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Jacqueline Russ
Dans les expressions courantes, le pouvoir est souvent assimilé à une forme d'essence ou de
substance. Les phrases telles que "détenir du pouvoir" ou "posséder du pouvoir" donnent
l'impression d'un pouvoir tangible ou d'un capital.
Dans son ouvrage classique intitulé "Qui gouverne ?", propose la célèbre définition du
pouvoir comme suit : "A exerce un pouvoir sur B dans la mesure où il obtient de B une action que
ce dernier n'aurait pas effectuée autrement". Selon Dahl, le pouvoir ne désigne pas un attribut
intrinsèque, mais plutôt une relation entre des acteurs. Il implique une certaine réciprocité, où celui
qui détient le pouvoir cherche à obtenir de l'autre une action qu'il désire. Ainsi, le pouvoir est
essentiellement une capacité de changer le comportement des autres acteurs dans une relation
sociale asymétrique.
Selon Robert Dahl, B, en tant qu'individu, est libre et jamais complètement dépendant, mais
il peut être influencé et conduit vers un changement par A, le détenteur du pouvoir, à travers une
relation sociale asymétrique et un échange inégal. Cette vision du pouvoir implique une analyse
stratégique, où le pouvoir est compris en termes d'objectifs, de moyens et de bataille d'ensemble. On
peut faire un parallèle avec l'art militaire, où des actions coordonnées sont exercées sur d'autres
actions.
L'analyse du pouvoir soulève également la question des contre-pouvoirs. Dans un sens politique
précis, les contre-pouvoirs désignent les limitations du pouvoir politique et les organisations
structurées qui équilibrent l'efficacité du pouvoir de l'État. Cependant, les contre-pouvoirs peuvent
également être compris plus généralement comme des résistances qui émergent du fonctionnement
même du pouvoir. En outre, le thème des contre-pouvoirs peut évoquer ce que certains appellent la
"stratégie d'évitement du pouvoir", qui se manifeste davantage au niveau inter-individuel que
politique. Ces stratégies visent à trouver des moyens de se soustraire à l'emprise des autres et de
maintenir le pouvoir à distance. On peut considérer cela comme une tactique de liberté liée à une
fonction protectrice de l'individu.
Le pouvoir exige la durée et la permanence pour être efficace, ce qui se réalise à travers des
lois, des normes et des règlements. Cette volonté d'organisation et de fondation dans la durée
s'explique par le fait que le pouvoir est essentiel au fonctionnement et à la gestion des collectivités,
assurant ainsi leur pérennité. Il convient donc de considérer le pouvoir en termes de vie, en tant que
mécanisme vital nécessaire au groupe social. Cette perspective est en accord avec une longue
tradition historique, comme le soulignait déjà Saint Thomas d'Aquin en affirmant que le groupe se
disperserait sans quelqu'un pour en prendre soin.
Si le pouvoir est un mécanisme vital pour organiser la gestion des sociétés, il n'est pas
étonnant qu'il soit enraciné dans un désir quasi biologique de dominer, une libido dominandi. La
relation asymétrique du pouvoir trouve ses racines dans cette volonté de puissance, où l'homme
s'affirme comme une énergie conquérante et une volonté de force active et dynamique. Le désir de
dominer, parfois trivial dans ses manifestations, se sublime souvent dans la volonté d'établir le
bonheur social, de gouverner et de structurer efficacement la cité. Il vise le statut de maître, de
souverain, comme en témoigne le théâtre de Shakespeare où la domination est souvent un enjeu
central.
3) La prise du pouvoir
La prise de pouvoir peut s'effectuer de différentes manières. Tout d'abord, la violence armée
a souvent été un moyen privilégié pour s'emparer du pouvoir. Les conquêtes, les révolutions et les
guerres civiles ont marqué l'histoire mondiale. Les marxistes, tels que Marx lui-même, ont
préconisé la dictature du prolétariat et ont considéré la violence comme un instrument essentiel
pour briser la résistance du capitalisme et de la bourgeoisie. Mao Tsé Toung, quant à lui, a
développé des stratégies de guérilla prolongée et a affirmé que le pouvoir se trouve au bout du
fusil.
Cependant, la violence n'est pas la seule voie vers le pouvoir. Le génie politique, qui englobe la
conception énergique, l'exécution rapide, la résolution, la ruse et le charisme, peut permettre une
véritable conquête. Machiavel souligne l'importance de la virtu, une supériorité de tempérament qui
sait se faire reconnaître. Le génie politique intègre à la fois la force et la ruse, et la violence qu'il
utilise est maîtrisée. L'intelligence rationnelle, l'ordre, la discipline et le charisme sont autant
d'outils spirituels qui favorisent l'accès au pouvoir.
En outre, le pouvoir peut être acquis pacifiquement grâce à des processus régulés. Dans ce cas, le
génie politique, la vertu et la compétence jouent un rôle essentiel. La compétence, qui englobe les
connaissances, les capacités et les qualités reconnues et approfondies, confère le droit de décider ou
de gouverner. De nombreux groupes, tels que les États, les entreprises et les associations, ont des
procédures établies pour la prise de pouvoir, que ce soit par le vote ou par la désignation directe.
