes îmes ûmes înmes ions rons
vous ez … âtes îtes ûtes întes iez rez
ils ent … érent irent urent inrent aient ront

190
Orthographe

MODE SUBJONCTIF : 2 temps simples : il faut que…

1. Présent 2. Imparfait
je e asse isse usse insse
tu es asses isses usses insses
il e ât ît ût înt
nous ions assions issions ussions inssions
vous iez assiez issiez ussiez inssiez
ils ent assent issent ussent inssent

MODE CONDITIONNEL MODE IMPÉRATIF

1. Présent 1. Présent ou futur


je (e) rais je24 …………………....................……

tu (i) rais tu e s (toi)


il rait il …………………....................……
vers
nous rions nous ons ............ (nous) le subjonctif

vous riez vous ez ............ (vous)


ils raient ils …………………....................……

é
i is it
TEMPS COMPOSÉS. — C’est-à-dire auxiliaire u
avoir ou être à des modes et à des temps déterminés
ert ait
(indiqués sur ce tableau en petits caractères)
suivis du participe passé du verbe conjugué eint aint
ort oint
os

MODE INFINITF MODE PARTICIPE

de l’auxiliaire
c.-à-d. infinitif participe présent
+ participe passé

avoir ayant
être étant

24. Pronoms non exprimés mais implicitement évoqués.

191
Langage oral et écrit

MODE INDICATIF
Passé Passé Plus-que- Futur
de l’auxiliaire +
c.-à-d. composé antérieur parfait antérieur
participe passé
présent passé imparfait futur
j’ ai eus avais aurai
tu as eus avais auras
il a eut avait aura
nous avons eûmes avions aurons
vous avez eûtes aviez aurez
ils ont eurent avaient auront

je suis fus étais serai (idem


tu es fus étais seras avec accord)
il est fut était sera
nous sommes fûmes étions serons
vous êtes fûtes étiez serez
ils sont furent étaient seront

MODE SUBJONCTIF (2 temps composés) :

Passé Plus que parfait


c.-à-d. de l’auxiliaire +
présent imparfait
Il faut que : participe passé

j’ aie …….........…….... erusse ……….......…


tu aies …….........……... eusses …….......……
il ait …….........……..... eût ……….............…
nous ayons ………........… eussions ……....……
vous ayez …………........... eussiez ………......…
ils aient ………….......... eussent ………….....

je sois ………..........… fusse ….........…….… (idem


tu sois …...........……… fusses ……........…… avec accord)
il soit ……............…… fût ………..............…
nous soyons …….......…… fussions …....….……
vous soyez …….........…… fussiez ……….......…
ils soient …………........ fussent ……......……

192
Orthographe

MODE CONDITIONNEL MODE IMPÉRATIF

1er passé 2e passé

conditionnel + impératif +
c.-à-d.
de l’auxiliaire de l’auxiliaire

j’ aurais eusse ..............................


tu aurais eusses aie .........................
il aurait eût ..............................
nous aurions eussions ayons ....................
vous auriez eussiez ayez ......................
ils auraient eussent ..............................

..............................
je serais fusse
tu serais fusses sois .......................
il serait fût ..............................
nous serions fussions soyons .................. (idem
avec
vous seriez fussiez soyez .................... accord)
ils seraient fussent ..............................

193
Dernières remarques

Il resterait encore beaucoup à dire et cela à bien des points de vue. Nous
n’ajouterons plus pourtant que quelques mots pour signaler des lacunes.
Ensuite nous rappellerons ce que nous avons cherché par ce travail, et puis
nous conclurons :
1. C’est volontairement que nous avons laissé de côté l’orthographe d’usage.
Elle nous aurait entraîné en effet dans un trop long développement, et nous avons
préféré réserver ce chapitre. II y aura probablement toujours un gros effort à faire
pour retenir la forme écrite des mots.
Les procédés d’enseignement : copie, épellation, étude des familles de mots
mériteraient sans doute d’être méthodiquement repris. Nous n’en parlerons ici
que succinctement.
La copie n’est peut-être pas à abandonner, bien que les élèves distraits fassent
presque autant de fautes en copiant un mot qu’en l’écrivant de mémoire. On
pourra même probablement en tirer profit à la condition de corriger un travail de
copie avec la même sévérité qu’on applique à l’orthographe quand il s’agit d’une
dictée.

Exercices d’épellation
Les mots longs constituent, pour les anciens dyslexiques, une occasion
d’achoppement et il est fréquent qu’ils sautent, en les transcrivant, des lettres
ou des syllabes. Il faudra donc faire des exercices d’entraînement sur ce point.
On apprendra à prononcer les lettres groupées par syllabes en introduisant une
légère pause entre deux syllabes ; cette manière de faire aide à savoir où on en
est. On dira, par exemple, pour républicanisme : r-é, p-u, b-l-i, c-a, n-i-s, m-e. Il
faudra, bien entendu, quand une lettre est frappée de l’accent, énoncer celui-ci
au passage (é accent aigu).
Les lettres redoublées seront prononcées ensemble : on épellera belle
b-e – deux l-e. Les consonnes en groupe seront réparties par syllabe : sphincter,
par exemple, sera épelé s-p-h-i-n-c, t-e-r, etc.
On essaiera ainsi de photographier le mot en son esprit en en répétant les
lettres, au besoin d’une façon rythmée.

194
Orthographe

Exercices sur les familles de mots


Il est indispensable d’attirer l’attention de l’élève sur les parentés de sens
entraînant des analogies orthographiques : pain, panier, panifiable, panification,
panade, paner, panerée ; facteur, facture, faire, factorerie, et ainsi de suite.
On fera en outre un très large usage de précieux livres tels que le Recueil de
mots français25. Certains dysorthographiques ont une peine infinie à retenir la
forme écrite d’un mot. Faut-il un a ou un e dans entendre ou répandre ; doit-on
redoubler l’n ou l’l de tel mot… sont des questions qui les embarrassent d’autant
plus qu’il n’y a pas toujours à cela de raison logique ou étymologique.
Et c’est bien là le plus ennuyeux de l’apprentissage orthographique, surtout
pour les élèves ayant peu de mémoire visuelle. Les règles concernant l’ortho-
graphe d’usage pourront être apprises au moyen de recueils tels que les excel-
lents Cahiers Thiberge26.
2. D’une manière générale, d’autre part, la dictée nous paraît ne devoir guère
être qu’un contrôle. Et même vaut-il sans doute mieux, à la période dont nous
avons parlé, le pratiquer plus particulièrement au moyen de phrases combinées
en vue de vérifier si un exercice préalable sur tel ou tel point précis a porté ses
fruits. Un exercice oral peut être réussi et un exercice écrit échouer précisément
à cause de l’effort supplémentaire d’écrire. Puis on aura soin que ces phrases-
témoins soient à leur tour groupées en exercices de récapitulation, afin que
l’élève n’ait pas constamment l’attention attirée sur un seul sujet, car il s’attend
alors à réfléchir en un certain domaine et néglige tout le reste. Quant aux dictées,
et à l’usage qu’il convient d’en faire d’une façon plus générale, nous remettons à
plus tard d’en parler.
3. On nous a interrogée enfin sur la durée et la fréquence des leçons d’ortho-
graphe. Vingt minutes nous paraissent une bonne dose ou, à défaut, trois fois par
semaine pendant trois quarts d’heure. Nous distinguerons à ce propos deux types
de leçons. Les leçons de directives au cours desquelles l’enfant doit travailler en
présence de sa mère ou de son professeur habituel ne gagnent pas à être trop
fréquentes. Généralement toutes les trois semaines ou tous les mois. Mais si
personne ne fait travailler l’enfant entre les séances, celles-ci devront naturelle-
ment être beaucoup plus rapprochées.
4. Par ce travail, nous avons voulu d’une part indiquer une méthode et donner
des directives dont chaque professeur pourra tirer parti, en créant, s’il en a besoin,
tous les exercices qui lui sembleront utiles. Puis nous avons voulu montrer aussi
que, pour être efficace, l’enseignement de l’orthographe doit constamment faire
appel au raisonnement et à l’attention des enfants. Il ne faut pas leur fournir trop

25. Par Pautex, chez Delagrave, Fischbacher et Hachette.


26. L’orthographe française, Institut de pédagogie musicale, 5 ter, rue du Dôme, Paris.

195
Langage oral et écrit

d’explications, mais plutôt les mettre dans l’obligation de réfléchir sans cesse
au sens. Il faut aussi, chaque fois qu’on le peut, créer des automatismes qui
soulageront par la suite l’élève dans son effort. Et à ce double point de vue les
exercices oraux qui forcent à résoudre rapidement de petites difficultés nous ont
paru mieux que n’importe quoi aboutir au résultat cherché.
Avec un travail approprié, les troubles de l’orthographe même graves
s’amendent toujours et même il arrive souvent que des élèves passent du rang de
dernier à une honnête moyenne. Ceux dont les fautes étaient constituées surtout
par l’incompréhension des règles d’accord et par des contresens de langage
peuvent même parvenir à des résultats brillants.

196
Conclusion

A   insi que nous l’avons indiqué au début, cette méthode a été constituée pour
  des enfants ne réussissant pas à acquérir une orthographe satisfaisante.
Nous avons donc dû chercher à nous rendre compte chaque fois des lacunes
qui empêchaient ces sujets d’aboutir, – et, chaque fois, imaginer des procédés
propres à combler celles-ci. Sans bâtir d’emblée une théorie nous sommes partis
des faits, et c’est une série de tâtonnements partiels et successifs qui nous ont
fait découvrir les troubles de la perception et de la compréhension à quoi nous
devions remédier ou les carences particulières auxquelles nous devions suppléer.
Nous pensons alors être arrivés du fait de nos observations à la conception
suivante : la dysorthographie ne peut être attribuée à un trouble unique ; ce serait
une vue beaucoup trop simpliste ; elle est psychologiquement quelque chose
de beaucoup plus vaste et paraît plutôt correspondre à un désordre général de
l’esprit. Tout se passe comme si les notions qu’on a tenté d’enseigner à l’enfant se
présentaient pêle-mêle, et dans un chaos quasi indescriptible parce qu’elles n’ont
été retenues par la mémoire que d’une façon incomplète et sans avoir été jamais
comprises, c’est-à-dire vraiment assimilées.
La rééducation exige donc une reprise, une reconstitution de chacune des
notions qui n’ont pas été vraiment acquises, et le remède est à chercher dans
une remise en état et en ordre. La prophylaxie de tels accidents consisterait sans
doute à utiliser une pédagogie particulièrement méthodique et éclairée qui ne
laisserait aucun point dans l’ombre. Si cette pédagogie minutieuse n’est pas
nécessaire auprès d’enfants très intelligents chez qui, grâce à une intuition excep-
tionnelle, l’acquisition des connaissances grammaticales et orthographiques se
fait quasi spontanément, elle est indispensable chez les sujets moins doués et
l’intérêt pédagogique de ces cas est précisément de contraindre l’esprit de qui
enseigne à découvrir les étapes et les cheminements lents de la pensée pour
aboutir à la compréhension indispensable. Ainsi le gain intellectuel de ce mode
d’enseignement ne se limite sans doute pas à la matière enseignée ni au disciple
qui la reçoit. Nous étendrions volontiers enfin à la dyslexie les considérations qui
précèdent.

197
Appendices

N   ous ajoutons à ce travail trois appendices. L’un a trait à quelques notions


  spéciales relatives aux voyelles et aux consonnes ; – un second aux liaisons
qui sont, dans la langue française, l’occasion d’un certain nombre de fautes ; – un
troisième enfin concerne les accents.

1. Voyelles et consonnes
Qu’on veuille bien examiner d’abord le tableau suivant :

Tableau XX

voyelles consonnes
a aâ b c d f g
e éè êë
i îï h j k l m n
o ôö
œ y p q r s t
u ûü
an on in un v w x z
Il est inhabituel : le son œ ne figure pas habituellement dans les voyelles,
comme nous l’y plaçons ici. Mais la voyelle œ, qui ne figure pas à l’alphabet,
est en effet un son simple purement vocalique, de timbre précis. – On pourra
s’étonner aussi que nous mettions la lettre h à la fois dans les voyelles et dans les
consonnes. – Enfin, pourquoi faire figurer y dans les consonnes ?

198
Orthographe

Notion de la voyelle
Les enfants qui apprennent à lire le français par une méthode phonétique
ont tout de suite une idée de la différence entre une voyelle et une consonne. Ils
sentent que cette dernière est une fermeture ou un resserrement du canal buccal,
que Je phonème soit sonore ou non. Ils sentent aussi, par comparaison, que la
voyelle comporte une ouverture de bouche plus grande laissant passer un son de
plus d’intensité. À distance la parole ne fait plus que l’effet d’une longue voyelle
indéterminée, d’intensité moyenne et entrecoupée. De près les différences
d’intensité sont bien sensibles mais des schémas pourront aider les enfants à en
prendre conscience27, et l’on a souvent avantage à utiliser de telles représenta-
tions lorsqu’on a affaire à des enfants qui ne disposent que de peu d’audition.
On pourrait en rendre compte par des tracés, et le symboliser par des schémas.

Figure 73

27. J’ai vu de jeunes enfants sourds comprendre d’emblée cette différence essentielle et ne plus se
tromper sur la nature – voyelle ou consonne -– d’un phonème après avoir regardé quelques instants
les dérivations de l’aiguille sur un appareil de mesure des intensités.

199
Langage oral et écrit

Figure 74 a

Figure 74 b
La partie gauche de ce cliché représente l’aspect oscillographique
réel des consonnes ch, s, f,
et la partie droite l’aspect oscillographique des consonnes sonores correspondantes, j, z, v.
On y remarquera les grandes sinuosités du son fondamental laryngé.

200
Orthographe

Pour ces consonnes, suivant le cas, il faudra un


r vocalisé l schéma de semi-sonorité, de pleine sonorité ou de
total assourdissement.
Les consonnes se font à canal buccal fermé : l’air
m n gn s’écoule par le nez, ce qu’on peut faire comprendre en
surélevant la ligne du tracé.
Quant aux voyelles qui ont chacune un tracé approprié à leur timbre (Figure 75)
1 : é ; 2 : o ; 3 : i, elles seront toutes représentées par un tracé de vibrations, ayant
les deux caractères essentiels de la régu-
larité et de l’amplitude (4).
Ce qui est voyelle en effet est de
plus grande amplitude que ce qui est
consonne.
II n’y aurait pas la moindre ambiguïté
dans cette notion phonétiquement claire,
si les particularités de l’orthographe fran-
çaise ne venaient compliquer l’expres-
sion de ces faits. Les voyelles nasales ne
sont-elles pas, en effet, représentées au
moyen d’une voyelle et d’une consonne ?

Graphies des voyelles nasales


1. L’alphabet phonétique réserve un
seul signe à un seul son. Les graphies
an, am, en, em, ean…, sont toutes repré-
sentées par le signe ã, c’est-à-dire par
un a portant un signe de nasalisation,
le caractère vocalique de ã n’étant pas
mis en doute. Or, l’alphabet désigne a
par le nom de voyelle et n par le nom
de consonne. Il faudrait donc expliquer aux enfants dysorthographiques que ã
voyelle nasale peut s’exprimer par plusieurs graphies où figurent toujours, à côté
de la voyelle, un n ou un m. De même pour le son voyelle ẽ on trouve les graphies
in, im, ain, aim, ein, yn, ym ; pour õ : on, om : pour œ̃ : un, um, eun). Le mieux est
d’ailleurs de ne rien expliquer du tout par crainte de tout embrouiller et de dire :
il y a, outre les voyelles du tableau, quatre autres voyelles, les nasales, qui se
traitent habituellement comme les autres, et dont on ne peut séparer les lettres
constitutives, sous peine de les détruire : ain, ean on, etc…, forment un tout,
comme eau, ai, etc…

201
Langage oral et écrit

2. Une autre difficulté orthographique a trait à la voyelle e, qui tantôt s’écrit,


qu’elle soit prononcée ou muette, et parfois s’élide, par exemple dans je, le,
de, ne…
On proposera le choix entre le enfant, le ivoire, la église, de eau, je ouvre, et
l’enfant, l’ivoire, l’église, d’eau, j’ouvre, ainsi qu’entre il n’entre pas, et il ne entre
pas, etc.
3. Remarque sur la consonne h. – La consonne h sera traitée à part puisque
dans certains cas et bien que non prononcée elle subsiste suffisamment dans
l’esprit pour empêcher l’élision (le haricot, la hampe, etc.), alors que la plupart du
temps son effacement est tel qu’il ne s’agit plus que d’un signe orthographique
sans action sur la prononciation (l’histoire, l’homme, j’habite, etc). L’h sera incor-
poré dans la voyelle.
4. Enfin une difficulté très particulière est constituée par l’s intervocalique
ayant le son d’un z. On peut expliquer la règle qui concerne ce fait par les schémas
suivants :

Tableau XXI

s ss

=z =s
a i a i

Figure 75
ou e ou e
o er o er
asile assis
blouse mousse
doser rosser

202
Orthographe

Mais comme rien ne saurait être tout à fait simple, il y a aussi ensemble,
transe, qui s’expliquent par la présence des n et des m dans la graphie de la
voyelle. Mais il y a aussi asymptote et asymétrie à cause de l’a privatif… , ce qui
ne saurait être expliqué à l’âge de la constitution de l’orthographe.
5. Noter enfin la double valeur de l’y. – Grosso modo on
pourrait dire que cette lettre a deux valeurs et qu’elle est
tantôt voyelle (dans paysan par exemple), tantôt consonne
et se prononçant alors comme une consonne soufflée, elle
se traduit par plusieurs graphies : ille, il et même lh pour
y (je travaille, le travail, payer, Milhaud), et le son est alors
très voisin de celui d’une consonne sourde ou bien, s’il est
intervocalique, de celui d’une consonne sonore (travailler).
Figure 76
Cette figure symbolise 2. Les accents
l’écoulement d’air
caractéristique de l’y Les élèves ont toujours tendance à croire que la présence
consonne. des accents est facultative et qu’il est, en tout cas, indiffé-
rent de les orienter dans un sens ou dans l’autre. Ils accordent encore quelque
importance à la présence ou l’absence de l’accent grave sur a parce qu’ils savent
qu’un point leur sera enlevé s’ils ont confondu le verbe et la préposition, mais
ils tiennent pour pure tracasserie l’exigence du maître qui ne tolère pas une
erreur d’accent aigu. Certains, bien en peine de choisir entre l’aigu et le grave, se
bornent à écrire un trait horizontal au-dessus de e espérant qu’on l’interprétera
favorablement.
Sans prétendre attribuer à la mise correcte des accents une importance exagé-
rée, il n’est pas douteux que leur présence favorise la lecture (quand leur absence
ne la compromet pas) et c’est de toute façon une excellente discipline de l’atten-
tion que d’en exiger le respect28.
Il faut donc faire faire des exercices spéciaux sur ce point. Ils porteront d’abord
sur le discernement de la forme. On n’hésitera pas à recourir à des moyens qui
pourront sembler puérils, tels que de personnaliser la voyelle accentuée en la
dessinant sous la forme d’un personnage, tête avec quelques cheveux et un œil
(cf. tableau XXII). Ceci rappelle la présentation des voyelles é et è dans la méthode
de lecture29.

28. Il y aura donc une période de la scolarité où pour obtenir de saines habitudes, la non-conformité
des accents orthographiques devra être considérée comme une faute réelle. Très tard seulement,
on pourra amoindrir la pénalisation, l’absence d’accent n’étant plus, comme celle de point sur les i,
qu’une conséquence d’un excès de rapidité. Mais c’est là une autre question, qui ne concerne plus
directement l’enseignement.
29. Voir p. 85 et 86.

203
Langage oral et écrit

Tableau XXII : Accents

é è ê ë
à â ü ï
ô où
etc.

Ensuite, on fera oralement des exercices comme celui-ci : Le professeur dit : la


cuillère est posée sur la cheminée à côté de la théière et l’élève répète la phrase
en indiquant, au moment où il prononce la syllabe, s’il s’agit de é, è, ou ê. Puis ces
mêmes exercices seront faits par écrit.
Les verbes donneront lieu à un exercice d’attention comme celui du tableau
XXIII. Pour les quelques difficultés qui peuvent demeurer, on se reportera à un
livre de conjugaisons tel que celui de Bescherelle.
Il en sera de même pour les graphies du tableau XXIII qui entraînent à retrou-
ver immédiatement, pendant que se déroule la phrase, la forme adaptée au sens.
On se servira de ce tableau de la manière suivante :

204
Orthographe

Tableau XXIII : Graphie des sons é è

205
Langage oral et écrit

Le professeur prononce une phrase telle que : le père et la mère de ma nièce


sont arrivés au Bourget par le même avion que moi. Toutes les syllabes contenant
é dans les mots autres que les verbes devront être montrées sur la partie droite
du tableau par l’élève qui répète la phrase, en indiquant du doigt l’orthographe
appropriée. Le son é orthographié és étant syllabe finale dans un verbe devra être
montré sur la partie gauche du tableau, au niveau de l’accord du participe passé
terminé par é (+ s).
Autre exemple : Je ne pense pas que vous puissiez trouver des partenaires très
entraînés avant cet été. Les formes en italique sont à montrer sur la partie droite
du tableau si elles ne concernent pas les verbes et sur la partie gauche si elles
concernent les terminaisons verbales.
La découverte des graphies appropriées du son é ou è pourra être combinée
avec d’autres exercices d’analyse rapide portant sur le dénombrement des mots
et sur la recherche des verbes, y compris les auxiliaires de mode.
L’accord du participe passé suppose en effet l’absence d’erreurs ou d’omis-
sions dans la découverte des verbes sous toutes les formes possibles et l’identi-
fication immédiate des auxiliaires. Le matériel sémantique de la phrase doit être
reconnu au fur et à mesure de son déroulement.

Tableau XXIV

a à ; la là ; ou où
ou (ou l'autre ou bien) où (à cela ; lieu)

a (avoir) à (préposition)

la (+ substantif ) là (adv. de lieu)

la (pronom)

l’as
à ne pas confondre
l’a

206
Orthographe

Pour habituer l’élève à penser aux accents, on fera des exercices oraux portant
sur le discernement de la graphie appropriée au moyen de phrases du type des
suivantes :

Je ne sais plus ce qu’il a à faire.


Est-ce à toi ce livre-là ?
Où as-tu mis ton cartable ?
L’as-tu enlevé de là ?
Il ne savait plus où il voulait en venir.
Achète une brioche ou une frangipane, etc., etc.

Il ne s’agit plus là d’un simple exercice pour discerner les accents, mais d’un
véritable effort d’analyse rapide dont la pratique est indispensable (tableau XXIV).
Les modifications accentuelles dans la syllabe pénultième des verbes,
suivant qu’elle précède ou non une syllabe muette, seront étudiées au moyen du
tableau XXV.

