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Poétique

des
Liaisons dangereuses
CHRISTINE BELCIKOWSKI

POÉTIQUE
DES
LIAISONS DANGEREUSES

LIBRAIRIE JOSÉ CORTI


11, RUE DE MÉDICIS — PARIS
1972
INTRODUCTION

L'impétueux musée de nos songes, qui maîtrise le


temps en le pliant au rythme de nos secrets désirs 1

Il est une phrase de Paul Eluard, dans l'introduction au


Château d'Otrante, qui éclaire d'une lueur singulière l'uni-
vers des Liaisons dangereuses :

Aucun sens des objets fictifs de la tragédie classi-


que, aucune science du vif ni du cadavre, pas une
couleur, une sensibilité par instants presque éteinte,
la mort confirmée par une vie parvenue à ses fins
n o c t u r n e s 2

Ce rapprochement abrupt peut avoir, au premier abord,


quelque chose de scandaleux. Les Liaisons dangereuses
brillent, en effet, au zénith dans ce ciel de l'analyse psy-
chologique où se déploient tous les raffinements de l'intel-
ligence du cœur humain dans l'espace logique de la raison.
Mais il ne faut pas que la gloire des Lumières obscur-
cisse le véritable visage du roman. Loin de célébrer l'apo-
théose de l'être, il est une épiphanie de l'objet. Il est, pour
reprendre le mot de Paul Eluard, « apparition pour la
première fois, de l'objet comme héros, apparition de

1. Gilbert Durand, Le Décor mythique de la Chartreuse d e


Parme, p. 240.
2. Le Château d'Otrante, trad. Dominique Corticchiato, p. 8.
l'image concrète totale 3 ». Seules changent la matière et la
forme de l'objet. De « gigantesque heaume, cent fois plus
grand qu'aucun casque jamais fait pour un être humain,
et couvert d'une quantité proportionnée de plumes noi-
r e s », il s'est fait corps de femme, et corps de femme
tellement gigantesque qu'il envahit tout l'espace de l'ima-
ginaire. Valmont le constate dès le début du roman :

Je n'ai plus qu'une idée : j'y pense le jour et j'y


rêve la n u i t

La monstruosité de l'objet ne tient pas à son apparence,


mais à l'intensité obsédante de sa présence.
C'est le corps de Mme de Tourvel :

Grâce aux chaleurs que nous éprouvons, un désha-


billé de simple toile me laisse voir sa taille ronde et
souple. Une seule mousseline couvre sa gorge ; et mes
regards furtifs, mais pénétrants, en ont déjà saisi les
formes enchanteresses 6

Si l'auteur ne prend pas la peine de décrire l'objet avec


précision, c'est que celui-ci n'est pas un spectacle que l'on
détaille, un texte que l'on déchiffre, mais une présence que
l'on devine, que l'on désire et que l'on craint. L'objet et
le regard s'affrontent en une dialectique qui n'est pas sans
rappeler celle du maître et de l'esclave. Mais c'est l'objet
qui est maître à ce jeu, et le regard esclave, car le pouvoir
de l'objet s'exerce sur le mode de la fascination, de l'en-
chantement, du sortilège.

Le regard fasciné s'alanguit, se brouille. Lâchant sa


proie, il se prend au piège de l'ombre. Il glisse sur la pente
de la rêverie. Ainsi en est-il pour Mme de Merteuil,

3. Ibid., p. 7.
4. Ibid., p. 22.
5. Les Liaisons dangereuses, p. 18.
6. Ibid., p. 21.
aux yeux de laquelle Cécile Vol anges se transfigure sou-
dain en une Marie-Madeleine d'occasion qui semble échap-
pée au clair-obscur d'un tableau de Georges de La Tour :

Elle n'avait point fait de toilette, et bientôt ses che-


veux épars tombèrent sur ses épaules et sur sa gorge
entièrement découvertes ; je l'embrassai ; elle se laissa
aller dans mes bras, et ses larmes recommencèrent à
couler sans effort. Dieu, qu'elle était belle. Ah, si
Magdeleine était ainsi, elle d u t être plus dangereuse
pénitente que pécheresse 7

Cet imperceptible glissement du réel vers l'imaginaire,


c'est tout le mouvement du roman. L'image insaisissable
du corps surgit à chaque instant, mystérieuse, devant le
regard, comme Eurydice devant Orphée au seuil des enfers.
A la manière d'un lapsus, elle fait entrer l'inconnu dans
le discours de la Marquise. Derrière les mots émerge peu
à peu tout le continent de l'informulé. Au cœur même du
roman se découvre une profondeur secrète. L'écart du réel
à l'imaginaire dessine l'espace de la rêverie. On pourrait
reprendre, à propos de l'image du corps dans Les Liaisons
dangereuses, l'analyse qu'esquisse Michel Foucault à pro-
pos du délabrement du symbolisme gothique :