Une fois le pouvoir conquis, qu'il soit obtenu par la violence ou par des processus régulés, il est
essentiel de le faire fonctionner pour ne pas le perdre. Les moyens d'action et la stratégie vitale
vont alors entrer en jeu.
4) Les moyens du pouvoir
Le pouvoir doit établir une structure stable et limiter les résistances des individus pour assurer sa
stabilité dans le temps et l'espace. Il cherche à étendre ses réseaux à travers la société et à
internaliser les contraintes chez les sujets. Pour cela, il utilise un mélange de violence, parfois
symbolique, et de persuasion. Il vise à domestiquer les esprits, à exercer une surveillance, à
programmer les individus et à créer des barrières invisibles.
La contrainte et la violence engendrent la peur chez les sujets, assurant ainsi leur obéissance.
Cependant, la contrainte excessive peut entraîner des conséquences néfastes pour le pouvoir, telles
que des rébellions ou une dégradation de sa légitimité. En plus de la contrainte, le pouvoir utilise
des formes subtiles de violence symbolique, qui reposent sur des systèmes de dispositions
intériorisées. Ces systèmes conditionnent la crainte et la représentation durable de l'autorité et de la
sanction, influençant ainsi les comportements des individus.
L'habitus, concept de Bourdieu, désigne cette matrice structurée de perceptions et d'attitudes qui
guide inconsciemment chaque individu et reproduit les dominations initiales. Il renforce le contrôle
social en conditionnant les esprits de manière insidieuse et subtile. Le contrôle social utilise des
techniques de persuasion pour toucher la sensibilité et influencer les volontés. La persuasion est
plus subtile que la coercition brutale et peut construire l'autorité du chef ainsi que la domination
charismatique. Elle agit par le langage et la force des mots, en séduisant les individus.
Les pouvoirs reposant sur la persuasion et la séduction sont multiples, tels que les médias et la
religion. De nos jours, la télévision, en tant qu'outil de pouvoir, fait largement appel à la persuasion.
La publicité est une forme visible de la persuasion de masse, exploitant nos faiblesses cachées et
utilisant des images subliminales pour contourner notre esprit critique.
Il est important de distinguer différents types de pouvoir. En plus du pouvoir politique et social, il
faut prendre en compte le pouvoir sur soi-même et sur le monde.
Le déploiement de force et les dispositifs stratégiques peuvent également s'appliquer au sujet lui-
même. Il est possible de parler d'un pouvoir sur soi, d'un effort de l'individu pour se construire et se
réaliser, en réponse aux exigences existentielles. Ce pouvoir est essentiel pour maintenir le
dynamisme de l'existence et éviter le chaos et le vide causés par les pulsions, les désirs ou les
passions. Dans cette perspective, le pouvoir des autres sur moi-même perd de son importance, et
seul demeure le pouvoir sur soi, lié à la liberté de jugement et à l'indifférence face à ce qui ne
dépend pas de nous.
Il n'est pas surprenant que le pouvoir puisse également désigner une capacité d'action sur soi, car la
faculté d'agir ne se limite pas à une sphère spécifique. Elle peut s'actualiser dans notre relation avec
les choses (pouvoir sur les choses), dans le domaine des interactions humaines (pouvoir sur
l'homme), mais aussi dans notre capacité à agir sur nous-mêmes et sur notre conduite (pouvoir sur
soi).
Les Stoïciens considèrent ce pouvoir comme le fruit de la volonté, de l'intelligence et de la
compréhension. Une existence orientée, mesurée et maîtrisée n'est pas possible sans une capacité
d'action sur soi-même, qui promet une forme de souveraineté et de liberté. Cette idée d'une
possession de soi-même continue d'occuper le champ philosophique. Par exemple, Alain, dans ses
propos, souligne la nécessité d'avoir de l'ordre à l'intérieur de soi, de la maîtrise, un centre de vie,
une raison gouvernante.
De toute évidence, le dispositif stratégique inhérent au pouvoir s'applique également à la nature et à
l'environnement naturel, cherchant à les dominer afin de produire certains effets adaptés aux
besoins humains. Cette prise en charge de la nature implique la possibilité d'agir sur le réel, de
disposer de moyens physiques ou naturels, d'une puissance ou capacité d'action, et d'une stratégie
organisatrice.
Le pouvoir, qu'il s'exerce sur autrui, sur soi-même ou sur la nature, est étroitement lié à la mort. Il
peut être vu comme une tentative de maîtrise de la mort. Tout comme la création artistique ou
littéraire, le pouvoir trouve ses racines dans cette confrontation avec la mort. On écrit ou exerce le
pouvoir pour contrer la mort, comme l'ont souligné Roger Martin du Gard et Ionesco.
Le pouvoir sur autrui est une relation asymétrique marquée par une inégalité hiérarchique, qui,
selon le modèle de Hegel, se construit à travers le conflit pour la reconnaissance. En se hissant au-
dessus de la vie et en confrontant la mort, la conscience du maître se forme, le soi c'est le maître
qui domine la mort et l'autre c'est l'esclave. Cette dialectique de maîtrise/servitude, résultat de la
mort apprivoisée et méprisée dans le risque, révèle une parenté essentielle entre le pouvoir et la
mort.
Le pouvoir sur soi-même est défini par la domination de la mort. Il consiste à traquer la mort, à la
pulvériser par l'intellect selon Épicure, à la regarder fermement et à l'assumer pleinement et à la
dompter selon Hegel.