Tableau XXV

Dans les verbes :


e....er é....er ê....er
je pèle je cède je gêne
pèles cèdes gênes
pèle cède gêne
pelons cédons gênons
pelez cédez gênez
pèlent cèdent gênent
è, œ muet è, œ muet ê, stable dans
tous les cas
e, syll. tonique é, syll. tonique

207
Langage oral et écrit

Il convient de faire remarquer que les modifications de l’accent au cours de la


conjugaison peuvent se déduire de l’accentuation du mot à l’infinitif peler, céder,
gêner. Certains verbes redoublent une consonne, ce qui supprime J’accent : jeter,
je jette.

3. Fautes d’orthographe dérivant des liaisons françaises


et leur correction
Chacun sait quelle source d’incertitude représentent pour le petit enfant,
les variétés de sons perçus concernant un même terme : un petit léléphant, le
néléphant, tonzyeux, le nours… en sont la preuve. D’ordinaire, ces difficultés se
résorbent tôt et, vers les 5 ou 6 ans, elles ont en général disparu pour les mots
usuels : la lecture achève de fixer la conscience du domaine propre à chaque
vocable…
Or, chez les dyslexiques qui lisent tard et laborieusement, ce dernier apport
se fait mal ou n’existe pas. Et même quand ils sont arrivés à lire aisément, ce
que voient leurs yeux semble ne guère laisser de trace dans leur esprit ; il leur
arrive longtemps de ne pas séparer les mots usuels, comme s’ils n’avaient pas
conscience de leur individualité. Il en résulte des fautes d’orthographe d’un type
particulier et qui nécessitent un remède approprié.
Celui-ci consistera à expliquer les métamorphoses auditives du mot dans les
conditions que nous venons de rappeler.
On laissera le moins possible au hasard la compréhension des effets percep-
tifs découlant des liaisons30.
Voici comment nous proposons de procéder.
Soit le tableau XXVI : à gauche, figurent des mots dont les lettres qui les
terminent· sont susceptibles d’entraîner des modifications de son au contact d’un
mot commençant par une voyelle ou un h muet.
En laissant donc le tableau sous les yeux de l’élève, on lui demandera de trou-
ver ce qu’il convient de choisir comme lettres à mettre au contact du mot ami, par
exemple, qui figure ici à droite, quand on prononce : ce vieil ami, leur ami Jean,
notre ami Bernard, mon doux ami, un grand ami, etc. Et chaque fois, il faudra faire
montrer, par l’élève, la ou les lettres désignant le son de jouxture entendu. Par
exemple, ici il devra montrer y, r, tr, z, t.

30. Trop souvent, pour l’enfant, la liaison c’est le son z soudé à l’initiale d’un mot : témoin le
troz~eféryœr, si souvent prononcé dans le test de lecture pour le fragment « trop inférieur ».

208
Orthographe

Tableau XXVI31

ami
ton ...........................................
amie
amis
tes ..............................................
amies
cet
leur
leurs
cette votre petite
quel deux triste
quelle doux mignonnes
quelles tendre bons
quels trop bonnes
douce ces anciens
vieil un nouvel
vieille une nouveaux
bel grand nouvelle
beaux grands nouvelles
belles grande premier
propre sombre autres
pauvre seule ancienne
quatre chère etc.

31. Les mots des trois premières colonnes sont à lier avec les mots écrits à droite, ami, etc.

209
Langage oral et écrit

Puis il devra choisir – et c’est déjà un effort d’analyse – le mot orthographié


comme il convient (ami, amis, amis, amies) dans un ensemble de mots pronon-
cés à haute voix, tels que notre amie Madeleine ; de vieux amis d’enfance ; cette
amie-ci n’est pas seulement la mienne ; c’est une grande amie pour toi ; ma douce
amie ; de vieilles amies ; nos deux amis Paul et Jean-Louis ; ton ami Pierre ; quels
amis ai-je ? Jean et c’est tout !
On fera le même exercice avec des mots tels que huile, église, élève, etc., et
toutes les liaisons qu’on pourra imaginer.
Quand les mystères de ces petites transformations auditives paraîtront éclair-
cis, des dictées de contrôle feront voir si l’élève a vraiment compris, et sait, dans
l’orthographe, utiliser sa nouvelle science.

Liaisons avec le t
Les liaisons avec le t sont parmi les plus importantes, à cause des confusions
de sens qu’elles entraînent. Elles devront donc être étudiées à part, au moyen du
tableau XXVII. La discrimination de la graphie convenable implique ici un effort
d’analyse plus difficile. Elle s’obtiendra au moyen de phrases appropriées, mais
on expliquera d’abord que l’un des t, celui qui est isolé par des tirets, est sans
signification ; il ne sert qu’à donner à l’oreille une sensation plus agréable (a-t-il et
non a il ; arrive-t-elle au lieu de arrive elle). Dans le centre du tableau figurent un t
et un d précédés d’un trait qui représente le mot dont ce t ou ce d est la dernière
lettre, celle qui s’entendra invariablement comme un t dans la liaison (Quand-
arrivera l’été… , c’est-à toi). Enfin le t’ figurant à droite du tableau se rapporte à la
personne tu, toi et il a, devant une voyelle, la même valeur que te.

Exemples de phrases servant à reconnaître ces formes :


Marianne a-t-elle bien posé ?
Viennent-elles de rentrer ?
Ces fleurs sont à toi.
Je t’emmène.
Comment t’appelles-tu ?
Quand on entend sonner la cloche, il est huit heures.
Je te laisse ici (jœtlèsisi), etc…

210
Orthographe

Tableau XXVII

t t’
—t—
d te
toi

il arrive
arrive-t-il ? on t’aime bien.
elle va. t’aime-t-on bien ?
va-t-elle ?
on vient. elles se sont perdues.
vient-on ? se sont-elles perdues ?
elles sortent.
sortent-elles ?
il t’embrasse. on vend trop cher ici.
t’embrasse-t-il ? vend-on trop cher ici ?

Nous ne prétendons pas avoir, avec ces quelques tableaux, épuisé la liste
des exercices utiles à la constitution de l’orthographe. Ceux-ci sont en nombre
illimité et ce sont les fautes commises qui en suggèrent la teneur, la disposition
et l’importance. Les exemples donnés ne font qu’illustrer une méthode et la
manière de s’en servir. Le professeur aura toujours présent à l’esprit qu’il faut
faire comprendre des faits en les expliquant le moins possible. L’élève doit en
principe découvrir la règle ou la loi par le simple examen attentif de ce qu’il voit
et de ce qu’il entend ; la formulation devra ne venir qu’après, quand il n’y a plus
qu’à donner une expression adéquate à ces faits dûment constatés.
Il est même souhaitable, chaque fois que ce n’est pas impossible, de faire
donner par J’élève lui-même, dans son propre langage, la règle orthographique
qu’il aura constatée. Les phrases dont il se servira seront sans doute à reprendre
et à préciser. Mais, du moins, il les aura formulées de façon compréhensible pour
lui. Cet exercice d’expression sera utile en soi, comme tout effort en ce domaine,

211
Langage oral et écrit

et il servira en outre de chemin d’accès à la règle formulée classiquement, mais


en un langage plus abstrait.
Nous pensons en effet que l’une des causes de la non-application des règles
grammaticales à l’orthographe est l’incompréhension partielle qui en entoure
l’expression. Nous l’avons constaté maintes fois, l’élève ne serre pas de près la
signification de ces textes dont tous les termes ont une portée et leur compréhen-
sion précise doit être l’objet d’une vérification attentive de la part du professeur.
Enfin, la ‘méthode d’établissement ou de rectification orthographique exposée
au long de ce travail implique en fait l’accès à un degré supérieur de compréhen-
sion de la langue dont les nuances, notamment celles que traduisent les varia-
tions verbales, constituent à la fois un excellent exercice intellectuel et une route
conduisant à la maîtrise de la pensée.

212
Troisième partie

Écriture
Introduction

« ... il commença à m’apprendre la calligraphie, comme il disait, et me fit tracer


des “batons”, ce dont je fus très mécontent car je voulais tout de suite écrire des
lettres. Mais mon oncle affirma que je n’aurais jamais une belle écriture si je n’ap-
prenais pas convenablement la calligraphie avant d’aborder les lettres… je dus me
soumettre mais j’ appris en secret à écrire tout l’alphabet en copiant des mots dans
les livres. Mais… ne voyant pas de fin aux bâtons avec ou sans queue, aux lignes
courbes et aux traits inclinés, je m’ennuyais et paressais. »
Serge Aksakov, L’enfance de Serge Bagrov

N   ous en avons parlé à plusieurs reprises quand nous avons abordé


  l’enseignement de la lecture ; il nous est souvent indispensable de modifier
l’écriture pour faire disparaitre des fautes d’orthographe liées à l’incapacité de
maîtriser les mouvements fins du graphisme. Les o qui ressemblent à des a, les
n à trois pattes, les mm qui n’en ont que quatre, les b qui ressemblent à des v,
etc. ne sont souvent rien d’autre que des maladresses d’écriture. L’une de mes
élèves. Mme Boulinier, qui a consacré une partie de son activité à établir l’écriture
de ses petits retardés de la parole, a bien voulu écrire un article auquel je renvoie
tout simplement car il me semble remplir son office en faisant bien comprendre
la méthode employée et l’esprit dans lequel nous l’appliquons. Je n’y ai introduit
que de minimes corrections qu’elle voudra bien excuser. En revanche j’aimerais
introduire cet article par quelques pages d’explication.
L’enseignement dans nos écoles est très peu – trop peu – oral. Tout de suite
il faut écrire, rédiger. On nous conduit des enfants de 4 ans pour troubles de
l’écriture, gaucherie contrariée, difficultés graphiques venant d’une dominance
latérale non établie ou d’une mauvaise représentation spatiale, etc. Ces petits
appartiennent à certains milieux trop « informés » des problèmes en cours et
qui, dans leur anxiété quant à l’avenir, n’ont pas la patience d’attendre le temps
d’une maturation qui éliminerait bien des difficultés. Parfois, les interventions
éducatives ont été telles qu’il n’est pas trop tôt, en effet, pour éviter de sérieuses
complications.
Nous ne cessons de le constater : commencer trop tôt est une erreur et si
certains enfants font montre d’adresse et d’ingéniosité dans leurs premiers
dessins, nous dirons : 1° qu’on ne peut établir une norme sur des cas particuliers ;
2° que dessiner n’est pas écrire.
Dans le dessin, l’enfant est libre de faire telle figure qui lui plaît – ou qu’il peut.
Il commence un bateau, cela devient maison ou ce qu’il nomme ainsi et qu’on veut
bien admirer comme tel. Mais dans l’écriture il doit se conformer à un modèle et

215
Langage oral et écrit

n’est même pas libre – si l’on veut sauvegarder l’avenir – de tourner à sa guise
à droite ou à gauche. De la totale liberté résultent des formes affreuses, de
mauvaises habitudes motrices, des caractères en miroir (je ne dis pas de l’écriture
en miroir qui, elle, suppose une organisation de l’espace fausse, mais structurée
et qui n’est pas celle d’un débutant) etc.
Nous savons qu’il est commode, quand on doit garder un groupe nombreux
d’enfants, de les installer devant un modèle d’écriture. Ils sont occupés et
apprennent tout de même quelque chose. Mais il faudrait alors organiser cet
enseignement en fonction de l’âge de ces tout petits – et sans oublier les consé-
quences prochaines d’une technique inattentive ou inexistante.
Des gestes collectifs de pré-écriture rythmée, puis le-passage successif de
chaque enfant au tableau pour y figurer le tracé du geste, ne sont pas des choses
impossibles, même si les enfants sont nombreux. La maîtresse aurait ainsi la
possibilité d’apercevoir les maladroits, ceux qui ont une fausse représentation de
l’espace, ceux qui ont peur de ne pas savoir, ceux qui ne sont même pas capables
de tenir une craie et de concevoir une direction. Elle pourrait ainsi trier les enfants
et les ayant répartis en groupes, ne pas donner à tous le même exercice, ne pas
avoir envers tous la même exigence.

Dysgraphie et troubles de parole


Outre les dysgraphies liées à l’immaturation, soit que l’effet d’écrire ait été
demandé à des enfants chronologiquement trop jeunes, soit que ceux-ci aient du
retard moteur dont il faudra tenir compte, il y a aussi les difficultés particulières
pour l’écriture, fréquemment associées à d’autres troubles pour lesquels on nous
amène les enfants.
Ceux qui ont un retard marqué dans l’apparition du langage ou de gros défauts
d’articulation sont, en général, des maladroits. Ils ne peuvent trouver seuls le
geste à faire, pas plus pour écrire que pour prononcer. Les exercices collectifs ne
leur apprennent rien, on doit s’occuper d’eux en particulier. Cette éducation ou
rééducation doit être associée à celle de la parole et à un apprentissage spécial
de la lecture.
Certains ont une latéralité mal établie. Il faut comprendre par là qu’il est
malaisé de dire s’ils sont gauchers ou droitiers, car vous les voyez essayer d’écrire
une lettre de la main droite, se rendre compte qu’elle est manquée, essayer de
l’autre main sans réussir mieux. Certains chargent la main gauche de mettre le
crayon dans la main droite, ou vice versa. Ils inscrivent un cercle tantôt dans le
sens des aiguilles d’une montre tantôt dans le sens opposé et ceci, de la droite
comme de la gauche. Bref, ils sont ambidextres, mais ils sont surtout extrême-
ment maladroits.

216
Écriture

Quant au problème de la gaucherie, il nous paraît avoir été franchement


dramatisé. Que l’enfant ait des troubles du caractère, travaille mal en classe,
lise mal, ou parle mal… la cause en est à la « gaucherie contrariée », bien que
le « gaucher » en question n’ait quasiment jamais manifesté cette préférence
manuelle. Des parents nous disent : « Son frère est gaucher, mais celui-ci que
nous vous conduisons ne nous a jamais semblé l’être : en tout cas… il ne sait pas
lire… » etc.
Bien mieux, la « psychose » actuelle à ce sujet est telle que certains enfants
ont été éduqués en gauchers parce qu’on les a vus en classe se moucher de la
main gauche, par exemple, et qu’on a craint les conséquences de la fameuse
« gaucherie contrariée » alors que des examens moteurs et neurologiques atten-
tifs en des consultations spécialisées ont démontré par la suite qu’ils étaient…
des droitiers contrariés. Quoi qu’il en soit, au moment de faire écrire l’enfant, il
faut bien prendre parti, et ne pas pratiquer ce choix comme une formule magique
mais en pesant les facteurs du choix.
1. Demander à l’enfant de dessiner quelque chose ; on voit ainsi comme il s’y
prend.
2. Ensuite, leur faire accomplir des lignes de chaque main isolément, puis des
deux mains ensemble et dans le même sens. Pour éviter toute confusion on se
servira de deux crayons de couleur en veillant à ce que le rouge, par exemple, soit
toujours consacré à la main gauche et le bleu à la main droite. Au bout de peu de
jours, il est facile de voir s’il se révèle une préférence manuelle nette et, à moins
d’intervention catégorique de la famille, il me paraît plus simple de laisser écrire
de la main dont il est le plus habile.

Figure 77

217
Langage oral et écrit

Si toutefois il est demandé au professeur d’essayer avec un peu plus de persé-


vérance d’établir à droite l’écriture d’un enfant gaucher, je ne crois pas qu’on soit
en droit de le refuser à condition bien entendu que cette contrainte temporaire
ne soit accompagnée d’aucune coercition et d’aucune gronderie malveillante. J’ai
vu des enfants demander cette éducation pour ne pas, en classe, se singulariser.
Mais alors les parents doivent être prévenus que l’enfant aura longtemps une
écriture plus lente. Et qu’on ne craigne pas de déclencher nécessairement des
calamités : j’ai connu un enfant gaucher on ne peut plus net, fils d’un père bègue
fort averti puisqu’il était médecin et psychiatre, qui, ayant appris à écrire de la
main droite par suite du choix de son père, a réussi à écrire tout à fait normale-
ment sans qu’on ait provoqué chez lui de conséquences fâcheuses.
Qu’on veuille bien réfléchir : ne réclame-t-on pas d’un pianiste la même habi-
leté de la main droite et de la main gauche ? Est-ce que la virtuosité dactyle du
violoniste est réservée aux seuls gauchers ?... Ce qui est à proscrire absolument,
c’est une attitude psychologiquement hargneuse au cours de l’enseignement.
Les enfants bègues ont souvent une écriture qui est le pur reflet de leur
attitude motrice pendant la parole. Leur graphisme peut être troublé de deux
manières, lesquelles s’associent quelquefois, bien entendu.
Le bredouillage écrit. Certains enfants hésitent en formant des lettres, les
bifient, les raturent, les surchargent exactement comme en parlant ils ébauchent,
reprennent, déforment, abandonnent les mots qu’ils prononcent et les phrases
qu’ils entreprennent. C’est une perpétuelle hésitation comme s’ils ne pouvaient
se décider.
L’altitude hypertonique. D’autres apportent à leur graphisme une énergie
motrice hors de propos. Ils se contractent et ont une attitude hypertonique et
paratonique. Certains, qui peuvent accomplir tous les gestes de l’écriture et de la
parole quand le ralenti en est suffisant, se raidissent et « ratent » leur mouvement
dès qu’il faut se hâter. On observe chez eux, beaucoup plus tard que chez les
autres enfants, une persistance anormale des syncinésies tant dans les mouve-
ments de grande amplitude que dans les mouvements fins.
À ces enfants la rythmique – telle du moins que nous l’entendons1 – est indis-
pensable pour aborder avec plus d’aisance à la fois la parole et l’écriture chez
les jeunes enfants. Et c’est là un problème d’éducation plus que de rééducation.
Quand l’enfant grandit, ses difficultés sont approchant les mêmes mais ne
peuvent plus être abordées d’égale manière. Il faudra souvent se contenter de
demi-mesures et se borner généralement à donner une attitude de décontraction
par le moyen de gestes d’écriture (cercles sinusoïdes, etc.). Ces gestes adaptés
à la parole seule (régulation syllabique ou régulation de rhèse) sont souvent

1. Borel-Maisonny S., 15 oct. et 5 nov. 1938, « Education et rééducation du langage », Paris médical.

218
Écriture

entravés par l’habitude d’écrire en se contractant de manière saccadée et désor-


donnée. Leur apprentissage correct sera une indication de la manière dont il
conviendrait d’aborder l’écriture proprement dite pour la réformer s’il y a lieu.

Dysgraphie et dysorthographie
Les enfants qui ont de la peine à lire et à orthographier ont très souvent une
horrible écriture qui doit être corrigée ; elle est inélégante, raturée, mal en page,
inégale et mal formée, et parfois inintelligible. Une réelle maladresse motrice
aggrave la laideur graphique qu’engendre le dégoût des dictées et devoirs écrits
pourvoyeurs de mauvaises notes.
Enfin nous avons aussi à considérer le problème de l’écriture chez les enfants
atteints de troubles neurologiques parfois sévères, dont le retentissement
s’exerce à la fois dans le domaine de l’exécution motrice proprement dite, dans
celui des praxies et souvent aussi dans celui de la gnosie des formes, de l’orien-
tation, de l’appréciation des grandeurs, etc.
Les sujets peuvent présenter des mouvements choréiformes, de l’athétose, du
tremblement ; ils peuvent avoir une préhension anormale et être obligés d’écrire
dans des positions paradoxales et très incommodes. C’est dire qu’il faudra
s’adapter à chaque cas pour en tirer le meilleur parti possible.
Cette énumération a surtout pour but de montrer à combien de titres nous
devons nous occuper de l’écriture dans la rééducation des troubles de la parole.
On voit aussi de quel intérêt est pour l’enfant le fait de ne pas se borner, en
matière de rééducation, à de petites réparations trop localisées et sans coordina-
tion. D’autant plus que ces enfants ne trouveront pas, s’ils peuvent un jour suivre
l’enseignement normal, des conditions pédagogiques qui leur soient adaptées. Il
faut donc les rendre le plus aptes possible à l’enseignement commun, lequel ne
tient absolument pas compte des difficultés de chacun d’eux.
Je voudrais, avant de clore ces quelques pages, dire un mot des dysgraphies
tardives.
Il arrive que des enfants qui ont toujours bien écrit dans les petites classes
commencent à détériorer leur graphisme en quatrième, en cinquième et même
en sixième. Dans ces classes-là, en effet, il faut écrire beaucoup plus et plus vite.
Les devoirs s’allongent, les interrogations sont rarement orales et le système des
« cours dictés », si chers à tant de professeurs que les livres scolaires ne satisfont
jamais, vient encore aggraver cet état de choses. Certains élèves, désireux d’avoir
de beaux cahiers, recopient leurs notes le soir chez eux. D’autres, reculant devant
cet effort, n’ont pour apprendre leur cours que d’affreux brouillons raturés pleins
de fautes et peu lisibles. Bien peu d’enfants, en effet, arrivent, à cet âge, à prendre
immédiatement leurs notes de façon correcte.

219
Langage oral et écrit

À ce moment, des élèves qui écrivaient bien mais lentement doivent, pour
« suivre », renoncer à leur coutumière application. Ils se crispent, commettent
de véritables gribouillis et souvent finissent par des crampes et une écriture
complètement gâchée. Il faut alors une rééducation du mouvement, la création
de nouveaux automatismes et des techniques leur permettant de compenser par
un système d’abréviations, de mise en page, etc., la lenteur de leur graphisme.

Sur le tempo même de l’écriture, accéléré dans la mesure du possible et jusqu’à


la limite où elle se détériorerait de nouveau, on n’est pas tout à fait sans action.
Il faut donner au sujet un type d’écriture simple, sans mouvements et fioritures
inutiles, sans changements inutiles de position, et ceci dans une attitude motrice
telle que le scripteur puisse y persévérer longtemps sans fatigue2.
Nous allons pour finir donner quelques exemples d’écriture, avec un bref
commentaire en légende. Il est aisé de voir que ces premiers essais avaient peu
de chance d’évoluer favorablement sans un enseignement adéquat.

2. Consulter, sur l’enseignement de l’écriture R. Trillat, Comment enseigner l’écriture, Bibl. Pédago.
N° 9, Nathan IV 1958 et sur les troubles de l’écriture S. Borel– Maisonny, « Difficultés anormales
concernant les débuts de l’apprentissage de l’écriture ou survenant au cours de la scolarité », in Bull.
St-Binet, 47, rue Philippe-de-Lassalle, Lyon IV.

220
Écriture

Figure 78 a
Étapes successives d’un établissement de l’écriture chez un enfant
ayant de gros troubles de structuration.

221
Langage oral et écrit

Figure 78 b
« Bonhomme » dessiné par un dyslexique de 10 ans (intelligent).
On y remarque la confusion face et profil.

Figure 78 c
Écriture d’enfant qui suit une classe de sixième au lycée.
L’obligation de prendre des notes et d’écrire plus vite a provoqué un graphisme informe
et tremblé avec crampe.

222
Écriture

Figure 78 d
Écriture tardivement altérée chez une jeune fille de 16 ans suivant par ailleurs des classes normales
RU lycée (reçue cette même année :\U baccalauréat avec autorisation de dicter sa copie [troubles moteurs).
On remarquera que le sujet est par ailleurs une dysorthographique sérieuse).