Les formes gothiques... ne manifestent plus, hors


de tout langage possible, mais pourtant dans la fami-
liarité du regard, que leur présence fantastique... Le
sens ne se lit plus dans une perception immédiate, la
figure cesse de parler d'elle-même ; entre le savoir qui
l'anime, et la forme dans laquelle elle se transpose, u n
vide se creuse. Elle est libre pour l'onirisme 8

L'image du corps échappe au regard. Unique et multiple


à la fois, elle se gonfle d'un tel foisonnement d'apparences
et de significations qu'elle déborde les cadres logiques pour
accéder à la dimension de l'irrationnel. Elle fuit, moqueuse,
comme les grues devant Maldoror :

7. Ibid., p. 129.
8. Michel Foucault, Histoire de la folie à l'âge classique, p. 22.
Comme un angle à perte de vue de grues frileuses,
méditant beaucoup qui, pendant l'hiver, vole puis-
samment à travers le silence, toutes voiles tendues,
vers un point déterminé de l'horizon, d'où tout à
coup part un vent étrange et fort, précurseur de la
tempête 9

Comme un angle à perte de vue, l'image du corps s'éloi-


gne et se transfigure dans la profondeur de l'imaginaire.
Elle glisse au-delà d'elle-même, et tout le roman glisse avec
elle vers l'infini. Dans ce mouvement de fuite, elle retrouve,
mise « en abîme », la poésie. N'est-ce pas la perpétuelle
mobilité des images, leur merveilleuse aptitude à se former
et déformer en d'éphémères paysages, aussi changeants
que les nuages, qui, faisant glisser le réel vers l'imagi-
naire, le métamorphosent en poème ? Gaston Bachelard
écrit :

Le poème est essentiellement une aspiration à des


images nouvelles 10

Toute poésie est en expansion. Loin de s'inscrire dans


la permanence d'une forme, elle se déploie dans le deve-
nir des images. Au gré du dynamisme de l'imaginaire, elle
s'élabore en un rythme secret, espèce de « frisson surna-
turel et galvanique 11 » qui gagne d'abord le réel et n'en
finit pas de se prolonger dans l'espace infini du songe. Car
toute image renvoie à un au-delà d'elle-même, fait d'asso-
ciations, de réminiscences qui convergent vers les champs
magnétiques de l'inconscient, là où toutes choses prennent
la forme du désir. Elle comporte une part d'inconnu. Dans
son ombre, tout peut surgir, le paradis comme l'enfer. Elle
est l'image du possible :

9. Lautréamont, Les Chants de Maldoror, p. 36.


10. Gaston Bachelard, L'Air et les Songes, p. 8.
11. Charles Baudelaire, Edgar Poe, sa vie et ses œuvres, Edgar
Poe, Œuvres, p. 1046.
La valeur d'une image se mesure à l'étendue de
son auréole imaginaire. Grâce à l'imaginaire, l'imagi-
nation est essentiellement ouverte, évasive. Elle est
dans le psychisme humain l'expérience même de
l'ouverture, l'expérience même de la nouveauté

Inlassablement, la poésie découvre de nouveaux pay-


sages, insoupçonnés, qui semblent surgir, au cœur du réel,
de la profondeur même de l'imaginaire, dans un silence
que les mots commentent, mais ne troublent pas, ourlant
seulement de leur frange bruissante l'insondable mystère
qui leur a donné naissance. Elle se mue en une vision fan-
tastique. L'onirisme point au fond du regard jeté sur le
monde :

Des échappées magnifiques, gorgées de lumière et


de couleur, s'ouvrent soudainement... et l'on voit
apparaître... des villes orientales et des architectures,
vaporisées par la distance, où le soleil jette des pluies
d'or 13

Ce silence où s'accomplit la poésie, accuse l'insuffisance


de la parole. Il dénonce son impuissance à rendre présente
l'ombre invisible des instances imaginaires. Car les mots,
pris séparément, se montrent incapables de dire autre chose
que le réel. L'imaginaire, autrement dit le fantastique, est
question de regard. Il ressortit à une certaine vision du
monde, plus métaphysique que pittoresque, qui transfi-
gure toutes choses en projetant sur le monde extérieur
les structures d'un monde intérieur, entièrement déterminé
par la logique singulière des fantasmes. Tout comme
l'opium, l'imagination a pour effet de promouvoir une per-
ception anormale, au sein de laquelle toute vision, du fait
de son exorbitance, confine à l'hallucination. Image et
mirage se confondent dans le même clair-obscur de la
raison. Le monde devient songe à la faveur d'un vertige
qui rend toute certitude précaire et toute vérité illusoire.