De même, le pouvoir social se distancie de la mort et devient une conquête contre celle-ci. Les
mécanismes et les agencements du pouvoir dans la société sont mis en place pour faire face à
l'entropie qui menace tous les phénomènes naturels. Le pouvoir vise à établir et à enraciner la cité
dans la durée et dans la vie. Une fois de plus, le pouvoir maîtrise la mort et joue avec elle. Pour
contrer les ruses et la puissance de la mort, des stratégies sont édifiées dans le but de garantir la
survie de la communauté à travers la construction de formes, de connaissances, de normes et de
vérités.
Il n'est pas surprenant que ces différents processus soient motivés par le pouvoir, qui est la faculté
d'agir et qui nous engage dans un projet où nous pouvons commencer quelque chose de nouveau.
Agir, c'est échapper au déclin qui menace toutes choses. Comme l'a montré Hannah Arendt, les
hommes ne sont pas nés pour mourir, mais pour innover à travers l'action.
Même le pouvoir sur la nature révèle une visée lointaine. La mort est-elle vraiment hors de portée
de l'énergie humaine ? Bien que nous sachions qu'elle est inscrite dans le programme génétique de
l'homme et qu'elle représente une condition de l'évolution imposée par ce programme, la pratique
scientifique, la maîtrise de l'environnement naturel et le pouvoir sur les choses ne visent-ils pas à
réduire le scandale de la mort et cette manifestation de violence radicale qui s'exerce sur les
hommes ? Le pouvoir sur la nature ne vise-t-il pas à dompter la mort ?
Comme l'a affirmé Max Weber, le pouvoir représente la possibilité de faire triompher sa volonté,
même face à des résistances. Contre la violence et la résistance ultime, contre le négatif de la mort,
le pouvoir lutte pour édifier la vie et assurer sa pérennité. Ainsi, tout groupe, toute société, tout
ensemble organisé reposent sur un pari d'immortalité. Le pouvoir, en tant qu'ensemble de
structures, de formes et de relations asymétriques, vise à maintenir l'individu et le groupe face à la
mort et malgré elle.
7) Conclusion : domination, prestige et pouvoir
En effet, selon Max Weber, le goût de la domination et l'aspiration au prestige sont des
motivations fondamentales qui sous-tendent l'action politique et le pouvoir. La recherche du pouvoir
peut être alimentée par un désir de domination sur autrui ainsi que par la volonté de contrôler et
d'exercer sa propre puissance. Cela peut être une source de satisfaction, de gratification et de
reconnaissance sociale pour ceux qui occupent des positions de pouvoir. Cette dynamique de
domination peut être l'un des moteurs principaux de la quête incessante du pouvoir, malgré les
angoisses, les inquiétudes et les souffrances morales qui peuvent lui être associées.
Fiche de lecture 1
Russ les théories du pouvoir
chapitre 1
A) Le pouvoir est un phénomène qui dépasse le domaine politique et est présent dans toutes
les relations humaines orientées vers un but. Il est souvent confondu avec la politique, mais
il va au-delà de cette sphère. Le pouvoir est défini comme une relation entre des acteurs où
celui qui le détient cherche à obtenir une action désirée de l'autre. Il implique une analyse
stratégique et soulève la question des contre-pouvoirs.
B) Le pouvoir, mécanisme vital : Le pouvoir est vital pour le fonctionnement et la gestion des
collectivités, assurant leur pérennité. Il est enraciné dans un désir de domination et de
puissance, qui se manifeste dans la volonté de gouverner et de structurer efficacement la
société.
C) La prise du pouvoir : Le pouvoir peut être acquis par la violence armée, le génie politique
ou des processus régulés tels que le vote ou la désignation directe. Une fois le pouvoir
conquis, il est essentiel de le faire fonctionner pour ne pas le perdre.
D) Les moyens du pouvoir : Le pouvoir cherche à établir une structure stable en utilisant un
mélange de violence, parfois symbolique, et de persuasion. Il vise à domestiquer les esprits,
exercer une surveillance, programmer les individus et créer des barrières invisibles. La
persuasion, notamment par les médias et la publicité, est une forme subtile de pouvoir.
E) Le pouvoir sur soi et sur la nature : En plus du pouvoir politique et social, il existe le
pouvoir sur soi-même et sur le monde. Le pouvoir sur soi est lié à la capacité d'action et à la
liberté de jugement. Il est également possible d'agir sur la nature en cherchant à la dominer
pour produire des effets adaptés aux besoins humains.
F) Le pouvoir, contre la mort : Le pouvoir est étroitement lié à la mort et peut être vu comme
une tentative de maîtrise de celle-ci. Le pouvoir sur autrui et sur soi-même est influencé par
la confrontation avec la mort. Le pouvoir social vise à contrer l'entropie et à garantir la
survie de la communauté.
2 Quelques définitions
Autorité, contrainte, domination... Ces notions et concepts se situent près du pouvoir, voire à ses
frontières, ils le soutiennent et le façonnent.
a) Le pouvoir
Le pouvoir peut être défini comme la capacité de faire triompher une volonté et de disposer
de médiations physiques pour obtenir des biens futurs.
Cette capacité se divise en deux aspects : la capacité effective d'exercer le pouvoir et la
capacité légale, qui repose sur le droit et fonde la légitimité du pouvoir.
