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République Algérienne Démocratique et Populaire

Ministère de l’enseignement Supérieur et de la Recherche scientifique

Université Abderrahmane Mira Bejaia


Faculté des Sciences de la Nature et de la vie
Département des Sciences alimentaires

Enzymologie fondamentale

Support pédagogique destiné aux étudiants de L3


«Alimentation, Nutrition Pathologie ».

Fait par ALOUI-BERKATI Salima

Année universitaire : 2020-2021

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CHAPITRE IV
CINETIQUE ENZYMATIQUE A UN SUBSTRAT (CINETIQUE MICHAELIENNE)

I- Étude de la réaction enzymatique


La cinétique enzymatique est l’étude des vitesses de réactions et de leurs modifications, en réponse aux
changements des conditions expérimentales.

La réaction se déroule en deux étapes :

• Fixation temporaire de l’enzyme sur le substrat, formant un complexe enzyme/substrat. Le complexe


enzyme/substrat est formé par des liaisons faibles et il s’associe et se dissocie selon les conditions du milieu ;

• Transformation du substrat en produit (avec libération de l’enzyme intacte).

De façon expérimentale, des courbes peuvent être établies montrant l’apparition du produit formé ou la disparition
du substrat utilisé en fonction du temps, c’est ce qui est représenté sur la figure 01. Les conditions expérimentales
(température, pH, salinité, concentration en enzyme...) doivent être optimales.

Figure 01 : Concentration en produit ou en substrat en fonction du temps ([P]=f(t) ou [S]=f(t))

On observe deux parties sur cette courbe :

• Une première partie pour les temps courts qui peut être assimilée à une droite. La quantité de produit formé est
proportionnelle au temps.

• Un plateau correspondant à l’arrêt de la production de produit car l’ensemble du substrat aura été transformé en
produit.

Les différentes phases de la réaction enzymatique sont:

 La phase pré-stationnaire : très brève et correspond à la formation du complexe ES.


 La phase stationnaire : correspond aux conditions initiales, c'est cette période qui nous intéresse.
l’enzyme est saturée par son substrat, la vitesse de la réaction est maximale et reste constante tant que la
[S]˃˃[P].
 La phase post-stationnaire :, [S]diminue de manière significative ; la vitesse de la réaction décroit.
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Figure 02 : Phases de la réaction enzymatique

I.1-Vitesse d’une réaction enzymatique : L’activité enzymatique est l’expression de la quantité d’enzyme
nécessaire à la transformation d’un substrat en produit. La vitesse de la réaction est mesurée par la quantité de
substrat transformée en produit par unité de temps (micromole de substrat en une minute par exemple)
(V= - dS / dt) ou par la quantité de molécules de produits formées par unités de temps (V= dP / dt) dans les
conditions optimales.

Figure03 : Notion de vitesse d’une réaction enzymatique

I.2. Notion de vitesse initiale : La cinétique réactionnelle est définie par la vitesse réactionnelle v telle que :
v = (d[P] /dt).
Vitesse initiale : On définit également, à un temps très proche de 0, la vitesse initiale v0 : v0 = (d[P] /dt) t=0

La vitesse initiale correspond à la vitesse au tout début de la réaction (t ≈ t0), constante tant que les conditions
initiales sont maintenues (c’est-à-dire tant que Δ[S] et [P] sont négligeables, en pratique, consommation de moins
d'1 % du substrat). C'est la vitesse d'intérêt mesurée lors de l'étude de la cinétique des enzymes.

La vitesse initiale est calculée en prenant la tangente à l’origine qui est une droite et dont la pente donne la
vitesse initiale. (Pour rappel : pente = (YB – YA)/(XB – XA).

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Figure 04 : Notion et calcul de la vitesse initiale

II. Courbe de Michaelis-Menten


L’étude de la cinétique enzymatique a été réalisée essentiellement par Michaelis et Menten en 1913.

