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Eléments mécaniques en matériel roulant ferroviaire

Introduction :

De toutes les composantes du système ferroviaire, le matériel roulant en est le centre de


gravité. Son rôle d’interface vital avec les liens lui impose un cahier de charge rigoureux et
d’une grande diversité d’un type de matériel à l’autre pour répondre aux besoins toujours plus
spécifiques de la demande.

Nous analyserons en premier lieu ces spécificités en termes d’exploitation. Cette richesse de
solutions adaptées obéit cependant à une méthodologie commune: le dimensionnement du
matériel ferroviaire, quelle que soit son utilisation, répond aux mêmes critères simples : une
charge à remorquer sur un parcours-type dans un horaire donné. Les solutions doivent
satisfaire des contraintes pour s’inscrire dans un existant ferroviaire particulièrement lourd à
gérer. Il convient d’effectuer l’inventaire exhaustif de ces contraintes, d’en mesurer
l’importance relative pour répondre à la demande dans les conditions les plus économiques.

Un exposé théorique se doit d’être illustré par un exercice pratique, c’est pourquoi nous
«dimensionnerons » un engin moteur, sachant que la méthode est applicable à tout type de
matériel.

Enfin, nous donnerons un aperçu succinct, mais représentatif des matériels existants les plus
récents circulant dans le monde.

1. Programme de traction et différents types d’exploitation


L’exploitation ferroviaire répond à la demande de transport des clients, dans les deux
domaines d’offres : passagers et fret.

Son critère fondamental est le Programme de Traction auquel doit satisfaire le matériel
roulant. Trois paramètres caractérisent ce programme:

• la charge remorquée ;
• le parcours-type ;
• l’horaire.

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1.1 Charge remorquée
Elle est la somme de la charge utile et de la masse à vide du matériel (ou tare).

Pour les passagers, c’est leur nombre par véhicule qui détermine la charge utile, sachant que
l’on différencie le poids moyen d’une personne suivant le domaine de transport : avec ou sans
bagage, en grande ligne: nombre de places assises, en urbain : nombre de passagers au m2. De
même pour le fret, la charge remorquée est la somme de la tare et de la charge nette de chaque
wagon.

Les valeurs courantes pour les principales catégories de véhicules sont données dans le
tableau 1.

1.2 Parcours-type
Il est caractérisé par la distance et le profil de ligne.
Le profil de ligne comprend :

• le profil en long donnant les rampes, les pentes (exprimées en millimètres par mètre
ou « pour mille » : ‰) et les paliers (0 ‰) ;
• le profil en plan donnant les courbes (exprimées par leur rayon en mètre) ou
alignements, lignes droites (rayon ∞).
Selon la géographie, le profil des lignes de chemin de fer se classe en trois catégories.

1. 2.1. Profil de plaine


Le tracé suit le relief peu accentué des grands espaces. Les courbes sont rares et de grand
rayon, supérieur à 1000 m, autorisant des vitesses élevées. Les déclivités présentent de faibles
gradients, jusqu’à 5 ‰.

1.2.2. Profil accidenté

Le tracé suit les vallées sinueuses et franchit les « accidents » du relief: seuils, cols, défilés.
Les rayons de courbes sont faibles ou moyens : entre 500 et 1000 m. Les déclivités sont
prononcées: supérieures à 5 ‰ pouvant atteindre 10 à 15 ‰.

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Tableau 1 – Masses des principales catégories de véhicules ferroviaires
Masse unitaire Masse du train
Véhicule Capacité unitaire
en charge (t) (t)
10 voitures
Voiture grande ligne 88 places 49
(490)

81 passagers 6 voitures
Voiture métro 32
(4 passagers/m2) (192)

• tare : 21;
30 wagons
Wagon trémies 48 m3 • charge utile: 50;
(2 130)
• total : 71

1.2.3. Profils exceptionnels de montagne

Tous les axes ferroviaires traversant les massifs montagneux appartiennent à cette catégorie.
Courbes et déclivités atteignent des valeurs exceptionnelles :

• de 250 à 300 m de rayon ;


• rampes de 25, 30, voire 40 ‰

1.3 Horaire

C’est pour le client, passager ou fret, l’un des arguments de vente essentiels. Il s’exprime :

• en valeur absolue : la durée du parcours (heures et/ou minutes) ;


• en terme de régularité ou décalage par rapport à un horaire « vendu » ou contractuel.