Le pouvoir se décline dans différents domaines (politique, social, etc.) et englobe plusieurs
significations : la capacité de réaliser ses objectifs, la possibilité d'avoir des moyens ou des médias
physiques, et la capacité légale.
Autrefois, ces aspects étaient confondus dans le pouvoir politique, mais cette vision étroite
du pouvoir est désormais dépassée. Dans ses diverses acceptions, le pouvoir nécessite l'exercice
d'une domination et d'une stratégie afin d'organiser de manière judicieuse les relations humaines et
les forces physiques ou politiques.
1 La domination
La domination et la stratégie sont des éléments essentiels qui constituent l'essence même du
pouvoir.
La domination nourrit le pouvoir en imposant un contrôle social et une discipline profonde
qui façonne les individus soumis. Elle représente la position du maître par rapport à ceux qui lui
obéissent, et implique un exercice de pouvoir pour obtenir l'obéissance. La domination est liée à un
désir de pouvoir qui instaure une forme de violence implicite chez les dominés. Le terme
"domination" fait référence au latin "dominus", signifiant chef, souverain, maître. La relation entre
le maître et celui qui obéit est digne d'attention, et rappelle la dialectique maître/esclave développée
par Hegel, où le maître s'affirme dans sa supériorité en niant l'existence de l'autre, l'esclave.
Ce processus complexe implique que les règles et les ordres s'emparent de l'esclave, le
constituant en tant qu'esclave. Ainsi, émerge la figure centrale du maître, une conscience qui a
surmonté la mort selon Hegel. Le dominé s'incline et intègre les ordres et les normes au cours d'un
long processus de maturation. La domination suppose que la piqûre venimeuse continue de
tourmenter le cœur du "dominé-esclave". Ce processus complexe structure et soutient le pouvoir,
qui s'appuie sur ces mécanismes.
Il est possible de considérer la domination comme un concept clé, tout en laissant
temporairement de côté la question de savoir s'il faut préférer le concept de domination à celui de
pouvoir, comme le soutient Max Weber.
2 Stratégie
La stratégie, aux côtés de la domination, joue un rôle essentiel dans l'exercice du pouvoir. À
l'origine, la stratégie était l'art de mener la guerre, et elle constitue également l'épine dorsale du
pouvoir. Il existe une certaine parenté entre la guerre et le pouvoir, avec la guerre représentant en
quelque sorte la limite ultime du pouvoir. La guerre est un acte de violence visant à contraindre
l'adversaire à exécuter notre volonté, ce qui la rapproche doublement du pouvoir. Tout d'abord, le
pouvoir implique souvent un acte de violence, bien qu'il ne se réduise pas à cela, et ensuite, la
guerre et le pouvoir sont tous deux régis par des règles, des méthodes, des principes, un art de faire
et un calcul des risques. Comme toute action humaine orientée vers un but, ils sont liés à la
stratégie, ce qui justifie l'analyse militaire en termes d'évaluation des rapports de force et de travail
agonistique.
Clausewitz définit la stratégie comme l'art de relier les combats pour atteindre les objectifs de la
guerre. La stratégie a vu son sens évoluer et se complexifier au fil du temps, s'intéressant de plus en
plus à la liberté d'action, aux multiples variables et aux composantes psychologiques. En général, la
stratégie désigne l'organisation des moyens autour d'un objectif dans une perspective de calculs
pour remporter la victoire. Ainsi, toute la dialectique subtile de la stratégie constitue, dans une
certaine mesure, le fondement du pouvoir. Comprendre la stratégie revient donc à pénétrer au cœur
même du pouvoir et à saisir le noyau de la relation maître-esclave.
L'intention stratégique suppose plusieurs éléments :
• Une évaluation des rapports de force et des moyens plus ou moins efficaces.
• Une détermination des moyens offensifs et défensifs.
• Un art de la coercition.
• Une consommation d'énergie mentale et une organisation psychologique importante.
• La préparation d'un combat.
L'appréhension chez autrui d'une conscience de l'échec et donc une profonde prise de conscience de
l'altérité menacée ou soumise.
• La prise en compte de la ruse et de la tromperie.
Quelques exemples classiques de stratégie incluent
• la réduction de l'espace de liberté des sujets,
• le maintien d'un équilibre entre les organismes et leurs dirigeants garantissant l'ordre et la
stabilité de la société ainsi que la pérennité du pouvoir central (comme le dit la formule
"contre le pouvoir, le pouvoir"),
• la création de points de passage obligés solidement défendus, tels que des positions
stratégiques militaires ou des administrations incontournables dans la vie civile, telles que
les organismes délivrant des documents d'identité.
En organisant des cadres et des règles, en utilisant la violence comme principal mode d'action, en
transposant les leçons du passé vers l'avenir et en construisant des modèles tactiques, la stratégie
nourrit le pouvoir et influence sa dynamique.
• La violence
Dans les relations de pouvoir, différents moyens et médiations peuvent être utilisés. L'un des modes
les plus agressifs est celui de la violence, de la force, de la contrainte et de la crainte. Ce mode est
caractérisé par la puissance, le commandement, la sanction, la soumission et l'obéissance.
La violence est inhérente au pouvoir et est souvent considérée comme le moyen dur par excellence.
