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il a d'abord eu une longue carrière d'officier dans l'armée algérienne. Afin de pouvoir
qui se sont d'abord intéressés à cet écrivain si doué ont été déçus d'apprendre que l'auteur
était en fait un homme et qu'il avait été de plus officier dans l'armée lors de la longue
guerre civile. Khadra a commencé par écrire des romans policiers avant de se lancer dans
principalement sur la violence et ses causes. On pourrait dire qu'elle constitue une
enquête sur ce qu' être humain signifie. Ma lecture de l'oeuvre de Khadra a aussi été
conduite comme une enquête ayant pour but de reconstituer un puzzle et d'en déduire ce
C'est en lisant le roman Les anges meurent de nos blessures paru en 2013 qui
vient après le succès de la trilogie explorant les problèmes politiques et religieux d'autres
pays musulmans (Les Hirondelles de Kaboul, l'Attentat et Les Sirènes de Bagdad), que le
thème du miracle a retenu mon attention. Dans ce roman, Yasmina Khadra effectue un
retour vers l'Algérie et son passé et raconte la vie d'un jeune analphabète araboberbère
qui devient champion de boxe et qui malgré sa réussite est condamné à mort. Le récit est
Ayant décidé d'arrêter la boxe, Turambo veut se créer une nouvelle vie avec Irène,
la femme qu'il aime. Celle-ci l'a convaincu que la boxe, sport de la violence envers
l'autre, n'était pas une bonne façon de gagner sa vie. Aimer commençait par respecter sa
propre vie. Cependant alors que Turambo se préparait à transformer sa vie, Irène est
assassinée. Turambo croit que le coupable est son ami Bruno qui a insisté pour qu'il
n'abandonne pas la boxe. Dans un accès de colère vengeresse, Turambo croit tuer Bruno
au couteau et se réfugie dans un bordel où travaille Aïda, une prostituée dont il avait été
amoureux et il se saoule pour la première fois de sa vie. Là, totalement aveuglé par
récit des souvenirs semble surgir alors qu'il est sur le point de mourir. Puis à la fin du
roman, on revient au moment du crime qui est une sorte de blanc de la mémoire pour
Turambo et au moment plus tardif où il prend conscience qu'il a commis l'irréparable, tué
un homme et détruit sa vie. C'est à ce moment qu'il souhaite un miracle et prie Dieu de ne
Or, le miracle de la survie a lieu pour Turambo. Il n'est pas guillotiné car il subit une crise
longues années de bagne avant d'être libéré en 1962 à cinquante-deux ans. Il considère
aussi comme un miracle le fait que son ami Bruno ait survécu à ses coups de couteau et
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qu'il lui ait pardonné. Cependant en sortant de prison, il ne retrouve aucun membre de sa
famille, aucun ancien ami. Il se sent totalement seul et étranger (Les anges... p. 399) et
... je n'étais pas en mesure de tout recommencer. Je n'en avais plus la force.
Je n'avais survécu que pour apprendre, à mes dépens, qu'une existence gâchée ne
se rectifie pas (Les anges...p. 399).
C'est déçu et seul, ayant le sentiment d'avoir toujours été étranger à lui-même, que
Turambo, âgé de quatre-vingt treize ans, attend la mort dans une chambre d'hôpital. Il ne
veut plus entendre parler de miracle car le miracle de sa survie, qui a fait de lui un
miraculé, n'a pas tenu la promesse rêvée d'une transformation radicale porteuse de
bonheur. En ses quarante-et-un ans de liberté, il n'a jamais même osé rêver d'amour, n'a
pas su reconstruire sa vie et se donne comme explication à cet échec, une autre citation de
son livre de chevet Le Miraculé: "...nous n'incarnons plus que nos vieux démons... parce
que les anges sont morts de nos blessures" (Les anges..., 400).
Le livre Le Miraculé d'Edmond Bourg semble être une invention de Khadra car si on
trouve une généalogie d'Edmond Bourg sur l'internet, cet ouvrage censé être écrit par lui
reste introuvable.