12. L'Air et les Songes, p. 7.


13. Charles Baudelaire, Edgar Poe, sa vie et ses œuvres,
p. 1046.
Naturellement instable, mouvante, l'imagination introduit
au sein des œuvres qu'elle anime, u n principe de désé-
quilibre qui, déplaçant le centre de gravité autour duquel
elles s'ordonnaient, les fait basculer dans la profondeur,
toujours redoublée, de la rêverie au seuil du mystère. Elle
fait éclater la forme fermée, chère au classicisme, en une
forme ouverte qui appelle la multiplicité des interpréta-
t i o n s e t d e s r é s o n a n c e s a f f e c t i v e s 14 L ' a p p a r e n t e t o t a l i t é d e

l ' œ u v r e a c h e v é e s e f o n d d a n s l ' i n f i n i d e s i m a g e s . T o u t e

p o é s i e , m a l g r é l a g e n è s e q u i e n s u b o r d o n n e l a n a i s s a n c e à

l ' e x i s t e n c e p r é a l a b l e d ' u n e f o r m e , r e t o u r n e a u s e i n d e c e

c h a o s i m a g i n a i r e d o n t l e s i n s t a n c e s f a m i l i è r e s à l ' i n t i m i t é

d e l ' ê t r e , t e n d e n t s a n s c e s s e à s ' a c t u a l i s e r , d a n s u n e s o r t e

d ' é p a n c h e m e n t o n i r i q u e q u i f o r c e l e s p o r t e s , d ' i v o i r e o u

d e c o r n e , d o n t l e s e u i l s é p a r e le m o n d e e x t é r i e u r d u m o n d e

i n t é r i e u r , t a n d i s q u e s ' a b o l i s s e n t , u n e à u n e , l e s c a t é g o r i e s

d e l a r a i s o n . L ' i m a g i n a i r e s e d é p l o i e d a n s le d é s o r d r e d u
r é e l . P a u l C l a u d e l le d é c l a r e s o l e n n e l l e m e n t a u d é b u t d u

S o u l i e r d e s a t i n :

S i l ' o r d r e e s t le p l a i s i r d e l a r a i s o n , le d é s o r d r e e s t

l e d é l i c e d e l ' i m a g i n a t i o n

Il y a d u p a r a d o x e à v o u l o i r f a i r e d e s L i a i s o n s d a n g e -

r e u s e s u n p o è m e . C e l i v r e é t r a n g e s e d r e s s e a u s e u i l d e l a

r ê v e r i e c o m m e u n e i n e x p u g n a b l e f o r t e r e s s e . A l ' i n c e s s a n t

d é f e r l e m e n t d u s o n g e , il o p p o s e le g r a n i t d e s e s m é t a p h o -

r e s m i l i t a i r e s q u i d e s s i n e n t , a u d é t o u r d e s p h r a s e s , t o u t

u n p a y s a g e c r é n e l é , à l ' a s s a u t d u q u e l v i e n n e n t m o u r i r ,

i n l a s s a b l e m e n t , l e s f l o t s d e l ' i m a g i n a i r e . O u v r a g e f o r t i f i é , il

t e n t e d ' a s s u r e r l a p e r m a n e n c e d e l ' o r d r e f a c e à l ' é m e r -

g e n c e m e n a ç a n t e d u d é s o r d r e . L e s m é t a p h o r e s m i l i t a i r e s ,

c o n t r a i r e m e n t à l a p l u p a r t d e s a u t r e s m é t a p h o r e s , r é s i s -

14. Pour les notions de forme ouverte et de forme fermée, voir


Heinrich Wölfflin, Principes fondamentaux de l'histoire de l'art,
III, p. 135-166.
15. Paul Claudel, Le Soulier de satin (pour la scène), Théâtre,
t. II, p. 952.
tent à l'expansion imaginaire. Elles concentrent la rêverie
sur un objet qui sert de cible à leur visée. Rien ne subsiste,
dans leur mouvement, de ce léger flou, de cette marge
d'imprécision propres au songe et qui nimbent toutes
choses d'un halo de poésie. Les métaphores militaires n'ont
rien d'évasif. Elles volent vers le but qui leur est assigné,
comme la flèche vers sa cible. Bien plus qu'à l'effet, au
retentissement imaginaire, elles visent à l'efficace. A la dif-
férence des métaphores proprement poétiques qui carac-
térisent une vision du monde, un sentiment de l'existence,
une esthétique, elles déterminent un comportement, une
manière de vivre le monde plus que le sentir, une éthique.
A travers elles se déploie toute l'intelligence instrumen-
tale de Valmont et de Mme de Merteuil qui cherche à
maîtriser le réel en le prenant au piège d'une stratégie.
Celle-ci témoigne, chez ceux qui l'ont conçue, d'une extrême
volonté d'adéquation des moyens aux fins, dans laquelle
la pensée s'efforce non seulement de coïncider avec l'action,
mais encore de la gouverner, en réduisant au maximum
l'incidence des facteurs imaginaires, toujours présents au
cœur des situations apparemment les plus limpides, dans
un effort de rationalisation qui a pour but d'abolir le
hasard. Toute la stratégie amoureuse de Valmont et
Mme de Merteuil tend à transmuer la passion en raison,
à la dépouiller de sa singularité pour en dégager l'essence
éternelle, la loi. Roger Vailland remarque :

