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INTRODUCTION

Pour ce travail de recherche, j'ai choisi de parler du Palais du Te à Mantoue (Lombardie, Italie), et
des peintures qui décorent les pièces à son intérieur, à l'œuvre les deux du peintre-architecte Jules
Romain (Rome,1499 - Mantoue, 1 novembre 1546).

La Renaissance à Mantoue décolla de la moitié du XV siècle, en dépendant en toto de la dynastie


des Gonzaga qui firent de la ville, malgré l'exiguïté du territoire et de son importance relative sur
l’échiquier européen, une des cours nobles plus splendides de l'Europe1.

L'époque de Ludovic Gonzaga (au pouvoir depuis 1444 jusqu'à le 1478), a marqué un comble
premier dans la vie artistique de la ville, à qui il suivit le bref court marquis de son fils Frédéric
(depuis 1478 au 1484), substantiellement continu de ce du père. Avec la montée au pouvoir de
François II (1484, jusqu'à le 1519), les intérêts de l'héritier jeune s'adressèrent au porter devant la
tradition militaire de la famille, en devenant un condottière connu surtout. Ce fut par contre sa
femme Isabelle d'Este, une des femmes plus instruites et plus célébres de la Renaissance, à dominer
la scène artistique, en recueillant antiquité de grande valeur et en demandant la collaboration des
plus grands artistes actifs dans la péninsule, quel Titien, Pérugin, Leonardo da Vinci et Corrège.
Cette passion pour le mécénat vint transmise aussi à son fils Frédéric II (en charge du 1519 jusqu'à
le 1540), qu'il appela à Mantoue Jules Romain, élève de premier plan de Raphael, qui créa pour lui
le Palais du Te, exemple extraordinaire du classicisme du seizième siècle.

J'ai de nouveau visité le Palais du Te pas il y a longtemps; au-delà à être très célèbre et apprécié
pour son style architectural, il reçoit fresques riches de symbolisme et de sens qu'ils peuvent être
rapportés à la volonté des Principes de l’époque de glorifier les propres exploits.

Dans ce brève il recherche, j'ai tenté de déterminer et analyser les idées les plus significatives de
quelques peintures du Palais en m'arrêtant sur les épisodes principaux et sur les aspects les plus
curieux.

J'ai subdivisé la recherche en trois parties: la première partie est dédiée à Jules Romain et à son rôle
d'artiste à la cour des Gonzaga; la second partie est concentrée par contre sur la description du

1
S. Zuffi, Il Quattrocento, Milano 2004, p.174.
1
Palais du Te et sur les principaux cycles picturaux à l'intérieur des les chambres. La troisième partie
recueille les conclusions.

Je chercherai à travers ce travail d'approfondir le contenu de ces fresques et d'analyser l'aspect pour
lequel, au cours de la Renaissance, le pouvoir détenu par les Messieurs aristocratiques puisse être
légitimé par l'art aussi, aux représentations d'entreprises déduites -dans ce cas- des mythes anciens.

Letizia Balestreri

1. Jules Romain

2
La figure de Giulio di Piero Pippi de’Iannuzzi, dit aussi Giulio Romano ( Jules Romain en
français -Rome, 1499 – Mantoue, 1 novembre 1546), domine la vie artistique et culturelle de la cour
de Frédéric II de Gonzague (1500-1400) à Mantoue, où il s’installe en 1524. Jules Romain devient
très rapidement une référence dans le milieu artistique, d’abord grâce à son excellente habileté et à
son rôle central qu’il avait acquis dans la réalisation des projets financés par le prince Gonzague et,
par la suite, depuis 1526 en tant que prefetto delle fabbriche (maître d’œuvre) 2. C'est un artiste
complet : architecte, peintre, urbaniste, l’ensemble de son activité se distingue par les nombreux
dessins décoratifs, d’orfèvrerie et par les banquets, les fêtes et les triomphe qu’il organise pour la
cour princière. A Mantoue, outre à travailler pour la maison de Gonzague (Palais du Te et Palais
Ducale), il déploie son activité sur l’ensemble de la ville en contribuant aux travaux publics
d’aménagements des espaces et en supervisant les bâtiments privés. Son activité est enrichie par ses
contributions dans les domaines de l’architecture religieuse : les projets de la cathédrale de Mantoue
et de la basilique de San Benedetto al Polirone lui appartiennent3.

Alors que sa date de naissance reste inconnue, nous apprenons par son acte de décès de 1546
qu’il est mort à l’âge de 47 ans, ce qui fait supposer sa naissance vers l’année 1499 (George Vasari,
par contre, estime qu’il est né en 1492) 4. Dans les années 1515-1516 il commence à se distinguer
par son talent au point qu’à la mort de son maître (1520), le style de Jules Romain atteint un haut
degré d’expertise et son style est pleinement accompli. Chez Raphaël, son maître il avait trouvé un
modèle accompli où il pouvait s’inspirer et, pourtant, contrairement à ses confrères disciples qui
resteront toujours attachés au style de leur maître, Jules montra bientôt un profond intérêt pour
Michel-Ange : l’énergie et le dynamisme qui émanent des figures présentent dans les peintures et
dans les stucs de Palais du Te authentifient cette inspiration. Sa carrière se recueillit autour de deux
axes principaux : sa contribution, sous l’égide de Raphaël, aux entreprises du Vatican (1515-1524),
à Rome, et à Mantoue, après avoir été introduit, par Balthasar Castiglione, dans la cour du marquis
Frédéric II de Gonzague (au pouvoir entre 1519-1530), où ce dernier le met en chef des travaux
pour le complexe monumental du Palais Te5.

2. Palazzo Te (Le Palais du Te)

2
Bazzotti U., Le Palais du Te Mantoue, Seuil, 2012, p. 9-21.
3
Voir Piva P., Per la storia di un complesso edilizio monastico: San Benedetto di Polirone, Rome 1977; Piva P., Da
Cluny a Polirone: un recupero essenziale del romanico europeo, San Benedetto Po 1980; Leali S., L'abbazia di San
Benedetto Po. Dieci secoli di storia., Suzzara 1989; Giulio Romano, Giulio Romano, catalogue de l’exposition,
Mantoue – Milan, 1989.
4
Vasari G., Les Vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architects, 2 vol., traduit et edition commentée sous la
direction d’André Chastel, Arles, Actes Sud, collection <<Thesaurus>>, 2005.
5
Bazzotti U., op. cit., p. 9-21.
3
L’endroit élu pour la construction de l’édifice était l’ensemble des territoire surnommés « Te » : le
passage du fleuve Mincio avait créé quatre lacs dans la vallée, qui cernaient anciennement la ville
de Mantoue ; à quelques kilomètres de l’île où se développa la ville, un pont liait un autre îlot,
appelé depuis le Moyen-âge Teieto (abrégé en Te par la suite) aux remparts méridionaux de la ville.
Au cours du XVe siècle les Gonzagues avaient fait de ces lieux une citadelle de loisirs ; au début du
XVIe siècle François II ordonna l’édification d’étables pour leur célèbre élevage de chevaux ainsi
que d’un manoir. De nos jours il en reste des traces dans le Palazzo Te (actuel) par la présence de
précieuses peintures murales6.