Bien qu'ayant survécu à une condamnation à mort et ayant perdu tout désir de
violence, Turambo pense que le miracle n'a pas eu lieu pour lui. Il n'a pas réussi à vivre
son histoire d'amour avant l'indépendance et à être non-violent; il n'a pas su non plus se
meurtre, ce qui fait passer de l'agneau au loup? Khadra répond à cette question en
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donnant de multiples exemples dans ses romans. Dans Les Sirènes de Bagdad, le
narrateur profondément pacifiste est choqué par trois injustices: le meurtre du simple
d'esprit Souleymane qui, terrorisé, s'enfuit au check-point et est abattu par les
Américains; le missile qui tombe sur un mariage et cause la mort de dix-sept innocents;
et finalement la perte d'honneur de voir le sexe de son père lors d'une perquisition de
Dans L'Attentat, on ne sait pas quel choc a conduit la femme du chirurgien Amine
Basculer dans le crime et la violence est décrit comme un processus mystérieux qui peut
arriver à n'importe qui (cf. 96). Amine Jaafari, qui croit au miracle de la vie, pense
comme l'écrivain fictif Edmond Bourg dans son livre Le Miraculé que les anges "meurent
transformation. Elle était ange, trésor d'amour et est devenue démon, tueuse d'enfants.
répondent et rien ne change. Dans L'Equation africaine, le poète Joma Baba-Sy, quant à
lui, est devenu pirate et terroriste après que sa femme est morte à cause de l'explosion
Partout dans ses romans, Khadra insiste sur la facilité à glisser dans la violence.
C'est sans doute dans son roman L'attentat que Khadra explore le plus le basculement
dans le crime et le terrorisme. D'après le policier israélien, Naveed, c'est quelque chose
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qui peut arriver à n'importe qui, une sorte de miracle négatif et mystérieux (96). Quant à
Amine Jaafari, il découvre que ne pas succomber à la haine après avoir été maltraité et
humilié par le commandeur palestinien (215-216) relève du miracle. On pourrait bien dire
vengeance. L'impulsion de violence peut nous prendre par surprise comme c'est le cas
pour Mohsen dans Les hirondelles de Kaboul. A sa grande honte, il a jeté des pierres à
Il est clair qu'il est aisé de passer de l'agneau au loup, de se laisser emporter par la
semble être celle-ci: peut-on redevenir un agneau après avoir été un loup, peut-on
redevenir humain après avoir commis l'irréparable? Cela serait cela n'est-ce pas guérir de
ses blessures. La lumière, l'ange en nous, peuvent-ils survivre après le meurtre, après
Les références au miracle sont nombreuses donc dans l'oeuvre de Khadra dès le
roman A quoi rêvent les loups de 1999, date aussi de son départ de l'armée. Parfois le
miracle a lieu et parfois non. Sans doute l'allusion au miracle la plus fréquente est la
survie inespérée alors que la mort aurait dû se produire. Le miracle de référence est
l'intervention divine alors qu'Abraham s'apprêtait à sacrifier son propre fils. Selon Haj
Salah dans Les Agneaux du Seigneur, il s'agit là d'un enseignement sur les limites de la
Cependant dans l'Algérie de la guerre civile et dans toutes les guerres meurtrières
partout et toujours, aucun ange ne semble intervenir jamais pour empêcher le massacre, la
tuerie sanguinaire. Les têtes tombent, les enfants et les vieillards sont massacrés, les
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hommes et les femmes meurent et donnent la mort. Nafa dans A quoi rêvent les loups, dit
que le miracle n'a pas eu lieu quand il se rend finalement compte qu'il a fait l'irrémédiable,
massacré des enfants, des bébés et qu'aucune main divine, aucun ange, aucune
manifestation surnaturelle telle l'éclair n'est intervenue pour retenir sa main et l'empêcher
de s'enfoncer dans le Mal, la tuerie frénétique. Il est clair depuis longtemps que Dieu et
ses anges n'interviennent pas pour empêcher le mal, le meurtre et l'injustice. Cela veut-il
dire alors qu'il n'y a pas de miracle dans notre monde de violence?