Laclos s'applique à découvrir la loi sous le phéno-


mène et, sous les apparences de l'amour, une formule
qui les explique, un rapport simple, analogue à ces
équations qui, malgré l'infinie variété des circons-
tances, permettent à l'officier d'artillerie de calculer
sans erreur la trajectoire d'un p r o j e c t i l e

On pressent déjà, derrière ce goût pour une géométrie


des âmes, le logicisme de Kant, selon lequel la volonté de
tout être raisonnable émane de l'ordre du monde et peut
se déduire a priori de la structure formelle de la raison.

16. Roger Vailland, Laclos par lui-même, p. 27.


Si l'on excepte le dénouement, on peut dire que Les Liai-
sons dangereuses se fondent sur une logique de l'action.
Telle une démonstration, toute la démarche du roman
tend à vérifier les lois d'une psychologie traditionnelle dont
la connaissance constitue une forme de sagesse, celle-là
même que détient Mme de Merteuil. Aussi paradoxal que
cela puisse paraître, « l'impeccable s a t a n i s m e » de la
Marquise participe de la raison et des Lumières. Il ne fait
qu'aménager à des fins ténébreuses, mais inscrites dans
l'ordre des possibles, « les rapports nécessaires qui déri-
vent de la nature des choses ». L'univers des Liaisons dan-
gereuses est celui de la loi. Le temps n'y possède ni la
nouveauté ni le mouvement qui caractérisent le devenir.
L'ancien y préfigure entièrement le nouveau. Tout le poids
du passé pèse sur le roman, qui change le devenir en des-
tin. Le présent, entièrement déterminé par le passé, n'est
plus le temps de la liberté et du jaillissement, mais celui
de l'éternel retour. Tout s'y résout dans l'identité. Et les
amours naissent et meurent, s'enchaînent et se répètent à
l'infini, sans rien changer à l'ordre du monde. C'est sur la
reconnaissance d'un déterminisme universel que Valmont
termine sa dernière lettre à Mme de Tourvel :

Ainsi va le monde. Ce n'est pas ma f a u t e

Dans un tel univers où le récit devient simple logique


des actions et non exaltation de l'insolite, comme le veut
le genre romanesque, l'intérêt se porte moins sur le pro-
jet de la Marquise de Merteuil que sur les variations sus-
ceptibles d'intervenir dans la réalisation de celui-ci. Il est
remarquable que le formaliste Tzvetan Todorov ait pu
consacrer tout un article à l'étude des structures élémen-

17. Robert Mauzi, L'Idée du bonheur au dix-huitième siècle,


p. 521 : « La raison instrumentale qui transparaît dans l'arithmé-
tique morale de Maupertuis, dans « l'épicurisme de la raison »
selon Julie et l'ingénieuse thérapeutique de M. de Wolmar, se
prolonge jusqu'à l'impeccable satanisme de la Merteuil dans Les
Liaisons dangereuses. »
18. Les Liaisons dangereuses, p. 338.
t a i r e s a u sein d e s L i a i s o n s d a n g e r e u s e s 19 Roger V a i l l a n d
a v a i t d é j à p a r l é de « figures ». Mais T z v e t a n T o d o r o v v a
p l u s loin d a n s l ' a b s t r a c t i o n , en é t u d i a n t « n o n p a s l ' œ u -
vre m a i s les v i r t u a l i t é s d u d i s c o u r s littéraire, q u i l ' o n t
r e n d u e p o s s i b l e ». Il d é t e r m i n e ainsi, d a n s l ' e n s e m b l e
des r e l a t i o n s q u i u n i s s e n t les p e r s o n n a g e s , t r o i s m o d è l e s
s i m p l e s de r a p p o r t s , p r é d i c a t s de b a s e à p a r t i r d e s q u e l s
s ' o r g a n i s e le r é c i t :