L’horaire indique aussi les arrêts prévus en ligne, la vitesse maximale du parcours et la marge
de régularité. Celle-ci, en ajoutant un temps forfaitaire à l’horaire de base, permet de tenir
compte d’un pourcentage d’aléas (travaux, encombrement des sorties ou entrée de gares), de
sorte que l’agent de conduite peut « rattraper » une partie du temps perdu. Si la marge de
régularité est nulle, il s’agit d’une « marche tendue ».

Horaire et parcours permettent de calculer la vitesse moyenne.

Connaissant la charge remorquée, on est en mesure de construire une «simulation de


parcours» grâce à laquelle se déduiront :

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• la puissance mise en jeu sur les différentes portions ;
• la consommation d’énergie, donc les marches «économiques» possibles d’effectuer en
fonction de la marge de régularité.

1.4 Différents types d’exploitation

Compte tenu de la clientèle ferroviaire, trois catégories principales d’exploitation se partagent


le trafic.

1.4.1 Grande ligne

C’est le cas le plus général des liaisons entre centres (villes, ports, centres d’activités). La
caractéristique d’une telle exploitation est la variété des circulations et l’hétérogénéité des
vitesses de circulation :

• trains rapides sans arrêt ;


• trains inter-villes ;
• trains de fret.

Se pose alors le problème des conflits de circulation sur une même voie entraînant des
dépassements avec arrêts, des « creux de trafic », etc.

L’organisation de l’exploitation impose de prévoir un graphique des circulations regroupant


au mieux les types de trains sous forme de sillons : passagers de jour, fret de nuit, inter-villes
en heure de pointe, etc.

Le trafic et l’exploitation qui en résulte sur les lignes à grande vitesse se rangent dans cette
catégorie, même si la plupart des trains circulent à des vitesses homogènes. En effet, la très
forte densité de circulation et la diversité des provenances et destinations la rendent
particulièrement délicates (plus de 250 circulations quotidiennes sur la portion nord de la
ligne à grande vitesse Paris Sud-Est).

1.4.2 Banlieue

Ce type d’exploitation s’exerce très fréquemment sur des lignes dédiées, excluant tout autre
trafic. Les voies de la banlieue au départ de la Gare Saint-Lazare à Paris, sont organisées en
six groupes en fonction des destinations.

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Le problème à résoudre est celui des heures de pointe avec les aléas que peuvent engendrer
les flux considérables de passagers : difficultés d’entrées et sorties, accidents.

1.4.3. Urbain

C’est le cas des réseaux de métropolitains et de tramways. Les circulations sont parfaitement
homogènes en termes de vitesse et de points d’arrêt. Seuls les aléas dus aux pannes ou aux
passagers peuvent générer des situations dégradées. En conséquence, les marges de régularité
sont intégrées dans le temps d’arrêt en station, alors que le temps de parcours est en marche
tendue.

2. Critères de dimensionnement et architecture motrice

2.1 Contraintes de dimensionnement

Quel que soit le résultat du dimensionnement apte à satisfaire le programme de traction, le


matériel roulant devra s’inscrire dans un ensemble de contraintes propres au transport
ferroviaire. Les contraintes essentielles sont d’ordre mécanique ou électrique, et résultent
fréquemment de l’histoire ferroviaire.

2.1.1 Contraintes mécaniques

Adhérence : Le très faible frottement au contact roue-rail limite l’effort maximal de traction
résultant du couple moteur : 45 % de la masse adhérente dans les meilleures conditions de
contact (rail propre et sec). En freinage, cette valeur est encore beaucoup plus faible, limitée
entre 10 et 13 % par tous les réseaux, afin de respecter la distance d’arrêt en toutes
circonstances d’état du rail (figure 1).

Dans le cas du roulement sur pneumatiques, utilisé sur certains métros tels que : Paris, Lyon,
Montréal, Santiago du Chili, les coefficients d’adhérence peuvent atteindre 70 %.

Gabarit et masse :

Les infrastructures ferroviaires : voies, ouvrages d’art, terminaux, déterminent l’enveloppe


géométrique – appelée gabarit. Il impose les dimensions et le volume, ainsi que l’entraxe des
bogies de roulement. Le gabarit intègre par ailleurs les distances d’isolement nécessaire par
rapport aux obstacles contigus à la voie : c’est le gabarit électrique (figure 2).