Cédons maintenant la place à l’article de Mme A. Boulinier, en notant que les


directives générales qu’elle y donne valent, je crois, pour toutes les écritures,
mais que les indications techniques de forme conviennent tout spécialement à
l’écriture française qu’elle a, forcément, seule en vue.

223
De l’établissement de l’écriture
chez les enfants dysgraphiques3

D   e nombreux enfants ont une écriture si lente ou si mauvaise qu’elle légitime
  un examen moteur et une rééducation. L’observation de ces en/anis montre
que l’enseignement traditionnel n’a pas tenu compte de leurs difficultés et qu’il
aurait convenu, comme pour la lecture el l’orthographe, de leur appliquer des
méthodes plus rationnelles, plus lentes et plus analytiques. Telle est celle que
nous allons exposer ici.

Préalables

Le problème de la gaucherie
Un enfant peut se servir facilement de sa main gauche, sans qu’il soit pour
cela gaucher, mais simplement parce qu’il hésite encore, dans ses activités, entre
l’usage habituel de l’une ou l’autre main.
Le qualifier tout de suite de gaucher, l’installer dans l’emploi de sa main
gauche, semble réellement prématuré.
On écoutera les dires des parents. Ceux-ci sont actuellement au courant de
tous les « dangers » qui semblent menacer « un gaucher contrarié ». Et l’on
essaiera tout de suite de calmer la famille, de « minimiser », de montrer que les
droitiers se servent bien de leur main gauche, sans pour cela voir fondre sur eux
les pires calamités.
Puis sans brusquerie et sans créer de problème, c’est-à-dire sans étudier avec
anxiété le comportement de l’enfant selon qu’il avance l’une ou l’autre main pour
agir, on lui montrera les gestes commodes pour se servir des choses. Beaucoup
d’objets sont créés à l’usage des droitiers (pas de vis, boutons de porte…), et il
est utile d’apprendre à l’enfant ces gestes.
S’il semble de préférence reprendre de la main gauche ce qu’on lui donne de la
main droite, ou n’utiliser cette main droite que comme auxiliaire éventuel, à nous

3. NdE : Ce chapitre a été écrit par Mme Andrée Boulinier. Note du Dr Th. Simon : « J’ai plaisir à
présenter Mm, Boulinier – ancienne– élève de Mme Borel-Maisonny et par ailleurs Professeur de
lettres en 6e à l’Ecole alsacienne – dont le travail sur l’écriture ne peut qu’intéresser tous ceux qui
s’occupent des jeunes enfants. Ai-je besoin d’ajouter que, pour être plus spécialement écrite par une
rééducatrice pour des élèves présentant des troubles graphiques, cette méthode d’écriture simple et
lisible convient cependant à tous les enfants et que les indications qu’elle formule valent pour tous les
écoliers, notamment dans la période d’apprentissage ? »

224
Écriture

de ne pas y attacher trop d’importance, et de laisser en quelque sorte l’enfant


libre de son choix.
Et nous nous sentirons d’autant plus forts dans la décision à prendre vis-à-vis
de l’écriture.
Là, quand on examine un enfant à ce sujet, on lui fait dessiner successive-
ment avec l’une puis l’autre main (crayon rouge, main gauche ; crayon bleu, main
droite), et en faisant d’abord chaque fois devant lui le modèle au crayon noir4 :
–– un carré, un cercle ;
–– un ½ cercle ouvert en haut, un ½ cercle ouvert en bas ;
–– un ½ cercle ouvert à droite, un ½ cercle ouvert à gauche ;
–– une verticale ↓ , une horizontale → ;
–– une oblique allant de bas à gauche, en haut à droite
–– une oblique allant de bas à droite en haut à gauche
–– une sinusoïde de gauche à droite

Si l’enfant exécute une reproduction exacte, en suivant pour les cercles le sens
inverse des aiguilles d’une montre, et la direction correcte indiquée pour chaque
droite. Il n’y a pas de problème d’écriture. Et seul le degré d’aisance et d’habileté
entre en jeu.
Mais, si l’enfant « se trompe de sens », attention à la gaucherie possible.
De même si l’enfant exécute avec sa main droite un trait beaucoup plus malha-
bile qu’avec l’autre main.
Aussi, pour établir cette écriture, on fait d’abord travailler ensemble les deux
mains, mais en demandant (que ce soit de la main gauche ou de la main droite)
l’exécution correcte des figures selon les mêmes directions (Figure 79).

Figure 79
Faire faire au crayon rouge, de la main gauche, un cercle comme celui de gauche :
au crayon bien, de la main droite, un cercle comme celui de droite.

4. Réf. méthode d’examen employée à l’hôpital St-Vincent-de-Paul, dans le service de Mme Borel-
Maisonny.

225
Langage oral et écrit

Quand l’enfant prend sa main gauche, on le laisse faire, mais toujours en veil-
lant à l’exécution parfaite du mouvement.
Puis on lui demande de faire travailler l’autre main à son tour. Et l’on veille à
ce que le mouvement soit exécuté avec la main seule et non poussée ou aidée
par l’autre.
Notre écriture allant de la gauche vers la droite et étant conçue pour les
droitiers, très souvent les enfants finissent par trouver plus facile, même avec
une main gauche plus habile, d’exécuter de la main droite ce qui normalement a
été créé à l’intention de cette main (et cela dans les deux ou trois semaines qui
suivent les premiers essais).
C’est l’intérêt évident de l’enfant de lui faciliter cette évolution et cette éduca-
tion, pour lui simplifier socialement l’utilisation des gestes de l’écriture au cours
de sa vie.
Et puis il est bien entendu qu’on le laissera libre d’utiliser sa main gauche
autant qu’il le voudra pour tous les autres actes qu’il aura à accomplir.
Ainsi nous n’aurons pas « créé » le problème de la gaucherie, s’il n’existait
pas ; et, s’il existait, nous n’aurons pas « auréolé » ce problème. Et sans heurt
nous aurons facilité le travail de cet enfant.
Comme le dit le Dr de Ajuriaguerra : avec un bon quotient intellectuel, un
enfant gaucher peut écrire de la main droite (ce qui lui rendra grand service), en
gardant pour ses autres actes l’usage préférentiel de l’autre main.
Avec un petit niveau mental et devant les difficultés d’exécution et de concep-
tion des formes, alors nous pouvons laisser le gaucher écrire de la main gauche
surtout si l’attitude caractérielle y invite.
Mais si malgré un établissement simultané des gestes de l’écriture par l’une
ou l’autre main, l’enfant se refuse à l’usage de sa main droite, ou s’y sent mal à
l’aise, nous nous inclinerons toujours.
En tout cas c’est une décision qui se mûrit peu à peu en créant dans le corps
et l’esprit de l’enfant une attitude de détente, une conception de la u bonne forme
» et la méthode optima d’exécution de cette bonne forme pour chaque enfant.

Âge de l’écriture et conditions de son apprentissage


Dans les premières manifestations d’écriture, il y a une période de gribouillis
plus ou moins appuyés, selon l’âge de l’enfant.
Vient ensuite le moment où l’enfant fait des zigzags en forme de ligne d’écri-
ture ou des suites de ronds.

226
Écriture

Vers 3 ans, l’enfant a tendance à fermer les figures ouvertes : chaque demi-
cercle tracé devant lui est fermé par un trait ; chaque trait même est doublé d’une
autre ligne qui rejoint le « bâton ») aux deux bouts.
Ce n’est point encore l’âge de l’écriture.
Pour qu’un enfant ait atteint l’âge de l’écriture, il faut qu’il puisse apprécier les
directions, les grandeurs et les formes et qu’il puisse les reproduire.
Il faut qu’il arrive pratiquement à la période des opérations concrètes décrites
par M. Piaget.
A cet égard, l’utilisation des différents tests de Mme Borel est très instructive :
Dans le test sans parole pour jeunes enfants (voir vol. II), le petit escalier de
papier est pratiquement réalisé à 5 ans :
–– la disposition de jetons deux par deux à 4 ans ½ ;
–– le cercle est reproduit à 3 ans ½ ;
–– le carré à 4 ans.
Dans le test orientation-jugement, etc, pour enfants de S ans ½ à 9 ans (voir
vol. II), la mémoire visuelle des signes écrits diversement orientés est obtenue :
pour 2 signes, à partir de 5 ans ½ ; pour 3 signes, à partir de 6 ans.
Et les mosaïques à compléter ont 50 % d’erreurs encore vers 6 ans (voir vol. II).
Il faut de plus que l’enfant puisse reconnaître la forme de la lettre et qu’il soit
capable de reproduire cette forme de mémoire. Donner un « titre » à ces formes
constituera ici un appui important.
Et l’on sent combien il est inutile, avant l’établissement de la lecture, d’ensei-
gner les gestes et les signes de l’écriture qui, avec l’aide d’une signification parti-
culière, seront plus facilement retenus.
Pour ces raisons déjà, une écriture ne s’enseigne pas avant 5 ans ½, 6 ans.
Enfin, il faut que les possibilités motrices de l’enfant soient assez développées
pour obtenir le réglage du geste fin, l’écriture ne pouvant s’acquérir que si l’enfant
est capable d’effectuer ce réglage.
Or, d’une part, chaque enfant offre à cet égard des possibilités différentes ;
d’autre part, il peut être utile de l’aider en ce sens. D’où, en attendant, l’intérêt
d’exercices de freinage, de départ et d’arrêt de mouvements à un moment précis.
Il peut être avantageux aussi de faire reproduire de larges gestes, tantôt des
deux mains, tantôt d’une seule, qui aideront l’enfant à la décontraction néces-
saire5.

5. On peut citer dans cet ordre d’idées la méthode du bon départ, qui cherche justement à établir une
éducation du geste.

227
Langage oral et écrit

Et l’on voit l’utilité-dans les maternelles :


1. d’exercices tels que celui associé à l’air : « Marie trempe ton pain » chanté
accompagné d’un mouvement circulaire des bras sur le plan horizontal et
dans le sens inverse des aiguilles d’une montre ;
2. de reproductions de formes dans l’espace en tenant des objets à la main ;
3. de tous les exercices de prise de conscience du schéma corporel qui
affineront les possibilités d’orientation et de représentation spatiale en
s’inspirant en somme des mouvements utilisés par Mme Borel dans une
« rythmique » adaptée aux retardés moteurs ayant des troubles de parole.
Ainsi, insensiblement, l’enfant arrivera, d’une part, à la conscience des formes
au point de vue perception ; et, d’autre part, à la possibilité d’exécution de ces
formes au point de vue moteur.
Et il pourra aborder l’écriture dans les meilleures conditions possibles vers
6 ans, avec un niveau normal et un comportement normal, bien entendu.

Choix d’un type d’écriture


Nous avons le choix entre trois possibilités :
1. une écriture tirée de l’anglaise ;
2. une écriture tirée du script ;
3. une écriture tirée des majuscules d’imprimerie.
Cette dernière est réservée aux grands neurologiques, avec athétose, qui ne
peuvent faire les mouvements circulaires.
L’écriture script semble à proscrire, à moins de grosse débilité motrice (...
et mentale). En effet, chaque lettre étant séparée, l’enfant n’a plus la structure
globale du mot, ce qui amènera fatalement bien des ennuis orthographiques,
entre autres.
Ensuite, l’écartement des lettres est difficilement respecté sans le soutien de
la liaison.
De plus, l’écriture script appliquée n’est pas rapide.
Dans l’accélération la ligne générale de l’écriture « danse », et les intervalles
non respectés rendent le texte peu lisible.
Il reste donc la possibilité d’une écriture tirée de l’anglaise6. Il s’agit d’une
écriture très simplifiée, comme nous le verrons par la suite, mais avec un type de
liaison prise dans l’écriture suisse allemande7 qui permet de ne pas lever la main
pendant toute l’exécution d’un mot. Ainsi nous créons la conscience exacte de

6. Ou, peut-être, d’une ancienne écriture française avec caractères plus arrondis et moins inclinés.
7. Cf. Dottrens, L’enseignement de l’écriture, Nouvelles méthodes.

228
Écriture

ce mot chez des enfants souvent suspects justement de dyslexie et de dysortho-


graphie, et nous favorisons l’acquisition d’une écriture rythmée et rapide, avec
succession de détente et d’appui : traits ascendants légers, traits descendants
appuyés.
Une fois le mot écrit, il est facile pour l’enfant d’ajouter « le poivre et le sel »
(ce qui les amuse beaucoup), c’est-à-dire, avec une révision rapide de l’ensemble
du mot, les accents, les barres et les points, et ceci soit du début à la fin du mot,
soit de la fin au début. Pour cela, on observera l’enfant, et, une fois constaté son
choix, on l’incitera à s’y tenir.
Des essais de chronométrage en écriture rapide ont montré la supériorité de
cette manière de faire. De plus l’écriture gagne en régularité, le mouvement de
bas en haut, quand on place à mesure accents, barres ou points, rendant difficile
aussi la reprise de ce mot sur une même ligne. Comparer plutôt :

Au minimum 4 arrêts, si l’on met les accents chaque fois qu’il s’en présente un.

Reste un dernier point à résoudre : enseignerons-nous aux enfants une écri-


ture droite ou penchée ?
Pour le premier enseignement de l’écriture, prévu au tableau noir, c’est-à-dire
sur un plan vertical, il paraît plus simple de montrer des caractères d’écriture
droite.
De la sorte, nous pouvons prévoir des directions en comparant à la verticale.
Toutes les lignes sont :
1. soit parallèles à la verticale,
2. soit parallèles à une seule direction oblique pour toutes les boucles des
lettres, sauf la boucle inférieure de la lettre f avec son oblique symétrique-
ment opposée.

229
Langage oral et écrit

Si plus tard, après avoir transposé sur le papier cette écriture droite, l’enfant,
pour des raisons d’esthétique ou de rapidité, préfère une écriture penchée, il
n’y aura plus qu’à incliner, selon un angle variable, l’ensemble de l’écriture déjà
constituée.

Quelques causes de dysgraphie


Les considérations des paragraphes précédents s’adressent à l’ensemble des
enfants qui fréquentent les cours préparatoires. Pour la moyenne de ces enfants
l’enseignement de l’écriture, une fois prises les précautions indiquées, devrait
s’établir sans heurt.
Malheureusement les classes ont actuellement des effectifs de 40 à 50 élèves,
aux prises avec les difficultés de la lecture, du calcul, etc.
Il est commode, dès qu’un enfant semble à peu près identifier et reproduire
certaines formes, de l’occuper à des copies, pendant que les autres enfants
exécutent une tâche différente. L’enfant, par la force des choses livré à lui-même,
s’arrange comme il peut et s’installe dans de mauvaises habitudes, dues à une
maladresse motrice de la main gauche ou de la main droite, à un retard moteur
général, parfois même à des troubles neurologiques discrets.
Sur le plan psychologique, d’autre part, peuvent intervenir : une faiblesse
de niveau mental et une lenteur de la perception. Dépassé par une activité trop
rapide pour lui, le sujet devient inhibé. Il s’y ajoute souvent un élément affectif
qui crée un climat de colère contre l’école et trouve dans l’écriture un terrain idéal
pour se développer.
Ainsi les enfants peuvent devenir dysgraphiques pour bien des causes : ils
sont mal latéralisés, maladroits ; certains n’ont pas le niveau mental de l’écriture ;
d’autres ont des troubles de l’orientation ou de la représentation spatiale.
À toutes ces raisons s’ajoutent enfin des facteurs caractériels, qui sont en effet
presque constamment présents dans les troubles de l’écriture.
Finalement, il devient urgent de « porter remède » à la situation.

Enseignement proprement dit


Les consignes que nous allons donner seront valables pour tous les âges.
Selon qu’il s’agira de difficultés motrices ou mentales dans un ou plusieurs
domaines, on sera évidemment obligé de peser davantage sur tel ou tel point.
L’essentiel est d’abord de créer l’atmosphère de détente et une attitude de
décontraction ; puis de faire comprendre parfaitement les formes et d’en obtenir
l’exécution précise qui seule donnera satisfaction à l’enfant, récompense de son
effort et qu’il marque souvent par une exclamation joyeuse.

230
Écriture

Création d’une attitude de détente


Si l’enfant ne peut s’empêcher de se raidir dès qu’il s’apprête à écrire, il faut
tout de suite recourir à des exercices de détente, exécutés dans l’espace, c’est-
à-dire en dehors de l’attitude adoptée pour l’écriture, ce qui, en désorientant
l’enfant, lui redonnera la souplesse nécessaire. Citons par exemple :
1. Des exercices de balancier. En se penchant en avant, laisser aller le ou les
bras qui oscillent d’avant en arrière comme le balancier d’une pendule.
Le balancier s’arrête de lui-même, à moins qu’une légère impulsion de la
rééducatrice ne redonne le mouvement.
2. La main morte. La rééducatrice soulève ou tient la main de l’enfant, qui
retombe comme morte dès qu’on la lâche8.
3. Décrire de grands cercles dans l’espace, dans le sens inverse des aiguilles
d’une montre, et en commençant en haut légèrement sur la droite. On
exécute les mouvements des deux mains et d’une main tour à tour.
L’exercice peut se faire en chantant « Un rond tout entier », ce qui augmente
encore la décontraction.
4. Prendre des objets et les lâcher9 au commandement, tout cela sans crispa-
tion. etc.

Premiers exercices au tableau noir


D’un bras et d’une main souples nous allons essayer d’aborder le tableau :
–– selon les cas, d’abord avec un objet autre que la craie (éponge, pour les
enfants atteints de crampe, par exemple ; puis petite auto, petite bille que
l’enfant tient avec trois doigts… );
–– enfin avec la craie, que l’enfant doit soutenir avec ses trois doigts, l’index
appuyant pour donner la direction.
L’enfant exécutera des droites d’un mouvement continu (verticales, horizon-
tales, obliques) ; puis des lignes circulaires, tout de suite avec des exercices de
freinage, d’arrêt et de départ à un moment donné… ou à un lieu donné, ce qui
amènera entre autres l’exécution du cercle unique en même temps que nous
éveillerons, par d’autres exercices, la notion d’égalité de grandeurs.

8. Il est utile que l’enfant nous fasse executer les mouvements lui-même, pour qu’il se rende mieux
compte de notre attitude.
9. Suspendre la contraction d’un muscle sur ordre est une chose malaisée pour un jeune enfant.

231
Langage oral et écrit

Droites et lignes circulaires


Tous les tracés se feront avec lignes ascendantes légères, lignes descendantes
appuyées.
En général, et de préférence, nous montrons le modèle en grand et nous
effaçons.
Mais si l’enfant a de la peine à concevoir la direction, il peut être utile, en lui
laissant le modèle, de lui faire suivre d’abord cette direction avec son doigt. Puis,
quand il en a pris nettement conscience, on efface, et on lui demande de refaire.
(Il est important en effet que l’enfant ne garde pas le modèle sous les yeux. De
celte façon, il n’a pas à se disperser et porte plus aisément son effort sur la repré-
sentation de la forme et sur sa reproduction globale).
L’exécution des mouvements se fera successivement yeux ouverts et yeux
fermés, pour que l’élève soit obligé de se représenter mentalement le tracé à
exécuter.
Nous demandons aussi à l’enfant de nous prendre la main et de nous faire
faire le mouvement : souvent une main encore raide se détend, dès qu’elle nous
dirige.
De plus dans ce rôle de professeur l’enfant précise mentalement la forme qui
lui a été montrée, ce qui l’aidera dans sa réalisation.
1. Les verticales se feront de haut en bas et de bas en haut, sur toute la
longueur du tableau. Bien veiller à l’appui en descendant et à la détente en
remontant ; et à l’angle que forme la craie avec le tableau (cet angle doit
être petit).
2. Les horizontales seront exécutées en prenant garde que l’enfant ne se serve
pas d’une main pour pousser l’autre, s’il est encore mal latéralisé ou mala-
droit. De même pour les obliques.
3. On exécutera des cercles de grande dimension et assez rapidement tout en
s’efforçant de repasser sur le même tracé si l’enfant fait plusieurs cercles
sans s’arrêter.
On veillera aussi à la position du coude, qui ne doit pas remonter, et on utili-
sera les deux mains ensemble si l’enfant est mal latéralisé.
Exiger que, pour la main gauche comme pour la main droite, il garde le même
sens giratoire (en sens inverse des aiguilles d’une montre).

Exercices de freinage
1. L’enfant reste la craie posée sur le tableau en position de départ, et, à notre
commandement, se déplace ou s’arrête. À chaque nouveau départ, il conti-
nue la même ligne droite jusqu’à l’extrémité du tableau – ou de la page.

232
Écriture

L’enfant, à son tour, donne au maître ou à un élève la succession des ordres


qu’il a lui-même reçus. Cette énonciation de la consigne la rend plus consciente
et plus nette, plus efficace aussi.
Il y aura donc intérêt à utiliser des ordres très brefs, interjections, impératifs
courts : pars, arrête, repars, etc.
2. On garde la même attitude pour décrire un cercle, au cours duquel l’enfant
ralentira en remontant.
3. Avec même point de départ que le cercle, on trace le
« demi-rond ».
Il est important de faire remarquer, avant la mise en route,
que le point d’arrivée est situé exactement au-dessous du
point de départ.
4. Nouvelle obligation de freinage, dans le tracé des lignes
obliques descendantes ou ascendantes, avec départs et Figure 80
arrivées fixés à l’avance.

Figure 81
Par exemple, pour un petit enfant, nous dessinerons les contours d’un nuage
dans un coin du tableau, et nous ferons tomber la pluie en traits parallèles sur des
escargots, des lapins, ou simplement sur une montagne, selon que les possibili-
tés d’arrêt au bord de l’objet à atteindre seront plus ou moins exercées et éten-
dues. L’exercice pourra se concevoir de plusieurs manières pour qu’intervienne le
choix de la pente et de la direction.
5. Exercices de ralenti. Souvent le jeune enfant déforme un tracé faute de
savoir ralentir son mouvement. Il doit donc apprendre à en être maître. Mais
il faudra, avec autant de soin, éviter les hésitations, voire les inhibitions
de l’enfant qui n’ose pas accomplir un geste et qui, lorsqu’il s’y résout,
ne le fait qu’avec appréhension. Les traits tremblés, les formes étriquées

233
Langage oral et écrit

en témoignent. À ce moment, des exercices au tableau, les yeux fermés,


rendront grand service.
Notion d’égalité de grandeurs
1. On demande, toujours après avoir effacé le
modèle, l’exécution de petits traits égaux à
égale distance, sur une ligne ou sur deux
lignes parallèles.
2. On fera ensuite une ligne de traits alterna-
tivement courts et longs.
3. Tracer un segment de droite, le cacher,
et l’enfant doit reproduire de mémoire ce
même segment. Puis découvrir le modèle
Figure 82
et comparer.
4. Faire dessiner de petits ballons de même grosseur à la suite les uns des
autres ; un sapin avec des branches de même longueur, etc.
On peut varier les exercices selon l’âge, et pour pouvoir renouveler l’intérêt
des enfants.
Quelquefois on obtient par un jeu nouveau ce qui l’instant d’avant semblait
inaccessible.
Je ne citerai qu’un exemple : j’ai souvent de grandes difficultés à faire tracer un
carré ou un cercle avec un trait continu… , mais je l’obtiens « en faisant avancer
une auto qui s’arrête aux feux rouges et repart ».
L’auto peut ainsi emprunter un trajet tour à tour rectiligne ou circulaire, ou
même sinusoïdal.
Si l’enfant ne peut encore créer ce trajet lui-même, nous pouvons d’abord
imaginer des trottoirs qui le dirigeront… et qu’il ne devra pas toucher sous peine
de contravention.
Tout dépend chaque fois de l’enfant à rééduquer, et on doit faire preuve de
souplesse, en s’adaptant à tout moment au comportement et aux réalisations
effectuées.
Une fois ce premier travail terminé, toutes les directions sont acquises. Il n’y
a plus qu’à montrer à l’enfant dans quel ordre se succèdent, pour chaque lettre,
les deux ou trois directions nécessaires, et à l’entrainer à retrouver cet ordre, une
fois l’analyse faite el le modèle effacé,
Nous n’aurons donc plus qu’à préciser les différentes formes des lettres.