A p r e m i è r e vue, ces r a p p o r t s p e u v e n t p a r a î t r e t r o p
divers, à c a u s e d u g r a n d n o m b r e de p e r s o n n a g e s ;
m a i s o n s ' a p e r ç o i t vite q u ' i l est facile de les r é d u i r e
à t r o i s s e u l e m e n t : désir, c o m m u n i c a t i o n et p a r t i c i -
p a t i o n 21

De ces p r é d i c a t s d é c o u l e n t d e s règles d ' a c t i o n q u i d é t e r -


m i n e n t n o n p l u s la s t r u c t u r e i n i t i a l e d u récit, m a i s les
modifications de celle-ci qui, f a i s a n t r e b o n d i r le r o m a n , en
m é n a g e n t la p r o g r e s s i o n . T z v e t a n T o d o r o v les f o r m u l e s u r
le m o d e de p r o p o s i t i o n s g é o m é t r i q u e s .

Une sorte de r i g u e u r m a t h é m a t i q u e p r é s i d e à l ' é l a b o r a -


tion d u récit. Une v e n g e a n c e est m i s e e n é q u a t i o n . Mais
l ' é q u a t i o n , a u d é n o u e m e n t , a p p a r a î t fausse. Le m é c a n i s m e
de l'intrigue, p a r f a i t e m e n t r e m o n t é , p o u r t a n t , p a r les soins
de la M a r q u i s e , révèle s o u d a i n u n d é l a b r e m e n t d o n t o n ne
s a u r a i t d i r e e x a c t e m e n t à q u a n d il r e m o n t e et où l'origine
s ' e n situe. Le d r a m e éclate, i n e x p l i c a b l e « i n f r a c t i o n à
l ' o r d r e », si o n le c o n s i d è r e c o m m e l ' a b o u t i s s e m e n t logi-
q u e d u récit, m a i s dont, à r e b o u r s , le r o m a n s'éclaire
comme d'un jour nouveau.

On a beaucoup critiqué le dénouement des Liaisons

19. Tzvetan Todorov, « Les Catégories du récit littéraire », in


Communications, n° 8.
20. Ibid., p. 125.
21. Ibid., p. 133.
22. Ibid., p. 148.
dangereuses, sans voir qu'en dehors de lui, le roman n'au-
rait pu être. Tzvetan Todorov note justement cette parti-
cularité de construction :

Il ne s'agit pas d'une particularité mineure de la


construction mais de son centre même ; on a plutôt
l'impression que le récit entier consiste dans la possi-
bilité d'amener précisément ce dénouement... Le fait
que le récit perdrait toute son épaisseur esthétique et
morale s'il n'avait pas ce dénouement se trouve sym-
bolisé dans le roman même. En effet, l'histoire est
présentée de telle sorte qu'elle doit sa propre existence
à l'infraction de l'ordre. Si Valmont n'avait pas trans-
gressé les lois de sa propre morale (et celles de la
structure du roman), nous n'aurions jamais vu
publiée sa correspondance, ni celle de Merteuil : cette
publication de leurs lettres est une conséquence de
leur rupture et, plus généralement, de l ' i n f r a c t i o n

C'est le dénouement qui sert de clef de voûte à l'édifice


du roman. Il en détermine aussi le registre. Sans lui, le
drame ne serait qu'une histoire galante. Mais à travers lui,
le roman se hausse au niveau d'une interrogation méta-
physique, portant sur le Mal et son insertion dans l'ordre
du monde. Les Liaisons dangereuses s'inscrivent, en quel-
que sorte, à deux niveaux du récit. Sur la trame d'un
conte polisson se dessine, encore à l'envers, toute la fres-
que de l'inquiétude humaine que le dénouement dévoilera,
enfin, à l'endroit. Le roman peut donc se lire dans les
deux sens. Il n'offre, à l'endroit que sa face rationnelle,
celle de l'intelligence qui s'efforce, malgré le temps, malgré
le cœur et ses intermittences, de maîtriser le monde afin
de le résoudre dans la permanence de la loi. Mais le dénoue-
ment ne marque nullement l'avènement de cette loi. Cécile
Volanges n'épouse pas le comte de Gercourt. Mme de Mer-
teuil ne retrouve pas Valmont. Loin de terminer le roman
dans son registre initial, le dénouement le recommence
dans un nouveau registre. Annulant la première lecture, il
en propose une seconde, toute différente, à la lumière de

23. Ibid., p. 150.


la passion et non plus de la raison. Echappant à la durée,
à la perséverance dans un être qui le voue à la répétition,
le récit bascule dans la profondeur du temps, vécu comme
un perpétuel jaillissement, à la faveur duquel peut s'ac-
complir l'infini des possibles. Il entre dans le champ du
hasard, là où la raison doit céder sa place à l'imagination.
Georges Poulet a, pour définir cette autre face, toute irra-
tionnelle, du roman, une très belle formule :