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Un très grand nombre de gabarits différents existent dans le monde. Chaque réseau, en
fonction de son histoire, a élaboré le sien.

Ils sont pratiquement tous répertoriés par l’Union internationale des chemins de fer (UIC).

À titre d’exemple, le gabarit des chemins de fer en Grande-Bretagne est différent de celui des
réseaux du continent européen !

Masse :

Elle se définit par la masse par essieu, imposée par les caractéristiques de la voie. Suivant les
réseaux dans le monde, elle peut aller de 12 tonnes à 32 tonnes par essieu.

En Europe, la valeur la plus répandue est 22,5 tonnes. Les lignes à grande vitesse en France
sont limitées à 17 tonnes.

Aux États-Unis et pour certains autres réseaux, elle atteint 32 tonnes.

Efforts parasites et vibrations :

La circulation d’un essieu dont les roues constituent un dicône est telle que la trajectoire de
celui-ci n’est pas rectiligne mais sinusoïdale : c’est le « lacet ». Des efforts transversaux
parasites prennent naissance, néfastes pour la voie et la tenue du matériel en ligne. La voie est
donc source de vibrations, même avec d’excellentes caractéristiques de pose.

2.1.2 Contraintes électriques

Dans le cas de la traction électrique, elles proviennent de l’alimentation en énergie et des


interactions avec les installations de signalisation du fait des courants harmoniques générés
par le courant de retour à la sous-station.

Du fait de l’espacement des sous-stations et du nombre de circulations, la tension est


essentiellement variable dans de fortes proportions.

Par exemple, pour une valeur nominale de 25 kV, la variation est comprise entre 29 kV et 18
kV. En tension continue où les pertes sont élevées, les fluctuations sont fréquemment en
valeur basse, de l’ordre de 1 000 V en cas de fort trafic.

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En outre, la prise de courant d’alimentation par pantographe et caténaire est un système
élastique soumis aux influences aérodynamiques pouvant engendrer des « décollements »
donc des interruptions d’alimentation.

2.2 Nombre d’essieux moteurs et répartition

Dimensionner l’engin de traction consiste à déterminer les deux paramètres fondamentaux:

• effort nécessaire pour démarrer et remorquer la charge sur le parcours-type ;


• vitesse pour satisfaire l’horaire.

Les conditions d’exercice de l’effort de traction conduisent à déterminer aisément le nombre


d’essieux moteurs pour respecter l’exigence de masse :

• au démarrage, la masse adhérente est :

Avec effort à la jante nécessaire pour vaincre les résistances propres à celles du convoi
et résultant du profil de ligne,

adhérence utilisable

• et le nombre d’essieux moteurs nécessaires est :

avec charge par essieu imposée.

Les solutions de disposition des essieux moteurs varient selon le type de train et les
conditions d’exercice de l’effort de traction. Les critères de choix sont les suivants :

Si le matériel remorqué ne peut comporter d’essieu moteur (cas des wagons de fret et
des voitures classiques de passagers), ils seront tous concentrés sur un engin moteur
dédié à la traction : c’est général de la « locomotive » dédiée à la traction. Celle-ci
peut d’ailleurs être placée de manière quelconque : en tête, en queue ou au centre de la
rame.

Si, par ailleurs, l’effort d’une seule locomotive est insuffisant, il en sera disposé plusieurs
en unités multiples :

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• concentrées en tête : unités multiples attelées ;
• réparties dans la rame : unités multiples réparties.
Si le matériel remorqué est susceptible de comporter des essieux moteurs, il s’agit de
la « traction répartie ». C’est le cas général des automotrices, automoteurs, rames de
métro, tramways.

Cette configuration présente deux atouts majeurs :

• l’un économique : le maximum d’espace est réservé aux passagers ;


• l’autre technique : l’effort de traction n’étant pas concentré sur un nombre réduit
d’essieux, l’adhérence est beaucoup moins sollicitée.

2.3 Puissance, caractéristique effort-vitesse

Exercice d’application :

Nous nous proposons de dimensionner une locomotive dédiée au trafic fret en vue
d’assurer le programme de traction suivant :

• charge remorquée = 1 200 tonnes de wagons de transport combiné ;


• vitesse maximale V = 120 km/h ;
• rampe maximale i = 10 ‰ ;
• courbe rayon mini ρ = 350 m ;
• charge par essieu Q = 22 tonnes.