Dans Ce que le jour doit à la nuit, l'oncle de Yournes fait l'unique référence au
Coran que j'ai trouvée dans les oeuvres de Khadra. Il dit: "Qui tue une personne aura tué
l'humanité entière" (205). Si le meurtre d'une personne est inadmissible pour ce Dieu qui
aime d'abord la vie, force est de constater que les humains qu'ils soient musulmans,
chrétiens, d'autres religions ou sans religion respectent peu la vie en général. Dans
L'Olympe des infortunes, Ach dit que Dieu s'est découragé car "les prophètes, les
miracles et les livres n'ont pas suffi à éveiller les hommes à eux-mêmes" (106). Le
Il apparaît donc que même si le miracle de la survie est celui qui est le plus
fréquent dans les pages de Khadra, il n'est que le premier niveau du miracle. Voici
quelques exemples de survie miraculeuse dans ses romans. Dans Ce que le jour doit à la
nuit, dans son enfance Yournes trouvait que le "miracle" (12) était de se réveiller car la
vie, la survie était si dure à cause de la pauvreté. Dans Les Agneaux du Seigneur, il y a
plusieurs exemples de survie miraculeuse: survivre alors qu'on est poursuivi par l'armée
(selon le personnage Zane), survivre à une bombe, échapper à un attentat. Dans A quoi
rêvent les loups, Abdel Jahil passe avec des morts et des blessés dans la "toile de feu."
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C'est un miracle car il réalise l'impossible comme protégé par une intervention divine.
Lorsque Nafa, le personnage principal, est pris en tenaille avec ses hommes par l'armée, il
dit que survivre serait un miracle et de fait, ils survivent en trouvant une faille dans la
ligne ennemie.
empêcher la violence, et que seulement parfois il a lieu juste pour empêcher la mort, il
faut en déduire que, si miracle il y a, le miracle se passe en l'homme, qu'il s'agit vraiment
d'une transformation intérieure. La transformation est possible d'après Khadra mais elle
peut aller dans les deux sens; elle peut être positive mais aussi négative. Alors
par le poète Sid Ali dans A quoi rêvent les loups. Ce récit met en garde contre une
transformation négative. Certes, la feuille était impuissante et soumise aux saisons, mais
sa transformation miraculeuse en être animé, la mante religieuse, fait d'elle un être nocif,
cruel et assassin. Le choix de cet insecte qui tue celui qui l'aime, son prochain, joue un
rôle allégorique dans ce roman et l'histoire de la guerre en Algérie. C'est une perversion
du miracle quand l'indépendance (la feuille séparée de l'arbre, la feuille devenue vivante)
se transforme en une dévoreuse d'êtres vivants sous prétexte de religion. L'allusion est
claire. A quoi sert l'indépendance et la liberté, si on ne s'en sert que pour s'entretuer sous
négative, tous ceux qui deviennent violents, décident d'avoir recours au meurtre, au
terrorisme ou au suicide.
sans doute le plus bel exemple dans l'oeuvre de Khadra dans Les hirondelles de Kaboul.
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Atiq, le gardien de prison, dont la femme Mussarat est malade, souhaite que sa femme
meure et prie Dieu pour ce miracle. Sa femme souffre et lui est dégouté par elle, il est
écoeuré d'être le témoin impuissant de son agonie. Quant à Mussarat, elle sait qu'il n'y
aura pas de miracle, pas de guérison miraculeuse, malgré son refus d'accepter les choses.