Figure 5: Établissement de la courbe de Michaelis-Menten: V = f([S]

II.1. Description de V = f ([S]) : Cette courbe de la vitesse initiale en fonction de la concentration en substrat
(V = f([S])) est la courbe de Michaelis-Menten. On observe que les vitesses mesurées augmentent en fonction
des concentrations du substrat mais cette relation n’est pas linéaire, le graphe est une hyperbole. Lorsque la
concentration en substrat est nulle, la vitesse est de 0, l’hyperbole passe donc par l’origine. Lorsque la
concentration en substrat tend vers l’infini, l’hyperbole se rapproche de son asymptote qui correspond à la vitesse
maximale, notée Vmax.

II.2. Interprétation de la courbe de MM : Cette hyperbole est constituée de trois parties :

• Aux faibles concentrations de substrat, la vitesse de la réaction est proportionnelle à celle du substrat.

• Lorsque la concentration en substrat augmente, la vitesse n’accroît plus dans les même proportions.
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• Aux fortes concentrations en substrat, la vitesse devient constante, indépendante de cette même concentration :
l’enzyme est saturée par son substrat.

Autrement dit, quand la concentration en substrat est faible dans le milieu, les complexes enzyme-substrat auront
plus de mal à se former. La vitesse initiale de la catalyse est plus faible. Elle augmente avec la concentration en
substrat jusqu’à un palier (vitesse maximale) où toutes les molécules d’enzymes sont liées à des molécules de
substrat. L’enzyme est saturée: c’est le facteur limitant de la réaction.

Figure 06: Interprétation de la courbe de Michaelis-Menten

II.3. Détermination de l’équation de Michaelis-Menten V=f([S]) : Cette équation est l’expression de la vitesse
initiale en fonction de la concentration du substrat et des deux constantes caractéristiques d’une réaction
enzymatique, la vitesse maximum et la constante de Michaelis

Soit la réaction suivante :

D’après la loi d’action de masse:


Vitesse de formation de ES = V1 = k1 [E][S]
Vitesse de dissociation de ES = V-1 = (k-1 + k2) [ES]

Vitesse de la réaction = V= k2[ES]

A l’état stationnaire, la concentration du complexe enzyme-substrat est constante, donc la vitesse de formation
de ES est égale à la vitesse de dissociation de ES :

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V1= V-1 k1[E] [S]= (k-1 + k2) [ES]

[ES] =[E] [S]/ Km……..(1)

Soit: [Et] la concentration totale de l’enzyme.

La concentration libre de l’enzyme sera donc [E]= [Et]-[ES]

L’expression (1) devient : [ES]= ([Et]-[ES]) [S] / Km

[ES]= [Et] [S] / [S]+Km

On a : Vitesse de la réaction = V= k2[ES]

II.4. Signification des paramètres cinétiques


a. Vmax
 Correspond à la vitesse initiale quand l’enzyme est saturée par son substrat.
 Renseigne sur l’efficacité catalytique de l’enzyme Vmax= k2[Et] =>Vmax= kcat [Et].
 kcat: Turn Over Number «TNO», nombre de molécules de substrat transformé en produit par unité de
temps, c’est l’efficacité catalytique de l’enzyme: la fréquence de l’acte catalytique(s-1).
b. km
 Correspond à la concentration du substrat pour laquelle la vitesse initiale d’une réaction enzymatique
atteint la moitié de la vitesse maximum. Chaque enzyme a un KM caractéristique pour un substrat.

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 Cette constante indique également l’affinité de l’enzyme pour le substrat. En effet, plus le KM augmente,
plus l’affinité diminue. Autrement dit, le KM représente l’inverse de l’affinité de l’enzyme pour le
substrat.
 Km est fonction des constantes de vitesse de chacune des étapes de la catalyse:

c. Rapport Kcat/Km mesure l'efficacité catalytique, car il correspond à une constante de vitesse pour de basses
concentrations de substrat (S) << Km

V = (Vmax / Km).[S]

Si on remplace Vmax par sa valeur (Vmax = Kcat . [Et])

on trouve: V = (Kcat / Km).[Et].[S]

L’efficacité sera d’autant plus élevé que Km est élevé. Si 1/Km est élevé (c’est à dire si Km est faible ➞
affinité forte) alors Kcat / Km est élevé.