Les Liaisons dangereuses ne sont un si admirable


roman que parce que Laclos a su, à travers le thème
le plus rigide, faire passer à contre-courant un thème
exactement inverse, le plus fortuit, le plus « XVIII
siècle », celui de la réapparition agile et flexible du
hasard à travers les calculs précis de la p e n s é e

La résurgence du hasard libère l'esprit du préjugé de la


raison. Ouvrant, au dernier moment, une nouvelle perspec-
tive sur le roman, elle invite à une réflexion qui se pro-
longe au-delà du livre et le reconstruit, dans le souvenir,
« tel qu'en lui-même, enfin, l'éternité le change ». Les Liai-
sons dangereuses ne trouvent leur sens que dans cette
deuxième lecture, toute imaginaire, qui, remontant sans
trêve le cours du roman, déjoue les calculs de la raison et
reconstitue la genèse des passions. Œuvre en suspens, du
fait du déséquilibre de leur forme qui oscille perpétuelle-
ment entre celle d'un traité consacré à l'art du libertinage
et celle, à la fois plus libre et plus grave, d'une véritable
méditation sur le malheur de l'homme en proie au désir
d'éternité, elles ne s'accomplissent que dans un prolonge-
ment imaginaire, celui-là même que vient constituer l'in-
finie rêverie de leur lecteur.

Dans ce glissement de la structure romanesque vers


l'imaginaire, tel qu'il s'observe au sein des Liaisons dan-
gereuses, on peut reconnaître un caractère propre à l'es-

24. Georges Poulet, La Distance intérieure, p. 77.


t h é t i q u e « rococo ». R o g e r L a u f e r n'écrit-il pas, p o u r défi-
n i r celle-ci :

L a r é u s s i t e de l ' œ u v r e rococo i m p l i q u e l ' h a r m o n i -


s a t i o n d ' u n d é s é q u i l i b r e . Les é l é m e n t s s y m é t r i q u e s ne
s ' o r d o n n e n t p a s a u t o u r d ' u n c e n t r e o m n i p o t e n t q u i les
d o m i n e et les justifie, c o m m e d a n s l ' œ u v r e c l a s s i q u e ,
m a i s la c l a r t é de l e u r o p p o s i t i o n i m p o s e l ' e x i s t e n c e
d ' u n c e n t r e i m a g i n a i r e , n o n représenté... L ' œ u v r e
rococo c a c h e son v r a i s u j e t qu'elle invite à d é c o u v r i r
d a n s le p r o l o n g e m e n t i m a g i n a i r e d ' é l é m e n t s reliés de
f a ç o n l â c h e a u s u j e t a p p a r e n t . . . m a i s ces é l é m e n t s ,
f o r t e m e n t s y m é t r i q u e s et simplifiés, i n d i q u e n t u n
c e n t r e de p r o j e c t i o n q u i seul p e u t les e x p l i q u e r

Mais il y a s u r t o u t , d a n s cette e x p a n s i v i t é des s t r u c t u r e s


r o m a n e s q u e s , u n d y n a m i s m e p o é t i q u e . Le g l i s s e m e n t d u
r é c i t n e f a i t q u e r e p r e n d r e celui d e s i m a g e s . Le m o u v e m e n t
de l ' e n s e m b l e r e p r o d u i t , en l ' a m p l i f i a n t , celui d u détail.
L ' œ u v r e possède, e n effet, u n m o u v e m e n t p r o p r e q u i se
r é p e r c u t e à t o u s les n i v e a u x et qui, d a n s s a r é c u r r e n c e ,
m e t en œ u v r e l ' u n i t é o r g a n i q u e d ' u n e s t r u c t u r e . Ce q u i
r e n d cette u n i t é possible, c ' e s t l ' e x i s t e n c e d ' u n c h a m p p e r -
c e p t i f initial, a u sein d u q u e l se déploie la vision d e l'écri-
vain. Le r e g a r d de celui-ci, e n m ê m e t e m p s q u ' i l e n v e l o p p e
les o b j e t s d a n s u n e p r i s e u n i q u e , élabore u n m i l i e u h o m o -
gène. Il d é t e r m i n e u n e s p a t i a l i t é originale, à t r a v e r s
l a q u e l l e s ' e x p r i m e la s t r u c t u r e m ê m e de l'être, e n t a n t
q u ' i l s'efforce de se p r o j e t e r et de s ' i n c a r n e r d a n s les
choses. T o u t e p e r c e p t i o n e s t h é t i q u e o u v r e u n nouvel e s p a c e
q u i a ses d i m e n s i o n s et ses p r o p r e s lois. L a p r o f o n d e u r ,
d i m e n s i o n privilégiée q u i s ' a v è r e la seule c a p a b l e de r e c r é e r
l ' i l l u s i o n de la vie, n ' e s t q u ' u n e t r a n s p o s i t i o n s p a t i a l e d u
m o u v e m e n t d ' e x p a n s i o n i m a g i n a i r e . Elle t é m o i g n e d ' u n e
a s p i r a t i o n secrète de l ' a u t e u r à l'évasion. L ' e x e m p l e d e s
L i a i s o n s d a n g e r e u s e s p e r m e t de c o n s t a t e r q u ' i l y a suffi-
s a m m e n t de j e u d a n s la m é c a n i q u e de la r a i s o n p o u r q u e
v i e n n e s'y glisser l ' i m a g i n a t i o n , et avec elle t o u s les fan-