234
Écriture

Étude des signes graphiques


On continuera d’opérer au tableau noir.
Les formes des lettres sont consciencieusement et clairement analysées10. La
marche à suivre est minutieusement montrée, et décomposée d’abord si néces-
saire. L’enfant, au besoin, vient prendre contact avec elle en la suivant au tableau
avec son doigt.
Une première exécution est impitoyablement critiquée par l’enfant lui-même
et par ses camarades s’il y a lieu. On efface. On recommence.
Et le résultat s’améliore, compte tenu des critiques faites. En effet, si la fatigue
n’émousse pas l’intérêt (et c’est à la rééducatrice d’y veiller), les enfants sont
toujours heureux de constater leurs possibilités de réussite.
Ensuite, il ne reste plus en gardant la même attitude de souplesse, qu’à
accélérer l’exécution d’une forme comprise et, de ce fait, acquise sans défaut.

Exécution de la lettre l
Par le grand déplacement qu’elle nécessite, cette lettre favorise l’attitude de
détente. Aussi peut-il être commode de l’étudier en premier lieu.
La lettre est d’abord établie en très grand sur le tableau par la rééducatrice, et
reste assez longtemps sous les yeux de l’enfant.
Il peut y avoir intérêt à dessiner en trois couleurs, s’il a de la peine à en conce-
voir les trois directions différentes.

Faute d’encres de couleur, le début de la lettre, ligne oblique ascendante, est dessiné ici
en hachures obliques – la crosse en trait pointillé – le grand droit descendant et la fin en trait plein. –
Au tableau, un seul trait continu, jaune dans sa première partie, puis rouge, et enfin bleu.

10. Les caractères décrits ci-après sont ceux que figure l’alphabet de la p. 243, ou les spécimens
spéciaux d’écriture manuscrite que contient le texte. Par ailleurs, les caractères d’imprimerie des titres
ne font que désigner les lettres dont il est parlé.

235
Langage oral et écrit

Pour en prendre mieux conscience, l’enfant peut suivre avec son doigt le
chemin ainsi tracé.
Il refait la lettre dans l’espace, yeux fermés et yeux ouverts.
La rééducatrice précise par des ordres brefs les consignes à exécuter.
Tout ce travail préliminaire est en quelque sorte dirigé par les réactions de
chaque enfant, et peut donc être d’inégale durée.
Puis quand la forme semble comprise, on efface la lettre. Et, seulement alors,
l’enfant doit la reproduire de mémoire sur le tableau. Il énonce en même temps
à haute voix les ordres qu’il se donne à lui-même : pencher, tourner, descendre.

N.B.
Si la courbe se révèle difficile à tracer, on fait exécuter des u cannes » d’un trait léger
(avec une inclinaison parallèle à celle qui servira pour le l entier).
Si en descendant, l’enfant a tendance à traverser perpendiculairement l’oblique
ascendante de la lettre l, on l’habituera à conserver la direction verticale au moyen
d’une réglette plate sur le tableau.
Puis du doigt, il indiquera la direction, enfin il tracera lui-même la lettre.

Il est utile aussi qu’il nous donne les ordres d’exécution pour vérifier sa
compréhension et la préciser.
Il ne faut pas craindre de revenir sur l’analyse exacte afin de ne pas laisser de
notion vague dans l’esprit de l’enfant.
L’essentiel est de ne jamais esquiver une difficulté mais de la neutraliser
immédiatement quand elle se révèle, en la traitant à part, avant de la replacer
« dans son contexte ».

236
Écriture

Puisque nous avons étudié le demi-rond dans les exercices de freinage, nous
pouvons tout de suite passer à :

L’acquisition de la lettre a

Même procédé : demi-rond, monter, descendre.

N.B.
Si l’enfant ne repasse pas exactement à la descente sur le trait déjà existant, nous
isolerons le trait dans un nouvel exercice :

descendre,
monter sans appuyer,
descendre,
monter, etc.

La fin de la lettre doit se faire en souplesse, juste par un petit trait léger qui
ne descend pas sous la ligne de base imaginaire avant de remonter, et qui est
l’amorce de la liaison future.

Étude de la lettre m
1. Il sera d’abord utile de vérifier la notion de nombre.
Chez les plus petits, par exemple, on fait rechercher la quantité | | | dans divers
groupes :
||| || |||| ||| | ||| ||||
2. Puis on retracera, et on fera tracer ensuite, de mémoire, des séries de 3
barres verticales placées à intervalles réguliers.
||| ||| ||| … …
(Exiger aussi que les écartements entre les 3 barres soient égaux)

237
Langage oral et écrit

3. Enfin on dessinera la lettre m en grand sur le tableau noir, et suivant la tech-


nique habituelle on précisera tout haut les directions exécutées :
– descendre (léger freinage à la descente pour
faciliter l’arrêt) ;
– monter ;
– tourner ;
– descendre (nouvel arrêt qui favorise la détente) ;
– monter ;
– tourner ;
– descendre (attention aux écartements égaux
entre les jambages).

4. On efface. L’enfant nous fait exécuter, ou exécute aussitôt la lettre selon


les cas.
5. On peut lier des séries de m tout de suite, ce qui permettra :
a) l’établissement de la liaison avec un premier jambage pointu qui facilite la
lecture des m successifs ;
b) l’introduction d’un rythme dans l’écriture dès le début : on comptera par
exemple 1, 2, 3, plus loin 1, 2, 3, etc.·

Bien veiller, chaque fois que le mouvement est ascendant, à la détente de la


main et du bras, qui donne la légèreté de la ligne.

N.B.
Le procédé est le même pour n. Mais il peut être nuisible d’introduire cette lettre
dans la même leçon, si les confusions entre m et n se révèlent trop fréquentes et si la
notion de nombre est encore incertaine.

Ici une remarque d’ordre général est intéressante.


Il est inutile de faire faire à l’enfant de grandes quantités de signes. S’il ne
connaît pas la forme, il faut la lui apprendre. Mais, une fois la forme comprise,

238
Écriture

l’attitude de décontraction obtenue et la bonne exécution réalisée, les répétitions


longues et fastidieuses ne contribuent qu’à provoquer le dégoût de l’enfant11.

Étude de la liaison
L’enfant possède maintenant un ensemble de lettres l a m n plus c et o étudiés
dans le cercle et le demi-rond. On veillera bien entendu, à la perfection de la forme
en ne tolérant pas pour a ou pour c – lettre difficile – une concavité inélégante. Le
sens giratoire sera attentivement contrôlé.
Sachant a, l’enfant connait aussi q et d, puisqu’il doit remonter ou descendre
sans bavure sur un trait vertical.
Il est intéressant d’étudier tout de suite la liaison qui permet l’association
avec toutes les lettres « commençant par un rond », et qui est en même temps un
excellent exercice de détente.
1. Sur le tableau et en très grand, la rééducatrice trace une
ligne courbe de la forme ci-contre.
2. puis on étudie ce tracé avec le doigt ou même l’éponge
avant que l’enfant n’essaie de le reproduire de mémoire.
Attention à la symétrie des deux courbes par rapport à
l’axe tracé ici en pointillés.
3. Enfin, dès que possible, amorcer la lettre qui suit. La
courbe tracée devra abandonner cette liaison approxima-
tivement à la moitié de sa hauteur, pour éviter de faire « un
ventre alourdi » à la lettre dont il fait partie. Le deuxième
trait recouvrira, au retour, Je premier, aussi exactement que
possible.
On écrira ainsi en les liant ca, co, da, do, puis deux
cc, deux aa, ce qui ajoute une difficulté puisque les deux
caractères doivent être de même grosseur.
Quand cette liaison est bien réalisée, l’enfant a acquis la souplesse néces-
saire. Il peut s’attaquer à tous les autres caractères.

11. « Je lui ai fait faire des pages... C’était plus laid à la fin qu’au commencement » disent parfois des
mères trop zélées… et mal informées.

239
Langage oral et écrit

Étude du groupe ch

–– Un demi-rond ;
–– une oblique, trait ascendant
bien rectiligne (il faudra lutter
contre la tendance à incur-
ver la ligne, ce qui déter-
mine les deux défauts figurés
ci-dessous).
On continue par les consignes
habituelles :
–– tourner ; descendre ; monter ;
–– tourner (attention à ne pas
dépasser le niveau supérieur
du c) ;
–– descendre.

N.B.
Il paraît utile de faire signaler d’abord à l’enfant, avec l’index de la main qui n’écrit
pas, l’endroit où il compte aboutir.
Quand une première exécution est faite, on la regarde attentivement, et l’enfant lui-
même (ou à défaut ses camarades) est invité à critiquer son œuvre. Avec une craie
d’une autre couleur, et sur le même travail, on ajoute le cas échéant le trait exact, qui
voisine avec le trait ou la courbe mal réussie et permet ainsi la comparaison.

Un groupe de lettres
Le bagage déjà acquis permet maintenant l’exécution d’un groupe de lettres,
ce qui renouvelle tout de suite l’intérêt. Par exemple moi, chat (auquel on peut
ajouter le t sans difficulté), etc.
Il y a là un grand pas de plus, puisque l’enfant doit se souvenir de l’ordre des
lettres dans un mot, ce qui évidemment lui est facilité par l’apprentissage de la
lecture.
On voit tout de suite aussi combien il est utile à l’enfant de savoir, sans hési-
tation intérieure, l’orthographe exacte d’un mot, avant de commencer à l’écrire.

240
Écriture

Consignes
1. Même procédé que pour la lettre seule : le groupe est d’abord écrit, puis effacé, et
l’enfant le reproduit seulement à ce moment-là (c’est-à-dire de mémoire).
2. Bien placer les lettres sur la même ligne de base imaginaire et en contrôler la
hauteur.
3. Enfin les lettres à boucle auront une hauteur triple de celle des petites lettres12.
4. Pour veiller justement à l’évaluation de ces grandeurs, on peut
étudier les groupes de lelele, l’égalité de tous les l étant respectée,
et la lettre e étant simplement considérée comme un petit l sans
recourir à la forme e si souvent enseignée et dont le tracé anguleux
brise le mouvement de l’écriture.
5. Si l’évaluation des grandeurs est mauvaise, on fait d’abord le
même exercice schématisé, | ı | ı | ı

Étude des lettres f, b, v


1. Faire comme toujours un tracé en grande dimension au
tableau.
L’enfant montre successivement avec son doigt le point où il
doit arriver, puis le suivant, etc.
2. Attention à l’égalité des deux boucles symétriques par
rapport à la « taille » de la lettre.
3. Prévoir la difficulté qu’ont certains enfants à faire rejoindre
la grande ligne verticale par la partie ascendante de la boucle d’en
bas.
Lettres b, v. Bien préciser l’étude de la liaison des lettres b et
v avec la voyelle qui suit : il s’agit, en effet, quand ces lettres sont
associées à d’autres, de ne pas remonter leur jambage ascendant,
jusqu’à la limite supérieure assignée aux petites lettres, mais de les arrêter un
peu en dessous.

12. La grandeur des lettres à boucles faisait l’objet, dans les anciennes méthodes d’écriture, de
prescriptions minutieuses, mais il est malaisé de les retenir. Nous n’entrons pas dans ces détails. Ce
n’est pas une affaire de mensuration. Les hampes des lettres d et t doivent par exemple ne dépasser
que d’un corps et demi. Nous préférons en faire seulement une question d’esthétique. « Tu vois,
dirons-nous à l’enfant, s’il fait des hampes trop longues, ça ne fait pas joli ; il vaut donc mieux les
dessiner un peu plus courtes. » Habituellement, cela suffit.

241
Langage oral et écrit

Étude des groupes ff, fl, gl

Veiller : au parallélisme des traits, à ce que la ligne soit droite une fois le tour-
nant effectué.

Étude des lettres r, s, x

1° Lettre r
–– une légère ligne penchée ascendante ;
–– une petite cuvette ;
–– une ligne descendante presque parallèle à la première ligne ascendante.
Les groupes br, vr sont à étudier en raison des proportions relatives à donner
à leurs différentes parties (cf. plus haut b et v) ;

2° Lettre s
–– une ligne penchée ;
–– descendre verticalement comme pour écrire le chiffre 1 ;
–– tourner à gauche.
Et tout de suite étudier la liaison de plusieurs s successives ; on ferme la
boucle et on revient sur cette boucle pour repartir ; forme de lettre qui évitera
l’étalement quand l’écriture sera accélérée.
Attention au groupe os où la forme de l’s doit être légèrement changée.

3° La lettre x
La lettre x aurait pu être étudiée plus tôt puisqu’elle ne présentait pas de diffi-
culté particulière, sauf dans la symétrie opposée des deux boucles.

242
Écriture

Séries de lettres
Arrivé là, il peut être utile d’écrire :
1. des séries de petites lettres, placées à intervalles réguliers, mesurant
toutes la même hauteur, sauf les petits dépassements des lettres r, s, et
présentant un écartement égal entre leurs jambages ;
2. des séries de lettres de toutes sortes, dictées sans ordre, et comportant
donc des lettres avec hampes et boucles, ce qui nécessite un plus grand
écartement entre les lignes de l’écriture :
Soit un alphabet ainsi écrit :

243
Langage oral et écrit

Étude des accents

Ceux-ci ne seront pas incurvés, ils auront la pointe Inférieure allégée, et seront
placés en même temps que les points et les barres, une fois le mot entier écrit
sans lever la main.
Pour se familiariser avec eux, on précise d’abord leur rôle grâce à la méthode
de lecture, puis on peut prévoir des séries de e qu’il s’agit ensuite d’accentuer
selon l’ordre donné. On ne tolérera pas de confusion entre la direction des accents
aigus et des accents graves.
En résumé, étude de chaque lettre ; – étude de lettres semblables associées ;
– étude de groupes de lettres associées, c’est-à-dire du mot13. Tout ceci sur un
tableau noir sans lignes.
Toutes les directives qui viennent d’être données concernent l’écriture au
tableau noir sur un plan vertical ou sur un plan oblique. Si l’on a dû commencer
ainsi l’enseignement de l’écriture, il ne faudra pas laisser au « hasard » et à l’ini-
tiative personnelle du sujet tout ce qu’il faut enseigner pour que l’enfant aborde
l’écriture sur papier et dans un plan horizontal ou à peine oblique.

Écriture sur papier et autres détails


Comment transcrire sur le papier toutes les formes ainsi étudiées ?

Installation
De l’écriture sur un plan vertical, on passe à celle sur un plan incliné légère-
ment… ou horizontal.
Il faut être bien installé :
–– pas trop loin ;
–– pas trop bas ;
–– le coude se trouvant reposé à hauteur de la table et le sujet en état de relâ-
chement musculaire14. Cf. Figures 83 et 84.

13. Redisons ici quelle aide apporte à l’enfant la connaissance parfaite de l’orthographe du mot. Une
hésitation au début de chaque lettre se traduirait forcément dans le tracé.
14. Cette question d’attitude est essentielle. Il ne faudra jamais tolérer que l’enfant se « couche » sur
son papier, qu’il se tienne le dos rond, ou appuyé sur un coude et se tenant la tête..., etc. Il ne devra
pas avoir les coudes rejetés en arrière mais avoir les avant-bras reposant sur la table.

244
Écriture

Figure 83 Figure 84

On mettra une feuille de papier devant soi, inclinée de telle sorte que si on
balaye cette feuille horizontalement avec le crayon, on trace des traits approxima-
tivement parallèles au bord supérieur de la feuille.
Verticalement on a des traits perpendiculaires aux premiers traits et parallèles
aux bords latéraux de la feuille, la main étant dans le prolongement de l’avant-
bras.
À mesure que le sujet écrit, l’avant-bras se déplace en suivant la main, ce qui
évite une mauvaise attitude et par suite l’installation de crampes.
Notons que l’inclinaison de la feuille doit être à gauche si le sujet écrit de la
main droite ; à droite, si le sujet écrit de la main gauche.

Matériel
Il est important de toujours utiliser d’abord des feuilles de papier sans lignes.
La ligne ne devrait être employée qu’une fois l’écriture complètement consti-
tuée.
De même employer d’abord un gros crayon à facettes, pour que les doigts
puissent se placer naturellement sur ces· facettes, avec l’index qui appuie.
Ensuite donner un crayon à facettes plus petit, à mesure que l’on diminue la
hauteur de l’écriture (par exemple « critérium »).

245
Langage oral et écrit

Ne donner une plume qu’au moment où l’enfant sait parfaitement faire les
gestes de l’écriture, et ne pas faire utiliser de plumes sergent-major trop dures, ou
de plumes à boules, mais des plumes un peu arrondies de la pointe15.
Il semble préférable de mettre tout de suite un stylo à une plume douce dans
les mains de l’enfant, puisqu’au moment où il va utiliser l’encre, il sait déjà norma-
lement très bien écrire, et cela lui simplifiera les gestes nécessaires.
Bien installé, l’enfant pose naturellement sa main sur la feuille de papier et la
rééducatrice place le crayon entre les trois premiers doigts.

Exécution
Sur le papier, l’enfant est invité à refaire des lignes verticales, penchées, circu-
laires, en grande dimension. La rééducatrice n’hésite pas à les lui faire tracer sur
toute la surface de la feuille, pour qu’il se retrouve à l’aise, dans cette nouvelle
attitude d’écriture, et s’habitue à une feuille de papier.
De même il retracera, et toujours en grand, quelques-uns des premiers signes
étudiés au tableau (par exemple pencher, tourner, descendre), en évitant tout
mouvement brusque, et sans crispation : à tout moment, la rééducatrice doit
pouvoir retirer le crayon des doigts de l’enfant pour vérifier s’il ne serre pas trop.
Puis elle fera écrire des mots, et, sitôt que possible, de petits groupes de mots,
en veillant à ce qu’il ne lève pas la main avant la fin de chaque mot et en surveil-
lant l’écartement des lettres et des mots dans les groupes.
À cet égard, un mot comme minime est excellent pour contrôler la régularité
des caractères.
Enfin, pour accélérer l’écriture, on pourra faire suivre le tracé d’un mot
plusieurs fois, en le regardant, puis mentalement avant de le reproduire.
On étudiera aussi des mots ou parties de mots qui reviennent souvent :
elle, ait, aient, ment, esse, able, eau, etc.
Et toujours on veillera à ce que l’attitude de souplesse soit maintenue. Se
rappeler en effet combien certains enfants ayant du retard moteur peuvent diffi-
cilement accélérer.
Il est alors intéressant de procéder à des essais de chronométrage et de
rythme avec des groupes de mots bien connus de l’enfant.
Ces essais se feront en écriture plus petite. Et un crayon tel que le « critérium »
peut dès maintenant être employé avec une mine douce (2B). Si l’enfant écrit à
l’encre, que ce soit avec un stylo pas trop dur ou avec une plume qui « n’accroche
pas ».

15. Dottrens : « La légèreté de la main s’acquiert avec des outils qui contribuent à cette légèreté. »

246
Écriture

Pour être claire et agréable l’écriture a besoin, en effet, d’être rythmée. De


plus, si toutes les précautions précédentes sont prises, l’écriture va devenir plus
rapide, en gardant ses formes essentielles et donc sa lisibilité.

1. Majuscules
Il paraît moins utile d’insister sur l’étude des majuscules.
En effet, si l’enfant a compris et appliqué les principes d’écriture exposés
ici, il sera capable de saisir globalement la forme des majuscules, même si ces
dernières sont tirées de l’anglaise. Et, habitué au trait détendu et souple, il les
reproduira aisément et avec rapidité. Il semble préférable d’ailleurs, si les progrès
de l’enfant et les circonstances le permettent, de lui proposer des caractères tirés
des majuscules d’imprimerie.

2. Signes de ponctuation
Des exercices reproduisant les principaux signes de ponctuation sont indis-
pensables.
En particulier le point d’interrogation (?).
L’établir toujours en grand modèle
d’abord, le point se trouvant sur la ligne de
base de l’écriture. Ce signe doit être bien
équilibré, c’est-à-dire également réparti par
rapport à son axe imaginaire.

3. Mise en page
Enfin quelques notions de mise en page pourront être données avec profit.
Règles essentielles :
–– titre au milieu ;
–– marge (plus ou moins grande) ; interlignes ;
–– début des paragraphes et des alinéas en retrait, etc.
Il est en effet navrant de constater la mauvaise présentation de bien des
devoirs d’écoliers.

Chiffres
Il arrive quelquefois à la consultation des enfants qui, ayant franchi le cap de
l’écriture, ont gardé, pour les chiffres, de mauvaises habitudes, et par exemple
des traces de la fameuse écriture en miroir.
Et l’on voit des 7 couchés ou en miroir, dus évidemment aux difficultés d’orien-
tation des signes.

247
Langage oral et écrit

De même des 4 à l’envers ou en miroir, etc.


Il est essentiel alors de tracer les modèles au tableau noir et en très grand,
indispensable d’employer d’abord les craies de couleurs différentes pour chaque
direction, et d’énoncer par des termes précis et brefs ces directions. Par exemple
pour 7 : ligne couchée, ligne penchée, un petit trait couché.

N.B.
Mettre le petit trait à bonne hauteur et parallèle au premier. De même
pour 4 : une ligne penchée, une ligne couchée, un trait à cheval.
Pour le 8, bien veiller à la symétrie. On le trace au tableau en deux
couleurs, puis on le coupe par un axe.
L’enfant suit du doigt le tracé au tableau. Puis il ferme les yeux et doit
retrouver la forme en l’exécutant en grande dimension dans l’espace,
avant de la transcrire à son tour.
Ainsi s’exécutent tous les chiffres.

N.B.
Pour que ces chiffres ne « dansent » pas, des exercices peuvent être créés
à mesure.
Par exemple, des 3 sont tracés le long d’une verticale. Puis on supprime la
verticale et les chiffres sont reproduits dans la même disposition. La verticale
est tracée après coup en pointillé comme vérification.
Il est utile aussi de faire écrire des nombres pour vérifier, comme dans l’écri-
ture, l’écartement des chiffres et l’unité de la ligne de base.