La rencontre entre Jules Romain et Frédéric II Gonzaga et la charge suivante de construire le Palais
du Te il est décrit par Vasari suggestivement 7.

Bien que la fonction de l’édifice soit très précise selon le souhait du marquis Frédéric,
désirant un palais pour ses loisirs et ceux de sa cour, le manoir servait aussi de lieu d’accueil et de
réception des plus illustres invités de la famille seigneuriale. Parmi les prestigieux visiteur du Palais
on trouve Charles V, par exemple, qui y séjourna en 1530 et en 1532 et Henri III, roi de France, en
15748.

Palais du Te, Mantoue

6
Bazzotti U., “Un luogo e certe stalle” sull’isola del Te prima di Giulio Romano, in Civiltà Mantovana, III serie, 122,
2006, p. 144-161.
7
Frédéric charge Jules de restructurer les écuries existantes pour “accomodare un poco di luogo da potervi andare e
ridurvisi tal volta a desinare, o a cena per ispasso” ("réparer un peu endroit où il pourrait aller et se rencontrer type
tourne, ou à dîner pour le plaisir"). Voir Vasari, op.cit.
8
Bazzotti U., Le Palais du Te.., op.cit ; Carpeggiani P. et Perina C., Giulio Romano a Mantova, Mantoue, 1987.
4
Plus de dix ans furent nécessaires (1524-1525/1535) à la réalisation des travaux de Palais
du Te puisse être achevée, y compris la décoration des pièces intérieures, pour laquelle Jules
Romain s’était servi de la collaboration de nombreux artistes et artisans9.

Pour construire la résidence, l’architecte s’inspire de la domus romaine, dont le modèle est revisité à
la lumière des principes théoriques des auteurs de la Renaissance10. Le bâtiment s’étend
horizontalement en s’adaptant à la conformation plate du sol 11. Le parement des murs, fabriqué à
partir de grands blocs de pierre irrégulières, ordonnés en travées rythmées par des lésènes géantes,
constitue une nouveauté tout à fait singulière. L’atrium d’entrée ouvre l’accès à la cour d’honneur,
dont les vastes proportions et l’ordre géant de la façade produisent une impression de magnificence.
La présence du célèbre motif des triglyphes tombants dans les frises des façades est et ouest, le
célèbre motif des triglyphes tombants brise la syntaxe dorique régulière et introduit un élément de
contraste dans l’harmonie, qui met en doute la stabilité de l’édifice. Depuis la cour, les loggias et les
portes introduisent dans les pièces principales.

Vue de la cour Cour d’honneur

Exèdre
9
Grace aux attestation de paiement, on retrouve parmi eux : Rinaldo Mantovano, Fermo Ghisoni, Luca da Faenza,
Anselmo Guazzi e Francesco Primaticcio. Voir Bazzotti U., Le Palais du Te.., op.cit., p.20.
10
Belluzzi A., Palazzo Te a Mantova, Modène, 1998.
11
Bazzotti U., citation de Le Palais.., op. cit., p. 33-36.
5
2.1Les chambres du Palais Te

2.1.1 Description des pièces et des fresques

C’est dans un petit endroit, donnant sur la cour intérieure du manoir, que débute le parcours
artistique du Palais Te ; il s’agit de la Loggia delle Muse - ornée de hiéroglyphes et consacrée aux
neuf filles de Mnémosyne12.

En poursuivant par la droite on retrouve la Salle du Soleil, dont le panneau central de la voûte est
rempli par une fresque attribuée à François Primaticcio sur la base d’un dessin de Jules Romain.
Cette œuvre est particulièrement remarquable par le choix d’une contre-plongée, presque un plan
zénithal, dont la perspective est renforcée par la représentation de coins inhabituels. Le char du
soleil, légèrement incliné, nous indique que le point d’observation correspond à l’entrée de la
loggia. Le cadre du fresque, se métamorphosant dans une fenêtre, ouvre idéalement l’espace du
plafond.

L’iconographie fait allusion aux thèmes/topoi du Crépuscule et de l’éternel écoulement du temps :


la tombée de la nuit est représentée par les images du soleil couchant et du lever de la lune. Les
références au temps qui s’enfuit sans retour, aux jours qui s’ensuivent et à la coïncidence des
contraires ne constituent qu’une partie, la plus rapidement reconnaissable, des topoi y présents.

En effet, on aperçoit la présence d’Apollon sur le char du Soleil et de la même façon on retrouve
Diane sur le char de la Lune ; la déesse, ancienne divinité italique, ne correspond pas seulement à
Artémis (la déesse grecque de la chasse), mais aussi à la personnification de la lune13.

Le Char de la lune s’avance, dans un ciel serein et calme, traîné par deux chevaux, dont on entrevoit
leurs têtes et une portion de leurs corps. Dressée sur la chaussée du char, Diane dont le corps est

12
Dans la mythologie grecque Mnémosyne est la personnification et la déesse de la mémoire. En tant que fille
d’Ouranos (Le ciel) et de Gaïa (la Terre) elle est une titanide et donc sœur de di Rhéa, Témi, Phoebe, Dione, Téti e Teia
ainsi que des Titans, Crono, Cèo, Ocèan, Hypérion et Crio. Voir, Biondetti L., Dizionario di Mitologia Classica. Dei,
eroi, feste., Milan, 1998.
13
Pour la description de la chambre voir Ravelli L.,"Riflessioni sui caratteri espressivi e pittorici di Giulio Romano".
Giulio Romano. Atti del Convegno Internazionale di Studi su "Giulio Romano e l'espansione europea del
Rinascimento". Mantoue, 1989, p. 237-274; Bora G., "Giulio Romano, gli scorci e l'eredità padana", in Giulio Romano.
Atti del Convegno Internazionale di Studi su "Giulio Romano e l'espansione europea del Rinascimento", Mantoue,
1989, p.275-284; Oberhuber K., "L'appartamento decorativo di palazzo Te", in Giulio Romano, (catalogue de
l’exposition Mantoue), Milan,1989, p. 336-379.