Toutefois, il convient de distinguer la force de la violence. La force peut être envisagée comme un
principe d'action, un déploiement de la volonté souveraine, tandis que la violence est une puissance
de colère qui cherche à contraindre physiquement ou moralement les autres à faire ce qui est
contraire à leur volonté.
On dit que la force violente fonde le droit et le pouvoir. La violence choisit le moyen le plus direct
pour forcer l'adhésion, nier l'autonomie de l'autre et, à l'extrême, l'asservir ou l'anéantir. La violence
se manifeste dans l'histoire et dans la vie quotidienne sous différentes formes : brutalité, menace,
agressivité dans le discours. Elle fait partie de notre existence et de notre destin dans le monde.
Il n'est donc pas surprenant de constater une proximité entre la force et la violence. Ainsi, au cœur
du pouvoir, la violence et les puissances de colère fonctionnent souvent. La violence est en partie la
source du pouvoir et en partie son effet. Elle est multifacette, imprévisible et nourrit le pouvoir,
sans pour autant se confondre avec lui. Il existe une dialectique entre le pouvoir et la violence, une
relation complexe où ces deux éléments interagissent.
• La force et la contrainte
La force peut être perçue de manière indéterminée et ambivalente. D'une part, elle peut être associée
à la puissance physique brutale, renvoyant à l'image d'une force brute sans égard pour la moralité ou
les devoirs. Cependant, la force peut également représenter une énergie souveraine et fondatrice.
Dans ce sens, elle ne se manifeste pas comme violence, mais plutôt comme un pouvoir normatif.
La force peut être liée à l'exercice de la mort de manière littérale, car elle peut entraîner la mort
d'un individu. Cependant, la force peut aussi évoquer le pouvoir du droit et le dynamisme spirituel.
Parfois considérée comme un élément perturbateur, la force peut également représenter la maîtrise.
En politique, elle est souvent perçue comme un moyen essentiel.
La force peut également être associée à la contrainte. En effet, en tant que principe d'action, la
force, cette puissance qui modifie les choses, peut recourir à la contrainte, que ce soit en violation
du droit ou pour faire respecter ce dernier. La contrainte peut être comprise comme la coercition ou
la pression exercée par un individu ou un groupe sur d'autres individus afin de les rappeler à l'ordre.
La violence, la force et la contrainte suscitent la crainte, qui est une appréhension inquiète des
événements à venir et un privilège des tyrannies ou des despotismes divers. Comme l'a dit
Montesquieu, la crainte ébranle tous les courages. Dans les régimes despotiques, l'éducation peut
être basée sur l'apprentissage de la crainte.
Dans ce texte, il est abordé le lien entre le pouvoir, le commandement, la sanction, la soumission et
l'obéissance. Le commandement représente l'expression d'un ordre ou d'une volonté de la part d'une
autorité, accompagné souvent de sanctions en cas de non-conformité ou de transgression. Les
sanctions peuvent prendre différentes formes, allant du blâme à la violence physique ou aux
récompenses telles que des félicitations.
Ces mécanismes de pouvoir tendent souvent à conduire à la soumission, où les individus acceptent
la dépendance et assimilent les injonctions sans remise en question. Cela soulève la question de la
servitude volontaire. Cependant, l'obéissance véritable se veut lucide, impliquant une
compréhension critique des normes et des ordres.
La punition n'est pas toujours efficace et peut engendrer des réactions de contre-pouvoir. Ainsi,
l'autorité et la persuasion peuvent jouer un rôle important en obtenant l'approbation sans recourir à
la contrainte ou à la force, mais en s'appuyant plutôt sur le rayonnement et la grâce.
2 Mode doux excluant la contrainte : autorité, persuasion, séduction,
manipulation
• Autorité
D'un côté, l'autorité est considérée comme le pouvoir d'imposer une obéissance acceptée, tandis que
de l'autre, elle est perçue comme une attitude assurée qui exige cette obéissance. Cependant, l'unité
du concept d'autorité peut poser problème, car il est souvent perçu négativement.
L'autorité est définie comme une supériorité de mérite ou de séduction qui suscite l'obéissance
volontaire, basée sur la confiance et le respect. Bien qu'elle puisse impliquer une contrainte réelle
dans certains cas, dans son sens profond, l'autorité se réfère à une relation qui exclut la contrainte
directe. Elle représente un pouvoir d'influence qui est étranger à la violence et qui peut être obtenu
par la grâce, les compétences, le rayonnement ou l'ascendant.
L'autorité est liée à la dignité et non à la contrainte ou à la coercition. Elle repose sur le prestige et
renvoie à l'ascendant plutôt qu'à l'usage de moyens externes de coercition ou de persuasion
rationnelle. Elle s'enracine dans un passé fondateur et est associée au pouvoir en tant que puissance
créatrice et dynamisme inventif. Elle ne peut être maintenue que par le respect et est menacée par
le rire, qui remet en question son fondement.
Le texte explore le pouvoir en soulignant qu'il peut agir à la fois par contrainte et crainte, mais aussi
par persuasion, séduction et autorité. L'allocution politique, par exemple, vise à séduire et émouvoir
le public afin de susciter l'adhésion. La persuasion, dans son sens non rationnel, cherche à
influencer le jugement en touchant la sensibilité pour obtenir une décision favorable. La séduction,
quant à elle, vise à obtenir le consentement sans crainte en utilisant des moyens pour plaire.