248
Écriture

Enfants avec troubles neurologiques


Les dysgraphiques ordinaires sont, bien souvent, des caractériels qu’une
rééducation modifie tant sur le plan psychologique que moteur. Ils ne s’appliquent
pas et pourraient bien écrire, tandis que les neurologiques dysgraphiques sont en
général pleins de bonne volonté, mais trahis par leurs difficultés motrices. Ils
s’appliquent et ne peuvent pas écrire. D’où le tracé tremblé et heurté propre à
leur écriture. Il n’est possible d’indiquer ici parmi des directives pédagogiques
générales que quelques principes. Le premier sera de s’adapter à chaque type de
difficulté, et s’il faut, à chaque cas.
Ceux qui tremblent gagneront à employer une écriture liée, bien conçue, et
rapide, leurs troubles s’atténuant dans ces conditions.
Au contraire, les athétosiques sont quelquefois incapables de réaliser autre
chose que l’écriture en caractères séparés. On doit même recourir aux majuscules
d’imprimerie.
Pour les uns, on emploiera des gestes larges de détente dans l’espace. On
fera établir les formes essentielles de l’écriture avec le doigt d’abord et en grande
dimension ; puis on accélérera les directions et les formes obtenues.
Pour les autres, on multipliera les gestes de freinage et de précision :
–– faire attraper une craie sur la table ;
–– inscrire un point dans un cercle ;
–– faire un tiret au commandement, etc.
La méthode n’est pas différente, mais la manière de l’appliquer. Il ne faut pas
imposer son geste à l’enfant. Il sera moins réussi, mais c’est lui qui le fera.

249
Conclusion

Voici donc décrits les principes généraux et quelques explications de la


méthode. En somme :
–– Attitude de décontraction,
–– Création du rythme pour supprimer toute gêne motrice.
Grands modèles pour mieux faire voir, et pour que tout enfant ayant un déve-
loppement intellectuel suffisant puisse assimiler l’écriture de façon analytique
– tout embarras de cette nature se traduisant par des hésitations dans l’exécution
des tracés.
Peu écrire, mais écrire bien, pour ne savoir écrire que bien : une écriture à
caractères simples qui, par les mécanismes indiqués, continuera de présenter,
quand elle sera rendue plus rapide, les mêmes conditions de lisibilité, de clarté,
et donc d’élégance, tout en reflétant la personnalité de chaque individu.

250
Addendum

Je voudrais ajouter quelques remarques.

1. Exercices de discrimination
Dans des cas difficiles où le sujet a de gros troubles de représentation de l’es-
pace et apprécie mal les grandeurs, il est indispensable de multiplier les exercices
de discrimination des hauteurs de lettres. Qu’on en juge par les figures ,85 a, b, c.

Figure 85 a

Figure 85 b

251
Langage oral et écrit

Figure 85 c
Gros troubles de structuration : altération des grandeurs respectives. a. Fillette de 7 ½ ans : on remarquera
l’empâtement de l’écriture, les lettres de grandeurs disparates et le tremblement.
b. Sœur de la précédente, âgée de 9 ans : lenteur, tendance à une attitude hypertonique et contracturée,
non-respect des grandeurs. c. Dyslexique de 10 ans dont on remarquera l’écriture et l’orthographe.

On fera faire, au tableau puis sur le papier, l’exercice ci-dessous. Poser sur les
espacements appropriés les lettres suivantes :

252
Écriture

3
2

5 6
4

On fera indiquer à quel endroit de l’espace vertical réservé par exemple à ch,
fli, cq, gr, etc. se situera la place de i, c, r, c, etc., et quelle en sera la grandeur. On
fera également aligner des lettres de même caractère sur une ligne simple a-b,
pour que l’enfant sache les disposer relativement les unes aux autres. On écrira
par exemple :

253
Langage oral et écrit

Si l’enfant sait le nom des lettres on lui dira, en les appelant par leur nom, de
les placer sur la ligne a-b, sinon on lui désignera le ou les caractères à poser sur
la ligne.
On fera faire également des exercices d’espacement de traits, de points ou
de lettres, les yeux ouverts et les yeux fermés. D’autres exercices serviront à
faire apprécier à quelle distance de la portion droite du tableau ou de la feuille
de papier il faut commencer pour avoir la place d’écrire un mot de 3 lettres, de
6 lettres, etc., dans un corps donné. Puis quand l’enfant saura écrire, on fera les
mêmes exercices avec de courtes phrases. On apprendra aussi comment couper
les mots.

2. Exercices de critique immédiate


Nous trouvons un grand bénéfice, au début de l’apprentissage des formes
surtout, à obtenir de « l’auteur » de la lettre écrite au tableau qu’il la critique
tout de suite. Cette autocritique immédiate surprendra parfois le professeur par
sa justesse et montrera que dans ce cas, les fautes incombaient à la maladresse
et non pas à une conception fausse. Dans d’autres cas au contraire, il est évident
que l’élève ne se rappelle plus la forme ou qu’elle lui a laissé une impression
fausse.
À la critique que l’enfant s’adresse nous adjoindrons, avec des précautions
évidemment, la critique des camarades.
« Trouves-tu cette lettre – ou ce mot – tout à fait bien ? S’il y a une faute, fais-
la voir. »
On peut aussi faire corriger les erreurs par l’élève ou ses camarades avec une
craie d’une autre couleur.

3. Exercices de mémoire des formes


Nous ne laissons jamais un modèle au tableau : préoccupé de copier, l’enfant
regarde le modèle et se distrait de son propre geste qui implique, pour être réussi,
le maximum de concentration. On écrit au tableau, par exemple, si l’enfant est

254
Écriture

capable de cette forme compliquée, le groupe chy. Il le lit, le suit du doigt, ferme
les yeux, le suit encore du doigt et quand la forme est prête mentalement, on
efface le modèle : l’enfant le refait de mémoire. Ce procédé, utilisé dès le début
de l’apprentissage, pour toutes les lettres ou groupes de lettres qui semblent
« difficiles » à l’enfant, procurera de grands avantages. Les formes seront plus tôt
et mieux conçues : le graphisme en paraîtra plus ferme et plus aisé. On ne peut
pas bien écrire quand on hésite. Il y a des tremblements dans l’écriture qui ne sont
dus qu’au manque de netteté de la représentation.

4. Exercice global d’écriture


Enfin on ne saurait trop conseiller l’exercice global d’écriture de groupes de
lettres représentant des associations fréquentes dans la langue. Mais ces asso-
ciations doivent rester syllabiques pour aider la mémorisation orthographique.
On se méfiera de l’épellation pendant l’écriture : elle est source de fautes
car l’enfant finit par s’embrouiller tout en répétant la syllabe, le mot, le nom des
lettres dans un parfait désordre. S’il doit épeler et écrire, que ce soit de la façon
suivante : chapeau : cé ache a ; pé e a u et tout de suite après avoir énoncé les
lettres il écrit le mot sans parler. L’enfant tirera bénéfice d’avoir tout de suite cette
bonne habitude et n’aura pas à se désaccoutumer de marmonner en écrivant.
Certains enfants prétendus dysgraphiques n’ont en réalité que des difficultés
liées à un mauvais apprentissage de l’écriture. Il n’entre pas dans le cadre de cet
ouvrage d’écrire le long et difficile chai.re de la correction des dysgraphiques,
mais un correct enseignement de l’écriture, dans les cas non pathologiques bien
entendu, empêcherait l’apparition de ces faux troubles de l’écriture. Il serait
également souhaitable que l’enseignement soit moins encombré de récitations
écrites, prises de notes, etc., et exigeât moins d’élèves qui ne sont encore que des
enfants et qui « gâchent » leur écriture parce qu’il leur est trop demandé.

255
Quatrième partie

Calcul

Méthode pour enseigner


la notion de nombre
et les rudiments
du calcul aux enfants
dysarithmétiques1

1. « Comme pour sa manière d’apprendre à lire, c’est encore au contact des enfants et au cours de
plusieurs années d’essais que Mme Borel-Maisonny a mis sur pied l’enseignement des premières
notions de calcul qu’elle expose dans le chapitre qui suit. On sera parfois surpris de l’ordre qu’elle suit,
des étapes curieuses par lesquelles elle fait passer l’enfant pour décomposer méthodiquement, temps
après temps, les phases successives du travail à accomplir. Il ne faut pas oublier qu’elle avait affaire
à des enfants avec arriération, troubles du langage, parfois à des sourds, donc à faire face à cette
nécessité de se faire comprendre dans des conditions exceptionnelles, voire sans recourir au langage.
Elle a trié ce qui lui a le mieux réussi. Nos Maternelles, dont nous n’ignorons pas ce que réalisent les
meilleures d’entre elles, trouveront sans doute encore quelque chose à glaner Ici, et, surtout, nos
maitres de classes de perfectionnement. » Th. S.
Introduction et bref aperçu
sur le travail intellectuel nécessaire
à l’assimilation du calcul

L   a difficulté d’apprendre à parler et d’apprendre à lire coïncide parfois avec une
  égale inhabileté à comprendre la numération et les opérations élémentaires
du calcul.
De même que chez l’adulte aphasique une désintégration de la connaissance
des nombres – l’acalculie – accompagne le plus souvent la perte de la parole, de
la lecture et de l’écriture, de même, chez l’enfant dont le langage est atteint, il
peut y avoir un trouble de l’intégration des notions numériques. Ces sujets ont
une grande peine à comprendre le mécanisme de la numération, à en retenir le
vocabulaire, à concevoir l’idée des quatre opérations, et surtout à compter menta-
lement, puis à utiliser leurs acquisitions en calcul pour résoudre des problèmes :
ils sont dysarithmétiques,
Cette inaptitude se rencontre souvent chez des enfants dont le niveau d’intel-
ligence est faible, mais elle peut aussi se trouver chez des sujets dont les possi-
bilités dans le domaine du jugement et des autres activités intellectuelles sont à
peine inférieures ou sont même égales à celles des enfants normaux de leur âge.
Le travail intellectuel nécessaire à l’assimilation du calcul est en effet considé-
rable. Essayons d’en rendre compte brièvement avant d’aborder l’enseignement
proprement dit.

Idée de nombre
Les termes désignant les nombres et l’emploi qu’on en peut faire ainsi que
les imprécisions du langage courant montrent bien que l’idée de nombre est une
idée complexe, si complexe que les enfants qui n’ont pas de langage ont peine à
y accéder.
L’opération la plus simple, celle du dénombrement de plusieurs objets,
suppose la découverte de l’identité d’un caractère commun, abstraction faite de
caractères secondaires.
Or le dénombrement d’objets identiques est artificiel : compter 3 boutons,
3 bâtonnets, 3 boules semblables est un exercice scolaire. Avant l’école l’en-
fant est placé devant le fait arithmétique de compter, dans des conditions qui
l’obligent tout de suite à la distinction de caractères essentiels communs à

259
Langage oral et écrit

plusieurs objets ; il saura qu’il a trois frères, qui ne sont pas semblables ; qu’on
lui a donné deux bonbons, lesquels n’étaient pas forcément de même couleur, de
même saveur et de même grosseur ; qu’il y a trois chats sur une carte postale, la
chatte et ses deux chatons.
Le difficile travail qui s’accomplit alors dans l’esprit de l’enfant est révélé par
ses commentaires :

« On est 4, disait un garçon de 3 ans ½, mais y en a un qui n’est pas sage, et Paul il est
grand. – Moi j’ai trois bonbons : y a un gros ; il est vert », et, comme pour se rassurer
sur le nombre, il recompte 1, 2, 3. « Trois, j’en ai, des bonbons ».
Pierre, 5 ans, va en visite avec sa mère, qui le présente en disant : « C’est mon numéro
quatre. » Après la visite, un commentaire s’ensuit : « Pourquoi tu as dit quatre ? On
est cinq. » Sa mère lui explique qu’il est venu trois enfants avant, et un après, qui est
tout petit…
« Moi, je suis pas quatre, j’ai cinq ans.
– Tu es le 4e. Il y a eu un enfant, et puis un enfant, et puis un enfant ; ça faisait trois ;
et toi tu es né ; alors vous étiez quatre. C’est toi le numéro 4. Mais il y a déjà cinq ans
que tu vis.
– Et Bernard, c’est quoi ?
– C’est le 5e. Il a un an.
– Et quand je serai grand ?... »
Pierre ne dit plus rien ; mais on le sent gêné d’être une unité dans un groupe de 5, d’y
avoir définitivement rang de 4e, et d’avoir 5 ans tandis que le 5e a un an.

Suzanne et Jean, 8 ans et 4 ans, parlent de l’avenir. « Oui, tu es (sic) le double,


dit Jean, qui sait compter ; mais quand j’aurai 50 ans, toi, tu seras vieille, vieille,
tu auras cent ans. »
Toujours, dans le langage courant, un terme désignant un nombre est inclus
dans un ensemble d’autres notions et ne se présente pas il l’état pur.
En disant trois heures, nous faisons intervenir une notion de durée (il a marché
trois heures) ou une idée de représentation du temps (il est venu à trois heures).
Le 3 août n’est intelligible qu’à travers l’idée de quantième et la connaissance
des jours, des mois et des années.
Trois mètres implique une mesure linéaire de l’espace.
Trois pas nécessite la combinaison du temps, de l’espace et du mouvement,
etc.

260
Calcul

Or l’enfant doit apprendre les combinaisons des nombres « en soi » et arri-


ver à « l’idée » du nombre séparément du temps, de l’espace, de la forme, de la
grandeur, etc.

L’expression graphique de l’idée de nombre


Il y a là beaucoup moins de difficultés, les formes à retenir sont peu
nombreuses ; les combinaisons n’en sont pas illogiques, et elles se réalisent
suivant des principes simples rapidement appris. Aussi voit-on souvent des
enfants qui ont des difficultés de lecture n’en avoir pas en calcul. Les seuls écueils
dans ce domaine viennent de l’orientation des chiffres et du sens de lecture des
nombres.
1. Des signes prêtent à confusion. Ce sont 4 et 7, 6 et 9, 2 et 5 ; quelquefois
3 et 5 ou 3 et 8. Chaque maître qui s’est heurté à la mauvaise reconnais-
sance des chiffres a trouvé quelques petits « trucs » pour réussir. Nous
avons aussi les nôtres qui nous rendent grand service. Par exemple, 2 est
un agenouillement, 4 l’image d’une petite chaise, 9 celle d’une grosse tête
trop lourde, etc. Mais, quelle que soit l’association logique choisie, il faut la
schématiser en un geste symbolique invariablement lié au signe écrit et en
même temps au signe oral, si l’enfant entend ; c’est le geste qui sera retenu·
d’abord et servira à fixer le signe.
2. Le sens de lecture des nombres est à établir chez tous les enfants et,
pendant l’apprentissage, des hésitations se manifestent mais celles-ci
disparaissent rapidement. Les dyslexiques ont au contraire des difficultés
durables et importantes en ce domaine. Il leur faut, pour en sortir, une
méthode rigoureuse. On cherchera à compenser la tendance à renverser les
signes et à lire dans n’importe quel sens, 341 pouvant aussi bien s’écrire et
se lire 143, 314 ou 134.

Procédés
a) On écrit au tableau un nombre quelconque. L’enfant doit indiquer de quel côté de
son corps et de quel côté du nombre il doit commencer à lire.
b) Il copiera des nombres au moyen de chiffres mobiles avant d’apprendre à les lire
ou sans essayer de les lire.
c) Chaque nombre une fois reconnu devra être dicté.
d) Le partage des nombres en tranches de trois chiffres, qui se fait de droite à gauche,
ne doit être appris que beaucoup plus tard, lorsque l’enfant saura lire les centaines.

261
Langage oral et écrit

Notions de calcul
Celles-ci sont d’un accès plus difficile que la numération car elles supposent
l’abstraction, la conscience simultanée de plusieurs idées et la poursuite d’une
conduite.

1. Idée d’addition
La notion d’addition implique l’idée de similitude absolue ou relative des
objets ; l’idée de groupement de ces objets et la connaissance d’une représenta-
tion symbolique à la fois graphique et orale de ces groupes ; enfin, l’acquisition
d’une technique pour exécuter ces groupements sans manipuler les objets eux-
mêmes.

2. Idée de soustraction
Elle découle de l’idée d’addition, mais elle est plus complexe parce que l’obli-
gation d’enlever une partie déterminée d’un tout fait intervenir une troisième
notion, celle de reste.

3. Idée de multiplication
Elle implique la nécessité de concevoir à la fois l’idée de nombre, la notion
d’égalité et la notion de multiplicité, c’est-à-dire de répétition de groupes égaux
en nombre et en nature.

4. Idée de la division
Elle exige Je maniement simultané de toutes les notions précédentes, plus
une : celle du rapport simple entre deux quantités, d’où découlent la possibilité
ou l’impossibilité d’une répartition égale des unités d’un nombre entier ou d’une
partie de ce nombre entier.
Il est aisé de comprendre que l’enfant, touché dans ses facultés d’abstrac-
tion et de généralisation, arrivera encore, par pur mécanisme, au maniement du
matériel numérique, mais qu’il aura des difficultés quasi insurmontables quand
il s’agira de se servir du raisonnement. Il sera gêné également par la nécessité
inhérente à tout raisonnement mathématique de garder simultanément présents
à l’esprit les divers stades du développement logique que celui-ci comporte.

262
Enseignement proprement dit

Modèle spécial de boulier


Nous avons créé un nouveau boulier parce que la forme habituelle donnée aux
bouliers courants appelle des critiques :
1. Ils sont trop petits dans le sens horizontal, ce qui ne permet pas d’espacer
suffisamment les groupes à étudier.
2. Ils présentent constamment leurs mêmes 10, 30, 50 ou 100 boules en
nombre invariable.
3. Ils sont transparents et l’image des perles vient en surimpression sur un
fond bigarré et quelquefois changeant.
4. Ils ne permettent pas suffisamment de combinaisons.
5. Les combinaisons qu’ils présentent ne s’adaptent pas au langage.
6. Ils ne contiennent pas assez de boules.
Notre boulier spécial porte sur son axe une planchette qui sert de fond et
sépare en fait l’instrument en deux plans verticaux isolés, soit en deux bouliers.
Sur une face il y a dix tiges et sur l’autre six.
Ces tiges sont d’une longueur au moins égale à trois rangées de dix des plus
petites perles.

Première face du boulier1


150 perles de même dimension ; à gauche dix rangs, à droite cinq.
Une petite réglette à encoches correspondant aux tiges aide à grouper. Les
boules rapidement.
Chaque rangée jusqu’à soixante est composée de neuf perles de même
couleur ; la dixième, qui donne le nom de celles de la dizaine suivante, est de
la même couleur que les neuf qui viennent après elle ; par exemple la vingtième
boule sera jaune, ainsi que les neuf suivantes, et la trentième sera verte ; suivront
neuf perles vertes, tandis que la quarantième sera rouge…, et ainsi de suite
jusqu’à soixante.
Ici, notre langage portant des traces de l’ancienne numération vicésimale
des Gaulois, nous aurons vingt boules de même couleur, la soixantième, toute

1. Le boulier représenté tel mesure à peu près 42 cm de long sur 20 cm de haut.

263
Langage oral et écrit

la dizaine suivante, et les neuf premières de la dizaine d’après jusqu’à 79


compris. La quatre-vingtième aura une autre couleur, et cette même couleur sera
conservée aux boules jusqu’à la quatre-vingt-dix-neuvième incluse. La centième
change de teinte.
Une fenêtre dans un carton permettra d’isoler les l0, 11, 12… boules corres-
pondant aux noms de nombre soixante-dix, et onze, douze, etc… Si bien que
l’enfant verra, l’un à côté de l’autre, à gauche du boulier, le groupe des soixante
perles, et, au centre, isolées dans la fenêtre, le nombre de perles correspondant
à l’expression employés.
Même face, dans le côté droit du boulier, il y a cinquante perles, groupées par
cinq, soit par dix rangs de cinq, soit par cinq rangs de dix, chaque rang compre-
nant alors cinq perles d’une couleur et cinq perles d’une autre couleur. Cette
disposition correspond à la table des cinq.

Autre face du boulier


Cette face présente trois rangs de grosses perles et trois rangs de petites
perles.
Le premier rang de grosses perles est ainsi formé : une perle isolée (violette),
deux perles d’une autre couleur (par exemple, jaune ou orange), trois perles d’une
autre couleur (par exemple verte), puis quatre perles de même couleur. Sur ce
rang on peut donc former les quantités 1, 2, 3, 4 et 5 (2 + 3).
Au-dessous, viennent deux rangs de grosses perles groupées par trois ; cinq
groupes de trois par rang, c’est-à-dire toute la table des trois.
Les couleurs doivent être tranchées et agréables à voir.
Cette même face comporte trois rangs de petites perles : un rang de vingt
perles groupées par deux de la même couleur, et deux rangs de vingt perles grou-
pées par quatre de la même couleur. Ce sont les tables de 2 et de 4. Elles serviront
à donner l’idée de la multiplication.
Au moment où l’on établit la notion de nombre, il faut isoler dans une fenêtre
en carton les quantités étudiées. Si l’enfant est très instable et touche à tout, on
ne laissera sur le boulier qu’un ou deux rangs de perles, chaque tige pouvant se
retirer.
Il faut n’utiliser ce boulier qu’avec une technique rigoureuse.

264
Calcul

Acquisition de la notion de nombre – Numération jusqu’à dix

Zéro, un et plus d’un


On aura recours au début à la représentation visuelle de l’unité sous des
formes variées.
a) Une planchette porte en son milieu une boule vissée. Elle est placée parmi
d’autres planchettes sur lesquelles sont vissées respectivement trois, quatre
boules, deux ou cinq boules, etc. Une planchette ne porte aucune boule. On
demande à un enfant d’aller chercher la planchette qui n’a pas de boule, puis celle
qui a une boule toute seule, ou rien qu’une boule. La disposition des planchettes
est changée à chaque nouvelle recherche de un.
a bis) On détache du groupe des enfants un enfant tout seul, rien qu’un enfant,
etc.
b) On découpe un ovale de la grandeur d’une tête. Sur cet ovale on apposera
des découpages représentant un nez ou une bouche. Le nez ne devra pas avoir
de narines visibles et les lèvres doivent être fermées. Ce nez et cette bouche ne
devront pas figurer simultanément.
b bis) Puis l’enfant sera prié de chercher autour de lui tout ce qui n’existe
qu’à un exemplaire. On évitera de porter l’attention sur des objets qui peuvent
entraîner des contresens : un lustre qui aurait plus d’une branche ; la main, parce
qu’elle a cinq doigts ; une culotte, parce qu’elle a deux jambes, etc.
b ter) Lorsque la notion paraît claire on trace au tableau une barre verticale ou
un point. Le tableau ne doit porter qu’un signe à la fois.