6
aplati par l’angle de projection, tient les rênes des bêtes : la perspective de l’image entérine
l’utilisation de la contre-plongée. Elle est parée d’un péplum qui valorise les formes douces de ses
seins.

Frescque centrale, Salle du Soleil

La bige du Soleil, un char antique à deux roues, attelé de deux chevaux de front, dont Apollon est
dans ce cas l’aurige, est représentée dans l’instant où le conducteur, vu de dessous, en sortant de la
scène principale semble s’envoler rapidement dans l’air s’accrochant à son char. Le peintre saisit
l’image de la divinité incitant par le fouet les chevaux : le dynamisme de l’image est amplifié par
les mouvements de ses vêtements et de son manteau, qui, soulevés per le vent, créent des courbes
volumineuses. Le visage d’Apollon est auréolé par une aura de lumière à la structure rayonnée et
aux multiples cercles concentriques, servant de métaphore visuelle du rôle de la divinité. En outre,
un ciel serein donne profondeur à l’image, mettant en valeur l’écart entre les deux chars célestes.

Dans le Salon des œuvres on peut reconnaître la manière du XV siècle : la salle est ornée de putti,
qui, sur le fond volutes fleuronnées, tiennent de leur main des emblèmes héraldiques, se constituant
d’une image (qui est la partie centrale) et d’une devise (il motto). Le contenu allégorique de ce

7
mariage entre la parole et l’image renvoie, évidemment, à tout un réservoir symbolique concernant
l’histoire, les faits de guerres ou bien des amours secrets.

L’impresa della Salamandra et l’impresa del guanto sont les deux scènes les plus célèbres parmi
les fresques de la salle. Elles ont été réalisées par Agostino da Mozzanica14 : la première
(l’Allégorie de la Salamandre) est un des emblèmes les plus récurrents dans l’ensemble du
complexe du palais du Té, car la salamandre est le symbole personnel de Frédéric II. Dans le salon
l’image se situe notamment sur la cheminée et sur les ornements du mur méridional. Ici elle
s’accompagne de la devise latine : “Quod huic deest me torquet” (traduction de « Ce qui est
absent en elle, tourmente mon esprit »). Ces mots font allusion au fait que cet amphibien mythique,
largement employé comme symbole héraldique, était réputé vivre dans le feu et s'y baigner pour ne
mourir que lorsque celui-ci s'éteignait. Toutefois en relation avec les vicissitudes personnelles de
Frédéric II de Gonzague le feu correspondait au feu de la passion amoureuse, à laquelle il ne savait
pas se soustraire. La devise explicite donc le tempérament sensuel du duc et son amour ardent pour
sa maîtresse, Isabella Boschetti.

Salon des œuvres

Dans l’impresa del guanto, qui occupe la cinquième fresque à partir de la gauche, sur le mur
occidental de la salle, l’image d’un gantelet (gant métallique de l’amure) escorte la devise : « Buena
fe no es mudable » (« La vraie fidélité est immuable »), qui fait référence au loyalisme
indéfectible15.

14
Il était un des élèves de Giulio Romano.
15
Belluzzi A., Palazzo Te.., op. cit.
8
Les précieux encadrés du Salon d’Ovide, qui se trouvent sous un plafond à caissons, alternent la
représentation de paysages aux Fabulae mythologiques de l’Antiquité, sur un fond noir, typique du
troisième style pompéien. Il paraît que pour la décoration de la salle, les Gonzagues aient eu recours
encore une fois à Agostino da Mozzanica et à Anselmo Guazzi, les deux élèves de Jules Romain16.

Toutefois, ce n’est qu’au XIXe siècle que les sujets de ces épisodes mythologiques, d’ailleurs
fortement détériorés, ont été identifiés17. A partir de l’ouest de la salle nous retrouvons : il Giudizio
di Paride (“Le jugement de Pâris”), Bacco e Arianna (“Bacchus et Arianne”), Fauno e menadi
danzanti (“Le faune dansant avec les Ménades”), Contesa musicale tra Apollo e Pan (“Agon
musical entre Apollon et Pan”), Visita di Bacco (o Dioniso Ubriaco) (“La visite de Bacchus”),
Menadi e Satiro (“Les Mènades avec un satyre”), Orfeo e Euridice di fronte a Plutone e Proserpina
(« Orfée et Eurydice en présence de Pluton et Proserpine ») , le Supplizio di Marsia (« Le supplice
de Marsyas »). La consécration de la salle au poète latin fait débat : en effet seulement certains des
épisodes représentés trouvent une source directe dans les Métamorphoses ovidiennes, même si
souvent l’iconographie s’éloigne de la narration originale du poème. Par contre, la destination à
l’usage personnel de la salle est assurée ; et à partir de certains épisodes représentés, les spécialistes
ont pu créditer l’idée par laquelle la chambre avait été apprêtée pour la maîtresse de Frédéric II18.

Parmi les épisodes principaux du cycle, on retrouve Orphée et Euydice avec Pluton et Proseprine,
qui s’inspire à la narration des Métamorphoses d’Ovide19.