2.3.1 Détermination de l’effort maximal au démarrage

L’effort à vitesse nulle s’exerce dans les conditions les plus difficiles en rampe de 10 ‰ et
courbe de 350 m de rayon. La résistance à l’avancement du train RT est :

= + +

avec résistance à l’avancement du matériel remorqué ;

résistance à l’avancement de la locomotive ;

résistance à l’avancement due au profil de la ligne.


(Ces données sont fournies par l’exploitant).

La résistance à l’avancement des wagons de transport combiné , à V= 0 est :

8
1200
= 1,2 + 0,01. + 0,000171. = 14,4
100

La résistance à l’avancement de la locomotive ,à = 0 est :

= 65.10 . + 0,13. + 10 . . + 3. 10 .

Ne connaissant pas la masse de la locomotive L, on prendra comme hypothèse une


locomotive BoBo à 4 essieux, soit une masse totale de : 22 × 4 = 88 tonnes :

= 65.10 . 88 + 0,13 . 4 = 1,09

L’influence de la courbe minimum, ρ = 350 m, s’exprime par le profil corrigé avec k = 800:

800
$% = $ + = 10 + = 12,28 ‰
ρ 350

La résistance au démarrage due à la rampe corrigée est :

= $ % . 9,81 . 10 ( . 1200 + 88 = 162,7

La résistance à l’avancement totale au démarrage est :

= + + = 14,4 + 1,09 + 162,7 = 178,19 ≅ 178

Tableau 2 - Résistance supplémentaire au « décollage » d’un train


Type de train Rampe Résistance supplémentaire (kN)
+
i < 17 ‰ * = , ($ . 0,981 + 6,8)
Passagers +
i > 17 ‰ * = , (1,25 . $ . 0,981 + 2,75)
+
i<7‰ * = , ($ . 0,981 + 4,5)
Fret +
i>7‰ * = , (1,25 . $ . 0,981 + 2,75)

L’effort nécessaire pour exercer une accélération minimale en rampe tient compte du
coefficient majorateur dû aux masses tournantes que l’on prend égal à :

• 9 % pour la locomotive ;
• 4 % pour la rame.

- = . . / = 0 1200 . 1,04 + 88 . 1,09 1. /

9
(F en kN, m en tonnes, γ en m/s2)

L’accélération γ minimale à prendre en compte doit être de l’ordre de 0,02 m/s2, soit :

- = 1344 .0,02 = 26,88 ≅ 27

L’effort maximal 2 au démarrage, à exercer en rampe est de :

2 = + - = 178 + 27 = 205

L’adhérence sollicitée au démarrage est :

205
= = = 0,24
88 . 9,81

Cette valeur représente une faible sollicitation de l’adhérence par rapport à ce qui est
couramment pratiqué avec des coefficients compris entre 0,35 et 0,40.

Le calcul ci-dessus ne tient pas compte de l’éventualité d’un « décollage » du train, difficile,
qui peut se produire dans certaines circonstances de température basse ou de stationnement
prolongé du matériel remorqué. Dans ce cas, on considère l’expression de la résistance en
profil corrigé, dans laquelle s’ajoute un nombre déterminé expérimentalement, suivant le type
de matériel et le gradient du profil (tableau 2).

Dans le cas qui nous intéresse, on prendra i < 7 ‰ pour un train de fret, et la résistance à
l’avancement au décollage du train est égale à :

+
= (1,25 . $ . 0,981 + 2,75
,

1288
= 1,25 .12,28 .0,981 + 2,75 = 229,4
100

L’effort maximal au démarrage devient :

= + - = 230 + 27 = 247

Il est prudent de choisir un effort au démarrage de 300 kN permettant de couvrir tous les
cas difficiles de démarrage avec une marge de sécurité. L’adhérence sollicitée est alors de :

300
= = = 0,35
88 . 9,81

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2.3.2 Tracé de la caractéristique effort-vitesse en limitation d’adhérence

L’expression déduite de l’expérience par de nombreux réseaux donne une décroissance de


l’adhérence :

8 + 0,1
=
8 + 0,2
avec = 300
soit :
8 + 0,1
= =
8 + 0,2
avec = 0.35

2.3.3 Tracé de la caractéristique effort-vitesse en équipuissance

L’équipuissance se déduit du calcul de la puissance à vitesse maximale dans les conditions les
plus courantes, c’est-à-dire en palier :

3= . =Σ . = + .