Ces activités de persuasion et de séduction orientent les individus à leur insu et font partie des
techniques utilisées par les pouvoirs d'influence. En plus de ces catégories, il y a la manipulation,
qui est une forme clandestine de persuasion. La manipulation consiste à influencer le
comportement d'une personne sans qu'elle en soit consciente. Par exemple, la manipulation de
l'opinion publique peut se faire à travers des campagnes de rumeurs dont la source n'est pas
identifiée. La manipulation est moralement répréhensible car le manipulé apparaît comme une
victime d'un processus déloyal.
Ce texte met en évidence la complexité et l'imprévisibilité du pouvoir, qui peut être insaisissable en
fonction des éléments qu'il utilise. Au sein de cette dynamique aux formes diverses, les catégories
d'action et d'organisation jouent un rôle important. Le pouvoir est défini comme une action
organisée, résultant de la stratégie qu'il a établie.
L'action est décrite comme une manière d'introduire des changements dans le monde extérieur afin
de le modifier. Elle implique la volonté et l'intervention consciente d'un agent. L'action vise par
nature à innover et à échapper à l'entropie naturelle qui menace les individus et les choses. Il est
donc logique que le pouvoir et l'action soient liés : l'action structure le pouvoir en lui fournissant
une base et un fondement. L'acte et l'action nous permettent de nous insérer réellement dans le
monde humain, en échappant à la loi de la mortalité.
D'autre part, aucune action n'est possible sans organisation, qui se réfère à un agencement de
relations produisant une unité complexe. L'action humaine organisée, qui consiste en une série
rationnelle d'actes visant à atteindre un but, est indissociable de l'exercice du pouvoir. Le pouvoir
vise à inscrire le groupe dans le temps et la durée, et cette réalisation ne peut se concrétiser qu'à
travers une structure d'ordre supérieur représentée par l'organisation.
4 Conclusion
En conclusion, l'analyse du pouvoir révèle sa complexité et son étendue dans le domaine
sémantique et conceptuel. Le pouvoir ne vise pas seulement à écraser l'autre, mais plutôt à obtenir
de lui un certain comportement. C'est pourquoi il utilise diverses formes de médiation, allant de la
contrainte et de la sanction, qui inflige des peines aux transgresseurs des normes, à la séduction.
Ainsi, le pouvoir explore une multitude de voies pour influencer les individus et atteindre ses
objectifs.
Fiche de lecture 2
Russ les théories du pouvoir
chapitre 2
d) Quelques définitions
1. Le pouvoir
• Capacité de faire triompher une volonté et d'obtenir des biens futurs.
• Se divise en capacité effective et capacité légale.
• Se décline dans différents domaines et englobe la réalisation des objectifs, la possession de
moyens physiques et la capacité légale.
2. Domination et stratégies, épines dorsales du pouvoir
La domination
• Nourrit le pouvoir en imposant un contrôle social et une discipline.
• Implique un exercice de pouvoir pour obtenir l'obéissance.
• Relation entre le maître et le dominé.
• Processus complexe de domination et d'intégration des ordres et des normes.
Stratégie
• Joue un rôle essentiel dans l'exercice du pouvoir.
• Originalement associée à l'art de mener la guerre.
• Organisation des moyens pour atteindre les objectifs.
• Comprendre la stratégie permet de comprendre le pouvoir et la relation maître-esclave.
• Implique l'évaluation des rapports de force, la préparation d'un combat, l'utilisation de la
ruse, etc.
3. Les moyens et médiation du pouvoir
Mode agressif : violence, force, contrainte et crainte.
• Violence comme moyen dur par excellence, cherchant à contraindre les autres.
• Force comme principe d'action, pouvant être normatif ou perturbateur.
• Contrainte comme coercition ou pression pour rappeler à l'ordre.
• Puissance impliquant hiérarchie et dissymétrie.
• Commandement, sanction, soumission et obéissance.
Mode doux excluant la contrainte : autorité, persuasion, séduction, manipulation.
• Autorité comme pouvoir d'imposer une obéissance acceptée.
• Autorité basée sur la confiance, le respect, la grâce, les compétences, etc.
• Relation qui exclut la contrainte directe.
• Dignité et pouvoir d'influence.
Cette fiche présente les définitions des notions de pouvoir, domination et stratégie. Le
pouvoir est la capacité de faire triompher une volonté et englobe différents domaines. La
domination est essentielle pour exercer le pouvoir, imposant un contrôle social et une discipline. La
stratégie, initialement liée à l'art de mener la guerre, joue un rôle clé dans l'exercice du pouvoir. Les
moyens et médiations du pouvoir peuvent être agressifs, tels que la violence et la contrainte, ou
doux, tels que l'autorité, la persuasion et la manipulation.