Acquisition du nombre deux


a) Sans enlever la planchette à boule unique on fera rechercher à l’enfant celle
qui porte deux boules (en ligne horizontale) ou deux yeux. Au besoin, on montrera
en même temps ses deux yeux.
Comme pour un et zéro, cette planchette sera changée de place à chaque
recherche de l’enfant. Les planchettes de 3, 4, 5, 6 devront figurer chaque fois.
b) Puis, sur le masque de carton, l’enfant pose deux yeux découpés ou deux
oreilles.
b bis) Ensuite il sera invité à chercher tout ce qui existe par 2 : deux jambes ou
deux bras (poings fermés), ou ce qu’on aura groupé par deux : deux livres, deux
crayons.
c) Ceci fait il devra distinguer un crayon seul et deux crayons ensemble, posés
à distance suffisante pour que l’intervalle qui les sépare empêche leur groupe-

265
Langage oral et écrit

ment visuel. On procédera de même pour des livres, des chaises, des personnes,
etc.
d) Lorsque la notion du deux paraîtra claire on aura, une fois de plus, recours
au masque ; mais l’enfant aura à sa disposition plusieurs oreilles, plusieurs yeux,
etc., et sera dans l’obligation de n’en mettre que deux.
Quand il saura résister à l’impulsion de disposer sur le masque plus d’un
nez ou plus de deux oreilles, on lui confiera assez de matériel pour orner la tête
entière du nez, de la bouche, des yeux et des oreilles.
e) C’est à ce moment qu’on écrit au tableau le chiffre 2 et la quantité deux
représentée par deux points.
f ) À ce moment aussi commencera l’usage du boulier. L’enfant y reproduira
lui-même les quantités un ou deux. L’idée du zéro sera donnée par l’absence de
boule dans le cadre de la fenêtre en carton.

Acquisition des quantités dix, neuf et huit


L’acquisition des quantités dix, neuf et huit doit suivre la compréhension de
1 et de 2. Le boulier en permet l’acquisition globale rapide : 1, c’est-à-dire une
perle, se compare à 10, c’est-à-dire à un rang, qui évoque les dix doigts de la main.
9 égale 10 – 1. On fait la quantité 9 en laissant une boule à droite du boulier, et le
8 en en laissant deux. Ces quantités ne doivent pas être dénombrées mais vues
d’emblée.
La notion quantitative étant apprise on enseigne alors l’expression graphique
correspondante.

Acquisition des quantités quatre et trois


La quantité quatre sera apprise avant le trois au moyen de deux groupes de
deux boules puis de quatre boules de la même couleur.
Il peut être nécessaire de procéder de façon plus concrète, comme pour
l’acquisition de 1 et de 2 : a) Un découpage représentera un corps de chien stylisé
auquel seront rapportées deux pattes de devant et deux pattes de derrière.
b) L’enfant esquissera le geste de se mettre à quatre pattes. Puis, c) il cherchera
les groupes de quatre autour de lui : quatre pieds de table, de lit ; quatre objets
groupés, etc.
On enseigne à ce moment le chiffre 4.
Lorsque la notion de 4 sera acquise on fera reconnaître le 3 : trois points en
triangle ou en ligne ; trois boules ; le chien auquel on casse ou on enlève une
patte, etc.

266
Calcul

Acquisition de la quantité sept


L’acquisition de la quantité sept suivra celle du trois. On isole sans les comp-
ter un groupe de trois perles qu’on laisse à part. Le reste est appris globalement
comme s’appelant sept.

Acquisition des nombres cinq et six


Le 5 sera appris par les cinq doigts de la main, par le groupement des quanti-
tés 3 et 2, et par un demi-rang de dix perles.
Le 6 sera représenté par 3 et 3, puis par 2, 2 et 2, si l’enfant est capable de
différencier ces groupes sans erreur.
La séquence habituellement enseignée au début n’est autorisée qu’au
moment où l’enfant sait reconnaître toutes les quantités de 1 à 10 et tous les
chiffres correspondants.
À ce niveau de la connaissance des nombres nous avons alors l’habitude
d’obtenir des enfants une lecture rapide des nombres de la première dizaine, ainsi
que des chiffres correspondants.
Il est très utile à ce moment de l’enseignement de posséder un peu de maté-
riel : un clavier-compteur et des dés.
Nous recommandons tout particulièrement un instrument très ingénieux
inventé par M. Raymond Thiberge2. C’est une manière de petit piano de dix
touches. La pression sur une touche fait se lever un bâton net vertical, L’enfant
doit reconnaître immédiatement les quantités 1, 2, 10, 9, 8, 3, 4, 7, 6, puis 5. Les
bâtonnets ne doivent être laissés levés qu’un temps très court, puisque l’enfant
ne doit pas les compter mais seulement les dire globalement, 1, 2, 10, 10-1, 10-2,
3, 10-3, etc. Il est évident que ce sont les groupes de 4, 5 et 6 qui sont les plus
malaisés à reconnaître globalement.

Figure 86
Clavier-compteur Thiberge.

2. Créateur de l’Institut de pédagogie musicale, 5 ter, rue du Dôme, Paris.

267
Langage oral et écrit

Figure 87
Schéma du mécanisme
du clavier-compteur.

Dès que l’enfant peut recourir à des automatismes de lecture et de dénom-


brement, nous donnons enfin l’idée d’addition et de soustraction simultanément.

Addition et soustraction
1. L’addition est enseignée d’abord par une méthode exclusivement orale.
On appuie sur une touche du clavier-compteur. Un bâton se dresse. On
demande : « Que faut-il mettre encore… » ou : « Qu’est-ce qu’on doit ajouter pour
faire deux ? ». L’enfant doit répondre : « Encore un » ou « un ».
On appuie sur neuf touches et l’on dit : « Qu’est-ce qu’il faut mettre encore
pour faire dix? »; puis on appuie de nouveau sur une touche en disant : « Qu’est-ce
qu’on doit ajouter pour faire dix ? »
2. On appuie sur deux touches en faisant dire deux, et l’on demande : « Et
maintenant, qu’est-ce que je vais enlever pour faire un, pour faire zéro (= rien du
tout) » et ainsi de suite.
On procède de la même manière pour toutes les combinaisons additives et
soustractives à l’intérieur de la première dizaine.
Simultanément on aura recours aux dés. Nous les utilisons ainsi :
Devant l’enfant, de la main droite, nous montrons la face du 1. Quand l’élève
a dit « un » on retire le dé de sa vue et de la main gauche, un peu plus bas que
l’endroit où a été montré le premier, on fait voir un second dé, par exemple la
face 2. Quand deux a été reconnu on superpose les deux dés. Au petit bruit de
claquement que produit leur contact l’enfant doit répondre « trois ». Il ne doit pas
compter.
Quand le mécanisme de l’addition est compris et que la somme orale de
petites quantités : 1 et 1 ; 2 et 2 ; 2 et 1 ; 3 et 3 ; 4 et 4 ; 5 et 5 ; 5 et 4 ; 4 et 3 ; 2
et 3 est obtenue rapidement, on enseigne l’expression graphique de l’addition.

268
Calcul

Technique
Des signes + et – sont écrits au tableau dans un ordre imprévisible. L’enfant doit dire
quand il les voit apparaître dans la fenêtre en carton : « ajouter », « enlever ». Ces
termes lui sont en effet beaucoup plus accessibles que ceux de plus et de moins.

Ceci fait, on présente le signe + ou le signe – accompagné d’un chiffre, et


l’enfant lira : « ajouter 2 » ou « enlever 4 », etc.
Enfin on reprendra les dés et au bruit de contact de ceux-ci l’enfant apprendra
à écrire au tableau le signe d’addition et une barre horizontale, la disposition
graphique de la soustraction n’étant pas enseignée encore.
Puis l’enfant apprendra à se souvenir de ce qu’il vient de voir ; par exemple,
pour • + • • •••
Il écrira de mémoire au tableau la disposition habituelle de l’addition :
1
+2
3

La disposition des chiffres dans la soustraction sera enseignée quand la sous-


traction mentale au clavier-compteur sera devenue aisée.
Si le sujet a trop de peine à y parvenir on pourra temporairement user du
système suivant. On écrit par exemple le chiffre 5 et, à côté, cinq traits horizon-
taux ; puis, au-dessous, – 3, que l’enfant énonce « enlever 3 ». Il circonscrit alors
trois traits horizontaux et les barre même au besoin, il constate alors qu’il reste
deux et il écrit son résultat de la manière habituelle.

Suite de l’apprentissage des nombres et des quantités


à l’aide du boulier
La première dizaine apprise, on néglige les quantités de 10 à 20 et l’on apprend,
toujours globalement, et sans leur donner de nom, à reconnaître les quantités 90,
20, 80, 30, 70, 40, et 60, puis 50, ainsi que leur expression graphique.
On ne devra pas aller plus avant sans vérifier qu’il n’y a aucune confusion entre
1 et 10, 9 et 90, etc., quant au signe écrit et quant au nombre de perles à grouper.

269
Langage oral et écrit

Enseignement du nom des dizaines, soixante non compris


C’est à ce moment qu’il convient d’apprendre les mots vingt, trente, quarante
et cinquante et le mécanisme de la succession des nombres de 20 à 59 :
–– deux rangs, une perle, vingt et un ;
–– deux rangs, quatre perles, vingt-quatre ;
–– deux rangs, trois perles, vingt-trois ;
–– sans suivre l’ordre 1, 2, 3, 4…
Il faut à ce moment se servir, avec le boulier, de cartons représentant dizaines
et unités (Figure 88).
L’expérience montre qu’on soutient très efficacement la mémoire des enfants
dans les méandres de la dénomination des nombres en recourant au procédé
suivant. Sur des cartons sont écrits, en noir par exemple, les nombres 20, 30, 40,
etc. ; sur d’autres cartons, et en une autre couleur, les chiffres des unités, 1, 2, 3,
etc. On pose au boulier, par exemple, 34 et en même temps on prend le carton
30, sur le zéro duquel on dispose le 4, etc. Ceci étant réalisé pour une dizaine
de nombres différents (par ex., 20 et 3 ; 40 et 1 ; 30 et 9 ; 50 et 2, etc.), l’enfant
comprend le mécanisme et doit Je réaliser à son tour. Ensuite on lui écrit 23 et il
doit poser au boulier deux rangs et trois perles, etc.

Enseignement des quantités, de leur nom et de leur expression graphique


de 10 à 20
Ceci est bien plus difficile que la série de 20 à 60 à cause des termes employés.
Aussi, la succession des unités étant maintenant connue sans que l’enfant soit
déshabitué de la reconnaissance globale des nombres de 1 à 10, on commencera
par apprendre 19, 18 et 17, dont le nom est aisé à retenir et rentre dans la règle
générale.
En revanche les noms 13, 14, 15 et 16 seront appris lentement pour éviter les
confusions avec 30, 40, 50 et 60. 11 et 12 sont beaucoup plus faciles à retenir.
Une révision générale s’impose alors pour être sûr qu’il n’y a aucune confusion
de nom, de quantité et de reconnaissance graphique entre 3, 13, 30, 31 ; 4, 14,
40, 41, etc.

Figure 88
Cartons utilisés pour l’enseignement de l’expression graphique des dizaines et des centaines
(réduction de moitié).

270
Calcul

L’inversion du type 13, 31 – 16, 61 – 23, 32… est particulièrement redoutable. Il


faudra pour l’éliminer recourir sans se lasser au carton de deux couleurs, dix étant
identifié avant qu’on ne pose sur le zéro l’unité trois, etc.
Il va de soi que la reconnaissance – sinon la dénomination, encore plus malai-
sée – de l’expression graphique des noms de nombres de 10 à 59 doit être impec-
cable avant qu’on aborde les soixante et les quatre-vingts.

Au-delà de 60
Au-delà de 60 la langue française comporte, en ce qui concerne la numération,
une difficulté particulière qu’il est bien inélégant – et vain – de vouloir tourner.
Nous ne disons ni septante, ni octante, ni nonante : Pourquoi bannirions-nous des
vocables si profondément ancrés dans nos habitudes linguistiques ? Est-il donc si
malaisé d’apprendre trois mots ? La couleur identique des perles de 60 à 79, puis
de 80 à 99 aidera à comprendre ces termes.
Le plus insolite est sans doute le 80 dont le nom se confond avec 40 et avec
20. On le fixe aisément par le subterfuge suivant : un carton porte à chaque angle,
en petits caractères noirs, le nombre 20, et, au centre, en couleur et en gros carac-
tères, le nombre 80. L’enfant lit 1, 2, 3, 4 fois 20, 4-vingt, quatre-vingts.
Le terme et l’expression graphique cent sont, en revanche, toujours faciles à
retenir.
Avec les perles de la table 5 on continue de faire comprendre la succession des
nombres jusqu’à 150.
Acquisition de la notion de centaine : Un petit boulier, dessiné schématiquement
sur un carton, représente la centaine. Il n’y ‹à qu’à faire figurer sous deux, trois,
quatre bouliers, les expressions graphiques 200, 300, 400.
On utilisera pour l’écriture et la connaissance des nombres de 100 à 1 000 le
même procédé que pour l’adjonction des unités aux dizaines, unités en couleur,
placées sur Je zéro de droite. Pour les dizaines on emploiera les cartons 20, 30,
40, qu’on placera sur les deux zéros (Figure 88).
Composer un nombre quelconque de 100 à 1 000, par exemple 327, comportera
l’emploi de trois cartons : 300, 20, 7, qu’on superposera.
Les nombres seront composés et dictés avant d’être lus.

271
Langage oral et écrit

Idée de la multiplication
Les enfants accèdent assez facilement à la multiplication, surtout si l’on
procède avec méthode et prudence. Il faut éviter la confusion avec l’addition.
C’est pourquoi il importe de ne pas apprendre la table de multiplication avant
d’avoir bien compris ce qui se passe.
Le boulier et les cartons vont encore une fois nous aider.
Les cartons porteront en lettres les mots : « fois trois, fois quatre, fois deux,
fois cinq et fois dix », qui sont des dispositions toutes prêtes sur le boulier et
l’enfant cherchera quel groupe de perles il doit montrer pour chacune de ces
expressions.
Cela fait, on lui donne une étroite bande de carton qui portera en colonne
verticale les chiffres 0, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9 et 10 et l’on accolera les cartons
« trois fois quatre » ou « sept fois cinq », par exemple, sans s’occuper du résultat,
dont il n’est pas même question (Figure 89).

Figure 89
Réduction au quart.

Quand il n’y a plus aucune difficulté de manipulation et de compréhension et


que chaque combinaison donne lieu à l’identification du nombre de fois qu’il faut
pousser des groupes de boules semblables dans une table déterminée, et vice
versa, on remplace le carton « fois quatre » par un carton « fois 4 », puis par un
carton «  4 », etc.
À ce moment, on fera une révision des signes +, –, x, qui seront toujours dési-
gnés par les termes ajouter, enlever et fois, puis on commencera d’introduire pour
les deux premiers les termes usuels de plus et de m’oins, l’idée étant désormais
très claire.

272
Calcul

Connaissance des résultats


On procédera, au moins pour les premières tables, de la manière suivante que
nous exposerons pour la table des 3.
Aux deux lignes du boulier

… … … … …
… … … … …
correspondent, sur deux lignes horizontales, les nombres

3 6 9 12 15
18 21 24 27 30
convenablement espacés.
On refera encore une fois en ordre dispersé 1 fois 3, 5 fois 3, 2 fois 3, 9 fois 3.
Puis on avertit l’enfant qu’on va maintenant dire le nombre de toutes les boules
mises à part, en cessant d’indiquer le nombre de fois.
On apprendra ainsi à dire 15 pour une ligne entière de boules ; 30 pour deux
lignes ; 12 pour quatre groupes de la première ligne ; 27 pour toute la première
ligne et quatre groupes de la seconde, etc.
Quand l’enfant sait dire les résultats, aussitôt un résultat énoncé on cache la
rangée de perles et l’on demande : « Combien de fois 3, etc. ».
Enfin, on cesse de se servir du boulier et l’on entraîne l’enfant à répondre
9 fois 3 en lisant 27, et, inversement, à répondre 27 devant le carton 9 fois 3, etc.

Disposition de la table de multiplication


Gardons le même exemple, 9 fois 3. En disant 9, l’enfant l’écrit. Quand il
prononce fois, il pose le signe . Et en disant 3, il écrit le chiffre au-dessus de 9,
puis il trace la barre et le résultat qu’il sait énoncer. Nous conseillons, car ils aident
visuellement les enfants, les deux dispositifs ci-dessous. Dans le deuxième, le
carton B peut servir à masquer les résultats sur lesquels on interroge. Le carton
A servira à présenter Je multiplicateur dans une fenêtre ou à masquer tous les
multiplicateurs qu’on fait chercher à partir des résultats.

273
Langage oral et écrit

Figure 90

Emploi de la table de Pythagore


Apprendre la table de multiplication est pour les enfants un travail de longue
haleine et souvent rebutant. Il vaut mieux habituer l’enfant à manier toute la table
et à utiliser le raisonnement qu’implique la multiplication.
Pour la table qu’il vient d’apprendre, l’enfant devra écrire de mémoire les
résultats des opérations :
3 3 3
 5  7  2 etc.

274
Calcul

2 7
 9 6
Mais, pour des multiplications quelconques à un chiffre, , , qu’il énon-
cera 9 fois 2, 7 fois 6, etc., il aura recours à sa table de Pythagore personnelle,
dont les chiffres 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, en ligne verticale et en ligne horizontale
seront en couleur. Cette table devra comporter des chiffres un peu gros avec des
espacements bien nets entre les nombres pour en faciliter la lecture. L’enfant la
lira dans le même sens que les chiffres de la multiplication, c’est-à-dire que s’il
énonce 4 fois 8 il cherchera 4 dans la colonne verticale de gauche et 8 dans la
colonne horizontale d’en haut.

Manipulation des retenues


Dans l’addition et dans la soustraction il est bon que l’enfant écrive sa retenue
tant qu’il ne calcule pas avec aisance, et même il entourera d’un cercle la retenue
et le chiffre sur lequel elle porte3 :
1
49 54
 13  18
1
62 36

Pour la multiplication le résultat comportant retenues sera écrit une première


fois en marge de l’opération qui donnera lieu à la marche suivante :
473 15
 5 35
2365 20

le 5, le 6 et le 3 étant barrés au moment où ils sont posés comme résultat.


Dans la division, dont nous allons parler, les résultats partiels seront égale-
ment inscrits :
226 3
 21 75
16
 15
1

3. Sur l’exemple que nous donnons, les retenues sont figurées par des chiffres plus petits au lieu
d’être encadrés.

275
Langage oral et écrit

Idée de la division
Elle s’installe sans peine à la suite de l’idée bien comprise de la multiplication.

I. Pour la multiplication

II. Pour la division (Table de Pythagore)

III. Pour diviser un nombre qui n’est pas inscrit sur la table

276
Calcul

12
Ce qui se passe est évident quand on considère le boulier. Soit , que
4
l’enfant lira 12 divisé en 4, ou 12 : 4, ou 12 4 . Ces trois dispositions graphiques
lui étant offertes simultanément, il est habitué à dire que 12 sur la table des 4
égale 3 fois 4 sans reste. Sur la table de Pythagore il dira : « Combien de fois 4 en
12 ? », et il cherchera sur la ligne horizontale les fois 4, puis descendra jusqu’à la
rencontre du 12, ce qui le conduira à découvrir 3 sur la ligne verticale de gauche.
S’il s’agit de 16 3 , il cherchera les fois 3 et verra que 16 se placerait entre 15
et 18. Le boulier lui montrera le reste d’une perle s’il ne soustrait pas assez bien
mentalement pour se le représenter.

Notion de fraction et de nombre décimal


La notion de fraction doit être donnée en même temps que l’idée de la divi-
sion, dont elle facilite la compréhension. La maison Nathan vendait autrefois une
boîte de pommes en· bois dont l’une était entière, la seconde, la troisième et la
quatrième respectivement coupées en deux, trois et quatre parties égales. Si ce
jouet n’existe plus, on peut couper de vraies pommes.
L’idée de partage apparaît clairement et on demandera de reconnaître la
pomme pas coupée de celle partagée en deux, dont les morceaux sont des demis,

ce qu’on écrit et .
2 demi

De même on écrira et on dira de trouver la pomme partagée en trois dont les

morceaux sont des tiers ( et ) ; la pomme partagée en quatre dont les


3 tiers
morceaux sont des quarts ( et ).
4 quarts

L’enfant sera entraîné à retrouver rapidement ces divers termes, à les lire sans
confusion, à recomposer les pommes dont on mêle les morceaux. Nous recom-
mandons d’éviter pour la pomme non coupée le terme « tout entière », qui crée
une confusion avec en tiers. Même un objet masculin risquerait d’introduire des
erreurs, les enfants ayant souvent du retard de la parole et les termes enlier et en
tiers (ãtyé et ãtyèr), dont l’r peut tomber, étant trop ressemblants.
À ce moment, on reprend avec un cercle en bois ou en carton l’idée de décou-
page en 2, en 3, en 4, en 5, en 6, 8, etc., en faisant remarquer la facilité qu’il y a

277
Langage oral et écrit

à désigner l’idée de partage par la même terminaison ième ajoutée au nom de


nombre4.

Partage en 5, cinquième, qu’on écrit , ou .


5e 5 cinquième
Partage en 6, sixième, qu’on écrit en même temps , ou
6e 6
.
sixième

Cette insistance quant au langage et ces dispositions visuelles ont au début


de l’enseignement une extrême Importance. Nous avons de même pointé dans
l’écriture pour en indiquer la prononciation accentuée la lettre du radical dans les
mots demi, tiers et quart, cette consonne étant presque le seul rappel de l’idée
des nombres deux, trois et quatre.
Comme pour la pomme, l’enfant sera appelé à manipuler et à reconnaître les
morceaux, à écrire et lire ce qui les représente sous n’importe laquelle des formes
apprises :

, ;   ; etc.
tiers 3 5e 5 cinquième partagé en 5

La confusion 8 et sera soigneusement évitée par des examens de lecture


8
rapide de listes comme celle-ci :

5   ; 2   ;   ; 7 ; 10   ;   ;   ; 8, etc.


5 2 9 7 10 20 8

Jusqu’ici aucun numérateur n’a été écrit. À partir du moment où une portion
seule sera représentée par des chiffres, le dénominateur devra figurer en lettres :

1 1
, puis
huitième 8e

jusqu’à ce que l’enfant sache bien que le dénominateur est la dénomination


qui exprime en combien de parties le tout a été divisé. Inutile de dire que les

4. Nous nous excusons d’insister, mais, avec le, enfants, il est nécessaire d’écrire ième après le chiffre,
et non en abrégé : 5e.

278
Calcul

termes numérateur et dénominateur ne sont employés ici que pour la clarté de


notre exposé ; nous ne les utilisons pas avec les enfants.
On peut en revanche, sans hésiter, considérer le cas de l’objet partagé en un
grand nombre de parts égales, en 30, en 53, en 100, en 348, etc., l’énormité du
dénominateur amusant l’enfant tout en obtenant une généralisation plus vaste.

Cas particulier. Partage en 10 : , , 0,1


10e 10

On fait remarquer qu’il n’y a pas une pomme, un gâteau ou un cercle dans un
morceau, et que, par conséquent, on ne peut écrire que zéro pomme 1 dixième,
ou zéro cercle 3 dixièmes, d’où la forme écrite, 0,1, 0,3, etc. Et l’enfant lira indiffé-

remment les termes , , 0,1.