À 120 km/h les résistances à l’avancement sont :

= 65 . 10 . 88 + 0,13 . 4 + 10 . 88 . 120 + 3 . 10 . 120 = 6,47 ≅ 6,5

1200
= 1,2 + 0,01. + 0,000171. = 15 . 1,2 = 58,35
100

Et la puissance 3 devient :

120
3 = 6,5 + 58,35 = 2160 5 sans réserve d’accélération
3,6

Pour ménager une réserve d’accélération de 0,001 m/s2 environ à 120 km/h, il faut une
puissance supplémentaire de :

120
3- = . = . ./ . = 1288 . 0,008 . = 340 5
3,6

Soit une puissance à la jante totale de :

3 = 2 160 + 340 = 2 500 5

11
Le tracé de la caractéristique est donné figure 3.

2.4 Rendement et pertes

Le rendement est déterminé par l’ensemble des rendements de chacun des composants.
Prenons l’exemple général d’une chaîne de traction alimentée sous tension monophasée.
L’inventaire des centres de pertes comprend :

• l’essieu et sa transmission;
• les convertisseurs;
• le transformateur (figure 4).

Pour une puissance à la jante de 1000 kW – soit 4 000 kW pour une locomotive de 4 essieux,
les pertes sont de : 4 × 177 kW, soit 708 kW.

Dans le cas d’une chaîne de traction autonome à transmission électrique, s’ajoutent les pertes
du moteur thermique. Le rendement est bien entendu nettement inférieur puisqu’il dépend de
celui du générateur thermique (30 à 35 %).

2.5 Autonomie

En traction autonome, le cahier des charges spécifie l’autonomie de l’engin de traction entre
deux ravitaillements en combustible. Elle varie en fonction du parcours-type et peut aller de
1000 km à plusieurs milliers de kilomètres. En fonction de la consommation à pleine
puissance du moteur thermique, on en déduit la capacité de la soute à combustible à prévoir
allant de 2 000 à 12 000 litres pour une locomotive de ligne.

2.6 Auxiliaires

Les fonctions essentielles d’un engin ferroviaire: traction, freinage, conduite, confort,
s’exercent grâce à des fonctions annexes dites « auxiliaires ». À leur tour, ces fonctions
nécessitent de l’énergie qui doit être produite et distribuée.

2.6.1 Inventaire des fonctions auxiliaires

■ L’exercice de la fonction traction/freinage électrique engendre des pertes à évacuer : d’où


la première fonction auxiliaire: refroidissement-ventilation.

■ La fonction « freinage mécanique » demande une énergie sous forme d’air comprimé, de
vide ou de liquide sous pression: c’est l’auxiliaire énergie pour le frein.

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■ Le fonctionnement de l’engin comme son exploitation en termes de contrôle-commande a
besoin d’énergie électrique en basse tension.

■ Le confort de conduite impose un équipement spécifique sous forme de ventilation, de


chauffage ou plus généralement de climatisation : c’est l’énergie de confort.

■ Le train remorqué est consommateur d’énergie, soit pour les passagers (éclairage,
climatisation, fonctions accessoires), soit pour le fret (énergie frigorifique par exemple): c’est
l’énergie pour le train.

2.6.2 Bilan énergétique

Le diagramme figure 5 synthétise le bilan des auxiliaires à partir de deux exemples chiffrés:
engin de traction électrique et engin autonome.

L’ensemble de ces fonctions représente une quantité d’énergie à produire, à installer et à


distribuer. Elles rentrent donc dans le bilan de puissance de l’engin dès le dimensionnement.
Les deux formes de traction se présentent très différemment:

• en traction électrique, c’est une fraction de la puissance absorbée qu’il convient de


prévoir;
• en traction autonome, c’est une puissance supplémentaire à produire.

Disposant de toutes les données d’entrée de chaque organe principal concerné, dans le tableau
3 sont indiqués les organes auxiliaires à dimensionner. L’exemple chiffré est identique à celui
de la figure 5.

3. Dimensionnement du freinage

3.1 Efforts mis en jeu et modes de freinage

En traction, l'effort est développé par l'engin moteur, de sorte que la distance de mise en
vitesse peut être très importante ; l'horaire en tient compte.

En freinage, la distance d’arrêt conditionne la sécurité et l’espacement des circulations, car


pour une vitesse donnée, elle doit être inférieure à la distance d'implantation des signaux
d'avertissement et d'arrêt.