16
U. Bazzotti, op. cit., p. 20.
17
Seulement dans le 1958 Hartt il les réunit à quelques dessins ou cartons, à stylo et aquarelle de Jules Romain
conservé au Louvre et à l'Albertine. Voir Hartt Frederick, Giulio Romano, New Haven 1958.
18
D’après l’interprétation, désormais rejetée, de Egon Verheyen, la chambre aurait accueilli le cycle inachevé des
Amours de Jupiter, que Frédéric Gonzague aurait commandité au Corrège ; selon une information très suggestive qui
s’est perpétuée au fil des siècles (mais qui n’a jamais été corroborée) cette aile de la résidence était réservée à la
maîtresse du duc, ce qui justifierait la présence des fresques à sujet amoureux. Alors que Belluzzi (1998) refuse de telles
interprétations, Lucia Calzona (2003) affirme que les épisodes, par la valorisation du thème de l’amour et de la fertilité,
peuvent faire penser à l’existence d’un appartement personnel d’Isabella Boschetti. Pour la bibliographie voir la note
20.
19
Orphée, personnage de la mythologie grecque et célèbre poète avant Homère, savait par les accents de sa lyre charmer
les bêtes sauvages. Il fut comblé de dons multiples par Apollon, qui lui donna l’instrument que les Muses lui apprirent
par la suite à jour. Il participa à l'expédition des Argonautes, où il fit preuve de son talent avec la lyre en émouvant par
sa musique la mer en tempête qui s’accalmit aussitôt. Au retour de cette entreprise il s’installa en Trache, où il prit en
épouse la nymphe Eurydice, qui lors de son mariage, pour échapper aux avances du berger Aristée, fut mordue au pied
par une vipère. Orphée, après être descendu aux Enfers pour suivre son épouse, pu finalement approcher le dieu Hadès
et sa femme Proserpine. Il parvint, grâce à sa musique, à le faire fléchir, et celui-ci le laissa repartir avec sa bien-aimée à
la condition qu'elle le suive et qu'il ne se retourne ni ne lui parle tant qu'ils ne seraient pas revenus tous deux dans le
monde des vivants. Alors qu'Orphée s'apprêtait à sortir des Enfers, il ne put résister à la tentation de contempler sa bien-
aimée, et Eurydice disparut définitivement. Suite à la perte définitive d’Eurydice, Orphée se montra de plus en plus
méprisant envers les femmes de Thrace, qui, lasses de son attitude outrageante et hostile, les sacrifièrent lors des
bacchanales. Son corps démembré fut gardé par les Muses qui l’ensevelirent aux pentes de l’Olympe , à Libètre. Une
autre tradition veut que sa tête fut jetée dans l’Ebre d’où elle rejoignit par la mer l’île de Lesbos, escorté par la lyre du
poète. Ici Orphée concurrençait l’oracle d’Apollon, au point que le dieu décida de le supprimer définitivement. Cette
version du mythe est en relation avec la précellence de l’île dans le domaine de la musique et de la poésie.
9
Orphée et Euydice avec Pluton et Proseprine (1527), Salon d’Ovide

Au centre de la composition se trouve Orphée, à genoux, dont on peut percevoir le profil gauche,
buste nu et le manteau tombant de l'épaule droite à l'arrière pour couvrir une partie des jambes,
tandis que ses sandales sont immergés dans les eaux de la rivière Styx. Il joue de la lyre pour
émouvoir Hadès et Proserpine et les convaincre de lui restituer Eurydice. Les deux souverains des
Enfers sont assis l’un à côté de l’autre sur leurs trônes. Pluton est saisi de biais, alors que la figure
de Proserpine regarde l’observateur ; son bras gauche, sa main droite et ses jambes recouvertes
d’une longue robe, la reine est en train de suggérer quelques chose à son époux. Une Parque s’érige
probablement derrière Hadès : son corps est entièrement paré d’un long manteau qui lui confère une
posture exprimant une participation discrète et silencieuse aux événements qui se déroulent.
Cerbère, le chien à trois têtes (tricéphale) gardant l’entrée des Enfers, est au près du couple
infernal, tandis que parmi le groupe des personnages se trouvant sur la rivière derrière Orphée la
silhouette d’une Furie (ou Erinyes) .

Son bras levé jusqu’à la hauteur de la tête, elle brandit une vipère apparemment en direction
d’Eurydice. La jeune femme, la tête basse et escortée par Charon, avance suivant son époux
lentement vers les dieux des Enfers. Entre les deux protagonistes de la scène Charon à la longue
barbe, tenant de sa main droite la perche de passeur d’un regard soupçonneux, et la malheureuse
Eurydice, les cheveux coiffés dans un chignon, un serpent rampe comme symbole de la mort
tragique et précoce de la nymphe. Charon et Eurydice déambulent les pieds nus dans les eaux du
Styx, ce qui est une métaphore de leur condition supraterrestre. Malgré son lyrisme évocateur, la
scène par les couleurs sombres de son arrière-plan se charge d’une atmosphère de désolation et de
douleur.

Le projet de Jules Romain pour cette salle témoigne de son admiration pour la peinture du
classicisme renaissant. Le rythme dans la composition et la symétrie sont représentatifs de cette

10
fresque, où l’artiste utilise de coups de pinceau impétueux pour définir les couleurs et la lumière,
suivant une technique qui rappelle celle de la tradition romaine. La tonalité sombre de l’épisode si,
d’un côté s’assimile à l’aspect ténébreux de la Furie, la divinité persécutrice, de l’autre elle
emphatise, en opposition au teint clair d’Orphée et la nudité d’Eurydice. Quoique son état de
conservation soit de nos jour précaire, le dessin de cette fresque est encore bien lisible.

Le scène Marsyas au supplice est une ultérieure preuve de l’excellence du cycle des fresques de la
salle d’Ovide.

Marsyas au supplice (1527), Salon d’Ovide

Cependant ses conditions matérielles sont particulièrement lamentables. Le satyre est suspendu par
les pieds sur un arbre séparant de biais les deux parties de l’encadré. La flûte, l’instrument musical
qui fut à l’origine de sa redoutable torture, est accroché à l’une des branches. Face à Marsyas, le
dieu Apollon vient d’écorcher sa dépouille, tandis qu’un des jeunes servants de sa suite garde la lyre
de la divinité ; à l’air serein, son regard s’opposant à celui de l’esclave scythe débout, qui pointe son
poignard contre le silène. A droite de la scène, à côté d’un arbre, un autre satyre accourt en hâte à
son secours avec un seau d’eau et le roi Midas 20 - qu’on reconnaît grâce à une particularité : ses
oreilles d’âne. Ce dernier se couvre les yeux pour ne pas assister à l’atroce supplice qui se déroule
en sa présence. Jules Romain s’éloigne en plusieurs endroits de l’iconographie traditionnelle
comme des représentations les plus récurrentes le long de la Renaissance : la position totalement
inédite de Marsyas, la tête en bas, et le choix de représenter les instruments musicaux au centre de
la dispute dans leurs formes anciennes, sans les actualiser, sont des éléments qui confirment
l’originalité du peintre.