25. Roger Laufer, Style rococo, style des « Lumières », p. 25-26.


tômes qui hantent les régions obscures de l'être. Le roman
apparemment le plus objectif porte la marque d'un psy-
chisme singulier qui est celui de son auteur. Car la dia-
lectique du réel et de l'imaginaire, telle qu'on peut l'ob-
server dans Les Liaisons dangereuses, ressortit à une dia-
lectique plus vaste qui gouverna toute la vie de Laclos.
Une image la résume ; c'est celle des forts et des places
fortes qui garnissent le rivage de l'Atlantique et où Laclos,
du temps où il n'était encore que lieutenant en second
affecté à la Brigade des Colonies, rêva d'expéditions outre-
mer. Le contraste des pierres et de la mer reproduit, au
niveau de l'imagination matérielle, celui de la raison et
de l'imagination. Et puis le rivage est à la lisière de deux
mondes ; d'un côté se dresse l'ancien monde, celui, selon
le mot de Roger Vailland, de « l'officier besogneux, que
son petit nom et son absence de fortune contraignirent à
faire carrière dans les garnisons de p r o v i n c e ». Monde
de l'absurde où l'on employait le jeune officier à construire,
sous les ordres de Montalembert, un misérable fort de
bois contre un ennemi qui ne viendrait pas. Montalembert,
au surplus, étant très mal vu du haut commandement,
savait qu'une fois le danger passé, « on ferait en sorte
que ses doctrines ne laissent pas de trace : son fort en
bois se dégraderait rapidement » et que « son adjoint ne
devait compter sur aucune faveur pour avoir contribué à
la construction d'un ouvrage aussi h é r é t i q u e ». Monde
fermé, inexorablement, faisant une prison de l'humaine
condition pour qui s'évanouit tout espoir d'évasion. De
l'autre côté, il y a le Nouveau Monde, encore invisible,
mais déjà marqué du sceau de la liberté et de l'aventure
qui en fait une patrie mythique à l'égal de l'ancienne Uto-
pie 28 Le bonheur, c'est l'Amérique pour Laclos, au moins
en 1778. Mais l'Amérique des mappemondes se double
d'une Amérique du cœur. Tout se tient dans l'esprit
humain. Tout se tient même dans les esprits humains.

26. Roger Vailland, Laclos p a r lui-même, p. 5.


27. René Pomeau, « Le Mariage de Laclos », in Revue d'His-
toire Littéraire de la France, janvier-mars 1964, p. 66.
28. L'Amérique était alors en pleine Guerre d'Indépendance.
Sous des formes différentes, le rêve d'une Amérique sen-
timentale se retrouve à toutes les époques. On n'en veut
pour preuve que l'Astrée dont le décor forézien est une
sorte de paradis où de merveilleuses amours s'épanouis-
sent dans un climat héroïque et courtois qui fait oublier au
lecteur la médiocrité de la vie. Au XVIII siècle, comme
chacun sait, l'Amérique est à la mode ; c'est sur elle que
Prévost reporte sa nostalgie d'un pays où la passion, enfin
délivrée de ses chaînes, enfin réconciliée avec l'ordre social,
pourra s'accomplir et se perpétuer dans la permanence du
bonheur. Mais il n'y a pas de permanence du bonheur.
Manon Lescaut meurt dans le désert. L'Amérique s'avère,
au terme de son errance mythique, le pays de la mort et
non de la vie. Le mythe échoue dans sa fonction salvatrice.
Mais il reste un livre.

Sans doute en fut-il un peu de même pour Laclos.