Cette obligation impose un effort retardateur, donc une énergie à dissiper, que l'engin moteur
ne peut produire seul. Chaque véhicule remorqué doit donc participer au freinage en raison

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directe de sa masse. Le freinage, contrairement à la traction, est obligatoirement réparti sur
tous les véhicules composant le train.

+E F
L'énergie cinétique à détruire : D= est proportionnelle au carré de la vitesse et à la

masse en mouvement.

Exemple : un train de 720 tonnes à 160 Km/h.

,
L’énergie cinétique à dissiper est : D = 720 . 10( . 44,4 = 7,1 . 10G H

Si ce train s'arrête en 60 s (ce qui correspond à une décélération de 0,75 m/s2) la puissance de
freinage est:

D 7,1 . 10G
3IJKLMNOK = = = 12000 5
P 60

Soit plus de deux fois la puissance de traction d'une locomotive de 5 600 kW !

Si chaque véhicule de masse moyenne de 80 tonnes dispose de son énergie de freinage,


l’énergie à dissiper devient :

1
80 . 10( . 44,4
3IJKLMNOK = 2 = 1314 5
60

Si cette énergie est dissipée sur 4 essieux, la puissance unitaire de freinage par essieu est de
328 kW.

Deux modes de freinage sont mis en œuvre en ferroviaire:

■ Freinage utilisant l’adhérence

L’effort de freinage s’exerce aux contacts roues-rails. Dans ce cas il est limité par la faible
capacité de frottement qui s’accentue lorsque la vitesse croît. La plupart des réseaux
admettent la limite de 10 % à 13 % d’adhérence à vitesse maximale (figure 1).

Le couple de freinage s’exerce de plusieurs façons :

• au moyen du frottement de «sabots» sur la roue, ou de «disques» calés sur le moyeu de la


roue ou sur l’axe de l’essieu. Il s’agit du freinage mécanique;

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• grâce à l’organe moteur lorsque celui-ci est réversible. C’est le cas du moteur électrique
ou du convertisseur hydraulique. Il s’agit du freinage dynamique.

Les matériels actuels, très sollicités en termes de performance de freinage, complètent les
dispositifs par des équipements d’anti-enrayage, vérifiant à tout instant le glissement de la
roue et provoquant une réduction d’effort momentanée jusqu’à la reprise d’adhérence.

■ Freinage indépendant de l’adhérence

Il fait appel à la réaction par rapport au sol par des dispositifs appropriés exerçant un effort sur
les rails. Le plus utilisé est le frein à courant de Foucault. À titre exceptionnel, en urgence, le
freinage électromagnétique est parfois mis en œuvre.

3.2 Freinage électrique

Le moteur électrique est réversible. S’il reçoit de l’énergie mécanique, il fournit de l’énergie
électrique, devient générateur et développe un couple résistant. L’énergie électrique produite
peut être utilisée de deux manières :

• dissipée dans une résistance: c’est le freinage rhéostatique ;


• utilisée par un autre récepteur : c’est le freinage par récupération.

3.2.1 Freinage rhéostatique

Les moteurs sont déconnectés de l’alimentation et branchés sur une, ou plusieurs résistances
variables. Le réglage du couple résistant se fait par variation de la valeur de la résistance, le
plus souvent grâce à un semi-conducteur contrôlé (thyristor ou IGBT) (figure 6).

L’énergie dissipée exige une ventilation forcée importante du rhéostat de freinage. Le ou les
moteurs d’entraînement du ou des ventilateurs sont alimentés soit par le réseau auxiliaire soit
par un « talon » du rhéostat permettant une vitesse variable automatique de la ventilation.

La puissance de freinage est limitée par les résistances et la puissance de ventilation associée.

3.2.2 Freinage par récupération

Les moteurs restent connectés à l’alimentation qui devient «récepteur». Le schéma est
strictement le même qu’en traction; seule la régulation est adaptée aux paramètres de
freinage. Le fonctionnement est tributaire de la présence d’au moins un récepteur sur la ligne,
qui peut être soit un autre engin de traction, soit un récepteur quelconque sur le réseau

15
d’alimentation, à condition, dans ce cas, que les intermédiaires soient réversibles (sous-
station).

La puissance de freinage est identique à la puissance en traction. La seule limitation est


donnée par l’adhérence sollicitée.

La caractéristique effort-vitesse en freinage est donnée figure 7.