20
Midas est impliqué dans une autre dispute musicale, celle entre Apollon et Pan, dont on peut retrouver une
représentation sur le mur orientale de la salle peinte par Giulio Romano.
11
L’écorchement symbolise l'intervention d'Apollon- la Vérité- contre Marsyas - allégorie du
mensonge – ainsi que la tentative d’établir la vérité lorsque celle-ci est absente. Contrairement aux
occurrences renaissantes de sa représentation, Marsyas, n’est pas présenté comme un être humain,
mais comme un satyre la tête en bas, en opposition à Apollon, qui, saisi dans l’acte de dépouiller le
silène de sa peau, paraît accomplir un geste nécessaire à son rituel.

La posture de Midas contrecarre celle du jeune assistant d'Apollon, surveillant sa lyre : tandis que le
roi se veut le symbole du faux jugement par son geste de se couvrir les yeux (car n’arrivant pas à
soutenir le macabre spectacle, il ne parvient pas non plus à comprendre la vérité) ; le jeune homme,
au contraire, participe, envoûté au dépouillement du silène, parce qu’il est désormais digne et prêt à
recevoir le message de la révélation par la divinité21.

Le Salon des chevaux peut être considéré comme la spacieuse antichambre des appartements de
Frédéric II. Sur les murs les destriers pur-sang, motif d’orgueil des écuries ducales, rappellent la
fonction originaire de l'île. Ici, les seigneurs de Mantoue élevaient leurs célèbres chevaux et
venaient passer leurs heures de détente et de loisirs, séjournant dans un petit édifice qui sera
incorporé plus tard à l’ensemble des travaux de Jules Romain. La célébration des chevaux constitue
un motif traditionnel de l’iconographie des Gonzague, qui sera par la suite introduit dans d'autres
bâtiments appartenant à la prestigieuse Signoria22.

Sur les murs de la salle on peut distinguer six imposants portraits des plus rares et précieux destriers
de la famille Gonzague. Les noms écrits à la base de chaque fresque ont permis d'identifier
quelques-uns des chevaux les plus aimés par le marquis, comme par exemple Morel Favorito, mort
le 19 Octobre 1524. L'image montre un fort relief apparent du volume du cheval (techniquement
« saillie »), en harmonie avec le programme artistique de Jules Romain et correspondant à
l’effective robustesse du cheval. Son nom, Morel, dérive de la couleur de sa robe, qui était selon les
dires d’un gris foncé, voire d’un noir.

21
Pour la description de la salle : Verheyen E., Correggio’s Amori di Giove, in “Journal of the Warburg and the
Courtauld Institut”, 1966, XXIX, pp. 160-162; Verheyen E., Die Sala di Ovidio im Palazzo del Te, in “Romisches
Jahrbuch fur Kunstgeschichte, vol. XII, 1969, pp. 161-170; Verheyen E., The Palazzo del Te in Mantua: images of love
and politics, Baltimora 1977; Suitner G., Tellini Perina C., Palazzo Te a Mantova, Milan 1990, pp. 47-49; Belluzzi A.,
Palazzo Te a Mantova, Panini, Modena 1998, vol. I, pp. 345-352, vol. II, pp. 86-111; Calzona L., in Cieri Via C., L’arte
delle Metamorfosi. Decorazioni mitologiche nel Cinquecento, Rome 2003, pp. 233-234.
22
Voir le Palazzo Ducale à Mantoue.
12
Salon des chevaux

Les chevaux, peints de profil, sont enchâssés dans de fausses architectures, entre des statues de
divinité mythologiques, des figures historiques et des bas-reliefs peint à la sanguine, qui - simulant
des bronzes – représentent de épisodes de l'histoire d'Hercule, rappelant au spectateur les vertus et
les victoires militaires de Frédéric II. Quatre scènes appartiennent au cycle des Travaux d’Hercule
(Le lion de Némée, le taureau de Crète, l'Hydre de Lerne, le chien Cerbère – où le chien infernal est
placé en correspondance du portrait de Morel Favorito), alors que deux autres sont des aventures
secondaires (l'Enlèvement de Déjanire, Hercule et Antée).

D’un point de vue stylistique, la peinture de Jules Romain dans cette pièce est d'un grand
raffinement et proche des influences de la Renaissance tardive. Encore que très pâles, les couleurs
utilisées sont lumineuses. Les vues en perspective et l’ornementation sont de grande qualité, ainsi
que leurs géométries linéaires et solennelles. L'illusionnisme pictural se révèle dans l'évocation des
architectures de style classiciste. La précellence de l’architecture sur les séquences de peinture
témoigne de la suprématie hiérarchique de la salle qui est le salon d’honneur du palais, d’autant plus
enrichi par la présence d’un plafond à caissons en bois sculpté et doré, et d’une monumentale
cheminée rustique23.

23
Bazzotti U., op.cit.
13
La pièce suivante est la Salle de Psyché exalte l'amour dans toutes ses manifestations et dans toute
sa puissance. La chambre est en effet un salon d’honneur destiné à recevoir les personnalités
prestigieuses ou pour célébrer des fêtes et des banquets. Les informations concernant le
déroulement des travaux de cette chambre sont peu nombreuses ; nous retrouvons la seule
référence explicite dans une lettre de Jules Romain du 31 Août 1528 "Moi et Rinaldo, nous
continuons les travaux de la salle des Vents et du grand salon" 24. Dans son programme artistique,
Jules Romain vise à représenter les épisodes de l'histoire de Psyché , telle qu’elle est racontée dans
L’âne d'or d'Apulée25. Les scènes occupent la surface très hétérogène du plafond et des murs, où sur
lesquels sont représentés deux festins : le banquet rustique et le festin des dieux, organisé en
l'honneur de Psyché et de Cupidon. Dans la structure de la narration sont insérés trois épisodes
d’amours bestiales ( Polyphème, Jupiter sous la forme d’un géant embrasse Olympia, Pasiphaé
entre dans la vache construite par Dédale ) et trois d'amour divin (Vénus et Mars se baignant,
Adonis chassé de la chambre de Vénus, Bacchus consolant Ariane ) .