LES PRINCIPALES THÉORIES DU POUVOIR
1 L 'Antiquité gréco-latine
Dans l'Antiquité gréco-latine, le pouvoir politique et la parole sont étroitement liés. Les Sophistes
analysent l'État comme étant régi par des lois, tandis que Platon souligne l'importance des
institutions et de l'organisation dans la Cité. Aristote, quant à lui, affirme que la Cité nécessite un
pouvoir politique et un État, loin d'être simplement une société animale. Les Sophistes, bien que
mal perçus, jouent un rôle crucial dans la réflexion politique et le pouvoir. Ils maîtrisent l'art de la
rhétorique et reconnaissent le pouvoir du discours dans la fondation et l'exercice du pouvoir
politique. Gorgias de Leontium, par exemple, met en avant la puissance du discours pour influencer
les actions et les émotions des individus. En opposition à cette rhétorique persuasive, Socrate et
Platon mettent l'accent sur la recherche de la vérité et de la justice à travers la parole authentique.
Platon, en particulier, développe une théorie du pouvoir et de l'État, critiquant la sophistique et
s'interrogeant sur la tyrannie. Selon lui, le tyran représente un pouvoir sans loi ni consentement,
rendu possible par la manipulation du discours mensonger. Platon aspire à un pouvoir intellectuel,
où le philosophe est le seul apte à gouverner en raison de sa connaissance du monde idéal et de sa
véritable pensée. Cependant, sa vision autoritaire de la polis (cité) dans "La République" diffère
considérablement de la conception d'Aristote, qui promeut un État qui assure la liberté des citoyens
et favorise une vie épanouissante. Dans l'ensemble, les penseurs de l'Antiquité, tels que les
Sophistes, Platon et Aristote, ont jeté les bases de la science occidentale du pouvoir, explorant les
concepts de pouvoir politique, de discours, de justice et de violence.
2 . La Chine
En Chine, une théorie du pouvoir politique et du gouvernement idéal se forme, en parallèle aux
grandes pensées et créations de la cité grecque. Parmi les exemples notables, on trouve
l'enseignement de Confucius et la sagesse du Tao. Confucius cherchait à réformer son époque en
proposant un idéal de l'homme et un art de gouverner. Selon lui, gouverner consiste à redresser le
gouvernail en éduquant, en favorisant la vertu et en utilisant un langage approprié. Confucius
souligne l'efficacité politique et le pouvoir des mots, soulignant l'importance d'une correspondance
entre les mots et les choses. Il considère que le pouvoir authentique découle de l'exercice de la
vertu et de l'utilisation appropriée du langage.
Les Taoïstes, quant à eux, développent une conception du pouvoir basée sur le concept de la Voie
(Tao) qui représente le principe du mouvement naturel des choses. Selon les Taoïstes, le pouvoir
réside dans le non-agir, dans l'harmonie avec le Tao et dans l'alignement avec le cours naturel des
événements. Ils prônent la discrétion et la souplesse plutôt que la confrontation directe, cherchant à
s'adapter aux tendances émanant du réel.
Les stratégistes, théoriciens de l'art de la guerre, développent une conception du pouvoir axée sur
la victoire et la domination. Ils privilégient la minimisation de l'affrontement armé et cherchent à
anticiper les évolutions naturelles pour obtenir la victoire.
Enfin, les légistes, spécialistes de la loi, soutiennent une vision du pouvoir autoritaire et totalitaire,
où le prince détient tous les pouvoirs. Ils considèrent que le pouvoir doit s'efforcer de régir le
monde par l'action et la domination.
En somme, les penseurs de l'Antiquité chinoise offrent différentes perspectives sur le pouvoir,
allant de l'harmonie avec le cours naturel des choses à la domination autoritaire. Ils soulignent
l'importance du langage, de la vertu, de la conformité avec le réel et de la compréhension des
processus internes pour exercer le pouvoir de manière efficace.
c) Les modernes
1 Le XVIIe siècle
À l'époque classique, Hobbes et Locke s'efforcent de construire une théorie rationnelle de l'État.
C'est à cette période que se précise la notion d'État de droit au sein de la science politique.
Hobbes, philosophe anglais, est l'auteur du célèbre ouvrage Léviathan (1651). Le Léviathan désigne
ici la République ou l'État qui, par sa souveraineté, assure la sécurité de tous. Selon Hobbes, grâce
au pacte d'association, les individus sont libérés de la barbarie naturelle et la société se constitue en
un corps politique qui échappe à la violence. Ainsi émerge un État de droit qui transcende l'état de
nature et met fin à la guerre de tous contre tous. Ce pouvoir politique transforme l'animal en
homme.
Quant à Locke, également philosophe anglais, il voit dans le contrat social un lien contractuel entre
les individus au sein d'une communauté. La société, par le biais de ce contrat, s'organise en un État
de droit qui protège la propriété. Dans son ouvrage Deuxième traité du gouvernement civil (1690),
Locke souligne que la conservation de la propriété est l'objectif principal de cette association.
Ainsi, à l'âge classique, les penseurs tels que Hobbes et Locke posent les bases d'une théorie de
l'État de droit, où le pouvoir politique est conçu pour assurer la sécurité et la protection des
individus ainsi que la préservation de leurs droits de propriété.
2 Le XVIII siècle
Au XVIIIe siècle, la philosophie politique se caractérise par l'émergence de l'esprit critique et du
rationalisme, marquant ainsi le siècle des Lumières. Montesquieu, attaché à l'idée de liberté,
analyse le despotisme et propose la séparation des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire comme
moyen de préserver la liberté. Rousseau, de son côté, recherche les conditions d'un État légitime
dans son ouvrage Du Contrat social (1762) et privilégie la souveraineté populaire, favorisant ainsi
la démocratie.