Or, un miracle a lieu lorsque Atiq voit le beau visage de Zunaira, sa prisonnière. Voir "la
merveille [qui] jaillit" (111) hors du voile est transformateur pour Atiq dont le coeur
femme Mussarat qui loin d'en être attristée et jalouse, se réjouit intensément de la
transformation de son mari qu'elle trouve "fabuleux" et "poète" (115). Pour Mussarat, que
la sensibilité d'un homme endurci comme son mari puisse se réveiller est "un miracle"
(116). Atiq intervient pour essayer de sauver Zunaira de la mort. L'amour l'a rendu
compatissant. Mussarat est ravie d'être témoin de ce miracle: "la renaissance du coeur"
(128) d'Atiq. Voir les pleurs de son mari lui redonne confiance en l'humanité et Mussarat
décide donc de prendre la place de la condamnée, de sauver Zunaira dont son mari est
amoureux. Elle voudrait offrir à son mari une chance d'aimer et d'être heureux mais celui-
ci ne trouve plus Zunaira après qu'elle a retrouvé la liberté. Devenu fou de douleur, Atiq
dévoile les femmes dans la rue, un geste qui aurait plu à Zunaira, une action de refus de
africaine. Le médecin Kurt Krausmann qui a perdu sa femme, a été pris en otage par des
réfugiés. En voulant se rendre utile, il prend un enfant dans ses bras et, comme Atiq dans
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Les hirondelles de Bagdad, il se ré-humanise. Le mot de miracle n'est pas utilisé ici mais
c'est le même processus. Il s'exclame: "Quelque chose en moi se remet à l'endroit, je suis
redevient finalement un homme qui donne à la vie toute sa valeur. On peut parler ici d'un
miracle même si le mot n'est pas employé dans le texte car alors qu'il se préparait à
monter dans un avion et à contaminer ceux qui s'y seraient trouvés avec lui, il prend
conscience de la valeur de la vie des autres et renonce à son projet meurtrier (317).
Redevenir humain après avoir tué, retrouver en soi la force d'aimer la vie, de
trouver que la vie est la valeur ultime est miraculeux pour Khadra. Parfois même si nous
n'avons pas succombé à la violence, il nous arrive de perdre goût à la vie, de sombrer
dans la tristesse. Dans Ce que le jour doit à la nuit, l'oncle de Yournes reprend goût à la
vie après une longue période de maladie et de dépression et après être resté cloîtré des
années chez lui. Un jour, c'est le "miracle" (284) il sort de chez lui. De même, Yournes
se ressaisit après son désespoir d'avoir perdu Emilie et une aventure avec une prostituée
La vie peut nous amener maintes déceptions et alors même notre visage comme
celui de Madame Raja dans A quoi rêvent les loups révèle que nous ne croyons plus au
situations apparemment désespérées, c'est avant tout refuser de renoncer. Amine dans
L'Attentat a appris cela de son père artiste dont les oeuvres d'art étaient refusées partout
choisi aussi de combattre pour la guérison, pour l'extension de la vie, pour "réinventer la
Parfois juste garder espoir relève du miraculeux. Ainsi, les Palestiniens qui
viennent voir Slomi Hirsh appelé Zeev l'Ermite lui commandent des miracles c'est-à-dire
la promesse de jours meilleurs. Zeev tente de donner de l'espoir alors que la situation
reste désespérée. Le miracle du changement n'a pas lieu mais continuer à espérer est en
lui-même un miracle.
Hans Makkenroth dans L'Equation africaine dit que la vocation de l'homme est d'
"être utile à quelque chose" (48). Parfois la volonté de donner un sens à la vie est positive.
Parfois certains veulent donner un sens à leur vie en se tuant. Les deux médecins mis en
scène par Khadra, le Palestinien Amine Jaafari (dans L'Attentat) et l'Allemand Kurt
deux sont confrontés aux suicides incompréhensibles de leurs femmes qu'ils aiment.