3.2.3 Freinage par courants de Foucault

La production de courants de Foucault directement dans le champignon du rail est capable de


développer un important effort de retenue: de 1000 à 1300 daN par patin, soit une
décélération d'environ 1 m/s2. Il n'entre pas en contact avec le rail : un entrefer contrôlé de 6 à
10 mm est prévu.

Il est constitué de pôles magnétiques successifs, à polarités alternées (figure 8). L'énergie
cinétique du convoi est transférée dans le rail sous forme de chaleur.

L’alimentation électrique se fait en utilisant les moteurs de traction travaillant en génératrices.

Ce type de freinage présente l’inconvénient d’élever la température du rail et en cas de


passages fréquents de convois sur la même portion de voie, les énergies thermiques
s'accumulent, le rail dissipe assez mal la chaleur accumulée dans l'atmosphère et les
échauffements progressifs (10 à 20oC) peuvent être préjudiciables à la bonne stabilité de la
voie. Il est souvent réservé aux freinages «d’urgence» lorsque la sécurité l’exige.

Son installation nécessite une technologie particulière du bogie pour contrôler avec précision
l'entrefer en phase de freinage.

3.2.4 Mise en œuvre du freinage électrique

L’intérêt majeur du freinage électrique est d’éviter l’usure des organes mécaniques en
freinage par frottement : roues et semelles, disques et garnitures. Par contre, il ne concerne
que l’engin moteur et de ce fait sa puissance est insuffisante pour assurer l’arrêt du convoi sur
une distance compatible avec la sécurité des circulations. Dans tous les cas, le freinage par
récupération et le freinage rhéostatique sont utilisés:

• en complément du freinage mécanique ;


• en maintien de vitesse en pente ;

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• en ralentissement pour le passage d’une zone de vitesse V1 à une zone de vitesse V2

(V2 < V1).

Le domaine d’emploi du freinage rhéostatique est en premier lieu la traction autonome à


transmission électrique, ne disposant pas de réseau d’alimentation et d’autres récepteurs
possibles.

Il est également très utilisé en traction électrique dès lors que le réseau n’est pas, ou mal
adapté à la récupération d’énergie. C’est le cas des lignes équipées de sous-stations non
réversibles en alimentation sous tension continue, ou lorsque le trafic n’est pas suffisamment
important de sorte que la probabilité qu’il y ait un autre train «récepteur» est faible. Par
contre, il est proscrit dans le cas des réseaux urbains en tunnel, compte tenu de l’échauffement
de l’air ambiant qu’il provoque.

Le domaine d’emploi du freinage par récupération couvre l’ensemble des cas d’exploitation :

• grande ligne avec profil difficile (voies de montagnes) ;


• réseaux suburbains et urbains avec automotrices, métros ou tramways.

3.3 Freinage électropneumatique

La mise en œuvre de l’effort de freinage par application de semelles sur les roues, ou de
garnitures sur les disques calés sur les essieux, s’est faite, dès l’origine, par un dispositif
entièrement pneumatique. Une conduite générale sous pression, parcourant tous les véhicules
du train, dans laquelle on réalise une fuite ou « dépression », transmet cette information à un
distributeur admettant de l’air comprimé dans les cylindres d’application des semelles ou des
garnitures. L’inconvénient de cette commande est le temps de propagation de la dépression –
ou réalimentation pour le desserrage – dans la conduite générale, d’autant plus important que
le convoi est long (280 m.s–1). La distance d’arrêt, donc la performance du freinage, s’en
trouve allongée. Dès les années 1970, on a associé la commande électrique de la dépression et
de la réalimentation de la conduite générale au niveau de chaque véhicule. Le schéma de
principe du freinage « électropneumatique » est donné figure 9.

Principe de freinage par courants de Foucault:

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Le champ magnétique variable au cours du temps est responsable de l'apparition d'une force
électromotrice à l'intérieur du milieu conducteur. Cette force électromotrice induit des
courants dans la masse. Ces courants ont deux effets :

• ils provoquent un échauffement par effet Joule de la masse conductrice ;


• ils créent un champ magnétique qui s'oppose à la cause de la variation du champ extérieur
(loi de Lenz).

Lorsque la variation de flux est due à un déplacement du milieu devant un champ magnétique
constant, les courants de Foucault sont responsables de l'apparition de forces de Laplace qui
s'opposent au déplacement, d'où l'effet de freinage observé.

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