10e 10

On procédera de même pour les centièmes.


3 3 5 5 13
Puis on écrira et lira : , , ou 0,3 ; , , et 0,05 ; et 0,13,
10e 10 100e 100 100
etc.
Cas d’un nombre entier accompagné de fractions : On reviendra aux dessins
représentant les tiers, quarts, cinquièmes, etc.

Trois entiers partagés chacun en 4

12 4 4 4
seront écrits 3, ou , ou + + ;
4 quarts quarts quarts

tandis que, si l’on considère deux entiers et un quarts

9 1
on écrira , ou 2 , et ainsi de suite.
quarts 4

Ceci devra non seulement être lu mais donner lieu à des efforts personnels
7 4 3
pour retrouver les unités de , de ou , etc. Il faudra avoir recours
3 10 2
au dessin, l’enfant devant lui-même représenter
7 , et ainsi de suite.
4

279
Langage oral et écrit

On s’apercevra à ce moment qu’il n’avait pas encore compris l’idée de partage


3
en parties égales puisqu’il peut représenter par
2

Si l’enfant est amené ainsi à manipuler soigneusement nombres entiers et


fractions décimales ou ordinaires, il n’éprouvera pas les difficultés habituelles et
passera sans appréhension aux opérations avec des nombres décimaux ou des
fractions de même dénominateur. Ce qui ouvre encore une voie d’accès vers toute
une série de problèmes.

Petits problèmes d’application


Il ne faut pas redouter les problèmes ; il y a au contraire intérêt à en résoudre
avec les opérations au fur et à mesure que le mécanisme de celles-ci est appris
pour habituer tout de suite l’enfant au raisonnement arithmétique, mais on doit
exprimer ces premiers problèmes en un langage simple et avec des précautions
dont nous allons parler5. Sitôt acquis le mécanisme d’une opération, il sera bon
d’utiliser celle-ci pour résoudre un problème.

1. Problèmes sans chiffres


Pour être certain d’entraîner l’enfant au raisonnement qu’implique un
problème, on soumettra d’abord à son esprit des problèmes sans chiffres.

Idée d’addition et de soustraction

Exemples :
a) Pierre achète des billes lundi ; il en rachète d’autres dimanche ; qu’est-ce qu’il aura ?
– Les billes de lundi et les billes de dimanche.
– Qu’est-ce qu’il faut faire pour les compter sans en oublier ?
– Les mettre toutes ensemble : les ajouter.
– Choisissez le signe au tableau (, , ).
– ………………………………………………………………………………………………………………………………………
– Et s’il en perd quelques-unes ?
– Il en aura moins ; il n’a plus celles qu’il a perdues ; on va les barrer, les retirer, les
enlever.

b) Il y a des chaises dans la salle à manger, une pour chaque personne. Il vient des
invités… Qu’est-ce qu’on va faire ?
– Mettre d’autres chaises ; ajouter autant de chaises que d’invités…

5. Nous devons dire Ici combien nous sommes redevables à la clarté pédagogique de M. R. Thiberge
(cf. p. 236), connu au temps où j’accompagnais chez lui ma propre enfant.

280
Calcul

– Choisissez le signe de l’opération (, , ).


– ……………………………………………………………………………………………………………………………………….
– On en casse une en faisant le ménage… Il faut la mettre au grenier, l’enlever…
Choisissez le signe (, ,  ).

c) Jeanne a beaucoup de poupées ; elle en donne à Charlotte… Jeanne ne les aura plus ;
il faut les enlever. Indiquez le signe (, ,  ).
– Et puis elle en donne aussi à Françoise… Il faut encore retirer celles-ci… Indiquez le
signe (, ,  ).
– Et voici maintenant qu’elle trouve qu’elle n’a plus assez d’enfants. Elle demande une
toute petite poupée nouvelle à sa maman. Il va falloir l’ajouter (signe ,  ou  ?).
Mais avec quelles poupées faudra-t-il le mettre ?
– Avec celles de Jeanne.

d) Il n’y a pas assez de lait pour la petite sœur, Que faire ?


– En acheter d’autre.
– On va mettre le tout dans la même casserole, l’ancien lait et le nouveau lait… Quel
signe ? (, ,  ).

e) La casserole de café qui était sur le plateau a fui cette nuit. Il s’en est perdu un bon
verre (on l’a mesuré en versant le plateau dans un verre). Qu’est-ce qui reste ?
– Le contenu de la casserole moins le contenu du verre.
– Choisissez le signe (, , ).
– Qu’est-ce qu’il y avait avant ? comment le savoir ?
– Le mettre ensemble…
– Choisissez le signe (, , ).

f ) Maman va couper le gâteau. Combien va-t-elle faire de parts ?


– Il faut compter les personnes de la maison. Et après ?
– Couper le gâteau pour qu’il y ait une part par personne…
– Choisissez le signe (, , , :).
– ……………………………………………………………………………………………………………………………………….
– Combien de parts ?
– Autant que de personnes.
– Mais si l’on veut en garder pour le goûter des deux enfants, comment faire ?
– Compter les personnes et ajouter deux.
– Choisissez le signe (, , ).
– ……………………………………………………………………………………………………………………………………
– Et ensuite ?
– Couper le gâteau pour tout le monde, plus les deux enfants.
– En combien le couper ? Choisissez le signe (, , , :).
– ……………………………………………………………………………………………………………………………………
– Et maintenant, que faire de toutes ces parts ?
– Deux tas ; les séparer sur deux assiettes ; mettre de côté celle du goûter…
– Choisissez le signe (, , , : ).

281
Langage oral et écrit

g) On veut mesurer le grand tapis pour le border. Comment savoir ce qu’on doit acheter
de ganse ?
– Mesurer le tour du tapis.
– Avec quoi : un mètre pliant ? ou un mètre à ruban ?
(Faire essayer les deux, pour faire conclure en faveur du mètre à ruban, l’autre exigeant
des maniements trop délicats de nombres décimaux). Que faut-il faire chaque fois
qu’on transporte le mètre ?
– Ajouter.
– Choisissez donc le signe (, ,  ).
– Mais il y a un petit morceau qui ne fait pas tout à fait un mètre… Que faire ?
– L’ajouter. (On rappelle à ce propos que « pas tout à fait un » s’écrit : , 0, ... ).
– Combien de fois avez-vous ajouté 1 mètre… Comment le savoir ?
– Compter les « 1 mètre ».
– Combien de fois a-t-on écrit 1 mètre ? (Par exemple, 6 fois 1 mètre + le petit morceau).
– Quel signe pour 6 fois ? (, ,  ).
…………………………………………………………………………………………………………………………………………
– Et pour ajouter le petit morceau ? (, ,  ).
– Faire refaire ce même problème avec un double-mètre et faire chercher à chaque
étape du raisonnement l’opération à utiliser.

2. Introduction des nombres dans le raisonnement


Les nombres des problèmes seront tels que l’enfant ne puisse pas au début
former mentalement le résultat afin d’éviter qu’il ne cède à la tentation d’addi-
tionner, soustraire, multiplier ou diviser au petit bonheur pour arriver le premier
à trouver la réponse.
Quand ce danger est écarté on peut alors se servir de petits nombres que
l’enfant calculera mentalement. Les problèmes devant être seulement oraux tant
que l’enfant ne se meut pas avec la plus grande aisance dans le raisonnement et
dans le maniement des signes.
On remarquera que cette méthode s’appuie sur plusieurs principes :
1. Il faut poser les problèmes dans le style du parler de l’enfant.
2. Il faut procéder par étapes successives aussi longtemps que l’esprit du
sujet n’est pas habitué à résoudre mentalement et quasi au fur et à mesure
de son déroulement l’exposé du problème.
3. Il ne faut employer l’expression numérique du raisonnement que lorsque
celui-ci est clair.
4. Il convient de n’écrire que lorsque les différentes composantes dans l’acti-
vité mentale demandée sont quasi automatiques tant sous le rapport du
raisonnement que sous celui du mécanisme des opérations et du calcul
proprement dit de ces opérations.

282
Calcul

5. L’enfant ne doit concevoir l’arithmétique que comme un cas du raisonne-


ment en général.

3. Problèmes en images
Quand les enfants ont un langage très déficient, et notamment dans la surdité,
il y a intérêt à se servir de problèmes dont l’énoncé est remplacé partiellement ou
en totalité par des images6. En principe dès que le sujet a compris que, de l’exa-
men des dessins successifs, il doit dégager une question à laquelle il convient de
trouver une réponse, on pourra se servir de ce procédé pour l’entraîner au raison-
nement arithmétique. Mais i’ y aura des précautions à prendre :
a) Rester près de l’élève pour l’encourager à chercher, le guider au besoin mais
ne pas se substituer à lui dans l’effort de recherche. On peut alors voir à quel
endroit du raisonnement il se trouve embarrassé.
b) Proposer, pour résoudre ce point, une autre situation analogue, mais plus
évidente et dégagée de toute autre difficulté.
c) Faire attention de « doser » les étapes du raisonnement et ne jamais poser
une question sans s’assurer que les « prémisses » sont assimilées.
Il ne faut jamais que l’élève perde pied : il doit considérer le raisonnement
arithmétique comme un des aspects du raisonnement en général.
d) Ne pas oublier que, chez les sourds en particulier, tant que le langage reste
rudimentaire : 1) nulle aide ne pourra être fournie par une explication verbale ;
2) l’enfant ne donnera de son raisonnement, faute de savoir s’exprimer, que des
ébauches maladroites ; 3) les réponses chiffrées sont à éviter tant que le sujet n’a
pas fait la preuve qu’il a compris la question posée : on évite ainsi les réussites
dues au hasard qui empêchent de voir en quel endroit le raisonnement est resté
obscur ou faux.
e) L’enfant devra être entraîné à rédiger en « style arithmétique » l’énoncé du
problème en images.
On lui fera de même rédiger les réponses en évitant les expressions absconses.
Tout le langage de l’expression artihmétique peut et doit être pleinement
intelligible.

6. Cf. la « Collection Studia » : Problèmes en images pour les Maternelles, cours préparatoire, cours
élémentaire, etc.

283
Langage oral et écrit

Introduction des notions temporelles et spatiales


Éléments de géométrie
La pédagogie classique établit des cloisons étanches de plusieurs années
entre l’acquisition d’un mécanisme et son emploi dans des domaines réputés
inaccessibles à l’esprit de l’enfant. Mais ne sont-ils pas tels – au moins dans leurs
aspects élémentaires – seulement parce qu’on se refuse à les mettre à leur portée.
Considérons quelques exemples :
1. Idée des degrés, ou partage du cercle (unité) en 360 ; idée du partage en
180 ; en 60, en 24, en 12, en 4 ou en 2. Cette idée sera donnée au moment de
l’établissement de la notion de fraction dont elle n’est qu’un cas particulier.
L’enfant s’habituera ainsi à considérer qu’on a tout loisir de partager jusqu’à la
limite du réalisable – qui, pour lui, est celle du pensable – en autant de parts qu’on
veut, pourvu qu’elles soient égales, et qu’on peut symboliquement représenter
tout entier par un cercle, aussi bien un rond de papier, une tarte, un fromage, que
le liquide d’une bouteille, le temps d’une journée, celui d’une année, celui d’une
heure, etc. Et il ne sera pas surpris qu’un petit déplacement de l’aiguille sur son
1
cadran soit de la durée d’une heure et qu’un autre déplacement d’une autre
60
1
aiguille soit égal à une heure, cette heure étant elle-même de la journée ou
12
1
de la nuit.
12

Pour simplifier, au début on fera partir la journée du lever au dîner (8 h. à 8


h.) en faisant remarquer qu’un secteur quadrant se place quatre fois dans cette
période de temps, mais qu’en faisant coïncider O avec 12 h. ou minuit, on obtient
les quarts positifs à droite, négatifs à gauche, tout ceci étant, bien entendu,
exprimé en langage adapté à l’enfant.
2. Les notions élémentaires de surface et de volume se donnent encore plus
aisément.
Un mètre en bois est présenté déplié en plusieurs positions : a) dans l’espace ;
b) sur un plan horizontal (par terre) ; c) sur un plan vertical (le tableau).
On remarquera chaque fois que c’est une ligne droite. Avec deux mètres on
fera des parallèles.
Ce même mètre replié forme des angles.
Puis on fermera la figure en polygone, en rectangle, en carré, en triangle, sans
indiquer de nom, mais en hachurant chaque fois l’espace circonscrit.

284
Calcul

L’idée de surface étant ébauchée on fera rechercher des surfaces ressemblant


aux différents types inscrits sur le tableau. Ensuite on fera remarquer que ces
surfaces sont presque toujours une face ou une facette d’un objet quelconque,
et que cet objet lui-même est un volume ; qu’il y a des volumes dont les surfaces
ne se trouvent pas au tableau et seraient bien difficiles à représenter, mais qu’il
en est d’autres pour lesquels la chose est facile. Alors on construira la surface
compartimentée en carrés pour en faire un cube ; en rectangles pour en faire une
boîte ; en triangles, pour en faire une pyramide triangulaire ; en triangles avec une
base quadrangulaire et polygonale. et enfin un rectangle entre deux cercles dont
on fera un rouleau ou cylindre. On construira de même un cône, un cône tronqué,
etc., de manière à habituer l’enfant à penser en plan et dans l’espace.
Ensuite on lui fera mesurer côtés, longueur, largeur, hauteur, arêtes, etc.
Toutes ces notions lui faciliteront beaucoup le travail au moment où sa
connaissance du système métrique lui permettra de calculer avec les dimensions
données.

Calcul mental
Nous ne ferons qu’ébaucher ce sujet. Seulement pour dire qu’il nous semble
erroné de laisser les enfants compter avec leurs doigts. C’est une habitude bien
difficile à supprimer ensuite. Si l’enfant est d’un niveau mental vraiment bas ou
profondément inapte au calcul, qu’on lui apprenne plutôt à se servir d’un boulier
individuel. On fera seulement attention à ne pas le choisir trop petit afin que les
difficultés motrices ne viennent pas se surajouter à celles du calcul. Le boulier a
l’avantage de créer des Images visuelles nettes sur lesquelles on peut étayer des
représentations mentales utilisables7.
L’aptitude au calcul peut se dissocier de l’aptitude au raisonnement mathé-
matique. On connaît le cas de calculateurs prodiges qui, même en arithmétique,
se comportent comme des arriérés, l’un d’eux n’ayant jamais pu comprendre
la division. Inversement un de nos élèves, tétraplégique, très touché dans son
langage, présente, avec un niveau mental de 9 ans environ pour 13 ans d’âge,
une dyslexie d’une gravité exceptionnelle et une acalculie invincible. Il a fallu
plus d’un an pour l’amener à la différenciation de 3 et de 4. Après quatre ans de
travail cet enfant ne compte encore pas de tête ses soustractions et se trompe
souvent dans l’addition. Or il n’a mis que quelques semaines pour comprendre
le mécanisme des quatre opérations et même il fait de petits problèmes sur ces

7. Pour le calcul mental, nom ne croyons pas pouvoir mieux faire que de renvoyer aux Cahiers
d’arithmétique de R. Thiberge. Il faut, pour tirer bénéfice de la méthode, s’imposer de la pratique
comme elle est indiquée dans le détail. L’entrainement métronomique à la vitesse, grâce au rythme
introduit dans les réponses, permet d’atteindre sans fatigue à une grande rapidité chez de jeunes
enfants.

285
Langage oral et écrit

mêmes opérations, sur les surfaces, les volumes, les longueurs, les poids et les
capacités. Il n’a pu retenir aucune table de multiplication. Il a en outre présenté de
façon persévérante des troubles d’orientation des signes et du sens de la lecture
des nombres. Ceux-ci se manifestent encore dans l’état de fatigue.

Conclusion
Le dernier cas auquel nous venons de faire a1lusion nous ramène à notre point
de départ, la complexité du mécanisme mental nécessaire au calcul. Les lacunes
qu’on y rencontre sont invariables. C’est à en triompher ou à y suppléer que peut
servir, d’après notre expérience, le détail même des procédés d’enseignement
que nous avons passés en revue dans ce travail.

286
À propos du calcul

L’   exposé précédent sur la manière d’aborder l’enseignement du calcul peut


  provoquer la surprise et a naturellement appelé des objections. C’est pour y
répondre que j’ai rédigé ces notes.

Note sur la raison du désordre apparent dans l’apprentissage des


nombres de 1 à 100 selon la méthode indiquée ci-dessus
L’idée de dénombrer 1, 2, 3, 4, etc., est celle qui vient. tout naturellement à
l’esprit quand il s’agit d’apprendre à compter aux enfants. Pourquoi s’en dépar-
tir ? C’est que, peut-être, en dépit des apparences, elle n’est pas la manière la plus
simple, ni surtout la plus rapidement efficace d’aborder l’enseignement du calcul.
Sans parler des arriérés, pour lesquels la numération représente souvent une
difficulté insurmontable, les enfants, même normaux, y peuvent trouver matière
à échec. Nous avons observé que dissocier les efforts à accomplir et présenter
les premières notions de nombre d’une manière particulièrement accessible aux
enfants hâte et facilite les résultats.

Dissociation des efforts


Apprendre les premiers nombres, c’est d’abord comprendre un mécanisme.
Pour y parvenir, le boulier est un élément efficace et je serais tentée de dire irrem-
plaçable.
Il n’y a pas un mot à prononcer pour en faire usage.
On vérifie d’abord – en posant 1 boule, puis 2 boules, puis 3 boules, et en
faisant reproduire cette disposition – si l’enfant voit globalement ces quantités.
• •••••••••
•• ••••••••
••• •••••••
Si oui, on fait reproduire tout de suite les dispositions inverses, qui ne sont
pas plus difficiles :
••••••••• •
•••••••• ••
••••••• •••

287
Langage oral et écrit

On écrit les chiffres 1 2 3 puis 9


• •• ••• ••••••••• (•
8 7
•••••••• (•• ••••••• (•••

en indiquant de la main que les perles mises à part ne comptent pas.


Ceci fait, on écrit 10
••••••••••
L’enfant a compris à ce moment qu’à une disposition des perles sur Je boulier
correspond une disposition des points sur le papier, et, à cette double disposition,
celle d’un nombre.
On veille à ce que l’enfant sache trouver, parmi d’autres, le papier correspon-
dant à la disposition sur le boulier, et, vice versa, à faire sur le boulier la disposi-
tion correspondant au papier.
On présente enfin des papiers ne portant que des chifires sans points.
L’enfant doit les identifier et pouvoir, après quelque exercice, se passer des
papiers figurant les boules.
*
* *
On présentera ensuite quatre :
soit d’emblée •••• (••••••
soit sous la forme •• ••, et avant le trois, si l’enfant a quelque peine à perce-
voir cette dernière quantité. La disposition 2 + 2 en effet est à peine plus difficile
à retenir que 2.
Quatre étant perçu, on compose le six :
•••••• ) •••• qui pourra, si l’enfant voit bien globalement ••• être
présenté comme ceci ••• •••
Il ne reste plus à apprendre que le 5. Cette quantité sera identifiée très vite
en partageant la dizaine en deux groupes dont on fait constater l’identité : en
grandeur avec une réglette, et en nombre, avec les doigts : une main pour chaque
demi-dizaine.
Avant d’aller plus avant, il faut vérifier que l’enfant ne confond ni les dispo-
sitions inverses, ni les formes des chiffres : 2 et 5, 3 et 8, 4 et 7, 6 et 9. – Des
procédés gestuels aident à en fixer le souvenir.
*
* *

288
Calcul

On passe ensuite à l’acquisition des dizaines, c’est-à-dire à la reconnaissance


et à la reproduction des formes,
20 90
•••••••••• ••••••••••
•••••••••• ••••••••••
••••••••••
••••••••••
••••••••••
••••••••••
••••••••••
••••••••••
•••••••••• (••••••••••)

80, 70, 30, etc., par les mêmes moyens que précédemment pour les unités.
On veille à ce que l’enfant ne confonde pas 2 et 20, 3 et 30, etc., en lui plaçant
sous les yeux :
etc., et en lui faisant composer ces nombres au boulier, d’abord avec des
cartons à points, ensuite avec des cartons sans points. – Bien entendu, il doit
être également capable, 3 boules étant posées, de trouver le carton
2 3 correspondant, et ainsi de suite.
L’acquisition des quantités 20 et 1, 20 et 2, et ainsi de suite,
20 30 jusqu’à cent, se fait de la manière suivante :
Sur un carton représentant 20, on pose à la place de zéro un chiffre, – au
besoin d’une autre couleur pour les unités – de manière à former :

|
2 1 |
3 7
etc.
L’enfant acquiert ainsi en très peu de temps une connaissance très satisfai-
sante des nombres de 1 à 100 et de leur figure en chiffres.
Tout cela, répétons-le, peut être fait, et, je dirais même, gagne à être fait, sans
prononcer une parole.
C’est seulement quand tout le mécanisme est saisi et ne comporte plus de
mystère ni d’incertitudes qu’on prononcera les noms des quantités.
Pour éviter les confusions de mots, il sera prudent de procéder de la manière
suivante : on apprendra d’abord les noms des unités, un, deux, dix, neuf, trois,
quatre, sept.

289
Langage oral et écrit

Cinq est souvent prononcé comme sept ; et six comme dix. Ces mots seront
donc appris à des moments différents.
Quelques jours d’intervalle suffisent parfois à l’enfant pour fixer dans sa
mémoire des mots qu’il confondrait en les apprenant ensemble.
Ensuite on apprendra les noms des dizaines de 20 à 60.
Ceci fait, les noms des nombres de 10 à 20, forts difficiles à retenir sauf onze,
dix-sept, dix-huit et dix-neuf. Les mots désignant 13, 14, 15 et 16 sont en effet très
aisés à confondre.
Quand tous ces mots, de 1 à 60, seront sus, c’est seulement alors qu’on
apprendra de 60 à 99.
Cent peut être sans le moindre inconvénient appris depuis longtemps. Il n’est
difficile ni quant au mot, ni quant à sa forme sur le boulier, ni quant au sens arith-
métique.
Cette manière de procéder peut sembler illogique aux adultes. Aux enfants,
elle paraît limpide, et elle permet d’aller vite et sûrement.