II.5. Linéarisation de l'équation de Michaelis-Menten : la représentation hyperbole de Michaelis – Menten ne


permet pas de déterminer les paramétres cinétiques vmax et km avec précision.

Figure 07 : Représentation de Michaelis – Menten

La linéarisation de la représentation graphique de l'équation de Michaelis-Menten, transforme l'hyperbole en


droites de différentes équations (changement des axes). L'exemple en est la transformation de Lineweaver et
Burk (représentation des doubles inverses):

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On obtient une droite dont l’extrapolation coupe l’axe des1/V en un point d’ordonnée 1/Vmax et l’axe des 1/[S]
en un point d’abscisse -1 / Km. Cette équation représente une droite de pente Km/ Vmax (Figure 08).

Il existe plusieurs autres représentations: Eadie-Hofstee (Figure 09) qui utilise une autre transformation et
Hanes-woolf (Figure 10).

Figure 08 : Représentation en double inverse de Linewaever et Burk

Figure 09 : Représentation linéaire de Eadie-Hofstee

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Figure 10 : Représentation linéaire de Hanes-woolf

III. Inhibiteurs enzymatiques

Toute molécule qui modifie la vitesse d'une réaction enzymatique est appelée un effecteur :

 les effecteurs qui augmentent l'activité enzymatique sont des activateurs ;

 à l'inverse, ceux qui la diminuent sont des inhibiteurs.

La modulation (inhibition ou activation) de l'activité enzymatique est un mode de régulation primordial des voies
métaboliques dans la cellule

Par définition, un inhibiteur enzymatique est tout effecteur, qui par sa liaison avec l’enzyme ralentit la vitesse
de la réaction enzymatique. L'étude de l'effet d'inhibiteurs permet :

 d'affiner le mécanisme catalytique d'une réaction enzymatique

 de mieux connaître la spécificité d'une enzyme

 d'obtenir des données physiques et chimiques concernant le site actif

En effet, certains inhibiteurs s'associent de manière réversible à l'enzyme en interagissant de manière non
covalente. D'autres se fixent de manière Irréversible et sont souvent utilisés pour déterminer les groupes actifs du
site catalytique.

III.1. Inhibiteurs irréversibles: Se lient de façon irréversible avec l’enzyme et agissent brutalement en
dénaturant l’enzyme.

Exemple: 5Fluoro-uracile utilisé en chimiothérapie anti-cancéreuse. Il inhibe la thymidilate synthase; enzyme


qui intervient dans la synthèse de la thymine (ADN) ce qui conduit à l’arrêt de la multiplication des cellules
tumorales.

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III.2. Inhibiteurs réversibles: ils Perturbent la cinétique et peuvent stopper la réaction. Ils ont un grand intérêt
puisqu’ils permettent une étude très fine des mécanismes moléculaire de la catalyse. On distingue :

III.2.1. Inhibition compétitive (fixation exclusive) : C'est un mécanisme où la fixation de l'inhibiteur empêche
celle du substrat (et réciproquement) : la fixation du substrat et celle de l'inhibiteur sont donc mutuellement
exclusives. Les inhibiteurs compétitifs:

 Comportent une analogie structurale avec le substrat


 Entrent en compétition avec les molécules de substrat pour se lier au site actif
 Se lient de façon réversible

Le mécanisme réactionnel :

La constante de dissociation du complexe EI est Ki. Elle est définie par rapport aux concentrations de l’enzyme
libre, de l’inhibiteur et du complexe EI.

L’équation de la vitesse, qui ne dépend que du complexe ES puisque le complexe EI est inactif, reste inchangée.
Les calculs conduisent à une équation de Michaelis dans laquelle le facteur Km est affecté d’un coefficient qui
dépend de la concentration de l’inhibiteur et de l’inverse de la constante Ki c’est à dire l’affinité de l’enzyme

pour l’inhibiteur.

K'M : est la constante de Michaelis –Menten apparente en présence de l’inhibiteur.

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Figure 11: Représentation de la cinétique enzymatique en présence d’un inhibiteur compétitif

D’après le graphe (Figure 11), en présence d'un d'inhibiteur compétitif, KM est augmentée donc l’affinité
diminue et Vmax n'est pas modifiée.