Salle de Psyché – mur sud

24
Belluzzi A., Palazzo Te a Mantova, Modena 1998, p. 371.
25
Dans le récit d'Apuleio Psyché il est fille d'un Roi et fille de beauté extraordinaire qu'il déchaîne la jalousie de Vénus
mère d'Amour qui ordonne au fils de susciter en elle la passion pour un être humain méprisable. Mais le Dieu se
s'éprent de la fille éperdument, ignorante du méchant je dessine de Vénus, et en venant moins à sa charge, pour la
défendre et lui aimer la fait mener dans un immeuble protégé et merveilleux où il peut aller chaque nuit à leur faire
visite sans jamais se dévoiler, en les congédiant de la chambre nuptiale aux premières lumières du jour. Amour met une
condition seule à la Psyché: ne pas vouloir découvrir son identité effective, peine l'abandon. Une nuit cependant Psyché
poussée par les soeurs à ne se pas fier de mots d'Amour et convaincue qu'il puisse être un dragon évoqué par l'oracle
d'Apollon, dans l'attente d'un fils et troublée par la défense absolue de regarder le camarade de nuit, il décide de se
rapprocher de caché à lui pour en voir le vrai visage. Ensuite, armée de couteau et munie d'une lampe à l'huile, il tente
de faire lumière pour dévoiler le mystère qui enveloppe la nature d'Amour. Par mégarde une goutte d'huile cola de la
lampe à huile, en tombant sur l'épaule du Dieu qui se réveille au soudain et, déçu, la fille abandonne. Dans la
désespérée il recherche du perdu Amour Psyché il joint à l'Immeuble de Vénus où la déesse, remuée par la colère, il la
soumet aux nombreuses preuves que le jeune réussit à dépasser cependant. Entre temps Amour, cueilli par nostalgie
inconsolable, il se pose à la recherche de la bien-aimée et, la trouvée, il décide de ne la pas abandonner plusieurs, en
demandant à Jupiter la permission de l'épouser. Jupiter l'accorde et il ordonne à Mercure, dieu des transmutations et
messager des dieux, de mener Psyché sur l'Olympe, il les sera conférées où l'attribut de l'immortalité.
14
L'histoire de Psyché et de Cupidon était connue depuis l’Antiquité, si bien que les premières
attestations sont présentes chez Méléagre 26, mais c’est notamment dans les œuvres d’Ovide 27 et
d’Apulée que l’on retrouve la version la plus complète du mythe. Toutefois Psyché, en tant que
personnification de l'âme humaine, n’apparaît dans la mythologie que dans une période tardive.
Successivement, le mythe a été réinterprété dans un sens néo-platonicien, et puis chrétien, en
référence à l'immortalité de l'âme.

L'épisode décrit par la peinture de Jules Romain représente le moment où Psyché, à l'instigation de
ses sœurs jalouses, décide de découvrir le vrai visage de Cupidon, défiant ainsi son divin désir de
rester caché. Psyché et Cupidon, souvent représenté comme deux jeunes gens ailés, sont aussi les
protagonistes d’un mythe lié aux rites d’initiation et d’accès aux mondes infernaux. L'histoire de
Psyché et de Cupidon a fasciné les hommes de la Renaissance, qui voyaient dans les vicissitudes
des deux amants la métaphore du long et tortueux chemin de la connaissance menant l'âme à la
rencontre du "Bien" absolu à travers l’Amour et donc par l'expérience, le sacrilège et le destin, la
perte et la rédemption.

Salle de Psyché – mur est

L'histoire de la princesse aimée par Eros et persécutée par Aphrodite sont une probable référence à
la liaison entre Frédéric II et Isabella Boschetti, dont l’amour fut contré par Isabelle d'Este.

Il existe plusieurs interprétations de l'ensemble du cycle décoratif. Certains chercheurs 28, en se


référant au commentaire de Béroalde aux Métamorphoses d'Apulée, en proposent une interprétation
d’orientation néoplatonicienne. Le Désir et l’âme demandent la libération du monde terrestre,

26
Meleagro, Antologia Palatina, voir Storie di Amore e Psiche, a cura di A. Zesi, in introduzione, Roma, 2010.
27
Livres IV e VI.
28
Hartt F., Giulio Romano, New Haven 1958, vol. I, pp. 126-140
15
représenté ici par les amours des hommes et des dieux. D’autres spécialistes 29, par contre, rejettent
cette exégèse, en mettant en valeur une lecture érotique : la chambre serait donc le temple de
l'amour. Bacchus et Ariane dans le mur septentrional et Olympias et Pasiphaé à l’est avec Apollon,
qui était présent dans la partie méridionale à l’entrée de la salle des Vents, semblent avoir un lien
l’un avec l'autre30.

Arianna est la fille de Minos et de Pasiphaé, Pasiphaé est la fille d'Apollon et Perses, Apollon est le
fils de Zeus et de Léto. Ils ont une chose en commun, la célébration de relations extraconjugales.
Pasiphaé préfère un taureau à son mari ; la scène sur le mur oriental représente, donc, un adultère.
Aussi Olympias préfère-t-elle Jupiter à son mari Philippe. Ces représentations de l'amour adultère
peuvent faire penser à la passion de Federico Gonzaga pour Isabella Boschetti, qui était à l’époque
mariée. Dans la salle, d’ailleurs, l’emblème de la salamandre avec la devise «quod me Huic Deest
Torquet" est bien visible et fait référence à la passion érotique, qui, absente chez la salamandre,
comble le cœur de Frédéric II. Partout dans le salle, les peinture et les fresques racontent des
histoires d’amour contrariés, clandestines, tragiques, non partagées. La contrepartie orgiaque liées à
ces amours est reléguée aux surfaces murales31.

La salle adjacente, le Salon des Vents, est consacrée à l'influence des astres et déploie une très
élégante voûte qui s’articule par ses arcs en nervure en des surfaces géométriques de mailles
hexagonale et plaques en reliefs. Les douze signes du zodiaque et leur influence sur les
comportements et les activités humaines font l’objet des médaillons situés à l'intérieur de la salle,
dont les noms dérivent des figures personnifiant les vents et qui se trouvent dans les lunettes au-
dessus des médaillons.