tuant ceux qu'elle considère comme des ennemis et en sacrifiant sa vie dans l'espoir de
changer une situation humiliante et injuste. C'est en croyant être utile à quelque chose que
Sihem se suicide. Quant à Jessica, en se suicidant, elle nie la valeur de sa vie si celle-ci ne
lui donne pas la réussite professionnelle qu'elle estime lui être due. Dans les deux cas,
Khadra laisse entendre qu'il s'agit d'un gâchis. On peut dire que toutes deux ne croient pas
au miracle. Celui qui croit au miracle est comme "le condamné qui a épuisé tous les
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recours et qui refuse de renoncer au combat" (L'Equation africaine, 71). Celui qui croit
Quand Hans Makkenroth veut donner du courage à son ami Kurt Krausmann alors
qu'ils sont tous les deux otages de pirates et séparés l'un de l'autre, il lui fait passer un mot
où est écrit: "Tiens bon. Chaque jour est un miracle" (L'Equation africaine, 138). A cette
lumière, chaque jour de vie, chaque instant de vie sont des miracles. La vie se justifie
elle-même, elle est valeur ultime et ne nécessite rien de plus pour lui donner du prix.
Que la vie est le bien le plus précieux est une connaissance africaine, une sagesse
l'exige pas (234). Pour le docteur Elena qui travaille en Afrique, l'Afrique est un pays de
extraordinaires" (268-269).
coups de chance" (l'Equation africaine, 270), en Afrique les miracles sont normaux et
acceptés. Les Africains possèdent des qualités qui favorisent le miracle, font d'eux des
êtres miraculeux doués de survie. Ils banalisent l'adversité et ont en eux une flamme
intérieure qui lutte contre le mal (l'Equation africaine, 277). D'après le marabout-guerrier,
Dans L'Olympe des infortunes, le prophète Ben Adam réitère ce message aux
clodos qu'il veut sauver. Il affirme que "le sacrifice suprême n'est pas d'offrir sa vie, mais
de l'aimer malgré tout" (122). Se qualifiant lui-même d' "homme éternel, celui par qui les
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drames et les miracles arrivent" (L'Olympe des infortunes, 123) il provoque la prise de
conscience d'Ach qui avoue à son ami simple d'esprit, Junior, qu'il a menti sur les
véritables causes de son malheur. Cependant Ben Adam a laissé croire à Junior qu'il était
facile de "se reconstruire" (L'Olympe des infortunes, 140) alors celui-ci part seul en ville
et c'est le drame qui a lieu. Junior est emprisonné au bagne, maltraité, torturé, amputé
d'une main et le seul miracle est qu'il survit à toutes ces épreuves horribles pour revenir
et émerveiller les autres qui voient en sa survie "l'accomplissement d'un miracle" (176),
être sot et revenir vivant de la ville! Cependant la survie miraculeuse de Junior produit
transformation car inspiré par l'exemple de Junior, il décide qu'il se doit à lui-même de
courage de se reconstruire après des échecs. Pour Yournes, comprendre qu'on doit
"mériter son bonheur" (Ce que le jour doit à la nuit, 402) et que ne pas se battre pour cela
est refuser le miracle fait partie de l'apprentissage de la vie. Yournes a longtemps cru que
la femme qu'il aimait, Emilie Cazenave, ne lui était pas destinée. Il a refusé le miracle en
croyant que le destin était écrit et a mis très longtemps à réaliser que rien n'est écrit (299).
Ici, Khadra s'attaque à la croyance fréquente en la fatalité, Inch' Allah, qui justifie la
passivité. Si croire en Dieu et attendre le miracle signifie ne rien faire, nous faisons erreur.
Cela ne veut pas dire pour autant qu'il faut comme Tej dans Les Agneaux du Seigneur,
utiliser tout et n'avoir aucun scrupule pour arriver à sa réussite propre. Il faut certes agir
et ne pas attendre une intervention divine qui améliorerait notre situation dans le monde.