Ce que l’enfant met en premier lieu sous les noms de nombre


qu’il emploie. Apprentissage des opérations et de leurs signes
et acquisition de la notion de zéro chez les enfants dont le langage
n’est pas encore constitué.
Normalement, chez le petit enfant qui apprend à parler, la notion de nombre
se forme dès qu’il conçoit la pluralité. Il y a un chien et des chiens ; – donne-moi
la main, donne-moi les mains ; – ne marche pas à quatre pattes, etc. Il est d’ail-
leurs peu probable que l’enfant conçoive nettement le nombre exprimé ainsi par
la parole, comme en témoigne par exemple le contresens d’une petite fille de 4
ans disant « marcher à la qualapatte » pour désigner le fait de marcher comme
font les animaux.
Spontanément, l’enfant dénombre en disant : « Un, et puis un, et puis un »
avant de dire trois. Et les noms de nombre ne sont au début que des manières de
désigner les quantités au-delà de un et de deux.
« Il y en a deux, quatre, six, des fleurs », dit J. P., 4 ans, en regardant les rosiers
à tige d’un massif.
Un autre voit des coquillages dans une boîte ; il a envie qu’on lui en donne et il
dit : « Tu en as beaucoup…, un, deux, comme ça, comme ça… (Il montre deux fois
ses dix doigts). Cent, il y en a ? Tu m’en donnes ?
Un petit de 3 ans tient quatre bonbons serrés dans sa main ; il en donne un et
regarde ce qui reste sans paraître voir la diminution ; puis il en distribue encore

290
Calcul

un et regarde de nouveau le contenu de sa main. À ce moment-là, il semble frappé


du petit nombre restant et il va récupérer ses présents.
Le dénombrement cause à l’enfant une grande joie ; il compte tout ; mais,
à de rares exceptions près, il ne cherche pas à faire des combinaisons avec les
nombres. Et les idées de plus et de moins se présentent plutôt à son esprit
comme des grandeurs ou des volumes que comme des quantités ; et les noms
des nombres de la première dizaine sont dans le langage enfantin des étiquettes
interchangeables pour tout ce qui dépasse deux et trois vus globalement.
X…, 4 ans, entend son frère compter : 90, 91, etc. À 98, il l’interrompt : « Le 98
c’est un autobus. Pourquoi tu dis les autobus ? Des 98, il y en a deux et des fois
trois ; pourquoi on dit 8 ? » (Contre-sens possible : 80 dit 8 !).
Tout ce vocabulaire au moment de la constitution du langage représente donc
une terminologie obscure. Elle ne se clarifie qu’à mesure que l’enfant accède à des
opérations mentales plus complexes. Et l’enrichissement de la notion de nombre
ainsi que les premiers rudiments du calcul contribuent donc à l’accroissement du
vocabulaire, en même temps qu’au développement des facultés logiques.
Ce dernier point est même beaucoup plus important que le premier. C’est
pourquoi toute tentative pour entraîner l’enfant à réfléchir sur les nombres aura
son retentissement à la fois dans les domaines linguistique et logique. Que ces
considérations nous servent donc d’excuse si nous abordons les jeunes enfants
en ce domaine de façon parfois inaccoutumée ou en apparence compliquée1.
*
* *
A. G., sourd de 4 ans, semble n’avoir aucune idée du nombre jusqu’au jour où
l’on parvient à lui faire faire consciemment un pas, suivi d’un arrêt ; – à lui faire
frapper un coup, suivi d’un silence. Il apprend alors à mettre une boule au boulier,
à tracer un trait à la craie, etc. – On procède de même pour 2, 3, 4. – Au-delà : il
s’embrouille. – Zéro est compris en même temps. – A. G. parvient à retenir les
signes écrits correspondant aux nombres que nous venons de voir.
Quelques semaines après, on peut lui apprendre globalement sur un boulier
10, 9, 8 et 7. – Mais 5 et 6 sont par lui impossibles à assimiler. – 6 est confondu
avec 4, et 5 avec 10 et même avec 2 parce qu’on n’a pas procédé avec assez de
minutie quand on a invité A. G. à se servir de ses doigts pour compter. L’enfant
semble incapable d’aller au-delà ; on n’insiste pas.
L’année suivante, il acquiert en deux semaines la correspondance de tous les
nombres jusqu’à 100 ; il sait les former sur le boulier et les écrire avec des cartons.

1. Rappelons d’autre part que ces études ont été conduites principalement avec des enfants arriérés
ou sourds qui, contrairement aux enfants normaux, ne peuvent brûler les étapes – ce qui oblige à les
suivre de très près si l’on veut les aider.

291
Langage oral et écrit

On peut lui faire disposer les boules correspondant aux nombres 15, 50, 27, 42,
92, etc., et vice versa écrire les nombres correspondant à ces quantités… On arrive
à cela sans suivre une série croissante ou décroissante.
En revanche, A. G. paraît impénétrable à l’idée de la soustraction ou de l’addi-
tion. Nouvel arrêt. Trois mois plus tard, il accède sans peine à ces deux notions. Il
y a là une autre opération mentale désormais à sa portée.
On parvint à cette initiation de la manière suivante. On lui présenta un dé
par la face des trois points, et l’on écrivit 3. Puis un autre dé par la face de deux
en enlevant le premier. On écrivit le chiffre 2 sous le 3. Puis on rapprocha brus-
quement les deux dés et l’on écrivit le signe + à gauche du 3 et une barre sous
les deux chiffres. L’enfant fut invité à compter l’ensemble des points réunis et à
écrire 5.
Ce même manège ayant été répété sept ou huit fois avec les combinaisons
4 + 2, 5 + 3, 2 + 2, etc., l’enfant fit signe tout à coup qu’il avait compris, et il se mit
à faire avec les dés une série d’additions en posant la plupart des résultats sans
compter les points un à un.
Il n’avait pas cependant tout à fait compris, puisque, invité à compter des
billes et des boutons, il retomba dans l’erreur commise t1 ois mois auparavant, à
savoir réunir les deux tas et compter 1, 2, 3… jusqu’à la fin du dénombrement des
objets. – Il fallut attendre encore une quinzaine de jours, et la nouvelle tentative
fut cette fois couronnée de succès.
L’enfant se mit alors à faire une série d’observations, qui semblèrent le remplir
d’étonnement :
Il disposait sur le boulier 2 boules et comptait celles qu’il avait mises à part.
Ayant constaté qu’il y en avait 8, il les rapprochait brusquement des 2 et voyait 10.
Il essayait alors de placer 8 boules à gauche en en laissant 2 à droite : rappro-
chant le tout, il semblait surpris de trouver encore 10.
Les mêmes essais furent tentés avec 3 et 7 ; 7 et 3.

292
Calcul

Comme il paraissait avoir admis que ses combinaisons aboutissaient toujours


à 10, on en profita pour écrire :

2 + ...... = 10
3 + ...... = 10
9 + ...... = 10
8 + ...... = 10
etc.
et à combler la place vide par un chiffre écrit sur un petit carton.
A. G. trouva sans peine ce qu’il fallait ajouter à 9 ou à 8 pour faire 10, mais non
les quantités à ajouter à 2 et 3. – Saisissant alors le boulier, il recommença son
petit manège et finit par poser, après en avoir compté les boules une à une, la
quantité à ajouter à 2, 3, 4… pour former 10.
Ce ne fut plus qu’un jeu de lui faire comprendre 10 – 8 = 2 ; 10 – 7 = 3, etc., le
signe – ayant été traduit par l’idée du verbe enlever.
L. M. 6 ans, petit garçon sourd, avait compris l’addition depuis plusieurs mois.
Toute tentative pour. lui faire comprendre la soustraction n’aboutissait qu’à des
échecs. Il semblait s’être formé une idée fausse qui l’empêchait absolument de
saisir notre raisonnement. Prétendait-on lui faire enlever 4 billes sur 7, il écrivait 4
ou 3 en réadditionnant le tout. Le sens de cette opération lui échappait : il montrait
les nombres à soustraire en faisant comprendre qu’ils existaient toujours.
Il finit par entrevoir ce qu’on désirait de lui lorsque l’opération lui fut ainsi
présentée : 5 morceaux de sucre, un verre d’eau, on écrivit – 3 (enlève trois), les
3 morceaux de sucre condamnés furent mis dans le verre ; ils fondirent. Quand il
n’y eut plus que 2 morceaux visibles sur la table, on écrivit : il reste deux, et toute
l’opération :
5
 3
 2

L’enfant demeura un instant perplexe, plongea son doigt dans l’eau, le


suça, etc., se résigna à la soustraction. Elle lui parut d’ailleurs quelque temps
encore une sorte de jeu désobligeant. – Il cachait un gant, un soulier, et faisait
comprendre qu’on l’avait enlevé. Il dessina un jour 3 gants et écrivit à côté – 1 en
faisant signe que l’autre était « parti » !

293
Langage oral et écrit

Acquisition des notions de zéro positif et négatif


Suivons maintenant avec L. M., dont nous venons de commencer l’observa-
tion, le développement de la notion de zéro.
Il y a une idée du zéro que l’enfant comprend facilement. C’est zéro = rien. On
dispose des fleurs, des bonbons, un crayon. On enlève le tout, et l’on dit zéro ; il
n’y en a plus ou il n’y en a pas. C’est le « a pu » des tout-petits.
L. M. eut beaucoup de peine à aller plus loin, et notamment à admettre qu’un
chiffre pût correspondre au zéro. Celui-ci étant dans son esprit égal à rien, il ne
pouvait s’habituer à voir 0 exprimer le néant ; il plaçait le chiffre 0 avec la lettre
O et tendait pour rien un petit papier vierge de tout signe. Il fallut avoir recours
pour le convaincre à tout un raisonnement en apparence fort compliqué et qui prit
plusieurs semaines.
Donnons plutôt ces essais. Ils nous semblent fort instructifs pour pénétrer
dans la connaissance de la logique d’un enfant intelligent, réduit par sa surdité à
une sorte de compréhension intuitive.

Premier essai
Un verre à demi-plein d’eau, une réglette divisée en centimètres et en chiffres.
On compte la distance séparant le fond du verre de la surface. Il y avait 6 cm. On
écrit depuis la surface jusqu’au bas :— 1 ; — 2, etc…
= — 6. Une autre petite réglette sans chiffres fut ensuite placée
à la surface de l’eau, et l’on compta de la surface jusqu’au bord du verre 5 cm.,
qu’on écrivit, + 1, + 2, etc., jusqu’à + 5 cm. – Les deux réglettes furent ensuite
collées bout à bout. À la jonction des deux on écrivit 0 . Le zéro fut admis.

Deuxième essai
Deux rapporteurs et deux
feuilles de papier. On montra
qu’on pouvait diviser un cercle
en 2, en 4, en 10, etc., et que le
demi-cercle du rapporteur était
divisé en 180. Les deux rappor-
teurs étant rapprochés pour
reconstituer le cercle, on plaça
les feuilles de papier comme il
est montré Figure 91. Ensuite, on
fit décrire à la feuille de papier
une rotation dans le sens de la
flèche, en découvrant 5, 10, 15, 20,
30, 50…, 180, et on écrivit + 180.
Figure 91

294
Calcul

À ce moment, la feuille de papier supérieure fut ramenée à son point de départ, et


une manœuvre identique fut faite avec une feuille inférieure. On découvrit ainsi 1,
2, 3…, 10, 20, 30, 40..., 180°, en écrivant – 1, – 2…, – 180. Puis, la feuille d’en bas
étant replacée, on écrivit 0 (zéro) sur la ligne de contact des deux plans. Le zéro là
aussi fut admis sans contestation.

Troisième essai
Cette fois, ce fut avec un vieux réveil et un cadran sur carton. Le cadran fut
divisé en 2, de midi à 6 heures. Le côté droit fut hachuré en rouge, le côté gauche
en bleu. Puis on écrivit les heures. Arrivé à 12 heures, comme il fallait recommen-
cer 1, 2, 3…, on écrivit 0 au-dessous de 12. Une petite aiguille seule marquait les
heures. On rajouta alors la grande aiguille, en écrivant + sur l’hémicadran droit, et
– sur la portion gauche du cadran. La grande aiguille fut poussée jusqu’à 3 et on
inscrivit + 1/4, jusqu’à 6 et on inscrivit + 1/2, jusqu’à 9 et on inscrivit – 1/4 ; enfin,
en arrivant à 12 on passa à l’heure suivante.

Quatrième essai
On revint alors à l’écriture des nombres, qui furent transcrits en descendant
à partir de 20. Arrivé à 1, l’enfant prit lui-même le carton zéro 0 et le plaça en
bas. Ce zéro était enfin admis.
Si l’enfant n’avait pas été sourd, peut-être se serait-on pris à penser qu’il s’en-
têtait ou qu’il était un peu stupide, et sans doute n’aurait-on pas songé à prendre
tant de peine pour triompher d’une difficulté qu’on n’aurait pas même soupçon-
née. Mais là il fallait bien convaincre, sous peine d’échouer, et pour convaincre,
faire l’effort de comprendre ce qui embarrassait.

Acquisition de l’idée de fraction ordinaire et décimale


Il m’a souvent semblé que, du point de vue linguistique, l’idée de fraction-
nement d’un entier était donnée trop tardivement, et d’une façon qui n’est pas
assez générale. Lorsqu’il s’agit, en tout cas, de constituer le langage d’un enfant
intelligent, sourd ou électivement en retard dans le domaine de la parole, l’accès
à des idées générales a plus de prix que l’acquisition de détails particuliers, car il
ouvre des voies plus larges vers l’expression.
La notion de fraction suppose que la notion d’entier est explicitée. Posant
devant l’enfant un cercle de papier, vous faites donc constater qu’il y en a un, et
vous écrivez 1. Puis vous constituez, si l’on peut dire, un stock d’unités sous les
formes les plus disparates : petit tas de terre à modeler, tas de sable, crayon,
pierre, morceau de pain, livre, planchette, peloton de laine, verre d’eau, pièce de
métal, gâteau, paquet de beurre, image d’une brouette de pommes de terre, tas
de sucre en morceaux, et vous écrivez en face de chaque entier le chiffre 1.

295
Langage oral et écrit

Vous demandez ensuite ce qui pourrait se partager, être divisé, être coupé. Si
l’enfant ne comprend pas le langage, le geste symbolique du découpage à la main
fera saisir votre intention.
L’enfant désignera sûrement ce qui, en fait, peut facilement être partagé :
terre, sable, gâteau, beurre. Il est possible qu’il ne désigne ni le sucre, ni les
pommes de terre, étant arrêté par la vue des unités du tas. En ce cas vous mettez
cela à part pour y revenir plus tard.
Vous convenez qu’il est possible de partager le tas de sable, le paquet de
beurre, le gâteau, le papier, etc. Vous faites comprendre qu’il suffirait d’une scie
pour couper la planchette, d’une scie à métaux pour couper la tige de fer, d’un
canif pour faire du crayon deux autres crayons plus petits.
Pour les morceaux de sucre on peut les compter, et en mettre dans chaque
nouvelle part un nombre égal, à moins qu’il n’en reste un.
Mais les pommes de terre, comme il y en a des grosses et des petites, on ne
ferait pas en les comptant un bon partage ; on en montre l’absurdité en faisant un
tas des plus petites et un tas des plus grosses. – On résoudra alors le problème
par la pesée – sans poids – en mettant dans chaque plateau de la balance des
quantités qui s’équilibrent.
Quant au liquide, il est plus simple de verser le contenu en deux petites
bouteilles semblables, en montrant qu’en chacune d’elles l’eau s’élève à la même
hauteur. – Pour ce qui est du verre lui-même, on pourrait certes le couper en deux
comme une vitre ; seulement, il ne serait plus un verre utilisable.
Ayant donc montré que tout, en pensée du moins, se peut partager, vous écri-
vez et sur un carton, et vous partagez en deux aussi exactement
deux 2
que possible la rondelle de papier :

deux 2

Vous procédez de la même manière pour un partage en 3, en 4, en 5…, et ainsi


de suite jusqu’à 10. – Il est possible ensuite de faire admettre qu’on pourrait, si on
le voulait, couper en 11, 12…, 20..., 60..., 72..., 100..., 1 000, etc. – Et, chaque fois,
on présentera, pour exprimer le partage indiqué, les deux formes :

onzième 11 vingtième 20

en mettant entre les deux expressions le signe =.

296
Calcul

Il ne sera pas inutile à ce moment d’insister de nouveau sur l’idée d’égalité des
parties, indépendamment de la forme ou de l’aspect extérieur. À cet effet, on se
servira de deux parts de terre à modeler, préalablement pesées devant l’enfant,
et on donnera à chaque portion des formes différentes ; une nouvelle pesée
indiquera l’égalité des poids. Le contenu des deux petites bouteilles sera versé
dans deux récipients différents – petit bol et jatte, par exemple – pour que l’enfant
puisse bien se pénétrer de la notion essentielle à Vidée de fraction, à savoir que
les parties nouvelles, fruit du partage, doivent être égales en quantité (nombre,
volume ou poids).
C’est à ce moment seulement qu’on pourra sans inconvénient poser des
numérateurs, l’enfant ayant alors compris l’essentiel, à savoir le partage de
l’entier en parties égales, dont on peut à volonté ne prendre qu’une, deux ou plus.
Par précaution on se servira, tantôt de cartons où le dénominateur est écrit
en lettres, tantôt de cartons où il est écrit en chiffres. – Pour la même raison les
numérateurs seront des chiffres mobiles et de couleur.
Reste à aborder les cas particuliers qui embarrassent l’esprit des enfants :

1. Numérateur  dénominateur, et  dénominateur


On fera remarquer que, de l’objet, partagé en 8, par exemple (un rond de
papier fort est très pratique), si l’on ne prend pas tous les morceaux chaque fois,
la quantité prise est inférieure au tout.
3
L’expression sera commentée en ces termes : on a coupé en
huitièmes
huitièmes huit morceaux ; ces morceaux s’appellent des huitièmes ; on en a
pris 3, ça fait 3 huitièmes ; et ces trois morceaux-là, ça fait moins que tous les
3
3 huitièmes, moins que le grand rond tout entier [1] ; et l’on écrira –  1,
8
5 8
et il reste des morceaux . Arrivé à l’enfant constate qu’il n’y a plus rien.
8 8
8 9
On écrira = 1. Pour faire il faut donc recourir à une autre rondelle
8 8
de papier, c’est-à-dire à un autre entier, le couper lui aussi en huitièmes, et,
1 8
de ces nouveaux huitièmes, prendre , ce qui fera +
huitième huitièmes
1 9 9
, soit =  1. Et ainsi de suite.
huitième huitièmes 8

297
Langage oral et écrit

Quand l’enfant évoluera à l’aise à travers un grand nombre d’exemples, entre


29 31
les fractions plus grandes et les fractions plus petites que l’unité : , ,
30 30
2 99 101 13 14
, , , , , etc., on lui fera extraire les entiers de fractions qu’il
100 100 100 2 3
pourra manipuler de façon concrète ; — reformer les entiers à partir de 7 demis,
8 tiers, 11 quarts, etc., les demis, tiers et quarts étant formés de secteurs en
carton ou en bois.
n
On fera remarquer que chaque fois que  1, en faisant une opération, on
N
n
trouverait d’abord 0, et qu’il faudrait écrire 0, avant de continuer. Mais si  1,
N
on aura un chiffre, et non pas 0, à gauche de la virgule.

Dénominateur égal à 10, 100, 1 000


On apprendra aux enfants que, même s’ils ne savent pas encore diviser, c’est-
à-dire faire l’opération qui s’indique comme ceci :
numérateur numérateur dénominateur
;
dénominateur

ou encore : numérateur : dénominateur ;


5 5 7
ou, avec des chiffres, ; 5:7
7

on pourra toujours exécuter la division, tellement elle est facile, s’il se trouve
que le dénominateur ou le diviseur soit 10, 100, 1 000.

Exécution du partage en 10 et écriture de cette division

On commencera par le partage d’un nombre quelconque en 10 parties égales.


27 partagé en 10, par exemple. Puisqu’il s’agit d’obtenir des dixièmes on recons-
tituera deux entiers avec 27 secteurs de cercles partagés en 10 ; et li restera

7 morceaux. On écrira donc , en se servant de chiffres et d’une virgule


en carton.

On exécutera de même 34 : 10 ; 21 : 10 ; 136 : 10, etc., mais, cette fois-ci, pour


simplifier, on le fera avec des groupes de bâtonnets. Chaque fois, l’enfant consta-

298
Calcul

tera que le résultat est un nombre entier, avec une virgule à droite avant le reste,
lequel ne fait pas 10.
À ce moment il suffira de donner des quantités exactement divisibles par 10
(20, 30, 40 bâtonnets) pour que l’enfant constate que, dans ces conditions, il n’y
a pas de reste, donc pas de virgule. – Si l’enfant est assez âgé pour constater que
le fait se produit chaque fois que le nombre se termine par un 0, on lui indique que
pour diviser par 10 un nombre de cette sorte il lui suffit d’enlever le zéro.

Cas particulier d’une fraction décimale sans nombre entier

n
Si le numérateur est plus petit que le dénominateur , le résultat
N = 10
sera 0, n, ce qu’on fera constater en considérant qu’il n’y a pas d’entier, mais un
nombre toujours exprimable par 0,... suivi de la quantité inscrite au numérateur.
La division par 100 ou 1 000 se fait alors par analogie.

299
Bien lire et Aimer lire
La méthode phonétique et gestuelle
créée par Suzanne Borel-Maisonny
Méthode de lecture CP-CE1
Clotilde Silvestre de Sacy, Chantal Comte et Luna Cavalier
Bien lire et Aimer lire, manuel issu de la célèbre méthode Borel-Maisonny,
présente une démarche originale associant phonétique et gestuelle, qui
fait référence dans l’apprentissage de la lecture.
Cette méthode syllabique est plébiscitée depuis 60 ans par les établis-
sements scolaires, les orthophonistes, les rééducateurs et les parents.
La nouvelle édition de Bien lire et Aimer lire, tout en couleurs et enrichie
en outils d’apprentissage, apporte également de nombreux conseils
pratiques aux enseignants et aux parents.

Cahiers d’exercices Bien lire et Aimer lire CP-CE1


4 cahiers pour s’exercer à lire et à écrire avec la méthode Bien lire
et Aimer lire
Chantal Comte et Luna Cavalier
Ces quatre cahiers d’exercices sont les compléments indispensables
pour apprendre à lire et à écrire en suivant la progression de la méthode
gestuelle et phonétique développée dans le manuel Bien lire et Aimer
lire. Leur découpage est adapté au calendrier scolaire. Les quatre cahiers
d’exercices permettent à l’enfant de maîtriser successivement les sons
simples (voyelles, consonnes continues et occlusives), puis les sons et
les graphies complexes (diphtongues, voyelles nasales, etc.). L’enfant
progresse ainsi rapidement et apprend très naturellement à lire et à écrire.

Bien lire et Aimer lire


Les premières histoires
Clotilde Silvestre de Sacy
Ce recueil complète de façon logique et cohérente le manuel Bien lire et
Aimer lire, en permettant aux apprentis lecteurs d’arriver à la compré-
hension parfaite du texte. De nombreuses notes pédagogiques aident
les adultes à accompagner efficacement les enfants, à la maison ou en
classe. La difficulté de lecture est progressive, partant de phrases courtes
et imprimées en gros caractères pour arriver à de longs textes à lire sur
plusieurs jours.

Bien lire et Aimer lire


Les gestes pour découvrir la lecture dès 5 ans
Yves Blanc
Il est fortement conseillé de préparer l’enfant à la lecture avant le CP, de
le familiariser avec l’écrit en améliorant sa maîtrise des sons de la langue
française. Bien lire et Aimer lire peut être utilisé à la maison ou en classe
dès la Grande Section de maternelle. Un ouvrage ludique destiné aux
enfants à partir de 5 ans.

Achevé d’imprimer en septembre 2019


par Laballery, Clamecy – France

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