A travers une représentation complexe et imaginative de l'ancienne tradition astrologique, cette


pièce contient une inscription en latin (appartenant à Juvénal) sur le linteau de la porte sud, de
Juvénal : DISTAT ENIM quae SYDERA TE EXIPIANT , qui traduit signifie : DISTAT ENIM
QUAE SYDERA TE EXIPIANT " (à savoir «il y a en effet différence selon les étoiles qui

29
Verheyen E., The Palazzo del Te in Mantua, Londres 1977
30
Ibidem.
31
Carpeggiani P.- Tellini Perina C., Giulio Romano a Mantova, Mantova 1987, pp. 75-84; The Oxford guide to
classical mythology in the arts 1500–1990, University Press, Oxford 1993, p. 842; Belluzzi A., Palazzo Te a Mantova,
Modena 1998; De Romanis A., Mantova – Palazzo Te, Mantova – Palazzo Te, Sala di Amore e Psiche, dans L’arte
delle Metamorfosi, Decorazioni mitologiche del Cinquecento, editée par Cieri Via C., Lithos, Rome 2003, pp. 232-233,
236-237.
16
t’accueillent (à la naissance) ») . La croyance selon laquelle les astres exercent une influence
primordiale sur la formation du caractère, de la personnalité et du comportement des individus a des
origines anciennes.

plafond, Salon des Vents

Les maisons de la Renaissance sont souvent des endroits où le complexe symbolisme astrologique
se veut une représentation de la vie et de son déroulement dans l’avenir au-delà de tout jugement de
la raison. Dans cette salle, en outre, une autre conception de grand intérêt est exhibée : les seize
médaillons, ou tondi, expliquent comment la vie humaine est influencée non seulement par les
constellations du zodiaque mais aussi par celles qui tout en se trouvant à l’extérieur de ce système
sont présentes au moment de la naissance. Dans les fresques, Jules Romain s’inspire de certains
passages de Manlius32, en créant en même temps des figures qui sont un écho et un hommage aux
formes de Michel-Ange33 .

La Salle des Aigles ,qui est adjacente au salon des vents, est la chambre de Frédéric II. Le grande
pavillon est ancré au plafond et aux murs par des coquillages, remplies de rapaces héraldiques, à
savoir les armoiries de la maison de Gonzague. Dans la partie centrale du plafond, Phaéton tombe
du char du Soleil: il s’agit d’un des mythes les plus récurrents chez les artistes de la Renaissance ;
Jules Romain fait ici preuve d’une grande maîtrise grâce à une âge utilisation de la perspective, et
parvient à montrer très clairement le caractère tragique de la chute du héros34.

32
L’oeuvre de Manlius est le Astronomica.
33
Bazzotti U., Le Palais.., op.cit, p. 191-196; Signorini R, Distat enim quae sydera te excipiant. Le sorti degli uomini
“nella camera delli Pianetti et Venti” della villa del Te, Mantoue, 2000.
34
Bazzotti U., Le Palais.., op.cit, p. 209-211.
17
Plafond, Salle des Aigles

La Loggia de David nous conduit dans l'aile suivante du bâtiment, transformé en une somptueuse
maison d'hôtes pour les invités du marquis. Les histoires du roi biblique inaugurent un changement
radical dans le choix des sujets et des motifs ornementaux. La raison en est très simple: en 1530,
l'empereur Charles V était censé venir passer quelques jours à Mantoue, d’où il aurait rejoint
Bologne, pour être couronné par le pape Clément VII. C'était une occasion très propice pour
solliciter le futur empereur à anoblir au rang ducal la famille Gonzague. Ainsi Jules romain plaça
l’image de l’empereur dans le Panthéon des dieux et des héros. Les épisodes représentés sont tirés
de l’histoire de David, le personnage biblique de l'Ancien Testament35.

La fresque montre des images presque grotesques. David se trouve au centre de la composition dans
la lunette, placé sur l’entrée du côté nord de la loge, voisinant la Salle des Aigles. Le héros biblique
est représenté comme un jeune et vigoureux, aux cheveux longs, blonds, déterminé dans son dessin
de tuer le géant. Goliath est paré d’une armure argentée et d’un manteau bleu. La scène se situe sur

35
David fut le deuxième le roi d'Israël dansla première moitié du Xe siècle avant JC. La description donnée par la Bible
est celle d'un personnage au caractère complexe, capable d'une grande cruauté et de générosité à la fois, ainsi que d’une
grande intelligence politique et humaine, lui permettant de reconnaître les limites et les erreurs des hommes. L’épisode
le plus célèbre de sa vie est la bataille contre Goliath, le géant philistin qui terrorisait les Juifs. Le jeune David , qui est
arrivé dans le campement d'Israël pour apporter des vivres à ses frères ainés, décide de se présenter au roi d'Israël, Saül ,
en se déclarant prêt à se battre avec le géant . Ainsi, il surmonte la force de Goliath, l’étourdissant avec une pierre
lancée par une catapulte pour finalement le décapiter avec sa même épée. La valeur exemplaire de cet épisode rappelle
un thème héroïque qui est très récurrent dans la Bible, à savoir la faiblesse humaine, qui soutenue par la foi, et la force
liée à l'arrogance et la violence . En outre, aux trois armes brandie par le philistin - épée, lance , tige - David oppose le
nom de Dieu avec ses deux titres plus anciens, « Le Seigneur des armées » et « Dieu des armées d'Israël ».
18
un fond rocheux, tandis qu’en bas, sur la gauche, on peut voir trois personnages assistant à la lutte,
peut-être des philistins, selon une description littérale du récit biblique.

L’iconographie, contrairement à d'autres représentations célèbres de la Renaissance riches en


pathos, subit ici une relecture moins dramatique par le caractère ironique et presque irrévérencieux
du peinte se faisant l’interprète du langage visionnaire de Jules Romain, sans altérer l’expressivité
et la plasticité de sa peinture. L’inuentio maniériste est visible dans l’accentuation des
caractéristiques anatomiques de David et dans la réaction, peu réaliste, de Goliath. Les couleurs
utilisées dans ce tableau sont vives, quoiqu’ils soient de nos jours moins fortes qu’à l’époque de
Jules Romain.

La Chambre des Stucs est constitué uniquement par des reliefs en stuc blanc. Les représentations
monochromes sur les murs et sur la voûte, avec des scènes de bataille, communiquent à
l’observateur des sensations de silence et d’abstraction. Ils sont une allusion explicite à la personne
du commanditaire (les armoiries familières, du type antérieur à la dignité ducale conférée en 1530)
et de la souveraineté impériale. Cette parade militaire se veut donc un hommage à Charles V36.

Chambre des Stucs

36
U. Bazzotti, Le Palais.., op.cit., p. 221.
19
La Chambre des Empereurs est dominée par des sujets héroïques et les exempla du bon
gouvernement. Les sujets expriment la volonté de Frédéric II de célébrer la pensée et la conduite
d’un prince moderne qui sait gouverner et combattre, en s’inspirant de la culture classique et des
exemples de justice du monde antique. Huit portraits d’empereurs se déploient autour du grand
panneau central que exalte la grandeur d’âme de Jules César, illustrée par un épisode tiré de la
Naturalis Historia de Pline l’Ancien37.