Montesquieu défend l'idée d'une science des lois qui révèle les rapports nécessaires découlant de la
nature des choses, et il met en garde contre le despotisme qui représente un pouvoir absolu exercé
par une seule personne, sans lois ni règles. Pour contrer les abus de pouvoir et la menace du
despotisme, Montesquieu souligne la nécessité d'une limitation du pouvoir par le pouvoir lui-
même.
Rousseau, quant à lui, recherche un État légitime et accorde une importance primordiale à la
souveraineté populaire. Il défend l'idée d'un État où le peuple est souverain et qui est régi par des
lois, car la liberté politique est indissociable de l'obéissance à la loi. Selon lui, il n'y a pas de liberté
sans loi et personne ne doit être au-dessus des lois. La légitimité d'un État de droit repose sur la
volonté générale, qui vise le bien commun, et sur la loi. Lorsque l'État n'est plus soutenu par la
volonté générale et la loi, sa légitimité s'effondre.
Enfin, Kant propose dans sa Doctrine du droit (1797) une vision de l'État comme réunion d'un
certain nombre d'individus sous des lois juridiques. Il distingue trois pouvoirs : législatif, exécutif
et judiciaire, qui sont nécessaires pour établir des lois, les faire respecter et résoudre les conflits.
Kant va même plus loin en développant le concept de droit cosmopolitique, fondant ainsi en partie
le pouvoir international et soulignant l'importance de la communauté mondiale des habitants de la
planète.
3 Le XIXe siècle
Au XIXe siècle, la philosophie politique ne tend généralement pas vers l'État, mais plutôt vers
l'utopie et la critique de l'État de droit. Les penseurs remettent en question la notion d'État rationnel
et la doctrine de l'État de droit s'efface progressivement. De nombreux courants de pensée critiquent
l'État en le considérant comme un instrument de domination et parfois comme le mal incarné.
L'absence d'État de droit loin d'être associée à la barbarie permettrait l'accès à la liberté qui serait
possible sans État. Hegel, quant à lui, voit l'État comme la manifestation de l'Esprit universel et de
la raison.
Cette remise en cause de l'État caractérise globalement le XIXe siècle, à l'exception de Hegel. Les
penseurs de cette époque nient la transcendance de l'État par rapport à la société, réfutant l'idée
d'une autonomie et d'une spécificité de l'État. Selon Engels, l'État est le produit de la société à un
stade particulier de son développement, mais il finit par se placer au-dessus d'elle et lui devenir
étranger.
Cette critique de l'État et la négation de sa spécificité au XIXe siècle s'expliquent historiquement.
En Allemagne, par exemple, le romantisme politique met l'accent sur la nation ou le peuple, les
préférant à l'État. Cette période voit émerger le rêve d'une société transparente dans laquelle le
pouvoir représenté par l'État disparaîtrait au profit d'une liberté permettant à l'individu de s'épanouir.
Cependant, ce rêve conduira finalement au totalitarisme.
• Conclusion
Notre parcours met en évidence à la fois la multiplicité et l'unité de la notion de pouvoir.
La multiplicité réside dans le fait que le pouvoir peut être appliqué à différents domaines tels que
l'individu, le politique, les relations sociales, autrui et la nature. Chaque champ d'application du
pouvoir comporte ses propres caractéristiques et enjeux spécifiques. Il existe ainsi un pouvoir
politique, un pouvoir social, un pouvoir instrumental, etc. La capacité d'action de l'individu ou
d'une entité conduit à l'analyse de ces différentes formes de pouvoir.
Cependant, malgré cette diversité, on peut également observer une unité fondamentale dans le
fonctionnement du pouvoir. Qu'il s'agisse du pouvoir politique, du pouvoir sur soi-même, ou de
tout autre type de pouvoir, on retrouve un noyau central qui constitue son essence. Par exemple,
dans le domaine politique, cet élément central peut être l'État en tant qu'autorité suprême. Dans le
pouvoir sur soi, le noyau central peut être le jugement et la volonté. Cette unité réside dans la
capacité d'exercer une influence, de commander ou de produire des effets.
De plus, le pouvoir se ramifie et se déploie de manière complexe à l'intérieur du champ spécifique
où il s'exerce. Il crée des réseaux, des relations d'influence et de domination, formant ainsi une
structure étendue. Cette ramification se retrouve aussi bien dans le pouvoir politique, où différents
acteurs et institutions interagissent, que dans d'autres domaines où le pouvoir s'exerce.
Enfin, la distinction entre le "pouvoir sur" et le "pouvoir de" met en évidence des nuances dans la
manifestation du pouvoir, mais révèle également une forme sous-jacente commune. Le "pouvoir
sur" renvoie à la capacité de commander, de dominer ou de contrôler, tandis que le "pouvoir de"
désigne la capacité d'agir, de réaliser des actions possibles. Malgré cette distinction, les deux
formes de pouvoir partagent une structure fondamentale et une compréhension commune de la
capacité d'influencer ou d'agir.
Ainsi, le pouvoir se présente comme une notion à la fois multiple dans ses applications et unie dans
son fonctionnement essentiel, nous permettant d'explorer les différentes facettes et les relations
complexes entre les acteurs, les systèmes et les domaines d'exercice du pouvoir.