L'Amérique ne s'offrit jamais à lui, mais du rêve qu'il ne
put réaliser, naquit u n livre désormais célèbre que l'on
peut considérer, en quelque sorte, comme un phénomène
de compensation. Même les contemporains de Laclos le
pensaient déjà. Il suffit, pour s'en convaincre, de se rap-
porter au témoignage de Pariset :

Il était, lorsqu'il fit (son roman), relégué à l'île


d'Aix, qui n'est habitée que par des pêcheurs. Il
voulut distraire l'ennui de sa solitude par le charme
de la c o m p o s i t i o n

M. René Pomeau le montre également :

A l'île d'Aix, il se trouve confiné avec les espèces


les plus grossières de l'humanité : des paysans-
pêcheurs misérables, et ses soldats, recrutés dans les
couches inférieures et même dans les bas-fonds de la

29. René Pomeau, « Le Mariage de Laclos », in Revue d'His-


toire Littéraire de la France, janvier-mars 1964, p. 65.
population. Par une compensation rousseauiste en son
principe sinon en son objet, les vases de l'île le font
rêver à ce pays des chimères que sont alors pour lui
les boudoirs parisiens. Il s'évade dans l'univers
d'esprit, de luxe, de luxure aussi, en tout cas de lan-
gage élégant et fin, qu'il évoque par ses Liaisons
dangereuses .

On voit comment, dans l'imagination de Laclos, une


sorte de constante veut que la guerre renvoie perpétuelle-
ment à l'amour. Tout se passe comme si la réalité militaire
se répercutait au sein des régions plus obscures de l'être,
sous la forme d'une rêverie libertine par l'intermédiaire
de laquelle le désir, qui ne trouve plus à s'incarner en se
sublimant dans la sphère du réel, retourne à sa source pri-
mitive qui est la sexualité. Laclos lui-même, dans un vers
de son Epître à la mort, révèle combien l'amour et la
guerre, dans son imagination, n'expriment jamais, sous
des formes différentes et à différents niveaux de l'être, que
le même désir :

Les lauriers d'Apollon valent bien ceux de Mars 31

Car « les lauriers d'Apollon » sont ceux que lui méri-


tèrent Les Liaisons dangereuses, ce livre qu'André Mal-
raux définit comme la mythologie d'une volonté qui se
confond avec l'érotisme :

(Ce serait seulement) une singulière histoire, si le


livre n'était que l'application d'une volonté à des fins
sexuelles. Volonté et sexualité se mêlent, se multi-
plient, forment u n seul domaine, précisément parce
que, Laclos ressentant et exprimant la sexualité avec
d'autant plus de violence qu'elle est liée à une con-
trainte, la volonté ne se sépare pas de la sexualité,
devient, au contraire, une composante du domaine
érotique du l i v r e

30. Ibid., p. 65.


31. Œuvres complètes, « Poésies », p. 484.
32. Préface aux Liaisons dangereuses.
à la même librairie

ALBOUY : La création mythologique chez Victor Hugo.


BACHELARD : L'Eau et les Rêves.
BACHELARD : L'Air et les Songes.
BACHELARD : La Terre et les Rêveries de la Volonté.
BACHELARD : La Terre et les Rêveries du Repos.
BARAZ : L'Etre et la connaissance selon Montaigne.
BÉGUIN : L'Ame romantique et le Rêve.
BÉNICHOU : L'Ecrivain et ses travaux.
BÉNICHOU : G. de Nerval et la Chanson folklorique.
BLIN : La Cribleuse de blé. La Critique.
CASTEX : Le Conte fantastique en France.
CASTEX : Anthologie du Conte fantastique.
CHAMBERS : G. de Nerval et la poétique du voyage.
CHAMBERS : La Comédie au château.
DELAVOUËT: : Pouèmo, I - II (provençal et traduction
française).
DOBBS : Dramaturgie et liturgie dans l'œuvre de
Julien Gracq.
DURAND : Le Décor mythique de La Chartreuse de
Parme.
FELMAN : La « folie » dans l'œuvre romanesque
de Stendhal.
GUIOMAR : Inconscient et imaginaire dans Le Grand
Meaulnes.
GUIOMAR : Le Masque et le Fantasme (Berlioz).
GUIOMAR : Principes d'une esthétique de la Mort.
LOTTE : Dictionnaire des personnages fictifs de La
Comédie humaine.
MANSUY : Gaston Bachelard et les Eléments.
MAURON : Des métaphores obsédantes au mythe per-
sonnel.
MAURON : Mallarmé l'obscur.
MAURON : Psychocritique du genre comique.
MENDELSON : Le verre et les objets de verre dans l'uni-
vers imaginaire de Marcel Proust.
MILNER : Le Diable dans la littérature française.
MONGLOND : Pèlerinages romantiques.
MOURGUES (de) : Autonomie de Racine.
NOULET : Le ton poétique.
RAYMOND : Jean-Jacques Rousseau.
ROUSSET : L'Intérieur et l'Extérieur.
VIVIER : Lire Supervielle.
ZIMMERMANN : Magies de Verlaine
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