La salle la plus célèbre du palais est sans aucun doute le Salon de Titans , où les fresques racontent
la lutte des dieux de l’Olympe contre les Titans . Dans une grande pièce à la forme carrée, les murs
se disparaissent progressivement dans la voûte sphérique, greffée sur des coins arrondis qui sont
camouflés par des fresques, de façon à ce que architecture et peinture se lient de manière
irréversible. Un seul et unique dessin, qui va du sol au plafond, préside à l’ornementation de la
chambre. Utilisant toutes les possibilités de l’illusionnisme pictural, l’artiste parvient à un résultat
inédit : l’observateur est placé au centre des évènements et il semble en participer.

Salon de Titans
37
Apres la victoire de Pharsale, César s’empare des coffrets contenant les lettres de Pompée, mais il refuse de les lire et
donne l’ordre de les brûler. Bazzotti U., Le Palais…, op.cit., p.235.
20
Les sources littéraires du mythe des géants se trouvent dans la Théogonie d' Hésiode, les Fastes et
dans le premier livre des Métamorphoses d'Ovide38. Dans la voûte Jupiter, entouré par les autres
dieux, est représenté dans l'acte de lancer la foudre (qui lui donne Junon) contre les Géants,
puisqu’ils avaient qui avait tenté d’atteindre la montagne sacrée afin de prendre la place des dieux .
Ils sont représentés sur les murs, frappés par la foudre divine, lorsqu’ils sont en train de monter sur
l’Olympe, en ramassant des rochers, qui, les font tomber à leur tour.

Un aspect particulièrement intéressant de ces fresques vient notamment 39 de la présence d'éléments


étrangers au texte d'Ovide. Les modifications concernent l'apparition des Titans, qui chez Ovide
sont des monstres aux mille bras et ayant des serpents au lieu des pieds, tandis que dans la version
de Jules Romain, ils sont des hommes de taille énorme. De surcroît la présence des singes à
l’intérieur de la fresque constitue un autre élément novateur par rapport à la tradition classique40.

Le motif des Titans terrassés par Jupiter est en significations symboliques, et les fresques peuvent
être lues dans une interprétation allégorique, évoquant les évènements politique. L’empereur
Charles V serait représenté par Jupiter, triomphant sur ses ennemis – et, donc, sur les hérétiques -,
alors que les Titans rebelles, qui sont punis, seraient une métaphore visuelle des princes italiens en
révolte contre l'Empire. D'autres éléments ornementaux peuvent être également interprétés par des
significations ambivalentes : l’Olympe, la foudre, l'aigle sont tous des attributs de Jupiter, au même
titre que l’aigle est un attribut des Gonzagues. Jupiter foudroyant les titans est donc le symbole du
pouvoir impérial, dans lequel la Signoria veulent s’identifier.

Il s’agit alors de l’endroit le plus suggestifs et inattendu de la résidence, car ici, par son élan
visionnaire, Jules Romain a créé l’un des chefs-d’œuvre absolus du maniérisme européen. E ' est
l'espace le plus frappant et inattendu de l'immeuble. Dans la conception et la mise en œuvre des
scènes principales - où d’ailleurs l’intervention d’adjuvants tels que Rinaldo de Mantoue , Luca da
Faenza et Fermo Ghisoni est largement reconnaissable - , l'artiste montre sa créativité. Il s’est sans
doute inspiré des Salles du Vatican de Raphaël et de la vision titanesque de l’homme qu’on peut

38
Ovide, Metamorfosi, I, 151ss.
39
Guthmüller B. "Iconografia e iconologia della Sala dei Giganti di Giulio Romano." Mito, poesia, arte. Saggi sulla
tradizione ovidiana nel Rinascimento. Rome, 1997, p. 291-307.
40
En effet Jules Romain avait consulté la traduction de Niccolò degli Agostini, qui a son tour avait mal perpétué une
erreur d’interprétation, déjà présente dans les commentaires académiques que Giovanni del Virgilio avait fait pour les
Métamorphoses..
21
trouver chez Michelangelo Buonarroti. L’œil continue de se déplacer sans relâche d'un point à un
autre dans la salle , ne trouvant pas de repos à cause de la multiplicité des points de fuite41 .

plafond voûté, Salon de Titans

41
Hartt Frederick, Giulio Romano, New Haven 1958; Forster, K.W.-Tuttle, R.J. "The Palazzo del Te." Journal of the
Society Of Architectural Historians XXX (1971), p. 280; Tellini, Perina Chiara. "Il mito della caduta dei Giganti,
messaggio politico e allegoria morale." I Giganti di palazzo Te. Mantova, 1989, p. 61-78; Oberhuber, Konrad.
"L'appartamento dei Giganti." Giulio Romano. Milano, 1989, p. 364-74.

22
3. Conclusions

Vers la fin du Moyen-âge, l’Italie était fragmentées en de nombreux petits royaumes, dont la plupart
étaient gouvernés par des familles aristocratiques, s’étant progressivement emparées du pouvoir par
la suppression ou par l’affaiblissement des anciennes traditions municipales et républicaines.
Malgré leur incontestable hégémonie, les grands seigneurs s’engagèrent à légitimer leur pouvoir par
divers moyens : d'abord, à travers la reconnaissance des titres de noblesse par l'empereur du Saint
Empire romain germanique, qui était encore formellement le souverain dans la majorité des
territoires de la péninsule, mais surtout grâce à la propagande et l'utilisation à des fins politiques des
œuvres appartenant aux intellectuels et artistes, dont ils étaient les mécènes.

Les grands seigneurs de la Renaissance attiraient sous leur égide les meilleurs esprits de notre pays
quel que soit leur domaine de compétence, de la littérature au théâtre, de la peinture à l'architecture,
en leur offrant des conditions parfaites pour qu’ils puissent faire preuve de leur talent et en
demandant en échange de célébrer par leur expertise le triomphe de l’aristocratie et de leurs maîtres.
Dans la pratique, il s’agissait de légitimer le pouvoir despotique du prince par une conciliation entre
les vertus de la paix et de la guerre, que les lettrés et les artistes explicitaient dans leurs ouvrages et
dans leurs peintures

L’intégration entre l'histoire de Rome et la mythologie s’avéra efficace pour donner dignité et
prestige au pouvoir seigneuriale, le parant d’un aura d’austérité, remontant aux anciennes racines
romaine de l’Italie, ce qui est en opposition avec le caractère éphémère et précaire de son pouvoir
mondain.

23
BIBLIOGRAPHIE

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24
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