Cela signifie que l'inhibition compétitive peut-être "levée" à concentration saturante en substrat. En effet, puisque
la fixation du substrat et celle de l'inhibiteur sont mutuellement exclusives, l'addition d'une très forte concentration
de substrat déplace l'équilibre E + S <=> ES en faveur de ES et donc déplace l'équilibre EI <=> E + I en faveur
de E.

III.2.2. Inhibition non compétitive (fixation non exclusive) : Un inhibiteur non compétitif classique n'a aucune
influence sur la fixation du substrat (et réciproquement) : les sites de fixation du substrat et de l'inhibiteur
sont distincts. En conséquence, l'inhibiteur se fixe à l'enzyme libre E et au complexe ES ; de même, le substrat se
fixe à l'enzyme libre E et au complexe EI.

Les inhibiteurs non compétitifs n'ont pas d'homologie structurale avec le substrat.

Lorsque la liaison d’un inhibiteur sur l’enzyme se fait sur un site indépendant du site actif, il n’y a évidemment
aucune compétition entre le substrat et l’inhibiteur. L’inhibiteur en se liant rend la molécule d’enzyme incapable
de catalyser la réaction on parle alors d’inhibition non compétitive.

Le mécanisme réactionnel :

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La constante Km de l’enzyme vis à vis du substrat représente toujours la constante de dissociation du complexe
ES mais aussi celle du complexe ESI en EI et substrat libre.

La constante Ki de l’enzyme vis à vis de l’inhibiteur représente toujours la constante de dissociation du complexe
EI mais aussi celle du complexe ESI en ES et inhibiteur libre.

Les calculs conduisent à une équation de Michaelis dans laquelle la vitesse maximum est affectée d’un coefficient
qui dépend de la concentration de l’inhibiteur et de l’inverse de la constante Ki. (Figure 12).

Figure 12: Représentation de la cinétique enzymatique en présence d’un inhibiteur non compétitif

En présence de ce type d'inhibiteur :

 Vmax est diminuée : une partie des molécules d'enzyme se trouvant sous la forme EI et ESI,
conjointement au complexe ES, il y a donc moins de molécules d'enzyme productives.

 KM n'est pas modifié : les sites de fixation étant distincts, la saturation par le substrat des molécules
d'enzyme libre E n'est pas modifiée.

 Cette inhibition ne peut être levée en présence de fortes concentrations en substrat.

III.2.3. Inhibition incompétitive (fixation non exclusive) : Dans ce type d'inhibition l'enzyme et le substrat
forment d'abord le complexe enzyme-substrat (le complexe intermédiaire), puis l'inhibiteur se fixe à ce complexe.
Donc L’inhibiteur ne se lie pas à l’enzyme libre, mais uniquement au complexe ES.

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Le mécanisme réactionnel :

La constante de dissociation de ce complexe ESI, soit Ki est définie par rapport aux concentrations de ES, de
l’inhibiteur et du complexe ESI.

Figure 13: Représentation de la cinétique enzymatique en présence d’un inhibiteur incompétitif


En présence de ce type d'inhibiteur :

 Les deux paramètres (Vmax et KM) sont modifiés par le même facteur. En effet, ce type d'inhibiteur
favorise la formation du complexe [enzyme-substrat] qui lui-même est consommé pour former le
complexe ESI.

 L'équilibre : E+S <=> ES est donc déplacé en faveur de ES. Celà signifie que, pour un même degré de
saturation de l'enzyme il faut une concentration plus faible en substrat (KM diminue).

 La concentration du complexe [ES] est moindre (une partie se trouve sous forme ESI), donc VM diminue.

 Cette inhibition ne peut être "levée" par un excès de substrat puisque plus il y a de substrat, plus il y a
formation de complexe ES et plus l'équilibre de fixation de l'inhibiteur est déplacé en faveur du complexe
ternaire ESI.
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Les tableaux ci-dessous regroupent les différents paramètres cinétiques dans les différents cas d’inhibitions:

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