Cela ne veut pas dire qu'il faut pour autant tuer et trahir. De même Bruno dans
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L'Equation africaine dit qu'il ne faut pas attendre le miracle dans une situation
dangereuse, il ne faut pas rester sur place et ne rien faire. Il est nécessaire d'agir et de
Dans L'Ecrivain, Khadra affirme qu'il conçoit la littérature comme une arme
contre l'animalité, un outil de salut. On comprend qu'au niveau personnel il s'explique son
désir d'écrire comme une réaction au choc de l'abandon de son père et qu'il a vécu sa
carrière militaire comme une contradiction intérieure profonde car il prétend avoir
Or la violence, Khadra l'a vue de près. Dans L'Imposture des mots, il écrit qu'il
voit dans le monde une lutte entre le Bien et le Mal mais qu'on n'assiste jamais à une
victoire du Bien et que plutôt que c'est "le Mal qui finit par jeter l'éponge, lassé de ses
excès" (L'Imposture des mots, 12). Néanmoins, il affirme qu'on ne doit pas renoncer à
systématiquement un "truc" derrière chaque miracle? (L'Imposture des mots, 12) Il cite la
Dans ce livre, L'Imposture des mots, Khadra l'écrivain se réconcilie avec son
massacre de civils par l'armée mais a vu beaucoup de massacres des Groupes Intégristes
Armés (L'Imposture des mots, 113-114). Avoir été pris pour un terroriste du fait de son
appartenance à l'armée algérienne lors de la guerre civile est pour lui une abomination. Il
s'exclame: "... Et que suis-je en train d'entendre? Que le soldat miraculé que je suis est un
parole.
italien de Turambo lui pardonne d'avoir tenté de le tuer comme le Jelloun de Ce que le
jour doit à la nuit avait pardonné à son ennemi Jean-Christophe et lui avait sauvé la vie.
Jelloul, engagé dans le combat de libération de l'Algérie et le FLN, s'était évadé de façon
miraculeuse du fourgon qui le transportait dans une autre prison alors qu'il avait été
condamné à mort. Non seulement il avait pu s'enfuir mais il n'avait même été pas
poursuivi. Il considère cela comme "un miracle" (361). Jelloul survit miraculeusement et
il repaie ce miracle en sauvant l'ami de Yournes, Jean-Christophe, qui était son ennemi et
un féroce militant de l'OAS. En faisant cela, Jelloul rend la vie sauve à un homme comme
miracle de la survie mais aussi comme victoire de la vie sur la vengeance (393-94),
notre et celle des autres, il est un miracle auquel Turambo n'accède pas, le miracle de se
analphabète qui avait essayé de réussir avant l'indépendance par la boxe et avait échoué,
le miracle de sa libération après la révolution ne porte pas les fruits escomptés. Il meurt
déçu de la vie. Les rêves de bonheur que promettait l'indépendance n'ont pas été réalisés.
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Dans son dernier roman de 2014, Qu'attendent les singes, Khadra retourne au
roman policier et reste en Algérie. L'image du miracle est encore très présente dans ce
texte mais il perd tout sens positif. Il rappelle un peu le roman de Rachid Boudjedra, La
vie à l'endroit (1997) en ce qu'il fait du miracle, qui avait toujours été un processus positif
dans ses autres romans, quelque chose d'abominable, un envers du miracle. Les miraculés
y sont d'après la jeune Nassera, "les dirigeants, élus et milliardaires miraculés d'un pays
corrompu"(107) tels que Ed, le patron de presse et Haj Hamerlaine qui a tué sa propre
petite fille en lui mordant la poitrine. Il est clair que, selon Khadra, ces gens-là auraient
dû disparaître et que leur survie est miraculeuse tout en étant néfaste. Le lieutenant Guerd,
galop" (164). Il se considère comme celui qui facilite le miracle, c'est-à-dire ici le fait
que les puissants corrompus continuent à régner et à méfaire en toute impunité. Quant à
Hamerlaine, il s'estime victime de son pouvoir tout en se prenant pour un dieu vivant, se
Il se débarrasse d' "un dieu supposé plus coriace que la fatalité" (352). Le miracle de la
survie de Zine a lieu car les domestiques d'Hamerlaine décident de couvrir Zine, de
mentir pour le protéger. Zine vit ce meurtre comme une renaissance, "certain d'être enfin
devenu un homme" (355). Alors que Khadra défend partout la vie, il semblerait que,
selon lui, pour qu'un vrai changement, un vrai miracle se produise en Algérie il faudrait
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